Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 2181

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2009.

PROPOSITION DE LOI

tendant à instituer la présence de l’avocat durant tous les actes
de la
procédure établis au cours de la garde à vue,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Manuel AESCHLIMANN, Élie ABOUD, Yves ALBARELLO, Patrick BALKANY, Brigitte BARÈGES, Roland BLUM, Françoise BRANGET, Pascal CLÉMENT, Philippe COCHET, Patrice DEBRAY, Jean-Pierre DECOOL, Jacques DOMERGUE, Dominique DORD, Marianne DUBOIS, Marie-Louise FORT, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Guy GEOFFROY, Jean-Pierre GIRAN, Claude GOASGUEN, François-Michel GONNOT, Anne GROMMERCH, Michel HEINRICH, Thierry LAZARO, Guy LEFRAND, Lionnel LUCA, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Éric RAOULT, Jean ROATTA, Jean-Pierre SCHOSTECK, Lionel TARDY, Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe VITEL et Marie-Jo ZIMMERMANN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi s’inscrit dans le cadre de la réforme de la procédure pénale engagée par le Président de la République et le Gouvernement. Elle a pour objectif de renforcer les droits fondamentaux des personnes placées en garde à vue.

La garde à vue est la détention policière d’une personne suspectée d’avoir commis une infraction. En ce qu’elle constitue une privation de liberté, cette mesure implique nécessairement l’existence de garanties tenant aux droits de la défense.

En effet, bien que présumée innocente, la personne suspectée se trouve souvent dans une situation de particulière vulnérabilité à ce stade de la procédure.

Depuis 1993, différentes lois ont affirmé les droits des personnes gardées à vue, avec notamment la faculté de s’entretenir avec un avocat dès la première heure.

Cette situation n’apparaît pas satisfaisante au regard des droits de la défense, consacrés au plan constitutionnel et international.

Aujourd’hui, plusieurs exigences militent en faveur d’une évolution des textes.

Ces garanties sont insuffisantes pour permettre à la personne placée en garde à vue d’être en mesure de se défendre.

En effet, actuellement, l’avocat est simplement informé par l’officier de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l’infraction, sans que la qualification légale de celle-ci ne soit précisée, ni les faits eux-mêmes exposés.

En outre, l’avocat ne peut ni assister aux différents actes, tels que les interrogatoires et les confrontations, ni prendre connaissance du dossier de la procédure.

Surtout, la Cour européenne des droits de l’homme a récemment réaffirmé l’exigence d’un accès au dossier et le droit d’être assisté par un avocat pendant les interrogatoires, pour que le droit à un procès équitable demeure suffisamment « concret et effectif ».

Il s’avère donc indispensable de modifier notre législation afin qu’elle se conforme aux principes du procès équitable énoncés par les dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

De plus, la réforme proposée permettrait d’éviter que soient utilisées des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire subi sans l’assistance d’un avocat, pour fonder une condamnation, et contribuerait ainsi à prévenir le risque d’erreur judiciaire.

Enfin, cette évolution positive de notre législation en la matière ne ferait qu’aligner la France sur la position des démocraties voisines, qui, pour la plupart (Allemagne, Espagne, Suisse), autorisent l’assistance de l’avocat pendant les interrogatoires ainsi que son accès au dossier de la procédure.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 63-4 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « qui aura préalablement pu prendre connaissance du dossier de l’enquête ou de la procédure d’instruction » ;

2° La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « après que le dossier d’enquête ou la procédure d’instruction auront été mis à sa disposition » ;

3° La dernière phrase du troisième alinéa est supprimée ;

4° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dès le début de la garde à vue, la personne ne peut être entendue, interrogée ou assister à tout acte d’enquête, à moins qu’elle n’y renonce expressément, qu’en présence de son avocat ou ce dernier dûment appelé. Le dossier d’enquête ou la procédure d’instruction sont mis à la disposition de l’avocat avant chaque interrogatoire, confrontation ou acte d’enquête. » ;

5° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« L’avocat ne peut faire état ni de l’entretien qu’il a eu dans le cadre de la garde à vue ni d’aucun acte auquel il a assisté auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue. » ;

6° Le dernier alinéa est supprimé.

Article 2

Après la première phrase du premier alinéa de l’article 64 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il mentionne aussi la présence de l’avocat de la personne gardée à vue aux auditions, interrogatoires ou actes d’enquête, et le cas échéant, les raisons de son absence. »

Article 3

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


© Assemblée nationale