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mis en distribution

le 28 février 2008


N° 414

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 novembre 2007.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête
sur l’
opération menée par l’ONG « l’arche de Zoé »
sur le
territoire tchadien et sur l’action du ministère des affaires étrangères et du ministère de la défense à cette occasion,

(Renvoyée à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Jean-Paul LECOQ, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Roland MUZEAU et Daniel PAUL,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’ONG Arche de Zoé a mené une opération dite « humanitaire » dont le but était de sauver la vie d’enfants du Darfour. L’ONG Arche de Zoé est connue au Tchad sous le nom de Children Rescue ; son but déclaré auprès les autorités tchadiennes est de porter assistance aux enfants en danger.

L’opération visait à emmener en France des orphelins victimes du conflit du Darfour afin d’être accueillis par des familles françaises. Les responsables de l’ONG avaient prévenu les autorités françaises de leur intention de mener cette opération sur place.

Au Tchad, le groupe chargé de l’opération s’est rendu à l’aéroport d’Abéché pour voir l’avion qui devait amener les 103 enfants, à l’orphelinat mis en place par l’ONG.

Suite à la tentative avortée, neuf Français et sept Espagnols ont été mis en garde à vue à Abéché et postérieurement inculpés du chef d’enlèvement de mineurs et escroquerie. Parmi les inculpés se trouvent des journalistes qui accompagnaient le groupe, eux-mêmes inculpés du chef de complicité.

Cette action parle des dérives du soi-disant droit d’ingérence tant prôné par l’actuel ministre des affaires étrangères lorsqu’il s’agit des pays dominés faibles. Le cas du sauvetage des enfants du Darfour relève de la dérive « humanitariste », sans aucune légitimité et en flagrante contradiction avec toutes les normes de droit international y compris avec les normes de protection des droits humains et du droit des enfants comme le montre le cas présent.

L’opération a suscité des réactions locales comme celles des assistantes sociales tchadiennes présentes sur place : « Les Français ont tenté de voler nos enfants… Le Gouvernement français le savait, les militaires français le savaient, ils sont tous complices. »

Le Président Idriss Déby est intervenu en personne qualifiant l’acte d’enlèvement et affirmant que les responsables devront répondre de leurs actes devant les tribunaux tchadiens. Le président tchadien a également convoqué, en présence des membres des organisations humanitaires internationales et de ministres tchadiens, toutes les représentations diplomatiques, le dimanche 28 octobre à Abéché, pour qu’elles constatent in situ la gravité de la situation.

Pour sa part, l’ambassadeur de France à N’Djamena, M. Bruno Foucher, lors de son déplacement à l’orphelinat où ont été accueillis les 81 garçons et les 22 fillettes âgés de un à dix ans, a déclaré que cet acte est condamné par l’ensemble du Gouvernement français et que les membres de l’association Children Rescue qui ont participé à cette manipulation illégale répondront de leurs actes au Tchad.

En France, le Premier ministre a condamné cette action et la secrétaire d’État aux affaires étrangères et aux Droits de l’Homme a qualifié cette opération avortée d’« illégale et inacceptable ». Elle a également dénoncé des procédés de dissimulation de la part de l’ONG Arche de Zoé.

Selon la secrétaire d’État, une fois arrivés au Tchad en septembre dernier, les responsables de l’Arche de Zoé ont changé le nom de leur organisation pour Children Rescue.

Néanmoins, malgré ce changement, le président de l’Arche de Zoé est arrivé au Tchad en utilisant le nom d’Arche de Zoé.

Le Président de la République a, à son tour, qualifié l’action de l’ONG d’« illégale et d’inacceptable ».

Il faut noter, dans cette affaire, que les militaires français basés à N’Djamena et à Abéché ont apporté leur assistance logistique à Children Rescue. Il est légitime de se demander si cet appui logistique aurait été possible sans un feu vert officiel.

Les explications avancées et les arguments développés par les plus hautes autorités de la République restent vagues et peu convaincants et plusieurs points cruciaux restent sans réponse.

Pourquoi les autorités responsables n’ont pas pris les mesures nécessaires en vue d’empêcher cette opération qui, de toute évidence, pouvait avoir des conséquences sur le plan diplomatique ?

La réponse apportée par le gouvernement consistant à affirmer que les membres de l’ONG sont individuellement et pénalement responsables, n’est pas non plus convaincante.

Les autorités françaises avaient été mises au courant que cette opération allait être menée sur le territoire d’un État étranger par des particuliers nationaux soumis aux lois et règlements dudit État et impliquant des enfants ayant la nationalité d’un État étranger. L’affaire dépassait largement le cadre de la seule application de la loi française, elle impliquait potentiellement l’application du droit international et la possibilité d’un différend international. Plus encore, les autorités françaises ne pouvaient pas ignorer que cette opération pouvait entrer directement en contradiction avec la Convention des droits de l’enfant de 1989 qui établit clairement l’intérêt supérieur de l’enfant comme règle de conduite.

Les autorités françaises ne pouvaient pas ignorer les risques que comporte une telle opération menée hors du territoire national, de même que les possibles conséquences sur le plan diplomatique et sur celui du droit international. En effet, c’est ni plus ni moins la responsabilité internationale de l’État qui est en jeu suite à la méconnaissance d’une obligation de base imposée par le droit international : la diligence due.

La conduite du Gouvernement s’est caractérisée par le manque de transparence et par l’opacité, par des déclarations qui ont désigné les membres de l’ONG Arche de Zoé comme seuls responsables.

La ligne de conduite assumée par le Gouvernement laisse planer le doute sur le rôle joué par le Gouvernement qui se dérobe à ses propres responsabilités. De la même manière, il est douteux que le Gouvernement tchadien n’ait pas disposé d’informations sur l’opération de l’ONG Arche de Zoé sur son territoire. Le groupe envoyé par l’Arche de Zoé est arrivé en territoire tchadien publiquement et les démarches légales en vue de faire sortir les enfants du territoire ont été faites ouvertement.

Le fait que le Gouvernement français ait changé de position et ait décidé d’assister les nationaux français inculpés au Tchad au lieu d’éclairer cette affaire, jette encore plus de confusion.

Les contours et les conditions de la libération des journalistes et des hôtesses de l’air espagnoles – dans une opération menée par le Président de la République – restent également obscurs.

Compte tenu de ces éléments, tenant compte de la nécessité de faire respecter et de défendre les droits des enfants séparés de leurs parents, alors que le Gouvernement nie toute responsabilité et se limite à désigner la responsabilité individuelle des membres du groupe Arche de Zoé, il n’a toujours pas apporté de réponses à plusieurs questions, notamment la participation de militaires français dans l’opération, mais aussi le non respect du Gouvernement de son obligation de diligence qui lui incombe et son comportement de non transparence dans le traitement de cette affaire ; l’ensemble de ces éléments porte à croire que le Gouvernement n’a pas fait toute la lumière et qu’il a fait fi de ses obligations internationales.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est créé une commission parlementaire d’enquête de 30 membres en vue d’examiner l’action du ministère des affaires étrangères et de la défense à cette occasion afin de faire toute la lumière et de délimiter les responsabilités.


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