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le 19 juin 2008


N° 937

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juin 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à modifier la législation relative à la publicité
sur les
boissons alcoolisées,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Philippe Armand MARTIN,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’actualité juridique récente vient de souligner une nouvelle fois les problèmes posés par le code de la santé publique, qui dans la lecture rigoureuse qu’en font les tribunaux, porte gravement atteinte à la liberté d’information des journalistes et à la liberté d’expression des intellectuels et artistes d’une part ; à la possibilité pour les producteurs et distributeurs de boissons alcoolisées d’utiliser le média incontournable que constitue aujourd’hui l’Internet d’autre part.

Une adaptation technique de la loi sur ces deux points apparaît désormais incontournable et urgente.

La notion de publicité n’est pas définie dans le chapitre consacré à la publicité des boissons alcoolisées du code de la santé publique. Il a donc appartenu aux juges, au cours des quinze dernières années, de préciser les contours de cette notion aux fins de l’application des dispositions de ce code en matière de publicité sur les boissons alcoolisées. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’est intervenu l’arrêt de la Cour de cassation en date du 3 novembre 2004 donnant une définition très extensive de la notion de publicité :

« Qu’en effet, on entend par publicité illicite au sens des articles L. 3323-2, L. 3323-3 et L. 3351-7 du code de santé publique, tout acte en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article ayant pour effet, quelle qu’en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique sans satisfaire aux exigences de l’article L. 3323-4 du même code. »

Le 20 décembre 2007, le quotidien Le Parisien a ainsi été condamné pour un dossier rédactionnel sur le succès économique et commercial du Champagne, considéré par le juge comme une publicité illicite.

Cela implique que toute évocation du nom d’une boisson alcoolisée, y compris celles qui portent un nom géographique, constitue une publicité. Une application stricte de cette situation ne permettrait plus, par exemple, d’évoquer un vin lors de la présentation d’une recette culinaire alors même que la France souhaite inscrire sa gastronomie au patrimoine mondial de l’Unesco ! Ou encore toute information sur les performances économiques d’un produit, d’une marque ou d’une appellation se devrait d’être encadrée par la loi dite Evin. Cette situation absurde doit être clarifiée.

En l’absence de définition légale de la publicité, quel que soit le produit envisagé, il est revenu à la Cour de Cassation de préciser les contours de la notion (cf. notamment Cass. crim. 12 novembre 1986). Quel que soit le produit envisagé, deux éléments principaux semblent caractériser la notion de publicité : la finalité du message (promotion d’un produit) et la destination du message (promotion vis-à-vis du public). Enfin, un troisième critère, celui de l’achat d’espaces publicitaires est retenu dans certains textes proposant une définition de la publicité. Par exemple, le décret sur la publicité audiovisuelle dispose que « constitue une publicité toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération ou autre contrepartie… » (Article 2 du décret de 1992 sur la publicité, le parrainage et le télé-achat).

On retiendra en particulier que le Conseil d’État a proposé d’ériger « l’existence d’une contrepartie » en critère de publicité (cf. rapport du Conseil d’État de 1998 « Internet et réseaux numériques »).

La publicité constitue en effet une prestation de services qui, par nature, revêt un caractère commercial, onéreux et délibéré, qu’elle soit directe ou indirecte. Cette prestation de services suppose donc une contrepartie, financière ou revêtant une valeur d’usage, permettant de distinguer la publicité de l’information gratuite et fortuite.

Par ailleurs, l’émergence d’Internet, en révolutionnant le monde de la communication, pose de nouvelles questions de droit. Parmi elles figure celle de la publicité en faveur des boissons alcoolisées sur Internet. En effet, la Loi Evin de 1991 qui énonce de manière limitative les supports autorisés pour la publicité sur les produits alcoolisés, ne mentionne pas Internet. L’absence de référence à Internet sur la liste des supports autorisés n’est pas le fruit de la volonté délibérée du législateur mais la simple résultante du fait que l’accès au Web ne s’est généralisé qu’après la promulgation de la loi. De fait, le législateur ne s’est jamais prononcé pour une interdiction de publicité pour les boissons alcoolisées sur le support Internet.

Ainsi cet article autorise l’envoi par les producteurs de « messages ». L’examen des travaux parlementaires précédant l’adoption de la loi montre que le législateur y incluait les « messages adressés par Minitel à condition que les dispositions sur le contenu des messages soient respectées » (Sénat – Journal officiel du 13 décembre 1990 page 5060).

