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N° 3421

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mai 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer la pré-majorité associative,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Muriel MARLAND-MILITELLO, Jean-Pierre ABELIN, Patrick BEAUDOUIN, Marc BERNIER, Françoise BRANGET, Georges COLOMBIER, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Christian ESTROSI, Daniel FASQUELLE, Yannick FAVENNEC, Jean-Philippe MAURER, Bernard PERRUT, Francis SAINT-LÉGER, André SCHNEIDER Jean-Marie SERMIER, François GROSDIDIER, Paul SALEN et Philippe VITEL,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La liste des avancées en faveur de la vie associative réalisées sous l’impulsion du Président de la République Nicolas Sarkozy est longue : création d’un ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, sous l’autorité de Luc Chatel et d’un secrétariat d’État en charge de la jeunesse et de la vie associative confié à Jeannette Bougrab, maintien des avantages fiscaux pour les donateurs des associations d’intérêt général et des fondations, création et mise en place du service civique, élargissement du chèque emploi associatif, instauration d’un contingent pour les bénévoles associatifs dans les ordres nationaux, mise en place d’un haut conseil à la vie associative, augmentation des crédits pour la formation des bénévoles, etc.

Renforcer l’engagement, en particulier des jeunes, est une nécessité pour assurer la relève au sein du monde associatif qui est de plus en plus à la peine pour trouver des bénévoles, en particulier pour renouveler ses dirigeants.

En cette année 2011, année européenne du volontariat et du bénévolat, la France se doit de donner un signe fort et poursuivre son action pour libérer les initiatives associatives. Car celles-ci sont une vraie richesse pour notre pays et pour nos compatriotes. Rendues possibles grâce à la liberté d’association, liberté fondamentale de notre République, elles sont la manifestation la plus vivante de notre valeur républicaine de fraternité.

La liberté d’association : une liberté protégée par la Constitution

La liberté d’association est apparue dans nos textes juridiques, dès le décret du 14 décembre 1789 sur la constitution des municipalités selon lequel « les citoyens actifs ont le droit de se réunir paisiblement et sans armes en assemblées particulières ».

Après une genèse assez décousue mais qui fût principalement marquée par une méfiance du pouvoir vis-à-vis des associations, cette liberté d’association a été reconnue sous la forme que nous connaissons par la loi Waldeck-Rousseau (alors président du Conseil) du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

À une époque plus contemporaine, le Conseil constitutionnel, dans sa décision bien connue n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, a conféré officiellement à la liberté d’association le statut de principe fondamental reconnu par les lois de la République.

À l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (décision n° 2010-3 QPC du 28 mai 2010), le Conseil constitutionnel a par ailleurs considéré que la liberté d’association est au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit, au sens de son article 61-1.

Un modèle associatif français extrêmement libéral

Le modèle associatif français est défini juridiquement par la loi du 1er juillet 1901 et son décret du 16 août 1901.

Sa principale caractéristique est qu’il est fondé sur le contrat. En effet l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association dispose que : « l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations ».

Le génie de la loi de 1901 réside dans ce que Waldeck-Rousseau appelait son « laconisme ». En effet le dispositif juridique laisse une grande marge de liberté à l’initiative individuelle. Seule personne morale juridiquement définie « négativement » (« dans un but autre que de partager des bénéfices »), l’association en tire une grande force : cette entité juridique a vocation à accueillir toutes les missions, toutes les actions, dans tous les domaines, en se fixant les règles d’organisation qu’elle souhaite, avec pour seules contraintes la condition sus-mentionnée relative au non-enrichissement et de ne pas se fonder « sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement ».

De ce fait, la loi de 1901 est éminemment libérale ; elle permet une très grande souplesse qui assure la pérennité de notre modèle associatif.

La présente proposition de loi s’inscrit donc parfaitement dans l’esprit de la loi de 1901 qui cherche à réduire au maximum les entraves au fait associatif.

Des associations et des mineurs

La Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France en 1990, précise dans son article 15 que les « états parties reconnaissent les droits de l’enfant à la liberté d’association ».

Certes, selon l’article 1124 du code civil, « les mineurs non émancipés sont incapables de contracter dans la mesure définie par la loi ». Ils ne peuvent donc, en principe, constituer une association, sauf à être représentés au contrat par la personne qui exerce sur eux l’autorité parentale.

Pour autant, l’incapacité absolue de principe du mineur s’est effacée progressivement dans les faits devant ce qu’il convient d’appeler une « prémajorité » dans les dernières années de la minorité.

Ainsi, le principe consiste en ce que l’administrateur légal ou le tuteur représente le mineur « dans tous les actes civils, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes ».

La Cour de cassation estime qu’« il résulte des dispositions des articles 389-3 et 473 du code civil que le mineur peut passer seul les actes de la vie courante ».

