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N° 3814

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2011.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

contre la désertification médicale
et pour l'accès de tous à des soins de proximité,

présentée par Mesdames et Messieurs

Véronique BESSE, Jean-Pierre ABELIN, Brigitte BARÈGES, Marc BERNIER, Étienne BLANC, Gilles BOURDOULEIX, Bruno BOURG-BROC, Loïc BOUVARD, Xavier BRETON, Pascal BRINDEAU, Patrice CALMÉJANE, Bernard CARAYON, Olivier CARRÉ, Hervé de CHARETTE, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Philippe COCHET, Georges COLOMBIER, Louis COSYNS, Jean-Yves COUSIN, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Stéphane DEMILLY, Bernard DEPIERRE, Michel DIEFENBACHER, Jean DIONIS du SÉJOUR, Jacques DOMERGUE, Dominique DORD, Olivier DOSNE, Jean-Pierre DUPONT, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Raymond DURAND, Paul DURIEU, Daniel FASQUELLE, Jean-Michel FERRAND, Alain FERRY, Marc FRANCINA, Jean-Paul GARRAUD, Franck GILARD, Joël GIRAUD, François-Michel GONNOT, Philippe GOSSELIN, Michel GRALL, Arlette GROSSKOST, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Christophe GUILLOTEAU, Michel HERBILLON, Françoise HOSTALIER, Jacqueline IRLES, Denis JACQUAT, Maryse JOISSAINS-MASINI, Didier JULIA, Fabienne LABRETTE-MÉNAGER, Marguerite LAMOUR, Laure de LA RAUDIÈRE, Jean LASSALLE, Robert LECOU, Jean-Marc LEFRANC, Marc LE FUR, Michel LEJEUNE, Dominique LE MÈNER, Jacques LE NAY, Gérard LORGEOUX, Lionnel LUCA, Alain MARC, Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Philippe Armand MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Henriette MARTINEZ, Jean-Philippe MAURER, Christian MÉNARD, Damien MESLOT, Jean-Claude MIGNON, Pierre MORANGE, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Marie MORISSET, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Jean-Marc NESME, Hervé NOVELLI, Didier QUENTIN, Michel RAISON, Éric RAOULT, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Jean ROATTA, Francis SAINT-LÉGER, Paul SALEN, François SCELLIER, Jean-Marie SERMIER, Dominique SOUCHET, Daniel SPAGNOU, Michèle TABAROT, Marie-Hélène THORAVAL, Christian VANNESTE, François VANNSON, Patrice VERCHÈRE, François-Xavier VILLAIN, Michel VOISIN, Marie-Jo ZIMMERMANN, Dominique CAILLAUD, Jean GRENET, Yvan LACHAUD, Jean-Pierre NICOLAS et Gabrielle LOUIS-CARABIN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Des millions de Français rencontrent quotidiennement les plus grandes difficultés pour accéder à des soins de proximité. Ce phénomène de « désertification médicale » est soulevé depuis plusieurs années sans que des solutions pleinement efficaces soient apportées.

Cette situation fait courir de graves dangers et inquiète à juste titre nos concitoyens. L’impossibilité de rencontrer rapidement un médecin lorsqu’une pathologie se déclare rend inopérante toute politique de santé publique. Par ailleurs, cette situation freine considérablement l’attractivité de nombreux territoires qui, en l’absence de couverture médicale, ne peuvent attirer les actifs et les entreprises dont ils ont besoin.

Les causes de cette désertification ont été soulignées dans de nombreux rapports. L’une des principales réside dans le manque de médecins généralistes dans certaines zones, notamment rurales. Pourtant, d’un point de vue global, le nombre de médecins par habitants n’est pas en cause. L’« Atlas de la démographie médicale en France » publié par le Conseil National de l’Ordre des médecins, recense un total de 261 378 médecins en 2010. Ce chiffre témoigne d’une augmentation bien plus rapide du nombre de médecins que de la population au cours des trente dernières années.

Le problème vient en réalité d’une « fracture médicale » sur le territoire. On constate en effet des disparités très fortes selon les régions. Alors que certaines d’entre elles disposent en moyenne de 370 médecins pour 100 000 habitants, d’autres n’en comptent que 240. Les écarts sont également très variables entre départements d’une même région, si bien que des territoires attractifs qui connaissent une forte croissance démographique font face à une cruelle absence de médecins, généralistes et spécialistes. Ce constat paradoxal reflète en réalité une médecine à deux vitesses.

Ceci est d’autant plus inquiétant que la désertification médicale accroît le phénomène des dépassements d’honoraires et pénalise l’accès aux soins des patients à faibles revenus.

Si rien n’est fait, la désertification médicale risque de s’aggraver au cours des prochaines années. Déjà en 2009, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS) a annoncé une diminution de 25,1 % du nombre de médecins exerçant en zone rurale et de 10,5 % dans les zones périurbaines. Les nombreux départs en retraite programmés (43 % des médecins en activité sont âgés de 55 ans et plus), l’augmentation de 10 % de la population française à l’horizon 2030, le vieillissement de la population, l’évolution des modes de prise en charge et la forte prévalence des maladies chroniques risquent d’aggraver à court et moyen termes les inégalités d’accès aux soins.

