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N° 2290

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 février 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à ouvrir le droit au mariage à tous les couples
sans distinction de sexe ni de genre,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marie-George BUFFET, Martine BILLARD, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

Député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que depuis 2001 de nombreux pays à travers le monde ont ouvert le mariage civil aux couples de personnes de même sexe, ce dernier leur reste en France fermé. Cette discrimination frappe aussi celles et ceux qui affirment et vivent une identité de genre différente par rapport à l’état civil de leur naissance. Cela signifie concrètement qu’en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre certaines personnes se trouvent, dans notre République se réclamant de la liberté et de l’égalité, privées du droit d’exprimer leur amour de la manière qu’ils jugent la plus opportune.

Il n’y a aucune raison d’interdire aux couples de telles personnes de se marier. Ceux qui le refusent se réfugient le plus souvent dans une conception biologisante de la famille, réduisant insidieusement le sens du mariage à la filiation biologique et niant par là-même le droit à l’adoption. Considérant le mariage non comme un droit mais comme une institution, ils tentent d’imposer les critères d’un sacrement religieux à un acte d’état civil pourtant inscrit dans l’ordre juridique d’une République laïque.

Les droits et devoirs respectifs des époux prévus dans le code civil n’exigent par ailleurs aucunement que seules des personnes de sexes et de genres différents puissent contracter mariage. Des époux de même sexe ou de même genre peuvent tout à fait se devoir « mutuellement respect, fidélité, secours, assistance », « assurer ensemble la direction morale et matérielle de la famille » ou encore s’obliger « mutuellement à une communauté de vie » pour ne citer que quelques exemples.

Il faut désormais penser avant tout le mariage comme une union ayant pour but une solidarité réciproque et reposant sur une affection partagée. Alors qu’il a paru à toutes et tous évident que réserver le PACS aux couples de personnes de même sexe était discriminatoire vis-à-vis des couples hétérosexuels, il est temps d’ouvrir le mariage civil à tous les couples pour lever une discrimination tout aussi évidente à l’égard des homosexuels, lesbiennes, transsexuels et transgenres.

Cette discrimination a des conséquences dommageables pour les conjoints de tels couples qui, avant la loi sur le PACS, se trouvaient dans une situation de grande insécurité juridique. Aujourd’hui d’importantes inégalités demeurent – en matière de dispositions testamentaires, de transfert de bail, de droit à un séjour stable pour les personnes de nationalité étrangère – que seul l’accès au droit au mariage peut supprimer en même temps qu’il pourrait contribuer à établir plus justement leurs droits en matière d’adoption ou en matière de garde des enfants après un divorce.

Parce que nous considérons, à l’instar de la Ligue des droits de l’Homme, que la liberté pour chacune et chacun de choisir son mode de vie, de vivre son orientation sexuelle et son identité de genre doit être garantie et protégée par la loi, que toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre doit être proscrite et combattue et que la meilleure garantie de l’égalité des droits réside dans l’existence d’institutions universelles, ouvertes à tous, plutôt que dans la mise en place d’institutions différenciées, nous vous demandons de voter la présente proposition de loi.

Déposée sous la précédente législature, le 9 novembre 2005, la proposition de loi créant un droit au mariage pour les personnes de même sexe a été la première émanant d’un groupe de l’Assemblée nationale relative à ce sujet. Elle avait dans le même temps été déposée par le groupe Communiste, Républicain et Citoyen au Sénat.

Cette double initiative parlementaire a sans doute contribué, avec de nombreuses actions d’origines diverses, de très grande ampleur ou d’impact plus modeste, à faire grandir dans l’opinion, jusqu’à devenir largement majoritaire, l’idée que le droit au mariage devait être ouvert aux couples de personnes de même sexe. Les positions sur la parentalité ont également évolué dans le sens de l’égalité.

En décidant aujourd’hui de proposer de nouveau ces dispositions dans le cadre de l’actuelle législature et de les étendre quelle que soit l’identité de genre des personnes concernées, les parlementaires signataires ont le sentiment d’accomplir un acte fort et utile. Elles et ils le mettent au service des luttes pour l’égalité, le bonheur et l’émancipation face aux choix néfastes de la droite qui refuse tout élargissement des droits à cet égard, comme le récent débat sur le PACS l’a confirmé au Sénat.

L’article premier concerne le déroulement de la célébration du mariage par l’officier de l’état civil et l’obligation pour les conjoints de déclarer leur volonté de s’unir par le mariage. L’article deux précise la publication du mariage pour les militaires en cas de guerre, d’expédition, d’opération de maintien de l’ordre et de pacification ou de stationnement des troupes françaises en territoire étranger. L’article trois concerne la possibilité pour les conjoints, depuis la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975, d’avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie. L’article quatre définit le mariage comme une union célébrée entre deux personnes indépendamment de leur sexe et de leur identité de genre. L’article cinq est consacré à la prohibition du mariage entre membres d’une même famille. L’article six concerne la nullité de l’acte de mariage en cas de décès des deux individus mariés dont est issu l’un futurs conjoints. L’article sept définit l’autorité parentale. L’article huit concerne la composition du conseil de famille pour le cas de sa convocation par le juge des tutelles. L’article neuf précise les modalités de signature d’un testament devant notaire.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Dans le dernier alinéa de l’article 75 du code civil, les mots : « pour mari et femme » sont remplacés par les mots : « pour époux ».

Article 2

Dans l’article 96 du même code, après les mots : « du futur époux », sont insérés les mots : « ou de la future épouse ».

Article 3

Dans le premier alinéa de l’article 108 du même code, les mots : « Le mari et la femme » sont remplacés par les mots : « Les conjoints unis par le mariage ».

Article 4

I Au début de l’article 144 du code civil, est insérée la phrase suivante :

« Le mariage est l’union célébrée par un officier d’état-civil entre deux personnes de même sexe ou de sexe différent, quelle que soit leur identité de genre. »

II Au premier alinéa, les mots : « L’homme et la femme ne peuvent » sont remplacés par les mots : « Une personne ne peut ».

Article 5

I L’article 162 du même code est complété par les mots : « ou deux frères ou deux sœurs, ».

II L’article 163 du même code est ainsi modifié :

1° Après les mots « la nièce », sont insérés les mots : « ou le neveu » ;

2° Après les mots « le neveu », sont insérés les mots : « ou la nièce ».

III L’article 164 du même code est ainsi modifié :

1° Après les mots : « la nièce », sont insérés les mots : « ou le neveu » ;

2° Après les mots : « le neveu », sont insérés les mots : « ou la nièce ».

Article 6

Au premier alinéa de l’article 197 du code civil, les mots : « mari et femme » sont remplacés par le mot : « conjoints ».

Article 7

Dans le deuxième alinéa de l’article 371-1 du même code, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents ».

Article 8

La première phrase du premier alinéa de l’article 412 du même code est ainsi rédigée : « Deux époux peuvent se représenter l’un l’autre. »

Article 9

Dans la dernière phrase de l’article 980 du même code, les mots : « le mari et la femme » sont remplacés par les mots : « deux époux ».

Article 10

Les modalités d’application de la présente proposition de loi sont déterminées par décret en Conseil d’État.


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