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N° 2094

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 novembre 2009




RAPPORT D’INFORMATION

fait

au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur les

critères de contrôle des études d’impact
accompagnant
les projets de loi,

par

par MM. Claude GOASGUEN et Jean MALLOT,

Députés.

___

INTRODUCTION 5

I. —  L’AFFIRMATION PROGRESSIVE DES ÉTUDES D’IMPACT 8
II. —  LA CONSÉCRATION DES ÉTUDES D’IMPACT
10
1. La loi organique du 15 avril 2009
11
2. Le Règlement de l’Assemblée nationale
15
3. Les règles fixées par le Comité d’évaluation et de contrôle
17
III. —  LA MISE EN PLACE DES ÉTUDES D’IMPACT PAR LE GOUVERNEMENT
17
1. L’élaboration des études d’impact
17
2. Le contenu des études d’impact
18
a) Le diagnostic
18
b) Les objectifs poursuivis
19
c) Les options possibles et les motifs du recours à une nouvelle législation
19
d) Les incidences prévisibles du dispositif
19
e) Les consultations menées
20
f) La mise en
œuvre de la réforme
20
3. Les études antérieures au 1er septembre 2009
21
4. Les études postérieures au 1er septembre 2009
22
a) Le projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer
23
b) Le projet de loi relatif au Défenseur des droits
24
c) Le projet de loi relatif au Grand Paris
25
IV. —  QUELS ENJEUX POUR DEMAIN, À COURT ET MOYEN TERMES ?
28
1. Le champ des études d’impact
29
2. Les questions juridiques
30
a) Le Conseil d’État
30
b) Le Conseil constitutionnel
31
3. L’utilisation et la finalité des études d’impact
33
4. Propositions et recommandations
34
a) La présentation des études d’impact
34
b) Le contenu des études d’impact
35
c) Les questions de procédure
37
EXAMEN DU RAPPORT PAR LE COMITÉ
41
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
55

ANNEXES :

1. Lettre du Président de l’Assemblée nationale au Premier ministre en date du 9 octobre 200956
2. Lettre du Premier ministre au Président de l’Assemblée nationale en date du 29 octobre 2009 57
3. Circulaire du 15 avril 2009 relative à la mise en
œuvre de la révision constitutionnelle 58
4. Application de la loi organique selon les types de projet de loi 59
5. Référentiel proposé pour examiner les études d’impact 60












MESDAMES, MESSIEURS,

Depuis le 1er septembre 2009, la plupart des projets de loi doivent être accompagnés, lors de leur dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat, d’une étude d’impact. Le nouveau Règlement de l’Assemblée nationale prévoit, par ailleurs, que des évaluations portant sur des amendements parlementaires peuvent être réalisées.

La consécration des études d’impact par la loi organique du 15 avril 2009, prise sur le fondement du troisième alinéa de l’article 39 de la Constitution dans sa rédaction résultant de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, traduit une volonté de mieux éclairer les choix faits en matière de législation, d’améliorer la qualité de la loi et de remédier au désordre normatif. Elle s’articule avec la nouvelle définition du rôle du Parlement qui figure au premier alinéa de l’article 24 de la Constitution, aux termes duquel : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ». Corrélativement a été mentionné, à l’article 47-2 de la Constitution, le fait que la Cour des comptes « assiste le Parlement et le Gouvernement… dans l’évaluation des politiques publiques ».

Désormais, le mécanisme des études d’impact ne peut plus être ignoré car la méconnaissance des obligations organiques qui s’y rapportent peut avoir des conséquences juridiques immédiates, une opposition de la Conférence des présidents de l’assemblée devant laquelle le projet de loi a été déposé pouvant faire obstacle à l’inscription de celui-ci à l’ordre du jour.

Il importe, en tout état de cause, de veiller à ce que les études d’impact contiennent les informations effectivement nécessaires pour éclairer les commissions parlementaires, qui ont désormais, sauf exceptions, la responsabilité d’élaborer le texte discuté en séance publique, et, plus largement, l’ensemble de la représentation nationale.

Présentation résumée du dispositif des études d’impact

Le troisième alinéa de l’article 39 de la Constitution prévoit que la présentation des projets de loi doit satisfaire aux conditions fixées par une loi organique. La loi organique du 15 avril 2009 dispose que les projets de loi déposés à compter du 1er septembre 2009 doivent faire l’objet d’une étude d’impact.

Les documents qui rendent compte de cette étude d’impact doivent être déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets auxquels ils se rapportent. L’article 8 de la loi organique précise que : « Ces documents définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l’intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation ». Le législateur a déterminé le contenu de ces documents (liste de prescriptions ordonnée en huit alinéas).

Aux termes du quatrième alinéa de l’article 39 de la Constitution : « Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours ».

La loi organique prévoit que la Conférence des présidents de l’assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé en premier lieu dispose de dix jours pour se prononcer. Lorsque le Parlement n’est pas en session, ce délai est suspendu jusqu’au dixième jour qui précède le début de la session suivante.

Certaines législations font l’objet de régimes particuliers (projets de loi autorisant le Gouvernement à prendre des mesures par ordonnances ou ratifiant lesdites ordonnances, projets de loi autorisant la ratification ou l’approbation de traités ou d’accords internationaux, projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale).

En outre, ont été introduites, dans le Règlement de l’Assemblée, des dispositions relatives à la publicité des études d’impact et au recueil d’éventuelles observations.

Sur le fondement de l’article 44 de la Constitution a par ailleurs été prévue la possibilité, dans certaines conditions, de procéder à l’évaluation préalable d’un amendement parlementaire.

Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, mis en place à l’Assemblée nationale sur le fondement du nouveau Règlement, a jugé nécessaire, dès sa deuxième réunion le 16 juillet 2009, de confier à deux de ses vice-présidents le soin de faire le point sur la question.

Le présent rapport, qui conclut la première mission effectuée pour le Comité, rappelle les fondements de la démarche de l’évaluation préalable depuis ses prémices jusqu’à son aboutissement en 2008-2009 et présente la manière dont les études d’impact se mettent aujourd’hui en place. Il formule, enfin, un certain nombre de propositions, résumées ci-après, qui sont destinées à renforcer l’efficacité du dispositif.

Résumé des propositions du rapport (voir pp. 34 et s.)

Le présent rapport formule des recommandations qui portent sur la présentation et sur le contenu des études d’impact ainsi que sur les procédures à mettre en œuvre.

a) La présentation des études d’impact

Le rapport recommande :

– une mention précise des sources utilisées lorsque des données sont présentées ;

– une identification des éventuelles contributions extérieures ;

– une mention des rubriques prévues par la loi organique du 15 avril 2009 que le Gouvernement juge non pertinentes au regard de l’objet du projet de loi considéré ;

– une mesure des impacts regroupant les différents ensembles indivisibles de dispositions qui peuvent se trouver à l’intérieur d’un même projet de loi ;

– plus accessoirement, une distinction entre les articles d’un projet de loi ratifiant des ordonnances selon qu’ils ont effectivement cet objet (absence d’étude d’impact) ou qu’ils en ont un autre (étude d’impact).

b) Le contenu des études d’impact

Le rapport insiste sur la nécessité de disposer :

– d’une présentation développée et argumentée des objectifs poursuivis, des options possibles et de la justification du recours à la loi ;

– d’éléments précis pour chacun des items de la loi organique du 15 avril 2009 et notamment d’une évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public et, plus largement, de leurs effets tant directs qu’indirects ou connexes ;

– de l’estimation du coût du dispositif pour chaque catégorie de personnes concernée et de la méthode de calcul utilisée ;

– de la liste des consultations obligatoires et non obligatoires en précisant le sens des avis rendus et en quoi ces consultations ont contribué au projet de loi.

Il suggère également une prise en compte des indicateurs et objectifs de performance qui sont présentés au Parlement, en amont du débat budgétaire, conformément à la loi organique relative aux lois de finances.

c) La procédure

Le rapport recommande :

– une définition plus précise du rôle de la Cour des comptes qui doit comprendre, en toute hypothèse, une assistance de sa part aux organes du Parlement compétents en matière d’évaluation des politiques publiques, conformément à l’article 47-2 de la Constitution ;

– la reconnaissance de prérogatives particulières permettant de procéder aux vérifications nécessaires ;

– une présentation clairement identifiée des études d’impact dans les « documents papier » mis en distribution et sur le site internet de l’Assemblée nationale ;

– une organisation efficace du recueil des observations du public sur les études d’impact ;

– une harmonisation des approches entre les commissions (proposition de référentiel commun) ;

– un usage encadré du recours à l’évaluation s’agissant des amendements parlementaires.

Le rapport conclut sur la nécessité de réévaluer les critères d’analyse des études d’impact à intervalles réguliers et de mettre en place, à l’Assemblée nationale, une organisation interne qui permette d’en assurer le contrôle dans les meilleures conditions.

I. —  L’AFFIRMATION PROGRESSIVE DES ÉTUDES D’IMPACT

Les moyens susceptibles d’améliorer la qualité de la réglementation en général, de la loi en particulier, sont débattus depuis plusieurs années dans la plupart des enceintes internationales.

L’Organisation pour la coopération et le développement économique en Europe (OCDE) a été le cadre, dès les années 1990, d’une réflexion approfondie. Considérant que des règles de qualité étaient une marque de compétitivité, l’OCDE a fait valoir, dès 1995, que les études d’impact pouvaient et devaient jouer un rôle essentiel en garantissant le choix des options d’action les plus efficaces et les mieux à même d’être concrétisées. Il y a plus de dix ans déjà elle recommandait aux gouvernements « d’intégrer l’analyse d’impact de la réglementation dans la préparation, l’examen et la réforme des réglementations ».

Les travaux de l’OCDE ont inspiré les réflexions de l’Union européenne : le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont souscrit des engagements mutuels pour améliorer la qualité des normes qu’ils émettent ; la pratique des études d’impact s’y est notablement développée tout au long des années 2000.

En France, également, les assemblées parlementaires, le Gouvernement, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel recherchent, depuis plusieurs années, des voies susceptibles de remédier au « désordre législatif ».

La pratique de l’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques depuis plus de vingt-cinq ans, l’expérience à l’Assemblée nationale de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) et de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), le renforcement à partir de la résolution du 12 février 2004 du suivi de l’application des lois, témoignent de cette volonté.

Les exigences du Conseil constitutionnel relatives à la procédure d’adoption de la loi et à la qualité de la norme de droit, qui se sont renforcées à partir de 2004, participent de cette préoccupation.

S’agissant de l’évaluation ex ante, dont le Gouvernement est responsable au premier chef, les études d’impact, promues à l’échelon international, ont aussi été, de longue date, préconisées au niveau national, par des groupes de travail et par des circulaires du Premier ministre.

• Dès 1994, le « rapport Picq » sur la réforme de l’État a suggéré la réalisation d’études d’impact préalables à l’élaboration de nouvelles législations ou réglementations. Il est à l’origine de la circulaire du Premier ministre du 26 juillet 1995 prescrivant la réalisation d’études d’impact pour les projets de lois et de décrets les plus importants. Une méthodologie a été définie la même année (circulaire du Premier ministre du 21 novembre 1995) puis complétée en 1998 (circulaire du Premier ministre du 26 janvier 1998).

• Quatre ans plus tard, en 2002, le groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation présidé par M. Dieudonné Mandelkern a tiré un bilan négatif de la pratique des études d’impact. Perçues comme une contrainte supplémentaire elles ont souvent été réalisées après l’élaboration des textes, justifiant a posteriori et de façon sommaire des arbitrages déjà rendus. Elles n’ont pas eu l’effet espéré en termes de rationalisation des choix publics.

• Deux circulaires du Premier ministre, en date des 26 août et 30 septembre 2003, relatives à la maîtrise de l’inflation normative et à l’amélioration de la qualité de la réglementation, introduisirent une certaine souplesse dans le dispositif et prescrivirent la désignation, dans chaque ministère, d’un haut fonctionnaire en charge de la qualité de la réglementation, ainsi que l’élaboration d’une Charte de la qualité de la réglementation. Mais ces circulaires n’ont, pas davantage que les précédentes, répondu aux espoirs placés en elles.

• Un nouveau rapport au Premier ministre, réalisé sous la direction de M. Bruno Lasserre, devait ultérieurement suggérer, en 2004, que toute proposition susceptible de déboucher sur un texte normatif soit précédée, à tout le moins, d’une étude d’options réalisée par le ministère à l’origine du projet, présentant les objectifs poursuivis et les diverses possibilités d’action. L’étude d’impact devait être réservée aux réformes les plus importantes en termes financiers – plus de 50 millions d’euros –, de destinataires directs – plus d’un million – ou de conséquences pour un secteur économique et social ou une profession déterminés.

• Dans son rapport public consacré à la sécurité juridique et à la complexité du droit le Conseil d’État constatait cependant, en 2006, que : « La très grande majorité des projets de loi et de décret en Conseil d’État continue d’être précédée d’un simple exposé de motifs qui est en réalité une justification plus ou moins argumentée du texte par le service qui l’a rédigé. On constate même une régression à cet égard : après être restées purement formelles, les études d’impact sont implicitement abandonnées. Les circulaires venues depuis plus de trente ans rappeler les disciplines à respecter sur l’élaboration des textes n’ont donc guère réussi à enrayer l’accélération du rythme de fabrication des normes ni à en rationaliser l’exercice ».

Face à ce bilan, observant que la réussite de plusieurs expériences étrangères ouvrait pourtant des perspectives d’action, le Conseil d’État formula la proposition suivante : « Il est aujourd’hui nécessaire de s’interroger sur l’opportunité de recourir à un instrument juridique de rang plus élevé dans la hiérarchie des normes que la circulaire et tendant à fixer quelques obligations de procédure, en particulier à subordonner le dépôt d’un projet de loi devant les Assemblées à ce qu’il soit assorti d’une évaluation préalable de l’impact de la réforme. Ces règles pourraient figurer dans une loi organique, prise sur le fondement d’un alinéa ajouté à l’article 39 de la Constitution en vue d’organiser la procédure d’élaboration et de dépôt des projets de loi devant le Parlement ». L’objectif est clair : « L’évaluation préalable formalisée deviendrait un élément de la régularité de la procédure ».

Cette proposition nécessitait cependant une double réforme, constitutionnelle et organique. Dans l’attente, les rédacteurs des projets de loi purent se reporter au Guide pour l’élaboration des textes législatifs et réglementaires, plus connu sous le nom de Guide de légistique, élaboré par le Conseil d’État et le Secrétariat général du Gouvernement. Dans ce guide, il est indiqué que « la procédure de l’étude d’impact constitue l’un des outils majeurs des politiques mises en œuvre pour améliorer la qualité de la réglementation ». L’accent est mis sur l’analyse de la nature des difficultés à résoudre, la définition de l’objectif assigné à la réforme et l’examen des différentes options envisageables dans la conduite de cette dernière. « L’évaluation préalable ne saurait se comprendre comme un exercice formel de justification a posteriori d’une solution prédéterminée, ni une appréciation "technocratique" de l’opportunité d’une réforme qui viendrait se substituer à la décision politique : elle est une méthode d’aide à la décision destinée à éclairer les choix possibles, en apportant à l’autorité responsable les éléments d’appréciation qui lui sont nécessaires, sur des bases aussi précises et objectives que possible ».

II. —  LA CONSÉCRATION DES ÉTUDES D’IMPACT

La pratique de l’étude d’impact n’est pas une nouveauté en soi. Comme on l’a vu, elle trouve sa place au stade de l’élaboration du droit communautaire, la Commission européenne accompagnant systématiquement ses propositions de directive ou de règlement d’une étude d’impact. Des obligations d’évaluation préalable existent aussi en ce qui concerne certains actes réglementaires (1). Des projets de loi ont déjà fait l’objet, dans le passé, d’études d’impact.

Toutefois, la mise en place d’un instrument véritablement efficace s’est longtemps heurtée à l’absence de contrainte sur le plan juridique. C’est la raison pour laquelle, dès la première lecture du projet de loi de modernisation des institutions de la Ve République, l’Assemblée nationale a souhaité introduire, par amendement, à l’article 39 de la Constitution, un ancrage constitutionnel à la pratique des études d’impact. L’opportunité de cette démarche a été largement approuvée, dans les deux assemblées, par la majorité et par l’opposition.

Consécutivement chargé par le Premier ministre d’une mission temporaire sur la qualité de la norme juridique par un décret en date du 30 juin 2008, M. Jean-Luc Warsmann, Président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, indiquait, dans son rapport intitulé « Simplifions nos lois pour guérir un mal français » remis en février 2009, que : « L’instrument principal proposé pour lutter contre l’inflation normative et participer à la qualité de la norme est l’étude d’impact ».

