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N° 4314

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 février 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer l’information des maires
en matière de prévention de la délinquance,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Christian ESTROSI,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La prévention de la délinquance est une politique partenariale et interministérielle qui constitue un volet essentiel en terme de lutte pour la sécurité de tous.

Elle comprend, désormais, de multiples volets, comme l’aide aux victimes, les violences intra-familiales, la prévention situationnelle, la prévention de la récidive, les violences scolaires, la délinquance des mineurs…

Cette politique qui s’appuie, depuis la loi du 5 mars 2007, sur les maires des communes, pivots de cette politique, a profondément évolué au cours de ces trente dernières années.

C’est le Comité d’étude sur la violence, la criminalité et la délinquance, présidé par Alain Peyreffite qui pose les bases de la prévention sur ces domaines, dans ses travaux en 1976. Relayé par la Commission des maires sur la sécurité, en 1982 les premiers dispositifs ont été institués :

– en 1983, les Conseils communaux de prévention de la délinquance ;

– puis à partir de 1997, les contrats locaux de sécurité.

Mais c’est véritablement, la loi du 5 mars 2007 qui pose le cadre juridique de la prévention de la délinquance et confie aux maires des communes, le rôle pilote en la matière.

Ainsi, l’exposé des motifs de ce texte précise : « La politique de prévention de la délinquance contribue à l’amélioration durable de la sécurité dans tous les domaines de la vie au quotidien (transports, logements, loisirs, etc.) et au renforcement de la responsabilité civique. Dans le respect des libertés individuelles dont l’autorité judiciaire est garante, elle s’exerce en direction des victimes et des auteurs d’infractions, par des mesures actives et dissuasives visant à réduire les facteurs de passage à l’acte et de récidive, soit par la certitude d’une réponse judiciaire adaptée, soit en intervenant sur les processus de commission de l’infraction, ou encore en favorisant une moindre vulnérabilité de la victime potentielle. »

Donc, si l’État fixe les grandes orientations en matière de prévention de la délinquance, il revient au maire d’animer et de coordonner cette action à l’échelle de la commune.

Les partenaires qui interviennent sur cette question sont nombreux : l’État, bien évidemment mais aussi l’autorité judiciaire et les forces de l’ordre, les conseils généraux, l’Éducation Nationale avec l’inspecteur d’académie et le recteur, le secteur médico –social, le monde associatif.

L’ensemble de ces acteurs se réunissent au sein de l’instance phare que constitue le Conseil local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD).

Néanmoins, force est de constater que peu de communes se sont dotées de ces outils.

Au 31 décembre 2009, on dénombrait 835 CLSPD alors qu’ils sont obligatoires dans les communes de plus de 10 000 habitants, 392 Contrats Locaux de Sécurité (CLS) et 42 Conseils des Droits et Devoirs de la Famille (CDDF), rendus obligatoires dans les communes de plus de 50 000 habitants par la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011).

Pour pouvoir agir et mettre les outils de prévention nécessaires au sein de sa commune, la loi du 5 mars 2007 prévoit les cas où le maire peut être destinataire  d’informations :

– pour situations d’absentéisme scolaire par l’inspecteur d’académie en vertu de l’article L. 131-8 du code de l’éducation,

– pour les situations d’exclusion par les chefs d’établissement en vertu de l’article L. 131-6 du code de l’éducation,

– pour des situations sociales préoccupantes par des travailleurs sociaux en vertu de l’article L. 131-6-1 et L. 141-1 du code de l’action sociale et des familles,

– pour le champ policier par des responsables des forces de l’ordre en vertu de l’article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales,

– pour le champ judiciaire par des procureurs de la République en vertu de l’article L. 2211-2 du code général des collectivités territoriales.

La multiplication des intervenants engendre une indispensable communication entre l’ensemble des acteurs.

Car, en fait, chaque interlocuteur bénéficie d’une part de l’information, et les modalités d’échange de cette politique partenariale sont assez disparates sur l’ensemble du territoire.