Pour y remédier, l’État a pris un certain nombre de mesures qui, bien que nécessaires, n’ont pas été, pour l’heure, suffisantes. Il est donc urgent de faire preuve de volontarisme en mettant en place un plan national ambitieux et efficace pour attirer les médecins dans les zones rurales. À ce titre, plusieurs mesures peuvent être encouragées.

Promouvoir la médecine générale

Alors qu’elle devrait être le débouché naturel de nombreux étudiants en médecine, la médecine générale n’est pas reconnue à sa juste valeur au sein des universités, si bien que sur 100 étudiants en médecine, 8 seulement choisissent d’exercer comme médecin généraliste en libéral. Il appartient à l’État de valoriser cette voie, essentielle pour la santé des Français, afin de résorber un déficit qui risque de déboucher sur des déséquilibres régionaux inacceptables. L’État doit mettre en œuvre une campagne de promotion auprès des élèves en médecine pour leur présenter les atouts de l’exercice en milieu rural.

Soutenir et valoriser les médecins dans leur activité

Les médecins sont le principal pilier du système de santé en milieu rural. Les médecins généralistes y sont reconnus et appréciés, notamment pour leur écoute qui, outre leurs compétences médicales, leur confère un véritable rôle social. Mais la lourdeur de la permanence des soins et les contraintes administratives amplifient les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Elles poussent bon nombre de médecins à un départ anticipé et découragent un grand nombre de vocations. Il est donc indispensable de soutenir les médecins notamment en les allégeant du temps qu’ils consacrent au travail administratif mais aussi en facilitant leur installation et la mutualisation des moyens avec les autres professionnels de santé.

Développer les stages en milieu rural

Le facteur déterminant pour motiver les jeunes à s’installer en médecine générale, c’est de les former sur les lieux futurs d’exercice. C’est pourquoi le stage d’une durée de trois mois, obligatoire dans le cursus, mais en fait rarement appliqué, en deuxième cycle de médecine générale, doit entrer en pratique de manière effective. Il est essentiel que les étudiants puissent se faire une idée concrète et exacte de la qualité de vie que l’on trouve en zone rurale afin d’y favoriser leur implantation.

Faciliter les remplacements

Dans les zones où la densité médicale est faible, les remplaçants ont une place légitime car ils permettent d’assurer une continuité dans l’offre de soins. Ces remplacements permettent également à de jeunes médecins de rencontrer d’autres professionnels de santé, de se familiariser avec un territoire et de faciliter une éventuelle implantation.

Accompagner les collectivités

De nombreuses collectivités ont mis en place des programmes d’aide à l’installation pour les jeunes médecins. L’État doit aujourd’hui prendre le relais de ces initiatives locales en soutenant humainement, matériellement et financièrement l’installation des médecins à travers par exemple l’achat d’équipements des médecins ruraux ou encore en réservant des prêts préférentiels pour l’installation en zones défavorisées.

De telles orientations doivent permettre d’endiguer la désertification médicale et faire en sorte que tous les Français puissent avoir accès aux services d’un médecin généraliste ou d’une structure d’urgence à moins de vingt minutes de voiture de chez eux.

Cet objectif n’est nullement illusoire si les pouvoirs publics reconnaissent que la lutte contre la désertification médicale répond à une urgence de santé publique et correspond à un enjeu de solidarité. Il en va tout simplement du respect du droit à la protection de la santé, reconnu comme un droit fondamental par la Constitution de 1946.

Il est de la responsabilité du législateur d’assurer l’application effective de ce droit. Tel est le sens de la présente proposition de résolution que nous vous demandons d’adopter.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement,

Vu le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, par lequel la Nation garantit à toute personne le droit fondamental à la protection de la santé,

Vu l’article L. 1110-1 du code de la santé publique qui garantit l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et la continuité des soins en toutes circonstances,

Vu l’article L. 1110-3 du même code qui rappelle qu’aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins,

1. Réaffirme son attachement aux principes d’égal et de libre accès aux soins, garantis aux usagers par le système de protection sociale mis en place en 1945 et fondé sur la solidarité.

2. Réaffirme que le premier droit de la personne malade est de pouvoir accéder aux soins que son état nécessite, quels que soient ses revenus et son lieu de résidence et que, par conséquent, chaque Français doit pouvoir bénéficier d’un accès à des soins adaptés à ses besoins.

3. Encourage tous les acteurs publics et de santé, professionnels, établissements et réseaux de santé, organismes de prévention ou de soins et autorités sanitaires, à employer tous les moyens à leur disposition pour le mettre en œuvre au bénéfice de toute personne.

4. Souhaite que la question de la fracture médicale soit un enjeu prioritaire du débat public, notamment au cours de l’année 2012.

5. Demande que la lutte contre la désertification médicale et pour l’accès de tous à des soins de qualité et de proximité soit une priorité nationale et que les pouvoirs publics s’engagent à favoriser les conditions matérielles, financières et réglementaires de cette disposition.


© Assemblée nationale