Mais, à l’heure actuelle, aucune décision de jurisprudence n’est intervenue concernant la capacité d’un mineur non émancipé à représenter ou à gérer une association, même si la loi du 1er juillet 1901 ne l’interdit pas.

Les junior associations

Malgré sa dénomination, une junior association n’est pas une association à proprement parler ; elle n’a pas de personnalité morale et ne relève pas de la loi du 1er juillet 1901. Il s’agit d’un label accordé à une « association de fait » permettant de bénéficier d’un certain nombre d’avantages.

Le concept de junior association a été créé en 1998. Il permet à des jeunes de moins de 18 ans, porteurs d’un projet dans les domaines les plus divers (sport, culture, accès à la citoyenneté, etc.), de se regrouper pour le mettre en œuvre, dans un cadre offrant une certaine sécurité avec l’appui d’une personne relais présente dans chaque département. La qualité de junior association est reconnue pour une durée d’un an, renouvelable.

Ce label est octroyé par le Réseau national des juniors associations (RNJA) après acceptation du dossier d’habilitation et règlement de la cotisation annuelle (10 euros). Le RNJA se porte alors garant auprès des organismes (banques, mairies, administrations) et les assure auprès de l’assurance de la Ligue de l’enseignement, l’APAC, pour les activités décrites dans le dossier d’habilitation.

I. – Permettre aux mineurs de plus de 16 ans de constituer librement des associations et de les administrer

L’article 1er de la présente proposition de loi énonce que les mineurs de seize ans peuvent librement constituer et administrer une association régie par les dispositions de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901, à savoir les associations régulièrement déclarées en préfecture.

Cette disposition vaudra également pour les associations d’Alsace-Moselle régies par le code civil local en vertu de l’article 79-II de ce code qui dispose que « chaque fois qu’une disposition législative ou réglementaire prévoit qu’une activité peut se développer dans le cadre d’une association déclarée constituée sur le fondement de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, il y a lieu de lire cette référence comme visant également les associations inscrites constituées sur le fondement du code civil local. »

Partout en France, de nombreux jeunes s’engagent dans le monde associatif comme bénévoles. Ils ont soif d’agir, de prendre des responsabilités, pour réaliser des projets et concrétiser des initiatives. La structure associative est donc tout à fait appropriée pour réaliser leurs aspirations et les accompagner dans leur parcours de citoyenneté.

Le Président de la République, le Gouvernement et la majorité parlementaire, souhaitent libérer les initiatives de la jeunesse. C’est la raison pour laquelle la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 a ouvert depuis le 1er janvier 2011 la possibilité aux mineurs âgés de plus de 16 ans de créer leur entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL).

Pour libérer pleinement les initiatives de la jeunesse, il faut parallèlement l’autoriser à vivre pleinement son engagement associatif. Ainsi par l’adoption de la présente proposition de loi, tout mineur de plus de 16 ans pourra exercer des fonctions associatives dirigeantes, notamment celles de président et de trésorier d’association.

II. – Offrir à tout mineur la possibilité d’adhérer à une association, sauf opposition de ses parents

Le droit français reconnaît la liberté d’association à toute personne, sans condition. Ce droit ne peut donc être restreint que par la loi, dans un but légitime et selon des moyens proportionnés au but poursuivi.

Le Conseil d’État l’a rappelé en 1988, en censurant un décret qui avait, sans base légale, instauré une condition statutaire de majorité pour être membre d’une association de pêche agréée.

De son côté, la Cour de cassation considère que « toute personne » a droit à la liberté d’association, et que « l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique ».

Dès lors, en l’état de la jurisprudence, un mineur peut valablement adhérer à une association. L’autorisation tacite de ses parents suffit et celle-ci est présumée.

Parce qu’adhérer à une association ne constitue jamais qu’un acte de la vie courante, il convient donc d’inscrire dans la loi que tout mineur doté de discernement peut le faire, sauf opposition expresse de ses parents ou condition d’âge prévue par les statuts.

Le contrôle parental pouvant s’exercer a posteriori, les parents pourront toujours exiger de leur enfant qu’il se retire d’une association dont ils désapprouvent les buts, dans le cadre du pouvoir de surveillance et de protection que leur confère leur autorité.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l’article 389-8 du code civil, sont insérés deux articles ainsi rédigés :

« Art. 389-9. – Les mineurs de seize ans peuvent librement constituer et administrer une association régie par les dispositions de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901.

« Un mineur de seize ans désigné à cet effet par délibération spéciale des organes statutaires peut être autorisé par le président du tribunal à agir en justice au nom et pour le compte de l’association.

« Art. 389-10. – Tout mineur capable de discernement peut adhérer à l’association de son choix et y participer, sauf opposition expresse des titulaires de l’autorité parentale. »


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