1. La loi organique du 15 avril 2009

Les conditions de mise en œuvre des études d’impact ont été définies, au premier chef, par la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009. Celle-ci en a fixé le périmètre et le contenu ainsi que les modalités de transmission tant au Conseil d’État qu’aux assemblées. Elle a prévu les formes d’une éventuelle contestation par la Conférence des présidents (notamment un délai de dix jours à compter du dépôt du projet) ainsi que des précisions relatives à l’arbitrage du Conseil constitutionnel. Elle a enfin habilité le règlement de chaque assemblée à déterminer les conditions dans lesquelles des amendements parlementaires pourront faire l’objet d’une évaluation préalable.

Ce que prévoit la loi organique du 15 avril 2009

Chapitre II : Dispositions relatives à la présentation des projets de loi
prises en vertu de l’article 39 de la Constitution

Article 8

(al. 1) Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent.

(al. 2) Ces documents définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l’intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation.

(al. 3) Ils exposent avec précision :

(al. 4) – l’articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration, et son impact sur l’ordre juridique interne ;

(al. 5) – l’état d’application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par le projet de loi ;

(al. 6) – les modalités d’application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées ;

(al. 7) – les conditions d’application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l’absence d’application des dispositions à certaines de ces collectivités ;

(al. 8) – l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ;

(al. 9) – l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public ;

(al. 10) – les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d’État ;

(al. 11) – la liste prévisionnelle des textes d’application nécessaires.

Article 9

La Conférence des présidents de l’assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé dispose d’un délai de dix jours suivant le dépôt pour constater que les règles fixées par le présent chapitre sont méconnues.

Lorsque le Parlement n’est pas en session, ce délai est suspendu jusqu’au dixième jour qui précède le début de la session suivante.

Article 10

Après le chapitre III du titre II de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :

« Chapitre III bis

« De l’examen des conditions de présentation des projets de loi

« Art. 26-1. – Le Conseil constitutionnel, saisi conformément au quatrième alinéa de l’article 39 de la Constitution, avise immédiatement le Premier ministre et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

« La décision du Conseil constitutionnel est motivée et notifiée aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et au Premier ministre. Elle est publiée au Journal officiel. »

Article 11

L’article 8 n’est pas applicable aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, aux projets de loi de programmation visés au vingt et unième alinéa de l’article 34 de la Constitution ainsi qu’aux projets de loi prorogeant des états de crise.

Les dispositions des projets de loi par lesquelles le Gouvernement demande au Parlement, en application de l’article 38 de la Constitution, l’autorisation de prendre des mesures par ordonnances sont accompagnées, dès leur transmission au Conseil d’État, des documents visés aux deuxième à septième alinéas et à l’avant-dernier alinéa de l’article 8 (2). Ces documents sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi comprenant les dispositions auxquelles ils se rapportent.

L’article 8 n’est pas applicable aux projets de loi présentés au titre de l’article 53 de la Constitution. Toutefois, le dépôt de ces projets est accompagné de documents précisant les objectifs poursuivis par les traités ou accords, estimant leurs conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, analysant leurs effets sur l’ordre juridique français et présentant l’historique des négociations, l’état des signatures et des ratifications, ainsi que, le cas échéant, les réserves ou déclarations interprétatives exprimées par la France.

Article 12

I. – L’article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° Pour les dispositions relevant du 2° du I et du 7° du II de l’article 34, une évaluation préalable comportant les documents visés aux dix derniers alinéas de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. »

II. – L’article 53 de la même loi organique est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Pour les dispositions relevant du 2° du I et du 7° du II de l’article 34, une évaluation préalable comportant les documents visés aux dix derniers alinéas de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. » (3)

III. –  Le III de l’article LO 111-4 du code de la sécurité sociale est complété par un 10° ainsi rédigé :

« 10° Comportant, pour les dispositions relevant du V de l’article LO 111-3, les documents visés aux dix derniers alinéas de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. » (4)

Chapitre III : Dispositions relatives au droit d’amendement
prises en vertu de l’article 44 de la Constitution

Article 15

Les règlements des assemblées peuvent déterminer les conditions dans lesquelles des amendements des membres du Parlement, à la demande de leur auteur, ou des amendements de la commission saisie au fond peuvent faire l’objet d’une évaluation préalable communiquée à l’assemblée avant leur discussion en séance.

Par sa décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009, le Conseil constitutionnel a formulé plusieurs réserves d’interprétation importantes pour la mise en œuvre du mécanisme des études d’impact.

• Le Conseil a précisé, en premier lieu, que l’exigence de procéder à une étude correspondant aux rubriques énumérées par l’article 8 de la loi organique ne s’imposait que pour celles de ces rubriques qui apparaissaient pertinentes au regard de l’objet de la loi (cons. 15). Selon l’objet de la loi, certaines rubriques peuvent apparaître inappropriées.

• Le Conseil a jugé « que, si, par suite des circonstances, tout ou partie d’un document constituant l’étude d’impact d’un projet de loi venait à être mis à la disposition de la première assemblée saisie de ce projet après la date de dépôt de ce dernier, le Conseil constitutionnel apprécierait, le cas échéant, le respect des dispositions précitées de l’article 8 de la loi organique au regard des exigences de la continuité de la vie de la Nation » (cons. 17).

• S’agissant des études d’impact portant sur les projets de loi tendant à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, le Conseil a considéré « que cette disposition ne saurait, sans méconnaître l’article 38 de la Constitution, être interprétée comme imposant au Gouvernement de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu’il entend prendre sur le fondement de l’habilitation qu’il demande pour l’exécution de son programme » (cons. 21).

Le Conseil a par ailleurs déclaré contraire à la Constitution une disposition qui prévoyait que les projets de loi ratifiant des ordonnances seraient également accompagnées d’une étude d’impact. Il a considéré, en effet, que l’alinéa contesté imposait au Gouvernement de déposer non l’étude d’impact des dispositions en cause mais celle des ordonnances précédemment prises et qu’une telle exigence, qui ne trouvait pas son fondement dans l’article 39 de la Constitution, méconnaissait les prescriptions de ses articles 38 et 74-1 (relatifs à l’adoption desdites ordonnances).

• Le Conseil a considéré qu’en prévoyant que les études d’impact afférentes aux projets de loi d’autorisation de ratification de traités ou accords internationaux devraient présenter les réserves ou déclarations interprétatives exprimées par la France, l’article 11 de la loi organique visait les réserves exprimées avant le dépôt du projet. Par suite il n’est pas porté atteinte à la liberté du pouvoir exécutif, à l’occasion de la ratification d’un traité ou d’un accord, de déposer des réserves, de renoncer à des réserves qu’il avait envisagé de déposer et dont il avait informé le Parlement ou, après la ratification, de lever des réserves qu’il aurait auparavant formulées (cons. 25).

• À propos de l’article 12 de la loi organique, qui prévoit que les dispositions qui n’appartiennent pas au domaine exclusif des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale doivent être accompagnées des documents visés à l’article 8 de la loi, le Conseil a rappelé que cet article n’était pas pris en application de l’article 39 de la Constitution mais de ses articles 47 et 47-1 (qui fixent la procédure applicable aux projets de loi socio-financiers). En conséquence, la Conférence des présidents de la première assemblée saisie ne peut refuser l’inscription à l’ordre du jour des projets de loi de finances ou de loi de financement de la sécurité sociale même si elle estime que les évaluations ne satisfont pas aux prescriptions organiques.

Il résulte ainsi des dispositions précitées, combinées avec les termes de la décision du Conseil constitutionnel, que l’obligation organique de transmission au Conseil d’État puis au Parlement d’une étude d’impact vaut – parfois avec des adaptations – pour les projets de loi et dispositions législatives suivants :

þ Projet de loi ordinaire (y compris de programmation, hors orientations pluriannnuelles des finances publiques) ;

þ Projet de loi organique ;

þ Dispositions d’habilitation à prendre par ordonnances des mesures législatives ;

þ Dispositions « non exclusives » des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale (5;

þ Projets de loi autorisant la ratification ou approbation d’un traité ou accord.

En revanche, n’entrent pas dans le champ de l’obligation organique :

q Les projets de loi constitutionnelle ;

q Les projets de loi de programmation des finances publiques ;

q Les dispositions « exclusives » des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ;

q Les projets de loi prorogeant les états de crise ;

q Les dispositions de ratification d’une ordonnance.

L’absence d’obligation organique n’empêche cependant pas le Gouvernement, pour compléter l’information du Parlement, de présenter de façon volontaire des études d’impact. Il l’a d’ailleurs fait pour certains articles des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2010 qui n’appartenaient pas à leur domaine exclusif.

2. Le Règlement de l’Assemblée nationale

À l’occasion de la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale issue de la résolution du 27 mai 2009 ont été prévues les dispositions d’application des normes constitutionnelles et organiques désormais applicables en matière d’étude d’impact.

Ces dispositions concernent le rôle de la Conférence des présidents (article 47-1), la publicité des études d’impact et le recueil d’éventuelles observations (articles 83 et 86) ainsi que l’évaluation préalable des amendements parlementaires (article 98-1).

Il est également prévu que le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques puisse être saisi, par le Président de l’Assemblée ou par celui d’une commission permanente, pour donner son avis sur une étude d’impact (article 146-5). Il peut, dans certaines conditions, réaliser une évaluation préalable portant sur un amendement parlementaire (article 146-6).

Ce que prévoit le Règlement de l’Assemblée nationale

Article 47-1

1. La Conférence des présidents est compétente pour constater, s’agissant des projets de loi déposés sur le bureau de l’Assemblée, une éventuelle méconnaissance des conditions de présentation fixées par la loi organique relative à l’application de l’article 39 de la Constitution. Elle dispose d’un délai de dix jours à compter du dépôt du projet pour se prononcer. Ce délai est suspendu entre les sessions jusqu’au dixième jour qui précède le début de la session suivante.

2. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le Président de l’Assemblée peut saisir le Conseil constitutionnel dans les conditions prévues par l’article 39 de la Constitution. L’inscription du projet de loi à l’ordre du jour est suspendue jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel.

Article 83

(…)

2. Les documents qui rendent compte de l’étude d’impact réalisée sur un projet de loi soumis en premier lieu à l’Assemblée sont imprimés et distribués en même temps que ce projet. Ils sont mis à disposition par voie électronique, afin de recueillir toutes les observations qui peuvent être formulées.

Article 86

(…)

8. Les rapports faits sur un projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée comportent en annexe un document présentant les observations qui ont été recueillies sur les documents qui rendent compte de l’étude d’impact joints au projet de loi.

(…)

Article 98-1

1. Un amendement fait l’objet d’une évaluation préalable :

2. 1° À la demande du président ou du rapporteur de la commission saisie au fond, s’agissant d’un amendement de la commission ;

3. 2° À la demande de l’auteur de l’amendement et avec l’accord du président de la commission saisie au fond, s’agissant d’un amendement déposé par un député.

4. Le défaut de réalisation, d’impression ou de distribution d’une évaluation préalable sur un amendement ne peut faire obstacle à sa discussion en séance publique.

(…)

Article 146-5

Le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques peut être saisi pour donner son avis sur les documents qui rendent compte de l’étude d’impact joints à un projet de loi déposé par le Gouvernement. La demande doit émaner du président de la commission à laquelle le projet a été renvoyé au fond ou du Président de l’Assemblée. L’avis du comité est communiqué dans les plus brefs délais à la commission concernée et à la Conférence des présidents.

Article 146-6

Le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques est saisi pour réaliser l’évaluation préalable d’un amendement d’un député ou d’un amendement de la commission saisie au fond qui a été demandée conformément à l’article 98-1.

3. Les règles fixées par le Comité d’évaluation et de contrôle

Lors de sa réunion du 16 juillet 2009, le Comité d’évaluation et de contrôle a prévu, dans son règlement intérieur, des dispositions destinées à lui permettre d’exercer les compétences qui lui ont été confiées en ce qui concerne les études d’impact.

L’avis qui peut lui être demandé, soit par le Président de l’Assemblée, soit par celui d’une commission, est rendu par le Comité, par son bureau ou, conformément à la décision prise lors de sa réunion du 8 octobre, par deux de ses membres désignés pour exercer cette compétence (6).

La possibilité de saisir le Comité d’une demande d’évaluation d’un amendement parlementaire a été encadrée. La saisine doit préciser les dispositions de l’amendement visées par la demande d’évaluation préalable, ainsi que l’objet de cette demande. Des modalités plus souples ont en revanche été prévues en ce qui concerne les conditions dans lesquelles il peut se prononcer : le résultat de l’évaluation préalable est transmis par le comité ou par son bureau ; à défaut, il est transmis par au moins deux membres, dont un au moins appartient à un groupe d’opposition.

III. —  LA MISE EN PLACE DES ÉTUDES D’IMPACT PAR LE GOUVERNEMENT

1. L’élaboration des études d’impact

À la suite de l’adoption de la loi organique a été publiée la circulaire du 15 avril 2009 relative à la mise en œuvre de la procédure législative.

Dans cette circulaire, le Premier ministre indique que : « L’étude d’impact n’est pas assimilable à un exposé des motifs enrichi, mais constitue un outil d’évaluation et d’aide à la décision. Sa préparation doit être engagée dès le stade des réflexions préalables sur le projet de réforme. L’étude doit ensuite être affinée au fur et à mesure de l’élaboration du projet. C’est au ministre principalement responsable du projet de réforme de prendre en charge la responsabilité de l’étude d’impact. Ses services doivent prendre l’attache du secrétariat général du Gouvernement dès la mise en chantier du projet de réforme dans le double but d’arrêter le cahier des charges de l’étude et de déterminer les concours susceptibles d’être recherchés auprès d’autres administrations pour contribuer aux travaux d’évaluation préalable ».

Il est au demeurant précisé que le Conseil d’État ne sera saisi du projet de loi que si l’étude d’impact est jugée suffisante par le cabinet du Premier ministre et par le Secrétaire général du Gouvernement.

Le Secrétariat général du Gouvernement est au cœur du dispositif. En son sein, le service de la législation et de la qualité du droit et, plus particulièrement, la « mission Qualité de la norme », a la charge d’animer le travail interministériel sur les études d’impact.

Le Secrétariat général du Gouvernement a élaboré un certain nombre de documents destinés, pour l’essentiel, aux responsables de la réalisation des évaluations préalables : mémento, lignes directrices, vade-mecum de définition du cahier des charges, charte de présentation. Il s’est inspiré des pratiques et réflexions existantes, en particulier celles, déjà évoquées, de l’OCDE et de la Commission européenne. Le résultat de ces travaux est exposé ci-après.

En pratique, la première étape consiste, lors de la « mise en chantier du projet de réforme », à définir un cahier des charges, définition qui s’effectue dans le cadre d’une réunion entre les services du ministère porteur et ceux du Premier ministre. Cette réunion est organisée sur la base d’un document d’orientation procédant au moins à une analyse sommaire de la réforme envisagée et émanant du ministère porteur.

À cette occasion sont définis :

– une première trame de l’étude ;

– la part des contributions qui pourraient être demandées à des administrations autres que celles relevant du ministère porteur de la réforme, voire la part de contributions extérieures à l’administration ;

– le calendrier dans lequel il convient que soit rédigé le projet d’étude d’impact du ministère porteur.

Le document doit ensuite accompagner le futur projet de loi tout au long de son cheminement et évoluer parallèlement à celui-ci.

2. Le contenu des études d’impact

S’agissant du contenu de l’étude d’impact, et pour répondre aux exigences constitutionnelles et organiques qui ont été rappelées, le Secrétariat général du Gouvernement considère que le document transmis au Conseil d’État et au Parlement a vocation à restituer six étapes : sa réflexion, fondée sur un questionnement qui a inspiré la grille d’analyse proposée en annexe 4, est présentée ci-après.

a) Le diagnostic

Le diagnostic passe, selon le Secrétariat général du Gouvernement, par une description concrète et précise de la situation de référence et du problème identifié en fait et en droit.

b) Les objectifs poursuivis

La définition du ou des objectifs poursuivis doit être rigoureuse et précise pour permettre d’apprécier la nécessité de l’intervention d’une règle de droit nouvelle.

c) Les options possibles et les motifs du recours à une nouvelle législation

Pour justifier le recours à une nouvelle législation, comme l’impose la loi organique, le Secrétariat général du Gouvernement considère que deux grandes hypothèses doivent être distinguées, selon que l’élaboration du projet de loi considéré est prescrite ou non par une norme supérieure.

En l’absence de norme supérieure, il est demandé d’apprécier la nécessité de la réforme législative en examinant des options alternatives. Par définition, pour les projets de loi finalement déposés par le Gouvernement, la comparaison des options doit faire ressortir les raisons qui l’ont convaincu de la nécessité d’une intervention du législateur.

Il est également prescrit par le Secrétariat général du Gouvernement de préciser les conditions d’insertion de la réglementation nouvelle dans le corpus normatif en vigueur au regard du partage opéré par les articles 34 et 37 de la Constitution entre les domaines de la loi et du règlement (ce qui pourra conduire les auteurs de l’étude d’impact à justifier leurs choix, le partage précité pouvant être contrebalancé par d’autres considérations, y compris celle de l’intelligibilité de la loi).

d) Les incidences prévisibles du dispositif

Le Secrétariat général du Gouvernement indique que l’analyse doit porter tant sur les effets directs que sur les effets indirects.

