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le 7 avril 2009


N° 1568

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2009.

PROPOSITION DE LOI

soumettant à une taxe de 90 % les primes, stock-options et parts de rémunération variable exceptionnelles versées par une entreprise bénéficiant du plan de sauvegarde de l’économie,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, André GERIN
et Jean-Jacques CANDELIER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’ampleur de la crise financière puis économique a démontré que l’autorégularisation du marché était une imposture. Elle a conduit les gouvernements même les plus libéraux à mener des politiques interventionnistes. Malheureusement, l’essentiel des fonds des plans de relance a pour objectif d’amoindrir les effets des erreurs de gestion et de la spéculation irresponsable des établissements bancaires. Seule une faible part sera orientée vers les ménages et la stimulation de la demande.

Pour crédibiliser son action le Gouvernement a créé un ministère spécifique et fait adopter un plan de 30 milliards d’euros destinés à être injectés dans la finance et l’économie. Les premiers établissements à bénéficier de ces fonds publics furent les banques pour un montant total de 10,5 milliards en titres super subordonnés et 33 milliards de prêts via la société de financement de l’économie française (société dont le capital est partagé entre l’État et les banques). À titre de comparaison, ces montants cumulés représentent parfois plus du quart de la valeur des établissements bénéficiaires, mais le Gouvernement a refusé les prises de participations directes qui lui auraient conféré une véritable autorité dans la direction de l’entreprise.

Les banques ne furent pas les seules bénéficiaires, le fond stratégique d’investissement (structure publique rattachée à la Caisse des dépôts et consignations) doté de 22 milliards d’euros est intervenu en faveur des chantiers navals et de Valéo. Enfin un nouveau pacte automobile concernant l’ensemble de filière verra la distribution de 6,5 milliards d’euros.

L’ensemble de ses mesures de relance économique en faveur des entreprises creusera le déficit public qui atteindra 100 milliards d’euros en 2009. Un record depuis 15 ans. Ces milliards d’euros injectés atténueront les pertes et les erreurs de gestion pour éviter l’effondrement du système financier et économique.

Cet effort particulier demandé au contribuable français ne saurait être imposé en pure perte. Le caractère public des fonds investis suppose une contrepartie.

À ce jour, les engagements de la part des entreprises bénéficiaires sont quasiment inexistants. L’État est intervenu pour sauver ces entreprises qui par définition se trouvent en difficulté. Il serait alors totalement incompréhensible que ces mêmes entreprises distribuent des primes et bonus à leurs dirigeants dont la gestion fut catastrophique. Il serait inacceptable que l’argent public injecté se retrouve par un tour de passe-passe dans les poches des dirigeants ; tout l’effort des Français serait alors consenti en pure perte.

Or, les dirigeants français comme ceux d’outre-atlantique ne l’entendent pas ainsi. Les primes, bonus et stock-options pleuvent pour les récompenser de la qualité de leur travail. Le MEDEF affirme qu’il refuse par principe de faire adopter une charte moralisant la part variable de rémunération des cadres dirigeants. Dans le même temps le PDG de Valéo vient de bénéficier de 3,3 millions d’euros de golden parachute, alors qu’il était remercié en raison des performances du groupe. Aux États-Unis, l’assureur AIG en faillite vient d’être renfloué par l’État à hauteur de 170 milliards de dollars. Dans le même temps, il distribue 228 millions de dollars aux cadres dirigeants. La chambre des représentants américains a su réagir à cette injustice ; sa présidente Nancy Pelosi affirmait : « Nous voulons récupérer notre argent et nous voulons le récupérer maintenant pour les contribuables. »

Il faut en toutes circonstances avoir le courage de s’élever contre ces injustices et le contribuable français doit lui aussi récupérer les sommes versées à des structures qui ne mesurent ni l’étendue de leur incompétence ni l’effort consenti en leur faveur.

La proposition adoptée en première lecture par la chambre des représentants américains impose une taxation à hauteur de 90 % des bonus versés par des entreprises ayant bénéficié d’importantes aides publiques. Il serait judicieux de renforcer la cohésion des États dans leur lutte contre ces abus ainsi les dirigeants les plus cupides ne pourraient que plus difficilement faire jouer la concurrence entre les systèmes juridiques des États.

La proposition de loi qui vous est proposée d’adopter permet de façon analogue d’imposer une taxation exceptionnelle de 90 % à tout les bonus, primes ou rémunérations variables supérieurs à 200 000 euros versés par les entreprises ayant bénéficié d’aides publiques via le plan de relance.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le Gouvernement adresse au Parlement un rapport présentant l’ensemble des entreprises ayant bénéficié d’aides publiques supérieures à 100 millions d’euros dans le cadre du plan de relance ou par l’intermédiaire de la Société de financement de l’économie française, de la Société de prise de participation de l’État ou du Fonds stratégique d’investissement.

Article 2

Les entreprises ayant bénéficié de plus de 10 millions d’euros d’aides publiques dans le cadre du plan de relance et qui souhaitent distribuer à leurs employés ou dirigeants des rémunérations occasionnelles ou indemnisations supérieures à 200 000 € annuels doivent préalablement rembourser l’ensemble des aides publiques dont elles ont bénéficié.

Article 3

La part variable de rémunération et les indemnités excédent 200 000 € annuels versés par des entreprises mentionnées à l’article 2 font l’objet d’une contribution exceptionnelle au taux de 90 %.

Cette contribution est établie, liquidée et recouvrée dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties et sanctions que l’impôt sur le revenu dû au titre des revenus de la même année.

Ces dispositions sont applicables au titre de l’imposition des revenus de 2008, 2009 et 2010.


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