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N° 2130

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 décembre 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

sur la prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes mineures

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Michel ZUMKELLER,

Député.

En conclusion des travaux d’une mission d’information présidée par
M. Jean-Luc WARSMANN 1

Député

——

1 La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale est composée de :

Mme Delphine Batho, MM. Jacques-Alain Bénisti, Étienne Blanc, Serge Blisko, Marcel Bonnot, François Calvet, Christophe Caresche, François Deluga, Éric Diard, Guy Geoffroy, Claude Goasguen, Philippe Houillon, Mmes Maryse Joissains-Masini, Marietta Karamanli, MM. Jean-Christophe Lagarde, Jérôme Lambert, Bruno Le Roux, Dominique Raimbourg, Jacques Valax, Manuel Valls, Christian Vanneste, François Vannson, Michel Vaxès, Jean-Sébastien Vialatte, Philippe Vuilque, Jean-Luc Warsmann, Michel Zumkeller.

INTRODUCTION 7

CHAPITRE I : LA NÉCESSITÉ D’AMÉLIORER LES CONNAISSANCES STATISTIQUES SUR L’ÉTAT DE SANTÉ DES MINEURS PLACÉS SOUS MAIN DE JUSTICE 11

I.– LES ENSEIGNEMENTS TIRÉS DES ENQUÊTES DE L’INSERM SUR LA SANTÉ DES JEUNES PRIS EN CHARGE PAR LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 11

A. RAPPEL DE LA MÉTHODOLOGIE DES ENQUÊTES 11

B. LES ENSEIGNEMENTS DE CES ENQUÊTES 15

1. Les caractéristiques socio-démographiques des jeunes ayant répondu aux enquêtes 15

2. L’état de santé somatique et l’accès aux soins 19

3. L’état de santé psychique 20

4. Les conduites violentes 23

II.– AMÉLIORER LES CONNAISSANCES SUR LES MINEURS EN DANGER ET LES MINEURS DÉLINQUANTS 25

A. DE NOUVELLES ENQUÊTES ÉPIDÉMIOLOGIQUES 25

1. La prévalence des troubles psychopathologiques chez les mineurs en danger ou pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse 25

2. Étude sur les liens entre délinquance et addictions, violences subies et agies 25

3. La prise en charge par les urgences psychiatriques des adolescents ayant de graves troubles du comportement 26

B. DÉVELOPPER UNE RECHERCHE APPLIQUÉE POUR AMÉLIORER LES PRISES EN CHARGE ÉDUCATIVES 27

CHAPITRE II : UN PARTENARIAT INACHEVÉ ENTRE LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE ET LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ 30

I.– UNE LENTE PRISE DE CONSCIENCE DES LACUNES DU SUIVI SANITAIRE DES MINEURS PLACÉS SOUS MAIN DE JUSTICE 30

A. LE SÉMINAIRE SANTÉ-JUSTICE SUR LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS EN GRANDE DIFFICULTÉ 31

B. LA CIRCULAIRE DU 3 MAI 2002 RELATIVE À LA PRISE EN CHARGE CONCERTÉE DES TROUBLES PSYCHIQUES DES ADOLESCENTS EN GRANDE DIFFICULTÉ 34

II.– LE RENFORCEMENT DU PARTENARIAT SANTÉ JUSTICE 39

A. LE CONTRAT CADRE DE PARTENARIAT EN SANTÉ PUBLIQUE 39

B. LE TRAVAIL MENÉ PAR LA MISSION NATIONALE D’APPUI EN SANTÉ MENTALE 40

CHAPITRE III : QUEL SUIVI SANITAIRE POUR LES MINEURS PLACÉS SOUS MAIN DE JUSTICE ? 45

I.– DÉVELOPPER LE SUIVI SANITAIRE POUR ÉCLAIRER LA PRISE DE DÉCISION DES MAGISTRATS 45

A. L’ORDONNANCE RELATIVE À L’ENFANCE DÉLINQUANTE COMPORTE PEU DE PRESCRIPTIONS SUR L’ÉTAT DE SANTÉ DES MINEURS 45

1. Un texte lacunaire 45

2. La nécessité de compléter l’ordonnance de 1945 et de prévoir une coordination avec les soins pénalement obligés 46

a) Compléter l’ordonnance sur l’enfance délinquante 46

b) Ne pas négliger les bilans de santé somatique pour l’ensemble des adolescents 49

B. LE DOSSIER JUDICIAIRE UNIQUE, GARANT DU SUIVI DE LA PRISE EN CHARGE DU MINEUR 51

1. Accélérer la mise en place d’un dossier judiciaire unique et du logiciel Cassiopée pour permettre une intégration de l’ensemble des procédures 51

2. Permettre la transmission des informations médicales 55

II.– AMÉLIORER LES MODES DE PLACEMENT DES MINEURS PRÉSENTANT DES TROUBLES DU COMPORTEMENT 57

A. LES DIFFICULTÉS DE DIAGNOSTIC DES TROUBLES DU COMPORTEMENT CHEZ LES ADOLESCENTS 57

1. Un diagnostic particulièrement délicat 57

2. Les délais de prise en charge risquent de compromettre la réussite des soins psychiques 64

B. DES PRISES EN CHARGE CLASSIQUES INADAPTÉES AUX TROUBLES DU COMPORTEMENT 67

1. La réorganisation de la DPJJ est mal comprise par les professionnels de terrain 67

2. L’unification du statut des établissements n’est pas allée de pair avec une modernisation des méthodes éducatives 70

a) L’unification du statut juridique des établissements 70

b) Le problème de l’accueil d’urgence n’a pas été résolu 74

c) Les centres éducatifs renforcés ou la priorité donnée à l’action éducative collective 76

d) Les centres éducatifs fermés mettent en œuvre une pédagogie éducative contraignante 78

e) La création des EPM ou la volonté d’allier contrainte carcérale et objectifs éducatifs 81

C. DES SOLUTIONS INNOVANTES AU SERVICE DU MIEUX-ÊTRE DES MINEURS DÉLINQUANTS 89

1. Conforter l’expérimentation des CEF à vocation de santé mentale 89

2. Pérenniser les structures expérimentales 97

a) L’établissement de placement éducatif et de traitement de la crise (EPETC) 98

b) La structure intersectorielle pour adolescents difficiles (SIPAD) 101

3. Développer les équipes mobiles de pédopsychiatrie 105

4. Créer des lieux ressources pour aider les établissements à faire face à des épisodes de crise 108

D. ADAPTER LA FORMATION DES PERSONNELS DE LA PJJ AU TRAVAIL ÉDUCATIF DANS UN CADRE CONTRAIGNANT 111

EXAMEN EN COMMISSION 117

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS 119

LISTE DES DÉPLACEMENTS DE LA MISSION D’INFORMATION 125

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION D’INFORMATION 129

ANNEXE 1 : COÛT DE JOURNÉE DANS CHAQUE TYPE D’ÉTABLISSEMENT 131

ANNEXE 2 : LES CRITÈRES DES TROUBLES DE CONDUITES SELON LES CLASSIFICATIONS MÉDICALES INTERNATIONALES 132

MESDAMES, MESSIEURS,

Ce rapport a pour ambition de montrer toute la nécessité d’améliorer le suivi sanitaire et psychique des mineurs placés sous main de justice. Il y a urgence à repenser l’articulation du soin et de l’accompagnement éducatif pour donner sa pleine efficacité à la sanction pénale. Que vaut une mesure de contrainte si elle ignore la souffrance physique ou psychique de celui à qui elle s’adresse, plus encore si celui-ci est mineur et qu’une fois sa peine accomplie, il aura la vie devant lui ?

Au cours de l’année 2008, la première étape des travaux de la mission a permis de s’intéresser à la mise œuvre des décisions de justice relatives aux mineurs et aux points de blocage du contentieux de masse des tribunaux correctionnels et des juridictions pour mineurs. Le premier rapport présenté par Mme Michèle Tabarot (1) a alors mis en évidence les dysfonctionnements les plus patents dans l’exécution des décisions de justice et notamment les très longs délais entre la décision et sa mise en œuvre effective.

Au cours des auditions menées alors par Mme Michèle Tabarot, de nombreux professionnels ont évoqué le problème des troubles psychiques présentés par les mineurs délinquants qui nécessitent d’adapter les réponses pénales apportées.

C’est pourquoi, pour la session 2008-2009, la mission d’information, créée par la commission des Lois, a décidé de prolonger ses travaux en se consacrant à la question de la prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes mineures, placées sous main de justice.

L’objectif est de savoir si l’état de santé, somatique comme psychique, des adolescents faisant l’objet d’une procédure pénale est suffisamment pris en compte dans la phase préparatoire à la décision de justice comme dans la phase de son exécution. Un bon suivi sanitaire et psychique semble être, en effet, une condition fondamentale pour permettre une décision judiciaire adaptée à la personnalité du mineur, son état de santé ayant des répercussions évidentes sur sa perception de la réalité et sur son sens des responsabilités.

Le présent rapport sera surtout centré sur les mineurs délinquants et n’abordera que marginalement le thème des mineurs en danger.

L’objet de la mission d’information porte sur les « personnes placées sous main de justice » c’est-à-dire d’une part, les détenus incarcérés dans des établissements pénitentiaires et d’autre part, les personnes condamnées en milieu ouvert (travail d’intérêt général, libération conditionnelle…) ou bénéficiant d’un aménagement de peine. Lorsqu’elles sont mineures ces personnes sont suivies par les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Le rapporteur a préféré limiter les investigations de la mission aux mineurs délinquants relevant de l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante, sans aborder la problématique des mineurs en danger de manière approfondie (mesures dites « d’assistance éducative » prévues par les articles 375 et suivants du code civil).

Il convient de rappeler que la PJJ a pour mission de la réinsertion dans la vie sociale aussi bien des jeunes en danger que des jeunes délinquants qui ont fait l’objet d’une décision de justice, soit directement – secteur public – soit au travers du secteur associatif habilité.

Même si, depuis plusieurs années, la PJJ s’est recentrée sur le suivi des jeunes délinquants, il faut garder à l’esprit l’importance des mesures dite « d’assistance éducative » qui permettent à des adolescents en danger de ne pas se marginaliser et d’éviter de devenir délinquants.

Plusieurs arguments ont plaidé pour centrer les travaux de la mission sur les mineurs délinquants sans aborder la problématique des mineurs en danger : les mesures d’assistance éducatives ne relèvent pas de la justice pénale et leur mise en œuvre connaît actuellement de profonds changements à la suite des nouvelles dispositions de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance et attribuant aux conseils généraux la responsabilité des mesures relatives à la protection de l’enfance et à l’enfance en danger.

Dès lors, le rapport n’aborde pas les questions liées à la prévention sanitaire ni aux outils de détection de ces « troubles du comportement » (médecine scolaire, médecin de famille, aides à la parentalité…) qui concourent à la prévention de la délinquance, sujets qui relèvent plus naturellement de la compétence de la commission des Affaires sociales.

Le rapport, dans une première partie, recense les données statistiques existantes sur l’état de santé des mineurs placés sous main de justice et analyse les résultats des enquêtes les plus importantes menées par l’Inserm en 1998 et 2004. Il apparaît clairement que ces données sont déjà anciennes et assez sommaires. C’est pourquoi il sera proposé d’améliorer les connaissances sur cette question en travaillant notamment sur des cohortes de jeunes suivis pendant plusieurs années pour étudier leur insertion sociale en tant que jeunes adultes. Jusqu’à présent les études ne permettent que d’avoir une photographie à un instant précis de l’état des mineurs délinquants sans que l’on puisse étudier les trajectoires de vie individuelle sur plusieurs années.

Les travaux menés par la mission depuis octobre 2008, ont mis également en évidence la nécessité d’améliorer les connaissances statistiques sur l’état de santé des mineurs placés sous main de justice.

Conscient des lacunes existantes, le ministère de la Justice a décidé de lancer pour la période 2008-2010, trois grandes enquêtes épidémiologiques, portant essentiellement sur la santé psychique des mineurs mais leur réalisation concrète a été retardée par des problèmes méthodologiques. Les thèmes retenus à savoir la prévalence des troubles psychopathologiques chez les mineurs délinquants, les liens de causalité entre délinquance et addictions et la prise en charge des adolescents ayant de graves troubles du comportement par les urgences psychiatriques reflètent bien les préoccupations majeures des professionnels de la PJJ.

L’amélioration des connaissances statistiques et scientifiques sur l’état de santé des mineurs placés sous main de justice suppose un renforcement du partenariat entre les ministères de la Santé et de la Justice qui souffre pour l’instant d’un manque de cohérence et d’efficacité. La question de ce renforcement du partenariat entre les deux ministères constitue la deuxième partie du rapport. Font l’objet d’une évaluation les grandes étapes de la coopération entre les deux ministères, comme la publication de la circulaire interministérielle du 3 mai 2002 relative à la prise en charge concertée des troubles psychiques des adolescents en grande difficulté et la signature en décembre 2007 du contrat cadre de partenariat en santé publique entre la direction générale de la santé et la direction de la PJJ.

La mission s’est ensuite interrogée sur la manière d’améliorer le suivi médical et psychologique des mineurs pour éclairer la prise de décision des magistrats. Le bilan de santé somatique comme psychique d’un jeune délinquant doit être considéré comme un élément déterminant pour l’évaluation de la personnalité du mineur.

Dans une troisième partie, la mission émet des préconisations pour développer le suivi sanitaire du mineur afin que le juge puisse prendre des décisions en pleine connaissance de cause. La mission propose ainsi de compléter l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante pour y intégrer la notion de continuité des soins et rendre obligatoire un bilan de santé lors de tout hébergement en établissement. Elle recommande aussi la mise en place d’un dossier judiciaire unique.

Le rapport cherche ensuite des solutions pour améliorer la prise en charge des mineurs présentant des troubles du comportement qui sont souvent placés dans des établissements inadaptés. Analysant les progrès apportés par certains établissements expérimentaux, le rapport propose d’étudier la généralisation des innovations les plus remarquables et de formaliser, dans le cadre de conventions locales, une coopération entre établissements de la PJJ et les services de soins de la pédopsychiatrie. Cette question est cruciale pour la réussite de l’accompagnement éducatif de ces mineurs qui souffrent aujourd’hui d’une dispersion des moyens mis en place en leur faveur. Seule une étroite articulation entre soin et sanction éducative permettra de donner tout son sens à la démarche de réinsertion que les mineurs placés sous main de justice ont entreprise.

Enfin, le rapport aborde brièvement la question de la formation des personnels éducatifs de la PJJ. Ils sont aujourd’hui confrontés à une profonde réforme des établissements et doivent intervenir dans un contexte beaucoup plus contraignant que par le passé. Beaucoup sont déstabilisés par les accès de violence collective des mineurs et n’ont pas été formés à faire face à ces expressions collectives d’agressivité. Redonner de la cohérence aux équipes éducatives est un défi redoutable alors que de nombreux professionnels en établissements sont peu expérimentés.

Le rapporteur voudrait conclure ce propos introductif en insistant sur la nécessité de donner une véritable impulsion politique à la gouvernance Santé- Justice. Trop longtemps, ces deux ministères ont travaillé sans véritable concertation sur la question des soins à offrir aux personnes sous main de justice. Pour réussir la réinsertion et prévenir la récidive, il faut franchir un seuil qualitatif et instaurer un véritable partenariat entre ces deux ministères.

CHAPITRE I : LA NÉCESSITÉ D’AMÉLIORER LES CONNAISSANCES STATISTIQUES SUR L’ÉTAT DE SANTÉ DES MINEURS PLACÉS SOUS MAIN DE JUSTICE

Étudier la prise en compte de l’état de santé des mineurs placés sous main de justice conduit à s’interroger sur les sources d’information disponibles et tout particulièrement les données statistiques. Force est de constater que les enquêtes de portée générale sont rares en raison de la difficulté de les réaliser : le recueil d’informations relatives à la santé suppose une méthodologie rigoureuse, la garantie du respect du secret médical et de l’anonymat, exigences particulièrement délicates à satisfaire alors que le public concerné est constitué de mineurs contraints de répondre aux injonctions de la justice.

Deux enquêtes ont été menées en 1997 et 2004 par une équipe de chercheurs de l’Inserm du Laboratoire d’épidémiologie psychiatrique de l’enfant et de l’adolescent, à la demande de la Direction de la PJJ. Les autres études existantes concernent soit un public beaucoup plus restreint (étude sur les caractéristiques des mineurs délinquants sur telle ou telle juridiction) ou portent sur des problématiques spécifiques (consommations addictives) mais sans être centrées sur les mineurs placés sous main de justice.

Il convient, par ailleurs, de regretter la difficulté d’accès aux statistiques recueillies par le ministère de la Justice. Certaines informations, comme par exemple l’évolution du nombre d’expertises psychiatriques demandées dans le cadre de dossiers pénaux concernant des mineurs sont peut-être recensées par le ministère mais la mission parlementaire n’a pu obtenir d’informations à ce sujet.

I.– LES ENSEIGNEMENTS TIRÉS DES ENQUÊTES DE L’INSERM SUR LA SANTÉ DES JEUNES PRIS EN CHARGE PAR LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

La PJJ a estimé intéressant de pouvoir disposer d’éléments d’information sur l’état de santé (aspects somatiques et psychologiques) des jeunes de 14 à 20 ans pris en charge aussi bien au titre de l’enfance délinquante (ordonnance du 2 février 1945) qu’au titre de l’enfance en danger (art. 375 du code civil) par le biais de l’assistance éducative et d’analyser en quoi cette population présente des caractéristiques de santé différentes de la population des jeunes scolarisés. C’est pourquoi ces enquêtes ont été confiées à l’Inserm qui avait conduit au préalable de grandes enquêtes épidémiologiques auprès des collégiens et des lycéens.

A. RAPPEL DE LA MÉTHODOLOGIE DES ENQUÊTES

L’analyse de la méthodologie retenue dans les deux enquêtes est importante car elle permet de mettre en lumière la difficulté de réaliser un tel travail en respectant une méthodologie statistique rigoureuse.

Les deux enquêtes ne concernent que les jeunes de 14-20 ans pris en charge par les services du secteur public de la PJJ en France métropolitaine, hors mesures d’investigations et hors quartiers mineurs du milieu pénitentiaire. Ce choix a priori restrictif a été fait délibérément pour trois raisons :

— les échantillons dans le cadre de la PJJ sont difficiles à constituer. En effet, vu la durée variable des mesures, la diversité des motifs de mise sous protection et l’éclatement des établissements (348 établissements du secteur public, 1264 établissements du secteur associatif), il est très difficile de disposer des statistiques fiables sur la population prise en charge et donc de constituer un échantillon représentatif de l’ensemble des jeunes relevant de la PJJ. Le choix s’est, dès lors, porté sur un sous-groupe plus restreint et plus homogène : le secteur public ;

— les enquêtes dans le cadre de la PJJ sont difficiles à mettre en place. En effet, prévoir des procédures homogènes pour obtenir l’adhésion à l’enquête (du jeune, celui de ses parents et de ses responsables éducatifs) et pour remplir le questionnaire d’enquête (lieu, moment et conditions de la passation) est rendu complexe à cause des modalités de fonctionnement différentes d’un établissement à un autre. C’est pourquoi a été fait le choix de se concentrer sur les établissements du secteur public, moins nombreux et plus faciles à contacter, à informer et à convaincre ;

— les adolescents confiés à la PJJ relevant du secteur public représentent 54 % des adolescents pris en charge. En effet, si le secteur habilité est important, il l’est surtout pour les plus jeunes (93 % des moins de 13 ans sont dans le secteur associatif), moins pour les adolescents (44 % des 13-20 ans sont dans le secteur associatif). Ainsi, parmi le groupe cible des enquêtes, les 13-20 ans, le secteur public est le plus concerné.

La méthodologie retenue pour l’enquête de 2004 

À partir des statistiques d’activité des services éducatifs, une procédure d’échantillonnage a été définie :

— tirer au sort 20 départements en stratifiant sur le poids des mesures judiciaires de chaque département.

— impliquer tous les services de ces départements,

— inclure tous les jeunes répondant aux critères d’âge (14-20 ans) et de prise en charge (secteur public hors mesures d’investigations et hors quartiers mineurs du milieu pénitentiaire) définis au préalable.

En février 2004, on a ainsi défini un échantillon de 6 709 jeunes.

L’organisation et la convocation des jeunes dans les services ont suivi une procédure permettant de garantir aux adolescents la confidentialité de leur participation et de leurs réponses à cette enquête suivant des modalités conformes aux exigences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur le respect de l’anonymat.

La réalisation de l’enquête s’est déroulée au niveau du département (information des directeurs de service, recrutement des enquêteurs, organisation des entretiens) et au niveau de chaque service (information des jeunes sur l’enquête, constitution d’une liste des jeunes concernés, envoi aux parents des enfants mineurs d’une lettre d’information sur l’enquête leur demandant un accord passif pour la participation de leur enfant).

L’enquête s’est déroulée du 1er mars au 31 mai 2004 dans les départements sélectionnés. Le remplissage du questionnaire a eu lieu dans les services, lors de séances collectives et exceptionnellement individuelles. Initialement, il avait été décidé avec le Conseil scientifique que l’enquêteur ne devait pas être l’éducateur du jeune, ni même être un éducateur du service, et ce pour des raisons éthiques (confidentialité de la participation du jeune et de ses réponses). Face aux difficultés des services à faire venir les jeunes, la procédure a été modifiée en cours de passation ; un jeune, ayant un rendez-vous avec son éducateur dans le service, pouvait désormais être accompagné par une personne (autre que son propre éducateur) de l’équipe éducative du service pour remplir le questionnaire.

L’enquête a été réalisée avec un auto-questionnaire composé de 261 questions fermées et 1 question ouverte, proche du questionnaire utilisé lors de la précédente enquête de 1997 et de celui utilisé dans l’étude ESPAD (European School survey Project on Alcohol and other Drugs) réalisée en 2003 auprès d’un échantillon national représentatif de jeunes scolarisés du même âge et concernant plus de 16000 jeunes.

Les thèmes abordés étaient les suivants :

– caractéristiques socio-démographiques du jeune et de sa famille (14 questions) ;

– scolarité, formation, activité professionnelle (10 questions) ;

– poids, corps (9 questions) et comportements alimentaires (20 questions) ;

– maladies chroniques, accidents (8 questions), troubles du sommeil ;

– dépression, tentatives de suicide, fugue (9 questions) ;

– recours aux soins : consultations, connaissance des droits à la santé, hospitalisations, usage de médicaments (28 questions) ;

– consommations alcool, tabac, drogues illicites (37 questions) ;

– environnement familial, relationnel et loisirs (40 questions) ;

– violences subies et/ou agies, délits (34 questions) ;

– sexualité et prévention (12 questions).

L’auto-questionnaire était anonyme et devait être complété en 50 à 60 minutes. La sincérité des réponses était encouragée par des consignes présentes dans le questionnaire et reprises par l’enquêteur : « Vous n’êtes pas obligé(e) de répondre mais si vous acceptez de le faire, nous vous demandons de répondre sincèrement à toutes les questions. Cependant, si une question vous gêne ou qu’elle ne vous concerne pas, nous vous demandons de ne pas répondre ». Après avoir rempli le questionnaire, les jeunes le glissaient dans une enveloppe qu’ils fermaient et déposaient dans une urne.

Malgré une forte mobilisation des professionnels de l’institution, les répondants au nombre de 1357, n’ont représenté que 20 % de l’échantillon.

Le pourcentage de refus des jeunes comme ceux des parents est nettement plus élevé qu’en population scolaire. Le pourcentage élevé des jeunes n’ayant pas donné suite aux convocations met en évidence une difficulté propre à ce public à mettre en lien son statut de personne « placée sous main de justice ».

L’équipe de l’Inserm a souligné les précautions à prendre dans l’interprétation des résultats de ces enquêtes. Le taux de réponse des jeunes est faible et ceux qui ont participé sont surtout les jeunes les plus insérés ou les mieux socialisés (les répondants sont plus scolarisés que les non-répondants, plus sous mesures civiles, plus féminins et plus jeunes). Toutes les prévalences obtenues sont donc des prévalences « a minima » d’une population « PJJ secteur public ». De plus, l’Inserm a fait remarquer qu’il faudrait, dans l’avenir, inclure un échantillon d’adolescents du secteur associatif. En effet, si on fait a priori l’hypothèse que les adolescents du secteur associatif (plus souvent pris en charge au titre de l’enfance en danger) ont moins de troubles et conduites à risque, il conviendrait de le démontrer et de mesurer l’écart entre ces groupes d’adolescents.

B. LES ENSEIGNEMENTS DE CES ENQUÊTES

1. Les caractéristiques socio-démographiques des jeunes ayant répondu aux enquêtes

Les jeunes ayant répondu aux enquêtes avaient un âge moyen de 17,4 ans, sans différence entre les sexes. En revanche, l’échantillon était constitué de 83 % de garçons contre 17 % de filles. Cette surreprésentation masculine s’explique aisément et doit être mise en relation avec la place prépondérante des mesures pénales assurées par le secteur public de la PJJ (78 % des mesures en 2004 concernaient des garçons).

Par contre, il existe une différence entre garçons et filles quant à la nationalité et l’origine ; les garçons sont plus nombreux à avoir deux parents étrangers. Ainsi, 55 % des garçons contre 62 % des filles ont deux parents de nationalité française, 32 % des garçons contre 23 % des filles ont deux parents étrangers, respectivement 13 % contre 15 % un des deux parents étrangers. Notons que, parmi les 14-15 ans, 64 % ont leurs deux parents de nationalité française contre 54 % à 18-20 ans.

Les conditions d’existence en famille présentent des caractéristiques qui sont différentes de celles rencontrées en population générale, les familles monoparentales étant surreprésentées, souvent en raison du décès des pères.

Près de 28 % des jeunes vivent avec un seul des parents alors qu’on compte dans la population générale 12,3 % de familles monoparentales ; un sur dix vit dans une famille recomposée avec un seul des parents et le conjoint de ce dernier. Il convient de noter que la proportion de jeunes vivant en familles monoparentales est stable par rapport à 1997.

LES CARACTÉRISTIQUES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUES DES JEUNES
PRIS EN CHARGE PAR LA PJJ

 

GARÇONS
%

FILLES
%

Âge moyen

17,4 ans

17,4 ans

Sexe

83,4

16,6

Nationalité et origine

Français

Les 2 parents étrangers

1 des 2 parents étranger

55,4

32,1

12,6

62,0

22,9

15,1

Situation professionnelle du père

Travaille

Chômage

Invalidité-longue maladie

Retraite ou pré-retraite

Au foyer

Décédé

59,1

13,6

6,4

10,6

2,2

8,1

60,1

9,2

4,9

9,2

1,8

14,7

Situation professionnelle de la mère

Travaille

Chômage

Invalidité-longue maladie

Retraite ou pré-retraite

Au foyer

Décédée

45,3

13,1

5,1

1,0

32,6

2,9

41,0

15,0

5,0

2,0

30,0

7,0

Vivre avec

Ses deux parents

1 des 2 parents

1 des 2 parents et conjoint

En foyer

En famille d’accueil

Autre

42,1

27,6

10,1

8,0

3,3

8,8

22,2

29,2

12,0

14,0

3,2

19,4

Lieu d’habitation

Ville

Banlieue

Campagne

54,5

30,2

15,2

62,3

23,6

14,2

Taille de la fratrie

1 enfant

2-3 enfants

4 enfants et plus

6,1

37 ,8

56,1

5,3

41,1

53,6

Source : Enquête INSERM 2004 « La santé des 14-20 ans pris en charge par la PJJ »

L’absence du père correspond dans certains cas à son décès. Cette situation est beaucoup plus fréquente que dans la population générale (8 % chez les garçons et 15 % chez les filles contre 4 % et dans la population générale), et en augmentation entre 1997 et 2004.

Les filles vivent plus souvent hors de la famille, soit dans un foyer, soit en famille d’accueil, soit seule ou avec un conjoint.

Les familles des jeunes relevant de la PJJ sont fréquemment nombreuses. Plus de la moitié des jeunes (56 % des garçons et 54 % des filles) sont membres d’une fratrie de quatre enfants ou plus par rapport à 13 % dans la population générale.

