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N° 4521

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la protection des mineurs
lors des séjours à l’étranger,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marie-George BUFFET,

députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 22 août 2009, un accident de la route coûtait la vie à deux jeunes filles. Le groupe auquel elles appartenaient était parti pour 20 jours aux États-Unis dans le cadre d’une colonie de vacances proposée par le comité d’entreprise de leurs parents. Cet accident, au-delà du drame qu’il représente pour les familles concernées et de la légitime inquiétude qu’il a pu susciter chez toutes celles et tous ceux qui envoient en confiance leurs enfants dans de tels séjours, met en lumière les dérives d’un système corrompu par les intérêts financiers.

Les séjours collectifs, en France comme à l’étranger, sont des moments de sociabilité et d’apprentissage bénéfiques pour les enfants. De nombreux organismes, sur la base de projets pédagogiques et ludiques se sont très tôt engagés dans cette voix, avec l’aide de nombreux bénévoles puis, de plus en plus de salarié-e-s. Le monde des séjours collectifs, face à la demande, a professionnalisé son organisation et les exigences en matière de formation des accompagnateurs n’ont cessé de croître. Le nombre de séjours proposés a augmenté, leur contenu s’est diversifié, la qualité de l’accompagnement s’est améliorée.

Mais l’augmentation de la demande a également suscité l’émergence d’un créneau pour les marchands. Ainsi, des entreprises se sont structurées dans ce secteur en vue de faire des profits. Certaines d’entre elles, pour maximiser leurs gains, n’ont pas hésité à fausser leurs offres et à mettre en danger les enfants, tout en profitant de l’origine bénévole de leur activité et du statut spécifique de leurs salarié-e-s qui en découle. En outre, l’extension du secteur marchand s’accompagne de difficultés croissantes pour le secteur associatif abandonné par l’État, au détriment du contenu pédagogique des séjours et donc de l’épanouissement des enfants.

Ainsi, dans le cas de l’accident susmentionné, l’opérateur avait communiqué aux parents, à l’administration et aux organisateurs sur place des agendas d’activités différents. Les accompagnateurs étaient également en charge de véhiculer les enfants et d’effectuer les réservations ! A l’occasion d’autres séjours, les parents qui pensaient que leurs enfants dormaient à Manhattan, les ont retrouvés à Haarlem, quartier dont les caractéristiques diffèrent du tout au tout. Ces dérives sont intimement liées à la course aux profits : dès lors que la même personne fixe les règles et tire bénéfice de leur faiblesse, seule la vertu fait barrage aux abus. La sécurité des enfants ne peut se satisfaire d’une telle situation. La loi doit encadrer les séjours à l’étranger.

Le 6 décembre dernier, une proposition de loi relative à la sécurité des mineurs accueillis hors du domicile parental a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi n’a pu être discutée au Sénat avant la fin de la session. Au demeurant, cette elle était insatisfaisante, puisqu’elle se contentait de transposer l’exigence d’enregistrement valable sur le territoire national et d’obliger l’organisme organisateur à informer l’administration et les parents en cas d’accident. Non seulement ces dispositions ne sont aucunement contraignantes, mais en outre, du fait de la revue générale des politiques publiques, il n’existe à l’heure actuelle aucun moyen d’en vérifier l’application lorsque les séjours se déroulent à l’étranger.

Face aux enjeux soulevés, la mise en place de mesures réellement contraignantes est non seulement indispensable, mais aussi urgente. Aussi, à son article 1er, cette proposition de loi instaure l’obligation pour les organisateurs de séjours à l’étranger auxquels participent des mineurs d’obtenir un agrément imposant le respect d’un cahier des charges. Ainsi, un organisme qui autoriserait à un accompagnateur à conduire un véhicule sur une longue distance, ne fixerait pas pour lui un repos suffisant, ne souscrirait pas à une police d’assurance exigeante ou ne se soumettrait pas à des obligations d’informations des organismes de tutelle ou des familles en cas de difficulté ne pourrait pas obtenir cet agrément. Le cas échéant, il se le verrait retirer immédiatement. L’article 2 aligne les sanctions pour l’organisme en cas de non respect du cahier des charges sur celles existant en cas d’infraction aux règles régissant les voyages sur le territoire national.

L’article 3 demande au Gouvernement de prendre les dispositions qu’il lui revient d’adopter en vue de la bonne application de la loi. Il faut en priorité et en urgence augmenter le financement public pour les associations de jeunesse et d’éducation populaire et cesser de le soumettre à des appels à projets : chaque association à son projet qui justifie, pour pouvoir être déployé pleinement, un financement global et non par tranches. Ce financement est nécessaire au renforcement de l’offre publique de séjours mais aussi pour permettre aux associations de rémunérer un nombre d’accompagnateurs suffisant. En outre, pour adapter au mieux les règles aux réalités du terrain, il est nécessaire de mener une réflexion permanente sur le degré de contrainte à exercer en matière de sécurité par rapport au projet pédagogique des organismes. Enfin, l’État doit renforcer son administration déconcentrée en vue de multiplier les inspections sur le territoire national et à l’étranger, mais aussi pour conseiller et épauler les associations dans leurs démarches.

