Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document

mis en distribution

le 7 novembre 2008


N° 1086

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à modifier le mode de calcul
de l’
impôt de solidarité sur la fortune,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Lionnel LUCA, Michel SORDI, Philippe Armand MARTIN, Sophie DELONG, Guy GEOFFROY, Geneviève LEVY, Michèle TABAROT, Jean-Michel FERRAND, Jean-Jacques GUILLET, Jean-Frédéric POISSON, Éric CIOTTI, Bernard DEBRÉ, Laure de LA RAUDIÈRE, Philippe BRIAND, Étienne BLANC, Patrice MARTIN-LALANDE, Michel VOISIN, Bernard PERRUT, Arlette GROSSKOST, Christian VANNESTE, Philippe VITEL, Patrice CALMÉJANE, Thierry MARIANI, Claude BODIN, Jacques MYARD, Jean-Pierre DUPONT, Lucien DEGAUCHY, Claude GOASGUEN, Gérard VOISIN, Cécile GALLEZ, Éric DIARD, Gérard HAMEL, Jean-Michel COUVE, Michel GRALL, Yves VANDEWALLE, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Michel LEZEAU, Alain SUGUENOT, Lionel TARDY, Jacques REMILLER, François GOULARD, Jean-Pierre NICOLAS, Jacques DOMERGUE, Michel HEINRICH, Étienne MOURRUT, Patrick LABAUNE, Didier QUENTIN, Michel TERROT, Jean-Claude GUIBAL, Michel HERBILLON, André WOJCIECHOWSKI et Richard MALLIÉ,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les articles 2 à 9 de la loi n° 81-1160 ont institué à compter du 1er janvier 1982 un impôt annuel sur les grandes fortunes (IGF). Celui-ci a été abrogé par l’article 24 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986. Mais, l’article 26 de la loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 a mis en place un impôt annuel de solidarité sur la fortune (ISF) à compter du 1er janvier 1989, qui est régi par les mêmes règles que l’impôt sur les grandes fortunes.

Institué dans le but de financer le RMI, l’impôt de solidarité sur la fortune relève, selon d’éminents juristes, d’une conception pervertie de l’impôt puisqu’un impôt n’a pas pour vocation de couvrir une charge particulière de l’État. Alors qu’il est un impôt symbolique qui n’a pas pour fonction véritable de fournir des revenus, l’ISF porte atteinte à la neutralité fiscale en induisant certains comportements chez les contribuables telle que la contrainte de l’expatriation.

Portant également atteinte au droit de propriété, l’ISF est devenu un impôt confiscatoire.

Mais que rapporte réellement l’ISF ?

À la création de l’ISF en 1988, 129 000 contribuables étaient redevables; ce chiffre a atteint 520 000 en 2007 et 548 000 en 2008. En 1989, le coût du RMI était de l’ordre de 900 millions d’euros et l’ISF rapportait environ 800 millions d’euros.

En 2007, le RMI a coûté 6 milliards d’euros et le produit de l’ISF a rapporté 4,3 milliards (en 2008 il ne devrait rapporter que 3,75 milliards d’euros). On voit bien, près de vingt ans après que l’ISF ne comble en rien les dépenses du RMI.

Surtout, l’ISF coûte globalement plus cher qu’il ne rapporte en raison des expatriations qu’il provoque, malgré la pression immobilière qui crée artificiellement de nouveaux contribuables riches « virtuellement ». C’est si vrai que pour la première fois depuis sa création l’ISF rapportera moins en 2008.

Mesurer l’importance de l’expatriation est certes une tâche délicate. Néanmoins, à en croire les professionnels du patrimoine, la réalité est bien différente et les principaux spécialistes de l’ingénierie patrimoniale estiment à près de 100 milliards d’euros les patrimoines qui ont quitté le pays depuis l’instauration de l’ISF (ils sont en outre unanimes à confirmer l’accélération des départs depuis 1995).

En France, deux types de contribuables subissent le coût de l’expatriation :

1) Ceux dont le patrimoine, situé entre 770 000 € et 2,5 millions d’euros, est essentiellement immobilier et dont l’ISF ne justifie pas le départ - telle est la situation d’un nombre croissant de propriétaires fonciers aux revenus modestes, qui ont été rattrapés par l’ISF en raison de l’envolée du marché immobilier, notamment dans l’Ile-de-France et la Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

2) Les « non-assujettis », c’est-à-dire 99 % de la population, comblent également le trou de 2,3 milliards d’euros par le biais de la TVA, premier impôt français. Comme le déplore le Professeur Pichet, on en arrive ainsi au résultat paradoxal selon lequel ce sont les moins fortunés qui compensent le coût de l’ISF.

