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le 15 décembre 2008


N° 1306

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2008.

PROPOSITION DE LOI

relative à la création d’une injonction d’initiative parlementaire pour le contrôle de l’application de la loi,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Patrick OLLIER,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La tâche du législateur ne s’arrête pas avec le vote de la loi. Il lui appartient aussi de s’assurer que son application est conforme à ses attentes. Ce contrôle commence par le suivi de la prise des textes nécessaires à l’application de la loi pour se conclure sur une évaluation de l’efficacité de la norme votée.

S’agissant des mesures d’application de la loi, l’article 146 alinéa 8 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que : « le rapporteur (d’un projet de loi) ou, à défaut, un autre député désigné à cet effet par la commission compétente, présente à celle-ci un rapport sur la mise en application de cette loi. Ce rapport fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi… »

Ce contrôle est de plus en plus mis en œuvre. Ainsi, si l’on prend l’exemple de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale, celle-ci a récemment examiné des rapports sur les lois suivantes :

– loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ;

– loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique du 17 juillet 2005 ;

– loi du 5 janvier 2006 d’orientation agricole.

– loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques.

S’il s’agit avant tout d’une démarche politique, au sens non partisan du terme puisque y sont associés des membres de l’opposition, il est souhaitable de renforcer également les instruments juridiques dont dispose le Parlement pour faire respecter sa volonté, et pour cela de reconnaître un droit à agir de la représentation nationale devant le Conseil d’État.

Comme le soulignait un commentateur, « aujourd’hui, une association ou un citoyen peut contester devant le Conseil d’État le refus du Premier ministre de prendre un décret d’application de la loi et obtenir du Conseil d’État une injonction, éventuellement sous astreinte, d’édicter le décret dans un certain délai (CE Sect. 26 juillet 1996, Association lyonnaise de protection des locataires). Paradoxalement, et alors que l’une des missions essentielles du Parlement est de veiller à l’application de la loi, cette voie particulièrement efficace et qui permet de remédier à la carence du pouvoir réglementaire, est fermée à un parlementaire pour défaut d’intérêt à agir. » (1)

Parallèlement, se voir reconnaître cet intérêt à agir permettrait également, arme ultime, de contester devant la juridiction administrative la conformité à la loi d’une mesure d’application.

À qui reconnaître ce droit ? Il vous est proposé de le conférer au rapporteur du projet devenu loi ou, à défaut, au député ou au sénateur désigné par la commission permanente compétente au fond pour en contrôler l’application. Ce droit serait également reconnu au président de la commission saisie au fond de la loi dans chaque assemblée. Il convient en effet de se centrer sur le contrôle de l’application de la loi, indépendamment de tout jugement sur le fond de la mesure législative. Cela s’impose d’autant plus que le parlement, de facto, doit dans ce domaine plus s’ériger en juge de l’administration qu’en censeur du gouvernement.

Compte tenu de l’importance de l’enjeu, il paraît indispensable de prévoir une procédure plus rapide et plus contraignante pour l’exécutif que la procédure ordinaire et qui pourrait être qualifiée d’« injonction d’initiative parlementaire ».

Il vous est en conséquence proposé d’adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l’article 6 nonies de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 decies ainsi rédigé :

« Art. 6 decies. – I.  À l’expiration des délais de recours de droit commun et en l’absence d’instance contentieuse, il peut être déféré au Conseil d’État sans délai de forclusion tout acte administratif portant application de la loi dans un sens contraire à la lettre du texte ou à l’intention manifeste du législateur telle qu’elle ressort des comptes-rendus des débats en séance publique et en commission parlementaire, ainsi que toute carence du pouvoir règlementaire dans l’exécution de la loi.

« Sont seuls habilités à agir en ce sens :

« 1° Le député ou le sénateur rapporteur de la commission saisie au fond de la proposition ou du projet à l’origine de la loi dont la bonne application est mise en doute ;

« 2° Le député ou le sénateur chargé du contrôle de la bonne application de la loi par la commission de l’Assemblée nationale ou du Sénat compétente au fond ;

« 3° Le président de la commission permanente de l’Assemblée nationale ou du Sénat compétente au fond.

« Le Conseil d’État statue en premier et dernier ressort dans un délai de quatre mois. Lorsqu’il constate une irrégularité, il enjoint à l’autorité administrative compétente de prendre une décision modifiant l’état du droit dans le sens d’une exécution correcte de la loi. Cette injonction d’initiative parlementaire ne dispose que pour l’avenir. Elle est assortie d’une astreinte fixée conformément aux dispositions du livre IX du code de justice administrative. »

1 () Eric Sagalovitsch, « Pour la reconnaissance d’un intérêt à agir du Parlement devant le Conseil d’État »


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