Les parents sont hors emploi dans environ 40 % des cas pour les pères et 60 % pour les mères. Si le taux de chômage a diminué depuis 1997 (11 % contre 21 % chez les pères, 13 % contre 22 % chez les mères), il faut noter que la proportion de parents ayant un emploi est restée stable alors que les parents en invalidité, préretraite et retraite augmentent en nombre.

La vie familiale est globalement jugée positive, sentiment évoluant peu avec l’âge, mais de façon toujours plus marquée positivement pour la mère que pour le père. Les garçons évoquent moins souvent l’indifférence des parents ou leur hostilité. La qualité relationnelle déclarée avec la mère s’est améliorée entre 1997 et 2004, chez les garçons comme chez les filles. En revanche, on constate peu d’évolution quant à l’affection ressentie de la part du père. En 2004, comme en 1997, près de 75 % des garçons et seulement 60 % des filles disent que « leur père les aime bien… » Cette stabilité des relations avec le père s’observe quel que soit l’âge.

Les difficultés scolaires sont une des caractéristiques majeures des jeunes pris en charge par la PJJ.

Moins d’un adolescent sur deux ayant répondu aux enquêtes est encore scolarisé (43 % des garçons, 44 % des filles). Si le taux de scolarisation est élevé parmi les 14-15 ans (91 %), il diminue sensiblement avec l’âge et passe à 50 % parmi les 16-17 ans et à 26 % parmi les 18-20 ans.

Parmi les jeunes scolarisés 46 % sont au collège, 28 % au lycée professionnel, et seulement 6 % dans un cursus aménagé ou en classe relais.

Il convient de souligner le renforcement du phénomène de déscolarisation précoce entre 1997 et 2004 qui est surtout marqué chez les filles. L’âge moyen d’arrêt de la scolarité se situe à 15,3 ans pour les garçons et à 15,9 ans chez les filles.

Comme dans la population générale, les filles prises en charge par la PJJ sont plus souvent dans l’enseignement général alors que les garçons sont plus nombreux à fréquenter l’enseignement technique. Mais, contrairement à ce qui se passe dans la population générale, elles sont aussi nombreuses que les garçons à déclarer des problèmes scolaires. Ainsi, les filles sous main de justice, comparées aux filles scolarisées ont nettement plus de difficultés scolaires que les garçons pris en charge par la PJJ (comparées aux garçons scolarisés). Les seuls comportements où la différence garçons filles est importante sont : les absences injustifiées (plus les filles que les garçons), les conseils de discipline répétés et les renvois répétés de l’école (plus les garçons que les filles).

SCOLARITÉ DES JEUNES PRIS EN CHARGE PAR LA PJJ

 

GARÇONS
%

FILLES
%

Statut actuel

École

Stage, insertion

En programme trace

Travail en apprentissage

Chômage

Inactif

43,3

20,2

5,9

13,6

2,1

14,9

44,0

21,5

6,2

7,7

1,4

19,1

Sécher les cours

Non

1 fois

De temps en temps

Souvent

26,6

9,1

32,7

31,6

25,9

8,6

30,5

35,0

Retards

Non

1 fois

De temps en temps

Souvent

15,2

10,5

43,0

31,3

13,5

14,5

39,5

32,5

Absences injustifiées

Non

1 fois

De temps en temps

Souvent

12,7

14,6

40,7

32,0

7,1

11,6

37,9

43,4

Taux de redoublement

0

1

2 ou plus

19,8

55,5

24,7

25,8

52,6

21,6

Sécher, Arriver en retard, Être absent

Jamais ou 1 fois les 3 conduites

De temps en temps au moins 1 des 3 conduites

Souvent au moins 1 des 3 conduites

9,1

43,9

47,0

7,6

37,0

55,4

Âge moyen auquel ils ont quitté l’école

15,3

15,5

Être passé devant le conseil de discipline

1 fois

Plusieurs fois

28,3

17,3

22,3

8,8

Avoir été renvoyé d’une école

1 fois

Plusieurs fois

28,0

27,6

25,1

16,3

Source : Enquête INSERM 2004 « La santé des 14-20 ans pris en charge par la PJJ »

Comparés à une population générale scolarisée, les jeunes présents dans la population objet de l’enquête et qui sont scolarisés, se caractérisent par un fort retard scolaire et une mauvaise intégration scolaire (absences non justifiées, rejet de l’école). Cette différence est encore plus nette parmi les filles. Par exemple, les jeunes ayant redoublé plus de deux fois représentent 11 % des jeunes pris en charge par la PJJ et 4 % des jeunes scolarisés.

L’insertion professionnelle reste très difficile pour ces jeunes. On peut ainsi noter que pour la tranche d’âge des 18-20 ans une proportion plus élevée d’inactifs (19 %), que de jeunes au travail ou en apprentissage (17 %). Ce phénomène est préoccupant car il traduit la difficulté pour ces jeunes de trouver un accès à une forme de socialisation puisqu’ils ne relèvent d’aucun dispositif et ne sont même pas inscrits comme demandeurs d’emploi.

2. L’état de santé somatique et l’accès aux soins

• L’état de santé somatique

Le sentiment global des jeunes sur leur propre santé est plutôt positif. La majorité s’estime « bien portant ». Cette impression globale positive est plus prononcée parmi les garçons (89 %) que parmi les filles (76 %). Elle est toutefois inférieure à celle de la population générale (95 % d’après le Baromètre santé 2000).

Les troubles de santé (allergie, vue, etc.) sont préférentiellement cités par les filles. L’opinion globale sur la santé n’est que faiblement associée aux problèmes de santé explorés.

En 7 ans, l’état de santé des jeunes pris en charge par la PJJ a globalement peu évolué à l’exception d’une diminution des problèmes de vue et des accidents (- 24 % des accidents multiples), tendance également observée en population scolaire.

Les troubles fonctionnels (céphalées, douleurs digestives, dorsalgies…) comme la fatigue et les perturbations du sommeil, sont relativement fréquents chez les adolescents et sont largement exprimés par les jeunes pris en charge PJJ, particulièrement parmi les filles. Ces plaintes fonctionnelles sont fortement associées à l’opinion globale sur la santé.

Depuis 1997, la fatigue et le mal de dos ont augmenté significativement chez les garçons, alors qu’on constate, au contraire, une diminution des filles déclarant des troubles fonctionnels chroniques.

• Le recours au système de soins

La majorité des jeunes a consulté au moins une fois un professionnel de la santé durant l’année (94 % des garçons et 97 % des filles). Parmi les professionnels consultés, le médecin généraliste vient largement en tête (81 %), suivi du dentiste (62 %) et des autres spécialités médicales (ophtalmologiste 30 %, dermatologue 20 %, ORL 19 %).

Par ailleurs 50 % des filles PJJ ont consulté au moins une fois le gynécologue, le taux de consultation passant de 35 % chez les 14-15 ans à 63 % chez les 18-20 ans.

Les jeunes pris en charge par la PJJ ont aussi consulté dans l’année des psychologues (45 %), des infirmières (39 %) et des assistants de service social (37 %). Ils font rarement appel à la médecine parallèle (moins de 3 %).

Pour l’ensemble des recours aux professionnels de santé, les filles sont plus consultantes.

On note, dans la majorité des cas, une augmentation de la consultation médicale et paramédicale entre 1997 et 2004, particulièrement sensible pour le médecin généraliste, le dentiste, l’ophtalmologiste.

Près d’un tiers des jeunes a été hospitalisé (filles 39 %, garçons 28 %) et près d’un sur deux a en outre été admis aux urgences dans l’année (filles 47 %, garçons 43 %), alors que le taux d’hospitalisation est bien moindre en population générale : environ 8 % avec 11 % de taux de passage aux urgences.

Concernant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), 20 % des filles disent y avoir eu recours durant leur vie, et 36 % disent avoir déjà utilisé la pilule du lendemain. Les garçons déclarent que 5 % de leur partenaire ont eu recours à une IVG et que 14 % ont pris la pilule du lendemain. Il semble que les garçons ignorent fréquemment ce qui se passe pour leur partenaire. La proportion des filles qui ont déjà fait une IVG ou ont pris la pilule du lendemain augmente avec l’âge. La comparaison entre les deux enquêtes (1997 et 2004) montre une augmentation des IVG (20 % contre 12 %). La comparaison avec la population générale montre, par exemple dans la tranche d’âge des 18-20 ans, une fréquence de déclaration d’IVG des jeunes enquêtées supérieure (29 % contre 21,5 %).

Les tests de dépistages SIDA (VIH) et/ou de l’hépatite C sont plutôt réalisés par les filles (45 % des filles et 19 % des garçons ont déjà fait un dépistage du VIH, 37 % des filles et 20 % des garçons ont déjà fait un dépistage de l’hépatite C) et, dans la population générale, augmentent avec l’âge. La pratique du dépistage du SIDA n’a pas évolué depuis 1997.

En matière de droits sociaux de santé, les jeunes enquêtés paraissent assez bien couverts : près de 8 jeunes sur 10 déclarent être couverts par la sécurité sociale et près de 6 sur 10 avoir une mutuelle. L’affiliation progresse avec l’âge et passe de 60 %, pour les 14-15 ans, à 84 % pour les 18-20 ans et les non-réponses diminuent avec l’âge. On remarque une quantité minoritaire de jeunes sans couverture (environ 5 %) qui s’estiment plus souvent « n’être pas bien portants ».

3. L’état de santé psychique

Les jeunes PJJ sont plutôt moins dépressifs que les jeunes en général mais ils s’inscrivent plus dans des passages à l’acte. La tentative de suicide demeure fréquente avec une meilleure prise en charge dont témoigne l’hospitalisation.

Le taux de jeunes relevant de la PJJ dépressifs et la fréquence des idées de suicide sont légèrement inférieurs à ceux de la population scolaire. À l’inverse, les tentatives de suicide et les récidives sont plus fréquentes dans la population prise en charge par la PJJ surtout chez les filles (9,4 % des garçons et 44 % des filles).

Le taux d’hospitalisation pour une tentative de suicide, plus important chez les filles que chez les garçons, pourrait être considéré comme un indicateur de gravité de la tentative de suicide des filles suivies par la PJJ.

Depuis 1997, on constate une stabilité des tentatives de suicide et une augmentation des hospitalisations pour ce motif. Un recours plus systématique au système de soins tout comme les actions de prévention des phénomènes suicidaires mises en place dans le cadre des programmes régionaux de santé peuvent expliquer cette évolution.

La fugue est un clignotant pertinent de jeunes cumulant des difficultés. Alors que dans la population scolaire, 5 % des jeunes ont fait une fugue dans l’année (sans différence entre garçons et filles), les jeunes relevant de la PJJ fuguent de manière fréquente (22 % des garçons et 40 % des filles ont fugué au moins une fois dans l’année et respectivement 11 % des garçons et 29 % des filles l’ont fait plusieurs fois). La fugue diminue sensiblement avec l’âge. Depuis 1997, on constate une évolution différente des fugueurs selon le sexe : chez les garçons, le taux de fugue a diminué ainsi que celui des récidives et chez les filles, le taux a augmenté.

L’analyse du groupe des fugueurs met en évidence :

– peu de différences sociales,

– une proportion de 19 % des fugueurs est en service de placement (contre 6 % hors placement),

– une scolarité caractérisée par un absentéisme scolaire,

– des troubles de santé plus fréquents (troubles dépressifs majeurs, réveils nocturnes fréquents, accidents multiples),

– des consommations régulières de substances psychoactives,

– des manifestations de violence agie et subie, notamment les plus graves,

– des tentatives de suicide (parmi les fugueurs, 19 % des garçons et 59 % des filles ont fait une tentative de suicide, 15 % des garçons et 38 % des filles ont récidivé).

Au total, si les fugueurs vivent plus dans un foyer que les non fugueurs, ils se distinguent surtout des autres par leurs troubles scolaires, leurs consommations régulières de substances psychoactives, la violence agie et subie et leurs troubles de santé.

Les consommations de produits psychoactifs sont supérieures à celles de la population scolaire notamment pour le tabac, le cannabis et les autres toxiques illicites.

• La consommation d’alcool

La consommation est étudiée sous deux angles : la régularité de la consommation (consommation/vie, consommation/mois) et le nombre d’ivresses (durant l’année).

La majorité des jeunes a déjà consommé de l’alcool. La consommation régulière (10 fois par mois et plus) concerne 15 % des garçons et 10 % des filles.

En l’espace de 7 ans, on constate surtout une diminution des ivresses : près d’un jeune sur quatre l’a été au moins 3 fois dans l’année. L’âge de la première ivresse est situé avant l’âge de 15 ans pour tous, avec un rajeunissement chez les filles depuis 1997. Avec l’âge, la consommation des jeunes augmente sensiblement.

On relève, dans la population suivie par la PJJ, que la différence entre les sexes dans ce domaine s’est estompée entre 1997 et 2004, alors qu’en population scolaire, les filles demeurent nettement moins consommatrices que les garçons.

• La consommation de tabac 

Le tabac est le produit le plus largement consommé par les jeunes pris en charge par la PJJ. Actuellement, 59 % des garçons et 62 % des filles fument au moins une cigarette par jour. 32 % des garçons et 40 % des filles fument au moins 11 cigarettes par jour. L’âge de la première cigarette se situe entre 12 et 13 ans avec une grande précocité chez les filles. La proportion de fumeurs augmente avec l’âge notamment les fumeurs quotidiens.

Le tabagisme quotidien des jeunes relevant de la PJJ (plus d’un jeune sur deux) est plus accentué qu’en population scolaire (un jeune sur trois). Mais la diminution du nombre de fumeurs notamment réguliers constatée depuis quelques années est aussi observée chez les jeunes accueillis par la PJJ (- 21% chez les garçons, - 23 % chez les filles).

Sept types de substances illicites ont été pris en compte dans l’enquête : cannabis, produits à inhaler, amphétamines, cocaïne, héroïne, hallucinogènes et ecstasy.

Le cannabis est le premier produit illicite consommé par les jeunes (65 % des garçons, 66 % des filles). La consommation régulière (au moins 40 fois durant la vie) concerne plus d’un tiers des jeunes relevant de la PJJ. L’âge de la première consommation se situe à 14 ans. L’ecstasy occupe la seconde place (durant leur vie, 14 % des garçons et 24 % des filles en ont pris au moins une fois, 4 % des garçons et 8 % des filles en ont pris au moins 10 fois). Les produits à inhaler concernent 11 % des garçons et 19 % des filles qui en ont déjà pris durant leur vie, 2 % des garçons et 7 % des filles en ont pris au moins 10 fois. La cocaïne occupe une place importante, surtout parmi les filles. Ainsi, durant la vie, 21 % des filles contre 9 % des garçons en ont pris, 6% des filles contre 1% des garçons en ont pris au moins 10 fois. Les autres substances occupent une place non négligeable. Ainsi, près de 14 % des filles et 10 % des garçons ont déjà consommé des amphétamines. Près de 11 % des filles et 5 % des garçons ont déjà pris de l’héroïne, un peu plus de 8 % des filles et près de 5 % des garçons ont déjà pris des hallucinogènes.

Les filles apparaissent globalement plus consommatrices que les garçons. Avec l’âge, la consommation s’accroît quelle que soit la substance. Depuis 1997, la consommation de toutes les substances illicites a augmenté. En revanche, les produits licites, comme le tabac et l’alcool, sont en baisse. L’augmentation de la consommation de cannabis constatée en population scolaire existe aussi en population PJJ où la consommation demeure supérieure. La consommation des autres substances illicites chez les jeunes relevant de la PJJ a nettement augmenté alors que ce phénomène est resté stable en population scolaire.

4. Les conduites violentes

Les conduites violentes et les actes délictueux font partie de la vie quotidienne de ces jeunes.

Quelle que soit la forme de violence, les garçons sont plus nombreux à en déclarer que les filles, à l’exception de la violence auprès des parents (16 % des filles, 9 % des garçons).

Les violences déjà importantes à 14-15 ans, présentent un pic chez les 16-17 ans plus violents que les plus jeunes et les plus âgés.

Les lieux de la violence agie des jeunes suivis par la PJJ concernent essentiellement (67 %) des lieux publics (rues, jardins, gares, transports en commun…) ou privés (immeubles, bars, cafés..) et se situent donc à l’extérieur de l’école, de la famille ou du foyer.

Toutes les violences, même celles qui paraissent les plus banales, sont associées aux conduites de consommation et à l’absentéisme scolaire. On observe une liaison quasi linéaire entre la fréquence de la violence et le taux de consommation (en particulier, celles de l’alcool et du cannabis) ou l’absentéisme scolaire et ce, quel que soit le type de violence considéré.

Toutes ces conduites sont plus fréquentes dans la population suivie par la PJJ que dans la population scolaire, notamment le « vol des objets de valeur » ou la « revente des objets volés » et les violences sur adultes.

• La violence subie 

Durant les 12 derniers mois, les jeunes relevant de la PJJ déclarent avoir été victimes de violences verbales (37 %), de coups (26 %), de vols (18 %) et de racket (7 %). Les filles ont été plus souvent victimes de coups (34 % contre 24%) et de violences verbales (52 % contre 34 %) que les garçons, alors qu’aucune différence n’est observée entre les sexes quant aux vols, racket ou actes racistes.

• La violence sexuelle subie 

Durant la vie, les violences sexuelles concernent 6 % des garçons et 41 % des filles de l’enquête. 2 % des garçons et 11% des filles en ont été récemment victimes.

Cette violence sexuelle est, dans plus de la moitié des cas un viol, mais la majorité des jeunes disent aussi avoir subi d’autres types d’agressions sexuelles. La violence sexuelle subie est stable entre 1997 et 2004.

Ces deux enquêtes de l’Inserm sont intéressantes mais elles donnent une image déjà quelque peu ancienne des jeunes pris en charge par la PJJ. Ainsi, elles ne permettent pas d’appréhender certains nouveaux comportements comme par exemple celui de l’alcoolisation massive (binge drinking) des adolescents dont les implications en terme de délinquance ne sont sans doute pas négligeables. De même, il serait intéressant d’évaluer si les mineurs auteurs d’agressions sexuelles ont pu être influencés dans leur comportement par des scénarii d’agression directement inspirés par des films pornographiques. Mme Dominique Versini, Défenseure des enfants, dans son rapport thématique de 2007 sur les « adolescents en souffrance » constatait que de multiples professionnels (magistrats, policiers, experts psychiatres) témoignaient de cette réalité : la plupart des adolescents poursuivis pour agression sexuelle avaient l’habitude de visionner des images pornographiques, leur agression étant très souvent directement inspirée par ces films.

La direction de la PJJ, ayant pris conscience de ces lacunes dans l’information statistique relative à l’état de santé somatique et psychique, des mineurs placés sous main de justice a décidé de lancer plusieurs enquêtes en collaboration avec le ministère de la Santé et des laboratoires universitaires. Il convient de ne pas sous-estimer la difficulté de réalisation de telles enquêtes. Alors que les thèmes de recherche avaient été décidés en début 2008, il a fallu ainsi plusieurs mois pour mettre en place des méthodologies de recherche, deux études sur trois devant être précédées d’une enquête de faisabilité.

II.– AMÉLIORER LES CONNAISSANCES SUR LES MINEURS EN DANGER ET LES MINEURS DÉLINQUANTS

La direction de la PJJ a décidé de lancer pour la période 2008-2010 trois grandes enquêtes épidémiologiques, portant essentiellement sur la santé psychique des mineurs. Les thèmes choisis reflètent les préoccupations majeures des professionnels de la justice et de l’action éducative. Partant du constat empirique, qui fait consensus chez les professionnels, que les mineurs placés sous main de justice présentent fréquemment des troubles psychopathologiques, une étude portera sur la prévalence de ces troubles, une autre devrait s’attacher à étudier les liens de causalité entre délinquance et addictions et à analyser les interactions entre violences subies et agies. La troisième portera sur les adolescents ayant de graves troubles du comportement qui mettent à mal les urgences psychiatriques.

A. DE NOUVELLES ENQUÊTES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

1. La prévalence des troubles psychopathologiques chez les mineurs en danger ou pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse

Une enquête aura lieu en 2010, au niveau national, sur la prévalence des troubles psychopathologiques chez les mineurs ayant fait l’objet d’une décision administrative ou judiciaire de prise en charge ou de placement à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ou à la PJJ. Son objet est d’évaluer la fréquence des troubles psychopathologiques chez les mineurs et de reconstituer a posteriori les trajectoires institutionnelles et de soins des mineurs, afin de disposer d’une meilleure connaissance des publics pris en charge et de faire évoluer l’offre de psychiatrie infanto-juvénile à l’égard des jeunes de la PJJ. Elle est lancée par la direction de la PJJ en lien étroit avec la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale de l’action sociale (DGAS). Compte tenu de la complexité de la méthodologie à mettre en œuvre, une étude de faisabilité a été jugée nécessaire avant la réalisation de l’enquête nationale. Cette dernière est en cours. Elle conduit aujourd’hui les commanditaires à s’interroger sur le périmètre de l’enquête au regard des contraintes statistiques et du coût des différentes options. Le rapport final de l’enquête de faisabilité est attendu pour la fin 2009.

2. Étude sur les liens entre délinquance et addictions, violences subies et agies

Une étude sur le lien entre délinquance et comportements à risque, addictions, violences subies et agies, est en cours de réalisation par une équipe issue des laboratoires de l’Institut fédératif de recherche sur les économies et les sociétés industrielles (IFRESI), du CNRS et du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) en collaboration avec l’Université d’Artois. Ce travail correspond au traitement secondaire de la base statistique issue des enquêtes Santé INSERM PJJ, 1997 et 2004. Cette méthodologie a suscité de nombreux problèmes car l’équipe de l’Inserm était réticente à voir réutiliser son fichier statistique.

Une négociation a permis d’établir un contrat régissant les relations entre le CNRS et l’INSERM pour l’exploitation de ces données. Après des débuts délicats, il semble que les relations entre ces deux équipes se soient améliorées, certains mettant en avant l’avantage scientifique à collaborer à une nouvelle enquête de grande ampleur.

La PJJ en attend beaucoup car il est de plus en plus évident que certaines addictions facilitent le passage à l’acte et semblent favoriser la violence avec une perte de la conscience des conséquences néfastes de l’agressivité. Une des difficultés sera de dissocier la délinquance consécutive à une addiction avérée et les actes de délinquance provoqués par une prise de toxiques inhabituelle.

3. La prise en charge par les urgences psychiatriques des adolescents ayant de graves troubles du comportement

Une étude intitulée : « Adolescents difficiles et urgence psychiatrique : Qui sont-ils ? Quels sont leurs parcours ? » a été lancée avec le concours de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et l’Association des psychiatres de secteurs infanto-juvéniles. Elle vise à examiner la part des antécédents de placements et de mesures de protection de l’enfance dans les situations de recours aux dispositifs d’urgences psychiatriques, pour repérer les points forts et faibles des réseaux et partenariats et proposer des solutions pour dépasser les obstacles fonctionnels mis en évidence par plusieurs rapports antérieurs dont celui de l’IGAS en 2004 sur la prévention et la prise en charge des adolescents souffrant de troubles psychiatriques.

Le premier volet de l’étude a démarré en 2008, conformément au protocole qui avait été validé par le comité de pilotage : réalisation de monographies conjointes (psychiatre/sociologue) à Lille et à Toulouse, en respectant le cahier des charges rédigé par le comité de pilotage. Le démarrage des monographies a été plus long que prévu car il a fallu régler un certain nombre d’aspects pratiques (confidentialité des entretiens, autorisation parentale…) mais uniquement cinq monographies d’adolescents ont été réalisées à Toulouse et trois à Lille. Le dispositif dans les deux centres est désormais bien en place et de l’avis des enquêteurs, les données recueillies sont intéressantes. Après la réalisation des deux dernières monographies à Lille, la phase 2 de l’enquête conduite dans dix centres sera lancée.

La réalisation de monographies permet de disposer de témoignages très approfondis sur le vécu des adolescents même si les résultats porteront sur un échantillon assez restreint. Les résultats seront aussi examinés avec une grande attention tant par les éducateurs que par les pédopsychiatres car ils permettront d’évaluer si ces jeunes, confrontés aux urgences psychiatriques ont un lourd passé institutionnel. Certains médecins, dont le psychiatre Maurice Berger ont, depuis longtemps, attiré l’attention des services d’aide sociale à l’enfance notamment, des dangers de laisser des enfants subir plusieurs placements sans jamais trouver une stabilité affective auprès d’un référent éducatif stable. Favorable à une rupture précoce avec la famille biologique lorsqu’elle est pathologique, le Dr Berger a souligné l’importance d’un lieu de placement stable pour permettre au jeune enfant de construire une certaine sécurité intérieure en côtoyant des éducateurs avec qui il peut tisser des liens affectifs. Il est incontestable que nombre d’adolescents considérés comme « incasables », car renvoyés de multiples lieux de placements, traduisent par leur agressivité la souffrance de n’avoir jamais bénéficié de référent éducatif stable.

Cette étude permettra aussi de mesurer la coïncidence entre troubles de l’attention, hyperactivité dans la petite enfance et troubles dépressifs à l’adolescence, sujet qui est très controversé chez les pédopsychiatres, certains émettant l’hypothèse d’une corrélation entre ces différents troubles.

B. DÉVELOPPER UNE RECHERCHE APPLIQUÉE POUR AMÉLIORER LES PRISES EN CHARGE ÉDUCATIVES

M. Philippe–Pierre Cabourdin, directeur de la PJJ, a expliqué au rapporteur qu’un des objectifs de sa direction était d’améliorer la recherche appliquée sur les méthodes éducatives à employer auprès des jeunes délinquants. Il dispose désormais d’un nouvel outil de travail avec l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) qui comprend une direction de la recherche et dont la mission est de proposer de nouvelles innovations pédagogiques adaptées à un cadre éducatif contraint.

Afin d’améliorer la prise en charge offerte dans les centres de placement immédiat, l’ENPJJ a mis en place une étude sur l’analyse des actes professionnels des éducateurs afin d’analyser finement ce qui fait la spécificité de l’accueil d’urgence. Cette étude a associé des stagiaires et des chercheurs du Centre national des arts et métiers afin de permettre une méthodologie rigoureuse, sans perdre de vue qu’il s’agit d’une recherche qui doit déboucher sur des préconisations opérationnelles.

L’École a aussi travaillé sur la violence sexuelle et le processus adolescent. Avec le Professeur Roman, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie à l’Université Lumière de Lyon 2, une étude a été menée sur la clinique des adolescents engagés dans les passages à l’acte sexuels violents. Depuis plusieurs années, les éducateurs constatent une augmentation de la délinquance sexuelle chez de très jeunes mineurs. Cet état de fait a été vérifié par une étude de janvier 2009, menée par le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP) intitulée « Faits de violence et auteurs mineurs dans la juridiction de Versailles (1993-2005) de Véronique Le Goaziou, Laurent Mucchielli.

Cette étude montre, par exemple qu’entre 1993 et 2005, les affaires sexuelles et les violences ont doublé, les auteurs sont plus jeunes, en particulier les auteurs d’infractions sexuelles et de violences. La délinquance sexuelle concerne plutôt des mineurs d’origine française alors que les auteurs de vols violents sont plutôt issus de l’immigration maghrébine ou africaine.

La réponse judiciaire a évolué entre 1993 et 2005 : on trouve en proportion moins de peines de prison ferme ou avec sursis en 2005 par rapport à 1993 mais, en revanche, les peines de prison avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve (enjoignant les mineurs à recevoir des soins ou à se faire suivre sur le plan psychologique ou psychiatrique) sont nettement plus nombreuses en 2005 par rapport à 1993. Les magistrats sont sans doute plus utilisateurs de ces modalités de prise en charge à l’égard des affaires d’ordre sexuel qui couvrent un large pan de situations variées, depuis l’exhibition sur la voie publique jusqu’à des viols commis au sein de la famille, dans une optique compréhensive des dimensions psychiques que révèlent de telles infractions.

La comparaison des résultats entre les deux études sera riche d’enseignements pour adapter les réponses éducatives face à cette forme de délinquance à laquelle les éducateurs sont peu familiarisés.

