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le 20 février 2008


N° 710

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 février 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à promouvoir la laïcité dans la République,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Jean GLAVANY, Yves DURAND, Jean-Marc AYRAULT, François HOLLANDE, Gérard CHARASSE, Christian BATAILLE, Pierre BOURGUIGNON, Mme Annick LEPETIT, M. Henri EMMANUELLI, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Manuel VALLS, Michel MÉNARD, Mmes Frédérique MASSAT, Sandrine MAZETIER, MM. Philippe TOURTELIER, Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Mme Gisèle BIÉMOURET, MM. Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Daniel BOISSERIE, Mme Marie-Odile BOUILLE, M. Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, M. François BROTTES, Mme Danielle BOUSQUET, MM. Alain CACHEUX, Jérôme CAHUZAC, Thierry CARCENAC, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Bernard CAZENEUVE, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, Claude DARCIAUX, MM. Michel DEBET, Pascal DEGUILHEM, Mme Michèle DELAUNAY, MM. Guy DELCOURT, Michel DELEBARRE, Bernard DEROSIER, Marc DOLEZ, René DOSIÈRE, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, M. Jean-Paul DUPRÉ, Mme Odette DURIEZ, MM. Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Mme Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mme Geneviève FIORASO, M. Michel FRANÇAIX, Mme Geneviève GAILLARD, M. Jean GAUBERT, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Joël GIRAUD, Daniel GOLDBERG, Jean GRELLIER, David HABIB, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, M. Christian HUTIN, Mmes Monique IBORRA, Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Jean-Pierre KUCHEIDA, François LAMY, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Mme Annick LE LOCH, MM. Patrick LEBRETON, Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Jean-claude LEROY, Bernard LESTERLIN, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Jean MALLOT, Louis-Joseph MANSCOUR, Mme Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mme Martine MARTINEL, MM. Gilbert MATHON, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Pierre MOSCOVICI, Philippe NAUCHE, Alain NÉRI, Mmes Marie-Renée OGET, Françoise OLIVIER-COUPEAU, MM. Michel PAJON, Christian PAUL, Jean-Luc PÉRAT, Jean-Claude PEREZ, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Sylvia PINEL, Martine PINVILLE, MM. Philippe PLISSON, François PUPPONI, Mme Catherine QUÉRÉ, M. Dominique RAIMBOURG, Mmes Marie-Line REYNAUD, Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. Alain RODET, Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Mme Odile SAUGUES, MM. Christophe SIRUGUE, Pascal TERRASSE, Mme Marisol TOURAINE, MM. Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Michel VAUZELLE, Michel VERGNIER, André VÉZINHET, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

___________________________

(1)  Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Mme Delphine Batho, M. Jean-Louis Bianco, Mme Gisèle Biemouret, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Christophe Bouillon, Mme Monique Boulestin, M. Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur,

MM. Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mmes Catherine Coutelle, Pascale Crozon, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, MM. Michel Debet, Pascal Deguilhem, Mme Michèle Delaunay, MM. Guy Delcourt, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Mme Corinne Erhel, MM. Laurent Fabius, Albert Facon, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mmes Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, M. Pierre Forgues, Mme Valérie Fourneyron, MM. Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Mme Geneviève Gaillard, MM. Guillaume Garot, Jean Gaubert, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Mme Pascale Got, MM. Marc Goua, Jean Grellier, Mme Élisabeth Guigou, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. François Hollande, Mmes Sandrine Hurel, Monique Iborra, M. Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Mme Annick Le Loch, M. Patrick Lemasle, Mmes Catherine Lemorton, Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Mmes Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, MM. Jean-René Marsac, Philippe Martin, Mmes Martine Martinel, Frédérique Massat, MM. Gilbert Mathon, Didier Mathus, Mme Sandrine Mazetier, MM. Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Mmes Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, M. Michel Pajon, Mme George Pau-Langevin, MM. Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Philippe Plisson, François Pupponi, Mme Catherine Quéré, MM. Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Mme Odile Saugues, MM. Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Mme Marisol Touraine, MM. Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, Mme Françoise Vallet, MM. André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.

(2)  Mme Chantal Berthelot, MM. Guy Chambefort, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Mme Annick Girardin, MM. Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Albert Likuvalu, Mmes Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Martine Pinville, M. Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Marcel Rogemont et Mme Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il y a trois ans, en 2005, la République a commémoré le centenaire de la loi du 9 décembre 1905 dite « loi de séparation des églises et de l’État ».

