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N° 1678

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à supprimer le retrait de points du permis de conduire pour les petites infractions et soumettre l’opportunité de l’annulation du permis de conduire en cas de solde de points nul à l’autorité administrative,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jacques MYARD,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La politique de sécurité routière menée depuis la mise en place du permis à points en 1992 et la généralisation des contrôles automatiques en 2002 a permis de faire baisser significativement l’insécurité routière. Des mesures fortes ont permis ainsi de conjurer ce qui semblait être une fatalité française, soit un chiffre de 10 000 morts par an sur les routes. Aujourd’hui, ce chiffre est passé sous la barre des 5 000, avec un objectif à moins de 3 000 qui semble désormais à portée de vue.

Force est cependant de constater que cette politique a été fondée essentiellement sur la répression, les mesures préventives n’ayant qu’un faible impact sur les comportements en situation. Néanmoins les Français ont, dans leur grande majorité, approuvé ces mesures tendant à réprimer l’incivisme et les comportements dangereux sur la route, conscients d’être les premiers bénéficiaires de routes plus sûres. Ces mesures ont également largement fait évoluer les mentalités dans le sens d’une plus grande responsabilité, et d’une prise de conscience de nombreux conducteurs de leurs propres limites.

Il n’en demeure pas moins que la mise en place de contrôles automatiques accompagnés de sanctions automatiques a accru le nombre de points de permis retirés et de permis annulés. Rares sont aujourd’hui les conducteurs réguliers ayant encore la totalité de leurs points de permis, chacun étant susceptible de commettre une légère infraction. Aussi, si la baisse du nombre d’accidents graves s’est accélérée depuis la mise en place des contrôles automatiques, et que leur rôle dans ce domaine est incontestable l’on observe cependant un écart croissant entre l’augmentation de la répression automatique et la baisse de la mortalité.

Les études montrent ainsi que 95 % des usagers de la route ayant vu leur permis de conduire annulé suite à la perte de la totalité de leurs points ont un bonus assurance et n’ont donc pas causé d’accidents, ce qui prouve que la répression manque sa cible. Il est ainsi évident que la répression frappe également les comportements les moins dangereux. Ainsi de nombreux Français perdent-ils leur permis de conduire à la suite d’une série de petites infractions qui sont loin de faire d’eux des délinquants de la route. Cette politique de tolérance zéro oblige désormais les conducteurs à une concentration permanente et sans faille, qu’il est humainement impossible de garder sur un nombre de kilomètres élevé, et qui peut devenir à son tour cause d’insécurité en raison de la tension nerveuse.

La perte du permis de conduire est ainsi devenu une menace permanente, avec un caractère aléatoire que nos concitoyens ont de plus en plus de mal à accepter. Garder ou non son permis de conduire est désormais lié au risque statistique d’être contrôlé, lequel dépend essentiellement du nombre de kilomètres parcourus et du type de voies empruntées, plus que de la conduite de chacun. S’ajoute à cela une politique du chiffre qui pousse les forces de l’ordre à contrôler les voies les plus sûres donc plus propices aux excès de vitesse plutôt qu’à sécuriser par une présence dissuasive les voies les plus dangereuses. Les contrôles de vitesse automatiques enfin, par leur caractère aveugle et sans appel, risquent de creuser le fossé entre la population sous pression et les forces de l’ordre.

Enfin le permis à points a également comme effet pervers l’augmentation du nombre de personnes roulant sans permis, ce qui constitue un véritable problème de société aujourd’hui. En effet, la voiture est pour beaucoup de Français l’outil indispensable à la conservation de leur emploi. En outre, repasser le permis de conduire pour des personnes l’ayant obtenu parfois il y a plusieurs décennies est à la fois une épreuve très difficile et un effort financier important. La conduite sans permis n’est ainsi plus le fait d’une population marginale, mais de personnes qui estiment ne plus avoir le choix, et sont découragées par une répression systématique et aveugle : de façon générale ce phénomène traduit une perte de confiance dans les règles de notre vouloir vivre ensemble.

Il apparaît dès lors urgent de revenir au principe qu’il ne faut écarter de la route que les conducteurs véritablement dangereux et incapables de se plier aux règles de la circulation publique, et qu’il ne faut pas confondre avec les usagers ordinaires susceptibles de commettre des erreurs bénignes.

La présente proposition de loi a donc pour objet d’une part d’instaurer une meilleure gradation des sanctions en supprimant le retrait automatique de points dans le cas des infractions les moins graves, essentiellement des petits excès de vitesse. La loi du 5 mars 2007 avait déjà ouvert la voie en instaurant la récupération d’un seul point perdu au bout d’un an. Cependant, le fait de conserver le retrait d’un point de permis pour ces infractions mineures ne va pas au bout de la logique qui veut qu’un faible excès de vitesse ne constitue pas un danger, comme le montrent toutes les études. Il est donc proposé de ne sanctionner ces infractions que par une amende pécuniaire, sans porter atteinte au permis de conduire, c’est à dire la légitimité du conducteur à être usager de la route.

