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N° 1509

_____________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 mars 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

en application de l'article 29 du Règlement

au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée

parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur l'activité de cette Assemblée

au cours de la première partie de sa session ordinaire de 2009

par M. Jean-Claude MIGNON

ET PRÉSENTÉ A LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en janvier 2009, de  : MM. Roland Blum, Georges Colombier, Mmes Claude Greff, Arlette Grosskost, MM. Denis Jacquat, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Jean-Paul Lecoq, François Loncle, Jean-Claude Mignon, Germinal Peiro, François Rochebloine, en tant que membres titulaires, et MM. Alain Cousin, Paul Giacobbi, Mme Françoise Hostalier, M. Michel Hunault, Mme Marietta Karamanli, MM. Dominique Le Mèner, Noël Mamère, Mme Muriel Marland-Militello, M. Frédéric Reiss, Mme Marie-Line Reynaud, MM. René Rouquet, André Schneider, en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 7

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 9

A. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS 11

B. RENCONTRES ORGANISÉES PAR LA DÉLÉGATION FRANÇAISE 11

C. PARTICIPATION DES MEMBRES AUX SÉANCES PLÉNIERES DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE ET AUX RÉUNIONS DES COMMISSIONS 12

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION 15

A. PROGRAMME DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2009 15

B. TEXTES ADOPTÉS 17

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS 21

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 23

A. LA MISE EN œUVRE PAR L’ARMÉNIE DES RÉSOLUTIONS 1609 (2008) ET 1620 (2008) DE L’ASSEMBLÉE 23

B. COOPÉRATION AVEC LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE (CPI) ET UNIVERSALITÉ DE CETTE INSTANCE 28

C. LES ENQUÊTES SUR LES CRIMES QUI AURAIENT ÉTÉ COMMIS PAR DE HAUTS RESPONSABLES SOUS LE RÉGIME KOUTCHMA EN UKRAINE – L’AFFAIRE GONGADZE : UN EXEMPLE EMBLÉMATIQUE 32

D. LES CONSÉQUENCES DE LA GUERRE ENTRE LA GÉORGIE ET LA RUSSIE 33

E. LA SITUATION À GAZA 37

F. ATTITUDE À L’ÉGARD DES MONUMENTS COMMÉMORATIFS FAISANT L’OBJET DE DIFFÉRENTES INTERPRÉTATIONS HISTORIQUES DANS LES ÉTATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE 40

G. CONTESTATION POUR DES RAISONS FORMELLES DES POUVOIRS NON ENCORE RATIFIÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTARE DE L’ALBANIE 41

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME 43

A. L’ACCÈS AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES ET LEUR PLEINE ET ACTIVE PARTICIPATION DANS LA SOCIÉTÉ 43

B. LA RÉGULATION DES SERVICES DE MÉDIAS AUDIOVISUELS 46

C. LES SOINS PALLIATIFS : UN MODÈLE POUR DES POLITIQUES SANITAIRES ET SOCIALES NOVATRICES 48

D. LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE FINANCIÈRE MONDIALE 49

E. LES SOCIÉTÉS PRIVÉES À VOCATION MILITAIRE OU SÉCURITAIRE ET L’ÉROSION DU MONOPOLE ÉTATIQUE DU RECOURS À LA FORCE 50

F. LA DÉMOCRATIE ÉLECTRONIQUE 54

G. FÉMINICIDES 56

H. MIGRATIONS ET DÉVELOPPEMENTS ENVIRONNEMENTAUX : UN DÉFI POUR LE XXIE SIÈCLE 56

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT 59

A. COMMUNICATION DE M. TERRY DAVIS, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE 59

B. INTERVENTION DE M. MIGUEL ÁNGEL MORATINOS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE L’ESPAGNE, PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES 63

C. NOMINATION DES CANDIDATS ET ÉLECTION DES JUGES À LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME 66

ANNEXES 69

Annexe 1 Proposition de résolution de Mme Marietta Karamanli et plusieurs de ses collègues : Elaboration d’une politique volontariste des pouvoirs publics en Europe pour prévenir le surpoids et aboutir à une réglementation 71

Annexe 2 Résolution 1643 (2009) – La mise en œuvre par l’Arménie des résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008) de l’Assemblée 75

Annexe 3 Résolution 1647 (2009) – La mise en œuvre de la Résolution 1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie 79

Annexe 4 Résolution 1648 (2009) – Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie 87

INTRODUCTION

L’actualité des droits de l’Homme en Europe et dans le monde a été au cœur de la première partie de la session 2009 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Du conflit russo-géorgien à la situation des femmes au Mexique en passant par la guerre à Gaza, les libertés fondamentales peinent à s’affirmer complètement à l’échelle du globe, soulignant en creux la pertinence de la mission du Conseil de l’Europe. Cette ouverture au monde, telle que souhaitée par son Secrétaire général, ne doit pas, néanmoins, l’écarter de ses objectifs continentaux initiaux, comme en ont témoigné à des degrés divers les débats sur l’Arménie, l’Ukraine ou sur la situation des monuments commémoratifs en Europe orientale.

La consolidation ou la modernisation des modèles démocratiques ne doit pas occulter la réflexion entreprise par le Conseil sur l’acception contemporaine des droits de l’Homme. L’Assemblée parlementaire a ainsi parfaitement répondu à sa vocation de laboratoire d’idées à l’échelle continentale, ainsi que l’ont souligné, au cours de cette partie de session, ses prises de position sur la régulation des médias, les soins palliatifs ou l’accès aux soins des personnes handicapées.

Sa réactivité à l’actualité comme son travail de prospective ne saurait écarter le Conseil de préoccupations plus quotidiennes. La première partie de la session 2009 a, ainsi, été marquée par de nombreuses interrogations quant à l’avenir budgétaire de l’institution, dans un contexte général de réduction des dépenses. Celui-ci conduit à une nécessaire révision du champ d’action de l’institution et rend encore plus nécessaire une rationalisation des activités de la Cour européenne des droits de l’Homme. L’absence d’avancée sur le protocole additionnel n°14 à la Convention européenne des droits de l’Homme, chargé de désengorger la Cour mais inapplicable en raison du véto de la Douma russe, rend nécessaire la mise en œuvre de solutions alternatives.

La délégation parlementaire française, dont la composition a été modifiée après le renouvellement triennal du Sénat en octobre dernier, entend accompagner cette mutation du Conseil de l’Europe qui ne devra pas lui faire perdre sa légitimité à intervenir à chaque fois que les libertés fondamentales paraîtraient menacées. À la veille du soixantième anniversaire de la création du Conseil, la recherche d’unité du continent sur ces sujets essentiels n’a jamais paru aussi prioritaire.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

La délégation parlementaire française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants)

La délégation a vu sa composition modifiée à l’occasion du renouvellement partiel du Sénat. Mme Françoise Hostalier, députée, a, par ailleurs, remplacé Mme Brigitte Barèges, démissionnaire. M. Jean-Paul Lecoq, député, est quant à lui devenu membre titulaire de la délégation à la place de M. Noël Mamère, devenu, en conséquence, suppléant.

Composition de la délégation en janvier 2009

Membres titulaires

 

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Denis BADRÉ

Sénateur

UC-UDF

ADLE

M. Roland BLUM

Député

UMP

PPE/DC

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

PPE/DC

Mme Claude GREFF

Députée

UMP

PPE/DC

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

SOC

M. Armand JUNG

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

SOC

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

GUE

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

SOC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

SOC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

Membres suppléants

 

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Laurent BÉTEILLE

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

M. Alain COUSIN

Député

UMP

PPE/DC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

M. Paul GIACOBBI

Député

SRC

SOC

Mme Françoise HOSTALIER

Députée

UMP

PPE/DC

M. Michel HUNAULT

Député

NC

GDE

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jean-François LE GRAND

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Dominique LE MÈNER

Député

UMP

PPE/DC

M. Noël MAMERE

Député

GDR

GUE

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

PPE/DC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UC-UDF

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

SOC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

Réunie le 18 novembre au Sénat, la délégation a procédé à l’élection de son nouveau Bureau. Sa composition est la suivante :

Président

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

Présidente déléguée
pour l’UEO

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

       

Vice-présidents

M. Alain COUSIN

Député

UMP

 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

 

Mme Claude GREFF

Député

UMP

 

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

 

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

 

M. François LONCLE

Député

SRC

 

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

 

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

A. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

Mme Marietta Karamanli (Sarthe – SRC) a déposé une proposition de recommandation relative à l’élaboration d’une politique européenne de prévention du surpoids. Le texte appelle de ses vœux l’adoption d’une véritable réglementation à l’échelle continentale visant spécifiquement la publicité et la mise en œuvre d’une lutte contre les discriminations touchant les personnes souffrant d’obésité. Mme Karamanli a également été nommée rapporteure au nom de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille du texte sur les mesures sociales, l’éducation et la réadaptation de jeunes délinquants.

Dans le cadre du renouvellement annuel des bureaux des commissions, M. Denis Jacquat (Moselle – UMP) a été élu premier vice-président de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille. Au sein de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, M. Philippe Nachbar (Meurthe-et-Moselle – UMP) conserve la présidence de la sous-commission du patrimoine culturel. Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – Soc) a été réélue vice-présidente de la sous-commission sur le Proche-Orient, rattachée à la commission des questions politiques. M. Michel Hunault (Loire-Atlantique – NC) a lui été confirmé à la vice-présidence de la sous-commission sur les problèmes criminels et la lutte contre le terrorisme, rattachée à la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation française, a été élu, pour sa part, vice-président du groupe PPE/DC.

B. RENCONTRES ORGANISÉES PAR LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

Le 25 janvier, veille de l’ouverture des débats, le représentant permanent de France auprès du Conseil de l’Europe a réuni l’ensemble de la délégation pour un dîner de travail, destiné à faire un point sur les grands thèmes de la partie de session.

Le 27 janvier, la délégation parlementaire a également rencontré, M. Bruno Le Maire, Secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Au cours d’un échange de vues d’environ une heure, le ministre a rappelé l’intérêt du Gouvernement français pour les travaux de l’Assemblée parlementaire, considérée comme un véritable laboratoire d’idées à l’échelle continentale. Le Conseil de l’Europe dispose, à cet égard, d’une légitimité particulière en matière de droits de l’Homme et doit, à cet égard, être distingué de l’Union européenne qui ne saurait répondre aux mêmes objectifs. Le Conseil de l’Europe permet en effet d’échanger avec des pays qui n’ont pas vocation à entrer au sein de l’Union européenne tout en favorisant une forme d’unification du droit à l’échelle continentale. La possibilité de dialoguer avec la Russie ou la Turquie dans cette enceinte alors que les relations bilatérales avec ces deux États sont délicates, constitue à en outre, un atout indéniable.

Par ailleurs, dans le cadre du débat sur les conséquences du conflit entre la Géorgie et la Russie, la délégation française a rencontré ses homologues géorgienne et russe. Le respect, par Moscou, des valeurs démocratiques et des droits de l’Homme, est une préoccupation constante au sein de la délégation. L’organisation d’un dîner de travail avec les parlementaires russes, le 27 janvier, à la Représentation permanente française auprès du Conseil de l’Europe témoigne, néanmoins, de la volonté, partagée par l’ensemble des membres de la délégation, de maintenir une main tendue à destination de la Russie et de ne pas céder à la tentation facile de l’ostracisme.

C. PARTICIPATION DES MEMBRES AUX SÉANCES PLÉNIERES DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE ET AUX RÉUNIONS DES COMMISSIONS

La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a publié, le 26 novembre dernier, une note d’information relative à la participation des délégués aux travaux de l’Assemblée parlementaire. Ce document dresse un bilan des dispositions prévues par la résolution 1583 (2007), adoptée par l’Assemblée le 23 novembre 2007 et destinée à améliorer la participation des parlementaires aux réunions de commissions et aux séances plénières de l’Assemblée.

Le niveau moyen général de participation des membres des 47 délégations aux sessions plénières s’élève à 56,92 % en 2008, contre 52,13 % en 2007. Ces taux de participation ne reflètent pas, toutefois, la participation réelle aux débats et comme toute moyenne, dissimule de grandes disparités entre délégations nationales. Ainsi, si la Suède enregistre une moyenne annuelle de 93,52 %, dix-sept délégations voient leur participation moyenne s’établir au dessous des 50 %. Avec une moyenne de 62,65 %, la France se place au dix-neuvième rang.

La participation moyenne aux votes durant les sessions s’établit à 22,51 % en 2008 contre 23,01 % lors de l’exercice précédent. Seules six délégations affichent une participation aux votes supérieure à 50 %. Avec 24,41 % de participation aux votes, la France se place au dessus de la moyenne générale et atteint le vingt-sixième rang. De façon plus générale, seuls neuf textes sur les quarante-huit adoptés en 2008 ont obtenu plus de cent votes : ils concernent l’avortement, les pouvoirs de la délégation russe, l’Azerbaïdjan, le Kosovo, la guerre entre la Géorgie et la Russie, ainsi que la situation à Chypre. 20 textes ont recueilli, pour leur part, moins de vingt votes.

Le niveau de participation global des délégations aux réunions des dix commissions de l’Assemblée parlementaire s’établit à 50,37 % en 2008, contre 39,6 % lors de l’exercice précédent. Douze délégations enregistrent une participation moyenne inférieure à 33 %, soit le seuil retenu par la résolution 1563 (2007) pour lancer une procédure d’alerte à destination des Présidents et des Bureaux des assemblées parlementaires nationales concernées. Vingt délégations affichent une participation supérieure ou égale à 50 %, la France se plaçant au vingt-et-unième rang, avec 49,18 %. On notera une réduction du nombre de réunions sises à Paris ou à Strasbourg, quarante-deux en 2008, soit six de moins qu’en 2007 et douze de moins qu’en 2006. Une analyse plus ciblée souligne, de façon générale, une augmentation de la participation des délégations aux réunions de la commission des questions politiques, de celle des questions juridiques et des droits de l’Homme, ainsi que des commissions des migrations des réfugiés et de la population ainsi que celle du Règlement. Les commissions de l’agriculture, des questions économiques ou de la culture enregistrent les taux de participation les plus faibles.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. PROGRAMME DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2009

Lundi 26 janvier 2009

_ Communication de M. Terry Davis, Secrétaire général du Conseil de l’Europe, sur l’état du Conseil de l’Europe ;

_ L’accès aux droits des personnes handicapées et leur pleine et active participation dans la société.

Mardi 27 janvier 2009

– La mise en œuvre par l’Arménie des Résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008) de l’Assemblée ;

– Coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) et universalité de cette instance, précédé d’une intervention de M. Philippe Kirsch, Président de la CPI ;

– Les enquêtes sur les crimes qui auraient été commis par de hauts responsables sous le régime Koutchma en Ukraine – l’affaire Gongadze : un exemple emblématique ;

– Nomination des candidats et élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme.

Mercredi 28 janvier 2009

– La mise en œuvre de la Résolution 1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie (discussion commune sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie) ;

– Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie (discussion commune sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie) ;

– Communication du Comité des ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Miguel Ángel Moratinos, ministre des affaires étrangères de l’Espagne, Président du Comité des ministres ;

– Les soins palliatifs : un modèle pour des politiques sanitaires et sociales novatrices ;

– La régulation des services de médias audiovisuels ;

– Débat d’actualité sur la situation à Gaza.

Jeudi 29 janvier 2009

– Débat d’urgence sur les conséquences de la crise financière mondiale ;

– Les sociétés privées à vocation militaire ou sécuritaire et l’érosion du monopole étatique du recours à la force ;

– Attitude à l’égard des monuments commémoratifs faisant l’objet de différentes interprétations historiques dans les États membres du Conseil de l’Europe.

Vendredi 30 janvier 2009

– La démocratie électronique ;

– Féminicides ;

– Migrations et déplacements environnementaux : un défi pour le XXIe siècle.

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes, les avis, les recommandations et les résolutions :

– aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Texte

Document

Commission des questions politiques

Les sociétés privées à vocation militaire ou sécuritaire et l’érosion du monopole étatique du recours à la force

Rapporteur : M. Wolfgang Wodarg (Allemagne – SOC)

Attitude à l’égard des monuments commémoratifs faisant l’objet de différentes interprétations historiques dans les États membres du Conseil de l’Europe

Rapporteur : M. Mátyás Eörsi (Hongrie – ADLE)

La démocratie électronique

Rapporteur : M. Zoltán Szabó (Hongrie – SOC)

Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme

Coopération avec la Cour pénale internationale et universalité de cette instance

Rapporteure : Mme Herta Daübler-Gmelin (Allemagne – SOC)

Les enquêtes sur les crimes qui auraient été commis par de hauts responsables sous le régime Koutchma en Ukraine – l’affaire Gongadze : un exemple emblématique

Rapporteure : Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger (Allemagne – ADLE)

Nomination des candidats et élection des juges à la Cour européenne des droits de l’Homme

Rapporteur : M. Christopher Chope (Royaume-Uni – GDE)

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

L’accès aux droits des personnes handicapées et leur pleine et active participation dans la société

Rapporteur : M. Bernard Marquet (Monaco – ADLE)

Les soins palliatifs : un modèle pour des politiques sanitaires et sociales novatrices

Rapporteur : M. Wolfgang Wodarg (Allemagne – SOC)

Commission des questions économiques et du développement

Les conséquences de la crise financière mondiale

Rapporteur : M. Kimmo Sasi (Finlande – PPE/DC)

Résolution n°1651

Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie

Rapporteure : Mme Corien W.A. Jonker (Pays-Bas – PPE/DC)

Migrations et déplacements environnementaux : un défi pour le XXI e siècle

Rapporteure : Mme Tina Acktetoft (Suède – ADLE)

Commission de la culture, de la science et de l’éducation

La régulation des services de médias audiovisuels

Rapporteur : M. Andrew McIntosh (Royaume-Uni – SOC)

Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes

Féminicides

Rapporteure : Mme Lydie Err (Luxembourg – SOC)

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe

La mise en œuvre par l’Arménie des résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008)

Rapporteurs : MM. Georges Colombier (France – PPE/DC) et John Prescott (Royaume-Uni – SOC)

La mise en œuvre de la Résolution 1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie

Rapporteurs : MM. Luc Van den Brande (Belgique – PPE/DC) et Mátyás Eörsi (Hongrie – ADLE)

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Contestation pour des raisons formelles des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de l’Albanie

Rapporteur : M. John Greenway (Royaume-Uni – GDE)

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 26 janvier 2009

Communication de M. Terry Davis, Secrétaire général du Conseil de l’Europe, sur l’état du Conseil de l’Europe : MM. Denis Badré et Jean-Claude Frécon ;

L’accès aux droits des personnes handicapées et leur pleine et active participation dans la société : MM. Laurent Béteille et Jean-Paul Lecoq (au nom du groupe GUE).

Mardi 27 janvier 2009

– La mise en œuvre par l’Arménie des Résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008) de l’Assemblée : MM. Georges Colombier (rapporteur), Roland Blum, François Rochebloine et René Rouquet (au nom du groupe socialiste) ;

– Coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) et universalité de cette instance : Mmes Gisèle Gautier et Claude Greff, et M. Laurent Béteille.

Mercredi 28 janvier 2009

– Discussion commune sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie : Mme Josette Durrieu et MM. Bernard Fournier et Jean-Claude Mignon ;

– Communication du Comité des ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Miguel Ángel Moratinos, ministre des affaires étrangères de l’Espagne, Président du Comité des ministres : Mme Josette Durrieu et M. Bernard Fournier ;

– Les soins palliatifs : un modèle pour des politiques sanitaires et sociales novatrices : M. François Rochebloine ;

– La régulation des services de médias audiovisuels : Mme Gisèle Gautier ;

 La situation à Gaza : MM. Jean-Claude Mignon et François Rochebloine.

Jeudi 29 janvier 2009

– Les conséquences de la crise financière mondiale : M. Michel Hunault ;

– Les sociétés privées à vocation militaire ou sécuritaire et l’érosion du monopole étatique du recours à la force : MM. Laurent Béteille, Jean-Paul Lecoq et Jean-Claude Mignon ;

Vendredi 30 janvier 2009

 La démocratie électronique : M. Laurent Béteille ;

– Migrations et déplacements environnementaux : un défi pour le XXIe  siècle : M. Jean-Paul Lecoq.

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A. LA MISE EN œUVRE PAR L’ARMÉNIE DES RÉSOLUTIONS 1609 (2008) ET 1620 (2008) DE L’ASSEMBLÉE

La résolution 1609 (2008) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie, adoptée en avril 2008, prévoyait la possibilité de suspendre le droit de vote de la délégation arménienne au sein de l’Assemblée, si Erevan ne répondait pas à quatre conditions susceptibles de surmonter la crise politique :

• l’abrogation, conformément aux recommandations de la Commission de Venise, des restrictions à la liberté de réunion introduites par les amendements apportés le 17 mars 2008 à la loi relative à la tenue de réunions, assemblées, rassemblements et manifestations. Ces modifications avaient été introduites dans un pays alors en plein état d’urgence ;

• l’ouverture d’une enquête indépendante sur les événements du 1er mars 2008. Une manifestation de l’opposition à Erevan dispersée dans l’après-midi avait alors conduit à de nombreuse arrestations et à l’instauration de l’état d’urgence pour 20 jours, marqué de nombreuses campagnes d’intimidation de la population ;

• la libération immédiate des personnes détenues arbitrairement pour raisons politiques ;

• l’ouverture d’un dialogue entre toutes les forces politiques en présence en vue de réformer le système politique et judiciaire arménien pour garantir les libertés fondamentales.

L’examen du respect de ces critères était prévu à l’ouverture de la troisième partie de session 2008. Le rapport de la commission de suivi, rédigé par MM. Georges Colombier (Isère – UMP) et John Prescott (Royaume-Uni – SOC), avait alors permis de dessiner un premier bilan. Il soulignait les progrès législatifs enregistrés concernant la liberté de réunion et demandait qu’ils se traduisent désormais dans la pratique. La manifestation de l’opposition, organisée le 20 juin dernier sans grande difficulté, apparaissait, à cet égard, comme un signal positif.

La création d’une commission d’enquête parlementaire sur les événements du 1er mars 2008, même tardive, témoignait également de la bonne volonté des autorités, sans toutefois présenter les gages d’impartialité et d’indépendance que le Conseil de l’Europe est en droit d’attendre.

Les rapporteurs étaient néanmoins plus réservés sur la question des détentions arbitraires de prisonniers politiques, tant les progrès enregistrés ne répondent que partiellement aux demandes formulées par l’Assemblée parlementaire. La résolution 1620 (2008) invitait, en conséquence, l’Assemblée nationale arménienne à adopter une loi d’amnistie générale relative aux événements du 1er mars 2008.

Compte tenu des réserves exprimées par les rapporteurs, mais aussi du court laps de temps compris entre l’adoption de la résolution 1609 (2008) en avril dernier et l’étude de la commission de suivi, la résolution 1620 (2008) invitait l’Assemblée à se réunir à nouveau en janvier 2009 en vue d’examiner l’étendue du respect des critères précités.

A l’occasion d’une visite en Arménie, le 15 janvier dernier, les rapporteurs n’avaient pas relevé de progrès majeurs, mais souligné, au contraire, un certain manque de transparence sur les affrontements de mars 2008. L’absence d’évolution sur la question des prisonniers politiques devait même conduire la commission de suivi à proposer la suspension des pouvoirs de la délégation arménienne.