Il est admis que toutes les incidences d’une réforme ne peuvent être exprimées de manière fiable sous forme monétaire. En conséquence, il convient de rechercher une quantification des types d’impact en termes physiques ou matériels, voire de se livrer à une description aussi précise que possible de l’effet en cause : impact juridique, conséquences macro et micro-économiques, financières (pour le budget de l’État, les budgets des collectivités territoriales et, le cas échéant, pour d’autres personnes publiques ou privées), sociales (au regard de l’intérêt général et des intérêts particuliers en cause) et environnementales (coût pour le climat, la biodiversité, y compris, lorsque c’est possible, leur « coût carbone ») de la réforme envisagée, conséquences sur l’emploi public.

S’agissant de l’évaluation des conséquences de la réforme, le Secrétariat général du Gouvernement rappelle aux ministères porteurs que la loi organique prescrit d’indiquer « la méthode de calcul retenue ».

e) Les consultations menées

Suivant l’exigence organique, l’étude doit dresser la liste des consultations menées avant la saisine du Conseil d’État, en distinguant, indique le Secrétariat général du Gouvernement, les consultations obligatoires et les autres formes de consultations :

–  les consultations obligatoires doivent être présentées en précisant les points sur lesquels elles ont porté et les résultats ainsi obtenus ;

–  les consultations non obligatoires peuvent présenter un degré variable de formalisation : appels à contribution, diverses formes de consultations ouvertes telles que les forums, y compris sur Internet, diverses formes de débat public.

f) La mise en œuvre de la réforme

L’étude doit comprendre la liste prévisionnelle des décrets nécessaires à l’application de la réforme envisagée. Toutefois, le Secrétariat général du Gouvernement a pris soin de rappeler que le Gouvernement n’est pas tenu de préciser le contenu des futurs décrets, conformément aux termes de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique du 15 avril 2009 (considérant n° 16). En outre, la liste précitée devra nécessairement être réexaminée au moment de la publication de la loi, ne serait-ce que pour l’adapter à l’évolution du texte induite par les travaux parlementaires.

*

* *

Une trame commune à l’ensemble des études d’impact est ainsi proposée par le Secrétariat général du Gouvernement. Elle doit permettre d’éviter la transmission au Conseil d’État et au Parlement de documents trop hétérogènes. Il va de soi que, en raison de la variété des sujets traités, cette trame est modulable en fonction de l’objet et de l’architecture du projet. Les études présenteront nécessairement des caractéristiques différentes tant sur le plan de leur structure que de leur volume.

Il est également précisé que, pour un projet comportant plusieurs pans de dispositions relativement autonomes les uns des autres (se matérialisant par exemple dans un titre ou un chapitre), il peut être préférable de restituer les différentes étapes ci-dessus pour chacun de ces pans pris séparément.

Il reste que, comme le rappelle la circulaire du 15 avril 2009, c’est au ministre « porteur » du projet d’élaborer l’étude d’impact, le Secrétariat général du Gouvernement n’ayant vocation – mais c’est déjà beaucoup – qu’à l’accompagner dans cette démarche et, le cas échéant, à porter une appréciation sur le caractère suffisant du document ainsi élaboré. Il va de soi que l’appui méthodologique du Secrétariat général du Gouvernement peut être plus ou moins poussé en fonction des moyens dont dispose le ministère à l’origine du projet.

Ces réflexions ont d’ores et déjà été mises à profit durant la période transitoire, le Premier ministre ayant demandé, dans sa circulaire du 15 avril 2009, que la pratique des études d’impact soit mise en œuvre immédiatement, sans attendre la date du 1er septembre 2009.

3. Les études antérieures au 1er septembre 2009

Durant la période transitoire, antérieure au 1er septembre 2009, près d’une vingtaine d’études d’impact ont été réalisées et transmises aux assemblées. Les projets de loi concernés portaient sur les problématiques suivantes : développement et modernisation des services touristiques ; transposition de la directive sur le crédit à la consommation et réforme de la procédure de traitement du surendettement ; orientation et formation professionnelle ; lutte contre la prolifération des armes de destruction massive ; réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français ; orientation et programmation pour la sécurité intérieure ; application de l’article 13 de la Constitution ; fusion des professions d’avocat et d’avoué près les cours d’appel ; application de l’article 65 de la Constitution ; évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et départementalisation de Mayotte ; protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet ; action extérieure de l’État ; élection des députés ; réseaux consulaires, commerces, artisanat et services ; entreprise publique La Poste et activités postales ; Conseil économique, social et environnemental.

Ces études d’impact sont malheureusement passées relativement inaperçues. Elles n’ont d’ailleurs été mises en ligne, semble-t-il, qu’à l’Assemblée nationale, pour les projets déposés en premier lieu sur son bureau. Leur contenu est hétérogène.

La plus petite étude d’impact (relative à l’application de l’article 13 de la Constitution) ne compte que quelques pages, la plus importante (relative aux orientations et à la programmation en matière de sécurité intérieure) près d’une centaine.

Certes, il ne saurait y avoir de norme en termes de volume : sauf à faire preuve d’un formalisme excessif l’ampleur du document doit être proportionnée à celle de la réforme et à la difficulté des questions qu’elle soulève. Toutefois, il est significatif de constater que l’exposé de la problématique, des objectifs poursuivis et du dispositif juridique finalement retenu occupent le plus souvent une place prépondérante, au détriment de l’étude des options alternatives, de la mesure des éléments quantitatifs (qui doit être détaillée et mentionner, le cas échéant, la source des éléments présentés, qu’il s’agisse de la référence de telle ou telle analyse ou de l’origine de telle ou telle donnée chiffrée) et de l’appréhension des conditions d’application de la nouvelle législation (modalités dans le temps, textes législatifs et réglementaires à abroger, mesures transitoires proposées, liste prévisionnelle des textes d’application nécessaires).

Ce premier constat critique mérite cependant d’être nuancé.

On doit d’abord insister sur le fait que ces études d’impact ont été présentées sur le fondement d’une démarche volontaire et réalisées dans des conditions particulières, sans toujours disposer ni du temps (puisque le législateur organique apportait au même moment d’ultimes modifications à ce qui est devenu l’article 8 de la loi du 15 avril 2009) ni de tous les outils nécessaires à un travail de qualité. Le Gouvernement a néanmoins pris le parti de présenter ces études au Parlement, y compris lorsqu’elles n’étaient que partielles, et cet effort doit être salué.

En outre, la qualité des études d’impact semble s’améliorer dans le temps. Les critiques qui viennent d’être faites s’appliquent avec évidence aux études d’impact associées, par exemple, aux projets de loi relatifs au développement et à la modernisation des services touristiques (février), à la formation professionnelle (avril), aux orientations et à la programmation pour la performance de la sécurité intérieure ou à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (mai). En revanche, la rigueur d’un cadre méthodologique désormais mieux maîtrisé a produit ses effets sur les études présentées par la suite, qui sont incontestablement plus utiles : on peut ainsi se reporter aux études d’impact relatives à la fusion des professions d’avocat et d’avoué près les cours d’appel (juin) ou à l’action extérieure de l’État (juillet).

4. Les études postérieures au 1er septembre 2009

Depuis le 1er septembre 2009, hormis les projets de loi approuvant des traités ou accords internationaux, ont été présentées six études d’impact portant sur sept projets de loi ordinaire et deux projets de loi organique. Des évaluations préalables ont également été réalisées sur les articles des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Ont été analysées plus particulièrement, dans le cadre de ce rapport, les trois premières études déposées sur le bureau de l’une ou l’autre des deux assemblées, qui portaient sur les projets de loi suivants :

– projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer, déposé au Sénat le 3 septembre 2009 ;

– projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits, déposé au Sénat le 9 septembre 2009 ;

– projet de loi relatif au Grand Paris, déposé à l’Assemblée nationale le 7 octobre 2009.

Cette analyse conduit aux observations suivantes.

a) Le projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer

L’étude d’impact qui se rapporte au projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer se présente sous la forme d’un document d’une quinzaine de pages « utiles » : sept pages environ sont consacrées à la présentation générale de la situation (partie 1) ; un peu plus de trois pages à l’exposé des problèmes à résoudre (partie 2), à la définition des objectifs (partie 3) et à la justification des moyens choisis (partie 4) ; un peu moins de trois pages à l’analyse des impacts.

Le poids relatif des développements consacrés aux impacts par rapport au restant du document ne devant pas être considéré comme un critère abstrait d’appréciation, l’équilibre n’est pas insatisfaisant en l’espèce, compte tenu de la relative faiblesse des effets directs du projet par rapport à ses effets indirects : le seul impact direct est, en effet, pour l’essentiel, l’effet dissuasif résultant des nouvelles règles énoncées par la loi ; les autres impacts traités dans l’étude ont un caractère indirect dont l’ampleur dépendra d’un paramètre peu prévisible, à savoir le nombre d’opérations qui se justifieront en fonction de l’évolution future du nombre d’actes de piraterie.

Les prescriptions organiques qui s’appliquent à l’étude d’impact semblent globalement satisfaites. Trois observations méritent cependant d’être formulées.

• En premier lieu, il n’est pas question dans cette étude d’impact des textes législatifs et réglementaires à abroger. S’agissant d’une obligation organique, il conviendrait, ne serait-ce qu’à titre de bonne pratique, que mention soit explicitement faite de l’inexistence des textes à abroger lorsque telle est l’opinion du Gouvernement.

• Il en va de même, sans doute à un moindre degré, des mesures transitoires proposées : le Gouvernement pourrait opportunément indiquer, lorsque c’est le cas, qu’aucune mesure de transition ne lui a semblé souhaitable ou nécessaire.

• Doit enfin être abordée la question des consultations. L’étude d’impact se borne à indiquer, en page 17, que des rencontres ont eu lieu avec « les acteurs du monde maritime français » afin de recueillir leurs appréciations et de leur faire des observations. Aucun compte-rendu de ces rencontres n’est livré, pas même leurs dates (deux séminaires sont évoqués). Les composantes de ce monde maritime français ne sont pas précisées ; leurs positions au regard des choix du Gouvernement opérés dans le projet de loi ne sont en aucune façon relatées. Si la loi organique se borne à prescrire que l’étude doit dresser la liste des consultations intervenues, cette exigence n’a de sens que si ces consultations sont identifiées et leurs résultats mentionnés.

b) Le projet de loi relatif au Défenseur des droits

L’étude d’impact relative au Défenseur des droits porte conjointement sur les deux projets de loi organique et ordinaire qui mettent en œuvre cette réforme. Elle comporte 65 pages, mais ce volume doit être relativisé car, abstraction faite de la présentation du contexte de la réforme, du bilan des actions du Médiateur, de l’exposé du droit européen et des annexes, l’étude d’impact à proprement parler n’occupe qu’une dizaine de pages.

En l’espèce, on est conduit à s’interroger sur l’importance relative de la présentation générale et de l’évaluation des impacts. Certes, comme cela a déjà été dit, l’étude d’impact ayant vocation à constituer un outil d’aide à la décision tant au stade de l’élaboration du projet de loi qu’à celui de la discussion parlementaire, les développements préliminaires font partie de la démarche ; la pratique de l’OCDE et de la Commission européenne va d’ailleurs dans ce sens. Mais la disproportion est ici suffisamment manifeste pour que le résultat ne puisse pas être considéré comme pleinement satisfaisant de ce point de vue.

Sans doute l’étude d’impact est-elle, dans l’ensemble, de bonne qualité. Elle fournit nombre d’informations factuelles, l’application du droit sur le territoire national est bien présentée, les textes législatifs et réglementaires à abroger sont énumérés dans un tableau très détaillé.

Il reste que la question du périmètre du Défenseur des droits n’est justifiée que de façon sommaire. En outre, les impacts sont souvent présentés dans des termes généraux, qu’il s’agisse de l’impact social (« la réforme permettra une action plus efficace »), administratif (« on peut parier sur un développement maîtrisé du nombre des saisines »), juridique (« la réforme devrait avoir un effet bénéfique sur les juridictions ») ou budgétaire (« la réunion des compétences du médiateur de la République, de la CNDS et du Défenseur des enfants devrait favoriser une meilleure allocation des moyens, qui permettra au Défenseur des droits d’exercer ses nouveaux pouvoirs moyennant un accroissement modéré de l’enveloppe budgétaire totale »).

Il est vrai que, en ce qui concerne le périmètre des autorités administratives regroupées, un inventaire complet des autorités « voisines » est néanmoins fourni.

Il est vrai, également, que l’anticipation des conséquences de la réforme apparaît comme la partie la plus complexe de l’étude dans la mesure où celle-ci doit à la fois se fonder sur des données quantifiées, qui ne sont pas toujours disponibles, et formuler une série d’hypothèses afin de se livrer à un exercice de prévision. Au cas particulier, peut-être était-il difficile d’aller plus loin dans la présentation des conséquences possibles, au regard de la nature essentiellement institutionnelle de la réforme ?

Enfin, s’agissant de la quantification des impacts prévisionnels, la création du défenseur des droits va très largement prolonger l’action des institutions regroupées. Il n’est dès lors pas incohérent de postuler que les ordres de grandeur actuels, qui sont indiqués, seront conservés, que ce soit en masse budgétaire cumulée, en effectifs, ou en nombre de saisines, même s’il ne s’agit que d’une première approximation.

c) Le projet de loi relatif au Grand Paris

L’étude d’impact afférente au projet de loi relatif au « Grand Paris » compte 91 pages. Elle aborde successivement les cinq titres du projet et, pour chacun d’eux, examine la situation de référence, les objectifs (sauf pour le titre II), les options possibles (sauf pour le titre II) et les impacts des dispositions envisagées (sauf pour les titres I et II). Elle présente également, pour les titres III et V, le régime des consultations et la liste des décrets d’application puis récapitule, in fine, pour l’ensemble du projet, les concertations qui ont eu lieu et les textes d’application nécessaires.

L’étude apporte des informations précieuses dans la perspective du débat parlementaire. Les objectifs poursuivis sont retracés de façon précise et développée. Recensement des options possibles, motifs du recours à une nouvelle législation, impact sur l’ordre juridique interne, listes prévisionnelles des textes d’application nécessaires : les rubriques correspondantes apparaissent convenablement renseignées.

Toutefois, outre le fait que le document fait sans doute preuve, à l’appui du projet, d’un « enthousiasme » politique qui ne relève pas nécessairement d’une étude d’impact, celle-ci appelle un certain nombre d’observations.

• Les éléments fournis ne sont pas toujours « à la hauteur » des prescriptions du huitième alinéa de l’article 8 de la loi organique, dont on rappellera qu’il fait référence à une « évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ».

Les impacts, juridique, administratif, environnemental, social, sont abordés. L’enjeu pour la croissance est important (il est question d’un million d’emplois sur les quinze prochaines années en Île de France, d’un point de croissance pour le PIB régional…). Les gains seraient directs et indirects. Mais l’analyse des incidences budgétaires est particulièrement sommaire.

Certes, sur un plan strictement juridique, on pourrait soutenir que la seule vocation de l’étude afférente à un projet de loi est d’apprécier l’impact des mesures qu’il emporte par lui-même. Mais ces mesures n’ont de sens qu’au regard du projet auquel elles participent : le vote des parlementaires n’est pas sollicité uniquement pour mettre en place des « outils » mais pour permettre la réalisation d’une politique pour laquelle des éléments de chiffrage sont souhaitables.

S’agissant du titre II (Société du Grand Paris et réalisation du réseau de transport) il est seulement indiqué, page 31, que : « Le montant des dépenses à réaliser au titre de la mise en œuvre des transports du Grand Paris peut être évalué à un total de 35 milliards d’euros. À ce stade, les dépenses prises en charge par la SGP sont estimées à une vingtaine de milliards d’euros ».

Cette estimation est reprise, dans la présentation du titre III, page 43 : « Le montant des dépenses à réaliser au titre de la mise en œuvre des transports du Grand Paris peut être évalué à un total de 35 milliards d’euros dont une vingtaine de milliards pour le schéma de rocade métro autour de Paris ». Mais elle n’est pas davantage développée ou étayée. Aucune méthode de calcul n’est présentée ni pour le coût direct, ni pour les effets indirects, que ce soit pour la phase d’investissement ou de fonctionnement.

Le volet « modalités de financement » ne se présente d’ailleurs pas comme un chapitre finalisé. Il est indiqué, page 32 : « Des études plus détaillées seront nécessaires… », « les modalités de financement de cet investissement d’intérêt national font l’objet de multiples travaux dont tous n’ont pas rendu leurs conclusions ». De fait, il n’est pas nécessairement critiquable que des questions, de financement notamment, soient encore ouvertes lors du dépôt d’un projet de loi, mais cela fait-il obstacle à ce que des hypothèses et des projections soient néanmoins présentées au Parlement ?