Dans une société de plus en plus soumise au diktat de la consommation à tout prix, l’éducation populaire contribue plus que jamais au développement par les individus de leurs potentialités. C’est un facteur certain d’émancipation humaine et en ce sens, une véritable mission de service public. Cette proposition de loi se donne en conséquence pour objectif non seulement de répondre à l’urgence en matière d’encadrement des séjours à l’étranger, mais aussi de contribuer à l’établissement d’une réelle dynamique en faveur de l’accès aux loisirs et à l’ensemble des activités qui, aujourd’hui à tort marginalisées, constituent des leviers de transformation sociale indispensables à la construction d’une société plus juste et plus heureuse.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 227-6 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rétabli :

« Les personnes dont l’activité comporte l’organisation de l’accueil collectif de mineurs mentionné à l’article L. 227-4 sont tenues d’obtenir un agrément pour exercer leur activité à l’étranger.

« Cet agrément est attribué par le représentant de l’État dans le département pour une durée limitée. La liste des organismes agréés est rendue publique par le ministère en charge du tourisme et par le ministère en charge de la jeunesse et de la vie associative.

« L’agrément est attribué à tout organisme qui s’engage à respecter un cahier des charges national élaboré conjointement par l’État, des représentants des associations de jeunesse et d’éducation populaire et des représentants des salarié-e-s permanents ou occasionnels des organismes organisant les séjours.

« Ce cahier des charges comporte au moins les dispositions suivantes :

« 1° l’interdiction pour les personnes accompagnant des mineurs de conduire un véhicule les transportant sur de longues distances ;

« 2° l’obligation pour la personne dont l’activité comporte l’organisation de l’accueil collectif de prévoir au bénéfice des personnes accompagnant les enfants un temps de repos suffisant pour concilier la protection de leur santé, la sécurité des mineurs dont ils ont la charge et les nécessités inhérentes au projet pédagogique du séjour ;

« 3° l’obligation pour la personne dont l’activité comporte l’organisation de l’accueil collectif de mineurs mentionné à l’article L. 227-4 de souscrire à une police d’assurance permettant le transport des enfants du lieu de l’accident vers un hôpital pouvant l’accueillir et leur rapatriement lorsque les parents le demandent ;

« 4° l’obligation pour la personne dont l’activité comporte l’organisation de l’accueil collectif de mineurs mentionné à l’article L. 227-4 d’informer l’autorité administrative de tout événement compromettant gravement la santé ou la sécurité physique des mineurs ;

« 5° l’obligation pour la personne dont l’activité comporte l’organisation de l’accueil collectif de mineurs mentionné à l’article L. 227-4 d’informer sans délai les représentants légaux d’un mineur prenant part à un séjour qu’il organise à l’étranger en cas d’accident ou de maladie le frappant.

« Un organisme bénéficiaire de l’agrément ayant contrevenu à l’une de ces dispositions ou ayant mis en danger la sécurité des enfants par sa négligence ou pour un tout autre motif perd immédiatement le bénéfice de son agrément. Une enquête détermine les mesures que l’organisme doit prendre pour pouvoir de nouveau demander l’agrément.

« L’État organise des inspections régulières sur pièce et sur place pour s’assurer du respect du cahier des charges par les personnes dont l’activité comporte l’organisation de l’accueil collectif de mineurs mentionné à l’article L. 227-4.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. Il détermine notamment le contenu du cahier des charges mentionné au quatrième alinéa. »

Article 2

L’article L. 227-8 du même code est ainsi modifié :

1° Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Le fait de ne pas satisfaire aux obligations mentionnées à l’article L. 227-6. » 

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l’affichage ou la diffusion du jugement prononçant la condamnation, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. »

Article 3

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente proposition de loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l’accueil collectif des mineurs. Il évalue les conséquences de la baisse du financement de l’État aux associations de jeunesse et d’éducation populaire et de son conditionnement croissant à des appels à projet. Il évalue les conséquences de la marchandisation de ce secteur sur la qualité des séjours proposés et sur les conditions de travail des accompagnateurs. Il évalue les conditions de sécurité nécessaires à la protection des mineurs en fonction du projet pédagogique de l’organisme. Il évalue les moyens humains, financiers et réglementaires nécessaires à l’État pour améliorer le contrôle de la sécurité des mineurs sur les lieux de leur séjour, sur le territoire national et à l’étranger. Il propose des dispositions permettant de développer l’accompagnement collectif dans une perspective d’éducation populaire.

Article 4

Les charges résultant, pour l’État, de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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