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N° 3133

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er février 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à réglementer les relations entre les professionnels et les établissements bancaires et à favoriser l’accès au crédit des entreprises,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guénhaël HUET, Abdoulatifou ALY, Jean AUCLAIR, Jacques Alain BÉNISTI, Marc BERNIER, Véronique BESSE, Claude BODIN, Patrice CALMÉJANE, Philippe COCHET, Georges COLOMBIER, Alain COUSIN, Jean-Yves COUSIN, Jean-Michel COUVE, Jean-Pierre DECOOL, Jean-Pierre DOOR, Raymond DURAND, Daniel FASQUELLE, Yannick FAVENNEC, Marie-Louise FORT, Marc FRANCINA, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Claude GATIGNOL, Gérard GAUDRON, Guy GEOFFROY, François-Michel GONNOT, Jean-Pierre GRAND, Anne GROMMERCH, Jean-Claude GUIBAL, Michel HEINRICH, Françoise HOSTALIER, Jacqueline IRLES, Yves JÉGO, Marguerite LAMOUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Thierry LAZARO, Jean-Marc LEFRANC, Guy LEFRAND, Lionnel LUCA, Jean-Pierre MARCON, Didier QUENTIN, Jean-Marie SERMIER, Daniel SPAGNOU, Jean UEBERSCHLAG et Michel VOISIN,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les entreprises comprenant moins de 20 salariés, dénommées TPE (très petites entreprises) par l’INSEE représentent le tiers de l’économie française.

Au nombre de 2 846 000 en 2007, ces structures artisanales et commerciales constituent un maillage économique et social indispensable au dynamisme de nos territoires.

Les études les plus récentes menées auprès des responsables de TPE démontrent la particulière frilosité des établissements bancaires face aux besoins de financement de ces activités.

La crise économique a mis en exergue une tendance de fond désormais structurelle des banques de détail, consistant en la mise en œuvre systématique de ratios prudentiels inadaptés voire inapplicables aux spécificités des TPE.

C’est ainsi que plus du tiers d’entre elles se voient refuser l’accès au crédit, et plus particulièrement aux petits crédits de trésorerie inférieurs à 15 000 €.

Seules 13% (1) des TPE qui sollicitent l’aide de leur partenaire bancaire dans le cadre d’un besoin de trésorerie se voient proposer un crédit de restructuration. Le taux moyen appliqué sur les crédits nouveaux aux entreprises, tel que constaté par la Banque de France, était de 3,82 % (2) au troisième trimestre 2010.

Si ce crédit de trésorerie est assorti d’une garantie OSEO, il convient d’ajouter au taux précédemment indiqué celui appliqué par OSEO au titre de sa garantie. Ce dernier taux varie, à ce jour, de 0,8 point à 8,82 (3) points, soit un TEG net final compris entre 4,62 % et 12,64 %.

52 % des TPE qui sollicitent l’aide de leur partenaire bancaire dans le cadre d’un besoin de trésorerie se voient proposer une facilité de caisse ou l’augmentation de la facilité de caisse existante. Cette facilité de caisse, autrement dénommée « découvert en compte courant », présente un taux effectif moyen tel que publié par la Banque de France variant de 10,19 % à 13,59% hors commissions trimestrielles complémentaires dont ces découverts sont systématiquement assortis (commission d’immobilisation et commission sur plus fort découvert notamment).

Près de 35 % des TPE qui sollicitent l’aide de leur partenaire bancaire dans le cadre d’un besoin de trésorerie ne se voient proposer aucune solution. Leur situation est la plus critique. Officiellement, le TEG appliqué sur les découverts non autorisés, tel qu’il figure sur les relevés bancaires, est de 13,59 % (4), toujours hors commissions trimestrielles complémentaires. Toutefois, il convient d’augmenter ce taux des « commissions de forçage » appliquées par les banques lors d’opérations débitrices. Ces commissions représentent 35 % à 80 % du coût total du découvert, ce qui place le TEG appliqué à des taux variant de 17,66 % à 24,46 %.

