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N° 2045

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 novembre 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à contraindre les délinquants sexuels
à suivre un traitement inhibant les pulsions sexuelles,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Éric CIOTTI,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Une nouvelle fois l’actualité nous démontre les drames de la récidive.

Après Nelly Cremel, tuée en 2005 par un délinquant sexuel en liberté conditionnelle, Sophie Gravard assassinée en 2007, la séquestration et le viol d’Enis, un enfant de 5 ans, en août 2007 à Roubaix par Francis Evrad, pédophile récidiviste, c’est Marie-Christine Hodeau qui est assassinée par un criminel sexuel récidiviste ayant été condamné à une peine de 11 ans et sorti au bout de 7.

Le Gouvernement a déjà beaucoup fait pour lutter contre la récidive et pour la sécurité de nos concitoyens.

Depuis l’instauration du suivi socio-judiciaire pour les délinquants sexuels, les lois se sont multipliées, avec la création de la surveillance judiciaire, le fichier des délinquants sexuels, en août 2007, l’adoption de la loi sur les peines planchers, en février 2008, la loi sur la rétention de sureté et d’ici peu nous examinerons la loi la surveillance de sûreté. Ce texte technique, qui facilite surtout la « surveillance de sûreté », et permet le contrôle extérieur des anciens détenus, permettra de renforcer la lutte contre la récidive des délinquants les plus dangereux.

La peine de suivi socio-judiciaire, qui implique un suivi médical pour le délinquant, n’est prononcée que dans 10 % des cas où elle pourrait s’appliquer. Les juges savent que les moyens de contrôle sont insuffisants. Le nombre de médecins coordonnateurs, qui suivent les délinquants sexuels, est supérieur à 200 loin des 300 promis en 2007.

À ce sujet s’ajoute celui de la castration chimique. Cette appellation impropre vise les traitements inhibiteurs de la libido prescrits par les psychiatres aux délinquants sexuels.

Mais les médecins insistent sur le caractère obligatoirement volontaire de la démarche et de la nécessité d’une psychothérapie pour l’accompagner.

Ce traitement médicamenteux totalement réversible consistant en une injection mensuelle ou trimestrielle et à la prise de comprimés permet de réduire la production de testostérone et de diminuer, de ce fait, la libido, et ainsi les pulsions sexuelles.

Ce traitement plus connu sous l’appellation de castration chimique est autorisée aux États-Unis depuis 1996, en Allemagne depuis 1969, au Danemark depuis 1989, en Belgique depuis 2003, en Suède, au Canada, en Norvège et en Pologne.

Cette terminologie est inappropriée en raison de ces effets et notamment du fait qu’il est d’une part réversible et d’autre part qu’il n’empêche nullement d’avoir des relations sexuelles.

Aussi, cette proposition de loi préférera la dénomination traitement inhibant les pulsions sexuelles à celle de castration chimique.

Actuellement, ce traitement ne peut pas être prononcé par un juge. Ce dernier peut uniquement ordonner une injonction de soin. À charge pour le corps médical de déterminer si un traitement hormonal est opportun et de le proposer au délinquant ou au criminel. Ce traitement repose donc sur le consentement du patient.

Pour rendre cette mesure plus opérante, il convient de permettre aux magistrats, après consultation d’un collège de médecins composé de psychiatres et de spécialistes d’exiger le traitement du condamné dès son incarcération.

Au terme de cet emprisonnement et pour pouvoir bénéficier d’un aménagement de peines, le condamné devra accepter de continuer à suivre le traitement, à défaut la personne devra être maintenue en détention.

Le non-respect de ces obligations entraînera la possibilité pour le juge d’application des peines de refuser l’aménagement de la peine ou de remettre le criminel sexuel en prison si ce dernier venait à interrompre son traitement une fois libéré ou en cas d’injections frauduleuses de testostérone ou de ses dérivées tendant à contrarier le traitement, par le criminel sexuel, le juge d’application des peines pourra également décider d’un nouvel emprisonnement.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le dernier alinéa de l’article 131-36-4 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne est condamnée pour une infraction définie aux articles 222-22 à 222-27, la juridiction peut ordonner, après expertise médicale, le suivi d’un traitement thérapeutique inhibant les pulsions sexuelles, dans les conditions prévues par les articles 706-47 et suivants du code de procédure pénale. Ce traitement doit commencer dès l’incarcération de la personne condamnée. »

Article 2

Après le troisième alinéa de l’article 763-3 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire est soumise à une injonction de soins, le juge d’application des peines ordonne, préalablement à sa libération une expertise médicale afin de déterminer si la personne est susceptible de poursuivre son traitement. Le juge d’application des peines avertit le condamné qu’en cas de refus de suivre ce traitement, ou en cas de prise d’une substance contrevenant aux effets du traitement inhibant les pulsions sexuelles un emprisonnement pourra être prononcé sur le fondement de l’article 131-36-1 du code pénal. »

Article 3

Après le premier alinéa de l’article 706-47-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’expertise médicale visé à l’article 131-36-4 in fine et à l’article 763-3 du code de procédure pénale est menée par trois médecins dont au minimum un psychiatre et un médecin spécialiste des traitements hormonaux. »

Article 4

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés sur les articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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