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mis en distribution

le 14 octobre 2008


N° 1084

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à compléter la réforme de la carte judiciaire

par la redistribution des compétences entre les tribunaux,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Françoise HOSTALIER, Françoise BRANGET, Abdoulatifou ALY, Yves ALBARELLO, Patrick BEAUDOUIN, Marc BERNIER, Patrice CALMÉJANE, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Jean-François CHOSSY, Jean-Yves COUSIN, Jean-Michel COUVE, Laure de LA RAUDIÈRE, Patrice DEBRAY, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Stéphane DEMILLY, Michel DIEFENBACHER, Christian ESTROSI, Annick GIRARDIN, Didier GONZALÈS, Arlette GROSSKOST, Guénhaël HUET, Annick LE LOCH, Gérard LORGEOUX, Lionnel LUCA, Alain MARC, Jean-Pierre MARCON, Thierry MARIANI, Henriette MARTINEZ, Christian MÉNARD, Jean-Marie MORISSET, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques REMILLER, Francis SAINT-LÉGER, Bruno SANDRAS, Daniel SPAGNOU, Alain SUGUENOT, Jean-Claude THOMAS, André VALLINI, Isabelle VASSEUR, Patrice VERCHÈRE, André WOJCIECHOWSKI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les chiffres et les études sont à la fois clairs, inquiétants et concordants : 66 % des Français considèrent que leur justice fonctionne très mal, et lui font le reproche d’être lente et peu efficace.

Dès son élection, le Président de la République a voulu que la réforme de notre système judiciaire soit une priorité de son mandat. Dès le mois de juin 2007, le Parlement a adopté de nombreux textes qui sont la preuve de cette détermination à redonner aux Français confiance dans leur justice.

La loi de finances pour 2008 a permis de traduire dans les chiffres cette priorité. Le budget de la justice a augmenté de 4,5 % alors que le budget global de l’État n’a augmenté, lui, que de 1,6 %. De même, l’État n’a pas remplacé 22 900 départs en retraite de fonctionnaires, mais a décidé la création de 1 615 emplois au ministère de la Justice.

Redonner confiance dans la justice, c’est aussi la rendre plus compréhensible par nos concitoyens en la modernisant et en la rationalisant. C’est dans cet esprit qu’a été voulue la réforme de la carte judiciaire.

On peut cependant regretter que cette réforme ait été conduite sans son indispensable corollaire, à savoir une nouvelle répartition des compétences entre les tribunaux. En effet, cette réforme, telle qu’elle ressort des décrets publiés au Journal officiel du 17 février dernier, est apparue pour nombre de justiciables et d’élus locaux comme injustifiée et aléatoire. Les fermetures annoncées de tribunaux ne prennent pas en compte les réalités de terrain, les contraintes locales et les logiques globales de l’aménagement du territoire.

La Délégation à l’aménagement et au développement du territoire de notre Assemblée s’est saisie de cet aspect de la réforme, et de ses conséquences à la fois économiques, géographiques et sociales. Ses travaux ont amené à la rédaction d’un rapport remarquable, sous la responsabilité de notre collègue Max Roustan. Sa lecture ne fait que renforcer le sentiment de malaise sur une réforme incomplète.

La fermeture de certains TGI et le transfert d’une partie importante des affaires qu’ils traitaient, notamment les affaires familiales, vers des tribunaux plus éloignés risque d’entraîner deux difficultés insurmontables.

D’une part, elle sera préjudiciable aux justiciables. La justice sera en effet moins accessible pour des populations fragiles et démunies. Pour un certain nombre d’affaires, il leur faudra effectuer de longues distances, et ces déplacements représenteront un coût matériel supplémentaire.

Il est évident également que les personnes les plus fragiles n’auront pas, auprès des nouveaux tribunaux de regroupement, l’accès au conseil et à l’écoute qu’ils avaient auprès d’un tribunal de proximité.

D’autre part, elle aura un impact économique néfaste. La fermeture de certains TGI ne tient pas compte de la réalité de territoires, qui se construisent et se structurent autour des services publics, ou qui déploient des moyens considérables pour organiser et favoriser leur maintien. Par exemple, des initiatives sont lancées pour maintenir les services postaux, en les regroupant avec des débits de tabac, en développant des maisons de service public local. Les jeunes médecins, qui choisissent de s’implanter dans des zones rurales délaissées, se voient proposer des incitations de toutes sortes. Où est la logique si l’on supprime, dans le même temps, des services structurants pour la société ?