Ces découverts ne sont jamais autorisés par écrit. Ils pénalisent gravement la capacité de l’entreprise à rétablir sa trésorerie et lui interdisent de fait tout espoir de crédit en raison d’une note Banque de France dégradée.

Ainsi, en fonction des trois situations évoquées ci-dessus, le coût d’un crédit de trésorerie varie de 3,82 % à 24,64 %, soit un rapport de 1 à 7. C’est pourquoi près de 90% des responsables de TPE estiment que les établissements bancaires restreignent volontairement l’accès aux petits crédits pour mieux prélever des frais et agios, beaucoup plus rémunérateurs.

Les professionnels indépendants sont ainsi une écrasante majorité (plus de 89%) à souhaiter la mise en place d’une solution alternative au réseau bancaire classique, sous la forme d’une « banque des TPE » en lien avec OSEO.

Même si tel n’est pas l’objet de la présente proposition de loi, ce fait doit être évoqué car il est révélateur de l’immense défiance des professionnels dans leurs relations avec leurs partenaires bancaires et fonde la nécessité d’en proposer la réglementation.

Le crédit, sous toutes ses formes, constitue un moteur essentiel de la reprise économique. Mais le coût des crédits actuellement appliqué aux entreprises, notamment les plus fragiles, est contre productif et conduit à freiner leur développement voire à menacer leur pérennité.

C’est pourquoi il vous est proposé, dans la présente proposition de loi, de rationaliser les relations entre les professionnels et les établissements bancaires, notamment en termes de transparence.

Cette transparence suppose l’information des entreprises par la contractualisation des relations.

Cette transparence suppose de même d’établir la réalité des TEG appliqués sur les découverts en compte.

Toutefois, la seule mention du TEG réel ne permettra pas de restituer aux entreprises une partie des frais et pénalités appliqués sur les découverts.

En effet, bien que l’article L. 313-5-1 du code monétaire et financier impose un plafonnement du TEG en fonction de l’usure, les conditions actuelles de calcul du taux d’usure souffrent de ce que les économistes dénomment l’effet « d’échelle de perroquet ».

Le principe en est simple : puisque la Banque de France détermine le taux effectif moyen en fonction des taux appliqués par les établissements bancaires, l’augmentation des taux appliqués par les banques conduit mécaniquement à l’augmentation du taux effectif moyen et donc au seuil de l’usure.

Afin d’éviter cet écueil sans pénaliser le secteur bancaire, il conviendra de fixer une base de calcul du taux maximum de découvert en lien direct avec la réalité économique bancaire.

Le seuil de l’usure ne serait ainsi plus fonction du taux effectif moyen majoré d’un tiers comme actuellement. Pour correspondre à la réalité économique, le seuil de l’usure serait fonction du taux de financement interbancaire, c'est-à-dire le taux de l’argent que les banques se prêtent entre elles, majoré afin de tenir compte du risque pris par les établissements bancaires.

Il est ainsi proposé d’utiliser comme seuil l’EURIBOR 3 mois majoré de 10 points soit, au 1er novembre 2010, 11,046 % (5).

Toutefois, l’abaissement des taux sur les découverts en compte ne doit pas conduire à une augmentation corrélative des taux sur les emprunts accordés aux entreprises. Les taux des emprunts accordés aux entreprises, individuelles ou sous forme de société, ne sont en effet soumis à ce jour à aucun plafond.

C’est pourquoi il sera proposé de rétablir la notion d’usure pour ces prêts.

Enfin, pour ne pas pénaliser la politique gouvernementale d’accompagnement du crédit aux entreprises via OSEO, pour garantir le succès de l’EIRL, et inciter les banques à financer des entreprises, même fragiles, il est proposé de réserver aux seuls crédits bancaires garantis par OSEO la possibilité de déroger au taux d’usure.

