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mis en distribution

le 13 décembre 2007


N° 471

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2007.

PROPOSITION DE LOI

tendant à renforcer la lutte et la prévention
contre l’
obésité infantile,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Alain SUGUENOT,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Relativement protégée il y a encore quelques années, la France n’échappe plus aujourd’hui à la pandémie de l’obésité. Avec 12,4 % d’adultes obèses, auxquels s’ajoutent 29,2 % de personnes en surpoids, ce sont au total 41 % des français adultes qui sont en surcharge pondérale. Ce fléau n’épargne pas les plus jeunes qui sont 12 % à être obèses, ce qui représente 1,5 million d’enfants.

Au-delà de l’image corporelle, l’obésité a des conséquences graves sur la santé : élévation des graisses dans le sang entraînant de nombreux problèmes cardiovasculaires, insuffisances respiratoires, diabètes de type II, augmentation de la pression artérielle… Pour certaines de ces affections, on a pu quantifier l’augmentation des risques pour la santé. La probabilité d’attaque cérébrale est multipliée par deux dans le cas d’un indice de masse corporel (IMC) supérieur à 30. On calcule également que pour une obésité importante (IMC supérieure à 40), l’espérance de vie est réduite de 10 ans.

Les pathologies liées à l’obésité entraînent des coûts considérables pour les individus et la collectivité. Une étude de la CNAM démontre que, par rapport au reste de la population, les personnes obèses dépensent en moyenne 27 % de plus en soins de ville et 39 % en pharmacie. La Commission européenne estime que les dépenses liées à l’obésité coûtent chaque année entre 75 et 130 milliards d’euros à l’Europe des 15.

Il semble d’autant plus nécessaire d’agir rapidement que l’obésité connaît une forte progression en France, de 5,7 % par an. Cette courbe de progression de l’obésité est comparable à celle observée sur le continent nord-américain il y a trente ans. Cela signifie qu’en l’absence d’un plan d’action coordonné, la France pourrait se retrouver dans la situation des États-Unis qui comptent actuellement 30,6 % d’adultes obèses.

Mais les efforts doivent plus particulièrement se concentrer sur la prévention de l’obésité infantile. En effet, malgré les mesures actuelles de dépistage et de prise en charge, il est difficile d’enrayer l’évolution pour des enfants qui sont déjà en situation de surpoids important. Ainsi, d’après plusieurs études et selon l’âge de l’enfant, la probabilité qu’un enfant obèse le reste à l’âge adulte, est comprise entre 40 % et 70 %.

Les causes de l’obésité sont certes multiples, mais l’alimentation tient un rôle prépondérant. Si l’on veut offrir à chaque enfant des conditions favorables à l’équilibre alimentaire, il est donc indispensable de veiller aussi bien à la qualité nutritionnelle de l’offre alimentaire, qu’à la présentation qui en est faite. Les axes d’actions proposés comprennent donc : la consommation des fruits et légumes, la qualité nutritionnelle des produits transformés, la restauration scolaire, le marketing et la communication publicitaire à destination des enfants.

En effet, si la consommation de produits particulièrement gras et sucrés a explosé au cours des 40 dernières années, celle de fruits frais a baissé de 17 %, et celle des légumes frais s’est effondrée de 40 %. Cette croissance exponentielle de la consommation de produits déséquilibrés s’explique en partie par la promotion excessive de tels produits dans les publicités, particulièrement celles à destination des enfants. En effet, de nombreuses enquêtes convergent pour souligner l’influence de la publicité sur le comportement alimentaire des enfants. Le rôle démontré de la publicité télévisée dans la formation des préférences alimentaires des enfants réclame la mise en place d’un cadre pour protéger les jeunes consommateurs particulièrement influençables. La présente proposition de loi entend donc interdire durant les programmes pour enfants, notion restant à définir par décret, la publicité pour les produits dont la composition alimentaire est incompatible avec les profils nutritionnels fixés par décret après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

Par ailleurs, alors que l’industrie agroalimentaire est en mesure de consacrer de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an à sa communication publicitaire, le budget de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) est de 8 millions, c’est-à-dire 200 fois moins ! Ce budget, sous-dimensionné par rapport aux coûts d’achat d’espaces publicitaires, ne permet donc pas d’assurer la diffusion large que l’on serait en droit d’attendre s’agissant d’un problème de santé publique tel que l’obésité. La présente proposition de loi entend exonérer l’INPES du prix d’achat d’espace pour ses campagnes annuelles d’information concernant les repères du Programme national de nutrition santé (PNNS), lors de leur diffusion sur les chaînes publiques de télévision et de radio, notamment lors des programmes destinés aux enfants.

Les fruits et légumes ont, en outre, peu bénéficié des innovations technologiques, ce qui a contribué à accroître leur désaffection. Face à des produits transformés toujours plus attrayants, il importe, comme le propose la présente proposition, de mettre en place des mesures concrètes pour relancer la recherche et le développement en vue d’améliorer l’attractivité des fruits et légumes. L’idée du présent texte est d’affecter à la recherche technologique et à l’innovation pour les fruits et les légumes une partie substantielle des contributions versées par l’industrie agroalimentaire pour s’exonérer de l’insertion d’un message sanitaire.

