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N° 2807

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à modifier les conditions de constitution
de partie civile par les associations,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

Christian VANNESTE, Lionnel LUCA, Claude BODIN, Dino CINIERI, Olivier DASSAULT, Nicolas DHUICQ, Jean-Pierre GORGES, Michel LEZEAU, Christian MÉNARD, Bruno SANDRAS et Fernand SIRÉ,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La liberté d’expression, droit fondamental reconnu à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, est depuis son origine source de débats quant à son champ d’application. En effet, lors de la rédaction de cette déclaration de droit durant l’été 1789, l’Assemblée nationale s’est divisée en deux groupes. S’opposaient les défendeurs d’une liberté d’expression aux limites définies par la loi, représentés par l’Abbé Sieyès, et les membres de l’Assemblée favorables à une liberté d’expression infinie dont Robespierre ou encore Marat faisaient partie. La première conception de ce droit a alors été retenue comme le montre l’énoncé de l’article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

Ainsi, une liberté d’expression reconnue mais limitée règne dans notre pays depuis la Révolution française. Cette interprétation limitative est également présente dans la Convention européenne des droits de l’Homme qui dispense à son article 10 que la portée de la liberté d’expression peut être nuancée par le respect d’autres impératifs tels que « la sécurité nationale, l’intégrité territoriale ou la sûreté publique, la défense de l’ordre et la prévention du crime, la protection de la santé ou de la morale, la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

La Cour européenne des Droits de l’Homme exerce une application stricte de ces facteurs d’entraves à la liberté d’expression, comme le montre l’arrêt Handyside de 1976, puisque ce principe occupe, selon elle, une place cruciale au sein de nos démocraties et seul un « besoin social impérieux » permet de la contrer.

Ce contrôle ciblé de l’étendue du principe de liberté d’expression ne peut être remis en cause mais est actuellement source de dérives comme le prouvent les nombreuses affaires judiciaires actuelles.

Les différents éléments de limitation déclinés par la Convention européenne des droits de l’Homme sont tout à fait légitimes puisqu’ils touchent à la protection de l’ordre public d’une part et de la personne d’autre part.

Ainsi, toute personne est légitimement condamnable du fait de ses paroles si ces dernières constituent une provocation susceptible d’inciter au crime, comme le transpose l’article R 625-7 du code pénal. De plus, toute personne ayant formulé une opinion sur autrui nuisant à sa réputation doit en subir les conséquences.

Toutefois, une assimilation regrettable est faite entre la réputation d’une personne et celle d’un groupe. Cette assimilation conduit à la condamnation de personnes ayant formulé un propos de portée générale dont l’appréciation de la véracité reste totalement subjective. Ce propos peut être désagréable. Il est laissé au jugement de l’opinion publique mais ne peut faire l’objet d’une action judiciaire dès lors qu’il n’entraîne pas d’atteinte à la dignité d’une personne déterminée.

Pour éviter la multiplication des procédures et le bâillonnement de la liberté d’expression, aucune action ne devrait être menée par une association sans qu’une personne n’ait préalablement porté plainte pour injure ou diffamation. Les associations ne doivent en aucun cas se constituer en « chien de garde » des éventuelles dérives de la liberté d’expression. Ce rôle serait en effet en contradiction profonde avec le principe même de notre droit qui soutient qu’il ne peut y avoir d’infraction sans victime. Alors, les destinataires de paroles tendant à nuire à leur réputation sont libres de porter plainte contre l’auteur de ces paroles selon les dispositions des articles R 624-3 et R 624-4 du code pénal pour les diffamations et injures non publiques et des articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 pour les diffamations et injures publiques. Il appartiendra aux autorités judiciaires de déterminer si ces personnes possèdent un intérêt suffisant pour agir.

Une fois la plainte déposée par la personne visée par des propos outrageants, cette dernière peut choisir de demander à une association de se porter partie civile au regard du principe posé par l’article 2 du code de procédure pénale. Toutefois, cette constitution ne devrait pas se contenter d’être subordonnée au simple accord de la victime mais devrait requérir le dépôt d’une plainte préalable de la victime et la demande de cette dernière. L’association ne doit intervenir que dans un deuxième temps, une fois la plainte déposée par la victime, afin d’appuyer sa demande et non d’exercer un contrôle de ce qui constitue selon elle une opinion outrageante.

La parole ne pourra alors être remise en cause que dans les cas où elle porte atteinte à l’ordre public ou à une personne déterminée et ayant intenté une action en réparation, appuyée ou non par une association.

C’est pourquoi, une modification de l’article 2-1 du code de procédure pénale énonçant la possibilité pour une association de se constituer partie civile et les conditions de cette constitution apparaît nécessaire.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le deuxième alinéa de l’article 2-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Toutefois, l’association ne sera recevable dans son action que si la personne victime de l’infraction ou, si celle-ci est mineure, ses parents ou son représentant légal, a préalablement déposé une plainte contre l’auteur de cette infraction et que cette action est effectuée à la demande de la victime ».


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