Comme l’a souligné M. Georges Colombier (Isère – UMP), cette menace s’est traduite par une évolution majeure de l’État arménien au sujet des personnes arrêtées :

« A la demande de la commission de suivi, avec John Prescott, nous nous sommes rendus, le 15 janvier 2009, en Arménie pour y rencontrer les autorités. L’objectif de notre visite était d’évaluer les éventuels progrès réalisés et d’inviter fermement les autorités à prendre des mesures concrètes à ce sujet afin d’éviter l’application de sanctions envers la délégation arménienne. Nous tenons d’ailleurs à exprimer nos remerciements à l’Assemblée nationale d’Arménie pour le soutien logistique accordé à notre visite.

Lors de nos entretiens avec les autorités, nous avons souligné les préoccupations de la commission de suivi quant aux accusations portées en vertu de l’article 300 du code pénal arménien, qui traite de l’usurpation de pouvoir, et de l’article 225 relatif à l’incitation à l’émeute.

Dans toutes nos rencontres avec les autorités, nous avons souligné que l’insistance à prononcer des inculpations au titre des articles 300 et 225-3, et le recours systématique à des chefs d’accusation aggravés au lieu de charges moins sévères sont pour nous le signe évident que les accusations et les condamnations de ces personnes sont politiquement motivées.

Tous les responsables du gouvernement que nous avons rencontrés, y compris le président de la République, ont souligné l’intention des autorités de régler la question des personnes privées de leur liberté. Le président a indiqué avoir gracié, au jour de notre visite, douze personnes inculpées dans le cadre de ces événements, et qui en avaient fait la demande. Il a également exprimé sa ferme intention d’examiner favorablement toutes les demandes de grâce à cet égard. Aujourd’hui, vingt-huit personnes ont été graciées et d’autres dossiers sont en cours d’examen

.

Nous avons vivement suggéré au président d’envisager la possibilité d’une amnistie, notamment eu égard aux articles 300 et 225. Le président a indiqué ne pas exclure la possibilité d’une déclaration ultérieure d’amnistie, mais nous avons le sentiment que le président juge inapproprié d’examiner l’éventualité d’une amnistie tant que les sept leaders de l’opposition continueront à faire obstruction au bon déroulement du procès.

Le président de l’Assemblée nationale, lorsque nous l’avons rencontré, a reconnu certaines insuffisances eu égard aux articles 300 et 225, qui permettent au parquet une interprétation très large. Ces insuffisances sont à l’origine de nos préoccupations quant à la motivation politique des accusations.

A la suite de notre visite, dans un courrier daté du 22 janvier 2009, le président de l’Assemblée nationale nous a informés qu’il avait signé un décret instituant un groupe de travail spécial au sein de l’Assemblée, chargé de l’élaboration, dans un délai d’un mois et en coopération avec les organes compétents du Conseil de l’Europe, d’amendements aux articles 225 et 300 du code pénal de l’Arménie. Ces amendements devront remédier aux insuffisances juridiques de ces articles et les mettre en conformité avec les normes du Conseil de l’Europe. Ils seront adoptés par l’Assemblée et transmis au président pour promulgation dans un délai approximatif d’un mois après achèvement des travaux du groupe de travail. Ce groupe est présidé par M. Davit Harutyunyan, le président de la délégation arménienne dans notre Assemblée.

Le décret du président de l’Assemblée nationale pouvant avoir un impact favorable sur la situation des personnes accusées et condamnées, nous estimons que cette initiative est un signal indiquant que les autorités arméniennes sont prêtes à apporter un début de réponse aux préoccupations de l’Assemblée. C’est pourquoi nous considérons que l’initiative de l’Assemblée nationale de réviser les articles 225 et 300 du code pénal et de les mettre en conformité avec les normes du Conseil de l’Europe, le nombre de grâces accordées à ce jour – vingt-huit –, ainsi que les mesures positives prises pour l’ouverture d’une enquête indépendante, transparente et crédible, doivent être considérés comme l’indication que les autorités arméniennes sont disposées à donner suite aux demandes formulées par l’Assemblée dans les dernières Résolutions 1609 et 1620.

Au stade actuel, nous recommandons donc à l’Assemblée de ne pas suspendre les droits de vote des membres de la délégation parlementaire arménienne.

Toutefois, nous restons insatisfaits et préoccupés par la situation des personnes privées de leur liberté, notamment de celles accusées sur la base des seuls témoignages de la police. C’est pourquoi nous recommandons à l’Assemblée de rester saisie de cette affaire et d’inviter sa commission de suivi à examiner les progrès réalisés par les autorités arméniennes dans la mise en œuvre des résolutions. »

Une telle inflexion des autorités arméniennes a donc conduit les co–rapporteurs à modifier en substance le projet initial de résolution en vue de poursuivre le dialogue avec l’Arménie. Cette révision a été saluée par M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC), intervenant au nom du Groupe socialiste :

« Chacun mesure la difficulté de la tâche des rapporteurs et je leur rends hommage pour la clarté de leur travail, leur analyse de la situation et pour les termes retenus dans leurs récents développements, qui montrent une volonté commune d’apaisement compte tenu des efforts des autorités arméniennes. Les conclusions positives retenues dans l’amendement n° 6 constituent en outre des signes de confiance et de bienveillance de notre Assemblée à l’égard de l’Arménie, qui seront, j’en suis persuadé, de nouveaux encouragements à poursuivre sur la voie démocratique qu’elle s’est tracée.

Sur ce chemin difficile, nous sommes nombreux à pouvoir ici témoigner que l’Arménie n’a pas démérité depuis son indépendance, voilà dix-sept ans. Certes, nul ne conteste que beaucoup de chemin reste à parcourir après les événements des 1er et 2 mars, et particulièrement du point de vue des préoccupations exprimées par l’Assemblée, mais la crédibilité de l’Arménie en tant que membre du Conseil de l’Europe ne saurait être remise en cause aux yeux du Groupe socialiste. Je me félicite donc des propos de bon sens qui ont jalonné l’examen du rapport et plus encore de la nouvelle proposition de rédaction du paragraphe n° 9, qui écarte la suspension du droit de vote de la délégation arménienne.

J’en profite pour saluer les membres de cette délégation, qui ont mené de nombreuses et déterminantes démarches auprès des plus hautes autorités de leur pays pour avancer vers l’application des résolutions du Conseil de l’Europe. Je me félicite également de l’action positive du président de l’Assemblée nationale arménienne, Hovik Abrahamian, que j’ai rencontré avec François Rochebloine à l’occasion du vingtième anniversaire du tremblement de terre du 7 décembre 1988.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble du rapport et des amendements. Je souhaite retenir les avancées d’ores et déjà accomplies par les autorités arméniennes pour donner suite aux demandes de notre Assemblée. A nos yeux, le nombre de grâces déjà prononcées par le Président Sarkissian, la création de la commission destinée à amender les articles 225 et 300 du code pénal afin de permettre de nouvelles libérations de détenus et l’espoir de création d’une enquête indépendante contribuent à l’apaisement de la situation.

Je vous invite donc à adopter les amendements proposés par la Commission dans l’addendum ; ils constitueront, n’en doutons pas, un encouragement supplémentaire pour le Président Sarkissian et les pouvoirs publics arméniens à avancer de façon significative, dans le cadre du dialogue démocratique que nous appelons de nos vœux, compte tenu de la mission qu’ils se sont fixée d’assurer la sécurité, la paix, l’intégrité du territoire et le développement économique de l’Arménie. »

M. François Rochebloine (Loire – NC) a souhaité mettre en avant les risques de radicalisation que pouvaient comporter une éventuelle suspension des pouvoirs :

« Le débat que nous avons ce matin ne doit pas se circonscrire à une controverse de procédure interne. La question de la suspension du droit de vote de la délégation arménienne est l'aboutissement d'une interrogation beaucoup plus large sur la capacité de la société politique de ce pays à surmonter les événements des 1er et 2 mars 2008 et à entreprendre un travail de reconstruction démocratique. Je souhaite vivement qu’elle le fasse. Il en va d’ailleurs de l'intérêt de tous.

C’est en premier lieu l’intérêt de la communauté internationale et plus particulièrement de celle des droits de l'homme que symbolise notre Assemblée. Les pays qui spéculent sur les conséquences de mars 2008 pour l'Arménie font un mauvais calcul. Personne n'a intérêt au maintien de l'incertitude politique et sociale dans un des États de la région, quel qu’il soit.

L'intérêt de la nation arménienne est également en jeu. Pour ma part, je me refuserai toujours à m'immiscer dans les affaires politiques intérieures de ce pays. Mais, en tant qu’ami fidèle du peuple arménien, je souligne l'urgence pour toutes les parties en présence, sans exception, à adopter une solution équitable. Je comprends que les autorités arméniennes, dans un souci d'apaisement, œuvrent pour créer les meilleures conditions possibles de sécurité juridique. C’est ainsi que j’interprète la solution qu’elles envisagent : une requalification des faits qui fondent les poursuites actuelles, puis une large amnistie. Mais l'intérêt collectif de l'Arménie impose une mise en œuvre la plus rapide possible de ce processus.

Il est possible, et même probable, que la violence du conflit passé empêche le compromis par un dialogue direct entre les forces politiques en présence. Il est plus facile de consentir des engagements à un tiers bien disposé qu’à l'adversaire d'hier. C’est pourquoi je salue le ton modéré et équilibré du rapport qui nous a été présenté. C'est la raison pour laquelle, après une analyse objective, je suis opposé à une suspension du droit de vote de la délégation arménienne. Sans l’interdire totalement en droit, cette suspension rendrait plus difficile la mission du Conseil de l'Europe en Arménie. Les nouvelles que nous recevons des responsables de ce pays, à commencer par le président de la République ou celui de l’Assemblée nationale, montrent que cette suspension serait en outre accaparée unilatéralement par l'une des forces en présence et manquerait dès lors son but.

Me prononcer pour le maintien du droit de vote de la délégation arménienne n’est le signe de ma part d’aucune préoccupation liée à la politique intérieure arménienne. J’exprime le désir de voir l'Arménie poursuivre rapidement la modernisation de sa législation pénale et son adaptation aux principes fondamentaux qui sont chers à notre Assemblée. J’exprime également le vœu que, dans l'intérêt du peuple arménien, toutes les forces politiques en présence s'unissent dans le souci de bâtir un avenir stable, le seul de nature à asseoir la position de l'Arménie dans un environnement que les circonstances extérieures, indépendantes de sa volonté, suffisent amplement à rendre délicat. Et je souhaite enfin que notre Assemblée continue d’apporter sa contribution à une évolution qui me paraît correspondre à l’intérêt essentiel du peuple arménien. »

M. Roland Blum (Bouches-du-Rhône – UMP) a également tenu à souligner les progrès accomplis récemment par les autorités arméniennes :

« S’il faut déplorer et condamner, c’est normal, la violence qui a suivi les élections présidentielles en Arménie en mars 2008 et qui a malheureusement engendré de nombreuses victimes, des arrestations dont on peut se poser la question de savoir si elles sont arbitraires – les rapporteurs ont bien fait de le souligner –-, il convient d’insister sur tout ce qui peut constituer une amélioration de la démocratie et tout ce qui s’inscrit dans le sens d’une meilleure administration de la justice en Arménie. A cet égard, des points sont assez éclairants. Tout d’abord, la création d’une commission d’enquête parlementaire par le Président de l’Assemblée nationale, composée tout à la fois de membres de la majorité et de l’opposition ; ensuite, un comité d’experts indépendants enquêtera sur les événements ; ajoutons la grâce présidentielle accordée à de nombreux participants à ces actions ; enfin et surtout, la révision des articles 225 et 300 du code pénal visant à se rapprocher des normes de la plupart des démocraties qui siègent au sein du Conseil de l’Europe.

Pour l’ensemble de ces raisons, les rapporteurs ont bien fait de ne pas conclure à la suspension du droit de vote de nos collègues de la délégation arménienne, ce qui aurait été, selon moi, particulièrement injuste. »

La résolution telle qu’adoptée, salue, en conséquence, les initiatives des autorités arméniennes. Elle rappelle néanmoins l’insatisfaction de l’Assemblée au regard de la situation des prisonniers politiques et invite la commission de suivi à se réunir à nouveau sur cette question avant la prochaine partie de session.

B. COOPÉRATION AVEC LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE (CPI) ET UNIVERSALITÉ DE CETTE INSTANCE

Créée en 1998, entrée en fonction le 1er juillet 2002, la Cour pénale internationale constitue une avancée indéniable en matière de justice internationale. Première juridiction pénale permanente et à vocation universelle à voir le jour sur la scène internationale, elle succède aux tribunaux pénaux internationaux, dont les mandats étaient limités à certaines régions du globe.

L’organisation d’un débat au sein de l’Assemblée sur l’avenir de cette institution à l’occasion de cette partie de session coïncidait judicieusement avec l’ouverture du premier procès devant la Cour, le 26 janvier. Invité à intervenir devant l’Assemblée, M. Philippe Kirsch, Président de cette juridiction, a rappelé l’origine des quatre cas renvoyés devant la Cour. Trois l’ont été à l’initiative des États (Congo, Ouganda, République centrafricaine), le dernier, consacré au Darfour, résultant de la saisine par la Cour du Conseil de sécurité des Nations unies. Le rôle des États apparaît, à cet égard, primordial. Comme l’a souligné son Président, la Cour, juridiction de dernier ressort, demeure tributaire de l’implication des États dans les enquêtes. L’impact de son action dépend, en outre, de l’étendue de la ratification du Statut de Rome qui constitue le fondement de la Cour. La compétence de la Cour se limite en effet aux ressortissants et aux territoires des États signataires dudit statut. 108 États ont d’ores et déjà ratifié le statut, principalement en Europe, en Afrique et en Amérique du Sud. Les États-Unis, la Chine, la Russie ou le Brésil n’en sont pas parties prenantes.

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) a tenu à rappeler la complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour en vue de garantir l’efficacité de son action :

« Je tiens d’abord à saluer la présence dans l’assemblée des droits de l’Homme du Président de la Cour pénale internationale, M. Philippe Kirsch, qui vient de s’exprimer. Monsieur Kirsch, votre vaste expérience en matière de droit international humanitaire et de droit pénal international vous prédisposait naturellement à exercer ces fonctions.

Je tiens également à souligner la qualité du rapport de notre collègue Mme Däubler-Gmelin qui a parfaitement rappelé la portée et l’originalité de la CPI. Le concours des justices nationales est indispensable à la mise en place d’un système pénal international efficace. Il permet également aux États parties de mieux accepter l’atteinte portée par le Statut de Rome de 1998 « aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale », selon l’expression du Conseil constitutionnel français dans sa décision du 22 janvier 1999, la ratification de ce statut ayant nécessité, en France, une révision de la Constitution.

La Cour ne se substitue pas aux mécanismes nationaux. Au contraire, les États l’ont créée pour compléter leurs propres systèmes judiciaires nationaux. On notera d’ailleurs que, bien que le Statut de Rome lui en donne la possibilité, le procureur de la CPI ne s’est encore jamais saisi lui-même d’une affaire, déférée soit par les États parties, soit par le Conseil de sécurité de l’Onu.

L’idée d’une justice pénale internationale compétente pour les crimes les plus graves, en effet, n’est pas nouvelle. Mais il a fallu attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que soient créées les premières juridictions pénales internationales, avec les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. Face aux critiques émises par ce que d’aucuns considéraient comme une « justice des vainqueurs », l’assemblée générale de l’Onu élabora, en 1953, un projet de statut pour l’établissement d’une cour pénale internationale, que le contexte de guerre froide fit toutefois échouer.

Dans ces conditions, la création par le conseil de sécurité de l’Onu de deux tribunaux pénaux internationaux, pour l’ex-Yougoslavie, en 1993, et pour le Rwanda, l’année suivante, dont l’existence est provisoire et les compétences limitées, a contribué à accélérer les réflexions et les négociations sur la création de la CPI.

Certes, l’activité de la Cour est demeurée jusqu’à présent modeste, eu égard à l’ampleur de la tâche. Les affaires en cours devant la CPI ne concernent pour l’instant que des crimes commis dans quatre États : la République démocratique du Congo, la République centrafricaine, l’Ouganda et le Soudan. Le continent africain est donc pour l’instant le seul concerné, mais le procureur a publiquement indiqué qu’il s’intéressait à des événements concernant la Colombie, la Géorgie ou encore l’Afghanistan.

Il me semble que la Cour a su faire preuve d’indépendance et éviter l’écueil de la politisation de ses décisions. Son procureur, M. Luis Moreno-Ocampo, n’a pas hésité, l’été dernier, à demander la délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre du président soudanais, M. Omar al-Bashir, à propos des crimes commis au Darfour.

La ratification universelle du Statut de Rome, dont la nécessité est au centre du projet de résolution proposé par notre rapporteure, confortera la légitimité de la Cour. Pour autant, elle est encore loin d’être garantie.

Il paraît également indispensable de dissiper les malentendus sur la nature juridique de la CPI et de lui donner une meilleure visibilité. De ce point de vue, on peut se réjouir de l’adoption par la Cour d’une stratégie intégrée en matière de relations extérieures, d’information et de sensibilisation. Enfin, la CPI doit se garder de reproduire les mêmes défauts que ceux généralement attribués aux tribunaux pénaux internationaux, en particulier la longueur excessive des procès et l’accumulation des difficultés procédurales. Je souhaite que ce ne soit pas un vœu pieu et que notre vote aboutisse à des résultats concrets. »

Cette nécessaire coopération a également été mise en avant par Mme Claude Greff (Indre-et-Loire – UMP) :

« L’élaboration d’une base juridique pénale internationale s’est faite en réaction aux massacres commis au cours du XXe siècle et plus particulièrement lors de la deuxième guerre mondiale et depuis cette date. Les conflits en ex-Yougoslavie et la guerre au Rwanda en sont hélas les épisodes les plus marquants.

La création en 1998 de la Cour pénale internationale est l’aboutissement de tentatives visant à mettre en place une juridiction permanente habilitée à juger les auteurs des crimes les plus graves. Jusqu’à cette date, c’est au coup par coup que des tribunaux ad hoc ont été constitués.

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, entré en vigueur le 1er juillet 2002, est donc l’une des avancées majeures dans le développement du droit international, puisqu’il porte création de la première institution judiciaire indépendante et permanente habilitée à juger des personnes physiques accusées de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Dans ce cadre, les accusés pourront de moins en moins échapper au jugement de par leur qualité de personnage officiel.

Le Statut de Rome est également novateur puisqu’il criminalise certains actes comme le montrent les dispositions relatives aux crimes sexistes. C’est en effet la première fois que des actes de violence sexiste sont définis comme des crimes internationaux. Le Statut de Rome contient ainsi la première codification des crimes de prostitution forcée et d’esclavage sexuel au niveau international.

Rappelons que ce sont les États eux-mêmes qui ont créé la Cour pénale internationale au moyen d’un traité international et que 108 États l’ont déjà ratifié.

Il n’y a pourtant pas de consensus complet sur cette nouvelle structure, les États-Unis notamment n’ayant pas ratifié le Statut, et cela illustre sans doute les hésitations quant à l’établissement d’un nouvel ordre international. Les premières décisions du nouveau Président américain, M. Obama, relatives à la fermeture de Guantanamo laissent penser qu’une évolution ultérieure des États-Unis sur ce dossier majeur reste possible.

C’est important, car la création de la Cour repose sur le rôle des Etats qui se voient accorder un rôle important dans ce système de justice pénale internationale.

Le système mis en place est original :

La Cour dispose d’une compétence qui est complémentaire des juridictions nationales. Son rôle est subsidiaire par rapport aux juridictions pénales nationales. Elle n’intervient que lorsque les juridictions nationales refusent ou sont dans l’impossibilité de sanctionner les crimes les plus graves: le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, le crime d’agression.

L’ensemble du système de la Cour pénale internationale repose sur la coopération puisque les États parties sont appelés à coopérer pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites qu’elle mène pour les crimes relevant de sa compétence. Faute de cette coopération des États, la Cour aurait en quelque sorte les mains liées.

C’est pourquoi la ratification universelle de son Statut est nécessaire pour avoir une portée réellement mondiale dans la lutte contre l’impunité. Le Conseil de l’Europe doit user de toute son influence pour atteindre cet objectif.

Il est de même fondamental que soit ratifié par l’ensemble des États l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale, car sa mise en œuvre est essentielle pour la réalisation de ses objectifs.

M. Benjamin Ferencz, ancien procureur au tribunal de Nuremberg, considérait «qu’il ne peut y avoir de paix sans justice, ni de justice sans loi, ni de loi digne de ce nom sans un tribunal chargé de décider ce qui est juste et légal dans des circonstances données».

Parce que ceci reste vrai plus que jamais en ce début de XXIe siècle, il est urgent que la communauté internationale parvienne à un consensus sur le système de justice pénale internationale qui doit s’insérer dans le nouvel ordre international exigé par les difficultés économiques et financières autant qu’environnementales actuelles ».

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a tenu, pour sa part, à souligner les première difficultés observables dans le fonctionnement de la Cour, proposant d’ores et déjà des pistes de réforme de son fonctionnement :

« Lorsqu’elle est entrée en fonction le 1er juillet 2002, la Cour pénale internationale est apparue comme une avancée majeure en vue de juger les crimes les plus graves, qu’il s’agisse des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre ou des génocides. Elle venait concrétiser les efforts entrepris depuis 1945 en faveur d’un droit international en la matière, tel qu’esquissé à Nuremberg, puis mis progressivement en œuvre à travers l’action des tribunaux pénaux internationaux.

Notre Assemblée ne peut qu’appuyer l’action d’une telle institution tant elle participe de la consolidation des droits de l’homme à l’échelle de la planète. Il convient néanmoins d’émettre quelques réserves quant à son efficacité, tant celle-ci dépend du nombre d’États signataires de la Convention de Rome l’instituant. Le cas du Soudan vient illustrer cet état de fait : les mandats d’arrêts émis contre des anciens ministres se heurtent au refus des autorités locales de reconnaître la compétence de la Cour et de lui livrer, en conséquence, les personnes visées. La Cour souffre, en fait, d’un défaut originel : l’absence de compétence universelle. Son autorité ne s’impose qu’aux États parties, à savoir cent-huit pays principalement issus d’Europe, d’Amérique du Sud et d’Afrique. Des puissances majeures telles que les États-Unis, la Russie, la Chine ou l’Inde n’ont pas ratifié le Statut de Rome et n’appuient pas l’action des Nations-Unies en faveur du respect des décisions de la Cour. On peut d’ailleurs se demander si certaines d’entre elles n’agissent pas ainsi parce qu’elles craignent des enquêtes les concernant. C’est donc un double message négatif qu’elles envoient au monde, par la non-ratification du Statut de Rome et par la crainte d’enquêtes internationales.

A cette difficulté s’ajoute la subordination de la Cour au principe de complémentarité, en vertu duquel elle n’intervient que lorsque les juridictions nationales concernées refusent ou se trouvent dans l’incapacité de sanctionner les crimes. De fait, censée relayer plus efficacement les tribunaux pénaux internationaux ad hoc, appelés à disparaître, la Cour se voit doter de moins de moyens juridiques, les compétences des TPI n’étant en effet limitées que dans le temps et l’espace. Il convient également de rappeler que la Cour ne peut juger que les crimes commis après son entrée en fonction, soit le 1er juillet 2002.