L’École entend aussi mener des études plus fonctionnelles sur les missions de l’encadrement. Elle envisage ainsi d’analyser l’évolution de la fonction de cadre dans les établissements sociaux et médicosociaux associatif habilités par la justice et la fonction publique (PJJ). Elle proposera aussi pour thème de recherche l’évolution des mesures d’investigation pour savoir si ces mesures sont surtout des aides à la compréhension de la personnalité du mineur ou essentiellement des outils d’aide à la décision pour les magistrats.

Pour faire évoluer les dispositifs d’hébergement les plus contraignants, l’École a aussi poursuivi ses investigations sur les Centres éducatifs fermés et sur les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM).

En collaboration avec plusieurs équipes du CNRS et des universitaires, un travail approfondi sera mené sur les EPM et les rapports sociaux en détention. Il conviendra ainsi d’étudier la diversité et l’articulation des différents métiers de la prise charge des mineurs.

Cette étude devrait aussi analyser les critiques qu’ont suscitées ces établissements. Le deuxième volet de l’étude devrait porter sur la double dimension de la prise en charge à la fois carcérale mais aussi éducative et les problèmes posés par la coopération nécessaire entre personnels relevant de l’administration pénitentiaire et du secteur éducatif.

Évaluer la réussite des CEF conduit à s’interroger sur le devenir des adolescents qui y ont séjourné. Il est envisagé de construire une base de données des mineurs ayant effectué un séjour en CEF et de le recouper avec les données du casier judiciaire national pour y relever les condamnations relatives à des faits dont la commission est postérieure à la sortie de la structure. Ces statistiques permettront de construire des typologies de trajectoires de réitération prenant en considération le rythme et la gravité des infractions.

Enfin, à partir des stages à l’étranger des élèves directeurs, l’École voudrait aussi analyser les dispositifs étrangers relatifs aux traitements en psychiatrie des adolescents difficiles et aux modes de placement « contraignants » et déterminer s’ils pourraient être transposés en France.

La multiplicité de ces initiatives et de ces études est remarquable et le rapporteur tient à saluer le dynamisme de l’école d’application de la PJJ qui a noué des partenariats prometteurs avec des universités et des centres de recherche pour donner toute crédibilité à ces activités de recherche appliquée.

Il reste néanmoins à mettre en œuvre le Conseil scientifique de la PJJ qui permettra de coordonner l’activité de recherche de l’École et celle menée par l’Administration centrale. Cette coopération existe aujourd’hui mais sans la déontologie définie par ce Conseil, certains professionnels ont mis en doute l’indépendance de ces travaux de recherche. Le Conseil scientifique aura aussi pour mission de définir une méthodologie et sera en mesure de trancher les points litigieux s’ils apparaissent. Il pourra enfin émettre des recommandations plus opérationnelles si certaines mesures étudiées suscitent un consensus chez les universitaires comme chez les praticiens

Il est donc très important que sa composition soit définitivement arrêtée, qu’elle prévoie des personnalités extérieures et des professionnels de la Santé et de l’administration pénitentiaire.

Pour donner un meilleur retentissement à ces études il conviendrait de mettre en place une procédure permettant aux professionnels de terrain de suggérer des thèmes d’étude et que le résultat de ces études soient mieux diffusés auprès des établissements pour inciter à l’application des préconisations.

Proposition n° 1 : améliorer la coordination entre la DPJJ et l’École de la PJJ à Roubaix

Améliorer la coordination en matière de recherche entre la DPJJ et l’École de la PJJ à Roubaix pour parvenir à une recherche appliquée, qui puisse déboucher sur des recommandations opérationnelles. Pour parvenir à cet objectif, il est indispensable que le conseil scientifique de la DPJJ soit nommé et qu’il comprenne en son sein des experts universitaires relevant de disciplines variées avec si possible un apport de scientifiques étrangers pour être en mesure de procéder à des comparaisons internationales.

CHAPITRE II : UN PARTENARIAT INACHEVÉ ENTRE LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE ET LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

I.– UNE LENTE PRISE DE CONSCIENCE DES LACUNES DU SUIVI SANITAIRE DES MINEURS PLACÉS SOUS MAIN DE JUSTICE

La mission a été frappée par le décalage existant entre la prise de conscience des lacunes du suivi sanitaire et tout particulièrement de la prise en charge psychique des mineurs placés sous main de justice et la mise en œuvre de solutions opérationnelles.

Il y a plus de dix ans déjà, le rapport de Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck sur les « réponses à la délinquance des mineurs » (2) constatait qu’une « véritable psychiatrie de l’adolescent » restait à construire. Ils soulignaient ainsi : « Il y a un contraste saisissant entre l’ampleur relative du dispositif de santé mentale et la médiocrité des moyens affectés à la prise en charge des adolescents présentant des troubles aigus du comportement". Ils relevaient que les adolescents ne bénéficiaient pas d’une prise en charge équivalente à celle dont disposent les adultes (secteurs psychiatriques généraux) ou les enfants (secteurs infanto-juvéniles). Parlant de ces adolescents, ils dressaient un bilan sévère de l’offre de soins : « Ils sont, littéralement, entre les deux, sans véritable espace propre. Il existe donc un déficit grave pour l’accueil et le suivi des 14-18 ans qui présentent des troubles du comportement, et qui donc sont spécialement exposés à la délinquance. ».

Quelques mois après, le Conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et la circulaire interministérielle du 6 novembre 1998 mettant en œuvre ses décisions cherchaient à organiser une meilleure articulation entre les secteurs de la psychiatrie infanto-juvénile et les intervenants de la PJJ.

Depuis dix ans, force est de constater que de grands progrès ont été faits dans le diagnostic des troubles de santé spécifiques aux adolescents sous main de justice mais que les réponses thérapeutiques et que les prises en charge adaptées sont encore très lacunaires. Suite à la publication de plusieurs circulaires importantes qui vont être analysées ci-après, certains professionnels de terrain ont mis en œuvre des partenariats santé/justice innovants mais ces initiatives locales ont mal été valorisées au niveau ministériel, donnant l’impression que le partenariat instauré manque de dynamisme et d’une véritable impulsion politique.

A. LE SÉMINAIRE SANTÉ-JUSTICE SUR LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS EN GRANDE DIFFICULTÉ

La souffrance psychique et les troubles graves du comportement des adolescents sont des thèmes qui ont émergé progressivement dans les années quatre-vingt-dix. Peu à peu, un consensus s’est dégagé parmi les professionnels de la jeunesse comme du secteur sanitaire pour reconnaître que les dispositifs publics en faveur des adolescents étaient inadaptés ou inefficaces du fait d’un manque de coordination, entraînant des ruptures de prise en charge.

Beaucoup de jeunes mineurs suivis dans le cadre d’un mandat judiciaire souffrent de difficultés psychiques réelles et reconnues même si elles n’entrent pas toujours dans les grilles nosographiques psychiatriques traditionnelles, c’est-à-dire dans les classifications de ces maladies. Leur comportement, leur violence à l’égard des autres ou à l’égard d’eux-mêmes ou leur capacité à déstabiliser le fonctionnement institutionnel posent des problèmes récurrents aux établissements de soins comme aux structures médico-sociales ou aux établissements éducatifs de la PJJ.

Ces situations provoquent chez les professionnels un sentiment d’inquiétude et d’impuissance qui les amène à se tourner vers les équipes de psychiatrie pour trouver des solutions. Or, très souvent les structures de soins psychiatriques ambulatoires comme hospitalières se jugent elles-mêmes peu adaptées pour répondre, sans support extérieur, aux problématiques de ces adolescents pris en charge par la PJJ, tout en reconnaissant la réelle souffrance psychique de ces jeunes.

Face à ces réactions de refus répétés de prise en charge de ces jeunes, parfois qualifiés d’« incasables », le ministère de la Santé et le ministère de la Justice ont souhaité réunir de nombreux professionnels, de la justice, de l’action sociale, de l’éducation et de la PJJ afin d’élaborer en concertation des réponses pertinentes pour la prise en charge des adolescents en grande difficulté. Les 25 et 26 mai 2000, un séminaire Santé Justice a donc réuni plus de deux cents professionnels pour faire un état des lieux des problèmes constatés et tenter de dégager des solutions. Cette réunion, préparée par un comité de pilotage réunissant des professionnels et des experts du secteur de la justice, de la santé et des conseils généraux a eu une importance symbolique considérable.

Comme l’a souligné Mme Marie Françoise Guérin, sous-directrice chargée de l’organisation des soins à la direction des hôpitaux, ce séminaire a été rendu possible grâce à certaines initiatives locales qui ont démontré le bien fondé du travail en partenariat pour faire face aux difficultés des adolescents. Grâce à quelques précurseurs du monde de l’éducation, de la santé et de la justice ces actions expérimentales ont été relayées par les administrations centrales qui ont compris l’urgence d’organiser une vaste consultation des professionnels. Ce séminaire traduisait la volonté politique des deux ministères concernés de reconnaître la gravité de la situation des adolescents et d’inciter les professionnels de terrain à trouver des solutions en améliorant leur coopération pour mettre en œuvre des prises en charge pluridisciplinaires.

Ce séminaire s’est organisé sous la forme de conférences suivies de travaux en atelier sur les thèmes suivants :

– la question de la prévention et du dépistage des troubles du comportement ;

– la réponse à l’urgence et à la crise ;

– l’hospitalisation des mineurs en grande difficulté ;

– l’organisation de réseaux de prise en charge pluridisciplinaire.

Nombreux des points débattus lors de ce séminaire restent d’actualité.

Concernant la santé somatique, le professeur Patrick Alvin, chef du service de médecine pour adolescents à l’Hôpital Bicêtre, a insisté lors de ce séminaire, sur les liens entre santé somatique et santé psychique à l’âge de l’adolescence. Il constatait que l’adolescence est une période de développement rapide où les interactions entre santé physique et santé mentale, cadre de vie et comportements sont particulièrement denses. À cet âge tout ce qui se rapporte au corps est source de questionnement, mobilise fortement l’image de soi, la pudeur, les mouvements affectifs ; réciproquement, tout ce qui touche aux émotions, à l’humeur se traduit volontiers par des symptômes et « troubles » corporels. Pour un adolescent, et a fortiori s’il est en grande difficulté, l’approche la plus pertinente et la plus apaisante est l’approche médicale élargie, « généraliste » , elle passe par un examen physique du corps qui permette d’aborder de manière indirecte les questions relatives à la santé psychique.

En 2000, le professeur Alvin mettait en garde les professionnels du secteur éducatif, surtout lorsqu’il s’agit de la prise en charge d’adolescents au comportement « perturbateur » contre le risque d’escamoter les symptômes physiques. Il insistait sur le fait qu’un bilan de santé ne devait pas s’entendre « comme un simple inventaire suspendu d’indices psychopathologiques ou de conduites dites à risque » mais qu’au contraire le bilan de santé devait s’intéresser à la croissance, au développement sexuel, à l’hygiène alimentaire, au sommeil… Selon ce praticien, un bilan de santé devait être déjà un processus de soins qui incite l’adolescent à s’approprier sa santé.

Il invitait les professionnels à réfléchir à la manière de garantir la confidentialité des informations médicales ayant constaté que plus un adolescent est en difficulté, plus la question de la confidentialité sera un enjeu crucial pour son adhésion à la démarche de soin.

Cette importance de la santé somatique pour aborder d’autres questions plus intimes conduira le ministère de la Justice dans plusieurs circulaires à préconiser la réalisation de bilans de santé pour tout jeune hébergé dans un établissement de la PJJ en considérant cet examen comme partie intégrante de la démarche éducative. Plus récemment, la direction de la PJJ a formalisé dans un document intitulé « le recueil d’information santé » les informations médicales qui doivent être recueillies pour tout adolescent faisant l’objet d’une mesure éducative ou d’un placement. Ce document n’est pas seulement descriptif mais vise à engager une dynamique de soins puisqu’il recense les besoins de soins exprimés par le jeune, par sa famille et ceux identifiés par les professionnels qui accompagnent le mineur (circulaire intitulée « Guide technique en santé – recueil d’information santé » du 14 décembre 2006).

Concernant la prévention, les professionnels ont déploré la multitude des circulaires et des intervenants dans le domaine de la prévention sans qu’il existe d’objectifs précis ni d’outils d’évaluation de cette politique de prévention. Les participants ont aussi évoqué la fragilité des actions entreprises par le réseau associatif du fait de l’insécurité budgétaire de certaines structures qui sont dépendantes de subventions qu’il faut renégocier chaque année. L’ensemble des acteurs ont constaté que si la prévention de la souffrance psychique et des troubles du comportement était acceptable dans le secteur de la petite enfance, notamment grâce à l’action de la protection maternelle et infantile, il existait de véritables lacunes entre six et douze ans, notamment en raison des carences de la médecine scolaire.

Une demande unanime a été exprimée pour améliorer la formation des personnels éducatifs notamment dans le repérage des signes précurseurs de souffrance psychique. Les professionnels ont demandé des formations interministérielles pour permettre aux professionnels appartenant à des institutions différentes d’avoir une démarche commune dans la détection des symptômes. Des recherches seraient à développer relatives aux troubles psychiques de l’adolescence et plus particulièrement sur les pathologies de l’agir et les troubles du comportement qui intéressent plus particulièrement les mineurs délinquants. Mme Simone Couraud, psychologue à la PJJ, soulignait, d’ailleurs, que ce travail de recherche devait être entrepris avec une visée pratique afin d’améliorer les prises en charge éducatives.

La prise en charge des crises est une question complexe qui est étroitement liée à celle de l’hospitalisation des adolescents en grande difficulté. Les professionnels soignants comme ceux de la PJJ se sont accordés pour reconnaître que le recours aux urgences psychiatriques est à déconseiller car il suscite souvent des refus de soins ultérieurs de la part des jeunes. Les professionnels ont constaté leurs divergences sur la notion de crise, les éducateurs de la PJJ considérant souvent qu’un jeune ne peut plus être maintenu en établissement à cause de son comportement délirant et agressif alors que les soignants de pédopsychiatrie ne diagnostiquent aucune pathologie mentale caractérisée ni aucun besoin caractérisé de contention. Les professionnels ont, d’ailleurs, fait part d’expériences locales de travail commun entre éducateurs de la PJJ et soignants en psychiatrie pour étudier, à partir de cas ayant conduit à des ruptures de prise en charge comment les symptômes pouvaient être fluctuants. Il a été rapporté à plusieurs reprises qu’un même jeune qui avait un comportement extrêmement violent en foyer pouvait changer totalement d’attitude à son arrivée dans une structure de soins.

Les professionnels ont proposé la création de structures sanitaires permettant d’accueillir pour une durée brève de quelques jours les adolescents en situation de crise qui ne peuvent être maintenus en établissement éducatif et ont préconisé une instance permanente mixte PJJ/ Santé permettant une régulation au niveau local des situations de crise.

Concernant les hospitalisations, Mme Anna Forgue infirmière à la DPJJ de Seine-et-Marne a souligné l’ambivalence par rapport à ces demandes. Le séjour en psychiatrie quelle que soit sa durée stigmatise le parcours jalonné de ruptures de ces adolescents au point que le retour vers une structure d’hébergement est rendu difficile. La situation est d’autant plus délicate si l’hospitalisation a été demandée en urgence car l’objectif recherché est le plus souvent de trouver un moyen de contention plutôt que la mise en place de soins. Ces hospitalisations en urgence peuvent même être une source d’opposition durable aux soins car la plupart des adolescents associent la folie à la psychiatrie et ont une représentation asilaire de celle–ci.

Les professionnels ont insisté lors de ce séminaire, sur l’importance du travail commun, en amont des hospitalisations, pour limiter le plus possible les situations d’urgence et ont plaidé pour une action conjointe au sein de l’établissement psychiatrique : les éducateurs de la PJJ doivent être associés à la période de soins pour éviter une rupture totale du mineur avec son milieu d’hébergement et préparer le suivi thérapeutique à la sortie de l’hôpital.

Ce séminaire a été l’occasion d’enclencher une démarche partenariale entre les établissements relevant de la PJJ, les soignants de psychiatrie et les magistrats.

B. LA CIRCULAIRE DU 3 MAI 2002 RELATIVE À LA PRISE EN CHARGE CONCERTÉE DES TROUBLES PSYCHIQUES DES ADOLESCENTS EN GRANDE DIFFICULTÉ

L’essentiel des préconisations présentées lors du séminaire Santé/Justice a été repris par la circulaire interministérielle (DGS/DHOS/DGAS/DPJJ) n° 2002/282 du 3 mai 2002.

La circulaire part du constat d’une carence de l’offre de soins pour les adolescents en grande difficulté ayant fait l’objet d’une décision judiciaire. Elle souligne que « près des deux tiers des départements signalent l’absence de structures adaptées de prise en charge ou l’insuffisance des collaborations entre les professionnels. » mais elle remarque que la préoccupation pour ce public et le souci de traiter cette problématique sont manifestes, de nombreux instruments de planification sanitaire ou médico-sociale y faisant référence.

Le public visé n’est pas défini en termes juridiques (mineurs relevant de l’aide sociale à l’enfance et/ou de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante) mais en fonction de leur parcours de vie chaotique, ayant mis à mal plusieurs institutions.

La circulaire définit ainsi les adolescents en grande difficulté : «outre la souffrance psychique parfois intolérable dont leur comportement ou leur passage à l’acte témoignent, ils laissent les institutions démunies et nécessitent des prises en charge extrêmement complexes dont les résultats restent aléatoires. »

Les parcours de vie de ces jeunes sont faits de ruptures successives que traduisent les échecs répétés des prises en charge : échec scolaire, exclusion des institutions, renvoi de la famille. L’adolescent difficile ne trouve pas de réponse adéquate dans le cadre de son environnement qu’il met en tension ou en échec, induisant de ce fait des attitudes de ruptures et de rejet et le renvoi sur d’autres filières de prise en charge, souhaitées plus « contenantes ».

Il est donc demandé à l’ensemble des professionnels prenant en charge ces adolescents de « décloisonner les logiques institutionnelles », l’étude des trajectoires de ces adolescents montrant le caractère relativement aléatoire de leur orientation sur des filières sanitaire ou médico-sociale en lien notamment avec l’offre locale d’établissements de placement ou de soins.

Il est certain que des adolescents n’ayant pu bénéficier d’un suivi sanitaire satisfaisant durant l’enfance, ont poursuivi leur scolarité dans de mauvaises conditions alors qu’une prise en charge plus précoce leur aurait permis d’avoir un accompagnement médico social, évitant ainsi une déscolarisation très fréquente chez les mineurs délinquants.

La circulaire insiste sur la nécessité de mettre en œuvre des prises en charge globales en veillant à leur cohérence : « Il convient de proposer des réponses multiples à la fois éducatives, sociales, médico-sociales, judiciaires ou thérapeutiques qui ne se substituent pas les unes aux autres, peuvent se cumuler en tant que de besoin ou se relayer sans discontinuité. Cela suppose au préalable une coordination des instances décisionnelles et une mise en réseau des réponses institutionnelles ».

Les efforts de coopération entre les professionnels relevant de la justice, des soins ou de l’éducatif devaient porter sur quatre domaines : la prévention, la réponse à l’urgence ou à la crise, l’hospitalisation et les soins ambulatoires.

Concernant la prévention, la circulaire de 2002 invitait l’ensemble des professionnels à faire un état des lieux des ressources locales pouvant apporter une expertise technique en termes de prévention précoce des troubles du comportement et des réponses éducatives, sociales et médico-sociales susceptibles d’être apportées. Elle indiquait, par ailleurs, qu’il convenait de porter une attention particulière aux enfants de la tranche d’âge de 6 à 12 ans envers lesquels une nouvelle vigilance est nécessaire. En effet, de nombreux professionnels ont mis en lumière une carence du suivi sanitaire des enfants au cours de l’école primaire alors que dans la petite enfance, les services de la protection maternelle et infantile parviennent à détecter relativement bien les troubles psychiques les plus graves.

La circulaire estimait également nécessaire de faire figurer cette démarche de prévention des troubles psychiques dans les schémas conjoints de la protection de l’enfance et de la famille pour favoriser la coordination entre les services relevant de l’État et ceux des conseils généraux.

Concernant la gestion commune des épisodes de crise la circulaire reconnaissait très justement que le mot « urgence » recouvrait des réalités très différentes selon que l’on est éducateur, magistrat, ou psychiatre.

Il s’agit, en amont de la crise, d’améliorer l’articulation entre les équipes éducatives et soignantes. Cela revient notamment à développer une connaissance et une reconnaissance des institutions, des acteurs de terrain entre eux, permettant de clarifier les responsabilités et les rôles de chacun, de travailler en complémentarité.

Afin d’éviter d’avoir à chercher dans la précipitation un mode de placement adapté pour un jeune ayant brusquement de graves troubles du comportement, les professionnels doivent en amont des périodes de crise chercher des modes de coopération entre établissements relevant de la PJJ ou de l’ASE et structures sanitaires.

La circulaire invitait les professionnels à se forger une culture commune autour de la notion de crise.

« Les professionnels de santé ont à élaborer une culture commune qui fédère l’ensemble des acteurs autour de la spécificité d’une clinique de l’adolescence, marquée par l’importance de la violence, de la transgression et du passage à l’acte. Le développement de formations en direction des équipes de psychiatrie infanto-juvénile et adultes, des équipes pédiatriques, des médecins généralistes, des professionnels sociaux, médico-sociaux et judiciaires ainsi que l’élaboration de formations communes doivent y contribuer. »

L’objectif était de constituer un socle commun à l’ensemble des professionnels de la protection de l’enfance, qui devait trouver une réalité à court terme en améliorant notamment les conditions d’hospitalisation des adolescents.

La circulaire rappelait l’importance de la préparation des décisions d’hospitalisation.

Moment particulier dans le projet thérapeutique et socio-éducatif d’ensemble, l’hospitalisation doit être négociée et préparée en amont, dans ses différentes modalités, avec l’adolescent et sa famille, mais aussi entre les équipes soignantes, sociales et éducatives et répondre à une indication précise. La préparation en amont de l’hospitalisation doit permettre qu’elle ne soit pas vécue par l’adolescent comme une sanction ou comme une contrainte insupportable, l’hospitalisation en milieu psychiatrique restant entachée d’un risque de stigmatisation.

Une hospitalisation en dernier recours, réalisée en urgence, est en effet peu favorable à une bonne mise en place des soins.

L’hospitalisation complète sert principalement à déployer des soins intensifs et permanents autour de l’adolescent, dans de bonnes conditions de sécurité et de qualité. L’hospitalisation à temps plein a également pour fonction de contenir et contrôler le comportement extrême du jeune, de le séparer de son environnement et d’observer son comportement.

Elle permet également de transférer la charge du soin de la famille ou de l’établissement de placement vers les professionnels du soin et de réguler les tensions, qui sont tout à la fois les effets et la cause du symptôme de crise violente.

La circulaire souligne que l’hospitalisation est un acte médical qui doit le rester, même si la décision d’hospitaliser peut être négociée ou considérée comme un moment de rupture profitable à l’adolescent comme aux professionnels médico-sociaux ou socio-éducatifs qui en ont la responsabilité. Elle peut permettre aussi de reconsidérer les modalités de prise en charge.

Elle rappelait aussi le cadre juridique de ces hospitalisations. En effet, l’article 19 IV de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé insérant un article 375-9 dans le code civil subordonne les décisions judiciaires de placement des mineurs dans un établissement recevant des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux à un avis médical qui devra être confirmé à l’issue d’un délai de 15 jours par un psychiatre de l’établissement d’accueil.

La circulaire abordait aussi la délicate question de la carence de lits d’hospitalisation pour les adolescents et indiquait qu’il fallait mettre en place des petites unités intersectorielles d’hospitalisation spécifiques aux adolescents.

Afin d’améliorer l’organisation des soins psychiques après les périodes de crise et d’hospitalisation, la circulaire préconisait d’intensifier le travail en réseau qui devait être formalisé par les décideurs institutionnels locaux (préfets, agences régionales de l’hospitalisation, présidents de conseils généraux...).

La circulaire soulignait l’importance d’une formalisation de cette coopération au niveau des institutions locales. « Il est nécessaire que ces décideurs institutionnels locaux valident les objectifs communs dans lesquels le travail en réseau s’inscrit. Cette formalisation permet de garantir la pérennité et la continuité du travail développé par les professionnels des différents champs. » Une charte ou une convention devait donc préciser les objectifs et les modalités de coopération mis en œuvre entre les différents partenaires.

La circulaire précisait par ailleurs que ces réseaux, à cause de leur dimension sanitaire pouvaient bénéficier de subventions de l’État et de l’assurance maladie, en application des dispositions relatives aux réseaux de santé définis par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (art. L. 6321-1 et suiv. du code de la santé publique).

Pour développer les actions de prévention et la constitution de réseaux coordonnés de prise en charge la circulaire annonçait la création de postes de coordonnateurs créés par les agences régionales de l’hospitalisation et rattachés à la psychiatrie publique.

Leurs missions devaient être de recenser l’ensemble des actions menées par les secteurs de psychiatrie au bénéfice des adolescents présentant de graves troubles du comportement, d’analyser la mobilisation des ressources des secteurs de psychiatrie en la matière et de recenser les attentes et les besoins des différents partenaires. À partir de cet état des lieux, les coordonnateurs devaient proposer, en lien avec les équipes de psychiatrie un programme d’interventions et de formations communes dont ils devaient assurer la mise en œuvre.

Ce travail de recensement des besoins devait se concentrer sur les adolescents en grande difficulté dont la violence des manifestations de mal-être est actuellement difficilement gérée par les équipes ou traitée de manière cloisonnée sans réelle efficacité.

De manière quelque peu prémonitoire, la circulaire mettait en garde : « Il ne s’agit pas de construire le réseau autour des services de psychiatrie, mais bien de permettre à ces derniers de dégager du temps et des moyens pour développer les partenariats nécessaires à ce travail en réseau ».

Les auteurs de la circulaire rappelaient l’importance de la mobilisation des acteurs du champ judiciaire pour qu’une véritable politique de santé publique soit développée au sein des institutions de la PJJ. Les psychologues de la PJJ étaient ainsi incités à jouer un rôle d’interface entre les institutions éducatives et le secteur de psychiatrie infanto-juvénile (évaluation des difficultés psychiques de l’adolescent, mobilisation autour de sa vie psychique, précision de l’orientation). Ils pouvaient ainsi faciliter la mise en place de ce partenariat.

Il ne semble pas qu’une évaluation précise de l’application de cette circulaire ait été menée par les autorités politiques en charge de la Justice et de la Santé. Néanmoins, cette circulaire semble avoir eu un retentissement certain auprès des professionnels de terrain. La mission a pu ainsi recueillir le témoignage de professionnels de la PJJ qui ont cherché à organiser des instances locales de concertation entre magistrats chargés de la jeunesse, pédopsychiatres et responsables d’établissements éducatifs à la suite de la parution de cette circulaire. En revanche, il ne semble pas que les autorités de tutelle sanitaires, notamment les ARH aient pris toute la mesure du caractère novateur de cette démarche de réseau de soins. Au plan budgétaire, il ne semble pas non plus que des moyens financiers importants aient été consacrés à l’organisation de cette prise en charge concertée des adolescents placés sous main de justice.

À la suite à la loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique mettant l’accent sur l’importance des actions de prévention et d’éducation de la santé en faveur des publics les plus défavorisés et en raison des résultats de l’enquête Inserm de 2004 démontrant les risques spécifiques de santé des adolescents confiés à la PJJ, les ministères de la Justice et de la Santé ont décidé de renforcer leur partenariat en signant un contrat cadre de santé publique le 13 décembre 2007.

II.– LE RENFORCEMENT DU PARTENARIAT SANTÉ JUSTICE

A. LE CONTRAT CADRE DE PARTENARIAT EN SANTÉ PUBLIQUE

La signature de ce contrat cadre entre la direction générale de la santé et la DPJJ marque la volonté de relancer le partenariat entre les deux ministères en définissant des objectifs communs qui devraient se traduire localement par des actions menées par les services déconcentrés, définis dans le cadre des plans régionaux de santé publique.