D’autre part, elle vise surtout à ne plus rendre automatique l’annulation du permis en cas de perte de la totalité des points. L’annulation du permis de conduire serait ainsi une décision préfectorale, sur avis conforme d’une commission réunissant les pouvoirs publics et les usagers de la route. Cette commission, présidée par le Délégué départemental à la Sécurité routière du lieu de résidence de la personne en cause examinerait les circonstances des infractions ayant entrainé la perte de points, et se prononcerait sur la nature dangereuse des faits incriminés. Elle serait chargée en définitive non de sanctionner, mais d’apprécier la dangerosité du conducteur. En outre, elle tiendrait compte de la situation personnelle du conducteur, notamment de l’utilisation qu’il fait de son véhicule par rapport à sa vie privée et professionnelle, afin de ne pas pénaliser excessivement une personne en la privant de son outil de travail, et éviter ainsi des drames sociaux surtout en période de crise.

Il convient à ce stade de rappeler que cette procédure n’interfère en rien avec les mesures de suspension du permis de conduire prévues aux articles L. 224-1 et suivants, qui permettent notamment au conducteur de garder l’usage de son véhicule à des fins professionnelles. Aussi, un conducteur ayant commis une infraction lui faisant perdre la totalité de ses points restants, et susceptible de faire l’objet d’une suspension du permis de conduire peut rester titulaire de ce permis et le récupérer dans la limite de 6 points au bout de la période de suspension si le préfet décide, sur avis de la commission, que les infractions commises ne justifient pas une annulation pure et simple.

Dans le cas où il serait décidé de ne pas annuler le permis, il va de soi qu’il convient de le réaffecter d’un nombre de points, afin que ces derniers puissent à nouveau être retirés s’il y a lieu. Dans le cas contraire un permis valable avec un solde de points nul ne ferait que protéger le conducteur du système du permis à points.

En définitive, ces mesures ne visent pas à supprimer le permis à point qui a prouvé son efficacité, mais à replacer le facteur humain au cœur du dispositif, et éviter ainsi les dommages inutiles d’un système qui apparaît de plus en plus comme une machine aléatoire gérée par des ordinateurs.

Telles sont les raisons de la proposition de loi qu’il vous est demandé d’adopter.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 223-2 du code de la route est complété par un alinéa IV ainsi rédigé :

« Le nombre de points qui sont retirés pour chaque infraction tient compte de la gravité des faits incriminés. Dans le cas où un même type d’infraction est réparti sur une échelle de gravité, le premier échelon ne fait l’objet d’aucun retrait de points. »

Article 2

Dans le troisième paragraphe de l’article L. 223-1 du code de la route, le mot : « perd » est remplacé par les mots : « peut perdre ».

L’article L. 223-2 du code de la route est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans chaque département est instauré une Commission du retrait de permis de conduire, présidée par le Délégué départemental à la Sécurité routière, et composée d’un représentant de la Police nationale exerçant ses fonctions dans le département ou d’un un représentant de la Gendarmerie nationale exerçant ses fonctions dans le département, de deux représentants du ministère des transports dont l’un exerçant la fonction d’examinateur du permis de conduire, et trois représentants d’associations d’usagers de la route. Les membres sont nommés par le préfet pour une durée de deux ans.

« La Commission du retrait de permis de conduire examine les circonstances des infractions ayant entrainé la perte de points sur le permis, et donne un avis au Préfet, au regard de la dangerosité des faits incriminés, des antécédents de l’intéressé, de sa situation personnelle, sur la nécessité de prononcer l’annulation du permis de conduire, ou sa suspension dans les conditions prévues aux articles L. 224-2 à L. 224-18. Dans le cas où la commission estime que l’annulation du permis de conduire serait disproportionnée au regard des infractions commises et du préjudice occasionné pour l’intéressé, elle formule également des recommandations au Préfet quant au nombre de points qui seront réaffectés au permis de conduire, dans la limite de la moitié du nombre maximal de points.

« Le préfet statue sur l’annulation du permis de conduire ou sur la réaffectation d’un nombre de points dans un délai d’un mois après la perte effective des points entrainant un solde nul. Il informe le titulaire du permis de sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Le permis de conduire conserve sa validité tant que l’annulation n’a pas été prononcée et dûment notifiée à l’intéressé.

« Si durant cette période une nouvelle infraction est commise entrainant la perte de points, ces points seront déduits du nombre de points réaffectés. Si toutefois le permis n’a pas été réaffecté d’un nombre de points, le conducteur n’est pas considéré comme conducteur sans permis au sens de l’article L. 221-2. »

Dans le premier alinéa de l’article L. 223-5 du code de la route, les mots : « en cas de retrait de la totalité des points » sont remplacés par les mots : « lorsque l’annulation du permis de conduire a été décidée par le préfet dans les conditions prévues à l’article L. 223-2 ».

Article 3

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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