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N° 3056

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 décembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

relative au renforcement de la place des parties civiles
au sein de la procédure pénale
,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Armand JUNG,

député.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La protection des droits des victimes est un élément important de la procédure pénale française. Depuis la loi du 15 juin 2000 de nombreuses modifications législatives sont intervenues afin de renforcer les droits dévolus à la partie civile tout au long du procès pénal. Le législateur a ainsi souhaité replacer la victime au cœur du procès pénal. Toutefois, l’effectivité de la garantie des droits des victimes doit être renforcée tout au long de la procédure pénale.

Au stade de l’enquête judiciaire, la victime peut être appelée à intervenir lors de la garde à vue notamment en cas de confrontation avec l’auteur présumé de l’infraction ou aux fins d’identification de ce dernier. Permettre la présence d’un avocat auprès de la victime qui peut alors se trouver dans une situation de détresse physique ou psychologique est donc souhaitable (article 1er).

L’information effective des victimes doit également être assurée tout au long de la procédure afin de permettre à ces dernières de jouir pleinement des droits dont elles bénéficient. Or cette information est lacunaire en appel lorsque des parties civiles sont évincées en cas d’extinction de l’action civile ou en cas d’appel sur les seules dispositions pénales. Dans ce cas, aucun texte ne prévoit l’obligation d’informer la victime sur l’évolution de la procédure d’appel. Il est donc proposé d’introduire dans le code de procédure pénale l’obligation d’informer les victimes non appelantes en cas d’appel correctionnel ou criminel (articles 2 à 4). Cette disposition trouvera, notamment, tout son intérêt lorsque la partie civile est un ayant droit de la personne ayant directement subi le dommage ou une victime par ricochet dans le cas où leur témoignage ne serait pas requis faute d’avoir directement assisté à la réalisation de l’infraction.

La protection des intérêts des victimes est, également, un des éléments pris en considération lors des demandes d’aménagement de peines. L’article 712-16-1 du code de procédure pénale prévoit que les mesures d’investigations préalables à toute décision d’individualisation de la peine peuvent porter sur les conséquences des aménagements de peine au regard de la situation de la victime ou de la partie civile, et notamment du risque que le condamné puisse se trouver en présence de celle-ci.

Ce même article indique que, si elles l’estiment opportun, les juridictions de l’application des peines peuvent, avant toute décision, informer la victime ou la partie civile, directement ou par l’intermédiaire de son avocat, qu’elle peut présenter ses observations par écrit dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette information.

Afin de renforcer les droits de la victime, il est proposé de supprimer le caractère facultatif de ces dispositions en rendant obligatoire l’information de la victime avant toute mesure d’aménagement de peine et en lui offrant la possibilité de formuler des observations écrites (article 5).

Enfin, le renforcement des droits des victimes a également été opéré, lors de l’exécution des peines, par la consécration législative des pouvoirs conférés au juge délégué aux victimes ainsi que par la prise en compte effective et concrète de la position de la victime préalablement à toute décision de mise en liberté anticipée de l’auteur de l’infraction.

L’introduction du juge délégué aux victimes par le décret du 13 novembre 2007 a été un des symboles de la prise en considération des droits des victimes. « Le juge délégué aux victimes veille, dans le respect de l’équilibre des droits des parties, à la prise en compte des droits reconnus par la loi aux victimes » (article D. 47-6-1 du code de procédure pénale). Il participe ainsi avec le procureur de la République à la mise en œuvre du dispositif d’aide aux victimes dans le ressort du tribunal et présente un rapport annuel (articles D. 47-6-13 et D. 47-6-14 du code de procédure pénale).

Des prérogatives importantes en matière d’exécution des peines lui avaient été initialement conférées par le décret susvisé, mais ces dispositions ont été abrogées par le Conseil d’État dans sa décision n° 312314 du 28 décembre 2009 au motif qu’elles relevaient du domaine législatif.

C’est pourquoi la présente proposition de loi introduit, au sein du code de procédure pénale un titre consacré au juge délégué aux victimes. Il s’agit de permettre aux victimes de s’adresser à lui pour lui faire part des difficultés rencontrées lors de l’exécution des intérêts civils afin qu’il saisisse le juge de l’application des peines ou le ministère public pour qu’il soit tenu compte des intérêts de la victime lors de l’exécution de la peine (article 6).

Les charges pouvant résulter de l’application de la présente proposition de loi seront compenser par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts (article 7).


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article 63-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 63-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 63-3-1. – Au cours de la garde à vue, la victime qui est appelée à témoigner devant les officiers de police judiciaire peut demander à être assistée par un avocat suivant les modalités définies à l’article 63-4 du même code. »

Article 2

L’article 380-6 du même code est complété par l’alinéa suivant :

« Même lorsqu’elle n’a pas interjeté appel sur ses intérêts civils, la partie civile est avisée par tout moyen de la date à laquelle l’affaire sera appelée à l’audience.»

Article 3

L’avant-dernier alinéa de l’article 508 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La victime doit être avisée par tout moyen de la date à laquelle l’affaire sera appelée à l’audience, même lorsqu’il n’a pas été fait appel de la décision sur les intérêts civils. »

Article 4

Après l’article 512 du même code, est inséré un article 512-1 ainsi rédigé :

« Art. 512-1 − Conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article 508, la partie civile doit être avisée par tout moyen de la date à laquelle l’affaire sera appelée à l’audience, même lorsqu’il n’a pas été fait appel de la décision sur les intérêts civils. »

Article 5

Les deux derniers alinéas de l’article 712-16-1 du même code sont ainsi rédigés :

« Les mesures prévues à l’article 712-16 portent sur les conséquences des décisions d’individualisation de la peine au regard de la situation de la victime ou de la partie civile, et notamment le risque que le condamné puisse se trouver en présence de celle-ci.

« Les juridictions de l’application des peines informent, avant toute décision, la victime ou la partie civile, directement ou par l’intermédiaire de son avocat, qu’elle peut présenter ses observations par écrit dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette information. »

Article 6

Le livre V du même code est complété par un titre XI ainsi rédigé :

« TITRE XI

« DU JUGE DÉLÉGUÉ AUX VICTIMES

« Art. 803-5. – Le juge délégué aux victimes peut être saisi par toute personne ayant été victime d’une infraction ayant donné lieu à une mesure alternative aux poursuites ou à une condamnation pénale, de toute demande relative aux obligations de l’auteur de l’infraction envers la victime.

« Selon la nature de la demande, le juge délégué aux victimes doit saisir par ordonnance le juge de l’application des peines ou le ministère public, qui le tiennent au courant des suites apportées, et en avisent la victime et son avocat. »

Article 7

Les charges pour l’État résultant de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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