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N° 2795

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire le fichage génétique des militants syndicaux,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre GOSNAT, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Institué par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions de nature sexuelle, le FNAEG est un fichier d’identification, commun à la police et à la gendarmerie et placé sous le contrôle d’un magistrat du parquet. Comme précisé par l’article 706-54 du code de procédure pénale, le FNAEG a pour finalité de « centraliser les empreintes génétiques issues des traces biologiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes déclarées coupables de l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55 ». Ce fichier rassemble les prélèvements génétiques de personnes condamnées où à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55 du code de procédure pénale. Il est complété par les profils génétiques des personnes disparues ou décédées dans le cadre des procédures de recherche des causes de la mort ou des causes d’une disparition prévues par les articles 74, 74-1 et 80-4 du code de procédure pénale.

Actuellement, le critère d’enregistrement au FNAEG repose sur la nature de l’infraction commise et non sur la qualité de l’auteur de cette infraction. Cette spécificité n’est pas sans poser de problème. En effet, l’article 706-55 du code de procédure pénale fixe le champ des infractions pour lesquelles un prélèvement biologique est possible. Le champ de ces infractions, initialement limité aux infractions à caractère sexuel, a été considérablement étendu par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne et la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure présentée par Nicolas Sarkozy à la plupart des infractions prévues au code pénal, et notamment aux délits contre les biens, tels que les vols et dégradations. Par conséquent, le champ très large des crimes et délits pour lesquels un individu est soumis à un prélèvement génétique fait qu’au 31 décembre 2009, plus de 1,2 million de profils génétiques étaient recensés dans le FNAEG contre seulement 2 000 il y a huit ans. Se retrouvent ainsi fichés dans cette base de données des auteurs de crime, de viol, de trafic de drogue, des membres du grand banditisme...mais aussi des militants syndicaux. Ces derniers, lorsqu’ils sont condamnés dans le cadre d’une mobilisation sociale pour des délits de menaces aux personnes ou destruction et dégradation de biens sont soumis à un prélèvement ADN.

La crise économique et les conséquences sociales dramatiques en découlant ont eu pour conséquence une radicalisation des revendications des salariés. Face aux fermetures autoritaires d’usines, aux délocalisations, aux plans de licenciements massifs, les salariés n’ont eu d’autres choix que de raidir leur mobilisation en ayant recours notamment à la rétention prolongée de cadres ou de patrons d’entreprise. Des Molex aux Conti, en passant par les PTPM, ce que certains nomment abusivement « séquestration » est devenue un recours ultime pour des salariés acculés. Dans la situation actuelle, bon nombre de syndicalistes vont donc se retrouver fichés à l’égal de criminels. Cette situation est tout à la fois dégradante pour notre pays et dangereuse pour la démocratie. Ainsi défini, le FNAEG stigmatise les militants syndicaux comme des criminels en puissance. Il avalise la criminalisation du mouvement social et à travers cela la condamnation à de lourdes peines des militants, des syndicalistes qui ne font que défendre le droit au travail et les intérêts des salariés.

En outre, le salarié sommé de se soumettre à un prélèvement ADN ne peut à aucun moment le refuser, ceci relevant d’un nouveau délit. Le refus de se soumettre au prélèvement d’ADN est en effet passible de 12 à 24 mois de prison ferme et de 18 à 30 000 € d’amende. Cette situation est inadmissible. Avec cette proposition de loi nous dénonçons publiquement l’absurdité de cette politique et la dangerosité des lois qui transforment les mobilisations sociales, les occupations d’entreprise ou encore certaines manifestations sur la voie publique en délit crapuleux.

L’article unique de cette proposition de loi exclut donc du champ du FNAEG les salariés membres d’un syndicat professionnel ou des salariés dans le cadre d’une action syndicale pour des délits relatifs aux atteintes aux libertés de personne et aux biens.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article 706-55 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le 2° est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

«2° Les crimes contre l’humanité et les crimes et délits d’atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de trafic de stupéfiants, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d’exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs, prévus par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-16, 222-34 à 222-40, 225-4-1 à 225-4-4, 225-5 à 225-10, 225-12-1 à 225-12-3, 225-12-5 à 225-12-7 et 227-18 à 227-21 du code pénal. »

« 2 bis Les crimes et délits de menaces d’atteintes aux personnes et d’atteintes aux libertés de la personne, prévus par les articles 222-17, 222-18 et 224-1 à 224-8 du code pénal, à l’exclusion de ceux commis par des salariés membres d’un syndicat professionnel ou des salariés dans le cadre d’une action syndicale, de ceux pour lesquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’ils aient été commis par des salariés membres d’un syndicat professionnel ou des salariés dans le cadre d’une action syndicale et de ceux pour lesquels il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’ils aient été commis par des salariés membres d’un syndicat professionnel ou des salariés dans le cadre d’une action syndicale. »

2° Le 3° est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« 3° Les crimes et délits de vols, d’extorsions et d’escroqueries, prévus par les articles 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-9 et 313-2 du code pénal. »

« 3° bis Les crimes et délits de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d’atteintes aux biens prévus par les articles 322-1 à 322-14 du code pénal, à l’exclusion de ceux commis par des salariés membres d’un syndicat professionnel ou des salariés dans le cadre d’une action syndicale, de ceux pour lesquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’ils aient été commis par des salariés membres d’un syndicat professionnel ou des salariés dans le cadre d’une action syndicale et de ceux pour lesquels il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’ils aient été commis par des salariés membres d’un syndicat professionnel ou des salariés dans le cadre d’une action syndicale. »


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