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N° 2973

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 novembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer l’allocation de solidarité pour l’eau,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

André FLAJOLET, Jacques Alain BÉNISTI, Marc BERNIER, Jérôme BIGNON, Jean-Marie BINETRUY, Étienne BLANC, Jean-Yves BONY, Françoise BRANGET, Xavier BRETON, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Yves CENSI, Dino CINIERI, Georges COLOMBIER, Alain COUSIN, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Jean DIONIS du SÉJOUR, Jacques DOMERGUE, Jean-Pierre DOOR, Yannick FAVENNEC, Daniel FIDELIN, Jean-Claude FLORY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Franck GILARD, Michel GRALL, Louis GUÉDON, Sébastien HUYGHE, Paul JEANNETEAU, Marc JOULAUD, Geneviève LEVY, Lionnel LUCA, Christine MARIN, Muriel MARLAND-MILITELLO, Jean-Philippe MAURER, Christian MÉNARD, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre NICOLAS, Bertrand PANCHER, Bernard PERRUT, Michel PIRON, Josette PONS, Frédéric REISS, Jacques REMILLER, Arnaud RICHARD, François ROCHEBLOINE, Jean-Marie ROLLAND, Francis SAINT-LÉGER, Jean-Pierre SOISSON, Daniel SPAGNOU, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, René-Paul VICTORIA, Philippe VITEL, Michel VOISIN et André WOJCIECHOWSKI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 a introduit le « droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous » (article L. 210-1 du code de l’environnement), marquant en cela la volonté du législateur de reconnaître le caractère fondamental de l’accès à l’eau, bien essentiel à la vie et la dignité des personnes.

Toutefois, cette reconnaissance de ce droit d’accès à l’eau ne s’est pas encore traduite par une mise en œuvre effective et généralisée. Certes, un système d’aide « curative » existe pour intervenir dans les situations d’impayés de factures d’eau, au travers des fonds de solidarité logements gérés par les conseils généraux. Néanmoins, cette intervention, nécessaire pour apporter une réponse aux situations les plus complexes ou aux accidents de la vie, ne permet pas d’assurer une mise en œuvre complète et équitable de ce droit d’accès à l’eau au niveau national. La proposition de loi du sénateur Cambon adoptée le 11 février 2010 en première lecture au Sénat après un travail important conduit en commission du développement durable pour mettre en cohérence ce projet avec le dispositif existant, prévoit de renforcer ce dispositif curatif en permettant aux services d’eau et d’assainissement de financer, sur une base volontaire, les fonds de solidarité logement. Cette proposition, qui présente une avancée significative, ne saurait toutefois répondre pleinement aux difficultés et aux attentes des abonnés en situation de précarité et des services désireux de voir se mettre en place un dispositif complémentaire basé sur une aide dite « préventive ».

En effet, si l’eau ne représente pas un des premiers postes de dépense des ménages (en moyenne moins de 1 % du revenu des ménages français) et si le prix au mètre cube reste abordable pour la majorité de la population (3 euros par mètre cube en moyenne au niveau national), la facture d’eau peut constituer une charge importante pour de nombreux usagers en France. Le poids de la facture d’eau peut ainsi dépasser 7 % des revenus pour les ménages aux minima sociaux.

De plus, la disparité des prix de l’eau entre communes ou services, prix qui peut dépasser 6 €/m3 par endroit, amplifie ce déséquilibre social des usagers précaires vis-à-vis de leur facture d’eau en fonction de leur lieu de résidence.

Fort de ce constat, le Comité national de l’eau a conduit en 2009, au travers de son comité consultatif sur le prix et la qualité de services publics d’eau et d’assainissement, un certain nombre d’auditions d’acteurs et d’experts du domaine. Ce travail a notamment pris en compte les propositions formulées par l’observatoire des usagers de l’assainissement d’Île-de-France (OBUSASS) et reprises dans la proposition de loi des élus communistes et républicains sur ce thème. Il a abouti à un vœu adopté à l’unanimité lors de la réunion du Comité national de l’eau de décembre 2009 demandant l’examen des modalités de mise en œuvre d’un dispositif préventif d’aides à l’accès à l’eau.

