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N° 1608

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2009.

PROPOSITION DE LOI

tendant à prévenir le surendettement,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

François SAUVADET, Jean-Christophe LAGARDE et les membres du groupe Nouveau Centre (1) et apparentés (2)

députés.

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(1) Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Jean-Pierre Abelin, Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Raymond Durand, Francis Hillmeyer, Michel Hunault, Olivier Jardé, Yvan Lachaud, Jean-Christophe Lagarde, Colette Le Moal, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, François Sauvadet, Marc Vampa, Francis Vercamer, Philippe Vigier.

(2) Thierry Benoît et Philippe Folliot.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le surendettement est à l’origine de situations de détresse qui ne peuvent laisser indifférent le législateur. Ces situations sont en augmentation dramatique et constante depuis plusieurs années. Ainsi, en 2007, ce sont près de 183 000 dossiers qui ont été déposés auprès des commissions de surendettement et près de 155 000 jugés recevables contre respectivement 95 000 et 80 000 il y a dix ans.

Depuis quelques années, le législateur s’est saisi du problème et a notablement amélioré le traitement des situations de surendettement en créant, d’abord, les commissions de surendettement avec la loi Neiertz de 1989 et ensuite, la procédure de rétablissement personnel avec la loi Borloo du 1er août 2003.

Pourtant, ces deux dispositions, pour extrêmement utiles qu’elles soient, ne concernent que le traitement des situations avérées de surendettement. Les pouvoirs publics ont alors essayé, par la suite, d’agir plus en amont, en renforçant les dispositifs de prévention du surendettement.

Les enquêtes réalisées annuellement par la Banque de France montrent que les crédits à la consommation occupent une place prépondérante dans l’endettement. Ainsi, en 2007, Les crédits revolving représentent 70 % des crédits figurant dans les dossiers, en progression de 5 % par rapport à 2001. En outre, si l’on assiste à une diminution de la part des dossiers comportant au moins un crédit revolving, on voit simultanément une augmentation de la densité de ce type de crédits dans les dossiers qui en comportent : de 4 crédits revolving en moyenne en 2001, à 6 en 2007. Ces crédits sont accordés sans étude approfondie de la situation des bénéficiaires, parfois directement à la caisse d’un grand magasin.

C’est donc conscients du rôle central joué par l’attribution parfois abusive de crédits à la consommation dans le processus de surendettement que les pouvoir publics ont alors décidé d’encadrer leurs pratiques. Hélas, ils se sont contentés de tenter de réglementer la publicité autour des crédits à la consommation et améliorer l’information des souscripteurs de prêts.

On le voit bien, ces efforts sont restés insuffisants pour réduire le nombre de foyers surendettés.

Et s’ils sont insuffisants c’est parce qu’ils ne s’attaquent qu’à un bout de la chaîne et visent uniquement à responsabiliser l’emprunteur. Or, comme les parlementaires centristes le soutiennent depuis de nombreuses années par le biais du dépôt de plusieurs propositions de loi, il faut privilégier une co-responsabilisation des deux acteurs du prêt : le prêteur et l’emprunteur. Car on voit bien trop souvent des organismes peu regardant accorder des crédits à des personnes dont la situation financière n’offre manifestement aucune garantie de remboursement. Et ces mêmes organismes, en cas de défaillance de l’emprunteur, se tournent ensuite vers la société pour obtenir réparation d’une rupture d’un contrat relevant du droit privé.

Ainsi, afin de responsabiliser les établissements de crédits, il apparaît naturel d’exiger qu’ils étudient avec précision la situation financière des souscripteurs et décident, en connaissance de cause, d’octroyer ou non le crédit qui leur est demandé. S’il apparaissait alors que l’établissement de crédit n’avait pas procédé à cette vérification, il serait dès lors responsable de la non-solvabilité éventuelle du souscripteur et ne pourrait donc pas engager de procédures de recouvrement, sauf si le souscripteur a délibérément fourni de fausses informations le concernant (article 1er).

Cette responsabilisation du prêteur passe également par un accord exprès obligatoire du prêteur à l’emprunteur d’octroi du crédit, à l’intérieur du délai de rétractation de sept jours, sous peine de voir l’agrément être réputé refusé (articles 2 et 3).

Par ailleurs, dans ce cadre nouveau de la responsabilisation des organismes prêteurs, il convient, en contrepartie, de leur donner les moyens de s’informer de la situation d’endettement personnelle des emprunteurs. Ils ont aujourd’hui à leur disposition le fichier des incidents de paiement (FICP) mais son actualisation est bien trop longue pour permettre une vision précise et réelle de la situation de l’emprunteur au moment de la demande. Et en tout état de cause, lorsqu'un demandeur d'emprunt est inscrit de ce fichier, il est souvent déjà trop tard.

Il est ainsi proposé la création d’un répertoire national des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels (article 4).