Alors que la France maintient l’impôt de solidarité sur la fortune, ses voisins se livrent à un véritable dumping fiscal. On sait qu’aux pays qui ne connaissent pas d’impôt sur la fortune, il faut désormais ajouter ceux, en Europe même, qui avaient auparavant un impôt sur la fortune et qui l’ont supprimé, comme l’Autriche et l’Allemagne et plus récemment la Suède et l’Espagne.

Parmi les principaux effets pervers de l’ISF, l’atteinte au droit de propriété est sans doute celui qui frappe le plus les Français.

Or cette atteinte au droit de propriété tient essentiellement au mode de calcul retenu par l’administration fiscale.

En effet, les articles 761 et 885 S du code général des impôts stipulent que les biens immobiliers, pour la liquidation de l’ISF, doivent être évalués à leur valeur vénale réelle au 1er janvier de l’année d’imposition, d’après la déclaration détaillée et estimative des parties.

La notice Cerfa n° 2725, mise à la disposition du contribuable dans le cadre de sa déclaration spontanée, précise les différents modes dévaluation :

- par comparaison, avec le prix des transactions immobilières du même type, afin d’obtenir une valeur marché ;

- par le revenu de loyers encaissés, dans le cadre d’immeuble locatif ;

- par réajustement d’une valeur de mutation antérieure, afin de tenir compte de l’érosion monétaire.

L’administration privilégie la méthode d’évaluation par comparaison, créant ainsi une nouvelle donnée fiscale imposable, « la richesse virtuelle », car même si la notice évoque de « combiner » les méthodes, c’est toujours celle-ci qui est privilégiée par le fisc.

Comment en effet admettre l’obligation qui est faite aujourd’hui au contribuable de déclarer une valeur qu’il n’a pas réalisée, dans la mesure où il n’a pas vendu son bien ; dès lors qu’il n’y a pas vente, il n’y a pas de marché.

On impose donc un contribuable sur l’argent « qu’il aurait encaissé s’il avait vendu ».

Certains se retrouvent ainsi « virtuellement riches » fort de l’engouement du moment dans une région dans laquelle les prix ont été multipliés par 10 ou par 20 en quelques années, et dans laquelle ils possèdent une habitation principale, depuis parfois plusieurs générations.

Enfin, cette méthode d’évaluation modifie la nature même de l’impôt, l’ISF devenant un nouvel impôt foncier, à la différence près que pour les taxes foncières locales, on ne réévalue pas chaque année la valeur des biens immobiliers, en fonction des prix du marché.

On a donc un impôt régional et non plus national remettant en cause le fondement même de l’égalité du citoyen devant l’impôt sur tout le territoire.

Cette situation conduit à une inégalité des Français devant l’impôt, selon l’endroit où ils possèdent leur bien immobilier avec l’envolée des prix du marché.

Si conceptuellement il est ainsi inacceptable de voir la valeur virtuelle d’un patrimoine imposée, il est humainement encore plus inacceptable de voir des contribuables à faibles, voire à très faibles revenus, être redevables de l’ISF, et être parfois obligés de vendre leur résidence principale pour pouvoir s’acquitter de cet impôt.

Ainsi ce sont les contribuables les plus aisés, bien informés de toutes les possibilités de dérogation, qui échappent à l’ISF alors que les plus modestes en sont frappés.

Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de donner au contribuable la possibilité de choisir la méthode d’évaluation, qui soit la plus équitable, et qui soit opposable à l’administration fiscale : la méthode « de réajustement d’une valeur antérieure » ; celle ci s’entendant du prix du bien lors de son acquisition, rectifié de l’inflation sur la base de l’actualisation du barème des rentes.

Cette méthode d’évaluation applicable aux biens immobiliers et mobiliers, présentera les avantages suivants :

- le rétablissement de l’égalité des Français devant l’impôt, quel que soit le lieu d’imposition ;

- le rétablissement de la nature initiale de l’ISF, qui n’a jamais été conçu comme un impôt foncier ;

- la suppression de la notion de « richesse virtuelle », notion la plus controversée de l’ISF, notamment en ce qui concerne l’évaluation de la valeur de la résidence principale.

Tel est, Mesdames Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Les articles 759 et 761 du code général des impôts sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Sur option annuelle, le contribuable peut évaluer ses biens selon la méthode de réajustement, s’entendant du prix d’acquisition, corrigé de l’inflation. »

Article 2

Les pertes de recettes qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits pour les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.


© Assemblée nationale