Il ne faut pas pour autant tomber dans l’immobilisme et refuser toute réforme. Tel n’est pas notre souhait. La modernisation de la carte judiciaire est parfaitement justifiée, mais elle doit s’accompagner d’une modification de la répartition du contentieux.

Il est nécessaire que soit préservée une présence judiciaire dans certains bassins de vie éloignés des juridictions ou dont une partie de la population est peu mobile ou fragilisée. Ce serait également un signal fort en direction de ces populations, pour leur montrer que l’État ne se désengage pas et que leur accueil reste – et peut-être même plus qu’avant – une priorité.

Des propositions ont été faites pour corriger ce qui pourrait apparaître comme un éloignement de la justice.

La création de tribunaux d’instance renforcés, parfois aussi appelés « tribunal d’instance à compétence élargie », évoquée comme un moyen de maintenir l’accessibilité de la justice, n’a fait l’objet d’aucune définition précise. Tel est le premier but de notre proposition : donner une définition législative du tribunal d’instance à compétence élargie.

Il est proposé qu’une partie des compétences des tribunaux de grande instance supprimés soit transférée aux tribunaux d’instance qui s’y substituent, afin que nos concitoyens puissent toujours bénéficier d’une justice de proximité. En ce sens, le contentieux familial (divorce, contentieux de l’après-divorce et des familles naturelles), soit 50 % des affaires civiles, continuera à être traité localement.

Mais la nouvelle carte judiciaire a également supprimé de nombreux tribunaux d’instance. Si ces suppressions sont justifiées, il ne faut pas pour autant que la justice déserte ces territoires. Il faut que ces palais de justice, dont le tribunal d’instance a été supprimé, deviennent des « maisons de la justice et du droit ». Ces nouvelles structures, qui accueilleront également, dans des bureaux séparés des associations de victimes, des permanences de conciliateurs et de professions juridiques (avocats mais aussi huissiers), seront tenues par des greffiers, dont la formation à l’accueil et la polyvalence aura été renforcée. Par ailleurs, des audiences foraines seront tenues au sein de ces nouvelles maisons de la justice et du droit. Aujourd’hui, la possibilité des audiences foraines est laissée à l’appréciation des chefs de cours (ordonnance du premier président de la cour d’appel après avis du procureur général). Il convient d’éviter, à situation égale, une application de cette possibilité trop divergente selon les ressorts des différentes cours d’appel. Tel est le second objet de notre proposition : d’une part, permettre de substituer aux tribunaux d’instance supprimés de nouvelles maisons de la justice et du droit, d’autre part prévoir que les magistrats du tribunal de grande instance tiendront périodiquement des audiences foraines dans ces nouvelles structures en matière de contentieux familial.

L’ensemble de ces nouvelles dispositions entrera en vigueur le 1er janvier 2010, date à laquelle sera applicable la réforme de la carte judiciaire.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article L. 111-12 du code de l’organisation judiciaire, il est inséré un article L. 111-13 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-13. – En cas de suppression d’un tribunal de grande instance, ses attributions en matière de droit de personnes et de la famille sont dévolues au tribunal d’instance qui s’y substitue, notamment en matière de divorce, de séparation de corps, de pacte civil, de solidarité et de filiation. Le juge d’instance statue, dans ce cas, selon les règles de compétence et de procédures applicables devant les tribunaux de grande instance.

« Ce tribunal d’instance est compétent en première instance et à charge d’appel pour connaître de toutes les affaires personnelles ou mobilières jusqu’à la valeur de 50 000 €.

« Celui-ci connaît aussi les demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 50 000 €.

« Sa compétence en matière pénale, et pour les autres matières qui lui sont déjà attribuées, reste inchangée. »

Article 2

Après l’article L. 111-12 du code de l’organisation judiciaire, il est inséré un article L. 111-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-14. – La suppression d’un tribunal d’instance peut emporter création d’une maison de la justice et du droit.

« Les modalités de création et de fonctionnement des maisons de la justice et du droit sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

Article 3

Après l’article L. 111-12 du code de l’organisation judiciaire, il est inséré un article L. 111-15 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-15 – Les maisons de la justice et du droit accueillent des audiences tenues par les magistrats du tribunal de grande instance en charge des affaires familiales dans le ressort duquel elles sont situées. »

Article 4

Les procédures en cours devant un tribunal de grande instance supprimé sont transférées en l’état à la juridiction désormais compétente, sans qu’il y ait lieu de renouveler les actes, formalités et jugement régulièrement intervenus antérieurement à la date de la suppression.

Article 5

La présente loi entrera en vigueur le 1er janvier 2010. Un décret en Conseil d’État en précisera les modalités d’application.


© Assemblée nationale