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le 31 octobre 2008


N° 1071

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2008.

PROPOSITION DE LOI

relative à la taxation du kérosène et des billets d’avion
dans le Nord-ouest de l’Europe,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Yves COCHET, Mme Martine BILLARD,
MM. 
Noël MAMÈRE et François de RUGY,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien ont augmenté de 87 % depuis 1990. L’association France Nature Environnement estime que le transport aérien est responsable d’environ 3,5 % de l’impact des activités humaines sur le changement climatique. Ce chiffre est en complète contradiction avec le plan de réduction des gaz à effet de serre de l’ordre de 8 %, prévu par le protocole de Kyoto et encore plus avec le dernier programme climatique de l’Union européenne présenté en janvier 2008 par José Manuel Barroso. Il s’agit désormais de réduire de 20 % les émissions de gaz à effets de serre à l’horizon 2020. Dans l’Europe du Nord-Ouest – incluant la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, la Belgique, et les Pays-Bas la part du transport aérien dans le taux de gaz à effets de serre est de plus de 10 %.

Or les compagnies aériennes proposent des prix discount records incitant à voyager toujours plus loin et plus souvent. Des firmes comme Ryanair ou Easyjet s’enrichissent de nouvelles destinations et fidélisent leur clientèle par des vols à prix réduits permanents. Si les Européens continuent à considérer comme normal, banal et légitime de prendre l’avion si facilement, les objectifs communautaires ne seront jamais atteints. Afin d’éveiller les consciences, il convient de sanctionner les prix des vols pour indiquer économiquement et symboliquement que le transport aérien a un coût non seulement financier, mais aussi environnemental et social.

Les effets de la pollution atmosphérique en altitude sont difficilement chiffrables et le calcul de l’impact exact n’est pas encore établi ; néanmoins, il a été attesté que la Terre subit actuellement un réchauffement accéléré. Il est essentiel de rompre avec l’immobilisme à ce sujet en s’attaquant au transport aérien. Les politiques de régulation en place ne sont que très faiblement efficaces. Le système communautaire d’échange de quotas d’émissions n’apporte qu’un très relatif secours. Une analyse réalisée par l’Union européenne montre que le trafic aérien n’est quasiment pas affecté : 133 % entre 2005 et 2020, au lieu de 138 %, du fait que le secteur de l’aviation achèterait en grand nombre les droits d’émissions de l’industrie.

La récente hausse des prix du pétrole, avec le pic des 100 dollars le baril franchi le 2 janvier 2008, vient confirmer le besoin de limitation du trafic aérien. Le kérosène est amené à se raréfier, et à devenir par conséquent de plus en plus coûteux. En fixant une taxe élevée nettement dissuasive, cette proposition de loi tend à renforcer le principe du pollueur-payeur. L’augmentation du coût du kérosène contribuera à augmenter le coût des émissions de CO2. Elle encouragera donc à réduire ses émissions de gaz à effets de serre. En ciblant les vols intérieurs et intra-communautaires, cette taxe porte sur les lignes aériennes directement en concurrence avec les lignes de train à grande vitesse. Cette taxation stimulera donc le report modal en faveur du ferroviaire.

Le 23 novembre 2005, le gouvernement français a approuvé la mise en vigueur d’une taxe de solidarité internationale sur les billets d’avion. Cette initiative défendue par Jacques Chirac lors du sommet du G8 de Gleneagles au mois de juillet 2005, n’a pas obtenu beaucoup de soutien sur la scène mondiale, et jusqu’à présent, elle avait surtout suscité de très vives oppositions de la part des opérateurs du secteur aérien et touristiques. Les montants escomptés à l’issue de la mise en application de cette taxe étaient bien inférieurs aux besoins réels, mais cette mesure avait surtout pour but d’inciter les pays partenaires à mettre en place un dispositif similaire.