Sans doute peut-on se référer au rapport remis au Premier ministre, le 30 septembre 2009, par notre collègue, M. Gilles Carrez. Il permet de disposer d’un scénario qui, s’il n’engage pas le Gouvernement, précise l’ordre de grandeur du coût des opérations. Mais ce rapport n’est pas annexé à l’étude, et il n’y est explicitement fait référence que dans des termes imprécis (page 32, à propos uniquement des « sources fiscales de financement »).

Les incidences financières sont traitées page 44 sous la forme suivante : « La SGP disposera pour l’exercice de la maîtrise d’ouvrage du réseau de transport du Grand Paris de ressources de diverses nature telles que : dotations, subventions, avances ou participations apportés par l’État, l’Union européenne, les collectivités territoriales, les établissements publics ou toute autre entité ; emprunts ; produits de toute redevance ou taxe affectés par la loi ; tout autre concours financier. En conséquence, les impacts financiers seront examinés dans le cadre de la loi de finances ».

En ce qui concerne la répartition des coûts entre administrations publiques, il est indiqué, page 32, que « différentes catégories de bénéficiaires directs pourront être mis à contribution ».

Les éléments financiers fournis sont un peu plus précis pour le projet dit de « cluster » du plateau de Saclay (titre IV, voir pages 77-78). Les prévisions de recettes publiques font l’objet d’une estimation, les dépenses apparaissant cependant a priori supérieures à ces recettes publiques puisque sont mentionnés le recours à l’emprunt, ainsi que des financement complémentaires d’origine privée.

L’impact environnemental de la construction des 130 kilomètres de ligne prévus dans le milieu urbain est également renvoyé à des études ultérieures, par segment de construction (page 45).

S’agissant du titre V, le projet de loi est présenté comme n’ayant pas directement d’effet, les opérations d’urbanisme en question étant du domaine des collectivités territoriales.

• La rubrique correspondant au neuvième alinéa de l’article 8 de la loi organique, qui fait référence à une « évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public », n’est pratiquement pas renseignée.

On relève quelques indications, en page 21, à propos de « l’impact budgétaire » relatif à la mise en œuvre des dispositions du seul titre I, qui « recouvre la mobilisation des effectifs nécessaires à l’établissement des périmètres de préemption autour des gares. Le travail à fournir peut être estimé à une semaine d’ETP par gare, soit de l’ordre d’un ETP annuel, à concentrer sur une période de 3 à 6 mois ». Il est également signalé « que la maîtrise des délais de mise en œuvre du projet nécessitera la disponibilité des moyens humains de certains services, notamment les services de France Domaine chargés de l’évaluation des unités foncières qu’il s’agit d’acquérir en vue de la réalisation du projet ; les tribunaux d’instance en matière de juges de l’expropriation ».

Les effectifs de l’établissement public « Société du Grand Paris » ne sont pas évalués. En ce qui concerne l’établissement public de Saclay il est indiqué, page 78, que « les effectifs seront adaptés rigoureusement à la réalité du plan de charge de l’établissement public ». Il est également précisé que, pour la procédure de délimitation, « aucun moyen en personnel autre que ceux prévus par la création de l’établissement public ne sera nécessaire » (page 81).

• L’exposé des consultations menées, auquel fait référence le dixième alinéa de l’article 8 de la loi organique, est laconique.

Certes, le manque de précision des indications fournies tient pour partie à la nature des concertations engagées, souvent politiques, impliquant les collectivités locales et les élus, donc diffuses et faites de multiples contacts.

Il est également méritoire que l’étude indique, assez précisément, en quoi ces concertations ont fait évoluer le projet de loi (renforcement de l’association des collectivités et levée de certaines ambiguïtés), ce qui n’est pas une exigence organique mais éclaire opportunément la lecture du projet et de ses évolutions.

Pour autant on pouvait attendre, ne serait-ce que pour donner du sens aux règles organiques prévues à cet effet, des indications plus précises, une présentation des avis rendus voire leur reproduction intégrale dans l’étude d’impact elle-même ou en annexe de celle-ci.

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* *

Les observations qui précèdent n’ont pas été démenties par les études d’impact qui ont été déposées ultérieurement. On relève, toutefois, la spécificité de celle qui a été jointe au projet de loi portant réforme des juridictions financières, déposé sur le bureau de l’Assemblée le 28 octobre 2009. Si le recours à la loi découle pour partie d’une norme supérieure – l’article 47-2 inséré dans la Constitution à l’occasion de la révision du 23 juillet 2008, qui a modifié les missions assignées à la Cour des comptes –, le Gouvernement a néanmoins opportunément envisagé plusieurs scénarios : l’opportunité d’une réforme législative structurelle et complète est défendue contre le choix de deux réformes législatives moins ambitieuses. En revanche, s’agissant de la question des consultations déjà abordée ci-dessus, cette étude d’impact se borne à énumérer celles qui ont eu lieu et s’achève, de façon elliptique, par la phrase suivante : « Tous les entretiens ont été conduits de la même façon : après une présentation des différentes facettes du projet de réforme des juridictions financières, il a été demandé aux représentants des associations de faire connaître leurs observations et suggestions ».

IV. —  QUELS ENJEUX POUR DEMAIN, À COURT ET MOYEN TERMES ?

Depuis le 1er septembre 2009, les études d’impact doivent obligatoirement accompagner le dépôt de la plupart des projets de loi. Les Conférences des présidents des assemblées peuvent dorénavant exercer les prérogatives nouvelles que la Constitution leur reconnaît.

Par rapport aux expériences passées, la pratique des études d’impact prend désormais une toute autre ampleur : le changement est qualitatif eu égard à l’ampleur des éléments qui doivent y figurer ; le changement est juridique compte tenu des conséquences qui découlent de leur consécration par la loi organique.

S’agissant des évaluations portant sur des amendements, les dispositions correspondantes du Règlement de l’Assemblée nationale sont applicables aux amendements à des projets de loi déposés depuis le 1er septembre 2009 ainsi qu’aux amendements à des propositions de loi déposés à compter de la date de l’entrée en vigueur de la résolution du 27 mai 2009 (soit, en pratique, potentiellement, depuis la session extraordinaire du mois de juillet 2009).

L’appréciation de la portée de la réforme est encore sujette à un certain nombre d’interrogations auxquelles il n’est pas possible de répondre avec certitude à ce stade. Les enjeux en sont cependant bien identifiés et des améliorations au dispositif retenu peuvent d’ores et déjà être recommandées.

1. Le champ des études d’impact

La première inconnue concerne l’importance quantitative que vont prendre les études d’impact.

Un exercice de « rétro-simulation » réalisé par le Gouvernement permet d’avoir une idée relativement précise de l’ampleur de la réforme : 82 études d’impact auraient été transmises au Parlement en 2008 si les prescriptions de la loi organique avaient alors été applicables. Ces études se seraient réparties de la façon suivante :

– 47 (soit 57 %) auraient été transmises à l’appui de projets de loi présentés au titre de l’article 53 de la Constitution pour autoriser la ratification de conventions ou d’accords internationaux ;

– 27 (soit 33 %) à l’appui de projets de loi ordinaires ;

– 5 (soit 6 %) à l’appui des projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ;

– 3 (soit 4 %) à l’appui de projets de loi organiques.

Une partie seulement de ces projets, de l’ordre des deux tiers, a été déposée en premier lieu à l’Assemblée nationale.

Demeurent cependant quelques incertitudes.

Ainsi, les lois ratifiant des projets d’ordonnance ne sont pas soumises à étude d’impact, mais qu’en est-il, le cas échéant, des dispositions qui ont un autre objet et qui sont susceptibles d’être insérées dans un tel projet ? Il résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 15 avril 2009 un « vide » en ce qui concerne cette catégorie de projets, désormais passée sous silence par la loi organique.
On peut considérer, cependant, que l’intitulé d’un projet de loi ne saurait, par lui-même, exonérer l’ensemble des dispositions qui s’y trouvent de l’obligation de déposer une étude d’impact (la jurisprudence du Conseil va d’ailleurs dans le sens d’une déconnexion entre l’intitulé de la loi et l’approche juridique des dispositions qui s’y trouvent). S’agissant des lois de ratification d’ordonnances, la décision précitée est d’ailleurs motivée de façon précise : les études d’impact ne sont écartées que dans la mesure où elles sont susceptibles de porter sur l’ordonnance, une telle exigence méconnaissant les prescriptions des articles 38 et 74-1 de la Constitution 
(7).

2. Les questions juridiques

Les incertitudes qui pèsent encore sur les effets juridiques de la réforme concernent au premier chef le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.

a) Le Conseil d’État

Le Conseil d’État a, semble-t-il, fait le choix d’exercer un plein contrôle sur les études d’impact.

De fait, l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 dispose que : « Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent » (8).

Les documents doivent être communiqués au Conseil d’État, lequel est compétent pour s’assurer qu’ils satisfont aux prescriptions de la loi organique et donc que, de ce point de vue, le Gouvernement n’encourt pas un risque juridique au titre de la procédure législative.

On peut considérer que ce contrôle du Conseil d’État concerne également les documents afférents aux projets de loi présentés au titre de l’article 53 de la Constitution.

La portée de ce contrôle devrait être la même quelle que soit la nature des projets de loi dès lors que l’exigence d’une évaluation préalable a été fixée par le législateur organique : il devrait être tout aussi rigoureux s’agissant, notamment, des dispositions non exclusives d’une loi de finances ou d’une loi de financement de la sécurité sociale, même si le mécanisme de « sanction » par la Conférence des présidents ne s’applique pas, les dispositions en cause de la loi organique ayant été prises sur le fondement des articles 47 et 47-1 de la Constitution et non de son article 39.

Le Gouvernement ne saurait s’exonérer de ce contrôle préalable. La loi organique ne fait référence à aucune situation d’urgence lui permettant de le faire, sous réserve des circonstances exceptionnelles mettant en cause « la continuité de la vie de la Nation » pour reprendre les termes de la décision du Conseil constitutionnel (voir ci-après).

Il devrait résulter de ce contrôle que les documents rendant compte de l’étude d’impact seront susceptibles d’être modifiés entre le moment de leur transmission initiale au Conseil d’État et celui de leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie, afin de satisfaire aux éventuelles remarques du rapporteur de la section administrative concernée ou de l’assemblée générale du Conseil. On peut aussi concevoir que des compléments leur soient apportés dès lors qu’ils concourent à la bonne information du Parlement. En revanche, des retraits ou des modifications substantielles seraient plus contestables : les termes de la loi organique impliquent une certaine identité entre les documents transmis au Conseil d’État et ceux qui sont présentés au Parlement.

Le contrôle du Conseil d’État devrait cependant connaître des limites, parfois directement issues de la décision du Conseil constitutionnel.

b) Le Conseil constitutionnel

S’agissant du Conseil constitutionnel, des incertitudes demeurent en ce qui concerne l’étendue du contrôle qu’il exercera.

L’insuffisance d’une étude d’impact ne sera pas susceptible d’être invoquée à l’appui d’un recours formé a posteriori, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, sur le fondement du nouvel article 61-1 de la Constitution : d’une part, les études d’impact ne sont obligatoires que depuis le 1er septembre 2009 ; d’autre part, la question préjudicielle de constitutionnalité est circonscrite, selon les termes de la Constitution elle-même, aux atteintes aux droits et libertés.

En revanche se pose la question de savoir si le Conseil, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois organiques et ordinaires opéré sur le fondement de l’article 61 de la Constitution, pourra ou non être conduit à examiner la conformité des études d’impact à la loi organique, notamment lorsque la Conférence des présidents ne se sera pas prononcée explicitement ou lorsque, après en avoir débattu, elle aura considéré que les règles de présentation étaient respectées.

Dans son rapport n° 1375 déposé le 7 janvier 2009 sur le projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, M. Jean-Luc Warsmann, Président de la Commission des lois, privilégiait une approche restrictive de la compétence du Conseil constitutionnel : « En ce qui concerne la question du respect des règles de présentation des projets de loi, le constituant a entendu permettre au Conseil constitutionnel de jouer un rôle explicite d’arbitrage. L’intention n’a donc pas été de créer un nouveau motif d’inconstitutionnalité de dispositions législatives, mais uniquement de créer une procédure destinée à permettre la résolution d’une divergence d’opinion entre la Conférence des présidents et le Gouvernement. En ce sens, le parallèle le plus évident est celui pouvant être fait avec la procédure prévue par l’article 41 de la Constitution pour départager le Gouvernement et le président d’une assemblée du Parlement sur la question du caractère réglementaire ou non d’une proposition de loi ou d’un amendement ».

Considérant que la volonté du constituant était donc de faire intervenir le Conseil constitutionnel comme un aiguilleur des compétences entre les pouvoirs publics, le Président de la Commission des lois écrivait : « Une telle interprétation interdirait à tout auteur d’une saisine sur le fondement de l’article 61 de la Constitution de se prévaloir d’une absence de respect des conditions de présentation des projets de loi pour contester la constitutionnalité de la loi déférée ».

Pour autant, M. Warsmann admettait que l’on ne saurait exclure un contrôle du Conseil. La distinction entre les alinéas 3 (respect de règles de présentation fixées par une loi organique) et 4 (mécanisme de la Conférence des présidents) de l’article 39 de la Constitution peut plaider dans ce sens. Le Gouvernement semble l’anticiper puisqu’il indique, dans le document intitulé Lignes directrices, que si le mécanisme de la saisine par la Conférence des présidents ne s’applique pas aux évaluations afférentes aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, une éventuelle insuffisance « entre au nombre des questions susceptibles d’être invoquées devant le juge constitutionnel dans son contrôle de l’article 61 de la Constitution » (page 6).

À ce stade, la question demeure réservée. Est significatif, à cet égard, le commentaire suivant, extrait des Cahiers du Conseil constitutionnel (9), à propos de la décision du 9 avril 2009 rendue sur la loi organique : « Est restée non résolue la question de savoir si, outre la voie particulière de l’article 39, alinéa 4, le Conseil constitutionnel pourra être saisi dans le cadre de l’article 61 de la Constitution, de griefs dénonçant la méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l’article 39. La loi organique n’ayant pas traité de cette question, le Conseil constitutionnel n’a pas estimé nécessaire de la trancher ».

Dans tous les cas, on peut s’interroger sur la portée de la réserve formulée par le Conseil constitutionnel au considérant 17 de sa décision précitée du 9 avril 2009, dont les termes sont rappelés ci-après : « Si, par suite des circonstances, tout ou partie d’un document constituant l’étude d’impact d’un projet de loi venait à être mis à la disposition de la première assemblée saisie de ce projet après la date de dépôt de ce dernier, le Conseil constitutionnel apprécierait, le cas échéant, le respect des dispositions précitées de l’article 8 de la loi organique au regard des exigences de la continuité de la vie de la Nation ».

Le Conseil laisse ainsi la possibilité au Gouvernement de compléter son étude d’impact après le dépôt du projet de loi, le cas échéant d’ailleurs pour satisfaire à des observations de la Conférence des présidents. Il semble également manifester sa volonté de confronter le respect des obligations procédurales prévues par le législateur à l’objet de la loi (contrôle de proportionnalité). La référence aux domaines essentiels pour la continuité de la vie de la Nation renvoie généralement aux libertés fondamentales, à la souveraineté nationale ou à l’organisation des pouvoirs publics. Le Conseil s’est ainsi réservé une marge d’appréciation ; celle-ci devrait toutefois être limitée dès lors que les obligations procédurales dont il est ici question résultent directement de la Constitution.

3. L’utilisation et la finalité des études d’impact

De la réalisation d’études d’impact il est attendu, au premier chef, une amélioration effective de la qualité de la législation.

Les travaux menés jusqu’à présent ont toujours conclu à la pertinence de cette approche qui impose une réflexion préalable sur la nécessité de la nouvelle législation et son impact potentiel : selon cette analyse, l’insuffisance de l’évaluation préalable aurait une responsabilité substantielle dans le phénomène dit de « l’inflation » ou de « l’instabilité » législative.

L’étude d’impact, si elle est pratiquée très en amont c’est-à-dire, en principe, avant même que ne débute la rédaction d’un avant-projet de loi, peut modifier en profondeur les méthodes de travail gouvernementales. Si le Conseil constitutionnel a considéré que « le législateur ne pouvait demander au Gouvernement de justifier de la réalisation de cette étude dès le début de l’élaboration des projets de loi », il n’en demeure pas moins que cette précocité est une condition pour le succès de la démarche, ce qui a été opportunément rappelé par la circulaire du 15 avril 2009.

On peut concevoir qu’une étude d’impact conduise à abandonner certaines réformes ou à retenir d’autres options que la voie législative pour les mettre en œuvre : ce fut le cas, il y a quelques années, pour un projet relatif à la retraite des sportifs de haut niveau sur lequel fut demandée une évaluation préalable qui fit prévaloir des solutions réglementaires, celles-ci étant apparues suffisantes pour atteindre le même but.

