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N° 3042

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Marc AYRAULT, Pierre-Alain MUET, Jean-Louis TOURAINE, Dominique RAIMBOURG, Jean-Patrick GILLE, Marie-Line REYNAUD, Jean-Claude VIOLLET, Marietta KARAMANLI, Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Serge BLISKO, Pascale CROZON, Michèle DELAUNAY, Danièle HOFFMAN-RISPAL, Christiane TAUBIRA, Jacques VALAX, Daniel BOISSERIE, Michel VERGNIER, Marylise LEBRANCHU, Henri EMMANUELLI, Bernard ROMAN, Pierre BOURGUIGNON, Patricia ADAM, Christian BATAILLE, Jean-Louis BIANCO, Gisèle BIÉMOURET, Danielle BOUSQUET, Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Jean-Michel CLÉMENT, Gilles COCQUEMPOT, Catherine COUTELLE, Pascal DEGUILHEM, William DUMAS, Laurence DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Philippe DURON, Christian ECKERT, Martine FAURE, Hervé FÉRON, Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, Geneviève GAILLARD, Jean GAUBERT, Annick GIRARDIN, Joël GIRAUD, Jean GLAVANY, Jean GRELLIER, David HABIB, Jean MALLOT, Louis-Joseph MANSCOUR, Jean-René MARSAC, Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Philippe NAUCHE, Françoise IMBERT, Serge JANQUIN, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Colette LANGLADE, François LONCLE, Jacqueline MAQUET, Marie-Lou MARCEL, Martine MARTINEL, Gilbert MATHON, Sandrine MAZETIER, Françoise OLIVIER-COUPEAU, George PAU-LANGEVIN, Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Simon RENUCCI, Christophe SIRUGUE, Alain VIDALIES, André VÉZINHET et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

____________________________

(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Guy Chambefort, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo et Christiane Taubira.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le refus de toutes discriminations et notamment celles en raison de l’habitat des personnes ou de leur mode de vie doit être une exigence pour le législateur. Dans ce cadre, les députés du groupe socialiste, radical et citoyen tiennent à dénoncer le traitement discriminatoire dont sont victimes les gens du voyage. Outre un ensemble de préjugés condamnables, c’est la loi elle-même qui institue un régime dérogatoire et organise le contrôle de ces populations.

Auparavant, en vertu de la loi du 16 juillet 1912, les « nomades et les vagabonds » devaient être munis d’un carnet anthropométrique. L’objectif était double : le contrôle de ces populations et une incitation à leur sédentarisation.

Il a fallu attendre la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence pour que soit supprimé ce carnet anthropométrique. Cependant, la loi de 1969, toujours en vigueur, maintient un régime discriminatoire pour les gens du voyage.

En effet, toutes les personnes âgées de plus de 16 ans ayant une résidence mobile doivent être en possession soit d’un livret de circulation, soit d’un carnet de circulation si elles n’ont pas de ressources régulières. Le titulaire d’un livret de circulation doit le faire viser chaque année par la police ou la gendarmerie, le contrôle est trimestriel concernant les carnets de circulation.

Des sanctions pénales accompagnent ce dispositif. Ainsi, la circulation sans carnet de circulation est punie d’une peine de prison allant de 3 mois à 1 an et l’absence de livret de circulation est passible d’une contravention de 5e classe (1 500 euros). Le contrôle et la sanction sont d’autant plus forts que les personnes visées sont sans ressources régulières, stigmatisant un peu plus encore une population a priori « suspecte ».

Dans son rapport sur le respect effectif des droits de l’homme en France de février 2006, le commissaire aux droits de l’homme, Alvaro Gil-Robles, avait souligné que « l’obligation de détenir un tel document ainsi que celle de le faire viser régulièrement constitue une discrimination flagrante. En effet, il s’agit de la seule catégorie de citoyens français pour laquelle la possession d’une carte d’identité ne suffit pas pour être en règle ».

Par ailleurs, la Halde a dénoncé ce dispositif manifestement contraire à l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme relatif à la liberté de circulation des personnes (1). Elle a également mis en avant que « ce dispositif instaure manifestement une différence de traitement au détriment de certains citoyens français en violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui interdit toute discrimination dans la jouissance du droit de chacun à circuler librement prévu par l’article 2 de son protocole n°4 : “quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence” (2). »

Il est urgent de mettre fin à ce dispositif discriminatoire et manifestement disproportionné.