La présente proposition de loi fait suite à ces travaux et son élaboration a fait l’objet d’une concertation avec les principaux acteurs et parlementaires représentés au comité national au travers d’une table ronde organisée sous l’égide du ministère en charge de l’écologie et animée par le président du Conseil national de l’eau. Il vise à donner une existence concrète au principe de l’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques en créant le droit à une aide attribuée sous conditions de ressources. Cette proposition de loi crée un article L. 2224-12-3-1 dans le code général des collectivités territoriales, à la section relative à l’eau et l’assainissement. L’objectif de ce dispositif, qui peut être qualifié de « préventif », vise à limiter le poids de la facture d’eau, évaluée pour le foyer en fonction de sa composition et de son lieu de résidence, à 3 % de ses revenus réels. Afin de ne pas inciter à une consommation déraisonnable d’eau, ce calcul se baserait sur une estimation de la facture d’eau correspondant à une consommation forfaitaire d’eau fonction du nombre de personnes au foyer et non pas la facture réelle. Le prix de l’eau (incluant l’assainissement collectif) retenu dans le calcul serait le prix moyen communal ou départemental, en fonction de leur facilité d’accès.

Le I de cet article L. 2224-12-3-1 crée l’aide, dénommée allocation de solidarité pour l’eau. Le III expose les critères de calcul de cet aide selon les principes évoqués ci-dessus.

Le financement de ce dispositif est décrit au II de cet article. Il serait assuré par la création d’une taxe, dénommée contribution au service public de l’eau, prélevée sur les redevances perçues par les services d’eau et d’assainissement, à l’exception des redevances perçues au titre des missions de contrôle, d’entretien ou de réhabilitation de l’assainissement non collectif, à savoir les montants des factures d’eau, hors taxes et redevances des organismes publics. Il est proposé de fixer le taux de cette contribution à 0,5 %, le montant attendu du fonds collecté étant de l’ordre de 50 millions d’euros. Les services seraient ainsi les assujettis de cette taxe. Cette taxe serait répercutée par les services sur leurs abonnés, après déduction des contributions volontaires des collectivités ou délégataires. À cette fin, le I bis de la proposition de loi permet aux communes de participer à cette contribution au service public de l’eau en prenant en charge à la place du service d’eau ou d’assainissement tout ou partie du montant de cette taxe. Cette contribution serait recouvrée par les agences de l’eau et, dans les départements d’outre-mer, par les offices de l’eau, à l’image de ce qui est déjà pratiqué pour certaines redevances environnementales, puis reversée par ces derniers au fonds national d’aide au logement. L’allocation de solidarité eau serait alors financée à hauteur des montants collectés par la contribution au service public de l’eau. Le II de la proposition de loi modifie les articles du code de la construction et de l’habitation relatifs au fonds national d’aide au logement à cette fin.

Le III prévoit l’entrée en vigueur du dispositif à compter du 1er janvier 2012.

Afin d’assurer un suivi de la mise en œuvre de ce dispositif et dans la continuité des travaux qu’il a engagés jusqu’à présent, le comité national de l’eau se voit confier au IV la mission d’évaluer périodiquement sa mise en œuvre.

De même, le CNE est saisi d’un autre volet de la solidarité, celui de l’accès à l’eau pour les populations sans domicile identifié.

Enfin, les articles V, VI et VII excluent l’application de ce dispositif respectivement à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélemy. Ce dispositif n’est pas non plus applicable à Saint-Martin et aux territoires d’outre-mer sans qu’il soit besoin de le préciser.

Ainsi, ce système préventif d’aide au paiement des factures d’eau permettrait de répondre en amont aux difficultés rencontrées par les ménages les plus démunis même si les dispositions curatives, via l’intervention des fonds de solidarité logement, doivent demeurer face aux « accidents de la vie ». La mise en place de ce système préventif n’est donc pas exclusive du maintien de mesures curatives d’aide aux impayés mais complémentaire.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – Après l’article L. 2224-12-3 du code général des collectivités territoriales, est inséré un article L. 2224-12-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2224-12-3-1. – I. – Pour l’application du droit d’accès à l’eau dans des conditions économiquement acceptables par tous mentionné à l’article L. 210-1 du code de l’environnement, une allocation de solidarité pour l’eau peut être attribuée sous conditions de ressources, directement ou indirectement, aux usagers domestiques des services publics d’eau potable et d’assainissement afin de contribuer au paiement des charges liées aux consommations d’eau au titre de la résidence principale.