Ainsi, le Conseil National des Villes (CNV), dans un avis du 12 mars 2009(1) sur la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007, relevait que des difficultés persistent dans les relations entre les maires et les trois partenaires majeurs : les institutions policières, judiciaires et de l’Éducation nationale.

Ainsi, le CNV précisait : « Tout dispositif repose sur des hommes et des actes. Or, en fonction des personnalités du Président du TGI, du procureur, du directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) ou du commissaire, du recteur ou de l’inspecteur, les échanges peuvent être productifs ou inexistants. Pour certains les relations avec les élus sont prioritaires. Ici, le ministère public, par exemple, intervient de façon rapide et simple. Là, il se mure à l’intérieur du palais de justice et n’intervient que sur des faits qualifiés et importants. Les parquets ne se rendent pas toujours sur le terrain – excepté en cas de crise. Un substitut ou un commissaire mobilisé change de poste et tout est à reconstruire.

Dans le cas des mineurs multiréitérants ou multirécidivistes, les relations sont en général très compliquées. Il est difficile pour les élus et les techniciens d’avoir accès à un Juge des enfants. … »

De même le rapport de l’inspection générale de l’administration pour l’année 2009(2), rendu public en mars 2011, recommandait une amélioration « des conditions d’exercice par les maires de leurs responsabilités, en matière d’information, de collaboration avec le parquet et avec les conseils généraux en matière d’action sociale partagée, et de lutte contre l’absentéisme scolaire et le rappel à l’ordre. »

Face à ces difficultés, le Gouvernement a lancé un grand plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes.

D’une durée de 3 ans, 2010-2012, il permet « de décrypter les dispositions souvent complexes de la loi, de les mettre en perspective et d’évaluer leur mise en œuvre sur le terrain. ».

Et pour autant les difficultés subsistent. Relayées notamment dans le rapport de la CNV de janvier 2011(3), le Conseil relève que « La coordination État/municipalité est de plus en plus prônée par les textes ; or, il s’agit à ce jour et dans les faits, d’un simple transfert de charges plutôt que d’une coordination. Ce phénomène s’est accentué avec le financement massif d’équipements de vidéo-protection au moyen des crédits spécifiques du FIPD, et ce au bénéfice des municipalités. ».

De même, la circulaire interministérielle du 8 juillet 2011 sur les orientations pour la prévention de la délinquance relève également ces difficultés.

Or, on ne peut accepter que la loi ne soit pas appliquée partout de la même manière sur le territoire.

Les principes constitutionnels d’égalité et d’indivisibilité nous rappellent que la loi doit être la même en tout point du territoire français.

On ne peut se satisfaire d’une application aléatoire de la loi en fonction de la personnalité des partenaires ou de la conception qu’ils se font de la loi sur la prévention de la délinquance.

Par conséquent, il apparaît indispensable de doter les maires de moyens complémentaires pour leur permettre d’assumer pleinement les responsabilités qui leurs incombent en ce domaine.

La présente proposition de loi envisage de compléter les outils mis à la disposition du maire dans deux domaines essentiels que sont la prévention de la délinquance et la prévention de la récidive.

Sur la prévention de la délinquance, plusieurs indicateurs peuvent être améliorés.

Sur l’absentéisme scolaire, la loi du 28 septembre 2010 est venue clarifier les compétences, en plaçant l’inspecteur d’académie au centre du dispositif, et en confiant au Président du Conseil Général le soin de proposer la conclusion d’un contrat de responsabilité parentale lorsque la situation de l’enfant en phase de rupture avec sa scolarité le requiert. Les premiers retours de la mise en œuvre de ce dispositif sont très positifs.

Par contre sur les informations relatives aux faits de délinquance commis sur le territoire de la commune, les échanges d’information sont plus aléatoires.

Ainsi, il n’est pas logique que les policiers municipaux qui participent à l’activité de sécurité publique, demeurent dans l’ignorance des suites réservées aux actions menées en matière de prévention de la délinquance.

Or, certaines expériences ont démontré leur efficacité, notamment les Groupes Locaux de Traitement de la Délinquance (GLTD). Cette instance est créée dans un but premier d’action publique, afin de parvenir à une meilleure visibilité et une meilleure coordination de l’action des services de justice et de police sur le territoire de la commune.