En 2008, nous avons sauvé à juste titre le système bancaire, considéré comme outil indispensable au financement de l’économie.

Nous avons laissé aux banques l’opportunité d’assurer ce financement.

Après plusieurs mois d’attente et au constat des engagements non tenus, il convient de leur adresser un signal déterminant de prise en compte de l’importance cruciale du financement de l’économie.

Les mesures proposées par cette proposition de loi sont destinées à rétablir un équilibre dans les relations entre les banques et les entreprises, plus particulièrement les TPE et PME, en vue d’assurer les conditions de leur financement par :

1. une contractualisation conforme à celle déjà existante pour les particuliers (article 1er) ;

2. la transparence en ce qui concerne le coût réel d’un découvert en compte, permettant notamment sa comparaison avec le coût d’un crédit classique (article 2) ;

3. le plafonnement du coût d’un découvert en compte fixé en cohérence avec le coût de refinancement des établissements bancaires (article 3) ;

4. le maintien des conditions de financements assurés avec le soutien d’OSEO en excluant l’usure de ces montages financiers (article 4, I) ;

5. le rétablissement de la notion d’usure pour les prêts professionnels dont la suppression en 2003 et 2005 n’a permis aucun résultat concret pour le financement de l’économie (article 4, I).


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur à compter du 1er mai 2011, est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, les mots : « des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels » sont supprimés ;

b) Dans la première phrase du troisième alinéa, les mots : « et que » sont supprimés ;

c) Dans la première phrase du troisième alinéa, les mots : « qu’un montant de découvert est autorisé » sont remplacés par les mots : « le montant du découvert autorisé » ;

d) Au début du quatrième alinéa, l’année : « 2009 » est remplacée par l’année : « 2012 » ;

2° 
Après la première phrase du quatrième alinéa du II, sont insérés les mots : « ou bien lorsque le client bénéficie d’une procédure collective en vue de faciliter l’exécution des mesures de traitement prévues aux articles L. 621-1 et suivants du code de commerce ».

Article 2

Après le premier alinéa de l’article L. 313-5-1 du même code, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le taux effectif global des découverts en compte intègre les frais et commissions de toutes natures, directs et indirects, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels. »

Article 3

L’article L. 313-5-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après le mot : « accordé », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « de 10 points le taux EURIBOR 3 mois tel que publié par la Banque centrale européenne » ;

2° Le second alinéa est supprimé.

Article 4

I. – Le début du dernier alinéa de l’article L. 313-3 du code de la consommation, dans sa version en vigueur à compter du 1er avril 2011, est ainsi rédigé :

« Sauf en ce qui concerne les concours financiers accordés avec le soutien de l’organisme visé par l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la création de l’établissement public OSEO et de la société anonyme OSEO, les dispositions du présent article et celles des articles L. 313-4 à L. 313-6 sont applicables… (le reste sans changement). »

II. – Les modifications apportées à l’article L 313-3 du code de la consommation sont reportées à l’article L. 313-5 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur à compter du 1er avril 2011.

1 () Source : Panorama des TPE, septembre 2010 – Enquête réalisée du 21/09/10 au 04/10/10 par le Syndicat des indépendants auprès de 650 TPE.

2 () Le taux moyen pratiqué (TMP) est le taux effectif des prêts aux entreprises d'une durée initiale supérieure à 2 ans, à taux variable, d'un montant inférieur ou égal à 152.449 euros. Ce taux est utilisé par la direction générale des impôts pour le calcul du taux minimum des intérêts déductibles sur les comptes courants d'associés.

3 () Le taux appliqué est fonction de la taille de l’entreprise, du niveau de garantie OSEO, et de la cote FIBEN de l’entreprise

4 () Taux maximum autorisé au 1er octobre 2010 selon Avis publié au JO relatif à l’application des articles L. 313-3 du code de la consommation et L. 313-5-1 du code monétaire et financier concernant l’usure.

5 () Source : Banque centrale européenne.


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