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le 10 février 2009


N° 1407

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 janvier 2009

PROPOSITION DE LOI

visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

Jean LEONETTI, Gaëtan GORCE,
Olivier
JARDÉ et Michel VAXÈS,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La mission d'évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, composée des signataires de la présente proposition de loi, s’est interrogée sur les conditions d’accompagnement des personnes en fin de vie. Elle a constaté une demande convergente des proches et des bénévoles au contact des personnes en fin de vie en faveur de la création d’une allocation qui compenserait la perte de revenus liée à l’accompagnement d’un parent ou d’un proche à domicile.

La loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs a certes créé un congé d’accompagnement, transformé en congé de solidarité familiale par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Ce congé permet une suspension rapide et de droit du contrat de travail des personnes qui accompagnent un proche souffrant d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital.

Cependant, un tel dispositif présente deux défauts. Il se révèle inégalitaire puisqu’en sont exclus les non-salariés tels que les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles. Il est peu attrayant dans la mesure où le congé ne faisant pas l’objet d’une rémunération, de nombreux salariés ne peuvent se permettre d’en demander le bénéfice.

Dès lors, ces derniers en sont souvent réduits à demander à leur médecin des arrêts de travail qui leur sont délivrés par compassion ou par nécessité médicale du fait de leur épuisement physique ou psychologique.

Il est par ailleurs établi que les personnes qui n’ont pu accompagner leur proche dans des conditions humainement satisfaisantes peuvent développer des deuils pathologiques particulièrement graves.

Compenser, même partiellement, la perte de revenus liée à l’accompagnement à domicile d’une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable serait de nature à faciliter la présence d’un proche auprès du mourant. Des hospitalisations non désirées, et coûteuses pour l’assurance maladie, seraient ainsi évitées.

Notre pays s’honorerait par conséquent à reconnaître la nécessité d’une rémunération du temps d’accompagnement des personnes en fin de vie comme l’ont fait la Belgique et le Canada ainsi que la ville de Paris. Tel est l’objet de la présente proposition de loi qui vise à créer une « allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie ».

Une allocation ne donne pas droit, en elle-même, à un arrêt de travail. C’est pourquoi l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie s’appuiera, pour les salariés, sur le congé de solidarité familiale, qui constitue la procédure la plus sûre pour suspendre rapidement un contrat de travail. Ce dispositif ne remet pas en cause le droit, pour les proches des personnes souffrant d’une pathologie engageant le pronostic vital mais qui ne sont pas en fin de vie, de bénéficier du congé de solidarité familiale.

L’allocation instaurée par la présente proposition de loi concernera les salariés du privé et du public ainsi que les travailleurs indépendants. 100 000 personnes sont aujourd’hui prises en charge par le dispositif de soins palliatifs, dont 25 % à domicile. Sur ce fondement, on peut estimer que, si 80 % des familles concernées ont recours à cette allocation, son coût annuel sera d’environ 20 millions d’euros appelés à financer 20 000 allocations par an. Une partie de ce coût sera compensée par la réduction du nombre d’arrêts de travail dont bénéficient les accompagnants.

L’article premier crée un nouveau titre dans le livre huitième du code de la sécurité sociale relatif à diverses allocations et aides et y insère les nouveaux articles L. 822-1 à L. 822-6.

Les articles L. 822-1 à L. 822-3 définissent les bénéficiaires de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Deux conditions sont communes à tous les bénéficiaires potentiels : accompagner à domicile un patient en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable (critère issu de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie) et être un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le domicile du patient. La troisième condition, relative à la suspension d’une activité professionnelle se décline de trois façons.

– L’article L. 822-1 concerne les personnes soumises au code du travail et les fonctionnaires. Le droit à l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est subordonné au bénéfice du congé de solidarité familiale. Ce congé est opposable à l’employeur dans le secteur privé et dans le secteur public. Pour les salariés et pour les fonctionnaires, l’allocation compense partiellement la perte de revenu qui découle de ce congé, lorsque la personne qu’elle accompagne est dans une phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable. Les salariés et les fonctionnaires bénéficiant d’un autre régime légal de congé ou ayant cessé leur travail pour une autre raison n’entrent pas dans le cadre de ce dispositif.

– L’article L. 822-2 est relatif aux personnes exerçant une activité professionnelle qui ne sont ni salariées ni fonctionnaires. Puisqu’elles ne peuvent pas prétendre au congé de solidarité familiale, elles ne peuvent avoir droit à l’allocation telle que définie à l’article L. 822-1. Pour les intégrer dans le dispositif, le bénéfice de l’allocation est subordonné à une condition de suspension d’activité.

– À l’image du dispositif instituant l’allocation de présence parentale, l’article L. 822-3 inclut explicitement, parmi les bénéficiaires de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, différentes catégories socioprofessionnelles, dont les médecins, les représentants de commerce ou les agriculteurs. Il conviendrait d’y ajouter les personnes à la recherche d’un emploi (l’allocation étant cumulable avec les autres indemnités perçues à ce titre).

