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N° 1533

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars 2009.

PROPOSITION DE LOI

tendant à favoriser l’égal accès des femmes
aux responsabilités professionnelles et sociales,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation
et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marie-Jo ZIMMERMANN, Huguette BELLO, Chantal BOURRAGUÉ, Valérie BOYER, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Marie-Christine DALLOZ, Guy GEOFFROY, Claude GREFF, Françoise GUÉGOT, Olivier JARDÉ, Marguerite LAMOUR, Geneviève LEVY, Henriette MARTINEZ, Françoise de PANAFIEU, Bérengère POLETTI, Josette PONS, Daniel SPAGNOU et Catherine VAUTRIN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les femmes ont investi massivement le monde du travail, mais elles restent relativement sous représentées dans les postes hiérarchiquement les plus élevés. Plus précisément, dès qu’il s’agit d’exercer des fonctions à responsabilité, les hommes sont très largement majoritaires. Ainsi, 30 % seulement des chefs d’entreprises sont des femmes ; de même, il n’y a que 10 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés du CAC 40.

À l’instar des mesures législatives prises en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes en politique, l’auteur de la présente proposition de loi avait déjà présenté plusieurs amendements visant à garantir la place des femmes dans les processus de décision économiques et sociaux.

Ces amendements furent votés par l’Assemblée nationale et par le Sénat et devinrent les articles 21 à 26 de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ces articles furent toutefois censurés par le Conseil constitutionnel.

Pour que l’égalité entre les femmes et les hommes progresse dans le domaine professionnel et social, il fallait donc au préalable adapter la Constitution. A la suite de l’adoption de plusieurs amendements, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a inscrit à l’article 1er de la Constitution, le principe selon lequel : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

La participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision est, en effet, un préalable pour une société démocratique. Il est aussi le gage d’une gouvernance des entreprises en phase avec la société dans laquelle elles évoluent. Il n’est pas concevable aujourd’hui que des entreprises continuent à se priver de l’expérience et des compétences de femmes qualifiées dans leurs instances de décision.

L’expérience de la Norvège qui impose depuis 2006 la présence obligatoire d’un minimum de 40 % de femmes dans les instances de gouvernance des entreprises nous montre combien il est important de mobiliser toutes les compétences potentielles d’un pays – et pas seulement la moitié d’entre elles – et combien la mixité dans ces instances peut être un facteur de dynamisme potentiellement créateur de richesse. Or, on constate malheureusement dans notre pays que rien ne se dessine en ce sens.

De son côté, l’Union européenne s’est engagée à faire évoluer cette situation. La feuille de route 2010 pour l’égalité entre les femmes et les hommes, arrêtée par la commission européenne retient en effet parmi les six points à mettre prioritairement en œuvre d’ici 2010, la représentation égale des femmes dans la prise de décision.

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la loi peut imposer une égale représentation des femmes et des hommes dans les instances de décision et de consultation du secteur public et du secteur privé, dans les organisations professionnelles, syndicales, mutualistes et associatives, ainsi que dans les ordres professionnels des professions réglementées. Le principe constitutionnel s’applique également aux élections professionnelles dans le secteur public et privé et aux élections prud’homales. C’est le but de la présente proposition de loi que de traduire les modalités d’application du principe constitutionnel d’égalité entre les femmes et les hommes.

L’article 1er de la proposition de loi favorise, dans un délai de cinq ans, l’égal accès des femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance des entreprises du secteur public. Pour les personnalités qualifiées, les représentants de l’État nommés par décret et, le cas échéant, pour les représentants des autres actionnaires nommés par l’assemblée générale, la proportion de représentants de chacun des deux sexes ne pourra être inférieure à 40 %. Ce pourcentage devra être atteint dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi. Les représentants élus des salariés devront être élus sur des listes respectant la proportion de femmes et d’hommes occupés dans l’entreprise et présentées de manière alternée, et ce, dans un délai de cinq ans.

L’article 2 vise à assurer la représentation des femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées, d’une taille minimale. Cet article fixe à 40 % le nombre de membres du conseil d’administration du même sexe. Toute nomination intervenue en contradiction avec cette règle sera nulle. L’article 3 fixe les mêmes règles pour les sociétés dotées d’un conseil de surveillance. L’article 4 prévoit que les sociétés concernées disposeront d’un délai de cinq ans à compter du vote de la loi pour se mettre en conformité avec cette règle.

