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N° 3091

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 janvier 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à modifier le seuil de la période de sûreté
et supprimer la
remise de peine automatique,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Nicolas DUPONT-AIGNAN,

député.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La réinsertion des détenus et la lutte contre la récidive demeurent, à juste titre, les objectifs prioritaires de la politique pénale.

Cependant, force est de constater, à la lumière de faits tragiques ayant suscité une forte émotion parmi la population, que cet objectif a été progressivement dévoyé et que les dernières lois pénitentiaires ont eu pour effet d’aboutir à l’érosion des peines et, par conséquent, portent atteinte à leur exemplarité et à leur rôle dissuasif.

En témoigne la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, Perben II, modifiée par les lois n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive et n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, qui a introduit des mesures de réduction de peines quasi automatiques.

La loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 a, pour sa part, porté d’un an à deux ans le quantum ou le reliquat de la peine d’emprisonnement permettant l’octroi aux condamnés non récidivistes de différentes mesures d’aménagement de peine.

Enfin le dispositif de la libération conditionnelle permet aux condamnés non récidivistes d’envisager une sortie de prison à mi-peine.

En premier lieu, il faut revoir la période de sûreté édictée par l’article 132-23 du code pénal.

Ce texte prévoit une période de sûreté obligatoire pour les condamnations dont la durée est égale où supérieure à dix ans, de la moitié de la peine prononcée et de 18 ans pour les condamnations à perpétuité. Cependant, les juridictions ont la possibilité d’allonger la période de sûreté jusqu’aux deux tiers de la peine ou jusqu’à 22 ans pour les condamnations à perpétuité, ou même d’aller au-delà en cas d’assassinat ou de meurtre, précédé de viol ou de tortures ou d’actes de barbarie, sur un mineur de moins de 15 ans : la période de sûreté peut alors être fixée à 30 ans. Elles peuvent également par décision spéciale réduire ces durées.

Pour les peines inférieures à 10 ans et supérieures à 5 ans, le texte prévoit une période de sûreté facultative qui peut être prononcée par la juridiction de jugement. Dans ce cas, la période de sûreté ne peut pas dépasser les deux tiers de la peine prononcée.

Il existe donc la possibilité pour un condamné à une infraction grave de n’effectuer que la moitié de sa peine. Afin de pallier cet état de fait, il est proposé de modifier le seuil de la période de sûreté et d’imposer à tout condamné, quelles que soient la nature et la durée de sa peine, d’effectuer au moins les deux tiers de celle-ci et de supprimer la possibilité pour la juridiction de réduire cette durée. L’article 132-23 du code pénal doit être modifié en conséquence (article 1er).

Le dernier alinéa de l’article 132-23 du code pénal prévoit que les réductions de peine accordées pendant la période de sûreté ne seront imputées que sur la partie de la peine excédant cette dernière. Cette disposition doit être maintenue de façon à garantir qu’aucun condamné, quelle que soit la nature ou la durée de sa peine, ne pourra bénéficier d’une réduction de sa durée d’emprisonnement tant que les deux tiers de la peine n’auront pas été effectués.

En second lieu, l’article 729 du code de procédure pénale organise le dispositif de la libération conditionnelle dans le respect de l’article 132-23 du code pénal, mais il ajoute que la libération conditionnelle peut être accordée lorsque la durée de la peine accomplie par le condamné est au moins égale à la durée de la peine lui restant à subir.

Il convient de supprimer cette précision qui revient à une libération à la moitié de la peine. Avec la nouvelle période de sûreté il devient également inutile de maintenir dans cet article la précision selon laquelle les condamnés en état de récidive ne peuvent bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle que si la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir puisque cela correspond à une durée d’épreuve des deux tiers de la condamnation. Enfin la limite de la durée d’épreuve fixée à quinze ans ou à vingt ans en cas de récidive légale n’est pas compatible avec la nouvelle période de sûreté et doit être supprimée (article 5).