L’article L. 822-4 définit la durée et le montant de l’allocation. Celle-ci serait versée pendant une durée maximale de trois semaines. Son montant, forfaitaire, serait identique à celui de l’allocation journalière de présence parentale, soit environ 47 € par jour au 1er janvier 2009. L’allocation, qui a vocation à permettre l’accompagnement, cesse d’être due le jour suivant le décès de la personne accompagnée. Cette allocation ne pourra être versée qu’à un seul aidant par famille au titre d’un même patient.

L’article L. 822-5 prévoit que les documents et attestations à fournir pour ouvrir le droit à l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie sont définis par voie réglementaire.

L’article L. 822-6 attribue la gestion de cette allocation aux organismes du régime général de l’assurance maladie, sauf pour les personnes qui relèvent d’un autre régime de protection sociale.

L’article 2 modifie le champ des bénéficiaires du congé de solidarité familiale, en y incluant les frères et les sœurs.

L’article 3 est rédactionnel. Il harmonise la terminologie désignant le congé de solidarité familiale, en remplaçant les mentions du congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie par celle de « congé de solidarité familiale ». En effet, le même dispositif est actuellement désigné sous deux noms différents selon qu’il s’applique aux salariés du secteur privé (congé de solidarité familiale) ou du secteur public (congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie).

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1  Dans l’intitulé du livre VIII, après les mots : « Allocation aux adultes handicapés – », sont insérés les mots : « Allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie – » ;

2° Après le titre II du livre VIII, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :

« Titre II bis

« Allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie

« Art. L. 822-1. – Une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée aux personnes qui remplissent les conditions suivantes :

« 1° Être bénéficiaire du congé de solidarité familiale prévu aux articles L. 3142-16 à L. 3142-21 du code du travail ou du congé prévu au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ou à l’article L. 4138–6 du code de la défense ;

« 2° Accompagner à domicile un patient en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ;

« 3° Être un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le domicile du patient.

« Art. L. 822-2. – Une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée aux personnes non visées à l’article L. 822–1 et qui remplissent les conditions suivantes :

« 1° Avoir suspendu leur activité professionnelle ;

« 2° Accompagner à domicile un patient en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ;

« 3° Être un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le domicile du patient.

« Art. L. 822-3. – Les personnes mentionnées aux articles L. 5421-1 à L. 5422-8, L. 7221-1 et L. 7313-1 du code du travail, aux 1°, 4° et 5° de l’article L. 613-1, à l’article L. 722-1 du présent code ou à l’article L. 722-9 du code rural peuvent bénéficier de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie sous réserve des 2° et 3° de l’article L. 822-2 du présent code.

« Art. L. 822-4. – L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée dans la limite d’une durée maximale de trois semaines dans des conditions prévues par décret.

« Le montant de cette allocation est fixé par décret.

« L’allocation cesse d’être due à compter du jour suivant le décès de la personne accompagnée.

« Un seul bénéficiaire peut prétendre au versement de l’allocation au titre d’un même patient.

« Art. L. 822–5. – Les documents et les attestations requis pour prétendre au bénéfice de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, ainsi que les procédures de versement de cette allocation, sont définis par décret.

« Art. L. 822-6. – La gestion de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est confiée aux organismes du régime général chargés du versement des prestations d’assurance maladie.

« Lorsque la personne qui accompagne un proche en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable relève d’un autre régime d’assurance maladie, l’organisme gestionnaires assure le versement de l'allocation. »

Article 2

I. – Au premier alinéa de l’article L. 3142-16 du code du travail, après le mot « descendant »  sont insérés les mots : « , un frère, une sœur, ».

II. – Au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, les mots : « un ascendant ou un descendant ou une personne partageant son domicile » sont remplacés par les mots : « un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant son domicile ».

III. – Au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les mots : « un ascendant ou un descendant ou une personne partageant son domicile » sont remplacés par les mots : « un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant son domicile ».

IV. – Au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, les mots : « un ascendant ou un descendant ou une personne partageant son domicile » sont remplacés par les mots : « un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant son domicile ».

V. – À l’article L. 4138–6 du code de la défense, les mots « un ascendant, un descendant ou une personne partageant son domicile » sont remplacés par les mots: « un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant son domicile ».

Article 3

I. – Au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, les mots « d’accompagnement » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale ».

II. – Au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les mots « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale ».

III. – Au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, les mots « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale ».

IV. – Au d du 1° et au onzième alinéa de l’article L. 4138-2 du code de la défense, les mots « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par les mots : « de solidarité familiale ».

V. – À l’article L. 4138-6 du code de la défense, les mots « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par les mots : « de solidarité familiale ».

Article 4

I. – Les charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – Les charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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