Ce document fixe des objectifs prioritaires pour la période 2008-2009 :

– généraliser une approche orientée vers les questions de santé tout au long de l’intervention éducative : il s’agit d’améliorer la manière dont la santé est appréhendée dans le cadre de l’action éducative. Les établissements devront ainsi systématiquement utiliser « le recueil d’information santé » qui fera partie intégrante du « document individuel de prise en charge » établi lorsqu’un mineur est accueilli par un établissement de la PJJ. Au-delà des informations médicales contenues dans ce document, il s’agit de mettre en place des entretiens périodiques avec le mineur permettant de faire le point sur son état de santé. Cette démarche suppose un travail de formation d’éducateurs pour intégrer la santé dans leur démarche éducative avec les mineurs ;

– généraliser l’éducation à la vie affective et sexuelle des adolescents au cours de leur prise en charge éducative. L’objectif recherché est de développer un travail en réseau avec l’éducation nationale, les services de protection maternelle et infantile (PMI) et les centres de planification ou d’éducation familiale. Il s’agit aussi de mener un travail de recherche sur les stratégies d’intervention pour les mineurs auteurs et victime d’agressions sexuelles ;

– développer une démarche d’accompagnement des mineurs dans l’accès aux droits sociaux et dans la connaissance des dispositifs de prévention sanitaire. L’objectif est de négocier avec les caisses primaires d’assurance maladie des protocoles d’accès aux soins et de faire connaître aux mineurs les démarches nécessaires pour bénéficier de dispositifs de prévention (bilan de santé gratuit, points d’accueil santé jeunes…) ;

– favoriser la prise en charge des troubles psychiques des mineurs et jeunes majeurs placés sous protection judiciaire. Pour parvenir à une prise en charge mixte associant des soins psychiatriques et une prise en charge éducative, il a été créé une mission nationale d’appui associant des médecins et des professionnels de la PJJ pour faire un état des lieux des modalités de coopération actuelles entre les secteurs de pédopsychiatrie et les établissements de la psychiatrie (ce volet fera l’objet d’une analyse détaillée ci après) ;

– développer le repérage et la prise en charge précoce des addictions. L’objectif est de créer des partenariats avec des services de soins ou des associations spécialisés dans les addictions, la démarche voulant traiter du phénomène des polyaddictions et articuler les interventions avec une réflexion globale sur les conduites à risque.

Au plan de la méthode, le rapporteur tient à saluer la création d’un comité national de pilotage qui est constitué de représentants des deux ministères mais aussi des organismes compétents en matière de prévention : l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), l’Institut de veille sanitaire (InVS). Ce comité sera chargé de définir les objectifs d’actions et de suivre leur mise en œuvre. Pour vérifier la pertinence des actions menées, des indicateurs permettront de mesurer les résultats obtenus par rapport aux objectifs définis au niveau territorial.

Il est encore prématuré pour juger de la mobilisation des équipes locales pour la mise en place de cet accord-cadre. Par rapport à la circulaire de 2002, la démarche paraît plus pragmatique et il est au moins prévu de vérifier les résultats des actions engagées. C’est un progrès et la moindre des choses pour une politique publique.

B. LE TRAVAIL MENÉ PAR LA MISSION NATIONALE D’APPUI EN SANTÉ MENTALE

Partant du constat que dans de nombreux départements la circulaire du 3 mai 2002 relative à la prise en charge concertée des troubles psychiques n’avait pas été réellement appliquée la direction de la PJJ a fait procéder à un état des lieux au cours de l’année 2006 qui démontrait une grande disparité de situations selon les départements et la nécessité d’analyser plus finement les raisons de la difficulté de coopération entre établissements de la PJJ et structures de soins relevant de la psychiatrie.

Une mission nationale d’appui en santé mentale a donc été créée en 2007 pour procéder à ce travail d’analyse fonctionnelle dont l’objectif est de relever les obstacles qui s’opposent à une prise en charge articulée entre la PJJ et la psychiatrie pour les adolescents sous main de justice et de recenser les bonnes pratiques existantes pour éventuellement envisager leur généralisation. Cette mission a été confiée au Dr Michel Botbol, médecin psychiatre attaché à la DPJJ qui est appuyé par un comité de pilotage national composé de personnels de la PJJ dirigeant des établissements, de médecins psychiatres et de représentants de la DGS, de la direction de l’hospitalisation (DHOS) et de la DPJJ.

Le rapporteur estime important que le ministère de la santé ait à nouveau un rôle d’animation dans ce comité alors qu’il s’est peu à peu désengagé et y fasse siéger de véritables décisionnaires.

Ce travail d’audit a été prévu dans cinq départements : l’Ille-et-Vilaine, la Côte d’Or, les Bouches-du-Rhône, la Seine-Saint-Denis et les Yvelines, ces cinq départements ayant été choisis pour refléter une certaine diversité dans l’organisation des structures sanitaires et dans le maillage territorial des établissements de la PJJ.

La méthode retenue était que chaque département fasse l’objet d’un audit approfondi réalisé par un binôme constitué du Dr Botbol et d’un membre du comité de pilotage, chaque visite sur le terrain étant précédé d’une séance de travail du comité de pilotage pour déterminer les aspects de l’organisation locale qui paraissaient les plus problématiques ou, au contraire, les expérimentations réussies que la mission devait étudier.

Ces visites de terrain doivent comporter deux aspects : un objectif d’évaluation de l’existant et de ses capacités d’évolution et un objectif de mobilisation aussi large que possible des acteurs locaux sanitaires et sociaux impliqués dans la prise en charge des adolescents ayant des troubles du comportement.

Les constats effectués en Ille-et-Vilaine et Côte d’Or sont très instructifs des principaux dysfonctionnements.

En Ille-et-Vilaine, concernant la réponse hospitalière à la crise et à la demande d’hospitalisation urgente, il est frappant de constater que le service psychiatrique d’accueil et d’orientation rattaché à l’hôpital Guillaume Régnier fait un excellent travail de régulation et de prévention des hospitalisations abusives mais il n’intervient pas pour les adolescents de moins de 16 ans alors que c’est dans ce créneau d’âge que les places d’hospitalisation font le plus défaut.

Cet état de fait a de graves conséquences. En situation de crise, de nombreuses demandes d’hospitalisation sont refusées au motif que les adolescents ne présentent pas de véritables pathologies psychiatriques. De plus, les pédopsychiatres répugnent à hospitaliser un mineur si les parents ne donnent pas leur consentement même en situation de crise.

La question de la demande de soins de la part du mineur est aussi très complexe. Selon les praticiens, la conduite varie certains refusant de soigner un mineur qui ne demande pas explicitement de soins ; d’autres ont une attitude beaucoup plus souple et acceptent de recevoir des mineurs et les incitent à formuler une demande d’accompagnement. Ce consentement aux soins est nécessaire pour les thérapies au long cours.

Pour l’accès aux soins des adolescents, la mission nationale d’appui en santé mentale a pu constater l’efficacité de l’intervention d’une équipe mobile de pédopsychiatrie mise en place par le Dr Torjman. Cette équipe va au-devant des jeunes et permet une première prise de contact sans aucun formalisme. Elle permet aussi d’apporter un soutien technique aux équipes éducatives notamment celle du CEF de Gévézé où elle organise une supervision de l’équipe éducative. Cependant cette intervention semble insuffisante et la mission est intervenue pour trouver la possibilité de faire intervenir régulièrement au CEF un psychiatre dépendant d’un autre secteur. Jusqu’ici ces problèmes administratifs de rattachement à un autre secteur pédopsychiatrique avaient bloqué toute tentative de solution !

La situation locale devrait s’améliorer avec la création d’une maison des adolescents avec une mise à disposition par la PJJ d’un éducateur à temps partiel. Cette nouvelle structure sera organisée de telle manière que tous les partenaires soignants locaux seront associés à son fonctionnement afin de faciliter les coopérations interinstitutionnelles. La mission a considéré qu’il fallait profiter de cette nouvelle structure pluridisciplinaire pour organiser le plus précisément possible les prises en charge conjointes (sanitaire et éducative) pour les jeunes délinquants présentant de troubles du comportement.

Concernant la Côte d’Or, la situation paraît plus critique en raison de la pénurie de lits d’hospitalisation pour les moins de 16 ans. Les adolescents les plus perturbés sont hospitalisés en service de psychiatrie adulte pour des temps très brefs. Cette carence a conduit le secteur associatif à créer une structure d’accueil dénommée « unité éducative thérapeutique » où a été mis en place un suivi psychiatrique sans aucun lien avec le secteur psychiatrique.

Cette situation conduit à la coexistence de deux structures de soins qui sont parfois en concurrence notamment pour les soins ambulatoires, cette concurrence étant de plus renforcée par des oppositions théoriques sur les méthodes de soins. Il est frappant de constater que seule l’intervention de la mission a permis aux forces médicales en présence de se rencontrer pour essayer de dépasser ces clivages. Ce début de coopération paraît d’autant plus important qu’une maison des adolescents doit voir le jour à Dijon et qu’il serait tout à fait préjudiciable qu’une partie seulement des médecins y soient associés. Le rapporteur est étonné devant l’attentisme des autorités de tutelle, la DDASS et l’ARH semblant considérer que cet état de fait est insurmontable.

Le contraste est saisissant avec l’autre partie du département où l’hôpital de Semur joue un rôle majeur dans le suivi des adolescents en difficulté et permet de faire face aux situations de crise. Cependant la situation du CEF de Châtillon est délicate car sa collaboration avec un psychiatre libéral va prendre fin en raison du départ en retraite du praticien sans que l’hôpital paraisse en mesure de détacher un psychiatre pour assurer le suivi des jeunes.

Pour ce département la mission préconise de profiter de la création de la maison des adolescents pour mettre sur pied un partenariat formalisé entre PJJ et secteur de soins pédopsychiatrique. Elle suggère la création d’une commission dite des cas difficiles où serait évoqué le cas des jeunes les plus problématiques qui ont mis en échec les solutions thérapeutiques « classiques ». Ce travail sur des cas concrets permettrait d’améliorer l’articulation entre le secteur éducatif et le secteur sanitaire.

La première phase de ce travail d’évaluation permet d’en tirer certains enseignements généraux qui peuvent faire l’objet de recommandations de portée générale.

Proposition n° 2 : mettre en œuvre le pilotage politique santé/justice

Instituer au niveau national un comité de pilotage interministériel restreint. Ce comité, qui pourrait comprendre des personnalités qualifiées, extérieures à l’administration (à l’instar du contrôleur général des lieux de privation de liberté) aura la responsabilité d’impulser une véritable politique sanitaire en prison et pour les personnes placées sous main de justice aux objectifs clairement précisés et aux contraintes mieux partagées par tous.

Proposition n° 3 : étendre les missions la Mission nationale d’appui en santé mentale

Étendre les compétences de la mission nationale d’appui en santé mentale pour lui permettre d’évaluer l’organisation de la coopération entre la PJJ et la pédopsychiatrie dans d’autres départements et lui permettre d’intervenir à titre d’expert pour résoudre des solutions de blocage.

Proposition n° 4 : rédiger un guide des bonnes pratiques sur la coopération de la PJJ et de la pédospychiatrie

À l'issue du travail d’évaluation, la mission nationale d’appui en santé mentale pourrait rédiger avec les professionnels ayant réalisé le travail d’audit une guide des bonnes et mauvaises pratiques concernant l’articulation entre la PJJ et la pédopsychiatrie

Le rapporteur tient à souligner l’urgence d’un véritable pilotage politique du partenariat Santé/ Justice. Les professionnels auditionnés par la mission ont trop souvent lorsqu’une situation anormale était relevée justifié cet état de fait par une mauvaise coopération entre les départements ministériels. Il est évident que les personnes placées sous main de justice ne figurent pas parmi les priorités du ministère de la Santé. Le rapporteur déplore d’ailleurs les difficultés qu’il a rencontrées pour obtenir des informations statistiques sur la pédopsychiatrie ou sur les soins pénalement ordonnés.

La création des agences régionales de l’hospitalisation (ARS) doit être l’occasion de relancer ce partenariat au plan régional pour parvenir à une véritable programmation des équipements et à la mise sur pied de réseaux de soins efficaces. Cet effort de programmation ne pourra avoir des résultats que s’il se traduit par une inscription dans les schémas régionaux d’organisation sanitaire. Les directions départementales de la PJJ ne peuvent gérer toutes seules la charge très complexe d’adolescents qui relèvent tout autant du soin que de l’accompagnement éducatif c’est pour cela qu’une réflexion urgente doit être menée pour donner une nouvelle dynamique à la médecine pénitentiaire et à des instances de coopération comme il en existe dans quelques départements sur « les cas complexes » rassemblant la justice, la PJJ les soignants de pédopsychiatrie. Grâce à ces instances de concertation des jeunes considérés comme « incasables » ont réussi à trouver une réponse thérapeutique adaptée et ne sont plus des fauteurs de troubles pour toutes les institutions dédiées aux mineurs.

Proposition n° 5 : inscrire dans les schémas régionaux d’organisation sanitaire d’un volet thématique sur la « santé et justice »

Confier aux futures agences régionales de santé la double mission d’identifier les besoins sanitaires des personnes en détention ou placées sous main de justice et de réguler l’offre de soins pour ces populations. Pour ce faire, il convient de prévoir l’inscription dans l’ensemble des schémas régionaux d’organisation sanitaire d’un volet thématique sur la « santé et justice », concernant aussi bien les soins somatiques que psychiatriques.

Les ARS doivent être de véritables aiguillions pour inciter les partenaires locaux à passer des conventions pour permettre une prise en charge coordonnée des soins pour les personnes placées sous main de justice ou en détention.

CHAPITRE III : QUEL SUIVI SANITAIRE POUR LES MINEURS PLACÉS SOUS MAIN DE JUSTICE ?

Les textes applicables aux mineurs délinquants accordent peu de place à la question du suivi sanitaire. Pourtant, de réels progrès ont été faits notamment grâce à des dispositifs expérimentaux qu’il conviendrait de conforter voire de généraliser. Tous ces efforts resteront cependant sans réelle efficacité sur le long terme si une gouvernance commune n’est pas instaurée entre les ministères de la Justice et de la Santé. Jusqu’ici, les tentatives de coopération ont été timides et sans réelle impulsion politique.

I.– DÉVELOPPER LE SUIVI SANITAIRE POUR ÉCLAIRER
LA PRISE DE DÉCISION DES MAGISTRATS

Améliorer le suivi sanitaire des mineurs délinquants semble être un objectif important pour permettre aux magistrats de prendre des décisions adaptées à la personnalité du mineur. L’état de santé tant somatique que psychique est une composante essentielle pour appréhender la personnalité du mineur et cette question doit être envisagée de manière beaucoup plus globale que celle visant à savoir simplement si le mineur est ou non pleinement responsable de ses actes.

A. L’ORDONNANCE RELATIVE À L’ENFANCE DÉLINQUANTE COMPORTE PEU DE PRESCRIPTIONS SUR L’ÉTAT DE SANTÉ DES MINEURS

1. Un texte lacunaire

L’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante comporte peu d’éléments sur l’évaluation de l’état de santé du mineur. Dans son article 4, elle prévoit l’obligation d’un examen médical pour le mineur de moins de seize ans gardé à vue et renvoie aux dispositions de droit commun de l’art 63-3 du code de procédure pénale. D’après les informations communiquées au rapporteur, ce type d’examen est très lacunaire et vise uniquement à vérifier que l’état de santé est compatible avec le maintien en garde à vue. Il permet aussi si le mineur doit suivre un traitement journalier qu’il soit administré à l’intéressé.

Le texte précise également que parmi les mesures d’investigation permettant de connaître la personnalité du mineur, le juge peut décider d’un examen médical et, si besoin est, d’un examen médico-psychologique. Il est fréquemment fait recours aux expertises notamment psychiatriques qui sont, d’ailleurs, obligatoires dans certaines infractions comme les agressions sexuelles (art. 706-47-1 du code de procédure pénale) ; cette expertise est alors transmise à l’administration pénitentiaire afin de faciliter le suivi médical et psychologique en détention. L’expert est ainsi interrogé sur l’opportunité de décider une injonction de soins dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire.

2. La nécessité de compléter l’ordonnance de 1945 et de prévoir une coordination avec les soins pénalement obligés

a) Compléter l’ordonnance sur l’enfance délinquante

Le rapporteur estime important que l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante puisse être complétée pour indiquer qu’un bilan de santé doit être réalisé lorsqu’un mineur est confié à un établissement. De même, la notion de continuité des soins et de suivi thérapeutique devrait être mentionnée dans ce texte. Il serait ainsi utile de préciser qu’à l’issue d’un placement en Centre éducatif fermé (CEF) ou à la fin de la détention le juge des enfants prend toute mesure permettant d’assurer non seulement la continuité de la prise en charge éducative mais aussi la continuité des soins et le suivi thérapeutique (art. 33 de l’ordonnance précitée).

Il est, en effet, dommage que des soins débutés durant le placement en CEF ne puissent pleinement produire leurs effets tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’une thérapie psychique. Nombreux des professionnels rencontrés ont regretté que la « parenthèse » du placement ne soit pas coordonnée avec des soins ambulatoires définis en concertation avec les soignants intervenants au CEF.

Proposition n° 6 : faciliter la communication des informations médicales pour une meilleure prise en charge du mineur

Lors de la mise en place du dossier judiciaire unique, le ministère de la Justice devra définir, après avoir consulté les instances ordinales de l’ordre des médecins et le Comité national consultatif d’éthique, les règles relatives à la communication des informations médicales concernant le mineur, l’objectif étant que le maximum d’informations d’information soient disponibles pour éclairer la décision des magistrats et permettre un suivi sanitaire lors de la détention ou d’un placement.

Il est aussi paradoxal que l’ordonnance ne fasse aucune mention des soins pénalement obligés et de l’injonction thérapeutique alors qu’il s’agit là d’outils thérapeutiques très efficaces pour faire évoluer la situation du mineur qui est souvent dans une posture de refus de soins mais qui, une fois qu’il en a vu les bénéfices y adhère pleinement.

Rappelons en quelques mots l’essentiel des dispositifs existants.

Le suivi socio-judiciaire a été institué par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs. Il peut soit être prononcé par la juridiction de jugement à titre de peine complémentaire lorsque la loi le prévoit, soit être décidé postérieurement par le juge de l’application des peines, au titre de mesure de sûreté.

Le suivi socio-judiciaire consiste à soumettre le condamné, sous le contrôle du juge de l’application des peines, pendant une durée fixée par la juridiction de jugement, à des mesures d’assistance et de surveillance destinées à prévenir la récidive. Si la mesure est prononcée en même temps qu’une peine privative de liberté, elle ne commencera à courir qu’à compter de la libération du condamné.

Initialement réservé aux infractions sexuelles, le suivi socio-judiciaire a été étendu à l’essentiel des infractions violentes. Par ailleurs, la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a généralisé l’injonction de soins dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire.

En cas de condamnation à une mesure de suivi socio-judiciaire comportant une injonction de soins, la juridiction de l’application des peines désigne, sur une liste de psychiatres ou de médecins ayant suivi une formation appropriée, établie par le procureur de la République, un médecin coordonnateur chargé de la mise en œuvre de l’injonction de soins et qui fera l’interface entre le médecin traitant et la Justice.

Jusqu’à présent, il ne semble pas que les juges pour enfants aient donné une véritable place aux soins pénalement obligés. Sans doute peu de mineurs sont véritablement dépendants de substances addictives pour justifier une telle mesure mais une réflexion devrait être menée sur les réticences des pédiatres et pédopsychiatres à recourir à cette forme de contrainte. Dans les cas d’agression sexuelle, il serait certainement utile d’y recourir plus fréquemment alors que les décisions de suivi socio-judiciaire sont très rares pour les mineurs.

L’âge au moment de l’infraction est un élément déterminant dans la fréquence du recours au suivi socio-judiciaire. Cette mesure n’est, en effet, que très rarement utilisée pour les condamnés mineurs au moment de l’infraction (pour 0,7 % des condamnations du champ) et reste limitée même lorsque l’infraction principale est un crime : le recours au suivi socio-judiciaire passe alors à 5,4 %, mais il demeure loin des 24 % observés pour les majeurs.

Le recours au suivi socio-judiciaire est encore plus rare en cas de délit sexuel commis par un mineur. Il n’est alors quasiment pas utilisé, les décisions les plus fréquentes étant dans ce cas une mesure éducative (37 %), une sanction éducative (12 %) une peine d’emprisonnement avec sursis probatoire total (31 %) ou une peine d’emprisonnement avec sursis total simple (20 %).

L’injonction de soins est l’autre dispositif mettant en œuvre des soins pénalement obligés.

Prévue aux articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, l’injonction de soins est une mesure prononcée, s’il est établi après une expertise médicale que la personne est susceptible de faire l’objet d’un traitement : d’une part, dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ; d’autre part, d’une surveillance judiciaire, d’une libération conditionnelle ou d’un contrôle judiciaire, à l’encontre d’une personne ayant commis une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru.

Aucun traitement ne peut être entrepris sans le consentement de la personne, mais si celle-ci refuse les soins proposés elle encourt, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, une peine d’emprisonnement. L’injonction de soins, de facultative, est devenue automatique, sauf décision contraire de l’expert ou du juge, avec la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (article 131-36-4 du code pénal).

Pour sa mise en œuvre, le juge de l’application des peines désigne un médecin coordonnateur qui, en liaison avec le médecin traitant, s’assure de son déroulement et en réfère au magistrat.

L’injonction thérapeutique, telle qu’elle résulte de la loi du 5 mars 2007, obéit à deux régimes distincts, selon qu’elle s’adresse aux personnes ayant fait un usage illicite de stupéfiants ou bien à celles ayant une consommation habituelle et excessive d’alcool.

En matière d’usage illicite de stupéfiants, l’injonction thérapeutique peut être décidée à tous les stades de la procédure. Elle peut ainsi être décidée dans le cadre des alternatives aux poursuites : par le procureur de la République dans le cadre des alternatives aux poursuites, de l’ordonnance pénale ou de la composition pénale ; par le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention dans le cadre de l’ouverture d’une information judiciaire ; par les juridictions de jugement, notamment dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve.

La loi du 5 mars 2007 a introduit la possibilité de prononcer une injonction thérapeutique pour les infractions dont les circonstances révèlent une addiction aux boissons alcooliques. Toutefois, l’injonction thérapeutique ne peut alors être prononcée que dans le cadre de la composition pénale – en pré-sentenciel – et du sursis avec mise à l’épreuve – en post-sentenciel.

Or, sur le terrain, le dispositif de l’injonction de soins souffre d’une double faiblesse que les divers rapports d’experts ont unanimement mis en évidence.

En premier lieu, la mise en œuvre de l’injonction de soins se heurte à la pénurie de psychiatres dans le secteur public où quelque 800 postes sont actuellement vacants. Cette carence entraîne des conséquences importantes, puisque l’injonction de soins est de plus en plus difficile à mettre en œuvre, en particulier lorsque le condamné est incarcéré. Cette insuffisance de psychiatres explique également en partie le fait qu’il n’y ait pas suffisamment de médecins coordonnateurs, certains tribunaux de grande instance en étant complètement dépourvus.

En second lieu, la faiblesse de l’injonction de soins réside dans le fait que la prise en compte thérapeutique de la délinquance sexuelle est entravée par l’insuffisante formation des médecins psychiatres dans ce domaine. Il existe, en effet, une discussion importante au sein de la profession médicale, certains psychiatres considérant les auteurs d’infractions condamnés à un suivi socio-judiciaire comme des « pervers » au sens clinique du terme, non susceptibles à ce titre d’un traitement psychiatrique (3).

Proposition n° 7 : compléter l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante pour intégrer le suivi sanitaire

Compléter l’ordonnance de 1945 (articles 8, 15, 16 et 33) pour indiquer que tout hébergement dans un établissement s’accompagne d’un bilan de santé somatique et psychique et prévoir des mesures favorisant la continuité des soins et du suivi thérapeutique à l’issue d’une période de détention ou de placement. L’ordonnance doit aussi affirmer le principe de coordination entre le suivi éducatif et les soins pénalement obligés.

b) Ne pas négliger les bilans de santé somatique pour l’ensemble des adolescents

Au-delà du suivi sanitaire des mineurs placés sous main de justice, le rapporteur voudrait évoquer certaines carences qui touchent l’ensemble des jeunes. Contrairement à ce que l’on pourrait penser l’accès aux soins est loin d’être un acquis pour tous.

Le rapporteur voudrait se faire l’écho des propos du Professeur Dinah Vernant qui a créé à Paris, l’Espace Santé Jeunes Guy Môquet à l’hôpital de l’Hôtel-dieu. Ce médecin qui voit quotidiennement des adolescents en situation de rupture sociale, en les recevant dans un service gratuit de consultation médicale, a beaucoup insisté sur les risques de considérer tous les adolescents comme atteints par des troubles du comportement et nécessitant des soins psychiques.

C’est délibérément que ce service accepte de recevoir des jeunes placés sous main de justice. Il s’agit d’affirmer par là que ces jeunes sont des patients comme les autres, qui ne présentent pas de dangerosité particulière. La proximité du Palais de justice a facilité les liens étroits qui existent entre ce service, les magistrats de la jeunesse et les éducateurs de la PJJ. Il n’est pas rare que le service reçoive en urgence un mineur qui vient d’être convoqué chez le magistrat afin d’offrir une réponse immédiate à un problème médical qui risque autrement de rester longtemps occulté. Ce service a, par exemple, une réelle expertise sur la question de la maltraitance institutionnelle car les consultations révèlent souvent des problèmes de négligence voire de refus de soins de la part de l’équipe éducative. Les raisons sont variées, mais il arrive fréquemment que les éducateurs aient tendance à donner une dimension psychique à toutes sortes de malaise sans voir des problèmes de santé somatique tout à fait réels.

Elle a souhaité nuancer le tableau très pessimiste que font certains professionnels de l’accès aux soins pédopsychiatriques et elle a plaidé pour l’organisation systématique de bilans de santé. Elle a au contraire souligné que les jeunes qu’elle rencontre démontrent une capacité d’adaptation étonnante même si leurs actes peuvent déranger les adultes. En revanche, elle constate de graves lacunes dans le suivi de la santé somatique.

Elle a, en effet, observé que les jeunes ont, très souvent, des carences sanitaires graves car le suivi en médecine somatique a été déficient. Elle a, par exemple, indiqué que nombre d’adolescents n’ont pas reçu les rappels de vaccinations nécessaires et ne sont donc plus protégés. Le dépistage des MST est aussi très peu développé alors que les risques de stérilité sont très élevés en cas d’infections mal soignées. De très nombreux jeunes souffrent aussi de carences en fer et en vitamine D, ce qui compromet leur croissance.

Ces consultations permettent aussi en partant d’une souffrance physique d’évoquer d’autres sources de difficultés et permettent une évaluation de l’équilibre psychique. C’est pourquoi elle préconise la généralisation d’un espace santé pour les jeunes dans chaque département pour permettre un accès gratuit aux soins et sans autorisation parentale.

Ces consultations présentent aussi l’avantage d’orienter à bon escient le jeune vers le service spécialisé adéquat. Le Professeur Vernant a ainsi expliqué qu’elle n’était jamais confrontée à un refus des services pédopsychiatriques de prendre en charge un jeune qui leur était adressé car ces services sont assurés qu’un véritable diagnostic a été posé avant de demander l’intervention d’un service spécialisé. Certains éducateurs confrontés à la crise d’un de leurs adolescents ont la tentation de demander immédiatement une hospitalisation en pédopsychiatrie alors que la crise en question ne relève pas forcément d’une pathologie psychique.

La consultation du Professeur Vernant diffère de la méthode employée dans les maisons des adolescents car il s’agit d’une prise en charge globale de la santé du jeune alors que les maisons des adolescents ont une approche beaucoup plus centrée sur la souffrance psychique. Elles sont d’ailleurs dans la majorité des cas dirigées par des pédopsychiatres.

