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le 24 février 2010


N° 2304

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 février 2010.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’activité
des sociétés concessionnaires d’autoroutes,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Éric CIOTTI,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il y a cinquante ans, le réseau autoroutier français comptait 100 kilomètres. Aujourd’hui, il avoisine les 8 500 kilomètres.

Afin de développer ce réseau, l’État en a transféré la gestion à des sociétés concessionnaires. Parallèlement, il a été dérogé à la gratuité de circulation en établissant des péages.

L’établissement de ces péages sur les autoroutes françaises avait été autorisé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 12 juillet 1979 considérant « d’une part, que, si la liberté d’aller et venir est un principe de valeur constitutionnelle, celui-ci ne saurait faire obstacle à ce que l’utilisation de certains ouvrages donne lieu au versement d’une redevance ; que, si la loi du 30 juillet 1880 dispose : il ne sera plus construit à l’avenir de ponts à péage sur les routes nationales ou départementales, il ne saurait en résulter que le principe de la gratuité de la circulation sur ces voies publiques doit être regardé, au sens du préambule de la Constitution de 1946, repris par celui de la Constitution de 1958, comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République. »

Cette restriction était fondée sur la nécessité de financer la construction de nouvelles autoroutes. Les tarifs étaient, de ce fait en lien avec le coût de la construction et d’entretien des voies d’autoroutes.

Ce principe déjà énoncé à l’article 4 de la loi du 18 avril 1955 dispose pour sa part, que « l’usage des autoroutes est en principe gratuit. Toutefois, il peut être institué, par décret en Conseil d’État, un péage pour l’usage d’une autoroute en vue d’assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l’exploitation, à l’entretien, à l’aménagement ou à l’extension de l’infrastructure.

En cas de délégation des missions du service public autoroutier, le péage couvre également la rémunération et l’amortissement des capitaux investis par le délégataire. »

La loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982 exigeait des évaluations par grands projets. La jurisprudence du Conseil d’État, pour sa part, estimait que le plafond des redevances est constitué par le coût des services rendus et de là, estime que les tarifs doivent être fixés en fonction d’autoroutes facilement identifiables et non d’un réseau hétérogène d’âge divers.

Dans un souci de transparence, la loi dite « Sapin » du 29 janvier 1993 a prévu de limiter la durée des concessions à la durée normale d’amortissement. «Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire.

Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l’investissement à réaliser et ne peut, dans ce cas, dépasser la durée normale d’amortissement des installations mises en œuvre. »

Aussi, lorsque l’amortissement de l’autoroute est terminé, les tarifs pratiqués par le concessionnaire, devraient diminuer et ne couvrir que les coûts d’entretien.

Or, on ne peut que constater que ce n’est pas le cas !

Déjà, par un avis du 16 septembre 1999, le Conseil d’État avait estimé illégal la technique de l’adossement qui consistait à utiliser les produits des autoroutes déjà construites pour développer le reste du réseau. De cet avis, les sociétés concessionnaires auraient du baisser le tarif des péages d’autoroute déjà amorties, ce qui n’a pas eu lieu.

L’État est alors intervenu et a mis un terme au mécanisme de l’adossement en organisant de nouvelles concessions propres pour les futures constructions indépendantes des autoroutes en fonctionnement.

Dès lors, il coexiste deux régimes juridiques : les concessions historiques dont les premières autoroutes financent et continuent à financer les constructions récentes et les concessions nouvelles dévolues par autoroute.

Par ailleurs, l’ouverture du capital puis la privatisation en 2006 par le gouvernement Villepin, des sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes pour un montant de 14,8 milliards € ont modifié la relation entre l’État et les opérateurs.

Des contrats de plan, conclus pour une durée de cinq ans entre l’État et les sociétés concessionnaires, formalisent les engagements de chacune des parties en matière de travaux et d’investissements, de politique tarifaire, d’objectifs financiers, d’indicateurs de gestion, de politique sociale et d’emploi, de service à l’usager, de qualité architecturale des ouvrages et d’insertion dans l’environnement.

Par ailleurs, l’État définit ainsi un pourcentage global de hausse que les sociétés concessionnaires répercutent, comme bon leur semble, ce qui conduit à des abus.

Dès 2008, la Cour des Comptes a mis en évidence plusieurs incohérences en ce domaine dans son rapport annuel :

– un système éloigné de la référence juridique aux coûts,

– un système économiquement incohérent avec des distorsions dans les règles tarifaires et les méthodes de calcul des péages,

– des tarifs opaques,

– la faiblesse du contrôle des tarifs par l’administration, alors que les concessions bénéficient d’un quasi-monopole,

– et plus généralement un système devenu trop favorable aux concessionnaires.

La Cour des Comptes a notamment mis en exergue la technique dite de « foisonnement » qui consiste à augmenter plus fortement les tronçons où il y a le plus de trafic autoroutier ce qui permet de donner un coup de pouce aux résultats tout en respectant un taux global d’augmentation défini par l’État pour chaque société.

Ainsi, année après année, les pouvoirs publics ont homologué des tarifs critiquables.

Au 1er février 2010, l’augmentation moyenne globale devrait osciller de 0,5 à 1 % sur l’ensemble du réseau national. Néanmoins cette hausse n’est pas homogène !

Par exemple, à partir du 1er février 2010, le péage de Saint-Isidore Ouest dans les Alpes-Maritimes passera de 0,40 à 0,50 €, soit une augmentation de 25 % pour le contournement de Nice.

De telles distorsions ne sont pas acceptables.

Dès lors, il est proposé la création d’une commission d’enquête aux fins de faire un état des lieux, suite aux privatisations des sociétés concessionnaires d’autoroute. Depuis 2006, quel bilan peut être dressé suite à la cession des actions détenues par l’État ? Quelles sont les modalités de contrôle par l’administration des tarifs pratiqués, des investissements effectués ?

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête de trente membres relative au fonctionnement des sociétés concessionnaires des autoroutes françaises.

Elle devra établir un bilan sur l’activité de ces sociétés concessionnaires depuis la privatisation tant au regard des tarifs pratiqués que des investissements effectués et proposer des mesures destinées à faire respecter les principes fondamentaux régissant ce domaine.


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