Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document
mis en distribution

le 15 avril 2009


N° 1614

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à évaluer et contrôler l’utilisation des aides publiques aux entreprises, aux banques et aux établissements financiers,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Jacques CANDELIER, Maxime GREMETZ, André GERIN, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Désormais les organisations syndicales participeront aussi au contrôle des aides publiques (...). C’est une transparence que nous devons aux contribuables. »

Ainsi s’exprimait le Président de la République, le 19 février 2009.

Les scandales Valéo, sous-traitant automobile aidé par l’État à hauteur de 19 millions d’euros ou Cheuvreux, filiale du Crédit agricole, qui a reçu quant à lui 3 milliards d’euros du Gouvernement, démontrent la nécessité d’une plus grande transparence et d’un contrôle de l’utilisation de l’argent public reçu par les entreprises, les banques et les établissements financiers.

Par ailleurs, on connaît trop, pour ne citer que ces exemples, les difficultés récurrentes éprouvées par les PME dans leur relation avec des banques, qui restent frileuses malgré les fonds publics, ou encore les effets d’aubaine dont bénéficient certaines entreprises à l’occasion des exonérations de cotisations sociales.

Face à la crise, le Gouvernement tente d’apporter des remèdes, que ce soit avec le plan de sauvetage des banques ou avec le plan de relance de l’activité.

L’intervention de l’État est multiforme, elle recouvre à la fois les dispositifs d’allégement des cotisations sociales, les mesures corrigeant l’application de la loi fiscale en matière d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu, mais aussi, les multiples dispositions réduisant la taxe professionnelle et, plus récemment, les garanties accordées aux établissements financiers et aux banques, comme les dotations en capital, notamment au travers de sociétés ou fonds à capitaux publics dédiés (société de refinancement des activités des établissements de crédit, fonds stratégique d’Investissement…).

Les collectivités territoriales ne sont pas en reste. Régions, départements, EPCI, municipalités : pratiquement tous interviennent d’une manière ou d’une autre pour aider les entreprises.

Enfin, il faut ajouter la distribution des crédits adossés aux fonds structurels européens.

Le problème est donc le suivant : dans tous les cas, il n’existe presque aucun contrôle de l’utilisation des milliards octroyés.

Pourtant, toutes ces masses d’argent public devraient impérativement concourir à atteindre un grand objectif national de maintien et de création d’emplois, d’essor des qualifications, de programmation d’investissements utiles et de développement de la production. Car ce n’est qu’à ce prix que l’on pourra envisager une véritable relance de la création des richesses.

En conséquence, l’octroi de toute aide publique devrait être assorti d’une obligation de résultats concrets, précis et vérifiables.

Tant pour les contribuables que pour les salariés concernés, il faut appeler à une démarche nouvelle, une démarche d’efficacité, par le contrôle de l’utilisation des aides.

Dans cette optique, nous estimons nécessaire la création d’une Commission nationale d’évaluation et de contrôle de l’utilisation des fonds publics et la création d’organismes similaires dans chaque région.

Aujourd’hui, la mise en place de ces commissions est une nécessité absolue, car on le voit, la crise amène l’État à intervenir massivement pour soutenir certaines activités stratégiques de l’économie, comme l’automobile et la finance.

Rappelons à cette occasion que de telles commissions avaient été mises en place par le gouvernement de la « Gauche plurielle » en 2001, mais qu’elles ont malheureusement été abrogées de façon idéologique par le gouvernement Raffarin en 2002.

Ces commissions de contrôle et d’évaluation, associant partenaires sociaux, administrations, banques, institutions publiques et élus, auraient vocation à assurer le suivi des aides.

Elles auraient compétence pour faire toute investigation, auprès des directions des entreprises, sur l’utilisation et l’efficacité des aides directes et indirectes, au regard des objectifs fixés.

Elles pourraient formuler des propositions quant aux critères d’allocation desdites aides.

En résumé, les missions de ces commissions devraient aller dans trois directions :

1) Assurer la lisibilité et la transparence du système d’aides publiques aux entreprises. Il est aujourd’hui indispensable de dresser un état de l’ensemble des aides aux entreprises en France, car les salariés et les contribuables ne disposent pas d’informations synthétiques relatives aux aides publiques perçues par les employeurs.

2) Assurer un suivi détaillé, concret et régulier de l’utilisation des aides. Plusieurs administrations ont pour compétence d’exercer un contrôle sur l’utilisation des fonds publics, mais tout montre la nécessite de faire converger le travail des différents organismes et de renforcer les moyens d’enquête sur l’utilisation des aides publiques. La collectivité doit connaître l’usage qui en est fait et se doter des outils permettant de vérifier si les engagements pris sont respectés. Les commissions pourraient notamment s’appuyer sur les travaux des instances de suivi paritaires existant dans les entreprises les plus importantes.

3) Renseigner et alerter les pouvoirs publics sur l’impact réel des flux financiers publics au bénéfice des entreprises. Les commissions auraient également vocation à émettre des recommandations sur les critères d’attribution, sur les conditions d’utilisation et sur les façons d’améliorer l’efficacité sociale des aides. Elles devraient pouvoir proposer des modifications, des suppressions, des suspensions, voire des remboursements des aides, dans l’optique de procéder à des réorientations.

