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N° 2968

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 novembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à réprimer les situations de polygamie,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Chantal BRUNEL, Bérengère POLETTI, Jean-Pierre SOISSON, Patrice CALMÉJANE, Olivier DASSAULT, Michel GRALL, Jean-Marie SERMIER, Christian MÉNARD, Françoise de SALVADOR, Didier QUENTIN, Guy MALHERBE, Jean-Pierre SCHOSTECK, Georges MOTHRON, Jean-Marc NESME, Michel DIEFENBACHER, Patrice VERCHÈRE, Yanick PATERNOTTE, Marianne DUBOIS, Geneviève LEVY, Fernand SIRÉ, Jean-Marie ROLLAND, Philippe GOSSELIN, Louis GUÉDON, Lionnel LUCA, Michel TERROT, Jacques REMILLER, Fabienne LABRETTE-MÉNAGER, Jacques DOMERGUE, Brigitte BARÈGES, Henriette MARTINEZ, Christian VANNESTE, Jean-Louis CHRIST, Jacques LAMBLIN, Jean-Sébastien VIALATTE, Bruno BOURG-BROC, Jean-François CHOSSY, Georges GINESTA, Bruno SANDRAS, Jean-Luc REITZER, Daniel SPAGNOU, Georges COLOMBIER, Marguerite LAMOUR, Michel HERBILLON, Philippe MEUNIER, Patrick BEAUDOUIN, Guy GEOFFROY, Christophe GUILLOTEAU, Daniel MACH, Michel VOISIN, Alain GEST, Arnaud RICHARD, Jean-Michel COUVE, Bernard DEPIERRE, André WOJCIECHOWSKI, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Bernard BROCHAND, Marie-Louise FORT, Jean-François MANCEL, Xavier BRETON, Étienne MOURRUT, Josette PONS, Jean-Claude BOUCHET, Claude GATIGNOL, Philippe COCHET, Geneviève COLOT, Philippe Armand MARTIN, Nicole AMELINE, Jean-Pierre DECOOL, Serge POIGNANT, Didier JULIA, Michel SORDI, Franck GILARD, Dominique DORD, Jacques MYARD, Yves DENIAUD, François-Michel GONNOT, Pierre LASBORDES, Jacques GROSPERRIN, Bernard CARAYON, Gabriel BIANCHERI, Jean-Paul GARRAUD, Nicolas DHUICQ, Jacques Alain BÉNISTI, Didier GONZALES, Chantal BOURRAGUÉ, Béatrice PAVY, Roland BLUM, Charles de LA VERPILLIÈRE, Jean-Michel FERRAND, Michel HAVARD, Marc JOULAUD et Dino CINIERI,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Si l’on ignore le nombre exact de familles qu’elle recouvre (la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) annonçait en 2006 un chiffre compris entre 16 et 20 000 familles polygames sur notre territoire), on connaît en revanche les conséquences dramatiques que la polygamie engendre au sein des foyers concernés. Une multiplicité d’enfants dans de minuscules superficies, contraints d’attendre dans la rue leur tour pour le repas et privés d’éducation ; des femmes meurtries ; des allocations obtenues de manière frauduleuse...

Or l’arsenal législatif dont nous disposons est lacunaire lorsqu’il s’agit de condamner le conjoint polygame. Et pour cause : outre le fait de sanctionner la prononciation de plusieurs mariages sur notre territoire (ce qui n’arrive que rarement, les unions étant pour la plus grande part d’entre elles célébrées à l’étranger), il n’existe pas à proprement parler de définition juridique d’un délit de polygamie. Cette lacune freine considérablement le travail de la justice.

Cette proposition de loi a pour objectif de combler ce vide juridique en instaurant un ensemble de règles visant à combattre la polygamie et à aider les femmes qui en sont victimes.

