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N° 3370

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2011.

PROPOSITION DE LOI

tendant à taxer les actifs financiers des entreprises pour augmenter
les
ressources des collectivités territoriales et renforcer la péréquation,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marie-Hélène AMIABLE, Jean-Jacques CANDELIER, François ASENSI, Martine BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La suppression de la taxe professionnelle par la loi de finances pour 2010 a créé des incertitudes sur les finances des collectivités territoriales.

Elle tend à réduire leur autonomie financière, voire à la faire disparaître s’agissant des régions.

Les élus ne disposent plus des ressources dynamiques indispensables en provenance des entreprises pour mener des politiques en faveur du bien-être des populations. Ils se trouvent contraints à une alternative simple : rogner sur les services publics ou augmenter les impôts qui pèsent sur les ménages.

Dans tous les cas, les choix à faire sont douloureux. Au fond, c’est la démocratie locale issue de la décentralisation qui est remise en cause.

Il faut bien comprendre que la contribution économique territoriale des entreprises mise en place ne remplace pas la base imposable de la défunte taxe professionnelle. Et la cotisation sur la valeur ajoutée, à l’évolution incertaine, risque vite de souffrir des effets d’éviction que les entreprises ne manqueront d’activer pour alléger leur facture fiscale (c’est ce que l’on appelle pudiquement l’optimisation fiscale !).

De plus, aucune réponse n’est apportée à la question essentielle de la péréquation entre collectivités riches et pauvres, faute de la création d’un nouvel outil approprié. La cotisation sur la valeur ajoutée n’est qu’une compensation, et non une recette nouvelle, et dans la mesure où les sommes en jeu s’avèrent encore plus réduites qu’avant, on comprend aisément que celles destinées à la réduction des inégalités entre collectivités sont d’autant plus faibles !

Une vraie réforme des finances publiques locales ne peut se résumer à remplacer la taxe professionnelle, laquelle, bien qu’imparfaite, procurait néanmoins des recettes relativement dynamiques, par une cotisation foncière à base étroite et par un complément de taxe sur la valeur ajoutée. Le mécanisme actuel revient d’ailleurs à taxer indirectement les salaires, puisque ceux-ci représentent une part essentielle de l’usage de la valeur ajoutée !

De surcroît, la contribution économique territoriale ne prend aucunement en compte la réalité de l’activité économique moderne ni la réalité des choix capitalistes des entreprises.

Nous vivons dans une économie financiarisée à outrance devenue invivable pour la plupart de nos concitoyens. Il est parfaitement légitime de chercher à décourager l’accumulation du capital financier, y compris à visée spéculative, dans la mesure où cette accumulation trouve son origine dans le détournement systématique des richesses créées par les seuls travailleurs.

Par ailleurs, nous l’avons dit, puisque c’est la valeur ajoutée qui est prise en compte par le second volet de la contribution économique territoriale, divers stratagèmes peuvent être utilisés par les gestionnaires, comme le recours au chômage partiel et le gaspillage de moyens matériels et humains, pour adoucir la quittance fiscale pourtant due aux collectivités.

C’est pourquoi il nous a semblé nécessaire de procéder à une adaptation de la base de la contribution économique territoriale, en y ajoutant, en base imposable, les actifs financiers figurant au bilan des entreprises assujetties. Partant, nous accroissons cette base imposable de la somme astronomique d’environ 6 000 milliards d’euros !

Cette proposition est d’autant plus pertinente qu’il faut donner un contenu tangible à la péréquation des ressources entre collectivités territoriales. En effet, cette péréquation est aujourd’hui largement inachevée, la répartition de la cotisation valeur ajoutée s’apparentant, de fait, à une cote mal taillée destinée à compenser la disparition de la taxe professionnelle.

Enfin, la prise en compte des actifs financiers peut contribuer à modifier les choix de gestion des entreprises en faveur de l’emploi, des salaires et de l’investissement productif, ce qui n’est pas le moindre des avantages quand on constate à quel point l’économie réelle est actuellement sacrifiée sur l’autel de l’économie financière !

L’article 1er place les actifs financiers des entreprises dans l’assiette de la contribution économique territoriale.

L’article 2 fixe le taux de contribution des entreprises. Le taux retenu, de seulement 0,5 %, engendrera néanmoins une recette de 30 milliards d’euros au bénéfice des collectivités.

L’article 3 prévoit une clé de répartition de cette nouvelle ressource entre les différents types de collectivités. Celle-ci est déterminée en fonction de ce qui existe déjà en matière de dispositifs de solidarité : dotation de solidarité urbaine (DSU) et dotation de solidarité rurale (DSR) pour les communes, dotation de fonctionnement minimal (DFM) des départements, par exemple. Une fois déduit le demi-milliard d’euros nécessaire pour reprendre le montant des fonds de péréquation existants, ce sont 6 milliards d’euros qui seront accordés aux conseils régionaux, 9 milliards aux conseils généraux et 15 milliards aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale.

Enfin, les articles 4 et 5 ont trait aux ajustements nécessaires du code général des impôts consécutifs à cette nouvelle imposition.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 1447-0 du code général des impôts est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« La contribution économique territoriale est complétée par la taxation des actifs financiers des entreprises.

« Cette taxation porte sur l’ensemble des titres de placement et les valeurs mobilières de placement, de participation, les titres de créances négociables, les prêts à court, moyen et long terme. Ces éléments sont pris en compte pour la moitié de leur montant figurant à l’actif du bilan des entreprises assujetties. Pour les établissements de crédits et les sociétés d’assurances, le montant net de leurs actifs est pris en compte après réfaction du montant des actifs représentatifs de la couverture des risques, contrepartie et obligations comptables de ces établissements.

« La valeur nette des actifs, déterminée selon les dispositions du précédent alinéa, est prise en compte après réfaction de la valeur locative des immobilisations. »

Article 2

L’article 1636 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 1636. – Le taux grevant les actifs définis au dernier alinéa de l’article 1447-0 est fixé à 0,5 %. Il évolue chaque année, pour chaque entreprise assujettie, à proportion d’un coefficient issu du rapport entre la valeur relative à ces actifs au regard de la valeur ajoutée de l’entreprise. »

Article 3

L’article 1648 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 1648 A. – À compter du 1er janvier 2012, le produit de l’imposition définie par les deuxième à quatrième alinéas de l’article 1447-0 du même code est affecté à un fonds national de péréquation.

« Pour 2012, ce fonds alloue aux collectivités territoriales bénéficiaires de l’attribution des ressources des fonds départementaux de péréquation un montant de ressources au moins équivalent à celui perçu en 2011.

« Le surplus des ressources du fonds est alloué aux régions pour 20 %, aux départements pour 30 %, aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale pour le solde, à chaque échelon, en fonction d’un indice synthétique représentatif de leurs ressources et de leurs charges dont les caractères sont définis par décret. »

Article 4

Le premier alinéa du 4° du 1 de l’article 39 du code général des impôts est complété par les mots : « et de l’imposition résultant de la prise en compte des actifs financiers définis au deuxième alinéa de l’article 1447-0 ».

Article 5

La perte de recettes résultant pour l’État de l’application de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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