Cette grande loi est à la fois :

– une loi de liberté puisqu’elle protège une liberté individuelle fondamentale qui est la liberté de conscience ;

– une loi d’égalité puisqu’elle place toutes les convictions spirituelles sur un pied d’égalité : croyants des divers cultes, humanistes athées ou agnostiques jouissent des mêmes droits ;

– une loi de fraternité puisqu’elle constitue le fondement du « vivre ensemble » dans la République avec toutes nos différences, dans le respect de nos différences, mais sans jamais que l’une de ces différences ne dicte sa loi aux autres.

Cette loi participe à la définition de la laïcité, qui est non seulement un combat permanent non pas contre les religions mais contre les intégrismes, pour le libre arbitre, l’esprit critique et l’esprit de rationalité, mais qui est aussi l’idéal d’un monde commun à tous au-delà de nos différences.

Cette commémoration a montré la permanence de la valeur de laïcité, qui a toujours besoin d’être explicitée, concrétisée, traduite dans les faits et diffusée.

Près de trois ans après cette commémoration, le débat sur la laïcité vient de subir, coup sur coup, plusieurs coups de boutoir de la part du Président de la République qui, d’abord à l’université de Constantine lors de son voyage en Algérie le 5 décembre 2007, puis dans son discours du Latran lors de son voyage au Vatican le 20 décembre 2007 et, enfin, en Arabie Saoudite en janvier 2008, a tenu des propos qui viennent clairement en violation de plusieurs principes républicains et constitutionnels.

Oui, nous osons le dire, violation de la Constitution quand le Président, qui devrait être le Président de tous les Français, se prononce en tant que chrétien, au nom des chrétiens, et non pas « au nom du peuple français ».

Négationnisme d’une grande partie de notre histoire quand, au lieu de citer les « racines chrétiennes de la France » – ce que nul ne contestera –, il ose évoquer « les racines essentiellement chrétiennes » qui raisonnent comme une insulte pour tous ceux qui, athées ou agnostiques, inventeurs de la philosophie des Lumières ou de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, humanistes de tous bords, n’en ont pas moins fait la France.

Négationnisme qui fait, a posteriori, de la lecture de la lettre de Guy Môquet dans les écoles, une opération politicienne aussitôt oubliée. Ce jeune résistant communiste ne bravait-il pas la mort au nom d’une espérance nommée « liberté » ?

Négationnisme de notre histoire quand il présente cette grande loi républicaine de 1905 comme une loi de violence (et même de « fanatisme » !...) sans un mot sur les drames épouvantables provoqués pour l’humanité par les fanatismes religieux des croisades au 11 septembre 2001 en passant par les guerres de religion et la Saint-Barthélemy.... Faut-il aussi rappeler qu’hier comme aujourd’hui de nombreuses femmes subissent des contraintes intolérables fondées sur une conception intransigeante de la religion, une conception selon laquelle la loi de Dieu prévaut sur la loi républicaine, une conception qui, quelles que soient les religions selon les époques, oblige les femmes à se conformer pour être tolérées.

Violation de la loi de 1905 de « séparation des églises et de l’État » puisque le Président de la République s’accapare le droit de hiérarchiser les options spirituelles, allant même jusqu’à accorder un privilège et une supériorité spirituels au curé sur l’instituteur !

Oui, ces discours sont inquiétants, menaçants. Tout indique qu’il va falloir, à nouveau, défendre la laïcité contre ces menaces. Nous, socialistes, ne délaisserons pas ce combat.

Un combat qui ne doit pas être laissé à ceux qui, de fait, n’ont qu’une obsession : revenir en arrière, remettre en cause ce grand pilier du pacte républicain. Il en va ainsi de ceux qui veulent remettre en cause la loi de 1905 ou bien qui plaident que le religieux vienne en aide à la République quand celle-ci n’assume plus sa mission dans nos banlieues.

Ce combat doit être mené par les laïcs, ceux qui veulent que cette belle valeur ne soit pas seulement défendue mais d’abord et avant tout promue. Pour cela, plutôt que d’en rester à des théories parfois un peu abstraites, c’est à eux de traduire la laïcité au quotidien dans des propositions concrètes.