Le Professeur Vernant a aussi suggéré d’utiliser la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD) pour réaliser un bilan de santé. Ce sont surtout les jeunes adultes qui négligent leur santé et cette journée est une occasion inestimable de faire le point sur les différents aspects de la santé, de mettre à jour les vaccinations en retard. Selon Mme Vernant, cette possibilité a déjà été évoquée par la commission Armées jeunesse et les services de santé des armées se seraient déclarés prêts à organiser ces bilans de santé. Si cette décision était prise elle présenterait l’avantage d’inciter les adolescents qui n’ont pas de médecin traitant à en avoir un pour recevoir le résultat des examens réalisés lors de cette journée.

Pour organiser ces bilans de santé systématiques, il faudrait modifier en conséquence les dispositions actuelles du code du service national qui dispose dans son article L.114-3 que :

« En outre, lors de l’appel de préparation à la défense, les Français doivent présenter un certificat délivré par un médecin attestant qu’ils ont subi un examen de santé dans les six mois précédents.

Ceux qui n’ont pas présenté de certificat sont convoqués par la caisse primaire d’assurance maladie afin de bénéficier d’un examen de santé gratuit tel que prévu à l’article L. 321-3 du code de la sécurité sociale. »

Proposition n° 8 : créer dans chaque département une consultation médicale gratuite pour les adolescents

Créer dans chaque département un service de consultation pour les adolescents qui offre des soins gratuits et permette la réalisation de bilan de santé et une orientation vers les services médicaux spécialisés selon les pathologies diagnostiquées.

Proposition n° 9 : réaliser un bilan de santé lors de la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD)

Réaliser lors de la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD) un bilan de santé et procéder aux vaccinations nécessaires. La réalisation d’examens fera l’objet d’un compte rendu qui sera adressé au médecin traitant de l’adolescent ce qui l’incitera à choisir un médecin qui continuera son suivi médical

B. LE DOSSIER JUDICIAIRE UNIQUE, GARANT DU SUIVI DE LA PRISE EN CHARGE DU MINEUR

Le suivi sanitaire des mineurs délinquants connaît aussi des défaillances du fait de l’éclatement des informations concernant un même mineur.

1. Accélérer la mise en place d’un dossier judiciaire unique et du logiciel Cassiopée pour permettre une intégration de l’ensemble des procédures

Actuellement il n’existe pas de dossier judiciaire unique pour chaque mineur, un dossier distinct étant constitué pour toute nouvelle infraction entraînant une procédure pénale spécifique. Cette situation comporte de graves inconvénients surtout pour les mineurs multirécidivistes qui commettent des infractions dans le ressort géographique de plusieurs tribunaux.

Un mineur peut faire l’objet de plusieurs mesures d’investigations sur la personnalité ordonnées dans des procédures pénales différentes, voire dans des procédures d’assistance éducatives. Ces mesures concurrentes et quelques fois contradictoires sont mal comprises par le mineur et sa famille, perturbent le travail des services éducatifs et nuisent à la cohérence de la réponse pénale.

En outre, les éléments de personnalité se limitent dans de très nombreuses hypothèses, et surtout dans le cas de présentation immédiate ou pour les procédures par convocation par officier de police judiciaire (COPJ), au simple recueil de renseignements socio-éducatifs réalisés dans l’urgence par le service éducatif auprès du tribunal ou la permanence éducative.

Pour y remédier et afin d’avoir une vue d’ensemble sur la personnalité du mineur, certains juges des enfants font des copies de pièces provenant d’anciennes procédures pénales ou de procédures d’assistance éducative et les insèrent dans la côte « personnalité » de la procédure pénale en cours. Cette pratique est loin d’être généralisée et certains magistrats regrettent que les tribunaux pour enfants soient amenés à juger des mineurs pour lesquels on ne dispose que d’éléments très sommaires de personnalité.

Le dossier judiciaire unique figure parmi les préconisations du rapport de la Commission Varinard sur la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 et sur la réforme du code pénal des mineurs. C’est ainsi que dans sa proposition 53 il est préconisé (4) : « Ce dossier sera ouvert lors de la première saisine du juge des mineurs au pénal ou du juge d’instruction pour chaque mineur. Il sera tenu par le greffe du tribunal des mineurs du domicile habituel du mineur. Seront versés à ce dossier les éléments des procédures alternatives aux poursuites, les mesures ordonnées dans le cadre des diverses procédures pénales ainsi que les expertises, les mesures d’investigations et toutes autres pièces du dossier d’assistance éducative que le juge estimerait nécessaire. Ce dossier sera supprimé lorsque le mineur atteindra sa majorité ou à l’échéance des mesures ou des peines si elles dépassent la majorité ».

Le rapport précité met en avant les avantages d’un tel dossier unique : il facilitera le travail du juge des mineurs de permanence qui, confronté à un mineur relevant d’un autre secteur, pourra prendre les mesures provisoires qui s’imposent sans recourir à des mesures déjà ordonnées.

De même, la constitution de ce dossier unique de personnalité facilitera la saisine directe des juridictions de jugement par convocation par officier de police judiciaire et la mise en œuvre des procédures de jugement rapide dans le respect de la loi et le souci de permettre une réponse adaptée. Ce dossier permettra, ainsi, de s’assurer que les conditions de l’existence d’investigations sur la personnalité, prévues à l’article 14-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 relatif à la procédure de présentation immédiate, sont réunies.

L’association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF), dans son avis rendu en juin 2009, sur la réforme du code pénal des mineurs a attiré l’attention sur les risques que pourrait constituer la tenue de ce dossier judiciaire unique. Il ne faudrait pas que ce progrès incontestable ne soit en réalité le moyen d’étendre le recours à des procédures de jugement rapide à l’initiative du Parquet qui conduisent souvent à une Justice accélérée mais peu respectueuse du droit des mineurs. De même, il ne faudrait pas que le raccourcissement des délais de jugement, rendu possible grâce à ce dossier unique, nuise à l’individualisation de la réponse pénale. Dans le souci de protéger le mineur, l’AFMJF suggère que le contenu de ce dossier soit réglementé pour éviter la constitution d’un « dossier bis » plus complet à l’unique disposition du juge ou du Parquet. Elle suggère ainsi de réfléchir à un mode d’enregistrement des pièces qui y sont versées et préconise qu’il soit systématiquement mis à la disposition de la défense sauf pour les pièces que le juge estimerait préférable pour la sécurité du mineur, de ne pas y faire figurer (cette procédure est déjà prévue à l’article 1187 du code de procédure civile pour l’assistance éducative). Dans ce cas-là, le dossier mentionnerait l’existence de pièces non communicables.

Cette dispersion regrettable des informations concernant un mineur est renforcée par le manque de cohérence des logiciels utilisés.

Les juridictions ne disposent pas, à l’heure actuelle, d’une application unique. Les juridictions franciliennes utilisent un système dénommé Nouvelle chaîne pénal  (NCP), tandis que les autres juridictions utilisent les systèmes  Mini-pénale  et  Micro-pénale . À ces applications utilisées pour les poursuites, l’audiencement et la saisie des décisions s’ajoutent d’autres applications spécifiques : Winstru  ou  Instru pour l’instruction, Wineurs  pour les juges des enfants, APPI  pour l’application des peines,  Game  pour la PJJ.

Les parquets mineurs sont ainsi actuellement équipés de l’application mini-pénale, micro-pénale ou NCP tandis que les tribunaux pour enfants sont équipés de l’application Wineurs. Cette application permet de gérer les dossiers d’assistance éducative, de protection « jeunes majeurs », de tutelles aux prestations sociales, de délinquance et d’application des peines (de milieu ouvert et milieu fermé) dont les juges des enfants ont été saisis; et ainsi d’enregistrer l’activité des juges des enfants.

L’enregistrement et le suivi des mesures prises en charge par la PJJ se font à l’aide du logiciel Game. Il n’y a pas d’interface entre les logiciels Wineurs et Game (de même qu’il n’y en a pas entre les applications mini, micro, NCP et Wineurs). À l’heure actuelle, la récupération sous Wineurs des éléments d’un dossier saisi sous la NCP n’est que partiellement possible.

La chaîne pénale souffre de la segmentation de ces applications et de leur absence d’interconnexion. Il en résulte la multiplication de la même tâche de saisie par des intervenants successifs, qui saisissent des informations (telles que l’identité du mineur, son adresse, la qualification du fait,..) déjà renseignées par leurs collègues, parfois dans le bureau voisin…

De plus, ces applications ne sont pas non plus connectées avec les applications de la police ou de la gendarmerie.

Finalement, de la commission des faits jusqu’au jugement puis l’exécution de la peine, des informations identiques doivent être saisies par les différents intervenants, sans aucune valeur ajoutée, ce qui, dans la situation actuelle des greffes, ne peut que nuire à la bonne administration de la justice.

Attendu depuis longtemps, le programme Cassiopée, engagé depuis 2001, devait être mis en place dans le courant de l’année 2008 mais de multiples problèmes sont apparus lors de son expérimentation retardant sa généralisation. Il était prévu que les applications mini et micro-pénale des parquets mineurs ainsi que l’application Wineurs des tribunaux pour enfants basculent dans Cassiopée, excepté dans un premier temps pour les juridictions de Paris et de sa périphérie (Bobigny, Créteil, Paris, Versailles, Évry, Pontoise, Nanterre) qui devraient n’être concernées qu’à l’horizon 2010.

La mise en œuvre effective de ce logiciel devrait permettre des avancées considérables rendant possible le partage des données et en évitant des ressaisies d’informations. Les données saisies sur une procédure au stade de l’engagement des poursuites ne seront plus à nouveau saisies par les intervenants ultérieurs qui n’auront qu’à renseigner les données propres à chaque étape de la procédure.

Cassiopée comprendra un système d’édition de documents à partir des données enregistrées dans la base. L’application sera également dotée d’un agenda permettant la mise en place d’alertes, ainsi que d’un système de production de statistiques et de tableaux de bord. Enfin, la recherche et la consultation sur les procédures de l’ensemble des juridictions seront possibles.

Toutefois, la fluidité de la chaîne pénale ne peut être assurée que par le développement d’interfaces entre Cassiopée et les autres applications. Or, actuellement, il ne semble pas prévu de mettre en place des interfaces pour l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale : ni en amont, les services de police et de gendarmerie, ni en aval, les services de la PJJ.

En effet, l’interface entre Cassiopée et Game n’est pas prévue pour l’instant. Ceci est à la fois regrettable et d’autant plus étonnant que des interfaces sont prévues pour les autres applications, et notamment le logiciel APPI, utilisé par les juges d’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Actuellement, Cassiopée est conçu comme un système de gestion de données, c’est-à-dire permettant le partage d’informations entre les différents utilisateurs de l’application, et non comme un système de gestion de documents.

Les utilisateurs consultant un dossier sur Cassiopée auront ainsi accès aux informations mais non aux pièces éventuellement numérisées ; il ne sera pas, par ailleurs, possible d’éditer directement des documents à partir de Cassiopée.

Dès lors, la transformation de Cassiopée en système de gestion de données et de gestion documentaire apparaît indispensable pour permettre à tous les intervenants de la chaîne pénale, des enquêteurs au parquet en passant par la juridiction de jugement, de disposer d’un dossier judiciaire unique. Seule la mise à disposition d’un tel outil permettra des gains d’efficacité.

Proposition n° 10 : instaurer un dossier judiciaire unique

Le dossier judiciaire unique doit devenir rapidement opérationnel et être mis en place parallèlement au logiciel Cassiopée dans les juridictions. Un décret devra définir les règles de constitution et d’enregistrement des pièces dans le dossier judiciaire unique afin que la défense soit en mesure d’avoir communication de l’intégralité du dossier sauf décision explicite du magistrat, certaines pièces pouvant faire courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un tiers. Ce texte devra aussi définir les règles spécifiques de transmission des informations médicales.

2. Permettre la transmission des informations médicales

Un autre problème très délicat se pose aux professionnels de la justice et de l’action éducative, c’est celui du respect du secret médical.

Lorsque le juge demande une expertise psychologique ou d’autres investigations médicales celles-ci figurent au dossier, le secret médical ne pouvant, par définition, être opposé à la personne qui a sollicité l’expertise. En revanche, le problème se pose si le dossier est transmis à un autre magistrat dans une autre affaire ou à un établissement de placement.

Il serait important lors de la mise en place du dossier judiciaire unique qu’une réflexion soit menée sur les informations médicales pour déterminer si hormis les magistrats à qui elles pourraient être communiquées systématiquement, les informations médicales ne devraient pas être transmises sous pli fermé pour que seul un médecin attaché à l’établissement puisse en prendre connaissance et décide de la manière dont les éducateurs en seraient informés. Il conviendrait aussi de déterminer dans quels délais ces informations devront être considérées comme dépassées et inutiles à communiquer. Plusieurs professionnels ont ainsi fait remarquer qu’il est très humiliant pour un mineur de se voir rappeler certains éléments médicaux qu’il juge défavorable (comme, par exemple, l’énurésie) plusieurs années après leur survenue alors que la situation clinique a complètement évolué.

Lors de la mise en œuvre de ce dossier judiciaire unique, il faudrait aussi préciser les obligations incombant aux établissements pour qu’ils transmettent les pièces médicales ou s’engagent à le faire si une demande leur parvient.

Après avoir interrogé de multiples professionnels de santé il ne semble pas qu’une modification des règles relatives au secret médical soit nécessaire, les professionnels ayant dans leur ensemble évolué sur cette question et comprenant l’intérêt d’une pratique de secret professionnel partagé si les informations en cause apparaissent comme nécessaires pour une meilleure prise en charge du mineur. Il convient en effet de rappeler l’évolution des professionnels sur cette question délicate depuis que l’article L. 1140-4, al. 3 et 4, du code de la santé publique précise :

« Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d’assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe.

« Afin de garantir la confidentialité des informations médicales mentionnées aux alinéas précédents, leur conservation sur support informatique, comme leur transmission par voie électronique entre professionnels, sont soumises à des règles définies par décret en Conseil d’État pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

Lors de la mise en place du dossier judiciaire unique, le ministère de la Justice devra définir après avoir consulté les instances ordinales de l’ordre des médecins et le Comité national consultatif d’éthique les règles relatives à la communication des informations médicales concernant le mineur, l’objectif étant que le maximum d’informations soient disponibles pour éclairer la décision des magistrats et permettent un suivi sanitaire lors de la détention ou d’un placement.

Proposition n° 11 : mettre en place rapidement le logiciel Cassiopée

Pour que le dossier judiciaire unique puisse devenir rapidement opérationnel il est indispensable de mettre en place le logiciel Cassiopée dans les juridictions. Compte tenu des retards constatés pour son installation, un audit doit être mené par le ministère de la Justice pour évaluer les points de blocage.

Si des améliorations importantes concernant la connaissance de l’état de santé somatique et psychique des mineurs doivent être apportées pour permettre une meilleure aide à la décision des magistrats de gros progrès restent à faire pour offrir une palette de solutions différenciées pour le placement des mineurs. Certains adolescents mettent à mal les structures classiques d’hébergement ; il faut alors concevoir des modèles expérimentaux qui allient prise en charge individualisée et respect de normes contraignantes.

II.– AMÉLIORER LES MODES DE PLACEMENT DES MINEURS PRÉSENTANT DES TROUBLES DU COMPORTEMENT

A. LES DIFFICULTÉS DE DIAGNOSTIC DES TROUBLES DU COMPORTEMENT CHEZ LES ADOLESCENTS

De nombreux jeunes adolescents délinquants mettent à mal le fonctionnement de toutes les institutions à qui ils sont confiés. Ce comportement destructeur conduit à penser que ces adolescents souffrent de pathologie mentale mais le diagnostic précis est particulièrement délicat.

1. Un diagnostic particulièrement délicat

Le Professeur Philippe Jeammet, chef de service à l’Institut mutualiste Montsouris, dans son intervention lors du séminaire « Santé/Justice » précédemment évoqué, a souligné que la violence « est un des seuls moyens pour les enfants carencés d’arriver à avoir un contact avec eux-mêmes à la place du contact avec l’objet. Ces jeunes ont en même temps un besoin permanent de présence et de sécurité et une intolérance à la proximité avec les personnes qui pourraient répondre à leurs attentes ».

L’adolescent a besoin d’affirmer son autonomie, son indépendance notamment par rapport à la famille et, en même temps, il a à assumer des transformations corporelles, l’accès à une vie pulsionnelle, en particulier sexuelle, mais aussi agressive, de compétition. Ces transformations l’amènent à douter de lui, à s’interroger « sur ce qu’il a dans le ventre », en quelque sorte, et à ressentir ce qui lui manque, c’est-à-dire, finalement, à se retourner vers ces adultes dont il doit se séparer pour leur demander, au fond, la sécurité, la force qu’il ne se sent pas avoir à l’intérieur de lui.

Et c’est ici que naît le paradoxe : d’un côté, il faut qu’il soit plus autonome et d’un autre côté, ses exigences le confrontent à ses propres insuffisances ou à ce qu’il vit comme telles, et donc l’amène à être en situation de demande vis-à-vis des adultes dont il doit, par ailleurs, se différencier.

Ce paradoxe crée alors une tension souvent insupportable et génératrice de violence qui, encore une fois, se retourne le plus souvent contre lui dans ces conduites auto-sabotage et d’attaque contre lui-même qui sont si caractéristiques de l’adolescence mais aussi contre les autres, et particulièrement à l’égard de ceux dont il se sent le plus en situation de demande. Ce sont finalement les adultes potentiellement les plus investis, ceux qui font l’objet d’envie qui vont faire l’objet d’attaques les plus violentes en raison de cette contradiction.

Pour Philippe Jeammet, il est important de comprendre ce paradoxe central parce qu’il doit guider les attitudes des éducateurs. Plus un adolescent est violent, moins il est en état de sécurité intérieure. Bien souvent, on prend son comportement au pied de la lettre et on croit, comme il semble lui-même le croire, que son désarroi naît de l’attitude des adultes alors qu’il n’est en fait qu’intérieur.

Finalement l’adolescent effraie pour ne pas avoir lui-même peur et pouvoir masquer ses propres craintes.

Philippe Jeammet préconise donc de mettre en place des modes thérapeutiques qui permettent « d’offrir à ces patients un jeu d’investissements suffisamment différenciés pour qu’ils ne se sentent pas menacés par la relation. Mais ce jeu d’investissements différenciés n’a d’intérêt que si la cohérence de la théorie assure l’unité du traitement miroir de celle du patient ».

Comme le souligne le Dr Michel Botbol dans son article « éduquer et soigner les adolescents difficiles » (5), la justice des mineurs donne une place centrale à la prise en compte de la personnalité du mineur et donc à son fonctionnement psychique, au point qu’il ne peut y avoir chez le mineur de réponse judiciaire qui ne comporte pas un volet éducatif et « protectionnel », parce qu’il ne peut y avoir, les concernant, d’acte délinquant qui ne soit pas en même temps la manifestation d’une difficulté éducative et psychique.

Cette intrication entre approche judiciaire et approche « clinique » est sans doute l’une des caractéristiques les plus débattues de la justice des mineurs française entre les partisans d’une justice efficace qui s’en tient aux faits et ceux qui cherchent à expliquer les manquements à la norme par un ensemble de facteurs sociaux et de fragilités psychologiques. Elle marque profondément les pratiques des services éducatifs qui en dépendent et notamment ceux qui relèvent directement ou indirectement de la PJJ.

Face à des jeunes délinquants, il s’agit donc d’avoir une démarche prudente de diagnostic car ces êtres sont des personnes en devenir mais surtout de rechercher ce qui pourra faire évoluer positivement ces adolescents.

Dans une étude ancienne mais qui fait encore référence pour la compréhension dynamique de la psychopathie, le médecin psychiatre Hubert Flavigny (6), souligne que pour ces adolescents leur toile de fond est faite d’une angoisse permanente et de frustrations affectives. Au-delà de ce repérage symptomatique, il retrouve dans l’histoire du psychopathe des expériences multiples d’abandon et ce qu’il décrit très bien comme une « discontinuité brisante des relations affectives précoces » chez un enfant ballotté d’une mère biologique à une mère adoptive puis souvent placé en institution. L’altération des images identificatoires parentales est en règle retrouvée, avec un père singulièrement absent ou inexistant sur le plan symbolique, et une mère ayant toujours oscillé entre des relations de fusion et de rupture vis-à-vis de son enfant. L’adolescent, puis l’adulte jeune, va reproduire ce fonctionnement de façon répétitive pour mieux se protéger du danger d’abandon.

Sur le plan clinique, M. Hubert Flavigny affine la symptomatologie des « personnalités antisociales » évoquées ci-dessus, dans le cas d’adolescents ou de jeunes adultes repérés comme délinquants. Il organise cette symptomatologie autour de cinq grands axes :

– la « passivité » qui découle d’un désœuvrement considérable, ce sont des jeunes qui s’ennuient à longueur de journée et qui vont un peu là où l’enchaînement des événements les porte ;

– la « dépendance » ou l’absence d’autonomie les rend très sensibles aux événements du contexte immédiat, les empêchant d’entreprendre quelque chose seuls et peut les rendre paradoxalement très dociles tant ils ont besoin de repères ;

– ce que M. Hubert Flavigny appelle leurs « exigences mégalomaniaques » renvoie en réalité à leur besoin de reconnaissance :

« en apparence ils semblent égocentriques, inaffectifs, mais ils sont en réalité hypersensibles, traités volontiers d’écorchés vifs, de sujets immatures sur le plan affectif, infiniment vulnérables à toute frustration , mais ces exigences sont fortes et peu verbalisées, ce qui rend leurs relations à autrui très difficiles » .

– M. Hubert Flavigny confirme ensuite leur « impulsivité » et leur « agressivité » disproportionnées se manifestant face aux frustrations ;

– il parle enfin lui aussi de leur « besoin de satisfaction immédiate » qui joue non seulement sur les comportements délictueux, mais aussi sur la rapidité du découragement face à l’échec et sur la mauvaise perception du temps.

Derrière ce tableau clinique, M. Hubert Flavigny met en évidence deux éléments qui structureraient la personnalité du jeune à tendances psychopathiques :

– « une angoisse cachée quasi-permanente », une « anxiété existentielle », un « sentiment d’insécurité » camouflés derrière une présentation de soi agressive et provocatrice ;

– une « frustration affective permanente » liée à des carences familiales précoces : « la plupart de ces jeunes, dès l’enfance, n’ont pas connu la sécurité et le confort d’une affection stable et durable, ballottés ici et là, confiés à des membres plus ou moins éloignés de leur famille, à des amis, à des services sociaux…

La question du diagnostic des troubles du comportement chez les adolescents suscite de nombreuses questions aussi bien déontologiques que pratiques tant il est difficile de parvenir à un consensus chez les soignants sur la notion de troubles pathologiques.

Plusieurs classifications internationales tentent de donner une définition des troubles de conduites du mineur. La Classification internationale des maladies (CIM 10) de l’Organisation mondiale de la santé les définit « comme un ensemble de conduites répétitives et persistantes dans lesquels sont bafoués soit les droits fondamentaux des autres soit les normes ou règles sociales correspondant à l’âge de l’enfant ».

L’OMS a établi une liste détaillée de symptômes qui doivent être présents depuis au moins six mois. Ces symptômes décrivent à la fois des traits de caractère comme par exemple : « est souvent en colère ou fâché » et font aussi référence à des comportements comme par exemple, le fait d’être cruel avec des semblables ou des animaux ou encore d’avoir délibérément mis le feu au bien d’autrui ou de l’avoir saccagé.

La classification de l’American psychiatric association ou Diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM) IV qui est la classification la plus utilisée dans le monde, intègre le trouble de conduites à un ensemble plus vaste dénommé « déficit de l’attention et comportements perturbateurs ». Cette classification a aussi établi une liste de critères diagnostiques en distinguant les conduites agressives, les fraudes, les violations des règles établies. Cette classification cherche à distinguer ce qui relève des troubles de conduites avec un comportement oppositionnel et ce qui relève des troubles liés à l’hyperactivité et au déficit d’attention.

La classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA) ne consiste pas en une énumération de symptômes mais cherche à intégrer les troubles dans un processus pour évaluer le degré de pathologie. La CFTMEA 2000 représente la quatrième révision de la classification française : sans modifier ni les principes ni les modes d’utilisation de l’édition précédente, les auteurs ont introduit des innovations qui concernent plusieurs chapitres et ont cherché à définir des équivalences avec la CIM 10, enfin une partie de cette classification est consacrée aux très jeunes enfants (0 à 3 ans).

Les trois classifications retiennent que les enfants présentant des troubles du comportement sont souvent peu empathiques et montrent peu de sollicitude envers autrui. Les observations cliniques relèvent également une faible tolérance à la frustration et de fréquents accès de colère avec des attitudes de transgression des règles sociales. Les trois classifications accordent une grande importance à l’âge d’apparition du trouble.

De nombreux pédopsychiatres répugnent à avoir recours à ces différentes classifications pour diagnostiquer un trouble du comportement pathologique car ils soulignent qu’il est impossible de diagnostiquer une psychopathie chez un mineur dont la personnalité est en devenir.

Comme le soulignait l’Igas dans son rapport sur les instituts de rééducation, il convient d’adopter une approche empirique et pragmatique pour appréhender les troubles du comportement.

Il faut trouver des lieux d’hébergement suffisamment pacificateurs pour ces mineurs qui manifestent leur souffrance sur un mode relationnel altéré empreint tantôt de domination turbulente ou violente tantôt d’inhibition et d’incapacité faute de pouvoir s’exprimer autrement. Ces lieux doivent permettre de contenir les tendances asociales et offrir des organisations suffisamment souples pour s’adapter aux attaques incessantes de ce qui représente l’autorité. Ces structures d’accueil doivent aussi être en mesure de traiter de la souffrance psychique et les blessures narcissiques de ces mineurs qui ont une image d’eux mêmes dépréciée et que les autres ont tendance à rejeter en raison de leur comportement perturbateur. Ces blessures se traduisent souvent par des troubles du langage (dyslexie, dysgraphie) ou par une incapacité à se contenir sur le plan moteur. Ces troubles somatiques doivent être traités en priorité car ils sont une condition indispensable d’une bonne maîtrise de soi et d’une communication satisfaisante avec l’entourage.

Malgré les difficultés de diagnostic certaines constantes ont été observées. Des observations ont ainsi été faites mettant en évidence que 80 % des personnes de 18-19 ans pour lesquelles un diagnostic de personnalité anti-sociale a été posé ont présenté des troubles de conduite durant l’enfance et l’adolescence (étude établie pour la Haute autorité de santé (HAS) par Philippe Jeammet lors de l’audition publique sur la prise en charge de la psychopathie en décembre 2005). Il a aussi été relevé que le risque de développer à l’âge adulte une personnalité antisociale serait plus élevé en cas d’usage fréquent de substances psychoactive durant l’adolescence.

Selon l’étude de la HAS qui reprend des conclusions de l’Inserm, sur les études réalisées en population générale, les troubles des conduites concernent entre 5 et 9 % des garçons âgés de 15 ans. Ces troubles concernent plus fréquemment les garçons que les filles. Il existe une forte stabilité du diagnostic dans le temps. Les deux tiers des enfants pour lesquels le diagnostic de troubles des conduites (TC) a été posé présentent encore ce diagnostic à l’adolescence.

La HAS a repéré un certain nombre de facteurs de vulnérabilité.

Les troubles des conduites ont un point commun : l’absence d’un sentiment de sécurité interne suffisant qui permette aux enfants ou adolescents confrontés à une situation de conflit ou de stress de faire appel à leurs ressources psychiques internes pour différer leur réponse aux émotions ou avoir un minimum de choix quant à cette réponse. Les experts décrivent une discontinuité des relations affectives précoces qui rend l’enfant dépendant d’un monde sur lequel il se sent sans pouvoir, et auquel il ne parvient pas à donner de sens. C’est ce que M. Hubert Flavigny appelle l’empreinte psychopathique.

C’est l’existence de cette toile de fond qui donne sens aux facteurs identifiés ci-dessous dont il faut rappeler qu’aucun d’entre eux n’est spécifique ni déterminant par lui-même.