L’étude d’impact peut ralentir le rythme de certaines réformes parfois trop précipitées. Elle impose, en tout état de cause, une instruction et une concertation minimales de la part des différents services concernés.

L’étude d’impact peut améliorer la mise en œuvre des réformes en anticipant certaines difficultés d’application et en permettant de prévoir la meilleure façon de les aborder et de les surmonter. Dans tous les cas, elle éclaire le choix de l’autorité politique sans se substituer à son appréciation.

On ajoutera que l’étude d’impact doit également servir l’évaluation a posteriori : elle forme un référentiel sur lequel la réévaluation de la politique publique considérée peut s’appuyer ultérieurement, par exemple pour reconstituer les objectifs qui étaient à son origine et apprécier leur validité10.

Enfin, l’étude d’impact peut favoriser la participation des citoyens à l’élaboration des normes et, partant, à l’amélioration de leur qualité. C’est dans cette perspective qu’ont été insérées, dans le Règlement de l’Assemblée, les dispositions prévoyant la mise à disposition du public, par voie électronique, des documents qui rendent compte de l’étude d’impact (article 83, alinéa 2), et une présentation dans les rapports des commissions sur les projets de loi des observations recueillies (article 86, alinéa 8). Le délai de six semaines qui sépare désormais, en application de l’article 42 de la Constitution, le dépôt des projets du début de leur examen, pourra d’ailleurs être ainsi mis à profit.

4. Propositions et recommandations

Le dispositif des études d’impact a naturellement vocation à évoluer dans le temps, pour s’adapter aux circonstances et ne pas perdre en efficacité.

Dans cette perspective, il est utile d’insister sur certains points et, d’ores et déjà, de formuler plusieurs recommandations qui portent sur la présentation et sur le contenu des études d’impact ainsi que sur les procédures à mettre en œuvre.

a) La présentation des études d’impact

L’examen des études d’impact déposées jusqu’à présent conduit à faire les observations suivantes.

—  La mention des sources
Les données fournies doivent mentionner la source dont elles émanent. Ces références sont nécessaires pour s’assurer de leur sérieux et, le cas échéant, pouvoir les confronter à d’autres données émanant d’autres sources.

—  L’identification des contributions extérieures
Lorsque des contributions sont demandées à des personnes ou organismes extérieurs à l’administration dans le cadre de la réalisation d’une étude d’impact, il est souhaitable que l’existence et le contenu de ces contributions, ou la participation directe de tel ou tel organisme à la réalisation de l’étude d’impact, apparaissent clairement dans le document transmis au Parlement.

—  La mention des rubriques non renseignées
Le Conseil constitutionnel a précisé que l’exigence de procéder à une étude correspondant aux rubriques énumérées par l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 ne s’impose que pour celles de ces rubriques qui sont pertinentes au regard de l’objet du projet de loi. Il est donc tout à fait possible que certaines rubriques soient inappropriées ou sans objet.

Dans cette hypothèse (par exemple, s’agissant de l’étude d’impact relative à la piraterie, les rubriques relatives aux textes à abroger ou aux mesures transitoires), il est souhaitable que le Gouvernement l’indique et le justifie expressément plutôt que de traiter la question par le silence.

—  La mesure de l’impact des différents ensembles de dispositions
L’étude d’impact doit apprécier les effets de chaque ensemble indivisible susceptible de se trouver à l’intérieur d’un même projet de loi. En particulier, lorsque le projet comporte diverses dispositions de nature différente, il convient de veiller à ce que l’étude d’impact analyse non pas la finalité de l’ensemble mais celle de chacun des blocs qui le constituent. Pour un projet comportant plusieurs pans de dispositions autonomes les uns des autres, elle doit restituer les différentes étapes de l’évaluation pour chacun de ces pans pris séparément.

—  La distinction entre les articles d’un projet ratifiant des ordonnances selon qu’ils ont effectivement cet objet ou qu’ils en ont un autre
S’il résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 2009 que les projets de loi ratifiant des projets d’ordonnance n’ont pas à être accompagnés d’une étude d’impact, il y a lieu de considérer que ceci ne concerne pas les dispositions qui ont un autre objet et qui sont susceptibles d’être insérées dans un tel projet. La décision du Conseil est d’ailleurs motivée de façon précise : les études d’impact ne sont écartées que dans la mesure où elles sont susceptibles de porter sur l’ordonnance, une telle exigence méconnaissant les prescriptions des articles 38 et 74-1 de la Constitution.

b) Le contenu des études d’impact

Bien que le contenu des études d’impact soit défini de façon suffisamment nette par la loi organique pour ne pas appeler de longs commentaires, plusieurs observations de fond méritent d’être formulées.

—  La présentation des objectifs et des options
La présentation des objectifs poursuivis, des options possibles et de la justification du recours à la loi (article 8, alinéa 2) ne doit pas s’apparenter à un simple exposé des motifs. Il ne s’agit pas seulement, pour se référer aux termes repris par le Conseil constitutionnel à propos de l’article 7 de la loi organique mentionnant l’exigence d’un exposé des motifs, « de présenter les principales caractéristiques du projet et de mettre en valeur l’intérêt qui s’attache à leur adoption ».

Le contenu doit nécessairement être plus développé, plus argumenté.

—  La précision
L’exigence de « précision » résulte des termes mêmes de la loi organique (article 8, alinéa 3). Elle s’applique à chacun des items qui figurent aux alinéas 4 à 11 de cet article 8. La lecture de certaines études d’impact, par exemple celle sur le Défenseur des droits, conduit à le rappeler.

—  La méthode de calcul
S’agissant de l’évaluation des conséquences, des coûts et des bénéfices attendus des dispositions envisagées, il est précisé par la loi organique que doit être indiquée « la méthode de calcul retenue » : il s’agit d’un élément essentiel, bien que parfois négligé, pour assurer la crédibilité des évaluations quantitatives avancées.

De ce point de vue, l’étude d’impact relative au Grand Paris, notamment, n’était pas pleinement satisfaisante. L’argument selon lequel ce projet de loi ne ferait que fixer un cadre et ne doit donc pas s’accompagner du détail des coûts prévisibles et des financements envisagés n’est pas pleinement recevable : il est toujours possible, lorsque certaines questions ne sont pas tranchées, de présenter des hypothèses et des projections et, en toute hypothèse, d’indiquer de quelle façon on parvient aux estimations globales dont il est fait état.

—  L’emploi public
L’étude d’impact ne saurait omettre d’évaluer les conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public. Là encore on citera, comme un contre-exemple, l’étude d’impact sur le projet de loi relatif au Grand Paris : dès lors que celui-ci propose de créer deux établissements publics, leurs effectifs potentiels devraient être évalués.

—  L’estimation du coût
Il serait utile de disposer, dans les études d’impact, d’une estimation du coût du dispositif proposé au Parlement, présentant, lorsque c’est justifié, non seulement le coût pour l’administration mais aussi pour les administrés, les usagers, les ménages, les entreprises.

—  Les incidences directes, indirectes, connexes
La présentation des impacts ne doit pas porter que sur les seuls effets directs. Les incidences d’un dispositif sur le plan social, ou sur les comportements, doivent également être appréhendées même lorsqu’elles sont difficiles à quantifier : l’exemple de la « taxe carbone » montre à quel point une mesure des effets indirects ou connexes, positifs et négatifs, dans toutes leurs dimensions, peut être nécessaire pour apprécier un dispositif.

À ce titre, et bien que cette rubrique n’apparaisse pas en tant que telle à l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009, il paraît également nécessaire, lorsqu’il y a lieu, que les études d’impact analysent l’incidence des lois proposées sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

—  La prise en compte des indicateurs et objectifs de performance
De manière générale, il est souhaitable que soient pris en compte les indicateurs et objectifs de performance qui sont présentés au Parlement, en amont du débat budgétaire, conformément à la loi organique relative aux lois de finances : d’une part, la cohérence des informations est une condition nécessaire pour assurer la crédibilité de l’évaluation ; d’autre part, il convient de faciliter le suivi au stade de la vérification des résultats obtenus.

—  Les consultations
La référence aux consultations menées avant la saisine du Conseil d’État (alinéa 10) ne doit pas être interprétée comme imposant de faire état de tous les contacts, même informels, qui ont pu avoir lieu. En revanche doivent être mentionnées les consultations obligatoires et non obligatoires dès lors qu’elles sont suffisamment formalisées. Devrait également être précisé le sens des avis rendus, y compris lorsqu’ils étaient critiques… et en quoi ces consultations ont contribué au projet de loi. La simple énumération de ces consultations ne présente par elle-même aucune valeur ajoutée pour les parlementaires.

c) Les questions de procédure

Les questions de procédure touchent au rôle éventuel de la Cour des comptes et à la gestion des études d’impact par l’Assemblée elle-même.

—  Une définition plus précise du rôle de la Cour des comptes qui doit comprendre, en toute hypothèse, une assistance au Parlement
Il est hautement souhaitable que la Cour des comptes apporte son expertise au Parlement en matière d’études d’impact conformément au premier alinéa de l’article 47 de la Constitution qui prévoit que « la Cour des comptes… assiste le Parlement et le Gouvernement… dans l’évaluation des politiques publiques ».

Le Premier Président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, a un temps envisagé que la Cour puisse donner un avis sur les études d’impact avant le dépôt des projets sur le bureau des assemblées. Dans une lettre datée du 7 juillet 2009 le Président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, écrivait à ce propos : « Je suis convaincu de l’intérêt d’une telle procédure pour améliorer les conditions d’élaboration des projets de loi et de leur examen par le Parlement, et ainsi garantir, par une expertise indépendante, que l’obligation d’accompagner les projets de loi d’études d’impact sera respectée tant au plan formel que qualitatif ».

En tout état de cause, la Cour devrait pouvoir répondre à des sollicitations des assemblées lorsque celles-ci cherchent à apprécier ou à vérifier les informations qui leurs sont transmises par le biais des études d’impact.

De façon plus générale, il serait utile de désigner rapidement dans la loi les organes du Parlement qui seront habilités à demander l’assistance de la Cour des comptes en matière d’évaluation des politiques publiques, afin de tirer les conséquences de la décision n° 2009-581 DC rendue par le Conseil constitutionnel, à ce propos, le 25 juin 2009 : le Conseil a alors considéré que cette question ne relevait pas du Règlement d’une assemblée mais de la loi. Dans le cas de l’Assemblée nationale il s’agirait, naturellement, au premier chef, du Comité d’évaluation et de contrôle, ainsi que des commissions permanentes, dans leurs champs de compétences respectifs (11).

—  Des prérogatives particulières permettant de procéder aux vérifications nécessaires
Conformément aux débats qui ont eu lieu au sein du Comité d’évaluation et de contrôle lors de sa réunion du 8 octobre 2009, il serait souhaitable de doter les rapporteurs chargés de vérifier les études d’impact des moyens juridiques leur permettant d’obtenir tous les renseignements dont ils ont besoin pour exercer leur mission. Concomitamment pourrait être surmontée la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009 en reconnaissant au Comité la possibilité de convoquer toute personne dont il estime l’audition nécessaire.

—  Une présentation clairement identifiée des études d’impact dans les « documents papier » mis en distribution
Il est souhaitable que l’étude d’impact soit publiée par l’Assemblée nationale à la suite immédiate du projet de loi auquel elle se rapporte, dans un document unique. Dans une telle hypothèse, qui a priori ne saurait concerner les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour lesquels les règles organiques sont spécifiques, la partie qui correspond à l’étude d’impact doit être aisément identifiable : le changement de couleur appliqué, à l’Assemblée nationale, à partir de l’étude d’impact associée au projet de loi n° 1961 relatif au Grand Paris, déposé le 7 octobre 2009, est particulièrement opportun.

—  Une présentation clairement identifiée des études d’impact sur le site internet de l’Assemblée nationale
La clarté et l’accessibilité de cette présentation est nécessaire pour que les députés puissent se saisir de cet instrument, pour que les citoyens puissent formuler, le cas échéant, des observations et pour que les rapports en fassent état ainsi que le prévoit le Règlement de l’Assemblée nationale.

De ce point de vue, la pratique mise en œuvre par Legifrance apparaît comme un modèle à suivre : le projet de loi et l’étude d’impact font l’objet de mentions distinctes avec deux liens qui renvoient auxdits documents.

—  L’organisation du recueil des observations
Le Règlement de l’Assemblée ayant prévu que les documents qui rendent compte de l’étude d’impact sont mis à disposition non seulement des députés mais plus largement du grand public par voie électronique, afin de recueillir toutes les observations qui peuvent être formulées, il convient d’organiser les conditions de ce recueil.

La possibilité de faire des observations doit être explicite et aisément accessible.

Le traitement de ces observations doit également être organisé afin qu’il puisse être opéré selon des modalités compatibles avec les conditions et les délais d’examen des textes.

La question peut se poser de savoir si le contenu des observations doit être intégralement apparent sur le site internet de l’Assemblée ou faire l’objet d’une présentation par le rapporteur, dans son rapport sur le projet de loi auquel se rapporte l’étude d’impact. La seconde option correspond davantage à la lettre du nouvel article 86 du Règlement.

—  Une harmonisation des approches entre les commissions
L’harmonisation des critères sur le fondement desquels les huit commissions permanentes et le Comité apprécieront la qualité des études d’impact paraît souhaitable, ne serait-ce que pour permettre à la Conférence des présidents d’exercer dans les meilleures conditions possibles les prérogatives qui lui sont désormais reconnues, à cet égard, par la Constitution. De ce point de vue, la démarche et les travaux du Secrétariat général du Gouvernement, présentés ci-dessus, aboutissent assurément à un référentiel commun (voir les annexes 3 et 4) dont il convient de s’inspirer.

—  L’évaluation des amendements parlementaires
La possibilité de demander au Comité d’évaluer la portée de certains amendements parlementaires est prévue par l’article 98-1 du Règlement, précité, qui fixe les conditions de cette saisine. Cette procédure supposera une forte réactivité et un certain pragmatisme : « Quick and dirty », comme disent les anglo-saxons, vaut mieux que rien, ou que très bien mais trop tard.

Pour que le Comité soit mis en mesure d’exercer cette compétence de façon satisfaisante, encore faudra-t-il que les auteurs d’amendements et les présidents des commissions en fassent un « bon usage ». Le recours aux capacités d’expertise dont sont dotées les commissions doit être utilisé de façon préférentielle. En tout état de cause, les demandes devront être ciblées et motivées, comme le prévoit d’ailleurs le règlement intérieur du Comité.

*

* *

Tel est, aujourd’hui, l’état de la réflexion des auteurs du présent rapport sur les critères de contrôle des études d’impact.

S’agissant d’une procédure nouvelle et qui est appelée à évoluer, il sera particulièrement opportun, à l’issue d’un délai de six mois, de réévaluer ces critères et, le cas échéant, de formuler des propositions complémentaires.

Dans l’intervalle, toutes les parties prenantes devront réfléchir aux conséquences de cette réforme en termes d’organisation.

En ce qui concerne le Gouvernement, le fait de confier la réalisation des études d’impact aux rédacteurs des projets de loi est-il satisfaisant ? Le contrôle opéré par les services du Premier ministre est-il suffisamment approfondi pour conférer à ces études la distance et l’objectivité nécessaires ?

En ce qui concerne l’Assemblée nationale, il convient également de réfléchir à l’organisation à mettre en place pour assurer dans les meilleures conditions le contrôle des études d’impact, dans la perspective de l’examen auquel la Conférence des présidents peut désormais être conduite à procéder.

Ce sont des questions importantes. L’expérience doit nous aider à y répondre.


EXAMEN DU RAPPORT PAR LE COMITÉ

Au cours de sa réunion du 5 novembre 2009, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a examiné les conclusions présentées par M. Claude Goasguen et M. Jean Mallot sur les critères de contrôle des études d’impact accompagnant les projets de loi.

M. le Président Bernard Accoyer.
Aspect essentiel de la dernière révision constitutionnelle, les études d’impact fournissent un grand nombre d’informations sur les projets de loi avant la discussion en commission. Elles imposent à l’administration de mieux réfléchir en amont à la nécessité de légiférer et aux mesures retenues.

La Constitution et la loi organique ont prévu que, dans un délai de dix jours après le dépôt par le Gouvernement d’un projet de loi, la Conférence des présidents de la première assemblée saisie puisse refuser son inscription à l'ordre du jour lorsque l’étude d’impact ne respecte pas les règles organiques, pour sa présentation ou son contenu.

L’article 146-5 de notre Règlement prévoit à ce propos une procédure de saisine facultative du comité d’évaluation et de contrôle : celui-ci « peut être saisi pour donner son avis sur les documents qui rendent compte de l’étude d’impact joints à un projet de loi déposé par le Gouvernement. La demande doit émaner du président de la commission à laquelle le projet a été renvoyé au fond ou du Président de l’Assemblée. L’avis du comité est communiqué dans les plus brefs délais à la commission concernée et à la Conférence des présidents. »

Le délai organique de dix jours est particulièrement contraignant : il nous oblige à accomplir cette mission dans un cadre rigoureux, en excluant toute procédure trop technocratique ou trop complexe.