Tel est le but de la présente proposition de loi qui comporte trois titres regroupant, pour chacun, un certain nombre de ces propositions concrètes :

– la laïcité dans la société ;

– la laïcité dans les services publics ;

– la laïcité à l’école.

I.  La laïcité dans la société

L’article 1er crée un « Observatoire national de la laïcité ». Placé auprès du Premier ministre, composé d’universitaires, de chercheurs, d’historiens, philosophes, sociologues, cet Observatoire aurait pour mission d’alimenter le débat public en travaux de recherche sur la laïcité, de rendre des avis – sur saisie du Gouvernement, du Parlement ou sur autosaisine – sur les problèmes d’actualité soulevés par l’application du principe de laïcité et de répondre aux interrogations des particuliers sur le contenu exact de ce principe.

Si l’on se réfère au travail réalisé publiquement par la « commission Stasi » en 2003, cet Observatoire serait une « commission Stasi permanente » ou bien une transposition au niveau de l’État de ce que le Parti socialiste a mis en place depuis quelques années avec son « Université permanente de la laïcité ».

L’article 2 propose que l’Observatoire national de la laïcité élabore une « Charte de la laïcité ».

Cette Charte retrace l’histoire du principe de laïcité et, surtout, présente les conséquences concrètes qu’il entraîne pour l’organisation de la société et sur le contenu de la citoyenneté. Cette Charte ferait l’objet de prestations de serment solennelles en mairie lors de l’accès à la majorité et de l’accès à la nationalité française. Une fois élaborée, il appartiendra au pouvoir exécutif et/ou au pouvoir législatif, qui seuls peuvent fixer l’ordre du jour des assemblées parlementaires, de soumettre cette Charte à l’approbation du Parlement.

L’article 3 traite du statut particulier d’Alsace-Moselle. La réaffirmation de la laïcité se conjugue mal avec ce statut. Dans l’attente de son abrogation pure et simple, qui pour être souhaitable, risquerait d’être mal comprise si elle n’était pas effectuée de façon progressive et expliquée, un aménagement paraît nécessaire. On doit, notamment, assurer la population que ne seraient pas affectés les droits sociaux dont elle bénéficie, et qui servent trop souvent de prétexte au maintien du concordat, alors qu’ils ne lui sont pas liés juridiquement.

La pratique actuelle qui oblige les parents à effectuer une demande spécifique pour que leurs enfants soient dispensés de l’enseignement religieux, pourrait être modifiée. Il suffirait qu’un formulaire soit remis en début d’année scolaire aux parents afin qu’ils répondent positivement ou négativement à cette offre de cours. De même, l’enseignement de la religion musulmane doit être proposé aux élèves, au même titre que celui des autres religions.

Dans le même esprit, il est souhaitable que, dès maintenant, soient enlevés les symboles religieux apposés dans les établissements scolaires publics, selon un processus soucieux de ne pas heurter, accompagné d’explications indiquant que ce n’est pas faire violence à la référence religieuse que de considérer qu’elle n’engage que certains croyants, et ne doit donc pas s’imposer dans des lieux qui accueillent d’autres types de croyants, ainsi que des athées et des agnostiques.

L’article 4 instaure un service civique obligatoire qui relève de l’application vivante du principe de laïcité. Ce principe fonde le « vivre ensemble » dans la République, dans le respect de nos différences, sans jamais que l’une ne dicte sa loi aux autres. Le service civique obligatoire de 6 mois, pour tous les jeunes garçons et toutes les jeunes filles, rétablira le nécessaire brassage social, la confrontation aux différences et l’apprentissage de la citoyenneté faite de droits et de devoirs.

Ce service civique serait consacré à des missions d’intérêt général dans les domaines suivants : accompagnement scolaire, aide aux personnes âgées, actions humanitaires, actions en faveur de l’environnement. Il pourrait se dérouler au sein de l’éducation nationale, des hôpitaux, des maisons de retraite, des associations agréées à cette fin, de l’armée, de la police ou des services d’incendie et secours, en France ou dans les pays en voie de développement, afin que ces jeunes garçons et ces jeunes filles consacrent une période de leur vie à rendre des services d’utilité collective.