• Les facteurs de vulnérabilité individuelle :

− facteurs génétiques (même si les données disponibles, essentiellement les études de jumeaux, n’apportent que des preuves par défaut sans pouvoir démontrer une causalité directe, il apparaît nécessaire de les mentionner car il s’agit de facteurs sur lesquels la prévention n’a, par définition, aucune prise) ;

− facteurs de tempérament et de personnalité (impulsivité, intolérance à la frustration, impossibilité à partager ses émotions avec autrui, absence d’empathie, etc.). Il est à noter que ces facteurs sont largement dépendants des facteurs familiaux et environnementaux ;

− le genre : le sexe masculin est prévalent dans toutes les études ;

− le handicap physique.

• L’histoire individuelle et le contexte familial :

− une promiscuité physique et/ou psychique ;

− des violences et des humiliations subies ou observées ;

− des ruptures, des histoires mais pas d’histoire, une instabilité des relations affectives, des abandons et placements multiples qui aboutissent à une perte de la mémoire familiale ;

− une absence de verbalisation dans la famille ;

− trop ou trop peu d’investissement de l’enfant par les parents ;

− parents souffrant de troubles mentaux ou d’autres pathologies lourdes.

• Les conditions de vie :

− un habitat précaire, insalubre, excessivement isolé ou exigu ;

− l’inactivité, le sentiment d’ennui ;

− la pauvreté économique ;

− le chômage des parents.

Le poids de la situation économique est peut-être surestimé dès lors que les familles les plus en difficulté sont également les plus identifiables pour les services sociaux, de sorte qu’il est possible que les problèmes posés dans des familles plus favorisées restent plus longtemps invisibles.

Une enquête conduite dans les établissements scolaires en 2003-2004 montre que moins de 20 % de ces établissements scolaires ont formalisé une procédure de repérage précoce et que plus de 80 % n’ont pas rencontré les centres médico-psychologiques (CMP) pour élaborer ces procédures. La même enquête précise que dans 92 % des écoles primaires, 46 % des collèges et 53 % des lycées aucune formation n’a été dispensée dans le domaine de la santé mentale.

Inciter au repérage si on ne dispose pas d’offre de prise en charge suffisante peut se révéler contre-productif. Les experts entendus ont insisté sur les difficultés rencontrées pour trouver un relais ou une prise en charge compte tenu de la surcharge des services de pédopsychiatrie ou des CMP et des délais qui en résultent. Ils font observer que cette situation conduit parfois les acteurs de première ligne à renoncer à signaler.

Le rapporteur, reprenant une des préconisations de la HAS dans sa publication de mai 2006 sur « la prise en charge de la psychopathie », recommande la conduite d’études :

 transversales, permettant de connaître la prévalence des troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent, en population générale et dans certains lieux ciblés (PJJ, aide sociale à l’enfance, hospitalières) ;

 de cohorte de l’enfance à l’âge adulte, permettant d’appréhender l’apparition des troubles, leur persistance ou leur transformation ainsi que l’influence des événements de vie ;

– permettant d’évaluer l’influence des actions de prévention ou des prises en charge individuelles.

Tous les professionnels soulignent le flou des frontières entre l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte qui varient pour chaque individu et ne se superposent ni aux limites légales, ni aux catégories administratives. Les jeunes de 15 à 24 ans représentent 12 % de la file active des secteurs de psychiatrie adulte. Ils représentent 17 % de celle de la psychiatrie infanto-juvénile, 3,6 % de jeunes de plus de 20 ans étant suivi par celle-ci.

L’organisation actuelle des services de soins ne permet pas d’assurer la continuité de la prise en charge de l’adolescence à l’âge adulte de manière satisfaisante.

Les jeunes relèvent administrativement de la psychiatrie générale à partir de 16 ans mais, selon les régions, la pédopsychiatrie calque parfois les limites de son intervention sur celles de la pédiatrie (15 ans). Les familles en difficulté sont donc souvent orientées vers la psychiatrie d’adulte qui n’est pas préparée à accueillir les adolescents.

Cette situation rend aléatoire la prise en charge des adolescents de sorte qu’à leur majorité, ils auront souvent accumulé des échecs, des rejets, voire des refus de prise en charge.

2. Les délais de prise en charge risquent de compromettre la réussite des soins psychiques

Plusieurs rapports récents ont souligné les graves carences du dispositif pédospychiatrique qui est aujourd’hui saturé. La Défenseure des enfants dans son rapport de 2007 sur « les adolescents en souffrance » dresse un tableau sans complaisance de la situation.

La psychiatrie publique repose depuis près de cinquante ans sur le principe de la sectorisation qui tient une place centrale en matière de santé mentale des enfants et des adolescents et qui permet, sur une base géographique, d’organiser des soins psychiatriques de proximité. Chaque secteur dispose d’une équipe pluridisciplinaire composée de psychiatres, psychologues, orthophonistes, éducateurs, assistantes sociales et para médicaux. Cette équipe a la charge de la santé mentale pour la prévention, l’hospitalisation, les soins ambulatoires : elle assure ainsi les soins de proximité et est rattachée à un établissement de soins.

Les dernières statistiques disponibles relatives à la pédopsychiatrie datent de 2000, ce qui en soit, est significatif d’un certain désintérêt pour cette question .

À cette date, la France comptait 320 secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, qui, pour 41 % étaient rattachés à un hôpital public non spécialisé, pour 55 % rattachés à un hôpital spécialisé en psychiatrie et pour 8 % à un établissement privé de santé participant au service public hospitalier ou à une association. Un secteur dessert environ 49 000 jeunes de moins de 20 ans, mais les variations régionales sont importantes : moins de 40 000 jeunes de moins de 20 ans en Corse, Limousin, Auvergne mais plus de 55 000 en Alsace, Nord Pas-de-Calais et Île-de-France.

Les CMP, pivots du dispositif de soins du secteur sont en crise grave.

Le CMP a pour mission d’organiser et coordonner toutes les actions extrahospitalières en articulation avec les unités d’hospitalisation. C’est une structure extra-hospitalière, rattachée à un hôpital qui constitue la base des réponses apportées aux enfants et aux adolescents, 97 % des jeunes patients sont suivis en ambulatoire et essentiellement en CMP.

Le CMP propose une palette d’actions thérapeutiques individuelles ou collectives. Il a pour fonction d’assurer des consultations, des suivis ambulatoires, des actions de prévention et est souvent amené à intervenir dans des établissements extérieurs. Les actes sont gratuits pour les patients, y compris pour les mineurs qui peuvent y venir sans leurs parents. Une des difficultés majeures de la quasi-totalité des CMP tient à l’augmentation importante des demandes de consultations. Actuellement, les délais d’attente avant une première consultation sont de plusieurs mois (de 4 mois en moyenne à Paris, à 7 en d’autres régions). L’augmentation du nombre d’enfants suivis en CMP a eu mécaniquement des répercussions sur le nombre d’interventions pour chaque enfant qui diminue ainsi fortement depuis 1991.

La crise des CMP est de profonde ampleur. En Seine-Saint-Denis, département dans lequel les jeunes connaissent souvent des facteurs de risques multiples, les effectifs des CMP sont restés identiques à ceux qui existaient au moment de leur création malgré une activité qui a plus que décuplé en 25 ans.

Si les soins ambulatoires sont fortement embouteillés la situation de l’hospitalisation est tout aussi critique.

La capacité d’hospitalisation à temps complet en pédopsychiatrie a été drastiquement diminuée ces dernières années. En effet, en quinze ans, de 1986 à 2000, le nombre de lits d’hospitalisation à plein-temps en pédopsychiatrie est passé de 5 380 à 1 604, puis à 1 860 en 2005, avec une moyenne de 13 lits par secteur (contre 29 lits en 1986) et ce, alors même que le nombre de jeunes patients hospitalisés en 2000 était supérieur à celui de 1986. Désormais, les praticiens rencontrés déplorent le manque de lits pour répondre aux situations de crise et aux pathologies lourdes.

L’absence de lits en nombre suffisant crée une situation grave car, en raison de cette carence, des enfants de moins de seize ans sont hospitalisés dans des services de psychiatries avec des adultes ce qui les place en danger potentiel.

Le rapporteur recommande que s’inspirant du modèle de l’Espace adolescent du centre psychiatrique d’accueil et de crise de l’hôpital Sainte Anne, des espaces réservés aux adolescents soient créés pour permettre un accueil adapté aux urgences psychiatriques. Ils pourraient ainsi y être hospitalisés pour 24 heures, le temps de faire une première évaluation.

Il conviendrait aussi de s’inspirer de la création d’unités pour adolescents et jeunes adultes comme le Pôle aquitain de l’adolescence, à Bordeaux où l’unité médico psychologique de l’adolescent et du jeune adulte (UMPAJA) est dotée de quinze lits pour la prise en charge des jeunes de 14 à 25 ans, ayant fait une tentative de suicide ou présentant des idées suicidaires.

Dans son rapport de 2004 sur « la prévention et la prise en charge des adolescents et jeunes adultes souffrant de troubles psychiques », l’Igas relevait « une très grande difficulté dans la prise en charge des 15-18 ans que les services adultes de psychiatrie refusent parfois et que les services pédiatriques ne peuvent plus accueillir ».

Les 16-18 ans se trouvent en effet dans une sorte « d’entre deux » de la prise en charge psychiatrique et tout particulièrement hospitalière. Un secteur de psychiatrie infanto-juvénile prend en charge les enfants jusqu’à 16 ans. Les secteurs de psychiatrie générale sont autorisés (et non pas obligés) à prendre en charge les jeunes de plus de 16 ans. De ce fait, les 16-18 ans ne sont pas partout pris en charge. Les secteurs de pédopsychiatrie ne peuvent plus les accepter conformément aux limites réglementaires de la sectorisation et certains services adultes refusent ces mineurs pour des motifs de responsabilité.

Le ministère de la Santé, dans sa circulaire du 11 décembre 1992 relative aux orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants, a relativisé cette date butoir des seize ans en rappelant que le décret du 16 mars 1986 ne limite pas la tranche d’âge des enfants et des adolescents auxquels les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile « offrent des soins et des services » et que « la pratique doit utiliser cette souplesse ». La circulaire du 28 octobre 2004 relative à l’élaboration des schémas régionaux d’hospitalisation et de soins (SROS) de l’enfant et de l’adolescent confirme cette nécessité d’adaptation et de concertation. Malgré ces recommandations le problème reste entier.

Le rapport préparatoire à la conférence de la famille 2004 « Santé, adolescence et familles » de Henri Joyeux et Marcel Rufo avait proposé « de fixer à 18 ans le nouveau bornage supérieur des âges de la pédopsychiatrie » et créer des lieux spécifiques d’hospitalisation psychiatrique d’urgence à vocation plurisectorielle ainsi que des unités de soins permettant des temps d’hospitalisation plus longs.

Proposition n° 12 : préciser que les adolescents de 16 à 18 ans doivent être soignés en pédopsychiatrie

Le ministère de la Santé devrait publier un texte réglementaire, modifiant les directives de la circulaire 11 décembre 1992 relative aux orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants qui n’est pas correctement appliquée. Ce texte devrait faire obligation aux services pédopsychiatriques d’accepter les mineurs jusqu’à 18 ans. À moyen terme, il conviendrait de favoriser la création de services hospitaliers ayant des unités adolescents et jeunes adultes permettant un accueil en urgence comme en court séjour.

Proposition n° 13 : mieux organiser les soins psychiatriques pour les adolescents de 16 à 18 ans

Les autorités de tutelle sanitaires en concertation avec les professionnels hospitaliers et de la Justice définissent dans chaque département, compte tenu des spécificités de l’offre de soins les conditions de prise en charge et d’hospitalisation en pédopsychiatrie des mineurs de seize à dix huit ans. Pour les jeunes placés sous main de justice et hébergés en établissements des dispositions spécifiques sont prévues pour éviter que toute hospitalisation ne se traduise par un transfert dans une chambre d’isolement pour éviter les fugues.

Proposition n° 14 : revoir les modalités de l’accueil d’urgence

S’inspirer des bonnes pratiques existantes dans certains CMP qui ont permis de réduire considérablement les délais d’attente avant un premier rendez-vous : certains CMP organisent un premier rendez-vous avec un infirmier pour évaluer le degré d’urgence de la demande, certains sont associés avec des équipes mobiles qui prennent un premier contact et procèdent ainsi à un premier repérage de la gravité de la pathologie.

B. DES PRISES EN CHARGE CLASSIQUES INADAPTÉES AUX TROUBLES DU COMPORTEMENT

Les troubles du comportement qui doivent être considérés comme pathologiques sont difficiles à cerner d’autant plus que les établissements de placement n’ont pas assez adapté leurs méthodes éducatives à ces jeunes perturbateurs. Or la réorganisation en cours de la DPJJ ne semble pas avoir défini de stratégie claire face à ce problème récurrent.

1. La réorganisation de la DPJJ est mal comprise par les professionnels de terrain

Le rapporteur a été frappé par l’ampleur des changements en cours au sein des services de la PJJ. Il en résulte à la fois un formidable dynamisme mais aussi de profondes appréhensions.

Afin d’avoir une vision prospective, la DPJJ a adopté un projet stratégique national. Si ce document est intéressant pour planifier une réforme des services éducatifs, il semble avoir été mal accepté par les équipes de terrain qui apparaissent déstabilisées par ces changements et qui n’en comprennent pas la nécessité. L’évolution majeure qui consiste à recentrer l’activité de la PJJ sur l’action éducative pour les mineurs délinquants est mal comprise car les professionnels considèrent que les récentes réformes relatives à l’enfance en danger qui ont confié cette compétence à l’entière responsabilité des conseils généraux ne sont pas encore réellement appliquées. Les jeunes majeurs, qui jusqu’ici étaient pris en charge par les services de la PJJ, relèveront désormais de l’aide sociale départementale. Ils risquent d’être les véritables perdants de cette réorganisation car nombre de conseils généraux ne voudront pas assumer cette lourde charge ou la limiteront en réservant leur aide aux jeunes majeurs ayant fait l’objet d’un placement au titre de l’aide sociale à l’enfance durant leur minorité.

La direction de la PJJ a élaboré un projet stratégique national pour les années 2008-2011 qui a pour objectif de moderniser les méthodes de travail et de répondre aux critiques formulées en 2003 par la Cour des comptes dans son rapport thématique sur les services de la PJJ. L’adoption de ce projet va de pair avec une profonde réorganisation territoriale : création de neuf directions interrégionales, mise en œuvre de missions d’inspection régionale pour mieux évaluer l’action des 1500 établissements de la PJJ et du secteur associatif habilité.

Le projet stratégique national énonce ainsi quatre objectifs :

Premier objectif : renforcer l’aide à la décision des magistrats

Avant et pendant l’exécution d’un jugement, la PJJ a vocation à apporter aux magistrats les informations sur la personnalité, l’environnement et l’évolution des mineurs. Cette « aide à la décision » recouvre un champ étendu, comprenant : les mesures dites « d’investigation » préalables aux décisions civiles et pénales ; les préconisations formulées pendant et en fin de prise en charge ; l’aménagement des peines. Garante de la qualité de cette aide, la PJJ devra développer les aménagements de peine ab initio pour les peines de prison ferme inférieures ou égales à un an, articuler l’aide à la décision avec les dispositifs : politique de la ville et cohésion sociale, éducation à la loi, accès au droit et à la citoyenneté, contrats locaux de sécurité.

Deuxième objectif : privilégier l’insertion des mineurs délinquants

Parce que le conseil général est désormais le pilote de la protection de l’enfance, l’État se concentre sur la lutte contre la délinquance, son intervention sur la prise en charge de la délinquance juvénile, permettant ainsi d’éviter les ruptures de prise en charge, de nombreux adolescents relevant d’abord de la protection de l’enfance puis de l’assistance éducative à cause de comportements délinquants.

Pour atteindre l’objectif de 100 % de prises en charge en matière pénale d’ici 2011 par les services de la PJJ, il conviendra de poursuivre et intensifier ces prises en charge, en hébergement comme en milieu ouvert ou en détention. Il faudra contribuer à abaisser le taux de détention provisoire de (70 à 40 %) – comme pour les majeurs – par des alternatives efficaces (nouveaux établissements de placement, développement du placement sous surveillance électronique) et à développer le travail avec les familles en milieu ouvert pour multiplier les activités de jour.

Il conviendra enfin d’améliorer les relations avec les juridictions et les conseils généraux pour permettre un meilleur accès des accès aux dispositifs de droit commun d’insertion pour les mineurs dont le mandat judiciaire prend fin.

Troisième objectif : évaluer la qualité des prises en charge

La DPJJ est responsable au nom de l’État de la qualité de l’ensemble des services prenant en charge des mineurs sous mandat de justice.

Sa mission d’évaluation a été renforcée par la loi et elle doit désormais :

— assurer le contrôle administratif, financier ;

— auditer les conditions de mise en œuvre de l’action éducative dans quelque 1 500 services de prise en charge concernés (services publics et associatifs).

Ces audits « métiers » devront permettre d’enrichir les bonnes pratiques éducatives et fournir les informations nécessaires aux magistrats sur chaque service.

La PJJ devra donc :

– déployer, à la faveur de la réorganisation territoriale de ses services, environ 100 cadres dans l’ensemble des 9 nouvelles directions interrégionales pour assurer le contrôle complet des services et prévenir ainsi les dysfonctionnements ;

– partager avec les juridictions dans le cadre de sa mission d’aide à la décision, les résultats de ces contrôles, permettant ainsi aux juges de trouver les établissements les mieux adaptés aux mineurs qu’ils suivent ;

– capitaliser les bonnes pratiques repérées dans le cadre des contrôles.

Quatrième objectif : faire évoluer la justice des mineurs

Ses missions de conseil et d’évaluation désignent la DPJJ comme pilote de l’élaboration des textes et de l’organisation de la justice des mineurs. Ainsi, elle a été mandatée pour :

– participer à l’élaboration des lois du 5 mars 2007 relatives à la prévention de la délinquance d’une part et réformant la protection de l’enfance d’autre part ;

– copiloter la refonte de l’ordonnance de 45, texte fondateur du droit pénal des mineurs, en vue d’un nouveau cadre simplifié, cohérent, et compréhensible par les mineurs eux-mêmes ;

– coordonner l’organisation de la justice des mineurs, en valorisant les bonnes pratiques et en proposant des améliorations du fonctionnement des tribunaux pour enfants.

Le rapporteur ne souhaite pas trop revenir sur la situation de tension qui a conduit la directrice départementale de la PJJ de Paris à tenter de mettre fin à ses jours en septembre dernier. Ce geste tragique, qui a heureusement échoué, est cependant significatif de l’état de profond malaise de nombreux personnels éducatifs. D’autres signes sont tout aussi révélateurs : les services de la région parisienne notamment, sont confrontés à un turn over accéléré qui remet en cause la qualité du service éducatif. Comment comprendre autrement que des établissements modernes n’arrivent pas à stabiliser leurs équipes ? N’est –il symptomatique qu’à l’EPM de Porcheville, dix huit mois après l’ouverture, plus du tiers du personnel ait déjà été renouvelé ? Que penser du CEF de Brignoles, par exemple, qui dispose de dix contractuels sur quatorze éducateurs et dont neuf sont sans diplôme ?

Le rapporteur estime indispensable que la DPJJ fasse un gros effort de pédagogie vis-à-vis des personnels de terrain en multipliant les déplacements pour témoigner aux professionnels qu’ils sont soutenus pour mettre en œuvre une réforme difficile.

2. L’unification du statut des établissements n’est pas allée de pair avec une modernisation des méthodes éducatives

Pour répondre à la recommandation de la Cour des comptes dans son rapport de 2003, de réduire l’émiettement excessif des établissements d’hébergement, de préciser leurs missions et leur statut juridique, la DPJJ a révisé leur statut en prévoyant une unification. L’objectif était de permettre une simplification et de faciliter le travail des magistrats afin qu’ils puissent être en mesure de tenir compte, dans une même région, des charges respectives du secteur public ou du secteur privé pour déterminer le service auquel sera confié un mineur.

a) L’unification du statut juridique des établissements

Le décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la PJJ et de sa circulaire d’application (DPJJ–K3 du 10 juin 2008) redéfinissent les règles de création et d’organisation de ces structures pour une meilleure adaptation aux besoins territoriaux de la justice des mineurs et pour un meilleur fonctionnement, dans le cadre notamment de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 réformant l’action sociale. Tous les établissements d’hébergement « classiques » ont désormais le même statut : il n’y aura plus que deux catégories de structures de placement : les centres éducatifs fermés (CEF) et les établissements de placement éducatif (EPE).

ÉTABLISSEMENTS ACCUEILLANT DES MINEURS DÉLINQUANTS

Nombre

I. Établissements ou services relevant du secteur public

Les 348 établissements et services (7) gérés par la DPJJ (en régie directe) recouvrent différentes catégories de structures de placement, de milieu ouvert, d’investigation et d’activités de jour »).

 

— Établissements de placement

 

Établissements de Placement Éducatif (nouvelle dénomination des foyers d’action éducative suite à la mise en œuvre du décret du 6 novembre 2007)

Les EPE sont des structures d’accueil et de prise en charge de mineurs placés par les juridictions au titre de l’ordonnance de 45 ou au titre de l’enfance en danger ou de la protection jeunes majeurs.

Les EPE comportent une ou de plusieurs unités éducatives d’hébergement collectif (UEHC). Peuvent également être rattachées à un EPE les unités éducatives suivantes :

- Unité éducative d’hébergement diversifié (UEHD)

- Unité éducative d’activité de jour (UEAJ)

- Unité éducative Centre éducatif renforcé (UECER) proposant des programmes adaptés de 3 à 6 mois autour d’un projet avec un encadrement éducatif permanent.

105

Centres éducatifs fermés (CEF)

Les centres éducatifs fermés accueillent des mineurs de 13 à 18 ans délinquants, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’un sursis avec mise à l’épreuve, d’une libération conditionnelle ou d’un placement extérieur.

38

— Services de milieu ouvert, d’insertion et d’investigation du secteur public

 

Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert (nouvelle dénomination des centres d’action éducative suite à la mise en œuvre du décret du 6 novembre 2007).

Les fonctions d’un STEMO sont exercées dans le cadre d’une ou plusieurs unités éducatives de milieu ouvert. Ils assurent la permanence éducative auprès des tribunaux, l’exercice des mesures d’investigation ordonnées par l’autorité judiciaire, la mise en œuvre, des mesures éducatives autres que les mesures de placement, la mise en œuvre des aménagements de peines prononcées par les juridictions à l’égard des mineurs  et les interventions éducatives dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires.

Services éducatifs auprès du tribunal (SEAT)

Les SEAT assurent la permanence éducative auprès des tribunaux les plus importants.

168

9

Services territoriaux éducatifs d’insertion (nouvelle dénomination des centres d’action éducative et d’insertion suite à la mise en œuvre du décret du 6 novembre 2007).

22

Les STEI regroupent plusieurs unités éducatives d’activité de jour qui assurent l’exécution de la mesure d’activité de jour créée par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance

 

— Services éducatifs au sein des établissements pénitentiaires pour mineurs (SE-EPM)

Le SE-EPM élabore, pour chaque jeune détenu, un projet et des emplois du temps individualisés. Ils mettent en place les activités socio-éducatives

6

II. Les établissements et services gérés le secteur associatif habilité

Le secteur associatif habilité est constitué de 1264 établissements et services. Les structures sont réparties comme ci-après :

 

— Établissements de placement

Ces établissements, exceptés les CER, CPI et CEF spécialisés au pénal, sont habilités en principe au titre de l’ordonnance de 1945 (pénal) ou de l’assistance éducative (civil).

 

Foyer éducatif

Ces établissements exercent les mêmes fonctions que les FAE du secteur public.

230

Maison d’enfants à caractère social

²Ces établissements accueillent des enfants dont les familles se trouvent momentanément en difficulté ou ne peuvent assumer durablement l’éducation de l’enfant. Les séjours peuvent aller de quelques mois à des durées très longues.

219

Centre éducatif renforcé (CER)

Ces établissements exercent les mêmes fonctions que les CER du secteur public.

58

Centre de placement immédiat (CPI)

Les centres de placement immédiat sont destinés à prendre en charge des garçons et filles, de 13 à 18 ans, pour lesquels un accueil immédiat - orientation est prescrit par les magistrats. L’objectif est de mener une évaluation de la situation du mineur puis de proposer les solutions éducatives les plus adaptées à plus long terme. L’orientation doit se réaliser dans un délai de 3 mois. Les entrées et sorties sont permanentes. Pour les mineurs délinquants, l’exercice d’un contrôle strict doit garantir une prise en charge qui prévienne la fugue, l’incident grave ou le non-respect des obligations fixées par le magistrat.

3

Centre éducatif fermé (CEF)

Ces établissements exercent les mêmes fonctions que les CEF du secteur public

30

Centre d’hébergement diversifié et individualisé

Ces établissements mettent en œuvre des formules individualisées de placement pour les mineurs et les jeunes majeurs en famille d’accueil, en logement autonome avec un accompagnement éducatif comme les unités éducatives d’hébergement diversifié (UEHD) du secteur public.

62

Centre de placement familial

Les centres de placement familial salarient les assistantes maternelles, au domicile desquelles les jeunes sont pris en charge.

54

Centre scolaire et professionnel

Ces établissements assurent en internat l’accueil des adolescents en grande difficulté et dispensent une formation scolaire ou professionnelle.

124

Lieux de vie et d’accueil

Ce sont des petites structures d’hébergement (3 à 7 places) qui sont dirigées par des personnes ayant une activité professionnelle, sociale ou autre. Ils partagent avec ces jeunes leur quotidien et leur espace de vie ; leur profession peut servir de base à des activités avec les jeunes accueillis (exploitation agricole, centre équestre…).

44

Foyers de jeunes travailleurs

Ces structures proposent d’accompagner les jeunes vers l’autonomie sociale et professionnelle.

9

— Services de milieu ouvert, d’insertion et d’investigation

 

Services d’action éducative en milieu ouvert

Ces services mettent en œuvre les mesures d’assistance éducative (activité civile)

184

Services d’investigation et d’orientation éducative

Ces services exercent des mesures d’investigation et d’orientation éducative (civil et pénal)

101

Services d’enquêtes sociales

Ces services exercent des mesures d’enquêtes sociales (civil et pénal).

89

Services de réparation pénale

Ces services exercent des mesures de réparation pénale.

48

Services d’insertion

Ces services mettent en œuvre les mesures d’activité de jour (MAJ)

9

Source : Ministère de la justice

Progressivement vont être publiés les cahiers des charges concernant chaque type d’établissement. Le 7 avril 2008 par exemple, celui relatif aux unités éducatives d’hébergement collectif (UEHC) a été publié (un établissement de placement éducatif comprend habituellement un UEHC et une unité d’hébergement diversifié c’est-à-dire des appartements thérapeutiques et un centre éducatif renforcé).

L’encadrement des établissements a été réformé par la création d’une fonction de responsable d’unité éducative. Deux unités au moins seront placées sous les ordres d’un directeur, chacune d’elles regroupant un nombre suffisant d’éducateurs afin d’assurer une permanence éducative ainsi que la mise en œuvre des nouveaux modules d’activité de jour contribuant à l’insertion des mineurs. Au cours de la nuit il n’y aura quasiment plus de gardiens de nuit mais une présence constante d’éducateurs. Cette réforme va s’accompagner d’un plan de regroupement de structures en cours d’élaboration qui devrait être achevé d’ici la fin 2010.

Le projet stratégique national 2008-2011 (PSN) de la PJJ fixe comme priorité le renforcement de l’intervention de la PJJ en direction des mineurs confiés au pénal pour assurer, sans délai, une prise en charge de qualité. 84 % des mineurs pris en charge, hors mesures d’investigation, en 2008 par les unités du secteur public, l’était dans le cadre pénal. L’objectif est donc d’atteindre presque 100 % à l’échéance de 2011. Pour ce faire, la PJJ a renforcé son activité en privilégiant :

— la réduction des délais de mise en œuvre des décisions judiciaires pénales. La généralisation des bureaux d’exécution des peines (BEX) et de la mise en place des protocoles d’accueil sans délai y contribue par une prise en charge immédiate par les services de la PJJ ;

— la structuration de l’intervention éducative autour des activités de jour définie par la circulaire du 25 février 2009. Chaque mineur pris en charge par la PJJ qui serait en dehors des dispositifs de droit commun doit bénéficier d’une activité de jour, levier essentiel pour entrer en relation éducative avec un adolescent en difficulté et lui permettre l’apprentissage ou le réapprentissage de rythmes de vie, le sens des règles de vie sociales.