Les bilans, les études et les propositions de ces commissions seraient rendus publics régulièrement, notamment par le recours au service public de l’audiovisuel. La même remarque vaut, bien entendu, pour l’information de la Représentation nationale.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est créé une Commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises, chargée de mesurer les impacts économiques et sociaux et de vérifier l’utilisation des aides publiques de toute nature accordées aux entreprises et aux établissements financiers par l’État et les collectivités territoriales ou leurs établissements publics, afin d’en améliorer l’efficacité en ce qui concerne le développement de l’emploi, de la formation professionnelle et de la production, et de veiller au respect des équilibres territoriaux.

La Commission nationale est également compétente pour évaluer et contrôler l’utilisation des fonds structurels européens.

Article 2

La Commission nationale est composée :

1° De députés et sénateurs désignés par leur assemblée respective ;

2° De représentants de l’État ;

3° De représentants des organisations syndicales représentatives de salariés ;

4° De représentants des organisations professionnelles représentatives d’employeurs ;

5° De personnalités qualifiées, à raison de leur compétence en matière économique et sociale. Une représentation du milieu associatif est prévue à ce titre.

Article 3

Outre sa mission générale de contrôle, la Commission nationale peut être consultée lors de l’institution de tout nouveau dispositif national d’aides publiques aux entreprises et aux banques et établissements financiers.

La Commission nationale peut se saisir elle-même ou être saisie par l’une des instances habilitées à désigner un représentant en son sein, un comité d’entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel, une entreprise, un parlementaire, un maire ou le président d’un conseil général ou d’un conseil régional.

Chaque préfet de région lui transmet chaque année un rapport sur la mise en œuvre et l’utilisation de l’ensemble des aides aux entreprises.

La Commission nationale peut obtenir de tout ordonnateur ou de tout bénéficiaire d’une aide publique toutes précisions utiles à une parfaite transparence dans l’attribution et l’usage des aides définies à l’article 1er.

À la demande d’un parlementaire, d’un maire, d’un président d’un conseil général ou d’un conseil régional, ou de sa propre initiative, elle peut, en outre, interroger les représentants de l’État dans les régions ou les départements afin d’obtenir les informations permettant de mesurer l’ensemble des aides reçues par une entreprise déterminée. La commission communique ces informations à l’auteur de la saisine.

La Commission nationale établit un rapport annuel qui contient ses remarques et avis sur les politiques poursuivies. Elle peut formuler toute proposition quant aux critères d’allocation des aides publiques aux entreprises et aux établissements financiers.

Ce rapport est transmis au Parlement et rendu public.Article 4

Il est créé, dans chaque région, une Commission régionale des aides publiques chargée d’évaluer et de contrôler l’utilisation des aides définies à l’article 1er dans la région.

La commission régionale est ainsi composée :

1° De parlementaires de la région ;

2° De représentants de l’État dans la région ;

3° De représentants des collectivités territoriales ;

4° Des représentants des organisations syndicales représentatives de salariés ;

5° Des représentants des organisations professionnelles représentatives d’employeurs ;

6° De personnalités qualifiées, à raison de leur compétence en matière économique et sociale. Une représentation du milieu associatif est prévue à ce titre.

La commission régionale émet un avis sur le rapport prévu au troisième alinéa de l’article 3. Elle peut, en outre, formuler toute proposition tendant à améliorer l’efficacité des politiques poursuivies.

Le secrétariat de la commission régionale est assuré par le représentant de l’État dans la région.

Article 5

Tout comité d’entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel peut saisir l’ordonnateur d’une aide publique lorsqu’il estime que l’employeur ne respecte pas les engagements souscrits pour bénéficier des aides définies à l’article 1er. Il peut le faire à partir de la connaissance du montant et de l’utilisation des aides publiques que l’employeur est tenu de lui communiquer conformément à l’article L. 2323-8 du code du travail.

L’ordonnateur saisi peut décider, après avoir entendu l’employeur et les représentants du personnel, de suspendre ou de retirer l’aide accordée ; le cas échéant, il peut en exiger le remboursement. Il en apprécie l’utilisation en fonction notamment de l’évolution de l’emploi dans l’entreprise considérée, ou des engagements formulés par le chef d’entreprise pour bénéficier de ces aides, ou des objectifs avancés par les salariés et leurs organisations syndicales.

Article 6

Après le premier alinéa de l’article L. 2323-55 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce rapport porte notamment sur les aides publiques perçues par l’entreprise au cours de l’année écoulée. »

Article 7

Le secrétariat de la Commission nationale est assuré par les services des ministres en charge de l’économie, des finances, du travail et des affaires sociales.

Article 8

Les conditions d’application de la présente loi sont déterminées par décret en Conseil d’État.

Article 9

Les charges pour l’État qui pourraient résulter de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par le relèvement des taux de l’impôt sur les sociétés prévus par l’article 219 du code général des impôts.


© Assemblée nationale