L’ampleur de la consommation de produits déséquilibrés s’explique aussi par la promotion de ceux-ci dans les grandes enseignes. Force est en effet de constater que la présence de confiseries aux caisses et de produits trop gras ou trop sucrés en têtes de gondoles jouent indéniablement sur l’alimentation des enfants. Au-delà de la promotion des produits alimentaires déséquilibrés, la présente proposition de loi entend agir sur un autre vecteur de la pratique alimentaire des enfants : la restauration scolaire.

En effet, alors que près de 50 % des élèves déjeunent dans les cantines scolaires, la qualité nutritionnelle des repas servis à la cantine est un élément indispensable à leur équilibre alimentaire. Dans cet esprit, une circulaire du 25 juin 2001 de l’Éducation nationale définit les fréquences de consommation par type d’aliment et des critères nutritionnels. Mais, faute de caractère contraignant, cette circulaire est largement inappliquée. La présente proposition de loi entend rendre obligatoire les actuelles recommandations nutritionnelles pour la restauration scolaire et offrir aux élèves, dans le cadre des programmes scolaires, une formation aux principes élémentaires d’une alimentation équilibrée. Soucieuse de rendre effective une meilleure qualité nutritionnelle des repas servis dans les cantines, la présente proposition de loi entend instituer dans chaque inspection d’académie un poste de diététicien en charge de la surveillance de la qualité nutritionnelle des repas servis dans les cantines des établissements scolaires situés sur le territoire de l’inspection d’académie et un poste dans chaque établissement spécifiquement dédié à l’achat de matières premières.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La troisième partie du code de la santé publique est complétée par un livre IX ainsi rédigé :

« LIVRE IX

« LUTTE CONTRE L’OBÉSITÉ

« TITRE IER

« DISPOSITIONS GÉNÉRALES

« Art. L. 3910–1. – La lutte contre l’obésité est une priorité de la santé publique.

« TITRE II

« DISPOSITIONS RELATIVES À L’INFORMATION
ET À L’ÉDUCATION NUTRITIONNELLE

« Art. L. 3920-1. – Les programmes scolaires définis au sein du code de l’éducation nationale intègrent, dans le cadre des matières déjà enseignées, un enseignement pratique sur les facteurs concourant à l’obésité et les principes d’une alimentation équilibrée.

« Art. L. 3920-2. – Participant à l’équilibre nutritionnel, les produits alimentaires servis dans le cadre de la restauration scolaire doivent être équilibrés, variés et dans des proportions adaptées aux catégories d’élèves fréquentant l’établissement.

« Un décret conjoint du ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de l’enseignement supérieur et du ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, pris dans les deux mois après l’entrée en vigueur de la loi n°          du                    tendant à renforcer la lutte et la prévention contre l’obésité infantile, définit la composition, la fréquence et la qualité nutritionnelle des plats servis dans la restauration scolaire et universitaire.

« Un décret pris après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments fixe le budget matières premières minimal, adapté à chaque catégorie d’élèves et détaillé par catégorie d’aliments, que les établissements scolaires et universitaires doivent respecter.

« Art. L. 3920-3. – Dans chaque inspection d’académie, est institué un poste de diététicien en charge de la surveillance de la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire et de la promotion d’une alimentation saine et équilibrée auprès des élèves des établissements scolaires de l’académie.

« Art. L. 3910-5. - Dans chaque établissement est institué un nouveau poste spécifiquement dédié à l’achat de produits alimentaires, en charge de l’élaboration des cahiers des charges, des autocontrôles au sein de l’établissement et des contrôles à réception des matières premières. Un décret fixe les modalités de formation et l’étendue des missions de ce poste.

« TITRE III

« DISPOSITIONS RELATIVES AUX MESSAGES PUBLICITAIRES EN FAVEUR DES PRODUITS AVEC AJOUT DE SUCRE, DE SEL OU D’ÉDULCORANT DE SYNTHÈSE OU DE PRODUITS ALIMENTAIRES MANUFACTURÉS

« Art. L. 3930-1. – La moitié des ressources de la contribution prévue à l’article L. 2133-1 est affectée à l’amélioration de l’attractivité des fruits et de légumes, au soutien technologique et financier aux filières agricoles ou aux filières de transformation des fruits et légumes.

« Art. L. 3930-2. – La publicité télévisée pour les produits dont la composition alimentaire est incompatible avec les profils nutritionnels fixés par décret après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments est interdite à la télévision durant les programmes pour enfants.

« Un décret fixe les modalités d’application de cet article.

« Art. L. 3930-3. – Les chaînes publiques de télévision et de radio exonèrent l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé du prix d’achat d’espaces pour ses campagnes d’information nutritionnelle.

« TITRE IV

« DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONDITIONS
DE VENTE DE CERTAINS PRODUITS

« Art. L. 3940-1. – Les produits dont la composition alimentaire est incompatible avec les profils nutritionnels fixés par décret après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ne peuvent être présentés en têtes de gondoles ou au niveau des caisses dans les grandes surfaces.

Article 2

Dans la dernière phrase du quatrième alinéa de l’article L. 2133-1 du code de la santé publique, le taux : « 1,5 % » est remplacé par le taux : « 5 % ».

Article 3

Les charges éventuelles engendrées pour l’État par l’application de la présente loi sont compensées par l’augmentation à due concurrence des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. Un décret en Conseil d’État précise les modalités techniques.

Les pertes de recettes pour les sociétés de l’audiovisuel public bénéficiant de recettes publicitaires sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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