C’est pourquoi dans son rapport « Internet et les réseaux numériques » adopté en juillet 1998, le Conseil d’État pensait « raisonnable » d’estimer que l’interdiction de publicité ne vaut pas pour les services en ligne, mais selon lui cette interprétation « gagnerait à une consécration législative ».

Pourtant, le 8 janvier 2008 (jugement en référé confirmé en appel le 13 février 2008), la société Heineken est condamnée pour son site Internet. Interprétant strictement la loi Evin, le juge confirme que Internet ne figure pas parmi les supports autorisés à la publicité, et précise « qu’il n’appartient pas au juge de statuer en fonction de la loi à faire, sauf à empiéter sur la compétence du Parlement ».

Afin d’assurer une meilleure sécurité juridique des entreprises du secteur concerné, il incombe aujourd’hui au législateur de confirmer l’autorisation de communiquer via les techniques de communication en ligne ayant succédé aux moyens disponibles au moment de l’adoption de la loi Evin.

Une clarification législative permettrait de protéger les sociétés françaises des potentielles distorsions de concurrence vis-à-vis des pays tiers qui pourraient lancer des campagnes depuis des sites étrangers soumis à des législations autorisant les communications par Internet.

Le Web est un moyen d’échange à l’échelle du monde. En confirmant l’interdiction de la publicité pour les boissons alcoolisées sur Internet, la France s’exposerait à des risques de contentieux avec les pays étrangers, notamment au sein de l’Union Européenne, en raison des effets extraterritoriaux d’une telle interdiction.

Le fait d’autoriser clairement la communication des sites de ce secteur d’activité dans le cadre de la loi Evin présente le double avantage :

– de mettre à l’abri la France d’un imbroglio juridique inextricable ;

– tout en préservant les principes de santé publique inscrits dans notre réglementation.

Par ailleurs, la vente de vin et de boissons alcoolisées à l’exportation tient une place importante dans la balance commerciale du pays. La France ne peut se fermer un outil de promotion d’une telle envergure qu’Internet, alors que dans le même temps, les sites Web des producteurs étrangers (de vins notamment) sont accessibles à tous les consommateurs sans restriction.

Il convient à cet égard de souligner que les grands gagnants d’une telle adaptation de la loi seront les petits exploitants pour lesquels Internet est le seul moyen de faire connaître leurs produits à l’échelle du monde.

En outre, le tourisme est le secteur économique qui génère le plus de revenus en France. La France peut difficilement renoncer à la promotion d’éléments majeurs de son image à l’étranger, le vin et les boissons alcoolisées, vantés sur les sites des collectivités territoriales, des offices de tourisme, des Maisons de la France, des comités régionaux et départementaux du tourisme, ainsi que sur de nombreux sites officiels de l’État… Le savoir-faire français dans ce domaine contribue au rayonnement de la France dans le monde. Il semble difficile de s’abstenir de mentionner ces produits lors de la promotion des terroirs et de la richesse du patrimoine français.

L’adaptation de la loi Evin permettra par conséquent aux producteurs de boissons alcoolisées de poursuivre leur développement économique tant en France qu’à l’exportation, tout en respectant les objectifs de santé publique poursuivis par le gouvernement français.

En effet, par le jeu de cette précision incluse dans la loi Evin, le contenu des messages publicitaires utilisés sur les sites français devra notamment être conforme à l’article L. 3323-4 du code de la santé publique.

Dans la même volonté de respecter les grands principes sanitaires français, les producteurs de boissons alcoolisées excluent notamment toute publicité pour les produits alcoolisés sur les sites destinés aux mineurs.

Tel est l’objet de cette proposition de loi que je vous propose d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1

Après le 8° de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, il est inséré un 9° ainsi rédigé :

« 9° Par voie de communication au public en ligne à l’exclusion des sites de l’Internet destinés à la jeunesse, au sens du premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ».

Article 2

L’article L. 3323-2 du code de la santé publique est ainsi complété :

« Sans préjudice des alinéas précédents, ne constituent pas une propagande ou une publicité au sens du présent article et des articles L. 3323-3, L. 3323-4 et L. 3351-7 du présent code les actes ou messages ne faisant l’objet d’aucun paiement ou contrepartie financière. »


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