M. Claude Goasguen. Le texte du rapport vous ayant été communiqué depuis une semaine, je me contenterai de faire quelques remarques.

L’étude d’impact, réalisée a priori, est un outil qui à la fois contribue à l’amélioration du débat parlementaire, et qui sert l’évaluation éventuellement réalisée a posteriori. Il est en effet évident que, le moment venu, nous devrons évaluer la loi en partant de l’étude d’impact, afin d’examiner si elle a rempli les objectifs qui lui avaient été assignés.

Nous avons auditionné les représentants de plusieurs départements ministériels – y compris, hier, ceux du ministère des affaires étrangères, malgré leurs réticences initiales. L’un des problèmes juridiques que nous rencontrons concerne d’ailleurs la nature des documents devant accompagner le dépôt des projets de loi visant à autoriser la ratification de conventions internationales, car certains de ces textes ont des conséquences économiques importantes. Je pense qu’il faudrait, en la matière, disposer de véritables études d’impact, de la même qualité que celles accompagnant les autres projets de loi.

Une étude d’impact ne doit pas être la reprise, sous une forme plus développée, de l’exposé des motifs du projet de loi. Sa fonction est autre : il s’agit, non de justifier le texte, mais d’ouvrir la discussion et d’élargir le débat. Il convient, par conséquent, que soient précisées les sources des données fournies dans les études – non seulement leur nature, mais aussi les conditions de leur recueil.

En outre, les études d’impact font désormais l’objet d’un contrôle. Le Conseil d’État les soumet à un examen approfondi. Le Premier président de la Cour des comptes s’y intéresse également. En la matière, tout le monde manifeste beaucoup de bonne volonté – même les ministères. Je tiens à ce propos à remercier les services de l’Assemblée, qui nous ont aidés avec une efficacité remarquable à rédiger notre rapport.

Il reste quelques problèmes à régler. Tout d’abord, les délais : dix jours pour se prononcer sur une étude d’impact, cela suppose une organisation spécifique, qui n’existe pas encore. Ensuite, il est désormais possible de demander des études d’impact sur des amendements ; toutefois, il est évident que si l’on abuse de ce droit, nous ne pourrons pas faire face. J’en appelle donc à un gentlemen’s agreement raisonnable pour éviter toute dérive du dispositif. A cet égard, je rappelle d’ailleurs que le Règlement prévoit que la demande d’évaluation préalable d’un amendement n’entraîne pas l’immobilisation du débat parlementaire et qu’elle doit être approuvée par le président de la commission saisie au fond.

M. Jean Mallot. Les ministères commencent à intégrer les exigences découlant de l’obligation qui leur est faite de fournir des études d’impact ; certains réalisent qu’ils peuvent même en tirer un bénéfice, dans la mesure où cela leur permet d’élaguer certains projets de loi de dispositions inutiles. C’est un cercle vertueux : l’étude d’impact accompagne un projet de loi, pour lequel elle constitue pour le Gouvernement un outil d’aide à la décision ; après discussion dans l’hémicycle, le projet devient une loi, elle-même ensuite soumise à une évaluation, laquelle s’appuie sur l’étude d’impact. Au sein des ministères, les études d’impact peuvent même entraîner des révisions successives d’un même projet de loi, aboutissant en fin de compte à un texte de meilleure qualité.

Les études d’impact sont obligatoires pour la plupart des projets de textes législatifs, à l’exception notamment des propositions de loi, des projets de loi constitutionnelle, des projets demandant une habilitation à prendre des ordonnances ou demandant leur ratification. Les projets de loi de finances (PLF) et des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) bénéficient, pour la première fois cette année, d’études d’impact, qui ne sont pas soumises au contrôle de la Conférence des Présidents, et sont malheureusement passés relativement inaperçues – je pense avoir été le seul à utiliser durant le débat ceux relatifs au PLFSS – et d’inégale valeur. Même s’il convient de saluer l’effort réalisé, il faudra faire pression sur le Gouvernement pour qu’il améliore à l’avenir la qualité de ses fiches, car si des projets de loi doivent voir leur impact mesuré en amont, ce sont bien le PLF et le PLFSS ; ainsi, la suppression de la taxe professionnelle et l’instauration de la taxe carbone auraient mérité de faire l’objet d’une étude d’impact particulièrement approfondie !

Au sein des ministères, les rédacteurs des études d’impact ont sans doute encore tendance à sous-estimer les effets indirects des dispositions législatives, notamment sur les comportements. Si, par exemple lorsque l’on étudie les conséquences de l’instauration de la taxe carbone et des franchises médicales, on ne prend pas en considération la modification des comportements des consommateurs et des malades qui précisément en est d’ailleurs attendue, l’étude d’impact ignore une part importante de la question ! Nous avons beaucoup insisté sur ce point durant les auditions.

Par ailleurs, j’insiste sur le fait qu’il convient de mettre en place au sein de l’Assemblée une organisation efficace, qui nous permettra de nous prononcer sur les études d’impact dans le délai organique, sur la base du référentiel commun que nous vous proposons.

Pour conclure, je rappelle que les procédures que nous élaborons au sein du comité sont appelées à durer, et qu’elles seront valables quelles que soient la majorité et l’opposition. Elles survivront donc à l’alternance. Il ne faudrait pas que le fait majoritaire s’impose en cette matière et que l’on déclare satisfaisante une étude d’impact pour la seule raison que la majorité ne souhaite pas désavouer le Gouvernement : autant arrêter nos travaux immédiatement ! En outre, si l’opposition fait valoir l’insuffisance d’une étude d’impact au regard du référentiel commun, il serait de bon ton que ses remarques soient prises en compte et relayées à la Conférence des Présidents.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Notre collègue Claude Goasguen a eu raison de pousser le ministère des affaires étrangères dans ses retranchements. Nous avons nous-mêmes rencontré des difficultés pour auditionner des fonctionnaires ou des membres du cabinet du ministre, notamment lors de l’examen des crédits relatifs au rayonnement culturel et scientifique de la France. Nous avons demandé au ministre de veiller à ce que ses services soient plus disponibles.

La rétro-simulation sur 2008 présentée dans le projet de rapport qui nous a été transmis montre que près de 60 % des projets de lois examinés à l’Assemblée relèvent de la Commission des affaires étrangères : il s’agit de la ratification d’accords internationaux, le plus souvent, de conventions bilatérales. Entrent-ils dans le champ des études d’impact ? Ce serait nécessaire, car on ne mesure pas toujours précisément les conséquences de ces textes – la difficulté étant, en l’espèce, que les accords soumis au Parlement pour autoriser leur ratification ou leur approbation ont presque toujours été signés deux, trois, quatre, voire cinq ans auparavant.

M. Claude Goasguen. La loi organique du 15 avril 2009 peut sembler ambiguë sur ce sujet. Je suggère donc que nous interprétions de manière extensive la possibilité qui nous est offerte, quitte à demander des études de nature particulière. Il serait d’ailleurs intéressant que l’Assemblée nationale regarde de plus près ces conventions bilatérales, qui, souvent, peuvent sembler mineures et sont votées, rapidement, en fin de semaine, alors qu’elles ont parfois en réalité des conséquences économiques, sociales et politiques importantes.

M. Jean-François Copé, président du groupe UMP. Je me félicite de ce que, sur le sujet des études d’impact, majorité et opposition coopèrent.

Il faut tirer tout de suite les conclusions de ce rapport, pour éviter qu’elles ne « s’évaporent » avant même d’avoir été mises en œuvre. Je vous ferai trois propositions dans cette perspective.

En premier lieu, il me semble éminemment souhaitable que les présidents de commissions prennent, dès aujourd’hui, l’engagement d’utiliser systématiquement la grille d’analyse proposée par nos rapporteurs, afin que nous utilisions des procédures cohérentes.

Ensuite, nos rapporteurs recommandent de mettre en place une procédure réglant les rapports entre les commissions et le CEC afin d’assurer le bon contrôle des études d’impact ; en d’autres termes, il s’agit de savoir ce que nous faisons si l’étude ne répond pas à nos attentes. Je vous propose d’acter que, en pareil cas, l’inscription du projet de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée sera effectivement refusée. Pour ce faire, la gestion du délai organique de dix jours est essentielle : il faut préciser de manière claire et sans ambiguïté la procédure à suivre, dans un cadre écrit et connu de tous les protagonistes concernés.

Enfin, je suggère que l’on diffuse largement ce rapport, première production du CEC. Il faudrait le mettre en ligne sur le site de l’Assemblée, de manière visible dans les actualités de la page d’accueil, et l’envoyer à tous les députés ainsi qu’aux membres du Gouvernement, accompagné, si vous en êtes d’accord, monsieur le Président, d’une lettre de votre part. Nous marquerons ainsi l’intérêt que nous portons aux études d’impact, qui contribuent à améliorer la qualité de la loi.

M. Claude Goasguen. Tout à fait d’accord !

M. Jean Mallot. Monsieur Poniatowski, l’article 11 de la loi organique du 15 avril 2009 prévoit : « L’article 8 – c’est-à-dire la mise en œuvre des études d’impact – n’est pas applicable aux projets de loi présentés au titre de l’article 53 de la Constitution. Toutefois, le dépôt de ces projets est accompagné de documents précisant les objectifs poursuivis par les traités ou accords, estimant leurs conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, analysant leurs effets sur l’ordre juridique français et présentant l’historique des négociations, l’état des signatures et des ratifications, ainsi que, le cas échéant, les réserves ou déclarations interprétatives exprimées par la France ». Finalement, c’est assez proche d’une étude d’impact !

Par ailleurs, l’article 39 de la Constitution dispose : « Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues ». En conséquence, si ces documents – qui ne sont pas appelés « étude d’impact » – n’étaient pas joints au projet de loi de ratification, la Conférence des présidents pourrait refuser l’inscription du texte à l’ordre du jour de l’Assemblée.

Monsieur Copé, il est vrai que les dispositions qui, dans la révision constitutionnelle, concernaient les études d’impact ont fait l’objet d’un consensus entre la majorité et l’opposition. Il ne faudrait pas cependant que certaines déclarations laissent entendre que le fait de travailler ensemble à la mise en œuvre de ces dispositions vaudrait approbation a posteriori d’une révision constitutionnelle que nous avons refusée.

Nous proposons un référentiel commun afin de pouvoir réagir dans les délais – qui, vous l’avez rappelé, sont extrêmement courts. Veillons à poursuivre notre bonne coopération, y compris dans l’application du dispositif, car si le fait majoritaire s’imposait et que le non-respect par le Gouvernement de ses obligations n’était pas sanctionné, beaucoup de choses qui se sont dites autour de cette table et sont contenues dans le rapport s’en trouveraient remises en cause.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances. Je suis d’accord avec Jean-François Copé : nous devons être opérationnels dès que possible. Par ailleurs, je partage l’analyse de Claude Goasguen et Jean Mallot, développée dans leur rapport, sur l’étude d’impact afférente au projet de loi relatif au Grand Paris, qui vient en discussion en séance publique le 24 novembre.

Je ne vous cacherai pas mon inquiétude : comme l’indiquent ses articles 1 et 2, ce projet de loi traite avant tout de questions de transports ; or, les données chiffrées dont nous disposons sont très limitées. On évoque une dépense globale de 35 milliards d’euros, mais nous ignorons comment ce montant a été obtenu et nous ne disposons d’aucun coût détaillé.

Dans le cadre du contrat de projets entre l’État et la région Ile-de-France, des travaux urgents, attendus par les Franciliens, ont été projetés, à hauteur de 15 milliards d’euros : ils incluent la rénovation de toutes les lignes de RER, le désenclavement des quartiers difficiles, le prolongement des lignes de métro. Or, l’étude d’impact ne fait aucune distinction entre ces mesures d’urgence et celles liées au Grand Paris. La ressource n’étant pas extensible à l’infini, il importe de savoir comment elle va se répartir !

Nous ne disposons pas non plus d’informations sur les coûts d’exploitation, pourtant essentiels en matière de transports.

Enfin, les collègues de province seraient fondés à connaître le montant de la contribution de l’État au financement des transports en Ile-de-France !

Certes, j’ai abordé ces questions dans le rapport qui m’avait été commandé par le Président de la République et le Premier ministre, mais je me demande comment nous allons pouvoir examiner le projet de loi en séance publique sur la base d’une étude d’impact qui ne comprend que des éléments financiers aussi limités.

Enfin, la Société du Grand Paris sera amenée à acquérir des terrains et à y jouer, pour des dizaines de gares et sur des milliers d’hectares, un rôle d’aménageur, voire de constructeur. L’expérience de ces trente dernières années – qu’il s’agisse de l’Établissement public d’aménagement de La Défense ou des établissements publics d’aménagement des villes nouvelles – montre que cela requiert les compétences de milliers de personnes. Où sont-elles ? Fera-t-on appel aux personnels ou aux compétences des structures existantes, comme Plaine de France ou le STIF ? L’étude d’impact n’apporte aucune réponse en la matière.

M. René Dosière. L’insuffisance de l’étude d’impact ne devrait-elle pas entraîner le report de l’examen de ce texte ?

M. Claude Goasguen. Le délai organique de dix jours est maintenant dépassé.

M. Jean-François Copé. Si la majorité est déterminée à mettre en place une procédure très rigoureuse, je souhaite cependant que l’on fasse preuve d’un peu de souplesse durant la période transitoire. Lorsque l’on instaure une nouvelle règle du jeu, il faut que tout le monde la comprenne et l’assimile ! Nous sommes en train d’engager les ministres à modifier en profondeur leurs méthodes de travail : alors que, depuis 1958, ils travaillaient avec une assemblée fonctionnant trop souvent comme une « chambre d’enregistrement », nous leur demandons depuis deux ans de nous présenter leur copie administrative, afin de la confronter à notre expérience de terrain. L’étude d’impact permet cette rencontre. Mais tant que l’on n’a pas fixé la totalité des règles du jeu, il est normal d’accepter un régime transitoire.

Bien que je sois sensible aux arguments de Gilles Carrez, je souhaite que le projet de loi relatif au Grand Paris soit inclus dans cette période transitoire. En revanche, je recommande d’acter qu’à compter d’une date donnée, communiquée aux ministres, les procédures de contrôle des études d’impact seront codifiées et appliquées avec rigueur par les présidents de commissions.

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. S’agissant du contenu des études d’impact, il serait intéressant qu’outre les informations relatives à l’articulation du projet de loi avec le droit européen prévues par la loi organique, on y trouve des éléments de comparaison avec les autres pays européens. C’est d’ailleurs ce que propose l’étude d’impact afférente au projet de loi portant réforme des juridictions financières. La commission des affaires européennes se tient à votre disposition sur toutes ces questions.

M. Louis Giscard d’Estaing. Je voudrais, à mon tour, saluer le travail de Claude Goasguen et Jean Mallot, qui me paraît emblématique du rôle du CEC. Je souhaite cependant faire trois remarques.

Tout d’abord, il ne faudrait pas que les données chiffrées émanent des seules administrations concernées. Il faudrait à mon sens prévoir au minimum deux sources différentes et indépendantes : il en va de la crédibilité de l’étude d’impact.

Ensuite, le délai de dix jours est particulièrement contraignant : le texte étant déposé en Conseil des ministres le mercredi, il n’y a, dans l’intervalle, qu’une réunion de la Conférence des présidents, le mardi.

Enfin, le rapport note qu’il « serait utile de désigner rapidement dans la loi les organes du Parlement qui seront habilités à demander l’assistance de la Cour des comptes en matière d’évaluation des politiques publiques » : cela ne signifie-t-il pas qu'il conviendrait de modifier maintenant la loi en ce sens ?

M. Claude Goasguen. Le Conseil constitutionnel l’a en effet demandé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. Lors d’une précédente réunion, j’avais demandé que l’on réintroduise, dans les études d’impact, la référence au principe d’égalité entre les hommes et les femmes, qui avait été supprimée par le Sénat. Cela me paraît particulièrement nécessaire pour certaines lois – comme le PLFSS. Or, le rapport ne le mentionne pas, alors que Jean Mallot, tout comme Jean-Luc Warsmann, avaient publiquement regretté cette suppression lors de la séance publique du 24 mars dernier.

M. Marcel Rogemont. Pour répondre à Jean-François Copé, peut-on considérer que l’adoption de ce rapport marque l’entrée en vigueur de nouveaux principes ?

M. Jean Mallot. Madame Zimmermann, nous pourrions, si Claude Goasguen en est d’accord, préciser dans le rapport, en complétant la version qui vous a été adressée, que le comité d’évaluation et de contrôle est attaché au principe d’égalité entre les hommes et les femmes et qu’il souhaite que les études d’impact en tiennent compte.