Cette taxe a été prévue dans la loi de finances rectificative pour 2005 à l’article 221. Cette loi avait pour but de réaliser les « objectifs du millénaire pour le développement ». Depuis le 1er juillet 2006, la taxe de solidarité sur les billets d’avion s’applique à tous les billets d’avions émis en France. La loi du 30 décembre 2005 fixe des plafonds de taxation, le montant exact de la taxe a été ensuite fixé par décret. Pour les vols à destination de l’Espace Économique Européen (EEE) – intégrant l’Union européenne, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège – le plafond s’élève à 1 euro en classe économique et à 4 euros pour les autres classes. Concernant les vols internationaux hors Espace Économique Européen, le plafond a été fixé à 10 euros en classe économique et à 40 euros pour les autres classes.

Le Président Chirac avait à l’époque mis en avant le bienfondé de cette mesure en invoquant l’aide à la lutte contre la pauvreté et le traitement du sida dans les pays du Sud. Lors des débats vifs qu’a engendrés cette proposition, l’enjeu environnemental ne fut pas abordé. Cette première taxe était strictement conçue pour financer la politique de développement de la France dans les pays du Sud. Il convient d’en créer une seconde spécifiquement axée sur la lutte contre le dérèglement climatique et dont les sommes récoltées seraient réinvesties au profit du secteur ferroviaire et de la recherche scientifique sur les méfaits de la pollution sur l’environnement.

En novembre 2007, la branche hollandaise de l’association écologiste les Amis de la Terre appelée « Milieudefensie » a été à l’initiative d’une grande pétition européenne intitulée « la déclaration d’Anvers » visant à instituer une TVA sur les billets d’avion dans le but de sanctionner les dépenses en carburant. Une conférence de presse a eu lieu dans un train reliant Schipol (aéroport d’Amsterdam) à Bruxelles réunissant journalistes et acteurs du monde politique de plusieurs nations d’Europe de l’Ouest. Les taxes sur le kérosène sont plus efficaces quand elles s’exercent dans un domaine suffisamment étendu possédant de bonnes connexions ferroviaires. C’est le cas avec le Benelux, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. C’est la raison pour laquelle cette zone a été choisie comme « région témoin », initiatrice d’un processus que d’autres nations pourront imiter par la suite. En 2000, lors d’une intervention au Parlement européen, Alain Lipietz a évoqué le « quadrilatère Londres-Paris-Amsterdam-Francfort » comme la première zone à considérer en Europe pour mettre en place une taxation du kérosène.

Cette proposition de loi visant à instaurer une nouvelle taxation sur les carburants dans le secteur aérien peut être un instrument de cohérence avec les engagements du Grenelle. Dans le relevé de la première partie de la table ronde du programme « Mobilités et transports », est prévue une réduction massive des émissions du transport aérien de l’ordre de 50 %. Une réduction de 50 % d’ici à 2020 de la consommation de carburant et des émissions de CO2 était envisagée par les programmes de recherche. Dans le projet de loi de mise en œuvre du Grenelle, il est également question de renforcer les connexions ferroviaires entre les grandes villes européennes.

De plus, la question de la mise en place d’une taxe pour les avions sur les lignes intérieures lorsque l’alternative ferroviaire existe devait être étudiée. On avait évoqué lors de cette même table ronde la création d’une taxe sur les rotations, ou sur les passagers, ou sur le kérosène. Or, le ministre de l’écologie, de l’aménagement et de l’équipement durables, M. Jean-Louis Borloo a signé le 28 janvier 2008 une convention avec tout le secteur aérien qui l’invite à réduire ses émissions de CO2, mais ne mentionne pas la mise en place d’une taxe sur les billets.

La création d’une taxation réellement dissuasive et invitant par là chaque voyageur potentiel à mesurer l’impact de son comportement sur l’environnement nous apparaît essentielle.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article 302 bis K du code général des impôts est complété par un VII ainsi rédigé :

« VII.- Les montants mentionnés aux deuxième à quatrième alinéas du II font l’objet d’une majoration au profit du fond d’aide à la lutte contre le dérèglement climatique.

« Un décret fixe le montant de cette majoration.

« La majoration est perçue selon la destination finale du passager. Elle s’applique pour les trajets nationaux et internationaux entre les pays suivants : la France, la Grande-Bretagne, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Luxembourg.

« Ces sommes sont recouvrées dans les conditions fixées au V. Elles sont reversées mensuellement à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

« Ces dispositions sont applicables à partir du 1er janvier 2010. »


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