Ma dernière réserve tient à la procédure elle-même. Les critiques à l’encontre des TPI se fondaient sur les mêmes raisons : une procédure trop longue, complexe et trop éloignée des victimes. L’établissement des faits comme la procédure accusatoire de type anglo-saxonne ralentissent l’action de la Cour et conduisent inévitablement à un désintérêt tant de la part des victimes que de l’opinion publique. Notre Assemblée doit saluer les efforts entrepris par la Cour, son souhait d’affirmer constamment son indépendance. Il est cependant nécessaire d’envisager d’ores et déjà des pistes de réforme afin qu’elle réponde le plus possible aux espérances initiales. Sa crédibilité, et par conséquent son avenir, en dépendent. »

La question de la ratification universelle du statut de la Cour demeure, pour l’instant, un vœu pieux. Comme le souligne la résolution adoptée par l’Assemblée parlementaire, huit États membres du Conseil de l’Europe ne sont pas signataires du Statut de Rome (Arménie, Azerbaïdjan, Moldavie, Monaco, République Tchèque, Russie, Turquie et Ukraine), quatorze États n’ayant pas non plus ratifié l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour, pourtant indispensable à son fonctionnement. Le texte invite ces États à effectuer cette démarche et appelle l’ensemble des États membres à coopérer efficacement avec la Cour.

C. LES ENQUÊTES SUR LES CRIMES QUI AURAIENT ÉTÉ COMMIS PAR DE HAUTS RESPONSABLES SOUS LE RÉGIME KOUTCHMA EN UKRAINE – L’AFFAIRE GONGADZE : UN EXEMPLE EMBLÉMATIQUE

Le rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme constitue un rappel judicieux des missions premières du Conseil de l’Europe, qui au-delà de l’aide technique apportée aux États dans la modernisation de leurs régimes politiques, se doit également de mettre en lumière les dérives observables à l’encontre de toutes les professions engagées dans le combat pour le respect des droits de l’Homme.

Premier ministre puis Président de la République entre 1992 et 2004, M. Leonid Koutchma a progressivement fait évoluer la démocratie ukrainienne vers un régime autoritaire, marqué par la mise sur écoute et la disparition d’un certain nombre de journalistes, l’assassinat de plusieurs personnalités de l’opposition et le suicide maquillé d’un ministre.

La disparition, à l’automne 2000, de Georgy Gongadze, journaliste d’investigation utilisant Internet comme moyen de diffusion de reportages portant sur la corruption apparaît, à cet égard, comme un symbole, tant elle concerne l’ensemble de l’appareil d’un État pourtant membre du Conseil de l’Europe depuis 1995. La récente condamnation de trois policiers dans cette affaire ne saurait constituer un résultat totalement satisfaisant tant que les commanditaires du crime ne seront pas appréhendés.

La résolution, telle qu’adoptée par l’Assemblée, invite les autorités ukrainiennes à poursuivre leurs investigations, préconisant notamment l’authentification des enregistrements réalisés dans le bureau du Président Koutchma – enregistrements Melnytchenko - afin de pouvoir, le cas échéant les utiliser. Le texte invite également l’Ukraine à enquêter sur les décès d’un député, d’un journaliste et d’un criminel stipendié par le ministère de l’intérieur ukrainien avant 2004.

Comme l’a souligné le débat en séance, au-delà du cas ukrainien, l’organisation d’un tel débat a valeur de symbole, dans un contexte marqué par une recrudescence des meurtres politiques, à l’image des assassinats des journalistes Anna Politovskaïa et Anastasia Baburova et de l’avocat Stanislav Markelov, en Russie.

D. LES CONSÉQUENCES DE LA GUERRE ENTRE LA GÉORGIE ET LA RUSSIE

La résolution 1633 (2008) relative aux conséquences du conflit entre la Géorgie et la Russie adoptée le 2 octobre dernier par l’Assemblée, prévoyait un certain nombre d’obligations à respecter par les deux belligérants, parmi lesquelles l’obligation de coopérer avec l’OSCE et l’Union européenne en vue de déployer leurs observateurs, la coopération à la mise en œuvre d’une enquête internationale sur le déclenchement du conflit et l’aide aux missions humanitaires. La résolution enjoint également la Russie à revenir sur sa reconnaissance des indépendances de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. La Russie et les autorités d’Ossétie du sud devraient particulièrement mettre un terme à l’état de non-droit et fournir sans délai au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) un accès sans entraves aux régions touchées par le conflit. Les pourparlers de paix prévus à Genève le 15 octobre devaient, à cet égard, servir de première étape en vue de restaurer un dialogue concret entre les deux parties.

La mise en œuvre, le 2 décembre dernier, d’une mission d’enquête internationale sur le conflit en Géorgie répond clairement à la volonté de l’Assemblée parlementaire de faire la lumière sur les raisons de l’escalade militaire, préalable nécessaire à toute reprise du dialogue entre les parties. L’accord de la Géorgie et de la Russie à l’ouverture de cette enquête représente un signe positif. Le déroulement convenable des pourparlers à Genève est également de bon augure, une représentation des autorités de fait d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud devant néanmoins être assurée sans pour autant légitimer une quelconque atteinte à l’intégrité territoriale de la Géorgie.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – Soc) juge à cet égard intangible ce principe et relativise les concessions affichées comme telles par la Russie :

« Le Conseil de l’Europe est un espace unique au monde, où l’on défend à la fois la paix, la démocratie et les droits – droit des États et les droits de l’Homme – et, comme le disait notre collègue albanais, nous n’avons ni armes ni argent. Nous n’avons que le débat politique et la force des mots : nous devons avoir ce débat ! Et avoir beaucoup de courage et d’exigence.

Si je fais le constat que vous avez tous fait en essayant d’apporter quelque chose d’original, je dirai que nous n’avons pas réussi à empêcher la guerre entre deux États. C’est assez consternant pour nous tous. Et maintenant, on cherche la vérité sur qui a tiré le premier ! J’ai bien envie de vous demander, chers amis : ne savez-vous pas tous ce qu’est cette vérité ? Avons-nous vraiment besoin d’une étude, d’une enquête ou d’un audit pour le savoir ? J’ai aussi envie de vous dire qu’en politique comme en histoire, il faut toujours distinguer les causes immédiates des causes profondes. J’espère qu’ici, personne n’ignore les causes profondes de cette situation.

Dans ce constat, il y a eu un instant l’ambigüité du cessez-le-feu, à l’initiative du président de l’Union européenne de l’époque, qui était français. Le mot « intégrité » n’y figurait pas… et la porte était ouverte ! Je regrette comme vous ce qui s’est passé, mais je pense que l’une des choses les plus inattendues et probablement l’erreur la plus profonde commise par la Russie est d’avoir déclaré l’indépendance unilatérale de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, ce que jamais elle n’avait fait pour un territoire sécessionniste et qu’une grande puissance puisse modifier unilatéralement les frontières d’un État ne s’est jamais vu. Quand on nous dit aujourd’hui que c’est fait et que c’est irréversible, on accroît le dommage de la faute.

De plus, la Russie a voté contre le renouvellement du mandat de l’OSCE. Je précise, cher collègue russe Fedorov, qu’il n’y a pas de retrait mais une occupation qui dure et j’espère que dans les amendements que vous avez introduits, on a levé toutes les confusions sur les statuts. Il n’est même pas pensable que comparer la façon dont pourrait être réglé le problème de l’Abkhazie avec le Kosovo ait pu effleurer l’esprit de quelques uns.

Introduire cette notion de flexibilité. Que signifie cette histoire de flexibilité ? Je pense que l’on a aussi gommé cette histoire de droit de sécession légale. Attention ! Ce sont là des embardées que je qualifierai de dérives. Pas ici !

Que veut la Russie ? Jusqu’où peut-on la laisser aller trop loin ?

Que veut l’Europe ? Que peut l’Europe ? En l’état rien, si nous ne la poussons pas plus avant en termes politiques et aussi en termes de défense, entre l’Otan d’un côté et cette Russie qui redeviendra une puissance dont nous voulons faire un partenaire. »

La commission de suivi considère que la feuille de route dressée par la résolution 1633 (2008) n’est pas totalement respectée, qu’il s’agisse de l’accès des observateurs de l’OSCE et de l’Union européenne dans les Républiques sécessionnistes, du laissez-faire russe à l’égard des tentatives de nettoyage ethnique observables en Ossétie du Sud (district d’Akhalgori) ou des tensions décelables le long des frontières administratives abkhaze et ossète. L’absence d’ouverture d’enquête par la Russie concernant d’éventuelles violations des droits de l’Homme par ses troupes traduit également un net recul par rapport aux engagements initiaux. L’absence de garantie effective des droits de l’Homme pour les personnes résidant dans les deux Républiques sécessionnistes suscite également l’inquiétude de la commission.

La résolution telle qu’adoptée par l’Assemblée appelle une nouvelle fois à un renforcement du dialogue entre les parties, doublé d’une réelle présence du Conseil de l’Europe sur le terrain, ainsi qu’elle le demandait déjà dans le texte adopté en octobre dernier. La demande de création d’une commission ad hoc au sein de l’Assemblée, déjà demandée en octobre, chargée de jeter les bases d’un dialogue entre les parties est, à cet égard, réitérée. L’ouverture d’un accès sans entrave et sans condition aux organisations humanitaires fait, également, toujours figure de priorité.

La spécificité du volet humanitaire du conflit a également été abordée au sein de l’hémicycle au travers du débat sur les conséquences du conflit en la matière. 200 000 personnes ont en effet dû quitter leurs foyers à l’occasion du conflit. 100 000 d’entre elles ont pu réintégrer leurs domiciles, 23 000 ne devraient pas pouvoir en faire de même, alors que l’hiver s’est installé dans la région. Le retour aux abords des frontières administratives s’avère, à cet égard, extrêmement délicat face aux incidents observés dans ces zones : kidnappings, tireurs embusqués, présence de milices. Le gouvernement géorgien se retrouve obligé de mettre en œuvre, dans un contexte économique difficile, un plan d’action à destination des réfugiés présents sur son territoire.

Comme l’a souligné M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation française, le conflit entre la Géorgie et la Russie, deux États membres du Conseil de l’Europe constitue une véritable tragédie quotidienne pour les habitants des zones concernées par la guerre, à rebours des idéaux défendus par le Conseil :

« Oui ou non, nos amis russes et géorgiens ont-ils l’intention de dialoguer enfin et de mettre un terme à ce conflit qui est d’un autre temps ? Oui ou non, avez-vous pensé à ces femmes, à ces hommes qui, au quotidien, vivent un véritable cauchemar, à ces enfants traumatisés du fait de la bêtise des hommes qui ne sont pas capables de s’entendre et de faire la paix dans leur propre pays ?

Allez-vous respecter les engagements que vous avez contractés puisque vous avez décidé librement de nous rejoindre ici dans cet hémicycle du Conseil de l’Europe, dans cette Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans ce Conseil de l’Europe qui est la Maison des droits de l’Homme ?

Relisez les discours des pères fondateurs du Conseil de l’Europe ! Relisez les discours de Sir Winston Churchill ! Respectez vos engagements ! Bien sûr, il ne s’agit que d’une résolution prise par des femmes et des hommes qui, eux aussi, ont choisi de venir siéger librement dans cette enceinte. Ne croyez-pas qu’il va encore y en avoir deux ou trois autres et qu’à chaque fois, nous allons nous réunir pour faire le constat de carences que nous sommes obligés de dresser aujourd’hui.

Vous devez respecter vos engagements, vous devez respecter ces femmes et ces hommes qui ont le courage d’aller sur le terrain au nom de l’Union européenne, de l’OSCE, des Nations Unies, du Conseil de l’Europe. A ce propos, je salue le travail accompli par le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. Cela mérite le respect. Faites en sorte que vous aussi méritiez le respect. Alors que nous sommes assis confortablement ici dans cet hémicycle, je ne peux pas ne pas penser à ceux que j’ai cités, à ces femmes, à ces enfants, à ces hommes qui vivent une véritable tragédie.

En 1949, le Conseil de l’Europe a été créé pour que plus jamais nous ne puissions connaître ce que nous avions connu. Personnellement, je ne l’ai pas connu, puisque je suis né après la guerre. Nos prédécesseurs, eux, ne savaient pas ce qui se passait, mais nous le voyons puisque les télévisions du monde entier diffusent les images de ce qui se passe sur le terrain.

Je vous en conjure. Cessez ! Arrêtez ! Conduisez-vous en hommes et en femmes responsables ! Mettez une bonne fois pour toutes un terme à ce conflit ! »

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a tenu, quant à lui, à souligner la prise en otage des populations civiles observables dans les régions sécessionnistes et les risques d’épuration ethnique qui y sont en germe :

« La guerre entre la Géorgie et la Russie, en août dernier, n’a duré que cinq jours, mais a causé des dommages humanitaires profonds et durables. Pour autant, le bilan humanitaire définitif de cette guerre reste à établir, tant les incertitudes demeurent nombreuses. Sans doute du temps supplémentaire est-il nécessaire pour le dresser.

Comme toutes les guerres, celle entre la Géorgie et la Russie a engendré son lot de désolations en tout genre : morts, blessés, destructions, déplacements de populations, vies brisées… « La guerre n’est pas une aventure, la guerre est une maladie », disait Saint-Exupéry. La convalescence sera indéniablement longue et douloureuse.

La situation sécuritaire demeure instable sur le terrain. La situation est tendue et les incidents courants, notamment en Ossétie du Sud. Des accrochages policiers, des tirs de snipers, des enlèvements, des vols sont apparemment fréquents. Ils rendent difficiles les conditions de vie des personnes rentrées dans leurs foyers et constituent une menace permanente pour les populations qui, faute d’assurance sur la sûreté de leur environnement quotidien, sont susceptibles, à chaque instant, de reprendre le chemin de l’exode.

Comme très souvent dans les conflits armés, les populations civiles servent de cibles potentielles et sont instrumentalisées à des fins politiques. Cette « prise en otage » n’est pas acceptable. Les forces armées russes, sous couvert de venir en aide aux populations ossètes, transforment l’Ossétie du Sud en une région coupée du reste du monde. Aucune mission d’observation ne peut se rendre sur place. La prétendue indépendance de l’Ossétie du Sud, déjà illégale au regard du droit international, risque fort de n’être que la première étape d’une intégration dans la Fédération de Russie.

On doit aussi constater un risque d’épuration ethnique à l’endroit des populations géorgiennes qui sont restées dans les régions sécessionnistes, ou qui y sont revenues après la fin des opérations militaires. Que des pressions grandissantes soient exercées pour cesser d’enseigner le géorgien et pour abandonner les manuels scolaires géorgiens me paraît de très mauvais augure. S’en prendre ainsi à l’éducation et à la transmission de la culture, c’est chercher à semer la haine des autres dans l’esprit des enfants afin d’éradiquer toute trace de culture considérée comme intruse. Cela relève potentiellement des mêmes « inspirations » que celles en vigueur autrefois dans l’ex-Yougoslavie. Nous devons fermement refuser toute mesure qui chercherait à constituer des territoires ethniquement purs.

Je terminerai sur la mission de surveillance de l’Union européenne en Géorgie, l’EUMM. Notre rapporteur relaie un certain nombre de critiques relatives à son fonctionnement. Je n’ai pas d’éléments suffisants pour pouvoir apprécier ces critiques. Aussi ferai-je une proposition. Il me semblerait utile d’entendre, par exemple, le responsable de l’EUMM, le diplomate allemand Hansjörg Haber, qui est secondé par le général français Gilles Janvier. Ils nous apporteraient beaucoup d’informations fort utiles. »

La résolution telle qu’adoptée par l’Assemblée rappelle aux parties en présence la nécessité de respecter les Conventions de La Haye et de Genève et de veiller à ce que l’aide humanitaire soit la plus efficace possible. Elle vise également à garantir le droit au retour pour les personnes réfugiées ou tout au moins à faciliter leur installation au sein d’autres zones. La libération des prisonniers, la restitution des cadavres et l’arrêt des prises d’otages sont, par ailleurs, considérées comme prioritaires, comme a pu le souligner le commissaire au droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, M. Thomas Hammarberg, invité à participer au débat. Le texte souhaite, en outre, la prolongation des mandats des missions des Nations unies, de l’Union européenne et de l’OSCE.

E. LA SITUATION À GAZA

Le conflit entre Israël et la Palestine est une confrontation de multiples droits : droit à la sécurité des Israéliens et droit à vivre au sein d’un État viable pour les Palestiniens. Organisée en urgence, la tenue d’un débat sur la situation à Gaza répond à la volonté du Conseil de l’Europe de s’affirmer un peu plus sur la scène internationale, et plus particulièrement dans le bassin méditerranéen, comme l’a souligné M. François Rochebloine (Loire – UMP) :

« En abordant devant vous la question si douloureuse de la situation présente dans la bande de Gaza, j’éprouve à la fois un sentiment de nécessité et une certaine impression d’impuissance.

Depuis longtemps, en effet, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe conduit une réflexion sur l’avenir de la Méditerranée, sur le dialogue entre les États riverains ou proches, sur la confrontation et l’échange des cultures.

Nous savons donc tous très bien à quel point ce qui se passe au Moyen-Orient est essentiel pour l’équilibre du monde.

En même temps, nous enregistrons le développement d’une logique implacable d’affrontement et de mort, dont les événements de Gaza sont la dernière en date des manifestations.

Certes, les efforts diplomatiques et, au premier rang, l’intervention personnelle du Président Nicolas Sarkozy, ont permis l’établissement d’une trêve et une certaine pause dans le processus de mort. Mais personne ne l’ignore, rien n’est réglé sur le fond. Aux racines premières de l’affrontement, qui remontent à l’immédiat après-guerre, s’ajoutent aujourd’hui des facteurs aggravants.

En effet, la lassitude de l’opinion publique israélienne lui a fait apprécier positivement une offensive qui lui paraissait capable de mettre un terme aux agressions répétées et aux actes terroristes du Hamas.

Certes, je peux comprendre que le gouvernement israélien ne puisse accepter la reconnaissance d’un adversaire comme le Hamas, qui fait de l’élimination de l’État d’Israël le premier article de son programme politique.

Toutefois, c’est un fait, les Palestiniens de Gaza ont majoritairement voté pour ce mouvement car il correspond le plus exactement à leur perception de leur propre situation : pas d’avenir politique, l’incertitude concrète des lendemains, et la précarité du quotidien. On ne peut pas faire comme si ce vote n’existait pas.

Il est clair que, dans ces conditions, le dialogue direct entre Israéliens et Palestiniens est très difficile, voire impossible à court terme. Pourtant, la négociation doit s’engager. Seul un cadre international permettra la réouverture des pourparlers et la reprise de la marche vers une paix indispensable.

J’insisterai sur l’une des conditions nécessaires pour que ce processus ait une chance raisonnable de réussir : la restauration et la garantie de la capacité effective de négocier de la partie palestinienne. Cela passe, naturellement, par l’aboutissement des discussions internes entre les divers mouvements qui se partagent la population palestinienne. Cela passe aussi par la restauration des conditions d’une vie politique et matérielle plus normale en Palestine.

Comment peut-on attendre des Palestiniens qu’ils fassent preuve d’une telle capacité, alors que les conditions matérielles objectives font défaut : un territoire éclaté en deux morceaux séparés par un État hostile, une vie économique et sociale constamment dépendante de la volonté et des intentions de l’État d’Israël ?

Dans la marche vers la paix, le respect effectif de la personnalité internationale de la partie palestinienne, même dans ses limites actuelles, me paraîtrait un pas important. J’ose espérer que ce vœu sera largement partagé sur tous les bancs de notre Assemblée ».

Précédés d’une intervention de chacune des parties en présence, les débats ont uniquement permis de dégager un consensus a minima sur une nécessaire reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens et l’arrêt des violences à l’encontre des populations civiles. M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a souhaité que le Conseil de l’Europe dépasse ce stade de la dénonciation pour mettre en œuvre une assistance ciblée, destinée notamment à lutter contre la pauvreté, mère de tous les extrémismes :

« Parler du Proche-Orient, c’est évoquer le mythe de Sisyphe.

Condamné à rouler éternellement un rocher jusqu’en haut d’une colline d’où il lui fallait redescendre au moment même où il atteignait le sommet, Sisyphe pourrait être la figure tutélaire de toutes les négociations au Proche Orient.

Depuis des décennies, les conflits dans cette région mettent en péril la sécurité du monde. Depuis le 27 décembre dernier, nous revoyons défiler pour la énième fois les chars, les roquettes, les frappes aériennes, les morts, les blessés, les destructions, les affamés, les protestations et les cris.

Devant cette déferlante, faut-il succomber au fatalisme ? Pour ma part, je ne le pense pas. Rien n’est écrit d’avance. L’homme est doté de liberté. Aux sceptiques, opposons l’évidence ! Si le Conseil de l’Europe existe, c’est précisément parce que le fatalisme de la guerre n’existe pas. Si les conflits au Proche-Orient sont anciens, les conflits en Europe ne l’étaient-ils pas ?

Mais, pour préserver ce que nous avons durement acquis, nous devons agir. Nous devons agir comme nous le faisons face aux conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie. Nous devons agir comme nous le faisons ce soir en pesant de notre poids dans le règlement du conflit au Proche-Orient.

A l’évidence, le retrait partiel des troupes israéliennes de la bande de Gaza est une excellente nouvelle. Ce résultat est en grande partie le fruit de négociations qui n’ont pas cessé depuis le début du conflit. Les initiatives européennes, en particulier celles du Président Sarkozy lors de ses deux déplacements dans la région, ont eu un effet décisif sur l’évolution de la situation.

Toutefois, si les négociations destinées à assurer un cessez-le-feu et à régler les points les plus épineux du conflit sont toujours nécessaires, celles concernant l’aide aux populations ne le sont pas moins. Inutile de rappeler le lourd tribut payé par les populations civiles. Inutile de rappeler les destructions de maisons et de services. Nous avons tous en tête les images et les chiffres des conséquences de cette guerre.

Demandons-nous plutôt comment contribuer à la reconstruction des zones sinistrées. Car le Conseil de l’Europe a une longue tradition en la matière. Depuis 1956, existe la Banque de développement du Conseil de l’Europe. Cette banque, la plus ancienne institution financière multilatérale européenne, a pour mandat de répondre à des situations d’urgence. L’aide aux réfugiés, aux migrants, aux populations victimes de catastrophes naturelles ou écologiques sont ses principales activités.

Je suis naturellement conscient que la Banque de développement du Conseil de l’Europe s’adresse prioritairement aux pays membres du Conseil de l’Europe. Mais, n’y aurait-il pas là un geste de solidarité que nous pourrions faire vis-à-vis des populations touchées par la guerre ? N’y aurait-il pas là une contribution décisive au rétablissement de la paix ?

Les extrémismes se nourrissent de la pauvreté et de l’indigence. Contribuer financièrement à l’aide internationale, dans un cadre qu’il faudrait naturellement déterminer pour ne pas assister à un détournement de l’aide, pourrait se révéler significatif pour l’apaisement des tensions au Proche Orient ».

Sans remettre en cause la nécessité de son organisation, il convient de noter que le débat n’a pu déboucher sur une position de principe unanime engageant l’Assemblée.

F. ATTITUDE À L’ÉGARD DES MONUMENTS COMMÉMORATIFS FAISANT L’OBJET DE DIFFÉRENTES INTERPRÉTATIONS HISTORIQUES DANS LES ÉTATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE

L’héritage des régimes totalitaires au sein des États membres du Conseil de l’Europe est une question régulièrement débattue devant l’Assemblée parlementaire. Le biais culturel est cependant une première, qui trouve son origine dans le conflit entre l’Estonie et la Russie au sujet du monument dédié aux soldats russes tués pendant la Seconde Guerre mondiale – le soldat de bronze – érigé à Tallin au lendemain du conflit. Symbole de la victoire contre le nazisme et le fascisme, ce type de monument n’en est pas moins la marque de la domination d’un autre modèle totalitaire, le régime soviétique, sur ces régions.