— le renforcement du taux d’encadrement des mineurs dans les établissements de placement éducatif en passant de 10 à 14 éducateurs par structure de 10 à 12 places. Ceci implique de réorganiser les structures qui ne seraient pas aux normes tout en maintenant, voire augmentant le nombre de places d’hébergement.

Ce recentrage dans le domaine pénal s’accompagne également de la recherche d’une complémentarité plus efficiente entre l’État et les conseils généraux. La DPJJ constitue des équipes d’audit. Dans un intérêt commun, il est proposé aux conseils généraux que ces équipes œuvrent conjointement avec leurs services. Les premières conventions de travail conjoint ont été signées ou validées par les conseils généraux ; elles portent sur l’audit des établissements mais également sur la formation de certains agents de ces collectivités territoriales.

Le recentrage de l’activité de la PJJ sur le domaine pénal, est également l’occasion de valoriser la spécificité de l’action éducative dans le cadre pénal. Une circulaire relative à l’action d’éducation dans le cadre pénal est en cours de validation. Elle capitalise l’expérience que les services de la PJJ, qu’ils soient publics ou du secteur associatif, ont acquise.

Cette réorganisation de grande ampleur ne s’est pas accompagnée d’une véritable réflexion sur les spécificités de chaque type d’accueil. Au contraire, pour parvenir à une gestion plus souple des établissements le nouveau décret ne fait plus référence à la notion d’accueil d’urgence. Pourtant la polyvalence annoncée risque d’être largement théorique : tous les professionnels interrogés se disent convaincus de la nécessité de lieux d’accueil où il est possible d’accueillir en urgence pour offrir en quelque sorte « un sas de décompression ». Ce n’est que dans un deuxième temps qu’il est possible de définir un projet à moyen terme pour un mineur en grande difficulté.

b) Le problème de l’accueil d’urgence n’a pas été résolu

Les magistrats comme les établissements se heurtent depuis de nombreuses années au problème de l’accueil d’urgence des jeunes délinquants lorsqu’il est jugé préférable de les éloigner rapidement de leur milieu de vie habituel. Il est, en effet, difficile d’accueillir dans un groupe déjà constitué un jeune qui risque de déséquilibrer la cohérence du groupe formé par les mineurs déjà présents. Certains profils sont, en outre, incompatibles entre eux : les éducateurs préfèrent éviter par exemple, de faire cohabiter plusieurs mineurs très violents ou des mineurs maltraités avec des jeunes condamnés pour agression sexuelle.

Les anciens centres de placement immédiat ont souvent été critiqués car ils n’étaient pas armés pour faire à la fois de l’accueil d’urgence avec les formalités que cela suppose et pour continuer à jouer un rôle éducatif auprès des mineurs arrivés depuis plus longtemps. L’instabilité des groupes gérés a rendu cette mission très délicate et a conduit plusieurs établissements à connaître des épisodes de violence ou des fugues répétées.

Dans le cadre de l’application du décret du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la PJJ, les missions des centres de placement immédiat seront désormais exercées dans le cadre des unités éducatives d’hébergement collectif (UEHC) au sein des établissements de placement éducatifs (EPE). Ces modifications doivent intervenir à l’échéance de novembre 2009. L’ensemble des projets de service des UEHC intégrera les missions d’accueil sans délai ni préparation, celles d’évaluation de la situation sociale et familiale et d’orientation.

Un rapport de l’inspection des services de la PJJ d’août 2005 a mis en lumière les points forts et les points faibles de des centres de placement immédiats (CPI)

Les points forts mis en avant par le rapport ont été :

• une réelle priorité donnée aux mineurs délinquants multirécidivistes ;

• des accueils sans délais ni critères ;

• une surveillance accrue ;

• une bonne articulation avec les juridictions ;

• un dispositif apprécié des magistrats.

Quant aux points faibles :

• une fonction bilan-orientation rendue très difficile à réaliser du fait des caractéristiques des mineurs et de la rareté des services susceptibles de les accueillir tout particulièrement en région parisienne ;

• des structures qui devenaient peu à peu la réponse à tous les besoins en matière d’accueil d’urgence.

Le coût complet d’une journée de placement dans un CPI du secteur public s’élevait à 493 euros en 2008.

La capacité d’accueil théorique de ces 34 CPI est de 333 places. Le dispositif a accueilli 1313 jeunes en 2008 pour un taux d’occupation de 68 %. Les effectifs théoriques de chaque CPI pour assurer l’encadrement ont été fixés par le cahier des charges du 13 janvier 2000 à 17 personnels soit 1 directeur, 1 chef de service, 11 éducateurs, 1 psychologue, 2 ouvriers professionnels et un secrétariat, avec un fonctionnement continu sur l’année.

Les professionnels interrogés par le rapporteur ont fait part de leur crainte de voir cette fonction d’accueil d’urgence dévolue à tous les établissements. Selon eux, une spécialisation se recréera de facto. Il est en effet très difficile pour le personnel éducatif d’assurer à la fois la fonction d’accueil d’urgence et l’animation d’un foyer ordinaire. Bien souvent, faute de personnel suffisant les mineurs restent sans aucune activité structurée durant la journée (fort absentéisme scolaire chez ces jeunes) car les éducateurs présents sont mobilisés pour l’accueil des nouveaux arrivants et par les tâches administratives de relation avec les magistrats par exemple. Beaucoup de fugues sont à déplorer dans ces établissements car les jeunes se sentent livrés à eux-mêmes à un moment de crise où l’établissement devrait offrir un cadre à la fois contraignant mais aussi protecteur. Plusieurs éducateurs ont fait valoir qu’il aurait plutôt fallu revoir l’encadrement de ces structures d’urgence pour permettre un véritable travail éducatif tout en assumant la fonction d’accueil.

Proposition n° 15 : réduire les délais d’attente dans les CMP

Revoir les modalités d’organisation de l’accueil d’urgence et prévoir un renforcement de l’encadrement. Éviter dans ces établissements de nommer de jeunes professionnels sortant d’école car la gestion des groupes y est particulièrement délicate.

c) Les centres éducatifs renforcés ou la priorité donnée à l’action éducative collective

Actuellement, 61 centres éducatifs fermés (CER) fonctionnent sur le territoire national. Ce dispositif évolue en fonction des projets pédagogiques présentés par les associations dont la vocation est de travailler avec les mineurs récidivistes. Ainsi en 2009, l’ouverture de deux CER est prévue en région Grand-Est. Le CER de l’Yonne (89) dont l’ouverture était initialement prévue en 2008 devrait fonctionner cette année. Un projet de création de CER en région Île-de-France est en cours d’étude alors que tous les professionnels ont fait part de la pénurie d’établissements « contenants » en région parisienne.

En moyenne une journée en CER a coûté 501 € par mineur en 2008. La capacité de prise en charge théorique d’un CER est de 5 à 8 places ; la capacité globale du dispositif est de 480 places. En 2008, 1 200 mineurs ont suivi un programme d’activité intensive dans un CER portant ainsi leur taux d’occupation à 87 %.

Les établissements du secteur associatif habilité sont dotés de 11 agents en moyenne (1 chef de projet, 9 éducateurs, 0,5 poste de secrétaire, 0,5 poste de psychologue). Pour le secteur public, les CER disposent de 7 éducateurs, d’1 chef de projet et de 0,2 poste de psychologue soit 8,2 ETP. Ce sont ainsi 694 ETPT qui sont dédiés à ces structures. Le ratio de l’encadrement éducatif est de 4 agents pour 5 mineurs pris en charge.

Entre 2006 et 2007, le service d’inspection de la DPJJ a effectué une évaluation du dispositif des CER. D’où ressortaient notamment :

– l’intérêt de ce passage en CER considéré comme une période de rupture dans l’évolution du comportement des mineurs en cours de session et à son issue ;

– l’insuffisante préparation des conditions de sortie et de suivi de ces mineurs dans la durée ;

– la nécessité d’un plan de pilotage national pour valider au cas par cas les nouveaux projets de CER en cohérence avec les besoins territoriaux.

Cette dernière recommandation a été mise en œuvre puisqu’on comptait 65 CER en 2008 pour 61 à ce jour, certains établissements ayant été fermés ou regroupés. Pour assurer cette réorganisation, il a été décidé que la reprise de l’activité de certains établissements par une autre association gestionnaire ne serait pas instantanée et soumise à validation par une commission nationale. En fin 2009, le dispositif devrait compter à nouveau 65 établissements si tous les projets sont validés.

Pour remédier aux difficultés liées à l’impréparation des sorties de session, la PJJ a lancé un état des lieux national du dispositif des CER en avril 2009. Actuellement les directions interrégionales font remonter les informations quant au fonctionnement, au profil des mineurs, à la spécificité des projets. Pour les trente-sept CER évalués, selon les informations communiquées à votre rapporteur, les constatations suivantes ont été faites :

• ils associent majoritairement des activités d’insertion professionnelle, de remise à niveau du niveau scolaire et de pratique sportive. De rares CER utilisent des médias spécifiques dans leurs prises en charges : trois proposent des activités relatives au cirque et trois autres des activités maritimes ;

• au cours d’une session, 17 proposent des séjours de rupture sur le territoire national et 6 d’entre eux des voyages à l’étranger ;

• 1 est spécialisé dans la prise en charge des mineurs toxicomanes ;

• 2 accueillent des filles exclusivement ;

• 13 accueillent en mixité.

Un nouveau cahier des charges est en préparation qui tient compte de ce travail d’évaluation. Le futur cahier des charges devrait modifier la règle actuelle selon laquelle les mineurs sont admis par session de quatre mois, permettant une stabilité des groupes constitués. Il est envisagé de permettre des accueils échelonnés dans certains établissements pour gagner en souplesse de fonctionnement. Une réflexion est aussi en cours pour améliorer le pilotage national de l’accueil en CER et permettre ainsi d’éviter les pénuries de places dans certaines régions.

Le rapporteur souhaite ici faire part d’observations de professionnels éducatifs et de magistrats qui considèrent que les méthodes pédagogiques des CER doivent être revues car elles accordent trop de place aux activités collectives. Certains jeunes sont particulièrement rétifs à cette forme d’encadrement et réagissent violemment en réaction à cette pression du groupe qu’ils ne peuvent tolérer. Plusieurs professionnels ont d’ailleurs souligné que le gros avantage des CEF était justement cette possibilité de proposer des activités individuelles et de pouvoir combiner les deux approches.

Certains CER constatant les réactions violentes de certains jeunes ont cherché des modes de placement très différents comme les familles d’accueil et se sont rendus compte que certains jeunes, considérés jusque-là comme « incasables » s’adaptent très bien dans un cadre familial et acceptent les contraintes de la vie de famille. La réussite de telles expériences reposent néanmoins sur une sélection rigoureuse des familles et sur leur accompagnement constant par des professionnels expérimentés et très disponibles.

Proposition n° 16 : adapter les méthodes pédagogiques des Centres éducatifs renforcés

Engager une réflexion sur les méthodes pédagogiques utilisées dans les CER et mettre en œuvre des prises en charge plus individualisées permettant au mineur un travail personnel d’introspection.

d) Les centres éducatifs fermés mettent en œuvre une pédagogie éducative contraignante

Créés par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, dite « loi Perben I », les CEF viennent compléter le dispositif de prise en charge déjà existant des mineurs délinquants les plus difficiles et constituent une alternative à l’incarcération, entièrement orientée vers la réinsertion et la prévention de la récidive. La loi du 9 septembre 2002, complétée par les lois du 10 mars 2004 et du 5 mars 2007 est ainsi venue modifier l’article 33 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relatif à l’enfance délinquante qui définit les CEF comme suit :

« Les centres éducatifs fermés sont des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, dans lesquels les mineurs sont placés en application d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve ou d’un placement à l’extérieur ou à la suite d’une libération conditionnelle ».

Au sein de ces centres, les mineurs font l’objet des mesures de surveillance et de contrôle permettant d’assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité. La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l’emprisonnement du mineur.

L’habilitation ne peut être délivrée qu’aux établissements offrant une éducation et une sécurité adaptées à la mission des centres ainsi que la continuité du service.

L’ordonnance de 1945 précise, par ailleurs, qu’à l’issue du placement en centre éducatif fermé ou, en cas de révocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve, à la fin de la mise en détention, le juge des enfants prend toute mesure permettant d’assurer la continuité de la prise en charge éducative du mineur en vue de sa réinsertion durable dans la société.

Selon le dernier relevé effectué par le ministère de la Justice en juillet 2009, 413 places de CEF ont été créées dans les trente-huit CEF ouverts. Les jeunes s’y répartissent à raison de 8 à 12 dans chacune des structures, encadrés par 24 à 27 personnels qui assurent une prise en charge continue 24 heures sur 24 , tout au long de l’année. 339 mineurs y étaient pris en charge soit un taux d’occupation de 82 %. Depuis 2003, 2 416 jeunes ont été accueillis dans les CEF, concourant ainsi à la baisse significative du nombre de mineurs incarcérés.

Plusieurs circulaires sont venues préciser le déroulement d’un placement en CEF. Ces établissements s’adressent en priorité à des mineurs de 13 à 18 ans, récidivistes ou réitérants qui se sont montrés rétifs aux autres mesures d’assistance éducative de placement moins contraignant. La circulaire du 28 mars 2003 souligne qu’« à la différence des centres éducatifs renforcés, les centres éducatifs fermés ne répondent pas au souci de créer un éloignement du mineur d’avec son environnement familial, social ou scolaire ; ils assurent par ailleurs des prises en charge pouvant être relativement longues ». La circulaire précise aussi qu’il convient de respecter la vocation géographique limitée de ces centres et que lorsque la rupture avec le milieu de vie habituel du mineur est nécessaire, un placement dans un centre éducatif renforcé doit être privilégié.

Dans l’esprit de la DPJJ, ce placement doit se faire en liaison avec l’environnement familial et la circulaire invite à favoriser la participation de la famille au déroulement du placement. C’est pourquoi elle estime qu’il est souhaitable qu’un centre éducatif fermé accueille principalement des mineurs résidant dans le département où il est implanté ou dans un département limitrophe. Le droit de visite est présenté comme essentiel au bon déroulement du placement et il doit être adapté au cas par cas.

La circulaire insiste aussi beaucoup sur la préparation du placement et sur l’importance des éléments d’information communiqués sur le mineur. Elle indique que les antécédents judiciaires doivent être transmis ainsi que tous les éléments permettant d’apprécier la personnalité du mineur, notamment ceux qui figurent dans le dossier d’assistance éducative.

La circulaire du 13 novembre 2008 actualise, quant à elle, le cahier des charges des CEF et apporte des précisions bienvenues sur la nécessité de garantir la continuité de la prise en charge du mineur. Elle insiste notamment sur le caractère essentiel de la préparation de la sortie du CEF dès le début du séjour et sur l’importance des liens entre l’équipe d’assistance éducative dont dépend le mineur en fonction de son domicile et les professionnels du CEF.

Elle rappelle également l’importance du suivi individualisé du mineur avec l’organisation au début du séjour d’une procédure d’accueil visant à faire un bilan de personnalité et à évaluer les acquis scolaires.

La circulaire apporte des précisions sur la prise en charge sanitaire et psychologique des mineurs en indiquant qu’un bilan de santé tant somatique que psychique doit être réalisé. Si des soins s’avèrent nécessaires le mineur devra les recevoir y compris s’il s’agit d’une psychothérapie à long terme. Prenant acte des difficultés de plusieurs établissements qui ont été confrontés à des actes de violence collective, la circulaire prévoit qu’un accompagnement psychologique de groupe devra être organisé pour permettre de juguler ces manifestations violentes.

Sans entrer dans le détail de la pédagogie qui doit être utilisé, la circulaire prévoit qu’« un équilibre approprié doit être trouvé entre les espaces d’intimité et les espaces collectifs » et précise que chaque mineur doit être hébergé dans une chambre individuelle. Elle fixe aussi des normes minimales d’encadrement (2 éducateurs par établissement).

L’ouverture des CEF a suscité de très vives critiques qui se sont peu à peu estompées car les établissements ont su s’intégrer dans leur environnement local et ont su faire face aux épisodes de crise comme par exemple lors des fugues ou des incidents violents.

Néanmoins, le rapporteur estime indispensable que les CEF formalisent avec la Justice et les services de sécurité une procédure de gestion des incidents.

Plusieurs CEF ont dû faire face à des incidents très médiatisés. Compte tenu de l’opposition des riverains à l’installation de ces établissements, tous les faits et gestes de ces mineurs ont été commentés par les médias locaux, ce qui n’a pas contribué à la sérénité du démarrage des CEF. Certains jeunes ont d’ailleurs joué de cette médiatisation inespérée pour tenter de faire pression sur les éducateurs. Certains ont très mal vécu le programme intense d’activités et ont cherché à se faire renvoyer en détention où le régime est beaucoup moins prenant. Plusieurs directeurs de CEF ont témoigné au rapporteur d’épisodes tragi-comiques durant lesquels les éducateurs étaient à la recherche de mineurs en fugue mais refusaient d’alerter la gendarmerie pour éviter de donner trop de publicité à ces incidents. Peu à peu le climat s’est apaisé et des procédures ont été élaborées pour que les CEF et les services de police puissent travailler en étroite collaboration.

Plusieurs CEF ont fait part de leur difficulté à faire réagir rapidement les magistrats lorsque les mineurs commettent des infractions au cours de leur placement. La réactivité de la justice est un élément fondamental de la réponse éducative : le mineur doit comprendre que tout manquement à ses obligations fera l’objet d’une sanction.

Proposition n° 17 : prévoir une procédure de gestion des incidents dans les centres éducatifs fermés

Les CEF doivent formaliser avec la Justice et les services de sécurité une procédure de gestion des incidents afin de permettre de prendre des sanctions immédiates à l’encontre des mineurs qui ne respectent pas leurs obligations. De la rapidité de la réponse dépend la réussite d’une prise en charge « contraignante ».

Après 6 ans de fonctionnement, le bilan des CEF dressé par le ministère de la justice est plutôt favorable.

Les adolescents accueillis correspondent bien au public visé par la loi. Une action éducative strictement encadrée et contrôlée est menée dans ces structures.

Le placement en CEF constitue une réelle alternative à l’incarcération en favorisant l’éducation dans un cadre contraignant. Les équipes éducatives développent ainsi dans ces établissements des projets pédagogiques centrés sur la réinsertion des jeunes dans la vie sociale, scolaire et professionnelle. Les mineurs font l’objet d’une surveillance continue et d’une prise en charge adaptée à leur personnalité, visant notamment à leur fixer les repères que leur contexte familial et leur histoire personnelle ne leur ont pas donnés. Le réapprentissage des savoirs fondamentaux est réalisé grâce à un partenariat avec l’éducation nationale et la mise à disposition d’enseignants spécialisés.

Le dispositif est aujourd’hui fortement sollicité par les magistrats qui trouvent dans la prise en charge en CEF une réponse adaptée à la problématique des mineurs délinquants (cf. taux d’occupation global supérieur ou égal à 80 %). De plus l’institution judiciaire dans son ensemble (parquet, tribunaux, magistrats) est fortement mobilisée autour du dispositif. Cela s’est traduit partout par la signature de protocoles, notamment pour la gestion des incidents et des crises, et l’inscription des magistrats dans les instances de suivi de l’activité des CEF aux côtés des partenaires.

Les CEF restent cependant des établissements vulnérables car ils représentent « un concentré » de souffrances et de violence qui peut à tout moment exploser. La pérennité de leur action éducative repose essentiellement sur la solidité de l’équipe d’encadrement.

Compte tenu des exigences personnelles que suppose l’exercice dans les CEF, il semble indispensable que les personnels éducatifs disposent régulièrement d’un temps de supervision avec un professionnel extérieur qui leur permette de prendre du recul vis-à-vis de leur pratique et qui les aide à maîtriser leur stress face à l’agressivité des mineurs. Actuellement, certains établissements et tout particulièrement les établissements publics, ont renoncé à ces réunions faute de crédits pour rémunérer les intervenants extérieurs. Cet état de fait est très dommageable pour la qualité de la prise en charge et il semble indispensable d’y remédier.

Une enquête conjointe DPJJ/Union nationale des associations de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence (UNASEA) portant notamment sur l’impact de la prise en charge des mineurs 6 mois après leur sortie en CEF, apportera des précisions complémentaires en 2010.

e) La création des EPM ou la volonté d’allier contrainte carcérale et objectifs éducatifs

En application de la loi d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) du 9 septembre 2002, l’action éducative auprès des mineurs détenus a été considérablement renforcée notamment par la création de sept établissements pénitentiaires entièrement voués à l’accueil de ces publics (EPM).

Ce nouveau dispositif répond aux exigences posées par les normes internationales et européennes et consacre certains principes dont celui de la séparation stricte des mineurs et des majeurs, l’encellulement individuel des mineurs la nuit, l’accompagnement éducatif constant des détenus par les services éducatifs et l’accès des mineurs détenus à l’enseignement, à la santé, aux activités socio-éducatives, culturelles et sportives.

Le pari des EPM est de faire du temps de l’incarcération, un temps qui ne soit pas pour le mineur un facteur d’aggravation de sa situation et de sa délinquance, mais un temps imprégné d’un contenu éducatif qui lui permette, entre autres objectifs, d’appréhender sa situation pénale et de préparer dans les meilleures conditions sa sortie de détention. À cette fin, le dispositif s’appuie sur l’articulation et l’engagement de quatre acteurs institutionnels, qui s’inscrivent au cœur de la prise en charge des mineurs incarcérés.

Les personnels de la PJJ, de l’administration pénitentiaire (AP), de l’éducation nationale et de la santé participent, chacun pour son champ de compétences, à cette nécessaire pluridisciplinarité, dont l’illustration la plus aboutie est le concept du binôme éducateur/surveillant, qui entraîne néanmoins des ajustements et une appropriation de nouvelles pratiques professionnelles, liées entre autres à l’interdépendance des personnels dans ces nouveaux établissements. Il convient de relever que les administrations de la PJJ et de l’AP, soucieuses des difficultés inhérentes à ces nouvelles pratiques, ont mis en œuvre des formations conjointes pour les personnels intervenant en EPM.

Depuis le mois de juin 2007, six établissements pénitentiaires pour mineurs ont été mis en service.

Au 1er juillet 2009, le nombre de mineurs détenus est de 767 dont 536 en quartiers pour mineurs (QM) et 231 en établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) pour une capacité d’accueil de 1073 places (soit un taux d’occupation de 68,5 %). Les mineurs incarcérés représentent 1,2 % de la population carcérale en France.

Depuis 2002, le nombre de mineurs incarcérés est quasiment stable (735 en moyenne au 1er du mois) ainsi que le temps moyen de détention (2,5 mois). Il est à noter que la part des prévenus est progressivement passée de 75 % en 2002 à 60 % actuellement. Ce temps de détention relativement court conduit les équipes de la PJJ à mettre en œuvre sans délai la préparation des projets de sortie et notamment dans le cadre des aménagements de peines.

S’agissant des moyens alloués, la création d’établissements adaptés au public spécifique des mineurs ainsi que le fort taux d’encadrement constituent une avancée notable dans le régime de détention des mineurs. Les moyens matériels consacrés aux EPM sont importants. Selon les informations communiquées à votre rapporteur le prix de revient journalier serait de l’ordre de 450 euros.

Le budget de ces établissements comprend une partie fixe (avec les dépenses incompressibles telles que la téléphonie, les renouvellements de matériels, d’uniformes…) et une partie variable (qui représente moins de 20 % du budget, destiné à soutenir la politique des établissements). Par ailleurs, les factures du prestataire en gestion déléguée comprennent une partie fixe (pour l’entretien général de l’établissement) et une partie variable en fonction des journées de détention. Ces données sont intégrées dans le marché national passé entre la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) et la SIGES (filiale de la SODEXO), prestataire.

Les infrastructures permettent de respecter des règles fondamentales comme la séparation stricte des mineurs et des majeurs. En outre, l’agencement d’espaces spécifiques est adapté au souci d’une prise en charge globale axée sur l’enseignement, les activités socio-éducatives et la santé.

De même, pour une capacité théorique de 60 places, près de 150 personnels (43 personnels de la PJJ dont 36 éducateurs, 76 personnels pénitentiaires dont 70 personnels de surveillance, 9 enseignants encadrés par un directeur pédagogique et une équipe médicale à hauteur de 5 équivalents temps-plein) travaillent sur des rythmes diversifiés pour assurer une continuité dans la prise en charge 7 jours sur 7. Actuellement, 210 éducateurs sont affectés dans les EPM.

S’agissant de la prise en charge des mineurs détenus, l’effectivité de la pluridisciplinarité dans chacune des structures garantit la cohérence de l’action menée en détention. Ainsi il existe des instances pluridisciplinaires permettant de traiter de la situation personnelle du mineur ainsi que d’ajuster le fonctionnement et l’organisation de l’établissement.

La PJJ intervient en continue auprès des mineurs incarcérés afin d’élaborer un projet de sortie individualisé pour chaque mineur. De plus, elle a la compétence pleine et entière en matière de programmation, et le cas échéant d’animation, des activités socio-éducatives et socioculturelles en détention mineurs.

Les professionnels de la PJJ assurent l’élaboration des emplois du temps individuels des jeunes, les soutiennent dans l’ensemble des temps forts de leur détention, programment et construisent des activités socio-éducatives conçues comme un support à la médiation éducative et animées par eux-mêmes ou par des associations spécialisées, travaillent au maintien de leurs liens familiaux, définissent et mettent en œuvre avec eux des projets de sortie fondés sur leur situation et leurs besoins réels. La PJJ a vocation à inscrire le temps de la détention comme une étape dans le parcours du jeune et qui, à ce titre, doit prendre en compte ce qui précède et ce qui suit cette mesure.

Pour mener à bien ces missions, les professionnels de la PJJ s’appuient sur les ressources extérieures, qu’elles relèvent des dispositifs spécifiques de la PJJ ou des dispositifs de droit commun.

Deux ans après le lancement opérationnel du programme des EPM, l’intervention continue des services éducatifs, assure une offre plus importante d’activités socio-éducatives aux mineurs détenus. Celles-ci sont appréhendées comme des actions de remédiation, de revalorisation, d’insertion sociale et professionnelle, de travail sur l’acte et contribuent fortement à l’individualisation des prises en charges.

En lien direct avec l’administration pénitentiaire, la PJJ adapte son intervention et se dote d’outils statistiques susceptibles d’alimenter des travaux de recherche à venir. En effet, la démarche scientifique permettra d’évaluer la plus-value éducative et de traitement de la délinquance au sein des EPM.

Le rapporteur souhaite témoigner de ce qu’il a pu observer son déplacement à l’EPM de Porcheville dans les Yvelines où il a été frappé par la mobilisation des personnels malgré un contexte délicat. L’équipe de direction n’a pas caché les difficultés de démarrage de l’établissement et la nécessité d’adapter le modèle « théorique » de l’EPM à la réalité des jeunes mineurs accueillis.

La principale difficulté semble être de savoir gérer la violence quand elle naît au sein d’un groupe alors que le personnel de surveillance comme les éducateurs sont peu expérimentés. Peu après l’ouverture de l’EPM les incidents collectifs ont été nombreux et ont conduit la direction de l’établissement à revoir la pédagogie appliquée. Les groupes d’activité ont été restreints à 5 à 6 personnes, les groupes étant fréquemment modifiés pour éviter la constitution de groupes soudés avec des phénomènes de caïdats.