À cette fin, le I de l’article 1er et les articles 2 et 4 font bénéficier les femmes victimes de polygamie du dispositif existant pour les victimes de violences conjugales. Leur situation étant voisine, il est en effet logique qu’elles puissent bénéficier de l’ordonnance de protection des victimes si elles souhaitent faire cesser cette union de fait et porter plainte sur le fondement des violences psychologiques si elles en sont victimes de la part de leur conjoint ou concubin.

Pour mieux combattre la polygamie, un délit punissant la contrainte à vivre dans une situation de polygamie est créé, au sein du code pénal, par le II de l’article 1er, de même qu’un délit visant à sanctionner le fait de conclure une union religieuse avec une autre personne que son conjoint (III de l’article 1er). Enfin, sur le fondement du IV de cet article, les ministres du culte qui prononcent une union religieuse sans avoir la preuve que les personnes qu’il unit sont civilement mariées sera passible de sanctions pénales dès la première union prononcée et non pas si ce comportement est « habituel », ce que prévoit actuellement le code pénal.

En matière de prestations familiales, l’article 3 prévoit que ces dernières ne pourront pas être versées à la personne polygame (le mari). Elles pourront bénéficier aux personnes qui vivent avec lui (ses femmes) mais devront alors être gérées par un tuteur aux prestations familiales désigné par le juge.

Enfin, l’article 5 renforce la sanction applicable aux personnes qui aident au séjour de personnes polygames en situation irrégulière.

Elle propose donc une définition claire et circonscrite de la polygamie en ajoutant au critère numérique (plusieurs femmes pour un seul mari), la notion de contrainte, afin de sanctionner l’ensemble des conséquences
– morales, physiques mais aussi économiques – que cette union de fait génère.

La polygamie n’est ni plus ni moins qu’une forme archaïque de violence faite aux femmes qui porte atteinte à l’égalité hommes-femmes, pourtant l’un des principaux piliers de notre République. Elle perdure depuis trop longtemps en toute impunité sur notre territoire. Il est temps que cela cesse.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le code pénal est ainsi modifié :

I. – Le dernier alinéa de l’article 222-33-2-1 est complété par les mots : « , ou par une personne qui vit en situation d’union de fait avec plusieurs personnes, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de continuité et de stabilité, à l’égard de l’une d’entre elles. »

II. – Après l’article 224-5-2, il est inséré une section I bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« De l’imposition d’une union de fait
à plusieurs personnes de même sexe

« Art. 224-5-3. – Le fait, par menace, violence ou contrainte, abus d’autorité ou abus de faiblesse, d’imposer à plusieurs personnes de même sexe une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de continuité et de stabilité, est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »

III. – À l’article 433-20, après les mots : « précédent », sont insérés les mots : « ou de conclure une union religieuse avec une autre personne que celle avec laquelle elle est engagée dans les liens du mariage ».

IV. – À l’article 433-21, les mots: « , de manière habituelle, » sont supprimés.

Article 2

L’article 515-9 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Peut bénéficier d’une ordonnance de protection la personne victime de violences exercées par la personne avec laquelle elle vit en situation d’union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de continuité et de stabilité, lorsque ces violences la mettent en danger ou mettent en danger un ou plusieurs enfants. »

Article 3

I. – À l’article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : « française ou étrangère résidant en France, », sont insérés les mots : « ne vivant pas en état de polygamie, ».

II. – Au deuxième alinéa de l’article L. 512-2 du même code, après les mots : « les étrangers », sont insérés les mots : « ne vivant pas en état de polygamie ».

III. – L’article L. 552-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne ayant la charge d’un enfant et que son conjoint ou son concubin vit en état de polygamie, le droit éventuel aux prestations familiales ne peut être exercé que par un tuteur aux prestations familiales, extérieur à la famille, désigné par le juge des enfants. »

IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.

Article 4

Le dernier alinéa de l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par les mots : « , sauf si ce dernier bénéficie d’une ordonnance de protection sur le fondement de l’article 515-9 du code civil ».

Article 5

L’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines prévues au premier alinéa sont portées à sept années d’emprisonnement et 50 000 euros d’amende lorsque l’étranger vie en situation de polygamie. »


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