L’article 5 renforce les pouvoirs de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et les exclusions (HALDE). L’application du principe de laïcité, respect des différences, est indissociable de la lutte contre les discriminations. Il est proposé que la HALDE statue de façon publique sur les faits portés à sa connaissance et puisse interroger toute personne physique et morale de droit privé, comme c’est le cas actuellement, mais aussi de droit public.

L’article 6 prévoit que dans les entreprises, après négociation entre les partenaires sociaux, les chefs d’entreprise puissent réglementer les tenues vestimentaires et le port de signes religieux, pour des impératifs tenant à la sécurité, aux contacts avec la clientèle, à la paix sociale à l’intérieur de l’entreprise.

L’article 7 permet de faire une place aux humanismes, athée et agnostique, comme option spirituelle à part entière. Les grandes religions bénéficient d’une retransmission télévisée régulière. Il paraît opportun de proposer à ces différentes opinions un créneau horaire équivalent, à l’instar de la pratique courante en Belgique.

L’article 8 permet de prendre en compte les exigences religieuses en matière funéraire. La laïcité ne peut servir d’alibi aux autorités municipales pour refuser que des tombes soient orientées dans les cimetières. Il est souhaitable que le ministère de l’intérieur invite au respect des convictions religieuses, notamment à l’occasion de l’expiration des concessions funéraires. En liaison avec les responsables religieux, la récupération des concessions doit se faire dans le respect des exigences confessionnelles, avec un aménagement des ossuaires adapté. Les collectivités pourraient se doter de comités d’éthique afin de permettre un dialogue avec les différentes communautés religieuses, et de régler les difficultés susceptibles de se poser.

II.  La laïcité dans les services publics

Les articles 9 et 10 traitent de l’application du principe de laïcité à l’hôpital. En mars 2002, le législateur a attribué aux malades des droits fondamentaux pour une véritable démocratie sanitaire. Cette avancée législative doit être accompagnée de l’affirmation pour les malades du respect des principes de laïcité. À l’hôpital, personne ne doit refuser d’être pris en charge par tel ou tel membre du personnel soignant en invoquant notamment des raisons religieuses. Il est indispensable de définir les obligations des patients à l’égard des agents qui interviennent dans les établissements de soins. Le respect des obligations sanitaires, des règles indispensables au bon fonctionnement du service public, doit être complété par l’interdiction de récuser un agent.

L’article 11 traite de l’obligation de réserve des fonctionnaires. Depuis le début du XXe siècle, la jurisprudence constante du Conseil d’État impose aux agents publics la plus stricte neutralité. Elle n’a, jusqu’à présent, jamais fait l’objet d’une consécration législative. Il serait opportun de transcrire dans le statut général des trois fonctions publiques le respect de la neutralité du service auquel sont tenus les fonctionnaires et les agents non titulaires de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Le texte d’application de cet article devra prévoir en particulier dans quelles limites les fonctionnaires d’autorité peuvent porter leur tenue officielle dans les cérémonies religieuses.

La loi de 1905 précise que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte », c’est-à-dire, concrètement, que tous les cultes doivent être placés sur un plan d’égalité. Or, tel n’est pas le cas. Dans de nombreux domaines, les cultes et les humanismes athée et agnostique ne sont pas représentés de la même façon au sein des services publics.

L’article 12 propose que soit généralisée, en particulier dans les hôpitaux et les prisons, la présence de lieux permettant la reconnaissance et l’exercice de l’ensemble des opinions philosophiques et religieuses.

L’article 13 met en œuvre la même disposition pour l’armée.

III.  La laïcité à l’école

Dans le système éducatif, nous proposons un certain nombre de mesures concrètes afin que la pédagogie de la laïcité soit vécue au quotidien par les élèves. Pour cela, il faut commencer par mieux former les enseignants à la laïcité. C’est ainsi que l’article 14 propose que dans les IUFM deux modules d’enseignement, l’un sur la philosophie de la laïcité et les valeurs de la République, l’autre sur l’enseignement du fait religieux et la déontologie laïque, soient proposés et généralisés pour l’ensemble des maîtres, en formation initiale et continue.