De même, le plan national de prévention de la délinquance prévoit la mise en place de correspondants Justice-ville dans les juridictions ayant une activité pénale importante. Les juridictions qui ont expérimentés ce dispositif, ont constaté une meilleure circulation entre la commune et la justice.

Aussi, ces mesures méritent d’être généralisées au sein des tribunaux de grande instance afin de faciliter la transmission d’informations entre le parquet et le maire de la commune.

Sur la prévention de la récidive, là aussi la circulation des informations doit être renforcée.

Plusieurs drames, ces derniers mois, ont démontré que la connexion entre les services judiciaires et les instances locales étaient grippés.

L’assassinat de Marie Christine Hodeau par un meurtrier multirécidiviste condamné en 2002 pour le viol et la séquestration d’une fillette de 13 ans et qui à sa sortie de prison a pu s’installer à deux du domicile de sa victime ou bien la mort de Laetitia Perrais, tuée par un présumé délinquant multirécidiviste sous le coup d’un contrôle judiciaire et enfin plus récemment l’assassinat d’Agnès à Chambon-sur-Lignon dans des conditions terribles par un présumé mineur de 17 ans en attente de jugement pour des faits de viol aggravé qui s’étaient déroulés 18 mois plus tôt.

La présomption d’innocence ne doit pas conduire à un défaut d’information qui place l’auteur des faits en capacité d’agir.

Néanmoins, toutes les communes n’ayant pas forcément les outils permettant de traiter ces informations, cette proposition de loi ne vise que les communes de plus de 50 000 habitants, qui depuis la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, ont l’obligation de créer un conseil des droits et des devoirs des familles.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi introduit dans le code général des collectivités territoriales, des dispositions visant à renforcer l’information des maires dans les collectivités de plus de 50 000 habitants

L’article 1 modifie l’article L. 2211-2 du CGCT en introduisant une obligation d’information du maire pour les suites données aux actes de délinquance commis sur le territoire de la commune alors qu’il ne s’agit aujourd’hui que d’une simple faculté.

L’article 2 complète l’article L. 2211-3 en instaurant un correspondant Justice ville dans les communes de plus de 50 000 habitants.

L’article 3 est un article de coordination.

L’article 4 institue les GLTD dans les communes de plus de 50 000 habitants.

L’article 5 reprend les dispositions financières.

Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé de bien vouloir adopter les dispositions suivantes.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Au troisième alinéa de l’article L. 2211-2 du code général des collectivités territoriales, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit ».

Article 2

Après le troisième alinéa de l’article L. 2211-3 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les communes de plus de 50 000 habitants, un correspondant justice-ville est instauré auprès du parquet pour assurer la transmission au maire d’une information régulière relative au traitement judiciaire des infractions constatées sur sa commune. »

Article 3

Au quatrième alinéa de l’article L. 2211-3 du même code, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».

Article 4

Après l’article L. 2211-3 du même code, il est inséré un article L. 2211-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2211-3-1. – Dans les communes de plus de 50 000 habitants, un groupe local de traitement de la délinquance est institué. Cette instance qui réunit le maire, le procureur de la République et le commissaire de police de la commune examine les événements écoulés en termes de délinquance, les suites judiciaires données et les priorités d’action publique mises en œuvre afin de parvenir à une meilleure visibilité et une meilleure coordination de l’action des services de justice et de police sur le terrain. »

Article 5

Les charges qui pourraient résulter pour les communes de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

1 () CNV – Avis sur la première étape de mise en œuvre de la loi « Prévention de la délinquance » (mars 2007), la place et le rôle de la justice, le soutien à la jeunesse, et la gouvernance de la prévention de la délinquance, mars 2009.

2 () Inspection Générale de l’Administration – Rapport d’activité 2009 – page 25.

3 () Rapport du Conseil National des Villes – Recommandation Prévention de la délinquance : Quelle gouvernance, quels financements, 25 janvier 2011.


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