La commission des questions politiques préconise un traitement différencié quant à ces monuments. S’agissant des tombeaux, elle enjoint les États membres à respecter les conventions internationales existantes. Avant de célébrer une nation, ces monuments saluent, avant tout, un don de sa personne. Les monuments spécifiquement dédiés à la victoire russe doivent, quant à eux, faire l’objet d’un traitement particulier. La résolution telle qu’adoptée rappelle que leur conservation relève de la compétence discrétionnaire de chaque État. La destruction ou le placement dans un musée de ces monuments ne saurait être condamné par le Conseil de l’Europe.

Le texte ne dédaigne pas pour autant la nécessité de mettre en œuvre un processus de réconciliation entre les États opposés sur ces questions. La commission des questions politiques s’inquiète, à cet effet, de toute instrumentalisation de l’histoire. La création d’un centre européen d’expertise chargé d’aider les États membres dans leurs recherches historiographiques et archéologiques en vue de déterminer la nature et l’origine des monuments est, à cet égard, encouragée par la résolution. Ce centre pourrait, en outre, s’appuyer sur une base de données commune, fournissant une liste complète des tombes de guerre et des monuments commémoratifs présents dans les États membres du Conseil de l’Europe. Cette tâche apparaît ambitieuse au regard des 47 000 lieux où sont inhumés des soldats de la Seconde Guerre mondiale.

G. CONTESTATION POUR DES RAISONS FORMELLES DES POUVOIRS NON ENCORE RATIFIÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTARE DE L’ALBANIE

Les pouvoirs de la délégation albanaise ont été contestés au début de la partie de session, en raison du retrait de M. Aleksandër Biberaj, son président, de ladite délégation. Ce retrait aurait été effectué en violation de l’article 6.1 du Règlement de l’Assemblée, aux termes duquel les pouvoirs des représentants et des suppléants sont remis au Président de l’Assemblée parlementaire par le Président de l’assemblée locale concernée ou toute autre personne déléguée à cet effet. L’autorité compétente est notifiée par l’État au Secrétaire général de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Les membres de la délégation albanaise ont été désignés le 7 novembre 2005. Le 8 janvier dernier, M. Biberaj a été remplacé par M. Ilirjan Rusmali. Une lettre transmise, le même jour, par le Président du Parlement albanais à son homologue de l’Assemblée parlementaire venait confirmer cette modification. Cette lettre intervenait trois jours après l’envoi d’une première liste. Cette révision tardive n’est pas, cependant, de nature à poser problème.

Le fondement de la contestation se situe plus dans l’information tardive du Parlement albanais, les députés locaux étant avisés le 26 janvier, soit le premier jour de la première partie de session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Le Règlement du Parlement albanais prévoit en effet que toute modification de la liste doit être communiquée en séance avec possibilité, en cas de contestation, de procéder à un vote ouvert. Le calendrier parlementaire albanais, marqué comme au sein d’autres États membres, par une interruption au moment des fêtes, justifie, néanmoins, un tel retard. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles ne pouvait, en conséquence, souscrire à la demande de retrait des pouvoirs.

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

A. L’ACCÈS AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES ET LEUR PLEINE ET ACTIVE PARTICIPATION DANS LA SOCIÉTÉ

Mise en avant par la Convention européenne des droits de l’Homme, réaffirmée par la Charte sociale européenne adoptée en 1961, la participation des personnes handicapées à la vie sociale a récemment fait l’objet d’une Convention des Nations unies, entrée en vigueur le 3 mai dernier. Cette nouvelle actualité a conduit la commission des questions sociales, de la santé et de la famille à proposer un nouveau texte, censé relayer notamment le Plan d’action 2006-2015 pour les personnes handicapées, adopté il y a trois ans par le Comité des ministres.

Ce plan intègre les objectifs du Conseil de l’Europe concernant les droits de l’homme, la non-discrimination, l’égalité des chances, la pleine citoyenneté et la participation des personnes handicapées dans une politique européenne en matière de handicap. Un Forum européen de coordination (CAHPAH), réunissant notamment des ONG, examine l’avancée des travaux en la matière. Le mandat du CAHPAH devrait prendre fin le 31 décembre prochain. La résolution présentée devant l’Assemblée prolonge ce mandat durant toute la durée d’application du plan.

La proposition de recommandation présentée par la commission invite, quant à elle, les États membres à garantir aux 200 millions de personnes handicapées résidant sur le continent européen la pleine jouissance de leurs droits fondamentaux et dans le cas d’une mise sous tutelle, l’instauration de mécanismes adéquats de protection. L’accent devra également être porté sur les processus de désinstitutionalisation en vue de favoriser le maintien à domicile. L’insertion sur le marché du travail ou l’accès à l’éducation font également figure de priorité, la lutte contre l’isolement excessif des élèves handicapés étant particulièrement visé. La mise en adéquation de l’aménagement urbain et des réseaux de transports avec ces problématiques est également soulignée par le projet de résolution. Au-delà de ce volet sociétal, le texte vise également l’adaptation des politiques de santé des États membres, notamment en matière de recherche sur les facteurs de risques.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR), exprimant la position du groupe GUE, a tenu à rappeler la nécessité de promouvoir tant la solidarité que l’aide à une plus grande autonomie des personnes handicapées :

« Le Groupe GUE souhaite saluer l’excellent rapport de notre collègue M. Marquet, qui nous appelle à rester vigilants quant à la pleine intégration des personnes handicapées dans la société. Il y a 210 millions de personnes handicapées en Europe, chiffre appelé à croître avec l’augmentation de l’espérance de vie ; c’est le défi que nous avons à relever ensemble !

L’entrée en vigueur de la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, le 3 mai 2008, est un motif d’espérance, et le plan d’action du Conseil de l’Europe fournit des références pour des politiques actives en ce domaine.

Permettez-moi de prendre des exemples que je connais bien.

En France, c’est en 1975 qu’une loi d’orientation en faveur des personnes handicapées a dédié une politique spécifique à cette population. Le point fort en matière d’insertion était la création des commissions techniques d’orientation et de reclassement, les Cotorep. Cette loi marquait le passage entre une logique d’assistance à une logique de solidarité. Il s’agissait alors de compenser ou de corriger les effets en matière d’exclusion.

La loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des handicapés a institué une obligation d’emploi de 6 % pour les employeurs publics et privés, et a créé le fonds pour l’insertion des personnes handicapées, constitué des cotisations des entreprises n’ayant pas atteint leur quota. Ce fonds a permis le financement de centres d’aide par le travail qui participent réellement à l’économie dans les régions. Il faut bien avouer que, souvent, les entreprises préfèrent être sanctionnées financièrement que d’atteindre leur quota.

La revendication des personnes handicapées d’une plus grande inclusion dans la vie sociale a imposé une rénovation du cadre réglementaire français. La loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées réunit dans un même texte des dispositions favorisant la non discrimination des personnes handicapées à travers différentes législations de droit commun, qu’il s’agisse de l’éducation, du logement ou des transports, et des mesures spécifiques visant non seulement à compenser le handicap, mais également à faciliter l’accès aux droits et l’accès à la vie sociale et publique des personnes handicapées.

Cette loi obéit à un double objectif.

Premièrement, il s’agit de garantir une solidarité aux personnes handicapées par des prestations spécialisées, des mesures d’accompagnement, des solutions de compensation ou l’attribution d’allocations spécifiques, car, comme l’indique le rapporteur, l’intégration généralisée ne doit pas se substituer aux politiques conçues spécifiquement pour les personnes handicapées lorsqu’elles sont dans leur intérêt.

Deuxièmement, il s’agit de favoriser l’autonomie de tous ceux qui peuvent s’intégrer dans le milieu ordinaire. Dans ce domaine, la loi ne peut tout faire, car le rapporteur rappelle également que l’attitude de la société est l’obstacle le plus important à la pleine intégration des personnes handicapées. Cela signifie que des campagnes d’information et de sensibilisation sont sans doute nécessaires pour changer notre regard sur les personnes en situation de handicap, et leur assurer les mêmes droits fondamentaux que les autres citoyens.

Le rapport de M. Marquet nous invite à cette conversion collective. Il reste encore trop de situations où les adultes handicapés, polyhandicapés se retrouvent dans des établissements psychiatriques, par exemple en France, faute de prise en compte dans des établissements spécialisés encore en nombre insuffisant. Ce sujet n’est donc pas clos et notre groupe pense que le Conseil de l’Europe doit régulièrement faire un état des situations dans nos pays sur cette question ».

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a souhaité souligner la dimension sociale et juridique de la question des handicapés, qu’il convient de ne pas limiter au seul champ sanitaire :

«A mon tour, je félicite notre collègue Bernard Marquet, à la fois pour la qualité de son rapport et pour l’ambition qu’il poursuit. Si la résolution qu’il nous présente était effectivement appliquée dans l’ensemble de nos États, les millions de personnes handicapées que compte le continent européen connaîtraient une réelle amélioration de leur sort. Pour ma part, je soutiens ce texte, tout en souhaitant souligner davantage l’importance de la lutte contre la maltraitance envers les personnes handicapées, qui est un phénomène complexe, qui provient souvent de la famille elle-même, si l’on en croit un sondage paru récemment dans la presse. J’ai donc proposé à la commission deux amendements en ce sens.

En France, où l’on compte environ 5 millions de personnes handicapées, d’importants efforts ont été accomplis depuis plusieurs années, notamment par voie législative. La loi du 4 mars 2002 a tranché par la négative cette question terrible : faut-il que la seule voie permise à des parents pour assurer une vie décente à leur enfant handicapé consiste à rechercher une faute pour ouvrir droit à une indemnisation ? Le législateur avait alors posé le principe, pour toute personne handicapée, du droit à obtenir de la solidarité nationale la compensation des conséquences de son handicap et pris l’engagement de lui donner un contenu, en réformant la loi d’orientation du 30 juin 1975, texte fondateur qui avait posé le principe d’une obligation nationale de solidarité.

C’est par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, que la France a déjà atteint l’essentiel des objectifs fixés par le projet de résolution qui nous est soumis.

Cette loi garantit l’égalité des droits et des chances de tous les citoyens, quelle que soit la nature de leur handicap, qu’il s’agisse de l’accès aux soins, au logement, à l’école, à la formation ou à l’emploi. Elle reconnaît ainsi la pleine citoyenneté des personnes handicapées. La dignité humaine, en effet, n’est pas sujette à quantification et ne se mesure pas à l’aune de la capacité physique et intellectuelle. La question du handicap aujourd’hui n’est plus seulement une question de prestations de soins, mais aussi une question de citoyenneté.

Cette loi définit deux types de garanties destinées aux personnes handicapées.

D’abord, le libre choix de leur projet de vie, grâce à la compensation des conséquences de leur handicap et à un revenu favorisant une vie autonome digne. La prise en charge des surcoûts du handicap est désormais personnalisée. En outre, les personnes handicapées doivent avoir la possibilité de choisir librement leur mode de vie, notamment leur mode de résidence.

Ensuite, leur participation effective à la vie sociale, grâce à l’organisation de la cité autour du principe d’accessibilité généralisée, qu’il s’agisse de l’école, de la culture et des loisirs, du cadre bâti, des transports ou de l’emploi. Cela dit, il nous reste beaucoup à faire. Dans ma commune, si la compagnie des chemins de fer aménage la gare pour permettre l’accès et l’achat de billets, rien n’est prévu pour accéder aux wagons !

Monsieur Marquet, j’apprécie le fait de mesurer dans quelques années les progrès accomplis de sorte que nous constations les résultats positifs des propositions d’aujourd’hui ».

Deux amendements proposés par M. Béteille et plusieurs de ses collègues ont été adoptés. Ils permettent de compléter le texte proposé par des dispositions relatives à la lutte contre la maltraitance envers les personnes handicapées. Le premier prévoit la formation de travailleurs sociaux destinés à diffuser une culture de prévention de la maltraitance. Le second rappelle, à cet égard, la nécessité de poursuivre les actes de maltraitance, individuels ou commis au sein d’établissements spécialisés.

Les projets de résolution et de recommandation ont été adoptés à l’unanimité.

B. LA RÉGULATION DES SERVICES DE MÉDIAS AUDIOVISUELS

La directive sur la télévision sans frontières adoptée en 1989 par l’Union européenne a été suivie de l’adoption la même année, par le Conseil de l’Europe, d’une Convention européenne transfrontières, reprenant l’essentiel des dispositions du texte de l’Union. Les révisions de la directive opérées par la suite ont débouché sur des modifications concomitantes de la Convention. La dernière date, à cet effet, de 2002. L’Union européenne a adopté, pour sa part, une nouvelle directive modificative le 11 décembre 2007. Le comité permanent sur la télévision transfrontière a, en conséquence, rédigé un projet de convention révisé. L’Assemblée parlementaire est tenue de formuler un avis sur ce texte.

L’adaptation de la Convention apparaissait urgente au regard de l’évolution technologique des médias audiovisuels et, notamment, de leur présence sur Internet. Le Conseil de l’Europe répond à une autre logique que celle de l’Union européenne, plus encline à entrer dans des considérations économiques ou commerciales. La recommandation propose, à cet effet, de définir la mission de service public des médias audiovisuels et préconise un certain nombre de mesures destinées à renforcer l’indépendance des instances nationales de régulation. Les modalités d’affectation de nouvelles fréquences radios liée à l’arrêt de la diffusion analogique dans de nombreux pays sont également au cœur des préoccupations de la recommandation. Celle-ci reprend, par ailleurs, l’essentiel des dispositions de la directive européenne du 11 décembre 2007.

Comme l’a souligné Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP), la recommandation, telle qu’adoptée par l’Assemblée, devrait néanmoins être prolongée par un nouveau texte destiné à encadrer spécifiquement les services de vidéos à la demande en vue de protéger les plus jeunes publics :

« Comme le souligne l’excellent rapport de M. McIntosh, la révision de la Convention européenne sur la télévision transfrontière est devenue une nécessité au regard des progrès technologiques puisque sa dernière modification date de 2002, époque à laquelle la présence des médias audiovisuels sur Internet n’était pas comparable.

La transformation de la toile en gigantesque moteur d’images n’est pas sans incidence. Aux côtés des médias traditionnels, qui utilisent Internet comme un nouveau canal de diffusion, les médias audiovisuels à la demande, tels que YouTube, sont une source d’informations privilégiées par les internautes. L’accès libre à ces images, sans restriction, pose un réel problème, notamment à l’égard des mineurs. Aucune signalétique ne prévient de la violence ou du caractère choquant des scènes, présentées le plus souvent sans commentaire journalistique. L’exemple de l’exécution de Saddam Hussein est révélateur : alors que les rédactions des chaînes de télévision débattaient de la pertinence de sa diffusion, les sites de vidéos à la demande ne s’étaient embarrassés d’aucun scrupule.

La commission de la culture, de la science et de l’éducation insiste dans son rapport sur la nécessité de scinder la démarche du Conseil de l’Europe et celle de l’Union européenne : là où notre institution défendrait la liberté de transmission, l’Union viserait quant à elle la liberté de services au sein du marché intérieur. Gardons-nous pourtant de toute vision réductrice : la directive européenne sur les services de médias audiovisuels adoptée le 11 décembre 2007 prévoit un certain nombre de garde-fous, notamment en matière de protection des mineurs, qui visent les services de vidéo à la demande, dits services non linéaires. L’article 3 nonies prévoit ainsi que les contenus qui pourraient nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne seront mis à la disposition du public que dans des conditions telles qu’ils ne puissent normalement y avoir accès. Le projet de recommandation qui nous est soumis aujourd’hui reprend d’ailleurs cette disposition.

J’attends plus, néanmoins, de l’Assemblée des droits de l’homme. La question des violences entre adolescents par exemple, filmées puis postées sur les sites à la demande, n’est en effet pas abordée. Elle pose pourtant le problème du rôle des hébergeurs de ces vidéos et de la nécessité d’un mécanisme de contrôle a priori. De telles images ne devraient en aucun cas être diffusées. Je conçois la difficulté de mettre en œuvre un tel système d’autorisation préalable. Je mesure les difficultés quasi philosophiques qu’il pose alors qu’Internet se caractérise avant tout par la liberté. Il ne s’agit pourtant pas de censurer, mais bien de protéger – et dans ce domaine, il y a urgence ».

C. LES SOINS PALLIATIFS : UN MODÈLE POUR DES POLITIQUES SANITAIRES ET SOCIALES NOVATRICES

La question des malades en fin de vie a déjà été abordée en 1980 et en 1999 par l’Assemblée1. L’impossibilité légitime de déboucher sur un consensus quant à l’euthanasie a conduit la commission des questions sociales, de la santé et de la famille à reposer la question de l’autonomie du patient, au travers cette fois-ci des soins palliatifs. Ceux-ci sont considérés par la commission comme une alternative nécessaire aux traitements curatifs. Le choix d’y recourir est une manifestation, selon le projet de résolution, du libre-arbitre des malades et du respect de leur dignité.

Plus qu’un nouveau texte de promotion d’une offre de soins, à l’image des politiques déjà développées au sein de plusieurs États membres, la résolution entend poursuivre la mise en œuvre d’une véritable réflexion sur les missions de la médecine. Dans un contexte sanitaire marqué par l’augmentation exponentielle du nombre de patients frappés par le syndrome d’Alzheimer, la mort n’est plus envisagée, par le rapporteur, comme un processus naturel mais comme la résultante de décisions médicales. Cette assertion pose la question des soins proposés par les praticiens et leur adéquation avec un idéal de dignité.

M. François Rochebloine (Loire – NC) a souhaité relayer cette nouvelle prise en compte du malade et plus seulement de la maladie au sein de nos sociétés, écartant néanmoins tout débat sur l’euthanasie :

«Le respect de la dignité de la personne humaine est un point de rencontre entre les diverses traditions spirituelles et philosophiques qui constituent notre culture commune. Le développement des soins palliatifs permet l’application de ce principe dans le domaine de la santé, tout particulièrement à l’hôpital. Beaucoup plus qu’une pratique nouvelle, c’est un renouvellement de notre regard collectif sur la personne humaine que de tels soins permettent. Leur intérêt, pour la société comme pour les personnes, fait dès lors au législateur un devoir d’en encourager et d’en accompagner le développement.

D’une certaine manière, la pratique des soins palliatifs est la reconnaissance par la médecine des nouvelles responsabilités que lui donnent ses propres avancées thérapeutiques. Il faut évidemment se réjouir de ces progrès, mais ils peuvent aussi créer une réelle frustration chez les praticiens, les familles et les malades en rendant plus scandaleuse encore l’incapacité de soigner efficacement.

A mesure que les années passent, on constate un peu partout que les obstacles mis au développement des soins palliatifs ont tendance à se lever. Le lien parfois établi entre soins palliatifs et situation d’échec de la médecine disparaît. On comprend mieux, désormais, que la qualité de l’intervention du médecin ne se limite pas aux progrès vers la guérison ; elle tient aussi à l’aide qu’il apporte, et avec lui tous les personnels soignants, à des personnes qui, sans eux, connaîtraient de grandes souffrances, et pour lesquelles il n’existe malheureusement plus de possibilité thérapeutique.

Le développement des soins palliatifs a donné une nouvelle force à cette idée élémentaire : ce n’est pas la maladie que l’on soigne, mais le malade. En assurant à celui-ci, à chaque étape de sa vie, les moyens de mener, autant qu’il est possible, une vie personnelle et une vie de relations autonome, la médecine est pleinement dans son rôle.

Pratique d’accompagnement, la pratique des soins palliatifs ne se borne pas à une intervention médicale ; elle met également en présence d’autres intervenants appelés à procurer au malade en fin de vie un soutien matériel, moral et, s’il le désire, spirituel. Les personnes, soignants comme bénévoles, qui se dévouent ensemble au service des malades méritent toute notre considération.

La France connaît, comme d’autres pays, un développement significatif des soins palliatifs. La récente mission d’évaluation de la législation sur la fin de la vie, conduite par M. Léonetti, a été l’occasion de mesurer les progrès accomplis dans ce domaine. Elle a également traduit une grande réticence, que je partage, envers la notion de « testament de vie » qui n’est, à mes yeux, qu’une autorisation légale de donner la mort.

Pour ma part, sous cette importante réserve, je partage entièrement l’opinion de la commission des questions sociales à propos des soins palliatifs et je ne peux qu’appuyer ses conclusions tendant à leur développement ».

La résolution a été adoptée à l’unanimité.

D. LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE FINANCIÈRE MONDIALE

Inscrit en urgence à l’ordre du jour de cette partie de session, le débat sur les conséquences de la crise financière mondiale entendait faire un point sur la situation économique mondiale et ses incidences en matière de droits de l’Homme. Le rapport de la commission des questions économiques et du développement cerne plusieurs causes à la crise : taux d’intérêts maintenus trop bas, pratiques managériales pernicieuses dans les banques et les institutions financières non bancaires, instruments financiers complexes manquant de transparence, système de rémunération trop généreux en dépit des pertes enregistrées.

La détérioration de la situation économique devrait entraîner une hausse du chômage. Les pertes de revenus concomitantes devraient alimenter la spirale du surendettement. Les pouvoirs publics, critiqués par la commission pour leur incapacité à mettre en œuvre un contrôle adéquat des risques inhérents à la diffusion d’instruments financiers sophistiqués, devraient, aux yeux de la commission, répondre à cette crise en prenant en compte des critères sociaux dans les mesures retenues pour y répondre.

Ces plans devraient, selon les termes de la résolution adoptée par l’Assemblée, garantir la stabilité des marchés financiers, en facilitant l’apport de liquidités. Une attention particulière devrait également être portée à l’amélioration de la transparence des marchés, afin de faciliter une forme de moralisation du capitalisme. Des dispositions en faveur de l’emploi et des petites et moyennes entreprises devraient également être adoptées.

La nécessaire mise en place d’une nouvelle architecture financière a été soulignée par M. Michel Hunault (Loire-Atlantique – NC) :

« Je veux à mon tour saluer l’excellent rapport de M. Sasi et évoquer plus particulièrement la sixième partie, intitulée « Réforme de l’architecture financière internationale ».

La crise financière qui nous frappe a mis en lumière les lacunes du système financier en matière de normes et de surveillance. Plus de 50 % des mouvements financiers transitent actuellement par des centres offshore et par les paradis fiscaux ; c’est dire la nécessité de lutter contre l’opacité du système financier international !

Le rapporteur a également eu raison de donner toute sa dimension humaine à cette crise financière dans les réponses que les différents États européens essaient d’apporter, de façon coordonnée, pour soutenir l’activité économique et atténuer les effets de la crise. Néanmoins, si l’on veut, à l’avenir, éviter une crise encore plus dure, notre Assemblée, souvent présentée comme la conscience de l’Europe, doit s’efforcer de promouvoir davantage de transparence et de traçabilité dans les mouvements financiers. Elle doit donc faire preuve d’une grande fermeté à l’égard de la lutte contre le recyclage des activités criminelles, le blanchiment de l’argent sale et la corruption. Je suis persuadé que c’est par le retour de la confiance que viendra l’exigence d’établir une nouvelle architecture financière internationale. »

E. LES SOCIÉTÉS PRIVÉES À VOCATION MILITAIRE OU SÉCURITAIRE ET L’ÉROSION DU MONOPOLE ÉTATIQUE DU RECOURS À LA FORCE

L’effondrement du bloc soviétique et les bouleversements géopolitiques qui ont suivi ont considérablement fragilisé le modèle d’un État disposant du monopole de la violence légitime. Une exigence sans cesse accrue de sécurité a conduit États et organisations internationales à recourir de plus en plus à des sociétés privées à vocation militaire. Comme l’a indiqué M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR), l’absence d’encadrement juridique international de ces sociétés peut susciter un certain nombre de dérives :

« Je félicite M. Wodarg pour ce rapport qui nous alerte à juste titre sur la tendance croissante à faire appel à des compagnies privées pour accomplir des tâches dans le domaine militaire et de sécurité. Nous sommes confrontés à un défi considérable qui touche aux valeurs défendues par le Conseil de l'Europe dans la mesure où la prérogative étatique du recours à la force, spécifiquement la force militaire, est remise en cause.