Il faut ensuite initier les élèves. L’article 15 propose que ces enseignements soient intégrés dans les programmes obligatoires d’enseignement des premier et second degrés, en même temps que devra y figurer un enseignement des « humanités » (connaissance des mythologies fondatrices du monde grec, latin et oriental, des humanismes de la Renaissance, du siècle classique, des Lumières...). L’initiation à de telles approches doit se garder en effet de tout privilège accordé à un type de croyance, comme de tout ethnocentrisme.

L’article 16 prévoit que tout établissement scolaire doit comporter sur son fronton la devise de la République : « Liberté, égalité, fraternité ».

Des élèves ne peuvent être systématiquement dispensés d’aller en cours pour des raisons religieuses. Les dispenses de cours pour éviter d’aller à la piscine ou au gymnase sont trop souvent indûment accordées. Pour mettre fin à ces certificats de complaisance, l’article 17 prévoit que les dispenses médicales doivent être impérativement délivrées par la médecine scolaire ou, à défaut, par des médecins agréés par l’État.

Le préambule de la Constitution de 1946 consacre le principe selon lequel « l’organisation de l’enseignement public, gratuit et obligatoire à tous les degrés, est un devoir de l’État ». Or, force est de constater que cette obligation constitutionnelle n’est pas totalement respectée. En effet, dans certaines communes rurales, les familles sont contraintes de scolariser leurs enfants dans des établissements privés sous contrat d’association, du fait de l’absence d’école publique.

Il faut donc rappeler clairement, qu’à terme, l’objectif général d’un État laïque authentique doit être de remédier à de telles carences en développant un réseau d’écoles publiques maillant tout le territoire national et permettant à toutes les familles qui le souhaitent d’y scolariser leurs enfants. Il importe, en l’occurrence, de considérer que l’école n’est pas un service public comme les autres et que l’instruction laïque, prévue par Condorcet pour fonder la citoyenneté éclairée, n’est pas une « prestation » comme une autre. Le caractère public et laïque de l’école de la République n’est pas une simple option facultative, mais une exigence à laquelle on ne saurait renoncer.

Le rapport de la commission Stasi pointait la carence de l’État en matière d’offre d’enseignement public dans de trop nombreuses communes, et appelait un effort pour y remédier. C’est pourquoi les socialistes proposent un plan pluriannuel de résorption de ce déficit. À cette fin, en dérogation des lois de décentralisation, l’État prend en charge le financement de la construction des écoles publiques dans les communes.

L’article 18 définit les modalités d’intervention de l’État en complétant le premier alinéa de l’article L. 212-2 du code de l’éducation. L’État se substitue ainsi à la commune afin de résorber le déséquilibre en matière d’écoles publiques.

Enfin, l’article 19 propose l’abrogation de l’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales qui impose aux communes de financer les écoles privées sous contrat d’association pour les enfants des familles résidantes de ces communes. Cet article a ouvert la voie à une remise en cause fondamentale des équilibres de financement entre les écoles publiques et les établissements privés d’enseignement.

PROPOSITION DE LOI

TITRE IER

LA LAÏCITÉ DANS LA SOCIÉTÉ

Article 1er

Il est créé un Observatoire national de la laïcité, organisme rattaché au Premier ministre, ayant pour mission de promouvoir le principe de laïcité, notamment le respect de la diversité des options spirituelles et des confessions de chacun et la garantie de la liberté de conscience.

La composition de l’Observatoire national de la laïcité est fixée par décret en Conseil des ministres.

Article 2

L’Observatoire national de la laïcité prévu à l’article 1er propose une Charte de la laïcité définissant les droits et les obligations de chacun.

Cette Charte de la laïcité prendra la forme d’un document qui sera remis individuellement lors de la remise de la carte d’électeur, la formation initiale des agents du service public, la rentrée des classes des élèves de l’enseignement secondaire, la signature d’un contrat d’accueil ou l’acquisition de la nationalité française.

Ce document, sous forme d’affiche, sera apposé dans les lieux publics concernés.

Article 3

Le 13° de l’article 7 de la loi du 1er juin 1924 est complété par les mots : « sous réserve des aménagements au statut scolaire local en vigueur dans les établissements scolaires du premier degré dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, portant en particulier sur le régime de l’enseignement religieux, qui seront fixés par décret en Conseil des ministres. »

Article 4

Il est créé un service civique pour tous les jeunes Français, filles et garçons. Les jeunes de nationalité étrangère et résidant régulièrement sur le territoire français pourront y participer sur la base du volontariat.