Le traitement discriminatoire touche également les droits civiques. En effet, l’article 10 de la loi du 3 janvier 1969 prévoit que l’inscription des gens du voyage sur la liste électorale n’est possible qu’après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune, alors même que ce délai est de 6 mois concernant les personnes sans domicile fixe (article L. 15-1 du code électoral).

Comme le souligne la Halde dans sa délibération du 6 avril 2009, en la matière, « le régime appliqué à cette catégorie de citoyens français, identifiés par leur appartenance à la communauté des gens du voyage, est une violation manifeste des dispositions de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de l’article 3 de la Constitution, des articles 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (non-discrimination) et 3 de son premier protocole additionnel et des articles 2 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. »

La position du Conseil constitutionnel est également très claire. Il a estimé, dans sa décision n°82-146 du 18 novembre 1982, que sur la base de l’article 3 de la Constitution de 1958 et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « il résulte que la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité ».

La présente proposition de loi prévoit, par conséquent, l’application du droit commun pour les gens du voyage concernant l’exercice concret des droits civiques, comme le recommande la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans son rapport de février 2008.

Les gens du voyage sont soumis, par ailleurs, à un système de commune de rattachement. L’article 8 de la loi du 3 janvier 1969 fixe un seuil maximal : le nombre de personnes détentrices d’un titre de circulation, rattachées à une commune, ne doit pas dépasser 3 % de la population de la commune. Ce mécanisme, qui vise à limiter la présence des gens du voyage en tant que tels sur un territoire, est clairement discriminatoire. La CNCDH souligne, outre le fait que ce seuil légal des 3% soit rarement atteint, que « la suppression d’une telle disposition n’est pas susceptible de provoquer des bouleversements dans la répartition de cette population sur le territoire national. En revanche, elle aura un impact symbolique fort en termes d’égalité ». Tel est l’objectif des rédacteurs de la présente proposition de loi.

Ce quota s’accompagne d’une entrave à la liberté de choix de la commune de rattachement. En effet, un avis motivé du maire est nécessaire et l’autorité préfectorale peut également s’opposer au choix de la commune de rattachement. Enfin, toute demande de changement doit être accompagnée de pièces attestant l’existence d’attaches dans la nouvelle commune.

Enfin, il semble que des maires s’obstinent à refuser la scolarisation des enfants de gens du voyage. Les rédacteurs de la présente proposition de loi tiennent à rappeler que le refus de scolarisation d’un enfant présent sur le territoire communal est susceptible de caractériser le délit de refus discriminatoire d’un droit accordé par la loi par une personne dépositaire de l’autorité publique au sens des articles 225-1 et 432-7 du code pénal, délit passible d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

La législation actuelle est insupportable dans la mesure où elle entretient une stigmatisation et une mise à l’écart de ces personnes. Il est temps d’en finir avec ces discriminations juridiques qui ne peuvent qu’être le terreau de préjugés. À la marginalisation de ces personnes, le législateur doit répondre l’intégration dans la société comme tout citoyen par l’application du droit commun.

Il est ici proposé, par un article unique, d’abroger la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe. Il semble évident que cette loi serait, quoi qu’il en soit, censurée par le Conseil constitutionnel si celui-ci était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité.

L’abrogation de cette loi a, comme première conséquence, la suppression des livrets et carnets de circulation et du contrôle de ceux-ci.

Il est, par ailleurs, mis fin au dispositif de commune de rattachement. En effet, le système de domiciliation prévu par le code de l’action sociale et des familles semble suffisant.

De plus, le seuil de 3 % concernant la commune de rattachement est, de fait, supprimé.

Enfin, le droit commun est appliqué en matière d’inscription sur les listes électorales, à savoir un domicile réel ou une présence justifiée de six mois dans la commune et non trois ans de rattachement ininterrompu comme c’est le cas actuellement.

Cette abrogation devra s’accompagner de l’édiction, si nécessaire, de mesures réglementaires nouvelles et d’un aménagement des textes réglementaires existants notamment le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d’identité afin de supprimer la mention de commune de rattachement.


PROPOSITION DE LOI

Article unique

La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogée.

1 () Délibération n° 2007-372 du 17 décembre 2007.

2 () Délibération n° 2009-143 du 6 avril 2009.


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