Nous sommes confrontés à une extension et à une banalisation d'un mercenariat moderne, un mercenariat qui ne concerne pas les États faibles ou déliquescents – condamnés par les textes et les conventions internationales – mais bien des États constitués qui se revendiquent du droit international.

Face à ce phénomène nouveau, le flou juridique actuel laisse la voie ouverte à toutes les dérives, lesquelles, si elles ne sont pas combattues avec énergie par une convention contraignante, sont porteuses de graves menaces pour la paix, pour le règlement des conflits et pour les droits humains.

Le phénomène est de moins en moins marginal. Plus d'un million de personnes sont concernées, avec plus d'un millier de sociétés privées représentant un marché de 200 milliards de dollars. Les principales sociétés – comme la MPRI, qui sous-traite pour l'armée américaine en Irak – sont anglo-saxonnes. Les pressions montent en Europe, dans nos pays, pour légitimer de telles entreprises, banaliser, voire justifier l'extension de ces pratiques.

Il s'agit ni plus ni moins que de légitimer la privatisation de la violence qui, dès lors, ne serait plus le monopole régalien des États, mais qui serait dévolue à des sociétés privées d'actionnaires, à but lucratif. La dérive libérale touche là à son comble. On va jusqu'à invoquer les mérites de la concurrence au nom de l'efficacité ! Selon cette logique, seuls ceux qui auraient des moyens financiers suffisants pourraient se doter des moyens de leur sécurité. Pourtant, la sécurité nationale et la protection des populations ne sauraient constituer un marché.

L'usage de la force doit rester l'extrême recours et toujours venir en appui à une solution politique du conflit. L'usage de la force a toujours une dimension politique. Or ces sociétés privées n’ont ni la compétence de s'attaquer aux causes profondes des conflits ni intérêt à le faire, puisqu’elles en tirent profit.

L'essor de la sous-traitance à des compagnies privées est un moyen de contourner la pression publique pour la réduction des dépenses militaires et le contrôle démocratique de l'engagement militaire.

Pour justifier leur existence, ces sociétés invoquent la sécurisation d'organisations internationales gouvernementales et non-gouvernementales dans des zones de conflit. Or il s’agit là d’une des missions de l'Onu, mais le désengagement des États ouvre la porte à la dérive actuelle, certains allant jusqu'à suggérer l'utilisation de sociétés mercenaires pour des opérations de maintien de la paix. A cet égard, l'imposition d'un contrôle et de normes contraignantes est d'autant plus impérative que la distinction entre sécurité et militaire est floue, fragile et précaire.

Pour réfléchir aux normes contraignantes d'une convention européenne sur les sociétés militaires privées, nous devons être fermes sur quelques principes fondamentaux. L'usage de la violence doit rester le monopole des États. La violence armée et la sécurité ne peuvent être régies par les lois du marché. L'instauration de normes ne doit pas conduire à une légitimation de la privatisation de la guerre et du mercenariat. Elle ne doit pas contrevenir aux législations existantes les plus contraignantes mais au contraire les conforter. Elle doit renforcer les critères de distinction entre sécurité intérieure et défense. Elle doit prôner le renforcement du contrôle politique et démocratique des sociétés privées de sécurité. Elle doit réaffirmer le principe de la primauté à la prévention et à la solution politique des conflits. Enfin, nous ne devons pas hésiter à adopter des législations répressives contre tout ce qui s'apparente au mercenariat, conformément aux principes qui fondent le droit international. »

En proposant la définition de normes encadrant l’activité de ces sociétés, le texte de la commission des questions politiques s’inscrit dans le prolongement du document de Montreux, signé le 17 septembre 2008 sous l’égide du Comité international de la Croix-Rouge par dix-sept pays, dont la France et les États-Unis. La recommandation telle qu’adoptée par l’Assemblée reprend à cet égard les grandes dispositions de ce texte : création d’un système d’enregistrement et de licence pour les sociétés privées à vocation militaire, mise en place dans le droit civil de règles spécifiques pour ces sociétés, encadrement parlementaire du recours à ces sociétés par les États, ou obligation pour ce secteur d’activité de mettre en place en son sein un code de conduite contraignant.

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a, néanmoins, tenu à relativiser la portée du texte qui, s’il permet de mieux encadrer les sociétés privées à vocation militaire occidentales, mésestime la réalité du mercenariat :

«Comme le souligne l’excellent rapport de notre collègue Wolfgang Wodarg, le développement des sociétés privées à vocation militaire ou sécuritaire n’est pas sans susciter quelques interrogations sur les missions traditionnellement régaliennes des États. Depuis le XVIIe  siècle, la philosophie politique réserve à l’État le monopole de la force. Au début du siècle dernier, Max Weber définissait encore l’État moderne par le monopole de la force physique légitime.

L’apparition de sociétés privées à vocation militaire à l’orée des années 90 tend à bouleverser ce cadre, organisant la délégation de ce droit à des acteurs ne répondant plus à l’intérêt général, mais à une seule logique commerciale. La question que l’on se pose alors est celle de savoir si la force ainsi exercée apparaît encore légitime. Excepté certaines activités de surveillance collaborant clairement avec des autorités légitimes, j’estime que le développement de ce marché de mercenariat est incompatible avec un droit international un tant soit peu exigeant. Par ailleurs, comme l’ont souligné de nombreux collègues, la logique commerciale voudrait que le marché ne s’étiole pas ; par conséquent, ces sociétés ont tout intérêt à un maintien de l’insécurité.

L’encadrement proposé aujourd’hui par le Conseil de l’Europe s’inscrit dans la lignée de l’initiative du Comité international de la Croix-Rouge sur les entreprises militaires privées. Celle-ci a débouché sur la Déclaration de Montreux signée le 17 septembre dernier par dix-sept pays, dont les États-Unis. Ce texte doit servir de document de référence au développement de futures règlementations en la matière. Il rappelle la nécessité pour les sociétés concernées de respecter le droit international et les libertés fondamentales. A cet égard, j’approuve pleinement les amendements de la commission des droits de l’Homme, présentés par M. Sasi.

Ne nous méprenons pas. Nous encadrons les activités de ces sociétés, faute de pouvoir les interdire. Aussi nécessaire soit-elle, notre intervention ne vise qu’une partie du problème. La réalité du mercenariat est tout autre. Elle ne concerne pas uniquement des sociétés ayant pignon sur rue, prêtant leurs services à certains États occidentaux en mal d’expertise. Il existe toujours un « marché noir » de la force armée, ne répondant à d’autre logique que l’intérêt financier à court terme, ne répondant à aucun code, à aucune loi, pas même à celle de l’honneur. Il profite à certains anciens professionnels, le plus souvent dévoyés, il touche également des populations malheureuses, désargentées ou affamées, sans réels repères sociaux. L’exemple le plus frappant, celui des enfants soldats d’Afrique de l’Ouest, vient nous rappeler combien toute législation sur les sociétés privées butera toujours sur les conditions permettant une délégation de la violence par les États.

Le mercenariat s’appuie sur la déliquescence des États, leur incapacité à s’ériger en gardiens de l’intérêt général face aux particularismes, qu’ils soient ethniques ou religieux et souvent instrumentalisés à des fins commerciales pour couvrir des trafics injustifiables. Encadrer les sociétés militaires privées occidentales ne peut occulter cet état de fait. »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation française, a, quant à lui, souhaité voir en ce texte une première étape avant une harmonisation à l’échelle internationale sous les auspices des Nations unies :

« Je soutiens sans détour le projet de recommandation présenté par M. Wodarg et soutenu par M. Sasi.

Ce rapport transcende les clivages politiques tout simplement parce qu’il se réfère à un principe dont on ne peut déroger, celui du monopole étatique du recours à la force. Tout principe est évidemment assorti d’exceptions. Il serait illusoire de vouloir interdire la création de sociétés privées à vocation militaire, mais il est de notre devoir de poser des jalons et de le faire avant que leur profusion ne vienne accroître les risques pour la stabilité de certains pays.

Ne nous leurrons pas. Ces sociétés sont les mercenaires des temps modernes. Elles répondent pour l’essentiel à des impératifs économiques. Elles sont ainsi prêtes à proposer leurs services aux plus offrants.

L’histoire nous offre suffisamment d’exemples de l’utilisation de troupes mercenaires pour que nous restions aujourd’hui vigilants face à leur résurgence. L’État moderne, il faut en convenir, loin d’être exemplaire dans l’emploi des forces armées, s’est tout de même arrogé un monopole assurant un respect nettement plus grand du bien commun.

C’est au pouvoir civil légitime – et à lui seul – d’exercer des prérogatives en matière de recours à la force. Les régions du monde ignorant ce principe sont des régions trop souvent plongées dans la guerre civile et la dilution de l’État. C’est pourquoi l’idée d’une convention encadrant l’existence de ces sociétés à vocation militaire ou sécuritaire est tout à fait fondée.

Toutefois, j’insisterai sur un point qui me paraît fondamental si l’on veut aboutir à un encadrement efficace. Le paragraphe 13.9 du projet de recommandation prévoit « l’adaptation et l’harmonisation du droit pénal international ayant trait aux infractions pénales commises par les sociétés privées à vocation militaire ou sécuritaire (SPMS) ». Je ne saurais effectivement trop insister sur l’adaptation et l’harmonisation du droit international. En effet à quoi cela servirait-il de se limiter au cadre européen lorsque nous savons que l’écrasante majorité de ces sociétés est d’origine nord-américaine ? A quoi servirait-il de se limiter au cadre européen lorsque nous savons que leur caractère transnational leur confère une mobilité ignorant les frontières ? Une convention du Conseil de l’Europe ne peut donc que constituer une première étape.

L’objectif est bien de viser une adaptation du droit international en envisageant des démarches auprès de l’Onu, car, si les principaux bénéficiaires de l’action de ces sociétés sont certaines grandes puissances, les principales victimes en sont souvent les pays et les peuples les plus défavorisés. »

F. LA DÉMOCRATIE ÉLECTRONIQUE

La promotion de l’utilisation des nouvelles technologiques dans le débat politique s’inscrit, selon la commission des questions politiques, dans un contexte de crise de la démocratie représentative. En effet, aux yeux du rapporteur, la participation des citoyens à la vie politique ne s’exerce, dans la plupart des cas, qu’à l’occasion des scrutins.

L’utilisation des nouvelles technologies apparaît, à cet égard, comme une opportunité intéressante en vue de rapprocher le citoyen de ses représentants. La résolution telle qu’adoptée par l’Assemblée insiste ainsi sur l’intérêt pour les parlements nationaux de développer de semblables outils, tant il permettrait d’associer plus directement les citoyens au processus législatif. Les gouvernements sont, eux aussi, invités à user des facultés offertes par ces technologies en vue de mettre en œuvre des procédures de consultation de la population.

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a, néanmoins, souhaité relativiser les ambitions du texte, tant la démocratie électronique ainsi promue ne peut répondre à toutes les difficultés que peuvent rencontrer les régimes représentatifs :

« Je ne cacherai pas que la lecture du rapport très documenté de notre collègue, M. Szabo, m’a laissé dubitatif.

Deux dispositions de son projet de résolution ont plus particulièrement appelé mon attention. D’une part, il note que « les démocraties représentatives traditionnelles ont tendance à limiter la participation des citoyens à un simple acte de voter ». Je ne pense pas qu’on puisse banaliser ainsi, voire déprécier l’acte de voter. Beaucoup de femmes et d’hommes dans le monde aimeraient pouvoir accomplir cet acte présenté comme « simple ». Nombre de rapports d’observation électorale établis par notre Assemblée montrent que la sincérité du vote est loin d’être acquise dans l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe. D’autre part, notre rapporteur estime que « la démocratie électronique est avant tout une question de démocratie et non de technologie ». Je ne partage pas ce point de vue. La démocratie électronique, au contraire, se définit essentiellement par rapport aux normes qui gouvernent les formes démocratiques classiques.

Je crois que la démocratie électronique a un rôle important à jouer, pourvu qu’elle soit appréhendée comme une source d’enrichissement du champ de la démocratie représentative, à laquelle elle peut apporter un soutien. Ses outils peuvent permettre de contourner certains problèmes techniques propres à l’exercice de la délibération et à l’organisation du débat. La démocratie électronique contribue à nourrir le débat, par une diversification des points de vue, et à assurer la publicité des fondements des politiques publiques mises en œuvre. Elle est ainsi une source de transparence. Elle peut aussi aider à améliorer la qualité de la décision publique en l’ajustant aux besoins des citoyens, de publics spécifiques en particulier. On le voit, les outils de la démocratie électronique, et d’abord Internet, se résument souvent à la simple transposition de ce qu’offre déjà la démocratie représentative.

Notre Assemblée se fourvoierait, en effet, si elle cédait à la tentation de voir dans la démocratie électronique une transformation radicale de la démocratie. Du reste, dans le passé, l’émergence de nouvelles technologies de communication – que ce soit la radio ou la télévision – a souvent suscité l’espérance en un approfondissement du champ démocratique.

Internet semble promettre une politique dépassant ses cadres traditionnels. L’entrée de la démocratie dans l’ère électronique a pu apparaître comme le meilleur chemin vers une forme de participation immédiate et directe des citoyens aux activités relevant traditionnellement de la compétence des gouvernants. Le citoyen et l’autorité politique seraient placés sur un pied d’égalité. Ils développeraient une sorte de partenariat dessinant les contours d’une nouvelle gouvernance. Il s’agit là d’une conception très volontariste de la démocratie électronique, à laquelle le rapport semble parfois adhérer.

J’appelle notre Assemblée à la prudence. Gardons-nous de tout enthousiasme excessif ! Ne cédons pas aux mirages d’un nouveau mythe politique !

D’abord, les expériences de vote électronique ne se sont jamais traduites par un recul significatif de l’abstention, qui a des racines plus profondes que les modalités de suffrage.

Ensuite, les projets d’e-démocratie se limitent souvent à diffuser de l’information des gouvernants vers les gouvernés. Les outils de la démocratie électronique ont pour objectif de nourrir la réflexion du législateur, mais non de produire une politique. Qui plus est, la participation des citoyens pourrait se transformer en une défiance de nature démagogique.

Enfin, la démocratie électronique court le risque d’une perte de crédibilité de la part des gouvernés. La question fondamentale est en effet la suivante : Que deviennent les propositions avancées par les citoyens ? Si on constate qu’elles ne sont finalement pas prises en compte par le législateur ou le gouvernement, le risque est grand de voir poindre un soupçon d’instrumentalisation et, in fine, un sentiment de désenchantement.

Ne nous berçons donc pas d’illusions sur la portée de la cyberdémocratie !

Les nouvelles technologies, à elles seules, ne renforcent pas le débat démocratique. Internet, même s’il offre un accès illimité à la prise de parole, ne produit pas de sens commun. Or, c’est ce sens commun, cette volonté de penser l’intérêt général qui fonde l’idéal démocratique. Les nouvelles technologies disséminent, alors que la politique se doit au contraire de cristalliser et de trancher. ».

G. FÉMINICIDES

Prenant acte d’assassinats de plusieurs centaines de femmes et de jeunes filles dans l’État de Chihuahua, le parlement mexicain a créé le terme de « féminicide » pour incriminer ces meurtres, rattachant ceux-ci à un climat généralisé de violence et de discrimination à l’encontre des femmes. Le Mexique s’est alors doté d’institutions spécialisées aux niveaux fédéral et local afin d’accélérer les procédures d’enquêtes et un programme d’action en vue de supprimer les violences faites aux femmes, notamment par le biais d’actions en milieu scolaire a été adopté. Enfin, le 1er février 2007, une loi générale d’accès des femmes à une vie sans violence a été promulguée. Un certain nombre d’insuffisances dans l’application de ce texte demeurent néanmoins, telles que le refus d’enregistrer les plaintes déposées par les femmes.

Au regard de cette expérience pour partie concluante, la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes propose d’intégrer la notion de « féminicide » au sein des législations pénales européennes. Le « féminicide » peut être envisagée sous deux angles : soit comme une infraction spécifique, soit comme une circonstance aggravante. La résolution telle qu’adoptée opte à cet égard pour la deuxième solution, appelant parallèlement de ses vœux l’adoption par les États membres d’une loi générale sur l’égalité entre les femmes et les hommes à l’instar de celle adoptée au Mexique.

La recommandation adoptée par l’Assemblée insiste, quant à elle, sur la nécessité pour le Comité des ministres de renforcer sa coopération avec le Mexique en matière judiciaire afin de favoriser notamment la modernisation du système local de poursuites.

H. MIGRATIONS ET DÉVELOPPEMENTS ENVIRONNEMENTAUX : UN DÉFI POUR LE XXIE SIÈCLE

Trente millions de personnes sont obligées, chaque année, de se déplacer en raison de la dégradation des conditions climatiques, des catastrophes naturelles ou de la diminution des ressources naturelles. Ces migrations s’effectuent, dans la plupart des cas, sans réelle protection nationale ou internationale.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR) a souhaité souligner le défi que représente d’ores et déjà ce type de mouvement.

« Depuis la nuit des temps, migration et environnement constituent deux concepts intimement liés qui ont entraîné, à maintes reprises au cours de l’histoire, la violence et la guerre.

L’immense défi qui s’offre aux responsables politiques du XXIe siècle que nous sommes, est de rendre possible la migration de populations fragilisées par les bouleversements climatiques et les catastrophes écologiques, dans un contexte de violence atténuée et de respect des droits de l’Homme.

Tout d’abord, les migrations environnementales vont se poursuivre à un rythme de plus en plus rapide. Cependant, il est très difficile de comptabiliser le nombre de personnes concernées. Notre planète compte actuellement 200 millions de migrants soit 3 % de la population mondiale, et selon le rapport de l’économiste Nicolas Stern, le nombre des seuls migrants environnementaux est susceptible d’atteindre les 200 millions de personnes en 2050.

Par ailleurs, il est aisé de comprendre que les pays actuellement les plus démunis sont les moins à même d’affronter les crises directement liées au changement climatique et à l’appauvrissement des ressources naturelles.

Ainsi, de retour d’un très récent voyage au Tchad, j’ai été confronté sur le terrain aux terribles conséquences de la crise du Darfour. Les aléas climatiques et l’épuisement des ressources en eau et en nourriture ont déstabilisé et plongé dans une violence inacceptable toute cette région de l’Afrique.

Toutefois, les pays aux économies développées sont également sous la menace des changements climatiques et environnementaux. Par exemple, les conséquences de l’ouragan Katrina, plus de trois ans après la catastrophe, marquent toujours profondément la population de la Louisiane. Sur notre propre continent, à plus long terme, nos concitoyens européens qui vivent sur les côtes, en particulier aux Pays-Bas et au Danemark, sont potentiellement des migrants environnementaux…

A l’occasion de ce débat, nous participons à l’évolution de l’opinion publique mondiale. Nous devons tous prendre conscience de l’importance du défi à relever que représente « la migration environnementale ».

Mais il convient également de répondre par des actions préventives : en engageant nos gouvernements respectifs à mener des politiques beaucoup plus volontaristes afin d’endiguer au maximum le réchauffement climatique et en faisant pression sur les sociétés commerciales afin de mettre en place des échanges équitables évidemment plus respectueux de l’environnement.

Enfin, chers collègues, je vous invite à adopter le projet de résolution et le projet de recommandation que nous soumet la commission des migrations, des réfugiés et de la population.

Il est effet indispensable de protéger les victimes des aléas environnementaux en élaborant un statut du migrant environnemental qui lui reconnaîtra tous ses droits.».

Aucun texte ne définit à l’heure actuelle le statut et les droits des migrants environnementaux. Cette carence résulte, aux yeux de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, de l’absence de consensus au sein de la communauté internationale sur une terminologie applicable à la mobilité humaine induite par la dégradation de l’environnement.

Le texte présenté devant l’Assemblée invite, en conséquence, les États membres à favoriser l’adoption d’une définition claire en la matière, susceptible de faciliter la mise en œuvre d’instruments de protection des populations concernées. A côté de ce renforcement du cadre juridique, la résolution préconise la poursuite des efforts entrepris en matière de réduction de la vulnérabilité écologique des pays en voie de développement. Elle insiste également sur la possibilité pour l’Union européenne de prendre en compte ces nouvelles catégories de migrations dans le cadre de l’élaboration de sa stratégie globale en matière d’immigration. L’Union est également incitée à financer des projets de développement et de gestion aptes à anticiper ou à répondre aux catastrophes naturelles dans les pays les plus pauvres.

La recommandation s’appuie, quant à elle, sur les Principes directeurs des Nations unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, pour inviter le Comité des ministres à répondre à moyen terme aux lacunes juridiques observées.

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT

A. COMMUNICATION DE M. TERRY DAVIS, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE

Le Secrétaire général présente chaque année, devant l’Assemblée, une communication sur l’état du Conseil de l’Europe, au cours de laquelle il dresse un bilan de l’exercice précédent. Il s’agissait, pour M. Davis, de sa dernière intervention dans l’hémicycle, son mandat prenant fin le 31 août prochain.

Modalités d’élection du Secrétaire général

Le Secrétaire général est élu pour une durée de cinq ans à l’issue d’une procédure en deux temps. Les candidatures sont déposées auprès du Comité des ministres, qui au terme d’une sélection retient deux noms qui sont ensuite transmis à l’Assemblée parlementaire. Celle-ci élit alors le Secrétaire général à l’occasion de la troisième partie de session.

Le Comité de ministres a indiqué récemment vouloir promouvoir des candidatures combinant expérience et notoriété.

La date limite de dépôt des candidatures est fixée cette année au 6 mars 2009. Deux candidatures sont d’ores et déjà enregistrées : celle de M. Luc van der Brande (Belgique), président du groupe PPE/DC au sein de l’Assemblée parlementaire, ainsi que celle de M. Thorbjørn Jagland, ancien ministre des affaires étrangères norvégien et actuel président du Parlement de son pays. Un troisième nom a également été évoqué : celui de M. Mátyás Eörsi (Hongrie), président du groupe ADLE au sein de l’Assemblée parlementaire

A l’initiative de son président, la délégation française entend auditionner tous les candidats avant juin prochain.

Les conséquences de l’intervention israélienne à Gaza et de la crise financière mondiale ont été au cœur des propos du Secrétaire général. Dépassant le contexte moyen-oriental, il a ainsi souhaité souligner les questions que posait l’attitude de Tsahal en matière de lutte contre le terrorisme, rappelant que celle-ci ne devait pas, pour les États membres, les conduire à rompre avec leurs engagements en faveur des droits de l’Homme et des libertés civiles.

La question de la crise financière a été envisagée au travers de ses conséquences tant sur le plan des droits de l’Homme que sur celui du budget du Conseil de l’Europe. Le contexte économique implique, en effet, une réduction des coûts de l’institution. En l’absence de consensus entre les 47 États membres sur les missions prioritaires du Conseil, la réaffectation de crédits apparaît néanmoins délicate. La préparation du budget 2009 s’est, de fait, traduite par la mise en œuvre de réductions ciblées.