Ce service est consacré à des missions d’intérêt général. Il est effectué entre dix-huit et vingt-cinq ans pour une durée obligatoire de six mois.

Il comporte deux périodes consacrées, l’une, à un stage théorique et, l’autre, à une mise en pratique, qui sera l’occasion de confronter à la réalité les apprentissages de base fournis au cours du stage théorique.

Cette période ouvre droit, dans des conditions définies par décret, à validation des acquis de l’expérience professionnelle et au versement d’une indemnité.

Le service civique peut s’effectuer notamment dans les domaines suivants : action humanitaire, coopération, solidarité nationale, prévention de l’exclusion, éducation, environnement, sécurité civile.

Article 5

La loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité est ainsi modifiée :

1° Avant le dernier alinéa de l’article 2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le collège statue publiquement. »

2° Dans le deuxième alinéa de l’article 5, les mots : « de droit privé » sont supprimés.

Article 6

Dans les deux mois qui suivent la promulgation de la présente loi seront ouvertes des négociations interprofessionnelles afin de garantir l’application des principes guidant la mission de l’Observatoire national de la laïcité au sein des entreprises, en veillant à leur compatibilité avec les règles relatives à l’hygiène et la sécurité sur les lieux de travail.

Article 7

Le premier alinéa de l’article 13 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complétée par les mots : « et celles qui traitent du sujet philosophique et religieux ».

Article 8

Les communes veillent au bon entretien des terrains de sépulture dans les cimetières et des monuments funéraires dans le respect des convictions exprimées et de la liberté de conscience, notamment à l’expiration des concessions funéraires.

TITRE II

LA LAÏCITÉ DANS LES SERVICES PUBLICS

Article 9

L’article L. 1110-3 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle ne peut récuser les agents qui l’accueille ou lui dispense les soins. »

Article 10

Le deuxième alinéa de l’article L. 1112-2 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les patients sont informés qu’ils ne peuvent récuser les agents qui les accueillent ou leur dispensent les soins. »

Article 11

Après le premier alinéa de l’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les fonctionnaires sont tenus à l’obligation de réserve. La nature et l’étendue de cette obligation sont notamment fonction de la place du fonctionnaire dans la hiérarchie de l’administration dont il est membre. Le juge administratif apprécie les limites au droit d’expression ainsi apportées aux fonctionnaires. »

Article 12

L’exercice de l’ensemble des opinions philosophiques et religieuses est reconnu et assuré dans les établissements publics tels que les écoles, collèges, lycées, hôpitaux et prisons.

Article 13

L’article L. 4121-2 du code de la défense est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Des moyens spécifiques permettent la reconnaissance et l’exercice de l’ensemble des opinions philosophiques et religieuses. »

TITRE III

LA LAÏCITÉ À L’ÉCOLE

Article 14

Après l’article L. 721-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 721-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 721-1-1. – Les instituts universitaires de formation des maîtres proposent, dans le cadre de la formation professionnelle initiale et continue, l’enseignement de la philosophie de la laïcité, des valeurs de la République et du fait religieux. »

Article 15

Après l’article L. 312-15 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 312-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 312-15-1. – L’enseignement de la philosophie de la laïcité et des valeurs de la République, du fait religieux et de son histoire doit être organisé et est inclus dans les programmes d’enseignement des premier et second degrés. »

Article 16

La devise de la République doit être apposée sur la façade de tout établissement scolaire.

Article 17

Après l’article L. 131-8 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 131-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-8-1. – Les dispenses pour les cours d’éducation physique et sportive sont délivrées uniquement par les médecins scolaires ou par les médecins agréés par l’éducation nationale. »

Article 18

Après l’article L. 212-2 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 212-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 212-2-1. – L’État prend en charge le financement de la construction des écoles élémentaires publiques pour assurer le respect des conditions du premier alinéa de l’article L. 212-2. »

Article 19

L’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.

Article 20

Les charges résultant de l’application de la présente loi sont compensées pour l’État par la création à due concurrence d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges résultant de l’application de la présente loi sont compensées pour les collectivités territoriales par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement, pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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