S’agissant du projet de loi relatif au Grand Paris, je suis d’accord avec Jean-François Copé : il est trop tard pour faire usage des nouvelles dispositions prévues pour le contrôle des études d'impact. Cela étant, le débat continue ; en commission, le rapporteur pourra signaler que, sur tel point, l’information est insuffisante, et demander en conséquence des compléments.

M. Claude Goasguen. Il sera d’autant plus fondé à le faire que cette insuffisance aura été soulignée dans le rapport du CEC.

M. Jean Mallot. Par ailleurs, le projet de loi relatif à la récidive offre un bel exemple d’échappatoire : va ainsi être inscrit à l’ordre du jour un texte qui a été déposé bien avant la mise en œuvre de la loi organique. Pourtant, si un texte a besoin d’une étude d’impact, ne serait-ce que pour en mesurer la nécessité, c’est bien celui-là !

Il est donc impératif de mettre en place une procédure opérationnelle efficace, sinon nous passerons notre temps à regretter que les études d’impact soient insuffisantes. Je vous propose l’organisation suivante : le projet de loi est présenté au Conseil des ministres le mercredi ; nous recevons l’étude d’impact par courrier électronique le jeudi ; le comité d’évaluation et de contrôle l’étudie…

M. le Président Bernard Accoyer. Ce n’est pas ce que prévoient les textes !

M. Jean Mallot. Parallèlement, les présidents des commissions concernées appliquent le référentiel retenu par le comité ; le bilan des travaux est transmis à la présidence, qui présente la position de l’Assemblée lors de la Conférence des présidents du mardi.

Par ailleurs, il faudrait qu’un groupe politique, qu’il soit de la majorité ou de l’opposition, puisse, s’il juge l’étude d’impact insuffisante, évoquer cette appréciation à la Conférence des Présidents.

M. le Président Bernard Accoyer. Je rappelle qu’il y a des textes à respecter : la Constitution, la loi organique, le Règlement de l’Assemblée. Nous utiliserons les pouvoirs qui nous sont donnés dans toute leur plénitude, mais le principe de fonctionnement de notre Assemblée, au respect duquel j’ai personnellement veillé, veut que les présidents de commission disposent d’un pouvoir décisionnel très important.

À ce propos, je tiens à excuser Pierre Méhaignerie, qui a dû s’absenter en raison d’un incident survenu à l’issue d’une audition de la commission des affaires sociales. J’ignore encore les détails de cet épisode, mais il nous rappelle que, derrière les mesures inquisitoriales, nous avons affaire à des hommes et à des femmes.

Bref, laissons aux présidents de commission leur marge de manœuvre, et n’érigeons pas le CEC en organe trop intransigeant.

M. Jean-François Copé. C’est bien dans le cadre des commissions et de leurs prérogatives que le drame que vous évoquez a eu lieu, monsieur le Président. On ne peut donc en imputer la responsabilité au CEC, qui n'en est encore qu'à tenter de se faire une place dans le domaine du contrôle et de l’évaluation.

Cela étant, j’approuve la réponse que vous venez de faire à M. Mallot. Ce qui importe, ce n’est pas d’établir un ordre de préséance entre le comité et les commissions, mais de se mettre tous d’accord sur un code de bonnes pratiques. Nous avons décidé dès le début que les études d’impact seraient de la compétence des commissions, tandis que le travail transversal serait effectué lors d’évaluations ex post. Certes, il existe un risque que la majorité de la commission concernée fasse preuve de complaisance, mais ce ne serait dans l’intérêt de personne. Quelle image les députés de la majorité donneraient-ils d’eux-mêmes s’ils affirmaient qu’une étude d’impact est excellente alors qu’elle est d'une qualité très insuffisante? Les temps changent, et de telles pratiques ne sont plus d’actualité. Si une étude d’impact n’est pas convenable, cela signifie que le processus législatif est mal engagé.

M. Michel Raison. Je comprends M. Mallot lorsqu’il dit que l’étude d’impact ne doit pas souffrir du fait majoritaire. A contrario, elle ne doit pas non plus souffrir du fait de l’opposition. Et ce comité ne sera crédible que si les études d’impact sont les plus objectives possible et si nous parvenons à gommer, au moins en partie, les excès de la majorité comme ceux de l’opposition. Seule une certaine sérénité dans l’élaboration des lois nous permettra d’éviter les erreurs que nous avons pu commettre dans le passé par excès de précipitation. Cette exigence ne relève pas de la loi, mais d’un simple code de bonne conduite. Nous y arrivons d’ailleurs dans le cadre des missions d’information ou des commissions d’enquête.

M. Marcel Rogemont. Il est vrai qu’une majorité se discréditerait à donner un avis de complaisance sur une étude d’impact. Toutefois, le regard de l’opposition doit apparaître quelque part au cours du processus. Dans le cas contraire, elle finirait par s’en désintéresser. Ne serait-il pas possible, dans le respect des textes, de permettre à l’opposition de s’exprimer sur la qualité des études ?

M. Jérôme Bignon, vice-président de la commission du développement durable. La loi organique donne à la Conférence des Présidents le pouvoir de vérifier, dans un délai de dix jours, si une étude d’impact est conforme aux règles de présentation d’un projet de loi prévues par cette même loi organique. En cas de désaccord avec le Gouvernement, le Conseil constitutionnel peut être saisi. Ni le CEC, ni les commissions ne sont concernés par cette procédure, la plus lourde de conséquences d’un point de vue politique.

Mais l’article 146-5 de notre règlement donne aussi au comité d’évaluation et de contrôle, saisi par le président de la commission saisie au fond, la possibilité de donner un avis. Or, le délai de dix jours ne s’applique pas à cette deuxième procédure. Pendant la saisine du CEC, l’examen du projet de loi suit son cours, et on peut imaginer que la commission en ait achevé l’examen au moment où le comité rend sa décision.

M. le Président Bernard Accoyer. C’est tout le problème : il faut que le comité agisse rapidement. Et c’est bien pourquoi nous avons désigné le « tandem » composé de Claude Goasguen et de Jean Mallot. De la même façon, et pour répondre à Marcel Rogemont, dès la publication du projet de loi, un membre de la commission saisie au fond appartenant à l’opposition peut saisir son président s’il juge que l’étude d’impact pose un problème.

M. Jérôme Bignon. Cela n’apparaît pas clairement dans le règlement.

M. Claude Goasguen. Le projet de loi étant présenté au Conseil des ministres en règle générale le mercredi, il faut que le président de la commission saisie au fond puisse en obtenir le texte au plus tard le jeudi matin. Il dispose donc de deux jours – le jeudi et le vendredi – pour demander à un membre de la commission désigné à l’avance de l’examiner et de donner un avis sur l’étude d’impact. Je suggère que par un gentlemen’s agreement, deux personnes, l’une de la majorité, l’autre de l’opposition, soient désignées à cet effet – deux « prérapporteurs » officieux, en quelque sorte. Il serait facile pour chaque commission de s’organiser en ce sens. Une telle solution serait à la fois simple et respectueuse des textes.

M. le Président Bernard Accoyer. En effet. J’ajoute que l’opposition est désormais représentée au bureau de toutes les commissions.

M. René Dosière. C’est en effet une des formules possibles. J’allais pour ma part suggérer que le président de la commission concernée, s’il constate qu’un gros problème se pose avec l’étude d’impact, réunisse le bureau de la commission pour en discuter. Ainsi, l’opposition pourrait faire entendre sa voix.

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. Ce serait une procédure un peu lourde pour des délais aussi courts.

M. René Dosière. Sans doute, mais nous parlons d’une situation exceptionnelle.

M. Jean-François Copé. Une remarque de fond, tout d’abord. Les études d’impact peuvent donner lieu à trois sortes de conclusion : primo, l'étude est excellente et le projet de loi peut être examiné ; deuxio, l'étude est de trop piètre qualité et l'inscription du projet de loi doit être reportée ; tertio, on ne refuse pas l’inscription du texte, mais des réponses complémentaires doivent être apportées sur certains sujets, et donner lieu le cas échéant à des compléments. Bien entendu, la plupart du temps, la situation ne sera ni complètement noire, ni complètement blanche. Reste que la majorité et l’opposition pourront apporter leurs contributions dans un cadre apaisé, d’où les excès seront évacués. C’est sur le plan juridique, et non par opportunité que l’on pointera les dispositions devant être améliorées. Ainsi, si une étude d’impact avait accompagné le projet de texte sur les bandes organisées – qui a été présentée un peu vite, il faut bien le dire –, on se serait sans doute aperçu que certaines de ses dispositions n'étaient pas indispensables au regard du code pénal en vigueur. Cette remarque devrait apaiser les inquiétudes de l’opposition quand celle-ci se demande comment elle pourra s'exprimer sur les études d'impact.

J’en viens à la méthode. Si le Président en est d’accord, je propose que Claude Goasguen et Jean Mallot rédigent la procédure afin que nous puissions la valider. Cela impliquera également de fixer un calendrier pour l’entrée en vigueur des nouvelles règles. Nous pourrions par exemple décider que ces règles s’appliqueront un mois après la publication de notre rapport – quitte à les assouplir plus tard si cela paraît nécessaire. Ainsi, les ministres sauront rapidement ce que nous attendons d’eux, et ne proposeront pas des études d’impact tenant sur une feuille ou, à l’inverse, prenant la forme d’une masse de documents inexploitables. Nous devons élaborer une méthode rigoureuse et claire.

M. Louis Giscard d’Estaing. Si j’interprète bien l’article 9 de la loi organique, c’est le président de la commission saisie au fond qui rapporte devant la Conférence des Présidents, mais c’est cette dernière qui statue. Les droits de l’opposition peuvent donc s’exercer à deux niveaux. D’abord, on peut prévoir une réunion préalable du bureau de la commission ou la nomination de deux « prérapporteurs », dont un de l'opposition. Ensuite, l’opposition peut faire valoir son point de vue devant la Conférence des Présidents.

Mme Catherine Lemorton. Nous n’avons parlé jusqu’ici que des études d’impact accompagnant les projets de loi. Quid de celles demandées pour les amendements ? Que devient un amendement si l’évaluation n’est pas jugée de bonne qualité ?

M. le Président Bernard Accoyer. Il faut l’autorisation de l’auteur de l’amendement et l'accord du président de la commission saisie au fond pour qu’une évaluation préalable d'un amendement soit réalisée. En tout état de cause, le fait que l'évaluation ne soit pas disponible ne fait pas obstacle à la discussion de l’amendement.

M. Claude Goasguen. Lorsque l’auteur de l’amendement demande une évaluation de son amendement, le président de la commission peut accepter ou refuser. Mais son acceptation ne conduit pas à suspendre la discussion. Il n'empêche que cette évaluation doit être effectuée dans un délai extrêmement court. Rien n’est prévu dans les textes en la matière, mais il faudra probablement convenir d' un délai, qui pourrait parfois ne pas dépasser vingt-quatre heures.

M. Michel Raison. Il ne faudrait pas que le CEC soit saisi d’un trop grand nombre de demandes !

M. Claude Goasguen. Cela n’arrivera pas, grâce au filtrage effectué par le président de la commission.

M. le Président Bernard Accoyer. Si je résume les points sur lesquels nous avons pris une décision : tout d’abord, nous tiendrons le Gouvernement informé de la mise en œuvre de la nouvelle procédure et de la nécessité pour les ministres de porter une plus grande attention aux études d’impact. Après notre dernière réunion, j’ai interrogé le Premier ministre afin de m'assurer que le CEC disposerait bien d'un interlocuteur au sein du Gouvernement pour chaque étude d'impact. Il m’a répondu que le Secrétaire général du Gouvernement serait notre interlocuteur de référence. Sur ce point, nous avons donc avancé.

Bien entendu, nous donnerons au rapport qui nous est présenté aujourd’hui toute la publicité qu’il mérite, dans le sens proposé.

Nous pourrions également faire part au Gouvernement de notre intention d’appliquer progressivement la nouvelle procédure de façon à ce qu’elle soit pleinement opérationnelle au début de l’année 2010.

Le référentiel élaboré par M. Claude Goasguen et M. Jean Mallot sera adressé aux présidents de commission afin de leur permettre d’apprécier la pertinence des études d’impact.

M. Jean-François Copé. J'insiste sur le fait qu'il reste également à écrire le plus vite possible la procédure d'examen des études d'impact à compter du dépôt des projets de loi.

M. le Président Bernard Accoyer. Le référentiel sera également transmis au Gouvernement afin que les prochaines études d’impact soient aussi complètes que souhaité.

Il serait par ailleurs intéressant que les nombreux textes, que nous adoptons souvent nuitamment, tendant à transposer la réglementation européenne fassent également l’objet d’études d’impact.

M. Axel Poniatowski. Le rapport constate justement que si la réforme avait été appliquée en 2008, 47 études d’impact auraient été transmises à l’appui de projets de loi destinés à ratifier des conventions internationales. Mais l’article 11 de la loi organique précise que « l’article 8 n’est pas applicable aux projets de loi présentés au titre de l’article 53 de la Constitution ».

M. Claude Goasguen. Il y a un « toutefois », cela change tout !

M. Axel Poniatowski. Certes, mais la phrase commençant par « toutefois » n’évoque pas les études d’impact.

M. Claude Goasguen. Les documents cités par l’article 11 ne sont pas des études d’impact au sens strict, en effet, mais ils s’en rapprochent. La loi organique nous autorise à demander ce que l’on pourrait appeler des évaluations préalables. C’est un domaine dans lequel nous devons progresser, parce que les fiches d’impact qui accompagnent les projets de loi de ratification sont parfois succinctes.

M. Louis Giscard d’Estaing. La loi précise que le dépôt de ces projets « est accompagné » de documents précisant les objectifs visés par les traités.

M. Jérôme Bignon. L’article 47-1 du règlement de l’Assemblée ne mentionne pas l’expression « études d’impact ». Il se contente d’évoquer l’éventuelle méconnaissance des conditions de présentation fixées par la loi organique, ce qui inclut les études d’impact, mais aussi les documents évoqués par Claude Goasguen en ce qui concerne les projets de loi de ratification.

M. le Président Bernard Accoyer. Le comité a adopté le présent rapport sur les critères de contrôle des études d'impact, complété conformément à la discussion précédente.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

• M. Jean Maïa, chef du service de la législation et de la qualité du droit au Secrétariat général du Gouvernement, mercredi 16 septembre 2009.

• M. Bernard Pêcheur, Conseiller d’État, vice-président de la section de l’administration au Conseil d’État, mercredi 23 septembre 2009.

• Mme Claire Bazy-Malaurie, président de chambre, rapporteur général du comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, mercredi 7 octobre 2009.

• M. Jean Berkani, conseiller pour les affaires juridiques au cabinet du ministre de la défense, accompagné de M. Jérôme Jean, conseiller parlementaire, et de Mme Monique Liebert-Champagne, Conseiller d’État, directrice des affaires juridiques, mercredi 7 octobre 2009.

• M. Éric Monnier, directeur général du Centre européen d’expertise et d’évaluation (Euréval), mercredi 14 octobre 2009.

• Mme Aurélia Lecourtier-Gegout, conseillère pour les affaires budgétaires et financières et pour la réforme du ministère au cabinet du ministre des affaires étrangères et européennes, accompagnée de Mme Milca Michel-Gabriel, conseillère parlementaire, de M. Éric Berti, chef du service des affaires juridiques internes, de M. Sébastien Potaufeu, son adjoint, et de M. Guillaume Darmé, chargé de la coordination interministérielle au centre de crise, mercredi 4 novembre 2009.




ANNEXE N° 1 :

Lettre du Président de l’Assemblée nationale au Premier ministre

en date du 9 octobre 2009

ANNEXE N° 2 :

Lettre du Premier ministre au Président de l’Assemblée nationale

en date du 29 octobre 2009





ANNEXE N° 3 :

Circulaire du 15 avril 2009

relative à la mise en œuvre de la révision constitutionnelle

(Journal officiel du 16 avril 2009, extraits)

Le Premier ministre à Monsieur le ministre d’État,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les secrétaires
d’État, Monsieur le haut-commissaire

(…)

1.  L’article 39 de la Constitution révisée impose que les projets de loi soient, sous réserve de quelques exceptions, accompagnés d’une étude d’impact.

Je vous demande de veiller à ce que cette obligation de méthode nouvelle, destinée à améliorer la qualité des projets de loi et à mieux éclairer le Parlement sur la portée des réformes que lui soumet le Gouvernement, soit mise en œuvre dès à présent, sans attendre le 1er septembre prochain, même si ce n’est qu’à compter de cette date fixée par la loi organique que la Conférence des présidents de l’assemblée saisie en premier pourra s’opposer à l’inscription à l’ordre du jour du projet.

La loi organique définit le contenu de l’étude d’impact. Cette étude n’est pas assimilable à un exposé des motifs enrichi, mais constitue un outil d’évaluation et d’aide à la décision. Sa préparation doit être engagée dès le stade des réflexions préalables sur le projet de réforme. L’étude doit ensuite être affinée au fur et à mesure de l’élaboration du projet.

