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N° 4147

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 janvier 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à supprimer tout cumul des mandats exécutifs locaux
afin de favoriser le renouvellement des élus
et à créer les conditions d’une parité réelle,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Paul SALEN, Edwige ANTIER, Loïc BOUVARD, Dino CINIERI, Geneviève COLOT, Jacques DOMERGUE, Arlette GROSSKOST, Françoise HOSTALIER, Étienne PINTE, Arnaud RICHARD, Jean-Marc ROUBAUD, Daniel SPAGNOU et Lionel TARDY,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À l’image de ce qui se passe dans d’autres pays européens, notre démocratie affronte, depuis trop longtemps, une crise de sa représentation qui se traduit par un manque de renouvellement du personnel politique, par l’élévation progressive de son âge moyen, par la sous représentation des femmes et par la constante augmentation du vote en faveur de certaines formations au message extrémiste ou contestataire et qui n’ont, de ce fait, aucune vocation à gouverner.

De nombreuses avancées ont été enregistrées, notamment en ce qui concerne la féminisation de la vie publique, pour autant il reste encore beaucoup à accomplir afin de remplir complètement les objectifs arrêtés par la Constitution de 1958.

La question de la féminisation de la vie politique est posée après la seconde guerre mondiale. Le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, partie intégrante de notre bloc de constitutionnalité, dispose

« La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. »

Alinéa essentiel mais qui n’en demeure pas moins insuffisant. En effet, s’il pose un principe général, visant à interdire toute forme de discrimination qui serait fondée sur le sexe, le texte ne comporte aucune dimension normative. Le législateur en a tiré toutes les conséquences dans la Loi Constitutionnelle n° 99-569 (9 juillet 1999) qui vise à rendre effectif l’égal accès aux fonctions électives pour les hommes et les femmes.

Une évolution salutaire et indispensable afin de corriger une situation injuste qui avait été soulignée à de nombreuses reprises par le Conseil Constitutionnel (CC Décision n° 82-145 du 18/11/1982 – CC Décision n° 98-407 du 14/01/1999).

Après quelques années, quel bilan est-il possible de tirer ? Le taux de féminisation des conseillers régionaux est passé de 47,5 % à 48,3 % entre 2004 et 2010, celui des conseillers généraux de 10,5 % à 12,9 % et celui des maires de 10,9 % à 14,2 %.

Ces avancées sont réelles, pour autant elles se révèlent insuffisantes. On peut constater que les scrutins de liste, pour lesquels une stricte parité est établie, ont permis une féminisation accrue. En revanche, elle demeure encore trop insuffisante au niveau des Conseils Généraux.

La situation, au sein des conseils municipaux, appelle aussi quelques nuances. Entre 1995 et 2008, le taux de féminisation des conseils municipaux est passé de 27,5 % à 48,5 %, pour autant cela masque de profondes disparités au niveau des exécutifs. Ainsi, on compte, désormais, 5 104 femmes exerçant les fonctions de maire (+29 % du nombre total). 94,5 % des femmes maires exercent leur mandat dans des communes de moins de 3 500 habitants et pour 98 % d’entre elles dans des communes de moins de 9 000 habitants.

Si on considère les communes de plus de 30 000 habitants, les fonctions de maires sont exercées à 88 % par des hommes et pour les communes de plus de 100 000 habitants ce taux est de 86,5 %.

Le scrutin de liste favorise donc la féminisation puisque désormais 48 % des femmes occupent des fonctions dans les exécutifs régionaux tandis que les scrutins uninominaux maintiennent le modèle « traditionnel », comme le démontre le Conseil Économique et Social dans un rapport de 2007 qui relève que sur 1 052 postes de vice-présidents au sein des Conseils Généraux, seuls 132 (12,5 % du total) sont occupés par des femmes.

Dans un autre rapport de 2007, notre collègue parlementaire, le Sénateur Jean Puech, estime nécessaire une refonte complète des règles de cumul des mandats applicables dans les exécutifs locaux. Le temps est sans doute venu de tirer tous les enseignements des règles en vigueur afin de donner un contenu réel aux dispositions de l’article Premier de la Constitution qui énonce :

« La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Or le modèle actuel, rend très difficile l’accès des femmes aux fonctions exécutives. Une évolution qui, au delà du cas spécifique des femmes, doit aussi favoriser le renouvellement des exécutifs locaux en permettant à de nouveaux élus d’exercer des fonctions de responsabilité.