Trois contraintes ont néanmoins pesé :

• Un problème de financement du régime des retraites des agents du Conseil de l’Europe. Les effectifs de l’institution, et donc les bénéficiaires du régime, ont, en effet, considérablement augmenté en raison de l’élargissement à l’Est mais également d’un recrutement plus important en faveur de la Cour européenne des droits de l’Homme. Ces facteurs, conjugués à une insuffisance de rendement lors du dernier exercice, ont conduit à un déficit de financement de l’ordre de 7,5 millions d’euros pour l’année 20092. Celui-ci a pu être comblé par une augmentation de la contribution des États de 4,86 % (soit environ 3 millions d’euros), l’application de mesures d’économie à toutes les composantes du Conseil (2 %) et l’utilisation de l’excédent engendré par la pharmacopée européenne3 ;

• Le conflit entre la Géorgie et la Russie a conduit le Conseil à réorienter ses priorités d’action en faveur de la reconstruction au sein des zones sinistrées ;

• Le développement de la crise financière au moment même où les principales orientations étaient retenues pour le budget du Conseil. L’idée d’une croissance nominale zéro n’a, néanmoins, pas été retenue.

Les mesures d’économie devront être poursuivies à l’horizon 2010. Cette réduction des crédits visera bien évidement l’Assemblée parlementaire, dont les ressources ont déjà été réduites de 155 000 euros en 2009, son budget s’établissant à 15,65 millions d’euros. Les économies ainsi réalisées visent principalement les frais de fonctionnement (transmission de documents papiers réduite, diminution du nombre de réunions de commissions : 83 en 2009, contre 95 en 2007).

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) a souhaité, à cet égard, interroger le Secrétaire général sur les perspectives pour 2010 :

« Nous savons tous que notre budget est soumis à des contraintes fortes et qui croissent chaque année. Elles ne font d’ailleurs que refléter la situation budgétaire tendue de la quasi-totalité des États membres. Les répercussions de cette rigueur sur notre budget, qui ne représente que 5,4 % du budget total du Conseil de l’Europe, sont des mesures concrètes d’économie en matière de distribution de documents, d’organisation de séminaires ou encore de traduction. Il serait tout à fait dommageable que, faute de crédits suffisants, notre Assemblée parlementaire ne puisse organiser de manifestation spécifique pour célébrer le 60e anniversaire du Conseil de l’Europe. Je souhaite donc que vous puissiez nous apporter des précisions sur les perspectives budgétaires de notre Assemblée, l’année 2010 ne promettant malheureusement rien de bon... »

M. Davis n’a pas caché, à cet égard, son pessimisme :

«  En effet, il va nous falloir lutter très dur pour arriver à joindre les deux bouts.

En ce qui concerne l’interprétation et la traduction, l’Assemblée est parvenue à négocier un excellent accord qui lui permettra de réaliser des économies notables. Quant à la production de documents, il faudrait envisager de raccourcir les rapports, afin de réduire les coûts d’édition. Au total, les indications que j’ai pu obtenir sur le prochain budget sont en effet plutôt préoccupantes. L’année s’annonce difficile. »

L’exercice 2010 devrait se traduire par une diminution du budget de l’Assemblée d’environ 3 %, soit près de 470 000 euros avant prise en compte de l’inflation. Cette baisse des crédits de 3 % affectera l’ensemble des institutions.


La contribution française au financement du Conseil de l’Europe

Le montant de la contribution française s’élève à 37,815 millions d’euros, contre 36,634 millions lors de l’exercice précédent, soit une augmentation de 3,2 %. Comme l’a souligné le secrétaire d’État chargé des affaires européennes lors de sa rencontre avec les membres de la délégation parlementaire, la participation financière au Conseil est la seule dotation à une organisation internationale majorée au sein du budget 2009. A titre de comparaison, la contribution au budget des Nations unies est gelée pour l’exercice 2009, quand les fonds à l’action culturelle extérieure dédiés à l’Europe sont réduits de 40 %.

La contribution française est financée par plusieurs départements ministériels :

• le ministère des Affaires étrangères : 30,39 millions d’euros au titre du programme 105 ;

• le ministère de la culture : 4,7 millions d’euros sont ainsi affectés au programme Eurimages du Conseil de l’Europe et 234 000 euros finançant le centre des langues vivantes de Graz ;

• le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, au titre de l’accord EUR-OPA sur les risques majeurs ;

• le secrétariat d’État à la jeunesse et au sport : près de 168 000 euros au titre de l’accord partiel sur le sport ;

• les services du Premier ministre financent, quant à eux, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, dite Groupe Pompidou, à hauteur de 238 000 euros.

Par ailleurs, 4,8 millions d’euros ont été affectés par la France au budget des pensions au titre de l’exercice 2009, en vue de contribuer au retour à l’équilibre du régime.

Concernant l’action même du Conseil de l’Europe, le Secrétaire général a souhaité insister sur le renforcement de son influence sur la scène internationale. Plusieurs exemples illustrent, selon lui, cet état de fait : la coopération entreprise avec l’Organisation internationale de la francophonie, la venue du Secrétaire général devant l’Organisation des États américains ou le conseil d’administration de la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD). Aux yeux de M. Davis, cette affirmation résulte, notamment, de la création d’une direction des relations extérieures au sein du Conseil, indépendante de la direction générale, de la démocratie et des questions politiques.

Le Secrétaire général a également insisté sur l’augmentation de la couverture médiatique des travaux du Conseil, en augmentation de 89 % en 2008 : près de 10 000 articles contre 5 000 l’année précédente. Cette popularité trouve son prolongement dans le succès des campagnes contre les discriminations.

La situation de la Cour européenne des droits de l’Homme a également été abordée par le Secrétaire général du Conseil de l’Europe. Son succès, 110 000 requêtes pendantes, 20 % de plus que l’an dernier, n’est pas une garantie quant à l’application de ses arrêts ou de ses demandes, notamment en ce qui concerne l’expulsion vers un pays pratiquant la torture ou la peine de mort.

Lors des échanges avec l’hémicycle, le Secrétaire général a insisté sur la priorité que revêtait le Caucase pour le Conseil de l’Europe.

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC-UDF) a tenu à demander au Secrétaire général quelles leçons il entendait tirer du récent conflit entre la Géorgie et la Russie pour l’action du Conseil de l’Europe :

« Le Conseil de l’Europe rassemble notre continent autour des droits de l’homme, de l’État de droit, de la démocratie. S’il n’existait pas, il faudrait d’urgence le créer. Or il l’a été il y a soixante ans. Pourtant son rayonnement n’est pas encore celui que nous souhaiterions. Qu’une guerre ait pu encore éclater entre deux de ses membres, que la Convention européenne des droits de l’Homme n’engage toujours pas complètement tous ceux qui l’ont signée, atteignent gravement l’autorité morale et politique du Conseil. Pensez-vous que le Conseil peut aujourd’hui repartir sur des bases nouvelles, et comment ?»

La réponse du Secrétaire général a souligné l’écart entre les textes signés par les États membres et leur non ratification, qui fragilise la portée du message du Conseil :  

« Votre dernière observation me surprend. La Convention européenne des droits de l’Homme a été signée et non ratifiée. Les mécanismes du droit international sont parfois compliqués. Certes, quand on a signé et pas encore ratifié, il convient déjà de tenir compte de ce que l’on a signé, mais c’est pour les juristes. Bien entendu, nous demandons à tous les États membres de ratifier les conventions. Il y a le problème du Protocole n° 14, signé, mais pas ratifié, alors que le Président Poutine l’avait pourtant recommandé aux députés russes qui l’ont rejeté. La liste est longue des conventions signées mais non ratifiées. C’est le cas depuis bien longtemps, bien avant que je ne devienne Secrétaire Général. Lors de tous mes déplacements en Europe, je rappelle à mes interlocuteurs que des conventions signées depuis longtemps ne sont toujours pas ratifiées et notamment le cas des trois conventions adoptées par les chefs d’État et de gouvernement au Sommet de Varsovie, en 2005, sur le terrorisme, le financement du terrorisme et la traite des personnes. Et certains sont même surpris que j’évoque ces textes. Apparemment, on a oublié qu’on avait signé.

J’espère que ces oublis seront réparés. Ce matin, l’ambassadeur de la Fédération de Russie est venu me voir pour signer la Convention sur le blanchiment d’argent et sur les produits du crime. La prochaine fois que j’irai à Moscou, je dirai : maintenant que vous avez signé, il faut ratifier.». 

B. INTERVENTION DE M. MIGUEL ÁNGEL MORATINOS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE L’ESPAGNE, PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES

La présidence espagnole a souhaité inscrire son action dans le nouveau contexte international lié à l’élection de Barack Obama à la tête des Etats-Unis. Espérant voir en celle-ci une opportunité indéniable pour la réaffirmation des droits de l’Homme dans les relations internationales, l’Espagne entend accompagner ce mouvement en renforçant le rôle du Conseil de l’Europe. Le Caucase ou le Moyen-Orient sont, à cet égard, des terrains où le Conseil doit faire entendre son message. Interrogé sur le conflit israélo-palestinien, M. Moratinos a souhaité travailler en coopération avec l’Union pour la Méditerranée créée en juillet dernier.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – Soc) a, pour sa part, interrogé le ministre espagnol sur l’opportunité de dialoguer avec le Hamas :

« Faut-il, aujourd’hui, parler au Hamas ?

Ensuite, si nous avons observé les élections de 2006, si nous les avons validées, nous n’avons pas accepté le verdict des urnes. Il y a des détenus, le soldat Shalit, 12 000 prisonniers palestiniens et 48 parlementaires du conseil législatif palestinien sur 74 en prison, dont son président. Comment concilier tout cela ? »

M. Moratinos a souhaité posé la cessation de la violence comme tout préalable au dialogue :

« Il ne faut pas parler au Hamas. Ce que nous lui demandons est très naturel : abandonner la violence, respecter la légalité internationale, reconnaître Israël comme un voisin avec lequel demeurer en paix ; ce n’est pas la lune ! Les Palestiniens doivent parvenir à se réconcilier entre eux. C’est ce que le conseil européen des affaires étrangères leur demande, et ce à quoi s’emploient l’Egypte et la Syrie.

Ce que le Hamas veut n’est qu’une trêve : il n’a jamais montré une volonté de paix définitive avec Israël. En revanche nous, Européens, ne voulons pas d’une accalmie de quelque temps. C’est pourquoi nous devons nous montrer très fermes vis-à-vis du Hamas. D’un autre côté, nous avons exprimé notre position sur l’intervention militaire israélienne à Gaza et poussons Israël à avancer dans les pourparlers avec l’autorité palestinienne.

Je suis sûr que la paix définitive entre Israël et la Palestine va arriver. Ce qu’il faut garder en tête, c’est deux photos de la Palestine : celle de la sécurité et de la prospérité de la Cisjordanie menée par Mahmoud Abbas, et celle de la désolation de Gaza, contrôlée par le Hamas. Ce n’est donc qu’avec l’Autorité palestinienne que nous, Européens, pouvons favoriser le dialogue, à moins que le Hamas change totalement de position et sorte de la liste des organisations terroristes. »

La présidence espagnole entend, par ailleurs, faire aboutir le plan d’action réalisé sous la présidence suédoise du Comité des ministres destiné à faciliter le retour des réfugiés du Caucase du Sud. L’absence de consensus sur ce sujet au sein du Comité des ministres retarde actuellement la mise en œuvre de ces mesures.

La relance du Comité pour la prévention de la torture (CPT) ou l’entrée en vigueur du Protocole n°14 font également figure de priorités aux yeux de la présidence espagnole. M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a souhaité, à cet égard, intervenir sur une éventuelle alternative face à l’absence de ratification par la Russie du protocole n°14 :

« La présidence espagnole semble tenir pour acquise la non-ratification du Protocole n° 14 par la Fédération de Russie, qui contribue ainsi à bloquer le bon fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’Homme. Dès lors, elle entend étudier les formules de substitution qui permettraient de garantir l’efficacité de la Cour. Elle a déjà annoncé la possibilité de présenter des résultats concrets lors de la session ministérielle du mois de mai prochain. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur les mesures de substitution au Protocole n° 14 qu’il serait possible d’envisager ? »

Au regard de la réponse de M. Moratinos, la présidence espagnole privilégie néanmoins la ratification de ce texte par la Russie :

« Nous n’avons pas renoncé à ce que le Protocole n° 14 soit ratifié par la Russie. C’est d’ailleurs notre objectif prioritaire et j’ai pu en discuter avec les autorités russes lors de ma dernière visite à Moscou. Le président russe devrait venir en Espagne au début du mois de mars. Ce sera une nouvelle occasion de faire le point.

S’il n’était vraiment pas possible d’aboutir à une ratification russe, la présidence espagnole trouverait d’autres formules pour donner plus d’efficacité et de flexibilité au tribunal européen des droits de l’Homme ; certaines ont été présentées par la présidence suédoise, et nous avons aussi demandé d’autres expertises. Cependant pour l’instant, nous faisons tout notre possible pour obtenir cette ratification. Il n’y aucune raison sérieuse pour renoncer si tôt : la présidence espagnole a plus de courage politique que cela. »


La nécessaire réforme la Cour européenne des droits de l’Homme 

L’absence de ratification par la Russie du protocole additionnel n°14 à la Convention européenne des droits de l’Homme n’est pas sans incidences, notamment budgétaires, sur le fonctionnement de la Cour.

Le protocole n°14 vise à garantir l'efficacité du contrôle de la Cour et à traiter les requêtes dans un délai convenable. Il met en place à cet effet un mécanisme de filtrage, donnant à un juge unique la compétence d'éliminer les requêtes manifestement irrecevables. Une procédure simplifiée est également introduite pour traiter les affaires dites « répétitives », c'est-à-dire résultant de la même déficience structurelle au niveau national : l'affaire serait alors jugée non plus par une chambre de 7 magistrats mais par un comité réduit composé de 3 juges. Le protocole n°14 crée, en outre, une nouvelle condition d'irrecevabilité qui permettra à la Cour, sous certaines réserves, d'écarter les requêtes de personnes n'ayant pas subi de préjudice important. Enfin, pour assurer une exécution plus efficace des arrêts de la Cour, le protocole habilite le Comité des ministres à introduire un recours devant celle-ci en cas d'inexécution d'un arrêt par un État.

Plus de 100 000 requêtes sont aujourd’hui pendantes, 50 000 étant déposées en 2008, le conflit entre la Géorgie et la Russie ayant, à cet égard, joué un rôle d’accélérateur. De tels chiffres se traduisent par une augmentation des effectifs de la Cour, alors que le contexte économique invite à réduire les crédits affectés à l’ensemble des composantes du Conseil de l’Europe. La part de la Cour dans le budget ordinaire représente désormais 57 millions d’euros, contre 42,3 millions en 2005, soit une augmentation de 26 % alors même que le budget ordinaire du Conseil ne progressait que de 12 % sur la même période.

En l’absence de ratification, un certain nombre de propositions alternatives se sont fait jour, sans que suite concrète ne leur soit donnée. Les conclusions du colloque organisé les 9 et 10 juin derniers à Stockholm envisagent une solution alternative en cas de non-ratification durable du protocole n° 14 par la Russie. À l'instar de la Cour suprême américaine, la Cour européenne des droits de l'Homme pourrait, ainsi, se voir doter d'un pouvoir discrétionnaire de sélection des affaires. Cette hypothèse ne peut apparaître que comme un pis-aller tant elle n'est pas en adéquation avec l'ambition initiale de la Cour. Le pouvoir accordé à la Cour suprême en 1988 répond, en effet, à un cadre particulier, celui d'un État fédéral, et à un rôle singulier, celui d'uniformiser le droit au niveau fédéral. Par ailleurs, le protocole n° 14 prévoit une simplification de la procédure (mécanisme de filtrage pour les affaires irrecevables et réduction du nombre de juges pour les affaires répétitives) et non une véritable sélection, la Cour suprême ne traitant in fine que 10 % des requêtes déposées chaque année.

Le président du Comité des ministres entend également promouvoir une définition internationale du terrorisme comme violation des droits de l’Homme. Une plus grande complémentarité avec les Nations unies ou l’OSCE sera, à cet égard, poursuivie.

L’éradication du trafic d’être humains ou le combat en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes seront également au cœur de la présidence espagnole. Une convention sur la lutte contre les violences domestiques est ainsi en cours d’élaboration.

Le contexte budgétaire délicat pour l’institution a également été abordé par M. Moratinos. Ces difficultés financières ne doivent en rien obérer les missions fondamentales du Conseil et en particulier le fonctionnement de l’Assemblée. Un groupe de travail, réunissant représentants du Comité des ministres et de la Présidence de l’Assemblée, devrait prochainement présenter des propositions concrètes en vue de renforcer le rôle de l’Assemblée.

L’Espagne entend profiter de la réunion du Comité des ministres à Madrid en mai prochain pour élaborer une déclaration des chefs d’Etats et de gouvernements destinée à cerner les enjeux à venir pour le Conseil de l’Europe et son message, dans le cadre du 60e anniversaire de sa création. Ce texte succèdera à la déclaration de Varsovie du 17 mai 2005.

C. NOMINATION DES CANDIDATS ET ÉLECTION DES JUGES À LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

Aux termes de l’article 22 de la Convention européenne des droits de l’Homme, l’Assemblée parlementaire élit les juges de la Cour européenne des droits de l’Homme à partir de listes de trois candidats soumises par chaque État membre. La recommandation 1649 (2004) relative aux candidats à la Cour européenne des droits de l’Homme rappelle que le processus de désignation des candidats à la Cour mené par les États membres doit répondre à des impératifs de transparence et de non-discrimination. Ce texte instaure également une exigence de représentation équilibrée des sexes et l’obligation de présenter un curriculum vitae des candidats. Au sein de l’Assemblée parlementaire, une sous-commission ad hoc est également chargée d’auditionner lesdits candidats.

L’application de ce texte laisse néanmoins à désirer, tant un certain nombre de procédures demeurent perfectibles. La France, la Grèce, l’Italie ou l’Espagne sont ainsi nommément visées, le critère de transparence restant aux yeux de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme assez mal respecté. Au regard de ces difficultés et d’un certain nombre de lacunes observées dans le processus de désignation tel qu’il découle de la recommandation adoptée en 2004, la commission préconise un certain nombre de mesures destinées à prévenir toute ambiguïté.

La recommandation, telle qu’adoptée par l’Assemblée, prévoit ainsi de procéder à des appels à candidatures ouverts et publics. Une fois les noms des trois candidats retenus, les États devraient décrire les modalités de sélection de ces candidats. Notant que la présentation des listes peut avoir une influence, le texte insiste sur la nécessité, pour les États membres, de transmettre des listes de candidats présentés par ordre alphabétique. Une connaissance des deux langues officielles du Conseil de l’Europe est, par ailleurs, désormais recommandée. Enfin, les États membres doivent veiller à ce que le recours au juge ad hoc se réduise. Ceux-ci sont nommés lorsque, dans une affaire visant le pays au titre duquel un juge en exercice a été élu, ce dernier a précédemment participé en qualité d’agent du gouvernement de ce pays, à la préparation du dossier ou en tant que haut magistrat, à la décision en dernier ressort de rejet du recours interne du requérant. Les deux situations sont en effet susceptibles de générer un conflit d’intérêts. Aux termes de la recommandation, les États membres pourraient, en conséquence, s’abstenir de présenter des candidats liés à des dossiers en cours.

ANNEXES

Annexe 1

Proposition de résolution de Mme Marietta Karamanli
et plusieurs de ses collègues :

Élaboration d’une politique volontariste des pouvoirs publics en Europe pour prévenir le surpoids et aboutir à une réglementation

(document n°11825)

La présente proposition n’a pas été examinée par l’Assemblée et n’engage que ses signataires

1. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l'obésité figure parmi les plus graves problèmes de santé publique du XXIe siècle. Sa prévalence a triplé dans de nombreux pays de la région européenne de l'OMS depuis les années 80 et le nombre de personnes touchées continue d'augmenter à un rythme préoccupant, en particulier parmi les enfants.

2. Ces dernières années notre Assemblée a adopté une résolution visant à encourager une consommation alimentaire responsable (février 2005) qui a débouché sur une recommandation (octobre 2007) soulignant notamment que cette consommation responsable passait d’abord par une consommation alimentaire saine ; notre Assemblée a aussi été saisie d’une proposition de résolution visant à prévenir l'obésité et à faire la promotion d'habitudes alimentaires saines chez l'enfant et l'adolescent ; dès 1994 notre Assemblée avait adopté un rapport sur l’alimentation et la santé recommandant d’améliorer les habitudes alimentaires des consommateurs. De façon générale, ces travaux parlementaires ont mis en avant la nécessité d’améliorer l’information et l’éducation nutritionnels, l’intérêt de définir des référentiels de bonne alimentation, enfin l’utilité de miser sur la conscience des consommateurs pour faire des choix citoyens.

3. Malgré l’engagement de notre Assemblée, les mesures évoquées ou recommandées sont restées limitées alors même que l’obésité constitue la plus grande maladie non transmissible au monde et qu’il y a urgence pour les pouvoirs politiques et les citoyens à réagir.

4. Une politique de lutte globale contre le surpoids et l’obésité et d’accompagnement des personnes qui en souffrent devrait déjà être définie.

5. D’ores et déjà, des organismes publics indépendants ont mis en évidence le risque couru par les enfants d’être atteints de surpoids et d’obésité en Europe et recommandent que la publicité sur leur alimentation, en particulier à la télévision, soit totalement revue.

6. Parallèlement, des études ont mis évidence que les très grandes entreprises du secteur de la production, de la distribution et la restauration alimentaires ne respectaient pas les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé visant à limiter le recours, dans leurs produits, au sel, au sucre, aux matières grasses, à agir sur la taille des portions individuelles, à promouvoir les conseils aux personnes et à promouvoir ou aider les activités physiques.

7. Pour ces motifs, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe demande au Comité des Ministres :

– de faire de la prévention et de l’information contre l’épidémie d’obésité, notamment infantile, une priorité de l’action publique: il faut prévenir dès l’école, dépister efficacement, donner et diversifier des conseils nutritionnels adaptés, non culpabilisants. Toute notre intelligence collective doit être mobilisée, notamment en direction des plus jeunes ;

– d’inviter, puis d’inciter et peut-être de contraindre les industriels et les distributeurs de l’agroalimentaire à revoir tant la composition de certains de leurs produits (normes de qualité et de santé) que leurs actions d’incitation et de promotion de la consommation des produits jugés peu ou pas sains ;

– d’appeler les Etats membres à limiter la publicité, notamment à la télévision, en direction des enfants pour les denrées alimentaires trop sucrées, trop salées, trop grasses ou déséquilibrées du point de vue nutritionnel ;

– de proposer aux Etats membres de prendre des mesures pour garantir aux personnes présentant un risque d’obésité et/ou de complications diverses liées à cette pathologie un réel accès à des conseils médicaux et à des soins adaptés ;

– d’inciter les Etats à lutter fermement contre les mesures discriminatoires touchant les personnes souffrant d’obésité comme celles dont elles peuvent être victimes dans l’accès aux transports, l’organisation et l’exercice de fonctions au travail, etc. ;

– d’encourager une réflexion d’ensemble pour que notre vie collective quotidienne incite à la pratique d’activités physiques « souples » et moins stressantes. Les transports, l’aménagement des voies urbaines, l’organisation des temps de travail doivent donner la possibilité aux citoyens et aux travailleurs de profiter de leurs déplacements, de leurs pauses et des moments de repos pour se détendre confortablement et se dépenser avec sécurité et confort.