C’est au ministre principalement responsable du projet de réforme de prendre en charge la responsabilité de l’étude d’impact. Ses services doivent prendre l’attache du secrétariat général du Gouvernement dès la mise en chantier du projet de réforme dans le double but d’arrêter le cahier des charges de l’étude et de déterminer les concours susceptibles d’être recherchés auprès d’autres administrations pour contribuer aux travaux d’évaluation préalable.

Le Conseil d’État ne sera saisi du projet de loi que si l’étude d’impact est jugée suffisante par mon cabinet et par le secrétaire général du Gouvernement. Dans l’affirmative, elle sera transmise au Conseil d’État puis déposée, avec le projet de loi, sur le bureau de l’assemblée saisie après la délibération du conseil des ministres.

(…)

ANNEXE N° 4 : Application de la loi organique selon les types de projet de loi

Contenu de l’étude d’impact

(art. 8 de la loi organique du 15 avril 2009)

Cas particuliers

Tout projet

ordinaire

ou organique

Projet habilitation art. 38 Constitution

(art. 11 al. 2 LO)

Dispositions non exclusives

PLF et PLFSS

(art. 12 LO)

PjL art. 53 Constitution

al. 1

Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent.

X

(*)

(**)

L’article 8 n’est pas applicable aux projets de loi présentés au titre de l’article 53 de la Constitution.

Toutefois, le dépôt de ces projets est accompagné de documents :

– précisant les objectifs poursuivis par les traités ou accords,

– estimant leurs conséquences économiques, financières, sociales et environnementales,

– analysant leurs effets sur l’ordre juridique français

– et présentant :

- l’historique des négociations,

- l’état des signatures et des ratifications,

- ainsi que, le cas échéant, les réserves ou déclarations interprétatives exprimées par la France.

al. 2

Ces documents définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l’intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation.

X

X

X

al. 3

Ils exposent avec précision :

X

X

X

al. 4

– l’articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration, et son impact sur l’ordre juridique interne ;

X

X

X

al. 5

– l’état d’application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par le projet de loi ;

X

X

X

al. 6

– les modalités d’application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées ;

X

X

X

al. 7

– les conditions d’application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 C°, en Nouvelle-Calédonie et dans les TAAF, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l’absence d’application des dispositions à certaines de ces collectivités ;

X

X

X

al. 8

– l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue;

X

 

X

al. 9

– l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public ;

X

 

X

al. 10

– les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d’État ;

X

X

X

al.  11

– la liste prévisionnelle des textes d’application nécessaires.

X

 

X

Source : Secrétariat général du Gouvernement

(*)  L’article 11, al. 2, dispose que les documents requis accompagnent le projet de loi dès sa transmission au Conseil d’État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi comprenant les dispositions auxquelles ils se rapportent. Il doit être précisé que les dispositions ratifiant des ordonnances ne sont pas soumises à étude d’impact

(**)  Les documents doivent être joints au projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, conformément aux termes de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 et du code de la sécurité sociale.


 

 

 




ANNEXE N° 5 :

Référentiel proposé pour examiner les études d’impact

Le document suivant est inspiré du « vade-mecum » du Secrétariat général du Gouvernement (le vade-mecum n’est pas un guide directif mais un outil destiné à aider les ministères qui élaborent les études d’impact à progresser dans l’analyse et à s’assurer que toutes les questions susceptibles d’être abordées ont été envisagées ; il permet aux parties prenantes de s’accorder sur les objectifs et les travaux à mener).

Présenté sous la forme d’une liste de questions et d’items, il forme un référentiel qui peut aider les organes compétents de l’Assemblée nationale à vérifier si l’étude d’impact est suffisamment complète au regard des exigences de la loi organique et des attentes légitimes du Parlement.

1. – Diagnostic et justification de l’action (art. 8 al. 2 de la loi organique)

1.1. Présentation du problème à résoudre

Démonstration de l’existence d’une situation problématique.

Quel est le problème à résoudre ?

 

1.1.1 Description du problème et de son étendue.

 

1.1.2. Nombre de personnes affectées par la situation considérée.

 

1.1.3. Description des causes du problème.

 

1.1.4. Identification des intervenants.

 

1.1.5. Principales relations qui permettent de comprendre la situation.

 

1.1.6. Description du contexte politico-institutionnel.

1.2. Justification de l’intervention

Démonstration du caractère nécessaire d’une intervention.

Pourquoi tenter de résoudre le problème aujourd’hui ?

 

1.2.1. Que se passerait-il s’il n’y avait pas d’intervention publique ?

 

1.2.2. En quoi la situation tend-elle à devenir un problème public ?

 

1.2.3. Pourquoi la puissance publique doit-elle s’en saisir ?

 

1.2.4. Description des facteurs clés de réussite ou d’échec.

Cette première étape doit avoir montré l’existence d’un problème public, dont la résolution nécessite une action des pouvoirs publics qui peut ensuite être étudiée.

2. – Définition du ou des objectifs (art. 8 al. 2)

2.1. Description de la situation à laquelle on entend parvenir et des objectifs qui lui sont associés

Questions :

2.1.1. Que doit-on faire ? Quelles sont les finalités ?

2.1.2. Définition de la situation à laquelle on entend parvenir.

2.2. Présentation de l’intervention

Description des modalités selon lesquelles la mise en œuvre de l’intervention va aboutir à la situation nouvelle :

2.2.1. Quels moyens seront mobilisés en fonction de chaque option ?

2.2.2. Quelles seront les réalisations directes de chaque option ?

2.2.3. Comment ces réalisations directes produiront-elles les effets attendus ?

2.3. Présentation des objectifs associés à l’intervention

Examen des objectifs à l’aide des questions suivantes :

2.3.1. Quels sont les objectifs intermédiaires ?

2.3.2. Comment sont-ils articulés aux objectifs stratégiques ?

2.3.3. Le cheminement des objectifs stratégiques pourra-t-il être suivi ?

2.3.4. Les objectifs et les réalisations qui leur sont associés sont-ils « SMART » (Spécifique, Mesurable, Accepté, Réaliste, délimité dans le Temps) ?

2.4. Conditions clés de succès

2.4.1. La réussite dépend-elle en totalité de l’action de l’auteur de l’intervention ?

2.4.2. Sinon, dépend-elle d’autres acteurs, lesquels, dans quelle mesure ?

2.4.3. Dépend-elle d’éléments de contexte, lesquels, dans quelle mesure ?

3. – Options possibles et nécessité de légiférer (art. 8 al. 2)

La nécessité de légiférer doit découler de la démonstration de la supériorité de la loi sur les autres options possibles.

3.1. Liste des options12

3.2. Degré de contribution de chaque option à la résolution du problème

Analyse de chaque option

Bilan des avantages et inconvénients de chaque option.

Contribution de chaque option aux résultats.

3.3. Présentation des raisons qui ont conduit au choix de l’option proposée par le projet de loi

Présentation des critères du choix de la meilleure option

Présentation et explication des critères de choix retenus

Hiérarchie des critères de choix par ordre décroissant en fonction de la nature du problème posé et des enjeux associés.

Nécessité de légiférer

Application des critères : mise en évidence de l’option proposée.

En quoi la supériorité de l’intervention législative est-elle établie ?

Atouts et limites de l’option proposée

• L’option proposée contribue-t-elle à la totalité de la solution au problème posé ?

• Quels sont ses points forts et ses points faibles ?

• D’autres actions sont-elles souhaitables pour une efficacité maximale ?

Memento d’options possibles, alternatives à la solution législative du projet de loi

Liste d’options possibles

Options obligatoirement envisagées :

• Option du statu quo, formalisée lors de la définition des objectifs.

• Arrêt des interventions existantes, le cas échéant.

Options alternatives à la solution législative, par exemple :

• Adaptation de la réglementation.

• Simplification de la réglementation.

• Renforcement ou réorganisation des moyens mis en œuvre pour l’application de la réglementation en vigueur.

• Effort de communication et d’information.

• Libre jeu des usagers ou opérateurs, assorti de recommandations.

• Mise en réseau d’usagers, opérateurs ou intervenants.

• Recours à la médiation.

• Encouragement à la mise en place de certifications privées par des entreprises ou des organismes professionnels.

• Rédaction d’un code de bonne conduite négocié avec un secteur professionnel ou négociation de conventions entre partenaires.

• Incitations financières (subventions, voire incitations fiscales).

• Régulation par une autorité administrative indépendante et autorégulation.

• Combinaison de deux ou plus des instruments évoqués ci-dessus.

4. – Présentation et analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1. Recensement et analyse d’impacts

Pour chaque type d’impact, le court, le moyen et le long terme devraient être distingués.

4.1.1. Impacts économiques (art. 8 al. 8), notamment :

– Fonctionnement du marché

– Concurrence

– Entreprises

– TPE/PME

– Particuliers

– Recherche et innovation

– Territoires

– Compétitivité de l’économie nationale

– Environnement macroéconomique

4.1.2. Impacts sociaux (art. 8 al. 8), notamment :

– Emploi et marché du travail

– Intégration sociale et protection de groupes particuliers

– Égalité de traitement et d’opportunités

– Libertés publiques

– Gouvernance, participation du public, transparence

– Santé publique

4.1.3. Impacts environnementaux (art. 8 al. 8), notamment :

– Climat

– Transport et énergie

– Qualité de l’air

– Biodiversité, flore, faune et paysages

– Qualité de l’eau et ressources en eau

– Qualité des sols et ressources

– Utilisation des sols

– Ressources renouvelables et non renouvelables

– Impacts environnementaux des entreprises et consommateurs

– Production de déchets/recyclage

– Risques environnementaux

– Bien-être animal

– Environnement international

4.1.4. Impacts juridiques (art. 8 al. 5), notamment :

– Sécurité juridique

– Intelligibilité / accessibilité du droit

– Droit européen et international (art. 8 al.4)

– Contentieux

4.1.5. Impacts sur les administrations (art. 8 al. 8 et 9), notamment :

– Main-d’œuvre

– Déploiement

– Formation

– Formalités administratives

– Contrôle

– Autres administrations

4.1.6. Impact sur la justice (art. 8 al. 8), notamment :

– Contentieux

– Population carcérale

4.2. Conditions d’application dans les collectivités d’outre-mer (art. 8 al. 7)

4.3. Analyse distributionnelle (art. 8 al. 8)

Quels sont les publics qui vont vraisemblablement profiter de la réforme (et pourquoi) ?

Quels sont les publics qui vont vraisemblablement subir les conséquences de la réforme (et pourquoi) ?

4.4. Analyse budgétaire (art. 8 al. 8)

Quels sont les montants dédiés à l’intervention étudiée ?

Quels sont les économies et/ou les redéploiements de crédits attendus de la réforme proposée ?

Quel est le coût de la réforme envisagée, sur la période de mise en œuvre puis en rythme de croisière ?

Quel est l’impact de l’intervention sur les budgets des collectivités territoriales ?

Quel est l’impact budgétaire sur d’autres opérateurs publics ?

Quel est l’impact global sur l’emploi public, au sein de l’État et des autres administrations publiques ?

Peut-on préciser l’impact sur le budget de l’État dans un cadre pluriannuel ?

Quel est l’impact de l’intervention sur les budgets des collectivités territoriales ?

Quel est l’impact budgétaire sur d’autres opérateurs publics (établissements publics, entreprises publiques, comptes sociaux) ?

4.5. Analyse de risque (art. 8 al. 8)

Quels sont les risques liés à l’option retenue ? Est-il possible d’identifier des effets pervers ?
Quelles sont les mesures prises pour prévenir les risques négatifs les plus importants, les réduire, les limiter ?

Type de risques

 

Risque de disponibilité

Nul, faible, moyen, élevé…

Risques liés à la demande

 

Risques économiques

 

Risques environnementaux

 

Risques de financement

 

Risques législatifs

 

Risques opérationnels

 

Risques politiques

 

Risques technologiques

 

Risques de volume

 

4.6. Mise en œuvre (art. 8 al. 6 et 11)

 

• Dispositif de mise en œuvre de l’option proposée (systèmes d’information, etc..) ?
• Unités administratives impliquées dans la mise en œuvre ?
• Mode de gouvernance retenu pour la mise en œuvre de la proposition ?
• Calendrier indicatif de mise en œuvre de l’option proposée ?
• Modalités de suivi et d’évaluation envisageables ?

4.7. Avantages et inconvénients de l’option proposée (art. 8 al. 2, 8 et 9)

Recensement des principaux avantages et inconvénients de l’option proposée.

Conclusion

Quel jugement général peut-on porter sur la faisabilité de l’option présentée ?

5. – Consultations (art. 8 al. 10)

5.1. Consultations obligatoires

5.1. Consultations non obligatoires

6. – Mise en œuvre, suivi et évaluation de l’intervention (art. 8 al. 6 et 11)

6.1. Suivi de gestion

6.2. Suivi de la performance

• À quel programme se rattache la réforme proposée ? À quelle action ?
• Si la réforme représente une part déterminante des crédits du programme, est-il envisagé d’affecter un objectif du programme concernant cette réforme ?
• Si oui, est-il possible de retenir un objectif de l’étape 2 dans cette perspective ?
• Si oui, quels sont le ou les indicateur(s) envisagé(s) (indicateur de qualité de service, d’efficacité socioéconomique, d’efficience) ?

6.3. Dispositif d’évaluation (en continu ou a posteriori)

• L’évaluation de la réforme proposée a-t-elle été envisagée ?
• Dans quels délais une évaluation pourrait-elle intervenir ?
• Quelle forme pourrait-elle prendre ? Un rapport du Gouvernement au Parlement est-il envisagé ?

1 () Aux termes de l’article 2 du décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif, « sauf lorsque son existence est prévue par la loi, et sous réserve des dispositions du second alinéa de l’article 19, une commission est créée par décret pour une durée maximale de cinq ans. Cette création est précédée de la réalisation d’une étude permettant notamment de vérifier que la mission impartie à la commission répond à une nécessité et n’est pas susceptible d’être assurée par une commission existante ». Aux termes de l’article R. 1213-3 du code général des collectivités territoriales, les projets de texte soumis à l’avis de la commission consultative d’évaluation des normes prévue à l’article L. 1211-4-2 du même code « sont accompagnés d’un rapport de présentation et d’une fiche d’impact financier faisant apparaître les incidences financières directes et indirectes des mesures proposées pour les collectivités territoriales ».

2 () Dans ce cas, l’exigence organique est donc que les documents rendant compte de l’étude d’impact « définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l’intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation. Ils exposent avec précision : l’articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration, et son impact sur l’ordre juridique interne ; l’état d’application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par le projet de loi ; les modalités d’application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées ; les conditions d’application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l’absence d’application des dispositions à certaines de ces collectivités ; l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ; les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d’État ».

3 () Les dispositions du I et du II sont applicables aux lois de finances.

4 () Les dispositions du III sont applicables aux lois de financement de la sécurité sociale.

5 () Au sens de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances n° 2001-692 du 1er août 2001 en ce qui concerne la loi de finances de l’année et de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne la loi de financement.

6 () En l’occurrence, il s’agit des deux signataires du présent rapport.

7 () En pratique cette difficulté se présentera peu fréquemment mais elle n’est pas pour autant purement théorique. On peut ainsi se reporter au projet de loi ratifiant l’ordonnance n°2009-483 du 29 avril 2009 prise en application de l’article 35 de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives, n° 1884, déposé le 22 juillet 2009, et notamment à ses articles 2 et 3 qui n’ont pas pour objet de ratifier une ordonnance.

8 () La perspective de ce contrôle a justifié, durant l’été 2009, la mise en place d’un groupe de travail rassemblant, sous la direction de M. Bernard Pêcheur, vice-Président de la section de l’administration, des représentants de chaque section administrative, afin d’élaborer une « doctrine commune ».

9 () Sur son site internet le Conseil constitutionnel précise que : « Seuls engagent le Conseil constitutionnel les textes issus de ses délibérations ». En conséquence, les autres documents – dont le commentaire – sont présentés à titre informatif. Le commentaire n’en est pas moins une source d’interprétation privilégiée.

10 () Le rapport n° 1801 déposé, le 7 juillet 2009, par Mme Marie-Françoise Clergeau, au nom de la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, sur la prestation d’accueil du jeune enfant, témoigne de l’importance qu’il y a à bien appréhender un dispositif pour que les incidences de sa mise en œuvre soient correctement appréciées.

11 () La Mission d’évaluation et de contrôle et la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale disposent déjà d’une telle habilitation sur le fondement des articles 58 de la loi organique relative aux lois de finances et L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

12 () La loi organique ne prescrit qu’un recensement des différentes options. Il est cependant utile, pour la pertinence du débat, de disposer d’éléments de comparaison entre les avantages et inconvénients desdites options.


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