Afin de favoriser à la fois le renouvellement du personnel politique et sa féminisation, il est indispensable de rendre incompatible l’exercice de plusieurs fonctions exécutives locales. Ces dispositions concernent tous les exécutifs locaux à l’exception des Établissements Publics de Coopération Intercommunale dont le mode d’élection ne permet pas d’établir une césure avec le mandat de conseiller municipal.

L’objectif est donc d’empêcher le cumul des mandats au sein des exécutifs locaux au delà des dispositions actuelles qui interdisent le cumul de postes de chefs des exécutifs.

Par ailleurs, afin de contribuer au renouvellement des exécutifs locaux et donner une nouvelle respiration à notre démocratie, il est proposé de limiter à trois le nombre de mandats successifs pouvant être exercés au sein des exécutifs des collectivités territoriales en tant que Maire ou Président.

Une limitation du nombre de mandats successifs permettrait un renouvellement et une meilleure représentation sociologique des élus au sein des exécutifs locaux.

Ces dispositions contribuent donc au processus initié par la Loi du 16 décembre 2010 et visant à la modernisation de la vie politique. Elles ne mettent nul obstacle à ce que tout membre de l’organe délibérant d’une collectivité locale puisse être élu à la tête de l’exécutif, ou en tant que membre de celui-ci, et ne constituent donc pas une entrave aux principes de libre administration des collectivités territoriales consacrés par l’article 72 de la Constitution. Bien au contraire, cette nouvelle rédaction permet d’en préciser le contenu.

L’ensemble des dispositions offre la possibilité à tout membre d’un exécutif de se consacrer pleinement à ses fonctions sans que cela soit contraire aux dispositions de la Constitution puisque le Conseil constitutionnel a déjà déclaré conformes à la Constitution des dispositions ayant pour effet de limiter la possibilité, pour certains membres d’une assemblée délibérante, de détenir une fonction exécutive à la tête de cette assemblée (no 85−205 DC du 28 décembre 1985 ; no 99−410 DC du 15 mars 1999) ou ayant pour effet d’interdire la détention de deux fonctions exécutives locales ou d’une telle fonction et d’un mandat local (no 96−373 DC du 9 avril 1996 ; no 99−410 DC précité).

Tel est l’objet de la proposition de loi qu’il vous est demandé, de bien vouloir adopter, avec force et vigueur.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour toute commune dont la population serait supérieure à 20 000 habitants, la fonction de maire est incompatible avec toute autre fonction au sein d’un exécutif d’une collectivité territoriale à l’exception des établissements publics de coopération intercommunale. »

Article 2

L’article L. 2122-7-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour toute commune dont la population serait supérieure à 20 000 habitants, la fonction d’adjoint au maire est incompatible avec toute autre fonction au sein d’un exécutif d’une collectivité territoriale à l’exception des établissements publics de coopération intercommunale. »

Article 3

L’article L. 3122-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La fonction de président de conseil général est incompatible avec toute autre fonction au sein d’un exécutif d’une collectivité territoriale à l’exception des communes dont la population est inférieure à 20 000 habitants. »

Article 4

L’article L. 3122-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La fonction de vice-président de conseil général est incompatible avec toute autre fonction au sein d’un exécutif d’une collectivité territoriale à l’exception des communes dont la population est inférieure à 20 000 habitants. »

Article 5

L’article L. 4133-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La fonction de président de conseil régional est incompatible avec toute autre fonction au sein d’un exécutif d’une collectivité territoriale à l’exception des communes dont la population est inférieure à 20 000 habitants. »

Article 6

L’article L. 4133-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La fonction de vice-président de conseil régional est incompatible avec toute autre fonction au sein d’un exécutif d’une collectivité territoriale à l’exception des communes dont la population est inférieure à 20 000 habitants. »

Article 7

L’article L. 2122-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Nul ne peut accomplir plus de trois mandats consécutifs au sein de l’exécutif d’un conseil municipal en tant que maire. »

Article 8

L’article L. 3122-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Nul ne peut accomplir plus de trois mandats consécutifs au sein de l’exécutif d’un conseil général en tant que président de conseil général. »

Article 9

L’article L. 4133-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Nul ne peut accomplir plus de trois mandats consécutifs au sein de l’exécutif d’un conseil régional en tant que président de conseil régional. »

Article 10

L’article L. 5211-9 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Nul ne peut accomplir plus de trois mandats consécutifs au sein de l’exécutif d’un établissement public de coopération intercommunale en tant que président. »

Article 11

Les articles 1 à 10 de la présente loi entrent en vigueur lors de chaque échéance de renouvellement des collectivités concernées.


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