Signé :

KARAMANLI Marietta, France, SOC

BÉTEILLE Laurent, France, PPE/DC

BOLDI Rossana, Italie, NI

COLOMBIER Georges, France, PPE/DC

DURRIEU Josette, France, SOC

ERR Lydie, Luxembourg, SOC

GARDETTO Jean-Charles, Monaco, PPE/DC

GOUTRY Luc, Belgique, PPE/DC

HAUPERT Norbert, Luxembourg, PPE/DC

HUSS Jean, Luxembourg, SOC

JACQUAT Denis, France, PPE/DC

LAMBERT Geert, Belgique, SOC

MARCERANO Pietro, Italie, SOC

PAVLIDIS Aristotelis, Grèce, PPE/DC

SARO Giuseppe, Italie, PPE/DC

WILLE Paul, Belgique, ADLE

Annexe 2

Résolution 1643 (2009) – La mise en
œuvre par l’Arménie des résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008) de l’Assemblée

1. Dans sa Résolution 1620 (2008) sur la mise en œuvre par l’Arménie de la Résolution 1609 (2008) de l’Assemblée adoptée le 25 juin 2008, l’Assemblée parlementaire jugeait que les progrès réalisés étaient insuffisants, malgré la volonté politique exprimée par les autorités arméniennes de satisfaire aux exigences formulées dans la Résolution 1609 (2008) adoptée le 17 avril 2008, après la crise qui avait éclaté à la suite de l’élection présidentielle de février 2008. L’Assemblée adressait donc une série de demandes concrètes aux autorités arméniennes et envisageait la possibilité de suspendre le droit de vote des membres de la délégation parlementaire arménienne auprès de l’Assemblée lors de sa partie de session de janvier 2009, si les exigences formulées dans les Résolutions 1609 et 1620 n’étaient pas remplies d’ici là.

2. Concernant l’exigence de garantir l’indépendance, l’impartialité et la crédibilité de l’enquête sur les événements des 1er et 2 mars 2008, l’Assemblée se félicite de la décision du Président arménien du 23 octobre 2008 de créer un « groupe d’experts chargé d’enquêter sur les événements des 1er et 2 mars 2008 », suivant en ceci une proposition du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Elle salue également la décision de l’opposition de participer pleinement aux travaux de ce groupe.

3. L’Assemblée souligne cependant que c’est la manière dont ce groupe conduira ses travaux, ainsi que l’accès à l’information qu’elle obtiendra des institutions de l’État à tous les niveaux, qui détermineront en fin de compte la crédibilité dont jouira ce groupe d’enquête aux yeux du public arménien. En conséquence, l’Assemblée :

3.1. exhorte toutes les forces politiques à s’abstenir de politiser ou de contrecarrer les travaux de ce groupe d’enquête ;

3.2. invite les autorités arméniennes à s’assurer que le groupe d’enquête reçoive la coopération la plus entière possible et un accès illimité aux informations de la part de tous les organismes et fonctionnaires de l’Etat sans exception, y compris des fonctionnaires qui ont quitté leurs fonctions ou ont été remplacés à la suite des événements des 1er et 2 mars 2008 ; le groupe d’enquête devrait être autorisé à se voir communiquer tous les renseignements utiles pour clarifier l’arrestation, la mise en accusation et la condamnation des personnes en rapport avec les événements des 1er et 2 mars 2008.

4. L’Assemblée regrette que, jusqu’au dernier moment, seules des avancées limitées aient été réalisées par les autorités arméniennes à l’égard de ses demandes antérieures, telles qu’elles sont formulées dans les Résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008) en ce qui concerne la libération des personnes détenues en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008. Elle constate en particulier que, contrairement aux demandes de l’Assemblée :

4.1. un nombre important de poursuites et de condamnations repose exclusivement sur des témoignages de police, sans preuve corroborante substantielle ;

4.2. un nombre très limité de poursuites engagées en vertu des articles 225 et 300 du Code pénal arménien a été classé.

5. L’Assemblée note que des doutes ont été émis, y compris par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, sur la nature réelle des accusations formulées en vertu des articles 225 et 300 du Code pénal et sur le procès à l’encontre des personnes reconnues coupables en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008. Par conséquent, l’Assemblée considère que, dans ces conditions, les charges retenues contre un grand nombre de personnes, surtout celles qui ont permis l’inculpation de ces personnes en vertu des articles 225-3 et 300 du Code pénal et celles qui reposaient uniquement sur des témoignages de police, auraient pu être politiquement motivées. L’Assemblée est profondément préoccupée par les conséquences de cette situation si l'on n’y remédie pas.

6. L’Assemblée se félicite de la décision, prise le 22 janvier 2009, par le président de l’Assemblée nationale arménienne, de constituer au sein de l’Assemblée un groupe de travail dans un délai d’un mois, qui sera chargé de rédiger, en coopération avec les organes compétents du Conseil de l'Europe (notamment la Commission de Venise et le Commissaire aux droits de l’homme), les modifications à apporter aux articles 225 et 300 du Code pénal arménien, en vue de combler le vide juridique de ces dispositions observé, notamment, par l’Assemblée et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe, et de les mettre en conformité avec les normes du Conseil de l'Europe. L’Assemblée prend également acte de l’assurance donnée par le président de l’Assemblée nationale que ces modifications seront adoptées et transmises au Président de la République, pour être promulguées dans un délai approximatif d’un mois après la rédaction de leur version définitive par le groupe de travail. L’Assemblée relève que, en vertu de la Constitution arménienne, toute modification plus favorable de la législation aura un effet rétroactif pour les accusations portées à l’encontre des personnes privées de leur liberté suite aux événements des 1er et 2 mars 2008.

7. L’Assemblée considère que cette initiative du président de l’Assemblée nationale arménienne, malgré son caractère tardif, témoigne de la volonté des autorités arméniennes d’entreprendre d’apaiser les inquiétudes de l’Assemblée au sujet de la situation des personnes privées de leur liberté suite aux événements des 1er et 2 mars 2008.

8. L’Assemblée salue le nombre sans cesse plus important de grâces, 28 à ce jour, qui ont été accordées par le Président arménien et note que d’autres grâces sont en cours d’examen. L’Assemblée espère que ce processus se poursuivra sans relâche. Elle déplore toutefois que les autorités n’aient pas jusqu’à présent fait usage de la possibilité qui est la leur de recourir à d’autres moyens juridiques à leur disposition, y compris l’amnistie, la grâce ou le classement des poursuites, pour libérer les personnes détenues en rapport avec les événements des 1er et 2 mars 2008 sans avoir personnellement commis aucun acte de violence ni intentionnellement ordonné, encouragé ou aidé à commettre de tels actes. C’est pourquoi elle exhorte les autorités à examiner favorablement d’autres possibilités à cette fin.

9. Dans ces circonstances, l’Assemblée continuera à évaluer la volonté politique des autorités arméniennes de résoudre la question des personnes détenues en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008, conformément aux demandes antérieures de l’Assemblée.

10. L’Assemblée se félicite des efforts faits par les autorités arméniennes pour entreprendre des réformes dans plusieurs autres domaines, conformément aux demandes de l’Assemblée, en particulier les médias, la législation électorale et la justice, et invite les autorités à poursuivre la coopération avec les organismes pertinents du Conseil de l’Europe dans ces domaines. En ce qui concerne plus particulièrement le pluralisme et la liberté des médias, l’Assemblée :

10.1. salue les propositions faites dans le but de garantir l’indépendance des organismes de réglementation des médias en Arménie et invite les autorités à appliquer pleinement les prochaines recommandations des experts du Conseil de l’Europe à cet égard ;

10.2. prend note de l’adoption d’amendements à la loi sur la télévision et la radio annulant l’adjudication des fréquences de radiodiffusion jusqu’en 2010, lorsque l’introduction de la radiodiffusion numérique en Arménie aura été achevée. Sans porter de jugement sur le bien-fondé de cette décision, l’Assemblée souligne que les autorités ne devraient pas invoquer les exigences techniques de l’introduction de la radiodiffusion numérique comme raison d’ajourner indûment la mise en place d’une procédure ouverte, équitable et transparente de délivrance des licences de radiodiffusion, comme l’a demandé l’Assemblée.

11. Malgré l’évolution positive constatée ces derniers temps dans ce domaine, l’Assemblée demeure insatisfaite et profondément préoccupée par la situation des personnes privées de leur liberté suite aux événements des 1er et 2 mars 2008, qui peuvent avoir été inculpées et emprisonnées pour des motifs politiques. Elle considère néanmoins que l’initiative récemment prise par l’Assemblée nationale de réviser les articles 225 et 300 du Code pénal conformément aux normes du Conseil de l'Europe, le nombre de grâces accordées, ainsi que les mesures positives adoptées pour l’ouverture d’une enquête indépendante, transparente et crédible, devraient être considérées comme un signe de la volonté des autorités arméniennes de donner suite aux demandes formulées par l’Assemblée dans ses Résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008). C’est la raison pour laquelle l’Assemblée décide, à ce stade, de ne pas suspendre le droit de vote des membres de la délégation parlementaire arménienne auprès de l’Assemblée au titre de l’article 9, paragraphes 3 et 4.c, du Règlement. Elle décide de rester saisie de la question et invite sa commission de suivi à examiner, lors de sa prochaine réunion avant la partie de session du mois d’avril 2009, les progrès réalisés par les autorités arméniennes dans la mise en œuvre de la présente résolution et des résolutions précédentes, ainsi que de proposer toute mesure supplémentaire que la situation imposerait à l’Assemblée de prendre.

Annexe 3

Résolution 1647 (2009) – La mise en
œuvre de la Résolution 1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie

1. L’Assemblée parlementaire réaffirme pleinement sa Résolution 1633 (2008) sur « Les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie », adoptée le 2 octobre 2008. Dans cette résolution, l’Assemblée condamne vivement le déclenchement de la guerre entre deux de ses Etats membres et considère que, au cours de la guerre et à l’issue de celle-ci, les deux pays ont bafoué les droits de l’homme et les principes du droit humanitaire, de même que le Statut du Conseil de l’Europe et les engagements spécifiques pris par les deux Etats lors de leur adhésion. L’Assemblée a, par conséquent, formulé une série de demandes concrètes à l’endroit de la Géorgie et de la Russie, ainsi que des autorités de facto en Ossétie du Sud et en Abkhazie, dont la demande adressée à la Russie de revenir sur sa reconnaissance de l'indépendance de ces deux régions séparatistes. De ce fait, l’Assemblée a fourni une feuille de route transparente, impartiale et concrète, destinée à faire face aux conséquences de la guerre, non seulement à l’intention des parties concernées, mais aussi de l’Assemblée elle-même.

2. L’Assemblée accueille avec satisfaction l’établissement par l’Union européenne, le 2 décembre 2008, d’une mission d’enquête internationale indépendante sur le conflit en Géorgie, en vue de déterminer les causes du conflit et d’examiner son déroulement, y compris au regard du droit international, du droit humanitaire et des droits de l’homme, ainsi que les accusations portées à ce sujet. Il s’agit d’une étape essentielle pour l’établissement de la vérité. Elle formera le socle d’une réconciliation future entre la Russie et la Géorgie. A cet égard, l’Assemblée :

2.1. se félicite de ce que la Russie et la Géorgie souscrivent à l’ouverture d’une enquête internationale indépendante sur le déclenchement de la guerre et de leur volonté affichée de coopérer pleinement avec elle ;

2.2. invite la Russie et la Géorgie à coopérer désormais effectivement, pleinement et de manière inconditionnelle avec la mission d’enquête de l’Union européenne ;

2.3. invite tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et les Etats ayant le statut d’observateur auprès de l’Organisation à mettre à la disposition de la mission d’enquête toutes les informations, y compris les données satellitaires, susceptibles de servir à l’enquête ;

2.4. invite les Etats membres du Conseil de l’Europe qui sont également membres de l’Union européenne à veiller à ce que le rapport de la mission de l’Union européenne soit également présenté au Conseil de l’Europe, afin que ses conclusions soient examinées par l’Assemblée ; le Conseil de l’Europe continuera à exercer ses propres responsabilités concernant ce conflit entre deux de ses Etats membres ;

2.5. décide de revenir sur la question des causes et des circonstances précises du déclenchement de la guerre après la présentation du rapport de la mission de l’Union européenne.

3. L'Assemblée encourage toutes les parties à poursuivre, dans un esprit constructif, les pourparlers de Genève sur les modalités de la sécurité et de la stabilité en Abkhazie et en Ossétie du Sud en vue d'introduire un mécanisme de prévention des incidents comme proposé par les organisations assurant la co-présidence (Nations Unies, OSCE et Union européenne). L’Assemblée est favorable au principe selon lequel les représentants des personnes habitant l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie au début d’août 2008, à la fois les partisans des autorités de facto et ceux de la réintégration à la Géorgie, devraient participer à ces pourparlers. Elle insiste également sur le fait que leur statut au cours des pourparlers ne porte pas atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Géorgie. Aussi l’Assemblée invite-t-elle l’ensemble des parties à convenir d’une formule qui garantira leur participation, sans préjudice du statut des deux régions séparatistes.

4. L'Assemblée condamne la reconnaissance par la Russie de l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie et considère qu’il s’agit d’une violation du droit international et des principes du Conseil de l'Europe. L'Assemblée réaffirme son attachement à l'intégrité territoriale et à la souveraineté de la Géorgie et appelle à nouveau la Russie à revenir sur sa décision de reconnaître l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie et à respecter pleinement la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Géorgie ainsi que l'inviolabilité de ses frontières.

5. L’Assemblée s’inquiète particulièrement de l’escalade des tensions et des provocations le long des frontières administratives des régions séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, qui menace la stabilité de la région et pourrait provoquer de nouveaux affrontements ou un déclenchement des hostilités. Elle déplore en particulier les récentes attaques contre des policiers géorgiens dans les zones proches des frontières administratives d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Elle estime que l’accès intégral des observateurs internationaux en Ossétie du Sud et en Abkhazie, ainsi que l’établissement d’une nouvelle force de maintien de la paix internationalisée dans la région, sont essentiels pour garantir la stabilité et la sécurité et ne devraient pas dépendre de la question du statut. En conséquence, l’Assemblée :

5.1. déplore que la Russie et les autorités de facto refusent toujours d’autoriser l’accès des observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Ossétie du Sud et l’accès des observateurs de l’Union européenne en Ossétie du Sud et en Abkhazie ;

5.2. déplore grandement la fermeture de la mission de l’OSCE en Géorgie, par suite des griefs opposés par la Russie au sujet de son mandat exact, et invite l’ensemble des parties, et surtout les autorités russes, à accepter une formule pour le mandat de la mission de l’OSCE en Géorgie, y compris pour son opération de contrôle des forces armées, sans préjudice du statut des deux régions séparatistes ;

5.3. se félicite de l’accès systématique des observateurs de la Mission d'Observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG) en Abkhazie et invite l’ensemble des parties à ne prendre aucune mesure susceptible de compromettre le renouvellement du mandat de la MONUG par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 15 février 2009 ;

5.4. condamne la présence militaire russe sans mandat et la construction de nouvelles bases militaires au sein des régions séparatistes de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie ainsi qu’à Akhalgori, Perevi et dans la Haute-Abkhazie et dans les villages contrôlés par le gouvernement central de Géorgie avant l’éclatement du conflit.

6. L’Assemblée réaffirme son soutien sans réserve à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à l'inviolabilité des frontières de la Géorgie. A cet égard, elle regrette la ratification unanime, par les deux chambres du Parlement russe, des traités « d’amitié et de coopération » entre la Russie et les deux régions séparatistes, en violation de ces principes et de l’accord de cessez-le-feu du 12 août 2008.

7. L’Assemblée condamne le nettoyage ethnique et les autres violations des droits de l’homme en Ossétie du Sud, ainsi que l’incapacité de la Russie et des autorités de facto à mettre fin à ces pratiques et à traduire leurs auteurs en justice. L’Assemblée rappelle que, au regard du droit international, la Russie porte la responsabilité des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire dans ces régions, qui se trouvent sous son contrôle de facto.

8. S’agissant de la Géorgie, l’Assemblée :

8.1. se félicite de l’attitude constructive des autorités géorgiennes, ainsi que de leur volonté politique claire de respecter les demandes de l'Assemblée formulées dans la Résolution 1633 (2008), et considère que la Géorgie s’est conformée à bon nombre de ses demandes, mais pas à l’ensemble de celles-ci ;

8.2. invite les autorités géorgiennes à veiller à satisfaire rapidement et pleinement à toutes les demandes qui ne sont pas encore suivies d’effet ;

8.3. se félicite de l’établissement d’une commission d’enquête par le Parlement géorgien, preuve qu’il souhaite réfléchir aux actes et aux erreurs commis par les autorités géorgiennes lors du déclenchement et du déroulement de la guerre. L’Assemblée prend acte de l’achèvement des travaux de cette commission et de la publication de son rapport en décembre 2008 ; elle invite le Parlement à examiner ses conclusions à la lumière du rapport à venir de la mission d’enquête de l’Union européenne ;

8.4. au vu des preuves accablantes de la violation, par la Géorgie et la Russie, des droits de l’homme et du droit humanitaire pendant la guerre, se félicite de l’enquête ouverte par le bureau du Procureur général de Géorgie au sujet des allégations de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire commises par les deux parties au cours de la guerre et à l’issue de celle-ci ; elle l’invite à enquêter de manière impartiale sur toute allégation de violation portée à sa connaissance et à veiller à ce que les auteurs de ces actes soient traduits en justice ;

8.5. s’inquiète de ce que les dispositions de la loi géorgienne relative aux territoires occupés puissent être contraires aux principes du droit international en matière de droits de l'homme, y compris à la Convention européenne des droits de l'homme, et invite de ce fait la Géorgie à mettre rapidement en œuvre toute recommandation qui figurera dans le prochain avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur cette loi, qui lui a été demandé par la commission de suivi de l’Assemblée ;

8.6. invite la Géorgie à s’abstenir de tout acte susceptible de provoquer des tensions ou de les accroître le long des frontières administratives de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.

9. S’agissant de la Russie, l’Assemblée :

9.1. prend acte de l’intention manifestée par les autorités russes d’engager un dialogue constructif et ouvert avec l’Assemblée au sujet du conflit ;

9.2. se félicite de l’empressement montré par les parlementaires russes à engager un dialogue avec leurs homologues géorgiens sous l’égide de l’Assemblée ;

9.3. exhorte la Russie à appliquer pleinement et inconditionnellement toutes les exigences formulées dans la Résolution 1633 (2008) de l’Assemblée parlementaire, et notamment à revenir sur la reconnaissance des deux régions séparatistes de la Géorgie, à respecter l’accord de cessez-le-feu négocié par l’Union européenne le 12 août 2008, à autoriser l’accès des observateurs de l’OSCE et de l’Union européenne à l’Ossétie du Sud, Géorgie, et à l’Abkhazie, Géorgie, et à œuvrer à la création d’un nouveau modèle de maintien de la paix et d’une force internationalisée de maintien de la paix, avec la participation active des Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne ;

9.4. demande tout spécialement à la Russie de se retirer du district d’Akhalgori, de Haute-Abkhazie, de l’enclave géorgienne autour de Tskhinvali et du village de Perevi et de ramener sa présence militaire à son niveau antérieur au conflit ;

9.5. invite la Russie à mettre pleinement en œuvre et sans condition tous les points de l’accord de cessez-le-feu du 12 août 2008 ;

9.6. invite la Russie à consentir au renouvellement du mandat de la mission de l’OSCE en Géorgie, y compris de son opération de contrôle des forces armées;

9.7. invite la Russie à ne pas entraver le renouvellement du mandat de la MONUG en Abkhazie ;

9.8. invite la Russie à autoriser, sans plus attendre, le plein accès de tous les observateurs internationaux en Ossétie du Sud et en Abkhazie, et plus particulièrement à autoriser l’accès des observateurs de l’OSCE en Ossétie du Sud et l’accès des observateurs de l’Union européenne en Ossétie du Sud et en Abkhazie, sans faire dépendre cet accès de la question du statut ;

9.9. invite la Russie et les autorités de facto d’Ossétie du Sud à veiller à ce qu’il n’y ait plus d’actes de nettoyage ethnique et d'autres violations des droits de l’homme qui continuent à se produire en Ossétie du Sud et à traduire rapidement leurs auteurs en justice ;

9.10. appelle la Russie et les autorités de facto des deux régions à mettre immédiatement un terme aux provocations et aux aggressions commises le long des frontières administratives depuis l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie et à s’abstenir de tout acte susceptible de provoquer des tensions ou de les accroître le long des frontières administratives de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie ;

9.11. invite la Russie et les autorités de facto à garantir pleinement le droit au retour de toutes les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays vers les régions situées sous leur contrôle effectif ;

9.12. regrette, au vu des preuves accablantes de la violation, par la Géorgie et la Russie, des droits de l’homme et du droit humanitaire pendant la guerre et à l’issue de celle-ci, que le bureau du Procureur de Russie n’ait pas encore ouvert la moindre enquête sur les allégations de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire commises par la Russie et les forces d’Ossétie du Sud alliées à celle-ci. L’Assemblée appelle la Russie à ouvrir de telles enquêtes sans plus tarder et à veiller à ce que les auteurs de ces actes soient traduits en justice.

10. S’agissant des autorités de facto en Ossétie du Sud, l’Assemblée note qu’elles se sont dans l’ensemble conformées à la demande d’échange de prisonniers de guerre mais déplore qu’elles n’aient pas coopéré avec les missions internationales d’observation et qu’elles aient opposé des restrictions excessives à l’accès des organisations humanitaires en Ossétie du Sud.

11. L’Assemblée invite la Russie et la Géorgie :

11.1. à autoriser l’accès sans entrave et sans condition des organisations humanitaires et de l’aide humanitaire aux régions d'Ossétie du Sud et d’Abkhazie ;

11.2. à signer, sans plus tarder, la Convention des Nations Unies contre les bombes à sous-munitions ;

11.3. à mettre en œuvre les mesures provisoires ordonnées par la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour internationale de justice, ainsi que tout arrêt ultérieur de ces juridictions portant sur les allégations de violations des droits de l’homme commises au cours du conflit, et de coopérer pleinement et sans condition avec toute enquête éventuelle de la Cour pénale internationale ;

11.4. à travailler de manière constructive à la création de nouvelles modalités de maintien de la paix et d'une nouvelle force de maintien de la paix internationalisée.

12. L’Assemblée se félicite des initiatives prises actuellement par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe pour protéger les droits de l’homme et la sécurité humanitaire dans la région. Elle invite la Russie et la Géorgie à veiller à ce que les six principes qu’il a formulés à cet égard soient pleinement et effectivement mis en œuvre.

13. L’Assemblée s’inquiète particulièrement de la situation des droits de l’homme et de la situation humanitaire à Perevi, en Haute-Abkhazie et dans le district d’Akhalgori, ainsi que du statut du district d’Akhalgori qui, bien qu’il fasse techniquement partie de l’ancienne région autonome (oblast) d'Ossétie du Sud, n’a jamais été sous le contrôle des autorités de facto et a toujours été peuplé principalement de Géorgiens ethniques. A cet égard, l’Assemblée prend note de l’occupation du district d’Akhalgori par les forces russes le 15 août 2008, soit trois jours après la signature de l’accord de cessez-le-feu.