Les articles 5 et 6 visent à accroître la part des femmes parmi les candidats présentés par les organisations syndicales pour l’élection des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d’entreprise, en prévoyant l’établissement de listes respectant la proportion de femmes et d’hommes occupés dans l’entreprise et présentées de façon alternées.

L’article 7 poursuit le même objectif concernant les commissions émanant du comité d’entreprise et l’article 8 pour la composition de la délégation du personnel au Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

L’article 9 pose le principe de parité entre les sexes pour la constitution des listes aux élections prud’homales. Pour être recevables, les listes de candidats (de salariés et d’employeurs) devront comprendre un nombre égal de femmes et d’hommes et respecter une stricte alternance entre femmes et hommes.

Enfin, l’article 10 prévoit une évaluation de la mise en œuvre de la loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public est ainsi modifiée :

1° Après le quatrième alinéa de l’article 5, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les représentants relevant du 1° et les personnalités relevant du 2° sont désignés en recherchant une égale représentation des femmes et des hommes. Dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n°         du                  tendant à favoriser l’égal accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales, la proportion d’administrateur de chaque sexe ne peut être inférieure à 40 %. »

« Dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la même loi, les représentants des salariés relevant du 3° sont élus sur des listes ne comportant pas plus de 40 % de candidats du même sexe. Ces listes doivent être composées en assurant une alternance des hommes et des femmes en leur sein. »

2° L’article 6 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les membres du conseil d’administration ou de surveillance sont désignés en recherchant une égale représentation des femmes et des hommes. Dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n°         du                  tendant à favoriser l’égal accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales, la proportion de représentants de chaque sexe ne peut être inférieure à 40 %. »

« Dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la même loi, les représentants des salariés sont élus sur des listes ne comportant pas plus de 40 % de candidats du même sexe. Ces listes doivent être composées en assurant une alternance des hommes et des femmes en leur sein. »

Article 2

I. – Après l’article L. 225-18 du code de commerce il est inséré un article L. 225-18-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-18-1. – Les statuts doivent prévoir que le conseil d’administration est composé en recherchant une égale représentation des femmes et des hommes.

« Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé et dont le nombre de salariés est supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État, la proportion d’administrateur du même sexe ne peut être inférieure à 40 %. Lorsque le nombre total des administrateurs est inférieur à cinq, le conseil d’administration doit comprendre au moins un administrateur de chaque sexe.

« Toute nomination intervenue en violation de l’alinéa précédent est nulle. Cette nullité n’entraîne pas celle des délibérations auxquelles a pris part l’administrateur ou les administrateurs irrégulièrement nommés. »

II. – L’article L. 225-20 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant permanent d’une personne morale nommée administrateur est comptabilisé pour déterminer la proportion d’administrateur de chaque sexe prévue au deuxième alinéa de l’article L. 225-18-1. »

III. – L’article L. 225-27 est ainsi modifié :

– dans le premier alinéa, après la référence : « L. 225-18 » ; est insérée la référence : « et L. 225-18-1 ».

– après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Ces administrateurs sont élus sur des listes ne comportant pas plus de 40 % de candidats du même sexe. Ces listes doivent être composées en assurant une alternance des hommes et des femmes en leur sein. »

– le dernier alinéa est complété par les mots : « ni pour la détermination de la proportion d’administrateur de chaque sexe prévue au deuxième alinéa de l’article L. 225-18-1. »

IV. – Dans la première phrase du sixième alinéa de l’article L. 225-37 du même code, après les mots : « de la composition », sont insérés les mots : « du conseil et de l’application du principe de l’égale représentation des femmes et des hommes en son sein ».

Article 3

I. – Dans le septième alinéa de l’article L. 225-68 du même code, après les mots : « de la composition », sont insérés les mots : « du conseil et de l’application du principe de l’égale représentation des femmes et des hommes en son sein ».

II. – Après l’article L. 225-69 du même code il est inséré un article L. 225-69-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-69-1. – Les statuts doivent prévoir que le conseil de surveillance est composé en recherchant une égale représentation des femmes et des hommes.

« Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé et dont le nombre de salariés est supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État, la proportion des membres du conseil du même sexe ne peut être inférieure à 40 %. Lorsque le nombre total des membres est inférieur à cinq, le conseil de surveillance doit comprendre au moins un membre de chaque sexe.