« II. – Les allocations mentionnées au I. sont financées par une taxe intitulée “contribution au service public de l’eau” dont le taux est fixé à 0,5 % et dont l’assiette est le montant des redevances pour services rendus perçues au cours de la dernière année connue sur la facture d’eau par les services publics d’eau potable et d’assainissement à l’exclusion des redevances perçues en application des missions mentionnées au III de l’article L. 2224-8.

« Le service d’eau potable et le service d’assainissement sont assujettis au paiement de cette taxe qui est recouvrée par l’agence de l’eau mentionnée à l’article L. 213-8-1 du code de l’environnement, et dans les départements d’outre-mer, par l’office de l’eau mentionné à l’article L. 213-13 du même code.

« Les services d’eau et d’assainissement répercutent le montant de cette taxe sur l’ensemble des abonnés, après déduction des subventions pouvant leur être attribuées par les collectivités territoriales ou leurs groupements, les délégataires en charge de la gestion de ces services en application de l’article L. 1411-1, lorsqu’elles sont prévues par les contrats de délégation de ces services, et les régies constituées en application de l’article L. 2221-10.

« Les obligations déclaratives, les modalités de recouvrement et de contrôle de la taxe par l’agence de l’eau auprès des services, ainsi que les modalités de présentation, d’instruction et de jugement des réclamations sont définies par les articles L. 213-11 à 213-11-11 et 213-11-13 à 213-11-16 du code de l’environnement. Dans les départements d’outre-mer, les obligations déclaratives sont définies en application du décret mentionné à l’article L. 213-14, les modalités de recouvrement étant définies par l’article L. 213-20 du code de l’environnement.

« III. – L’agence de l’eau et l’office de l’eau versent les sommes encaissées au Fonds national d’aide au logement mentionné à l’article L. 351-6 du code de la construction et de l’habitation.

« IV. – Le montant de l’allocation de solidarité pour l’eau mentionnée au I. est calculé en fonction de dispositions définies par décret en Conseil d’État et prenant en considération :

« 1° les revenus des personnes concernées ;

« 2° le prix moyen de l’eau communal ou, à défaut, départemental ;

« 3° un barème forfaitaire de consommation d’eau établi en fonction du nombre de personnes à charge vivant habituellement au foyer.

« Un arrêté du ministre chargé de l’environnement et du ministre chargé du logement définit les éléments mentionnés aux deux précédents alinéas. »

« V. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

bis. – Après le cinquième alinéa de l’article L. 2224-2, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Lorsque la commune décide, au titre de l’aide sociale, d’attribuer une subvention permettant de réduire la répercussion sur l’ensemble des abonnés de la taxe instituée par le II de l’article L2224-13-1. »

II. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 351-6, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre des dispositions prévues par l’article L. 2224-12-3-1 du code de l’environnement, il finance l’allocation de solidarité pour l’eau ainsi que les dépenses de gestion qui s’y rapportent. » ;

2° Au début du premier alinéa de l’article L.351-7, sont insérés les mots : « Pour le financement des dépenses prévues aux deux premiers alinéas de l’article L. 351-6 du présent code, » ;

3° L’article L.351-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour le financement des dépenses prévues au troisième alinéa de l’article L. 351-6 du présent code, les recettes du fonds national d’aide au logement sont constituées par le produit de la contribution au service public de l’eau en application des dispositions de l’article L. 2224-12-3-1 du code général des collectivités territoriales. »

III. – Les dispositions du I et du II entrent en vigueur au 1er janvier 2012.

IV. – Le 4° de l’article L. 213-1 du code de l’environnement est complété par les mots : « et d’évaluer périodiquement la mise en œuvre du droit d’accès à l’eau prévu à l’article L. 210-1 ».

V. – Le I de l’article L. 2572-40 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« I. – Les articles L. 2224-7 à L. 2224-12-3, L. 2224-12-4 et L. 2224-12-5 sont applicables aux communes de Mayotte. »

VI. – À l’article L. 2571-2 du code général des collectivités territoriales, après la deuxième occurrence du mot : « articles », est insérée la référence : « L. 2224-12-3-1, ».

VII. – Au 2° de l’article L. 6213-7 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « titre Ier », sont insérés les mots : « à l’exception de l’article L. 2224-12-3-1 ».

Article 2

I. – Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – Les charges qui pourraient résulter pour le Fonds national d’aide au logement de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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