En troisième lieu, l’article 721 du code de procédure pénale prévoit un crédit de réduction de peine accordé de plein droit au condamné calculé sur la totalité de la condamnation selon l’échéancier suivant : trois mois pour la première année, deux mois pour les années suivantes et, pour les peines de moins d’un an ou pour la partie inférieure à une année pleine, sept jours par mois jusqu’à la fin de la période d’incarcération.

Conformément à l’article 132-23 du code pénal susvisé, ces réductions de peine ne peuvent s’imputer que sur la partie de peine excédant la période de sûreté.

Il est néanmoins proposé de supprimer l’automaticité de ces dispositions en instaurant une simple faculté pour le juge de l’application des peines d’accorder ces réductions de peine et de revenir au dispositif antérieur à la loi Perben II du 9 mars 2004 (article 2).

Par ailleurs, l’article 721-1 du code de procédure pénale dispose qu’une réduction de peine supplémentaire peut être accordée aux condamnés lorsque ceux-ci manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale. Le quantum de cette réduction supplémentaire est laissé à l’appréciation du juge de l’application des peines.

Il convient donc d’encadrer cet article par renvoi aux dispositions nouvelles de l’article 132-23 du code pénal (article 3).

En dernier lieu, le souci d’une application exemplaire des peines conduit à proposer la modification des dispositions du code de procédure pénale issues de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 relatives aux aménagements de peine pour les personnes condamnées à des peines d’emprisonnement de moins de deux ans.

Cette loi a porté d’un an à deux ans le quantum ou le reliquat de la peine d’emprisonnement permettant l’octroi aux condamnés non récidivistes de différentes mesures d’aménagement de peine, un fractionnement de peine, une semi-liberté, un placement à l’extérieur ou un placement sous surveillance électronique, cette dernière mesure pouvant être prononcée en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans.

Or les mesures de contrôle et d’assistance du condamné qui sont la contrepartie de la peine aménagée, sont peu efficaces et les tentatives de réduction des niveaux de récidive sont illusoires.

Aussi il est proposé de modifier l’article 723-19 du code de procédure pénale en instaurant un seuil des deux tiers de la peine en deçà duquel les condamnés incarcérés ne pourront bénéficier de mesures d’aménagement de peine (article 4).


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 132-23 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 132-23. – En cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi, le condamné ne peut bénéficier, pendant une période de sûreté, des dispositions concernant la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l’extérieur, les permissions de sortir, la semi-liberté et la libération conditionnelle.

« La durée de la période de sûreté est des deux tiers de la peine, quelles qu’en soient la nature et la durée. S’il s’agit d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, cette durée est de dix huit ans, la cour d’assises pouvant la porter jusqu’à vingt-deux ans par décision spéciale. 

« Les réductions de peines accordées pendant la période de sûreté ne seront imputées que sur la partie de la peine excédant cette durée. »

Article 2

Le premier alinéa de l’article 721 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Sous réserve de l’application des dispositions de l’article 132-23 du code pénal, chaque condamné peut bénéficier d’un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée, à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d’un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de sept jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut toutefois excéder deux mois. Cette réduction est accordée par le juge de l’application des peines. »

Article 3

Le début du premier alinéa de l’article 721-1 du même code est ainsi rédigé :

« Sous réserve de l’application des dispositions de l’article 132-23 du code pénal, une réduction supplémentaire… (le reste sans changement). »

Article 4

Le début du premier alinéa de l’article 723-19 du même code est ainsi rédigé :

« Sous réserve qu’elles aient accompli les deux tiers de leur condamnation, les personnes détenues… (le reste sans changement). »

Article 5

L’article 729 du même code, est ainsi modifié :

1° Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Sous réserve des dispositions de l’article 132-23 du code pénal, les condamnés… (le reste sans changement). »

2° Le huitième alinéa est supprimé.


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