« Toute nomination intervenue en violation de l’alinéa précédent est nulle. Cette nullité n’entraîne pas celle des délibérations auxquelles a pris part le ou les membres du conseil de surveillance irrégulièrement nommés. »

III. – L’article L. 225-76 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant permanent d’une personne morale nommée au conseil de surveillance est comptabilisé pour déterminer la proportion de membre de chaque sexe prévue au deuxième alinéa de l’article L. 225-69-1. »

III. – L’article L. 225-79 est ainsi modifié :

– dans le premier alinéa, après la référence : « L. 225-69 » est insérée la référence : « et L. 225-69-1 ».

– après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Les membres du conseil de surveillance représentants des salariés sont élus sur des listes ne comportant pas plus de 40 % de candidats du même sexe. Ces listes doivent être composées en assurant une alternance des hommes et des femmes en leur sein. »

– le dernier alinéa est complété par les mots : « ni pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 225-69-1. »

Article 4

Les sociétés doivent se mettre en conformité avec le deuxième alinéa des articles L. 225-18-1 et L. 225-69-1 du code de commerce dans le délai de cinq ans à compter de la date de promulgation de la présente loi.

Article 5

L’article L. 2314-8 du code du travail est complété par les alinéas suivants :

« Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi n°         du                  tendant à favoriser l’égal accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales, des listes respectant la proportion de femmes et d’hommes occupés dans l’entreprise ou dans l’établissement sont présentées dans chaque collège électoral. Ces listes doivent être composées en assurant une alternance des hommes et des femmes en leur sein.

« Si les élections professionnelles n’ont pas été organisées dans le délai de trois ans suivant la promulgation de la loi précitée, les règles fixées à l’alinéa précédent s’appliquent aux premières élections suivant ce délai.

« Les listes qui ne respectent pas les prescriptions du second alinéa de cet article ne sont pas recevables. Toutefois, le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle peut, à la demande motivée d’une organisation syndicale, autoriser à titre exceptionnel des dérogations à l’alinéa précédent, au regard des efforts effectués par l’organisation syndicale requérante en vue d’une égale représentation des hommes et des femmes pour chaque collège concerné. »

Article 6

L’article L. 2324-6 du code du travail est complété par les alinéas suivants :

« Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi n°         du                  tendant à favoriser l’égal accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales, des listes respectant la proportion de femmes et d’hommes occupés dans l’entreprise ou dans l’établissement sont présentées dans chaque collège électoral. Ces listes doivent être composées en assurant une alternance des hommes et des femmes en leur sein.

« Si les élections professionnelles n’ont pas été organisées dans le délai de trois ans suivant la promulgation de la loi précitée, les règles fixées à l’alinéa précédent s’appliquent aux premières élections suivant ce délai.

« Les listes qui ne respectent pas les prescriptions du second alinéa de cet article ne sont pas recevables. Toutefois, le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle peut, à la demande motivée d’une organisation syndicale, autoriser à titre exceptionnel des dérogations, au regard des efforts effectués par l’organisation syndicale requérante en vue d’une égale représentation des hommes et des femmes pour chaque collège concerné. »

Article 7

L’article L. 2325-22 du code du travail est complété par des alinéas ainsi rédigés :

« Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi n°         du                  tendant à favoriser l’égal accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales, la délégation du personnel dans chaque commission respecte la proportion de femmes et d’hommes occupés dans l’entreprise ou dans l’établissement. Ces listes doivent être composées en assurant une alternance des hommes et des femmes en leur sein.

« Si les élections professionnelles n’ont pas été organisées dans le délai de trois ans suivant la promulgation de la loi précitée, les règles fixées à l’alinéa précédent s’appliquent après les premières élections suivant ce délai. »

Article 8

L’article L. 4613-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi n°         du                  tendant à favoriser l’égal accès des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales, la délégation du personnel respecte la proportion de femmes et d’hommes occupés dans l’établissement. »

Article 9

L’article L. 1441-23 du code du travail est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Les listes qui ne sont pas composées alternativement d’un candidat de chaque sexe. »

Article 10

Un rapport d’évaluation de la présente loi est présenté par le Gouvernement au Parlement tous les trois ans. Il comprend notamment une étude détaillée de l’évolution de la féminisation des institutions représentatives du personnel et des organes délibérants des entreprises entrant dans le champ de la présente loi.


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