14. L’Assemblée juge inadmissible que les personnes résidant en Abkhazie et en Ossétie du Sud ne bénéficient pas de manière effective des mécanismes de protection des droits de l'homme qui leur sont garantis, en leur qualité de citoyens d’un Etat membre du Conseil de l'Europe, au titre de la Convention européenne des droits de l'homme et des autres conventions pertinentes du Conseil de l'Europe, par suite des conséquences de la guerre entre la Russie et la Géorgie. Une telle absence de protection des droits de l'homme ne saurait exister sur le territoire du Conseil de l'Europe. Aussi l’Assemblée invite-t-elle le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe à élaborer un plan d’action global pour veiller à ce que les droits consacrés par la Convention soient effectivement garantis aux personnes qui résident en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Celui-ci pourrait prévoir la mise en place d’une présence sur le terrain dans les deux régions séparatistes, comme le demandait l’Assemblée dans sa Résolution 1633 (2008), y inclus un Médiateur (Ombudsman) qui pourrait traiter des demandes individuelles dans des cas de violations des droits de l’homme. En l’absence d’autres enquêtes dignes de confiance, il convient que cette présence sur le terrain enquête également sur les violations des droits de l'homme commises au cours du conflit et à l’issue de celui-ci et qu’elle en établisse le bien-fondé.

15. L’Assemblée se dit une nouvelle fois convaincue que l’engagement d’un véritable dialogue est le seul moyen de régler tout conflit et de garantir la stabilité de la région à long terme, pourvu que soient remplies les conditions minimales d’un dialogue constructif telles que définies dans la Résolution 1633 (2008). Aussi charge-t-elle son Bureau de former en temps utile une commission spéciale ad hoc, à laquelle seront invités à participer des parlementaires géorgiens et russes, afin qu’ils examinent leurs divergences et élaborent des propositions concrètes, destinées à faire face aux conséquences de la guerre, dans le droit fil de la Résolution 1633 (2008). L'Assemblée serait également favorable à la participation éventuelle de représentants des communautés d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, issus à la fois des autorités de facto et de celles qui sont favorables à l’intégration à la Géorgie, aux travaux de cette commission, sous réserve d'un accord sur les modalités de leur participation.

16. L'Assemblée invite l'Union européenne à continuer de rechercher les moyens effectifs d'un règlement pacifique du conflit entre la Géorgie et la Russie, y compris le renforcement et l'extension du mandat de la mission d'observation de l'Union européenne (EUMM) pour qu'il couvre des fonctions de protection et de maintien de la paix des deux côtés des frontières de fait de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie et dans les autres parties des anciennes zones de conflit aujourd'hui occupées.

17. Ayant considéré les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie sur d’autres ‘conflits gelés’ en Europe, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe à intensifier leurs efforts diplomatiques afin de trouver des solutions qui évitent des confrontations violentes. En même temps, l’Assemblée devrait intensifier ses activités sur ces questions, notamment en ce qui concerne le Haut-Karabakh et la Transnistrie.

18. L’Assemblée réitère son engagement à jouer un rôle dans le domaine de la prévention des conflits et, dans ce contexte, salue la création d’une sous-commission ad hoc sur les systèmes d’alerte précoce et la prévention des conflits en Europe au sein de sa Commission des questions politiques.

19. L’Assemblée invite sa commission de suivi à contrôler les suites données par la Russie et la Géorgie à la présente résolution, ainsi qu’à la Résolution 1633 (2008), et d’en rendre compte à l’Assemblée lors de la deuxième partie de session en avril 2009. Elle renouvelle également sa demande pour que la commission de suivi renforce sa procédure de suivi à l’égard à la fois de la Géorgie et de la Russie.

Annexe 4

Résolution 1648 (2009) – Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie

1. L’Assemblée parlementaire, se référant à la Résolution 1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie, considère qu’une des premières priorités est de traiter les conséquences humanitaires de la guerre.

2. Suite au déclenchement de la guerre en août 2008, on estime que 133 000 personnes ont été déplacées de l’Ossétie du Sud et de la zone dite « tampon » ainsi que de l’Abkhazie vers le reste de la Géorgie. Selon les estimations des autorités russes, plus de 38 000 ressortissants d’Ossétie du Sud ont cherché refuge en Ossétie du Nord.

3. Depuis août 2008, environ 100 000 personnes déplacées à l’intérieur de la Géorgie sont rentrées dans leurs foyers, surtout dans l’ancienne zone dite « tampon » avec l’Ossétie du Sud. Il reste quelque 23 000 personnes sans grand espoir d’un retour rapide. Toutes celles qui s’étaient enfuies en Russie sont rentrées en Ossétie du Sud, à l’exception d’environ 2 000 d’entre elles. Le retour des réfugiés depuis le territoire russe est retardé en raison de la destruction de leurs habitations pendant le conflit.

4. En dépit du nombre important des personnes qui sont rentrées chez elles après le conflit, de grandes inquiétudes persistent sur la situation humanitaire et des droits de l’homme de celles qui sont rentrées, de celles qui ne peuvent pas rentrer et de celles qui sont restées en dépit des graves problèmes de sécurité.

5. Outre le sort des personnes déplacées récemment à l’intérieur de leur pays et des réfugiés, celui des 222 000 personnes déplacées par les conflits antérieurs et aussi des réfugiés de longue date dont la situation doit être résolue d’urgence continue de susciter des préoccupations.

6. Des inquiétudes subsistent aussi concernant tous les actes qui pourraient contribuer au nettoyage ethnique des Géorgiens des zones de conflit et d’occupation.

7. Le nombre des personnes portées disparues à la suite du récent conflit reste indéterminé.

8. La situation en Ossétie du Sud reste extrêmement compliquée pour les populations civiles. Elles sont coupées du reste de la Géorgie et n’ont que peu ou pas accès à l’aide humanitaire internationale et à un suivi des droits de l’homme. Elles font face à de graves difficultés avec la venue de l’hiver du fait, notamment, des pénuries de produits alimentaires et non alimentaires, de gaz et d’électricité. La situation est encore plus difficile pour ceux dont le foyer a été endommagé ou détruit. Pour les quelques Géorgiens ethniques restants, leur sécurité reste des plus délicates et ils font état de pressions accrues pour qu’ils renoncent à leurs passeports géorgiens et à leur identité géorgienne.

9. La situation dans l’ancienne zone dite « tampon » reste tendue et des personnes continuent à y être tuées par des tirs de snipers, munitions non explosées, mines ou autres pièges. Si le déploiement rapide de la mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE) a permis à de nombreuses personnes de rentrer dans leurs foyers dans cette ancienne zone dite « tampon » avant l’arrivée de l’hiver, cette mission a besoin d’un mandat plus fort et d’effectifs plus importants pour répondre aux besoins de sécurité de tous ceux qui vivent près de la « frontière » de fait avec l’Ossétie du Sud. La fermeture de la mission de l'OSCE en Géorgie et la cessation de ses précieuses activités d’observation sont très regrettables et accentuent encore la responsabilité de la MSUE de renforcer son mandat et sa présence.

10. La situation des personnes résidant encore dans le district d’Akhalgori continue de susciter de graves préoccupations. Quelque 5 100 d’entre elles ont déjà fui la région et il est à craindre que d’autres ne la quittent encore du fait de l’insécurité qui y règne, à laquelle s’ajoutent la rigueur des conditions hivernales et le manque de produits alimentaires et non alimentaires, de gaz, de chauffage, d’aide financière et de revenus.

11. Un grand nombre de personnes déplacées internes sont revenues dans la zone dite « tampon ». L’Assemblée note avec inquiétude que certains de ces retours ont été effectués avec des préavis très courts et sans que les PDI aient reçu toutes les informations voulues voire aient eu le choix de revenir – ce qui a compromis leur droit à un retour volontaire dans la sécurité et la dignité. Selon certains rapports, une centaine de personnes qui étaient revenues ont quitté leur foyer pour la seconde fois du fait du manque de sécurité dans certaines régions de l’ancienne zone dite « tampon ».

12. La situation des Géorgiens qui sont revenus dans le district de Gali reste précaire. La fermeture de la « frontière » de fait avec le reste de la Géorgie a eu un impact considérable sur les habitants de cette région: il leur est de plus en plus difficile de garder le contact avec leur famille, de vendre leurs produits, d’avoir accès aux soins de santé ou de percevoir leurs droits financiers de l’autre côté de la « frontière » de fait.

13. S’agissant de la sécurité, la situation dans le district de Gali reste aussi tendue et les personnes hésitent à sortir de leur maison la nuit. Des informations font toujours état d’intimidations. De plus, des mesures continuent d’être prises pour interdire l’enseignement en géorgien dans les écoles du bas-Gali. L’effet cumulatif de ces facteurs, le manque de sécurité et la crainte que les organisations internationales ne se retirent de la région vont pousser de plus en plus de personnes à quitter le district de Gali et à traverser la « frontière » de fait pour entrer en Géorgie. Si la frontière reste fermée, on peut s’attendre à un vaste mouvement de population de souche géorgienne.

14. La mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG) est en train de renégocier un mandat en vue d’assurer sa présence en Abkhazie suite à l’annulation de l’accord de Moscou sur lequel était fondé son mandat. La MONUG joue un rôle extrêmement important en Abkhazie et notamment dans le district de Gali et la vallée de Kodori où ses patrouilles régulières sur le terrain assurent une certaine sécurité bien reçue par les habitants.

15. De graves préoccupations se manifestent aussi concernant l’avenir des 1 500 personnes qui ont fui la vallée de Kodori lorsqu’elle a été occupée par les troupes abkhazes en août 2008. Une centaine de personnes sont restées dans la vallée et, bien que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) aient accès à elles, elles vont sans doute devoir passer un hiver très dur. Les autorités de facto d'Abkhazie portent assistance aux civils restés dans ce territoire.

16. L’Assemblée se félicite du rôle joué par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et de ses six principes pour assurer de toute urgence la protection des droits de l’homme et la sécurité humanitaire proposées après sa visite en août 2008.

17. L’Assemblée salue l’ampleur de la réponse internationale aux besoins de protection et d’aide humanitaire des personnes déplacées en Géorgie. À la suite de l’appel éclair pour la crise en Géorgie et à l’évaluation conjointe des besoins lancés au lendemain de la guerre, les engagements de fonds se montent à 4,5 milliards de dollars. L’Assemblée félicite les nombreuses organisations internationales et non gouvernementales qui se sont mobilisées rapidement pour soutenir la population géorgienne et son gouvernement.

18. Le gouvernement géorgien, tirant les leçons des erreurs commises lors des conflits antérieurs, s’est résolument attaqué aux problèmes humanitaires auxquels fait face la population.

19. Le gouvernement a agi rapidement pour apporter des solutions durables aux problèmes des personnes déplacées dans le pays qui n’ont que peu ou pas d’espoir de rentrer chez elles dans un proche avenir. Il faut saluer la construction de plus de 6000 petites maisons individuelles à deux chambres malgré des critiques quant à leur situation dans des zones éloignées des équipements collectifs et n’offrant guère de perspectives économiques. Le manque de clarté concernant les critères d’attribution de ces logements est aussi cause de préoccupations. Le gouvernement a également pris des mesures d’urgence en vue de la préparation pour l’hiver de 137 centres collectifs pour les PDI, avec l’aide de nombreux acteurs internationaux.

20. D’autres mesures importantes déjà prises incluent une assistance aux plus vulnérables et à ceux souffrant de problèmes psychologiques causés par le conflit. Les écoles en Géorgie, y compris celles de l’ancienne zone dite « tampon », ont rouvert et fonctionnent normalement et des fournitures scolaires ont été distribuées aux enfants. Des soins médicaux sont offerts mais doivent être continués tout au long de l’hiver.

21. L’Assemblée salue aussi la générosité de la Russie face aux besoins des réfugiés de l’Ossétie du Sud et de l’aide qu’elle leur offre lors de leur retour. Elle déplore cependant les restrictions imposées à la distribution de l’aide humanitaire internationale dans la région et l’insistance que toute l’aide à destination de l’Ossétie du Sud transite par la Russie plutôt que par la Géorgie.

22. L’Assemblée déplore que l’accès humanitaire soit devenu victime des considérations politiques des parties en présence et elle est aussi préoccupée par les dispositions de la nouvelle loi géorgienne sur les territoires occupés, qui risquent de limiter l’accès des travailleurs humanitaires et la distribution de l’aide humanitaire à toutes les régions et qui peuvent ne pas être conformes aux obligations internationales pertinentes ou même les violer.

23. L’Assemblée déplore également que du fait des restrictions imposées par les autorités de fait d’Ossétie du Sud concernant l’entrée en Ossétie du Sud depuis la Géorgie il ne lui ait pas été possible de recueillir des informations de première main sur la situation de la population dans la région.

24. Au vu des considérations qui précèdent, l’Assemblée demande instamment à la Géorgie, à la Russie et aux autorités de fait de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie:

24.1. de se conformer sans conditions aux normes des droits de l’homme et du droit humanitaire international et, plus précisément, de respecter leurs obligations et engagements au titre de la Convention (IV) de la Haye de 1907, des Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles additionnels et de la Convention européenne des droits de l’homme;

24.2. de diligenter des enquêtes indépendantes et impartiales sur toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire et, s’il y a lieu, d’engager des poursuites, et de permettre aux ombudspersons des droits de l’homme de mener leurs propres enquêtes indépendantes;

24.3. de veiller à ce que des réparations soient prévues en cas de violations du droit international des droits de l’homme et du droit humanitaire, notamment la restitution des biens et l’octroi d’une indemnisation;

24.4. d’accorder l’accès permanent immédiat et libre à toutes les régions du conflit à tous les acteurs humanitaires, qu’ils viennent de Géorgie ou de Russie, pour qu’ils puissent s’occuper, sans plus attendre, des personnes déplacées internes et de tous autres civils à risque. Elles devront éviter de prendre toute mesure susceptible d’entraver cet accès;

24.5. de veiller à ce que toute l'aide humanitaire et tous les biens essentiels puissent passer et atteindre les personnes qui en ont besoin. Cela comprend l'approvisionnement en gaz et en eau ;

24.6. de garantir que toutes les personnes déplacées par le présent conflit et les conflits antérieurs aient le droit de retourner chez elles – de leur plein gré – et de veiller à ce qu’elles puissent le faire en toute sécurité et dans le respect de leur dignité. Ce droit au retour est le point de départ de toute solution durable au déplacement interne et la loi humanitaire internationale oblige toutes les parties concernées, une fois l’action militaire terminée, à tout mettre en œuvre pour remédier aux maux infligés aux civils et assurer aux réfugiés et aux personnes déplacées un retour en toute sécurité vers leurs lieux de résidence;

24.7. de garantir le droit de toutes les personnes déplacées – soit récemment soit lors de conflits antérieurs – de choisir librement si elles veulent rentrer dans leur foyer, s’intégrer localement ou se réinstaller dans une autre partie du pays et de prendre les mesures voulues pour leur permettre de participer totalement à la planification et à l’organisation de leur retour, de leur réinstallation et de leur réintégration;

24.8. de libérer et d'échanger immédiatement les prisonniers de guerre et les personnes emprisonnées à la suite du conflit et d’échanger les dépouilles mortelles;

24.9. de veiller à ce que tous les otages soient libérés et échangés sans retard et à ce que la pratique de la prise d'otages soit poursuivie en justice et abolie;

24.10. de résoudre le problème des personnes disparues lors du conflit récent et des conflits précédents en reconstituant, le cas échéant, les commissions de travail des deux côtés et en travaillant en étroite collaboration avec le CICR;

24.11. d’échanger leurs informations sur les mines et autres munitions non explosées et de retirer, avec l’aide de Halo Trust et des autres experts de la région, les munitions non explosés restantes; de garantir que toutes les zones de danger soient répertoriées, clôturées et connues des populations locales et que les programmes de sensibilisation aux dangers de ces restes de munitions se poursuivent à l’intention des personnes à risque, que ce soient des civils, des policiers, des membres des autorités ou autres;

24.12. de prendre des mesures de protection efficaces des propriétés des personnes déplacées par le conflit actuel ou les conflits antérieurs afin qu’elles puissent leur être restituées à l’avenir;

24.13. de respecter les responsabilités qui leur incombent au titre de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention (IV) de la Haye de 1907 concernant les règles et coutumes de la guerre sur terre, qui prescrivent que les parties concernées restent responsables de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire dans toutes les zones qu’elles contrôlent de fait;

24.14. de convenir de renforcer la mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE) pour qu’elle puisse avoir une présence plus forte et avoir accès aux deux côtés de la zone frontalière de fait et aux anciennes zones de conflit aujourd’hui occupées;

24.15. de convenir de l’extension du mandat de la mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE) pour qu’il couvre la protection, voire le maintien de la paix, des deux côtés des « frontières » de fait de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie et dans les autres parties des anciennes zones de conflit aujourd’hui occupées;

24.16. d'examiner et d'adopter un nouveau mandat pour la Mission de l'OSCE en Géorgie, permettant notamment à cette dernière de procéder, entre autres, à l'observation des deux côtés de la « frontière » de fait de l’Ossétie du Sud ;

24.17. de se conformer pleinement aux six principes du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, pour assurer de toute urgence la protection des droits de l’homme et la sécurité humanitaire, élaborés à la suite de sa visite dans la région en août 2008, et de mettre en œuvre ses recommandations de suivi.

25. L’Assemblée demande instamment à la Russie et aux autorités de fait de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie:

25.1. de garantir la sécurité de toutes les personnes sous leur contrôle de fait, non seulement en Ossétie du Sud et en Abkhazie, mais aussi dans les territoires occupés du district d’Akhalgori, de Perevi et de la vallée de Kodori;

25.2. de veiller à ce qu’aucune nouvelle mesure soit prise qui aurait pour effet de forcer des personnes à quitter leur foyer ou leur patrie, contribuant ainsi au nettoyage ethnique;

25.3. de prévenir, de prendre des mesures de précaution et de mettre un terme à la situation de non-droit qui persiste, y compris les agressions physiques, les vols, l’intimidation, le harcèlement, le pillage, les enlèvements l'incendie volontaire et la destruction de propriétés et de poursuivre en justice ceux qui s’adonnent à de tels actes;

25.4. de soutenir un nouveau mandat renforcé pour la MONUG en Géorgie, y compris en Abkhazie et si possible également en Ossétie du Sud, et de permettre à la MSUE de remplir son mandat.

26. L’Assemblée demande instamment à la Géorgie:

26.1. d’améliorer la sécurité de toutes les personnes vivant le long de la frontière de fait et dans les anciennes zones de conflit, y compris en augmentant les patrouilles de police la nuit dans les zones les plus sensibles et non seulement aux postes frontières de fait;

26.2. d’améliorer la fourniture de l’aide humanitaire de base, y compris de matières alimentaires et non alimentaires et de bois de chauffage, dans les villages de la zone dite « tampon » adjacente à l’Ossétie du Sud;

26.3. d’adopter une stratégie et un plan d’action révisés à l’intention des personnes déplacées du fait du conflit récent et des conflits antérieurs et de veiller à ce qu’une assistance leur soit offerte sur la base de critères simples, rationnels, clairs et transparents de besoins réels et de vulnérabilité plutôt que de statut;

26.4. de veiller à ce que les personnes déplacées soient systématiquement informées et consultées pour qu’elles puissent décider librement et de manière informée de s’intégrer localement, de retourner dans leur foyer ou de se réinstaller ailleurs de manière permanente ou temporaire. De plus, les organisations internationales mandatées comme le HCR devraient être associées au processus de réinstallation et de retour;

26.5. de garantir que les personnes qui n’ont pas été déplacées mais qui rencontrent des problèmes du fait du conflit reçoivent une aide appropriée;

26.6. de continuer à fournir les soins médicaux primaires et une assistance psychologique aux personnes déplacées et aux personnes rentrées dans leur foyer, en se concentrant particulièrement sur les besoins des enfants;

26.7. de prendre des mesures pour garantir que les femmes déplacées et les enfants ne deviennent pas victimes de la traite ou de violences;

26.8. de trouver des manières d’alléger la dette des personnes déplacées qui ont perdu leur maison et leurs revenus et n’ont plus les moyens de rembourser leur dette bancaire;

26.9 de garantir que l'application de la nouvelle loi géorgienne sur les territoires occupés n'aggrave pas la situation humanitaire et des droits de l'homme des personnes vivant au-delà des « frontières » de fait de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie et n'entrave en rien l’accès humanitaire ;

26.10 de prendre intégralement en compte l'avis spécialisé de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur la compatibilité de la nouvelle loi géorgienne sur les territoires occupés avec les droits de l'homme ;

26.11. d’améliorer les informations fournies aux personnes déplacées quant à leurs droits et leur permettre de participer aux décisions affectant leur avenir.

27. L’Assemblée demande instamment à tous ses États membres et aux États ayant le statut d’observateur auprès de l’Organisation:

27.1. de continuer à offrir leur soutien et à engager leurs ressources afin:

27.1.1. de répondre d’urgence aux besoins humanitaires aigus des personnes nouvellement déplacées, y compris – mais pas uniquement – en matière d’hébergement;

27.1.2. d’aider les plus vulnérables, y compris les enfants, les vieillards, les malades, les handicapés, les mères célibataires, les infirmes et les traumatisés;

27.1.3. d’arriver à des solutions durables comportant un volet de protection pour les populations déplacées, tant nouvelles qu’anciennes;

27.1.4. de mettre en œuvre tous les volets du Plan d’action du gouvernement géorgien pour les personnes déplacées dans le pays – avec ses amendements, convenus avec les principaux acteurs internationaux, prenant en compte les nouvelles personnes déplacées.

27.1.5. de faciliter le passage d’une aide d’urgence à une aide au rétablissement et au développement de la Géorgie;

27.2. de veiller à la responsabilité et à la transparence des bénéficiaires de l’aide, qu’il s’agisse du gouvernement, d’autorités locales, d’organisations internationales ou non gouvernementales ou d’autres;

27.3. de soutenir les Nations Unies dans la négociation d’un nouveau mandat pour la mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG).

28. L’Assemblée demande instamment à l’Union européenne de veiller à ce que la mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE) reçoive les ressources nécessaires pour remplir son mandat et à ce que:

28.1 le mandat de la MSUE soit renforcé conformément aux besoins de protection et de maintien de la paix qui se font sentir ;

28.2. le personnel de la MSUE soit complètement formé aux normes des droits de l’homme;

28.3. les patrouilles soient accompagnées d’interprètes géorgiens;

28.4. de nouveaux postes soient ouverts le long de la frontière de fait pour permettre aux patrouilles de se rendre dans toutes les parties de la zone dite « tampon » en un temps relativement court.

29. L’Assemblée invite l'Union européenne à œuvrer en faveur d'une extension de sa Mission de surveillance (MSUE) à l'intérieur des « frontières » de fait de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.

30. L’Assemblée invite la Banque de développement du Conseil de l’Europe à envisager d’intervenir en vue d’aider les personnes touchées par le conflit, notamment les personnes déplacées et celles déplacées lors des précédents conflits, et de contribuer à la reconstruction dans les zones atteintes, y compris en Ossétie du Sud et en Abkhazie.

1 Recommandation 1498 (1999) sur la protection des droits de l’Homme et de la dignité des malades incurables et des mourants.

2 Le fonds est abondé à hauteur de 36,5 millions d’euros.

3 Créée aux termes de la convention relative à l’élaboration de la pharmacopée européenne adoptée en 1964, entrée en vigueur en 1974, la Pharmacopée européenne vise à l’élaboration d’une pharmacopée commune à l’échelle du continent, garantissant à la fois une meilleure circulation des médicaments et une amélioration de la qualité de ceux-ci. Le non respect de ses standards par les Etats parties de la Convention (36 membres ainsi que l’Union européenne, 22 observateurs et l’OMS) est punissable par les autorités judiciaires. Les normes qu’elle vend visent les principes actifs, les excipients et les récipients.


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