Ce répertoire offrirait une double protection aux consommateurs : il serait géré par la seule Banque de France à l’exclusion de tout organisme privé, bancaire ou non, et les établissements de crédit n’auraient accès aux informations que pour un temps limité et uniquement dans l’hypothèse où l’emprunteur potentiel les y aurait explicitement autorisés, interdisant ainsi tout usage commercial de ce répertoire.

Par ailleurs, aujourd’hui, le coût de vérification des dossiers est très élevé pour les organismes prêteurs, ce qui ne contribue qu’à les dissuader de se renseigner sur la solvabilité de l’emprunteur lorsque le montant du prêt n’est pas assez élevé. Le coût de consultation de ce répertoire, déjà mis en place dans la plupart des autres pays de l'Union européenne, pourrait être fixé autour d’une dizaine d’euros – contre quelques dizaines de centimes en Belgique par exemple – afin de ne pas pénaliser les organismes prêteurs qui souhaiteraient y avoir recours et, en même temps, de financer la gestion de ce répertoire.

Enfin, afin de réglementer encore davantage la publicité et même l’offre préalable, souvent agressives et peu claires, il est imposé aux établissements de crédit de faire figurer sur leurs publicités un avertissement visant à alerter les emprunteurs potentiels des risques de surendettement (articles 5 et 6).

Telles sont les principales orientations de la présente proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article L. 311-10 du code de la consommation, il est inséré un article L. 311-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-10-1. – Le prêteur qui a accordé un crédit sans s’être préalablement informé de la situation de solvabilité de l’emprunteur, et notamment de sa situation d’endettement global et de ses revenus, ne peut exercer de procédure de recouvrement à l’encontre de l’emprunteur défaillant, ou de toute personne physique ou morale s’étant portée caution, sauf si l’emprunteur a, en connaissance de cause, fait des fausses déclarations ou remis des documents inexacts en vue d’obtenir un crédit. »

Article 2

Les deux premières phrases de l’article L. 311-15 du code de la consommation sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« Dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l’offre, l’emprunteur peut revenir sur son engagement. »

Article 3

La première phrase de l’article L. 311-16 du code de la consommation est ainsi rédigée :

« Le contrat accepté par l’emprunteur ne devient parfait qu’à la double condition que dans le délai de sept jours, ledit emprunteur n’ait pas usé de la faculté de rétractation visée à l’article L. 311-15 et que le prêteur ait fait connaître à l’emprunteur sa décision d’accorder le crédit. »

Article 4

Après l’article L. 313-6 du code monétaire et financier, il est inséré une sous-section 4 ainsi rédigée :

« Sous-section 4 

« Répertoire national des crédits aux particuliers
pour des besoins non professionnels

« Art. L. 313-6-1 – Il est institué un répertoire national recensant les crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels. Ce fichier est géré par la Banque de France. Il est soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Les établissements de crédit visés par la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit ainsi que les services financiers de La Banque Postale sont tenus de déclarer à la Banque de France les principales caractéristiques des crédits accordés à chaque emprunteur, et notamment le montant, le taux effectif global et l’échéancier de remboursement. Les établissements prêteurs transmettent à la Banque de France les modifications des conditions du crédit.

« L’inscription est conservée pendant toute la durée d’exécution du contrat.

« La Banque de France est seule habilitée à centraliser les informations visées au premier alinéa. Les établissements de crédit et les services financiers susvisés ne peuvent consulter ce fichier à d’autres fins que l’examen de la solvabilité du souscripteur. Ils ne peuvent en aucun cas conserver les informations ainsi obtenues dans un fichier automatisé.

« La Banque de France est déliée du secret professionnel pour la diffusion aux établissements de crédit et aux services financiers susvisés des informations nominatives contenues dans le fichier à la demande de ceux-ci avec l’accord écrit préalable du souscripteur.

« Un arrêté du ministre des finances, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et du comité visé à l’article L. 614-1, fixe notamment les modalités de collecte, d’enregistrement, de conservation et de consultation de ces informations.

« Dans les départements d’outre-mer, l’institut d’émission des départements d’outre-mer exerce, en liaison avec la Banque de France, les attributions dévolues à celle-ci par le présent article.

« Des décrets en Conseil d’État déterminent les conditions d’application de cet article. »

Article 5

Après le 3° de l’article L. 311-4 du code de la consommation, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Comporter les mentions suivantes : “Attention au surendettement. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager.” Cet avertissement couvre au moins 10 % de la surface totale de la publicité, est clairement lisible et figure à un endroit apparent sur fonds contrastant. »

Article 6

L’article L. 311-10 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Comporte les mentions suivantes : “Attention au surendettement. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager.” Cet avertissement couvre au moins 10 % de la surface totale de la publicité, est clairement lisible et figure à un endroit apparent sur fonds contrastant. »


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