Le régime disciplinaire a aussi été adapté pour être en mesure de pouvoir répondre immédiatement aux manquements à la discipline qui ne constituent pas, pour autant, des infractions graves. Alors que la mise en œuvre de la procédure disciplinaire est lourde car elle est contradictoire (un avocat d’office doit être désigné), l’équipe pédagogique a mis au point des sanctions moins formelles comme la suppression des activités collectives, pour disposer d’une panoplie de réponses graduées selon la gravité du comportement.

Concernant l’importance des activités, l’EPM de Porcheville comme tous les autres a dû réduire le nombre d’heures consacrées aussi bien aux activités ludiques qu’aux heures d’enseignement. Il s’est avéré très difficile de faire suivre un enseignement de plus de 10 heures par semaine à des jeunes qui étaient en moyenne déscolarisés depuis plus d’un an. À la différence des autres personnels, ceux de l’éducation nationale sont volontaires pour assurer ce type d’enseignement. La pédagogie est très individualisée et les groupes comprennent cinq personnes en moyenne. L’objectif principal est de repérer les formes d’illettrisme et de donner aux jeunes les outils essentiels pour pouvoir suivre une formation à un métier. Le responsable pédagogique nous a fait part des innovations très intéressantes mises en œuvre par son équipe pour remettre à niveau ces jeunes souvent très éloignés des acquisitions scolaires, dont certaines pourront être reprises pour l’enseignement dans les collèges ordinaires.

Les activités sportives sont fortement valorisées et permettent des acquisitions très importantes pour la vie en collectivité. Là aussi, le nombre d’heures réelles a été restreint par rapport aux préconisations reçues à l’ouverture. Les activités sportives sont celles qui sont les plus appréciées et la privation d’heure de sport s’avère une sanction très redoutée !

Le rapporteur peut aussi témoigner de l’importance accordée au suivi sanitaire. Les locaux affectés à cet usage sont particulièrement agréables et le personnel en nombre conséquent. Pour 40 mineurs présents en moyenne, le service médical compte 3 infirmiers, un cadre de santé un médecin coordonnateur à mi-temps , un psychiatre à temps plein, un psychologue à mi-temps et différents spécialistes à la vacation. À l’arrivée dans l’établissement un bilan médical est réalisé et on constate peu de pathologies graves. Au plan psychique, le diagnostic est plus délicat. 80 % des mineurs sont suivis par un psychologue mais seul un quart d’entre eux fait l’objet d’une thérapie approfondie.

Le service médical a dû gérer les conséquences des décisions relatives à l’hygiène : l’établissement a proscrit le tabac et applique des règles de diététique assez strictes. Ces deux phénomènes conjugués ont parfois créé un climat de tension très difficile à maîtriser. Les jeunes dans cet établissement ont peu de possibilité de se procurer de la nourriture ou des sucreries plus attrayantes contrairement aux autres établissements pénitentiaires où il est possible de « cantiner ».

Le rapporteur voudrait ici évoquer plus particulièrement le cas des jeunes filles délinquantes qui est rarement abordé tant elles représentent une infime minorité. Cependant, on constate depuis quelques années l’apparition de bandes de filles toutes aussi violentes que les bandes masculines. Ce phénomène fait d’ailleurs l’objet d’une étude de la PJJ car les établissements pénitentiaires sont souvent décontenancés par ces comportements très agressifs inhabituels dans les prisons de femmes.

Si les femmes en détention souffrent de l’enclavement des quartiers qui leur sont réservés dans des établissements qui ont été conçus et qui sont organisés pour les hommes, la situation des jeunes filles mineures est encore plus marquée par l’isolement.

En effet, ces jeunes filles sont confrontées à un double phénomène de séparation. Parce qu’elles sont mineures elles doivent être incarcérées dans des lieux strictement distincts des lieux d’incarcération des majeurs (art. 20-2 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante) et en vertu du principe de non-mixité de l’hébergement (art. R. 57-9-12 du code de procédure pénale) les détenues mineures sont logées dans des unités « féminines », sous la surveillance des personnels de leur sexe.

Depuis la création des établissements spécialisés pour mineurs (EPM) les inégalités de traitement se sont renforcées entre mineures qui peuvent y être admises et celles qui sont, comme auparavant, hébergées dans les quartiers pour femmes des maisons d’arrêt.

Une des grandes innovations des EPM est d’avoir prévu la possibilité d’accueillir dans un même établissement, des filles et des garçons en prévoyant une mixité limitée aux activités d’enseignement et socioculturelles (article R. 57-9-12 du code de procédure pénale).

Cependant, le principe de mixité dans les EPM s’est révélé délicat à mettre en œuvre en raison du très faible nombre de jeunes filles incarcérées. Il est arrivé par exemple, à l’EPM de Quiévrechain, qu’une seule mineure soit présente alors que dans le même temps quarante mineurs masculins étaient accueillis dans l’établissement. Cette situation d’extrême minorité a eu pour conséquence l’isolement de la jeune fille, contrainte de côtoyer uniquement ses éducatrices sans pouvoir partager aucune activité sportive ou socio-culturelle avec ses homologues masculins.

Lors de son audition par la Délégation aux droits des femmes du Sénat (8), M. Philippe-Pierre Cabourdin, directeur de la PJJ au ministère de la Justice, a souligné que la situation de ces jeunes filles était particulièrement délicate.

Il a indiqué que le maintien de ces unités avait été conditionné à la présence d’un nombre suffisant de jeunes filles, citant pour exemple l’unité pour filles de l’EPM de Quiévrechain près de Lille et celle de l’EPM de Lavaur, près de Toulouse.

La DPJJ et l’administration pénitentiaire ont donc décidé de regrouper les femmes mineures incarcérées dans quatre centres de détention, dont un EPM. Il s’agit de l’EPM de Quiévrechain, du quartier de femmes de la prison des Baumettes à Marseille, du centre pénitentiaire de Rennes, qui devrait regrouper les mineures de Rennes et de la maison d’arrêt pour femmes de Nantes et de la maison d’arrêt de femmes de Fleury-Mérogis (préférée à l’EPM de Porcheville en raison du nombre faible et variable de jeunes filles concernées).

Pour les jeunes filles, une attention très particulière est portée aux questions de santé. Bien souvent, leur éducation sanitaire est inexistante et leur arrivée à l’établissement entraîne une dégradation de leur état de santé. Beaucoup se mettent à prendre du poids subitement ou se négligent complètement.

L’éducation à la santé, l’information sur la sexualité est une occasion privilégiée pour aborder la question de l’estime de soi qui est souvent très dégradée. C’est aussi une manière de les conduire à s’exprimer sur leur environnement familial et sur les conflits familiaux qu’elles ont pu connaître. L’éducation sanitaire permet ainsi d’atteindre un double objectif : leur délivrer une information sur certains sujets qui leur seront utiles toute leur vie (informations sur les jeunes enfants, par exemple) mais aussi de susciter une réflexion sur la conduite de leur vie. Les éducatrices constatent que les jeunes filles sont souvent utilisées par des délinquants masculins et que leur comportement reste très soumis aux désirs masculins. Tout en ayant un comportement provocateur vis-à-vis des détenus masculins, ces jeunes filles semblent souvent avoir intériorisé leur position d’infériorité en considérant comme inévitable d’être soumises à des pressions ou même à la violence masculine.

À l’EPM de Quiévrechain une action très originale a été menée pour accompagner la mise en place de la mixité.

Des groupes de travail ont été constitués pour aborder la question de la parité. Paradoxalement, ces groupes de travail ne rassemblent que des jeunes garçons. Il est apparu, en effet, que ces groupes de parole étaient beaucoup plus fructueux s’ils n’étaient pas mixtes. Les échanges sont animés par des intervenants extérieurs travaillant pour le Comité départemental d’information sur les droits des femmes avec qui a été noué un partenariat. Les thèmes abordés portent sur la place et l’image de la femme dans la société. Certaines séances ont un contenu plus informatif et traitent des questions de sexualité et de contraception ; d’autres, au contraire, proposent une réflexion sur les comportements au sein de l’établissement vis-à-vis du personnel féminin dont l’autorité est contestée. Les violences verbales sont très fréquentes, avec l’usage d’un vocabulaire très grossier, à connotation sexuelle. Le caractère choquant de tels propos n’apparaît absolument pas comme une évidence pour les garçons tellement ces mineurs ont l’habitude de s’exprimer sur un mode violent.

Ces groupes de parole ont un effet très positif, même s’ils s’avèrent délicats à animer. Au-delà de la sensibilisation aux problèmes de la parité, à la lutte contre les violences sexistes, ils permettent à ces mineurs d’apprendre à formaliser verbalement leurs sentiments alors que beaucoup d’entre eux éprouvent des difficultés à s’exprimer.

Alors que les garçons répugnent généralement à rencontrer les psychologues en entretien, ces groupes de parole peuvent permettre une première démarche personnelle pour prendre conscience des conflits familiaux ou percevoir les conséquences des maltraitances subies.

La problématique des jeunes filles est très différente. La réflexion menée ne porte pas d’emblée sur le thème de l’égalité hommes-femmes, mais plutôt sur la manière de pouvoir poser des choix véritablement libres par rapport aux pressions familiales ou de l’environnement.

En abordant la question de la liberté des choix affectifs, les jeunes filles sont amenées à parler des modèles familiaux que l’on cherche à leur imposer, du poids des traditions religieuses et de leur manière de se situer par rapport à l’autorité masculine. Le directeur de l’établissement a souligné la fréquence des carences affectives de ces jeunes filles qui ont souvent connu des expériences de prostitution. Ces données psychologiques rendent particulièrement délicate l’intervention des éducateurs masculins de la PJJ, qui doivent toujours veiller à garder une certaine distance avec les jeunes filles tout en leur apportant un soutien psychologique dans la durée.

Tout en comprenant le souci légitime du ministère de la Justice de laisser les EPM travailler loin de la pression médiatique, le rapporteur regrette que ces établissements ne soient pas mieux connus. Après une période de « rodage », ils sont parvenus à offrir une action éducative de qualité et un suivi individualisé bien meilleur que les quartiers de mineurs des maisons d’arrêt.

Il convient maintenant de réfléchir au statut du personnel de ces établissements. Il n’est pas satisfaisant pour la continuité de l’action éducative que dix huit mois après l’ouverture d’un EPM, un tiers de l’effectif ait déjà été renouvelé et que 50 % soit du personnel vacataire sans qualification adaptée au poste. Le rapporteur suggère qu’au plan du recrutement, on envisage de réserver la nomination en EPM qu’aux seuls surveillants et éducateurs ayant de l’expérience et possédant un bon dossier, cette intégration ne pouvant intervenir qu’après une formation professionnelle spécialisée où le fonctionnement en binôme surveillant/ éducateur sera expérimenté.

Mais il convient aussi de prévenir les phénomènes d’usure professionnelle dans cette fonction. Des groupes de supervision avec un psychologue extérieur à l’établissement devraient être organisés ainsi que la possibilité d’un accompagnement thérapeutique individualisé pour les personnels qui en feraient la demande. Même si la culture du groupe de parole est étrangère aux surveillants, ils en tireront rapidement un bénéfice car ces moments d’expression collective permettent de prendre de la distance avec des conditions de travail particulièrement éprouvantes.

Proposition n° 18 : nommer dans les établissements pénitentiaires pour mineurs du personnel expérimenté

Prévoir de nommer une part de personnel expérimenté dans les EPM et ayant de bons états de services pour éviter que de jeunes professionnels ne soient confrontés, sans aucun soutien, à des cas difficiles. Avant l’intégration en EPM, une formation appropriée et conjointe aux éducateurs et surveillants devra être suivie.

Une disposition similaire devrait être décidée pour les Centres éducatifs fermés (CEF) qui ne disposent souvent que de professionnels débutants, fréquemment non diplômés de surcroît.

Proposition n° 19 : organiser des dispositifs de soutien psychologique et de supervision des personnels

Mettre en place des dispositifs de soutien psychologique des personnels pour lutter contre les phénomènes d’usure professionnelle avec notamment des réunions de supervision avec un thérapeute extérieur à l’établissement.

C. DES SOLUTIONS INNOVANTES AU SERVICE DU MIEUX-ÊTRE DES MINEURS DÉLINQUANTS

1. Conforter l’expérimentation des CEF à vocation de santé mentale

Le rapporteur a souhaité mieux connaître le fonctionnement des CEF et leur a envoyé à cet effet un questionnaire détaillé. Il s’agissait notamment de mieux comprendre les spécificités des CEF à vocation de santé mentale par rapport aux autres CEF. Cinq établissements expérimentaux ont ainsi des moyens supplémentaires pour traiter les questions de santé mentale : le CEF de Valence (Drôme), de Moissannes (Haute-Vienne), de Liévin (Pas-de-Calais), de La Jubaudière (Maine-et-Loire)et de Savigny (Essonne),

Créés par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, les centres éducatifs fermés (CEF) sont des établissements publics ou des établissements privés habilités, dans lesquels les mineurs sont placés en application d’un contrôle judiciaire, d’un aménagement de peine ou d’un sursis avec mise à l’épreuve. Au sein de ces centres, les mineurs font l’objet des mesures de surveillance et de contrôle permettant d’assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité. La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l’emprisonnement du mineur.

L’habilitation ne peut être délivrée qu’aux établissements offrant une éducation et une sécurité adaptées à la mission des centres ainsi que la continuité du service.

Il s’agit de trouver une réponse éducative adaptée aux jeunes récidivistes qui avaient mis en échec les prises en charge éducatives classiques.

À ce jour 38 établissements sont ouverts, 30 relèvent du secteur associatif habilité et 8 du secteur public. Le dispositif offre une capacité de prise en charge de 409 places et à terme, à la mi 2010, le dispositif devrait compter 49 établissements pour 540 places.

L’originalité des CEF est d’offrir un encadrement renforcé (entre 23 et 27 ETP selon la capacité d’accueil) et de faire intervenir des professionnels relevant d’administrations différentes (mise à disposition d’enseignants de l’éducation nationale par exemple).

Les CEF accueillent en moyenne entre 10 à 12 mineurs. Ils sont assez mal répartis sur le territoire national. L’Île de France ne dispose que d’un seul CEF ainsi que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Un projet de CEF à Épinay est à l’étude, alors que la région parisienne est en situation de grave pénurie de places. On constate que l’implantation d’un CEF se heurte souvent à l’hostilité du voisinage et dans certaines zones le coût du foncier représente un réel obstacle.

Cette prise en charge très individualisée, pour une durée habituelle de six mois, représente un coût financier important pour le ministère de la Justice – ce dont il faut être conscient – le prix de journée s’établissant entre 550 et 650 euros.

La spécificité des CEF est de mettre en œuvre une pédagogie très individualisée. Un bilan des acquis scolaires et sociaux est réalisé lors de l’arrivée au CEF. Durant cette phase d’observation, le mineur bénéficie aussi d’un entretien psychologique pour détecter des souffrances psychiques et déterminer si une prise en charge renforcée est nécessaire. L’objectif est d’élaborer avec le mineur un projet éducatif qui sera formalisé dans un document individuel de prise en charge. Durant cette phase, les parents sont associés au diagnostic, ce qui évidemment est très positif notamment pour que les parents aient un rôle plus actif au retour du jeune à domicile.

Le mineur est amené progressivement à être plus autonome et fait l’objet d’une évaluation régulière, plusieurs établissements ayant mis en place une sorte de permis à points qui sanctionne les entorses au règlement et donne des gratifications en cas de conduite exemplaire. Les sorties sont ainsi conditionnées par le respect des règles communautaires.

Les CEF rencontrent des difficultés d’encadrement même si cette réalité est hétérogène selon les départements. Certains chiffres sont cependant préoccupants à Mulhouse par exemple le CEF disposait de 89 % de personnels diplômés à l’ouverture et ce taux n’était plus que de 58 % un an après ! À Brignoles, sur les dix éducateurs contractuels aucun n’est titulaire du diplôme d’éducateur spécialisé et seul un moniteur éducateur a pu être recruté, les 9 autres n’étant pas diplômés. D’après les réponses au questionnaire, il semble que le travail en temps continu avec de fréquents horaires de travail de week-end décourage les postulants. Certains directeurs se plaignent d’une trop forte rotation des équipes, ce qui nuit à la continuité du travail pédagogique.

Les équipes sont aussi fragilisées par une mauvaise insertion dans le tissu institutionnel local. L’implantation des CEF a suscité de nombreuses réserves au sein de la justice et dans le milieu éducatif, ce qui ne facilite pas la mise en œuvre de partenariats avec le secteur de la santé ou pour l’insertion professionnelle. Le directeur du CEF de Valence, par exemple, a beaucoup insisté sur la difficulté de gagner la confiance des autorités locales, et des partenaires sanitaires. Ce sentiment d’isolement est d’autant plus fort si les relations avec les magistrats et la police ne sont pas optimales.

Une des principales difficultés à gérer pour ces établissements est de faire face aux incidents violents et aux fugues. Certains ont mis en place des protocoles formalisés pour traiter les incidents alors que d’autres établissements déplorent le manque de réactivité des magistrats. La répartition des compétences entre magistrat à l’origine du placement et magistrat territorialement compétent n’est, en effet, pas très claire.

Une circulaire de la DPJJ du 13 novembre 2008 sur l’amélioration de la prise en charge des mineurs placés en CEF a cherché à améliorer la situation. Elle rappelle notamment l’utilité de nommer au sein des parquets un magistrat référent chargé de suivre les mineurs placés en CEF dans le ressort géographique et de prévoir qu’il siège au comité de pilotage de l’établissement. Cette circulaire souligne aussi l’importance du partage de l’information entre professionnels de la PJJ, magistrats et personnels du CEF. Il était, par ailleurs, précisé que le cahier des charges des CEF prévoit explicitement une procédure de traitement des incidents, le magistrat responsable du placement devant être informé par écrit de tout incident significatif, copie étant aussi transmise au parquet géographiquement compétent. La circulaire rappelle également que le cahier des charges prévoit une concertation étroite entre la direction du CEF et les services de police ou de gendarmerie.

Pour pallier le manque de réactivité de la Justice, la plupart des établissements ont mis au point des procédures disciplinaires internes pour éviter que le mineur fautif ait un sentiment d’impunité à la suite de la violation du règlement. L’absence de réaction après un incident peut avoir des répercussions en chaîne, les mineurs réagissant d’autant plus violemment que l’auteur du trouble n’a pas été sanctionné ; l’inaction est perçue comme une injustice ou comme une faiblesse. Un protocole formalisé présente surtout l’avantage d’offrir une réponse pénale cohérente qui ne varie pas au gré des magistrats et qui permet aux jeunes de connaître l’échelle des sanctions applicable en cas de violation du règlement.

Le rapporteur est favorable à ce que soit rendue obligatoire la formalisation de la procédure de gestion des incidents entre le CEF, le tribunal géographiquement compétent les services de police. Ce protocole doit être porté à la connaissance des magistrats à l’origine des placements. Il doit aborder la délicate question des fugues. Le CEF du Vigeant a fait part au rapporteur de ces difficultés lorsqu’un jeune fugue et qu’aucune main levée de placement n’intervient. Le CEF risque alors d’être déclaré civilement responsable des dommages générés par le mineur. Ce CEF a, par exemple, été condamné deux fois depuis un an.

Le rapporteur tient à donner un large écho à l’expérience des CEF à vocation de santé mentale. La visite au CEF de Valence a été très éclairante sur les réussites de ce dispositif mais aussi sur les difficultés de sa mise en place.

M. Darnaud, directeur de l’association de sauvegarde de l’enfance de la Drôme, a souligné que l’approche pragmatique de son association est allée de pair avec un long travail de recherche pluridisciplinaire mené dans cinq établissements dont l’UEER de la Drôme sur la période 1999-2003 et organisé sous la responsabilité du Dr Patrick Alecian, médecin psychiatre qui était alors conseiller auprès de la DPJJ.

Ces travaux de recherche ont fait l’objet d’une large diffusion auprès des professionnels aussi bien du secteur public que du secteur associatif habilité pour permettre d’expliquer le bien fondé de ces nouvelles approches éducatives qui étaient très contestées par les éducateurs en raison de leur caractère parfois coercitif.

L’originalité de l’organisation du CEF de Valence est d’avoir réussi une véritable coopération avec le réseau de soins de santé mentale du département et plus particulièrement l’hôpital psychiatrique.

Le CEF a pu mettre en place au sein même de l’établissement une équipe mixte regroupant des éducateurs et du personnel soignant issu de l’hôpital psychiatrique de Valmont et travaillant à temps partiel dans les deux structures.

Cette organisation a été très délicate à mettre en place et a supposé un long travail préparatoire pour vaincre les réticences des soignants. Les négociations ont cependant été facilitées par la décision du ministère de la Justice d’assurer le financement des postes de personnels soignants intervenant au CEF (3,5 ETP dont un médecin psychiatre à mi-temps). Un comité de pilotage local associant la direction du CEF et la direction de l’hôpital psychiatrique ainsi que des représentants de la Maison des adolescents a permis une lente gestation du projet de prise en charge de ces adolescents délinquants par une équipe pluridisciplinaire. M. Darnaud a insisté sur la difficulté de surmonter les oppositions suscitées par ce projet notamment auprès des cadres infirmiers de l’hôpital. Il y avait d’abord une réticence de principe à travailler de concert avec des professionnels assimilés à la fonction répressive, le CEF étant considéré comme un lieu d’enfermement proche d’une prison. Les professionnels de la psychiatrie étaient ensuite très inquiets de devoir accueillir des délinquants multirécidivistes et ne s’estimaient pas compétents pour la prise en charge de ces adolescents.

Peu à peu, les réticences se sont estompées et grâce à un long travail mené en amont, une convention qui organise cette coopération a pu être signée entre les deux établissements. Elle prévoit notamment qu’en cas de crise certains adolescents peuvent être hospitalisés alors que l’essentiel des thérapies se fait au sein du CEF grâce à la présence dans l’établissement d’un psychologue et d’un psychiatre qui partage son activité entre l’hôpital et le CEF.

Les éducateurs et intervenants éducatifs du CEF ont fait évoluer leur pratique professionnelle pour avoir un « positionnement clinique » c’est-à-dire être capables d’observer l’évolution du comportement des adolescents et rapporter leur témoignage aux personnels soignants pour affiner le diagnostic psychique. S’inspirant des travaux du Dr Alécian, l’équipe du CEF a mis en place une pratique d’observations cliniques collectives qui permettent une approche pluridisciplinaire des troubles du comportement. De manière très empirique, les éducateurs, les intervenants pédagogiques, le psychiatre et le psychologue partagent leurs impressions sur l’évolution de chaque adolescent et se demandent pourquoi tel atelier a eu un effet positif sur le comportement de tel jeune. Ils définissent ainsi une prise en charge individualisée avec des activités qui ont un effet de soin, ce suivi éducatif évoluant de manière très pragmatique.

M. Darnaud a aussi attiré l’attention du rapporteur sur l’importance des relations avec la direction départementale de la PJJ (DDPJJ). Il est, en effet, essentiel qu’à l’échelon départemental une autorité puisse jouer un rôle de pilotage de l’ensemble des dispositifs qui œuvrent pour la prise en charge des mineurs délinquants. Les mineurs doivent bénéficier d’un « continuum » de prise en charge et, en cas de crise, il est parfois indispensable de trouver un relais extérieur pour désamorcer le conflit. De même, à l’issue du placement en CEF, la DDPJJ peut jouer un rôle majeur pour trouver une solution de suivi de l’adolescent. Il évoque aussi l’importance des schémas départementaux enfance-famille qui permettent de disposer d’un outil de planification des équipements intervenant dans le domaine de l’enfance en danger, de l’aide à la parentalité et des mineurs délinquants. Selon les départements, ces outils sont plus ou moins élaborés mais l’essentiel est de permettre aux différents partenaires de connaître les ressources existantes localement et d’éviter les ruptures de prises en charge pour les mineurs en danger ou déjà délinquants.

Sa rencontre avec le personnel soignant de l’hôpital a permis au rapporteur de comprendre que la mise en place du CEF avait bousculé les habitudes en place.

Mme Zavaroni, cadre infirmier a souligné que la coopération menée avec le CEF a entraîné de profonds bouleversements culturels à l’hôpital. À l’origine, les médecins et les cadres infirmiers étaient très hostiles à ce projet d’autant plus qu’une expérience malheureuse d’appartement thérapeutique avec des jeunes délinquants avait fortement marqué l’histoire de l’hôpital. Elle a aussi remarqué que les soignants en psychiatrie sont très peu formés aux problématiques de l’adolescence et a fortiori à celles des mineurs délinquants présentant des troubles du comportement qui ne répondent pas aux critères types des maladies mentales répertoriées.

Sans cadre de référence scientifique, les soignants ont aussi été confrontés à un problème juridique délicat. Lorsqu’un détenu adulte est hospitalisé il est obligatoirement mis en chambre d’isolement pour des motifs de sécurité alors que rien n’était prévu pour ces mineurs dont certains avaient un profil de multirécidiviste. Ces jeunes étaient d’abord considérés comme une menace pour la sécurité des autres patients plutôt que comme des patients ayant besoin de soins. Il faut d’ailleurs garder à l’esprit que l’encadrement humain à l’hôpital est beaucoup plus faible qu’au CEF : pour une unité de 25 lits il n’y a que trois infirmiers, ce qui pose des problèmes très prégnants lorsqu’il arrive que deux jeunes du CEF soient hospitalisés en même temps.

Il a fallu six années pour que les équipes du CEF et de l’hôpital puissent travailler en étroite coopération sans conflit majeur. Il est incontestable qu’un progrès décisif a été atteint lorsqu’un médecin psychiatre et une infirmière ont pu travailler conjointement sur les deux structures. Lorsqu’une hospitalisation est demandée, les psychiatres de l’hôpital disposent déjà d’un référent médical en qui ils ont confiance et qui peut leur donner toutes précisions sur les motifs qui justifient cette hospitalisation. Ceci évite la situation qui prévalait antérieurement où un médecin psychiatre libéral intervenait pour demander une hospitalisation dont la justification médicale était souvent contestée par les psychiatres hospitaliers.

Toutes les difficultés n’ont pas pour autant disparu notamment parce que les magistrats tardent souvent à autoriser l’hospitalisation lorsque les parents ne sont pas joignables ou qu’ils la refusent. Des divergences d’appréciation subsistent entre les éducateurs et les soignants sur la notion d’agitation pathologique par exemple. Mais ces divergences sont aussi une source d’enrichissement mutuel : un travail commun a ainsi été mené entre les soignants de l’hôpital et le personnel éducatif du CEF pour chercher des critères communs de diagnostic ce qui a permis aux soignants de mieux connaître les spécificités de ces adolescents et aux éducateurs de réfléchir à la manière dont ils réagissaient face à certains comportements violents.

Cette coopération étroite se traduit par des réunions de synthèse périodiques entre les soignants hospitaliers et l’équipe du CEF permettant parfois des prises en charge tout à fait originales comme la possibilité pour un jeune de participer aux activités du CEF durant la journée et de revenir à l’hôpital pour hébergement de nuit, cette solution de transition aurait été impensable avant la signature de la convention entre les deux établissements.

M. Darnaud, directeur de l’association de sauvegarde de l’enfance de la Drôme a souhaité évoquer les autres expérimentations en cours des CEF à encadrement renforcé en santé mentale. Leur mise en place a été longue et les six expérimentations n’ont pu démarrer que tardivement au cours de l’année 2008. Une première évaluation ne pourra intervenir avant la mi 2010. Il faut saluer l’implication des DDASS qui ont apporté une contribution décisive pour la création des comités de pilotages locaux. Les maisons des adolescents ont aussi facilité la coopération entre les soignants et les personnels éducatifs des CEF.

La question de la sortie du CEF reste problématique. Plusieurs professionnels rencontrés ont regretté que tant de moyens soient consacrés au passage en CEF sans qu’une mobilisation de la même ampleur ne soit prévue pour le suivi post CEF.

Même si le service éducatif dont dépend le mineur du fait de son domicile reste informé du travail accompli au CEF la coordination n’est pas assez systématique ni assez bien organisée. On ne peut que le déplorer.

Plusieurs professionnels rencontrés ont souligné la difficulté d’anticiper la sortie pour permettre de trouver la bonne formule d’accompagnement du mineur. Le Dr Fall a expliqué que des relations étroites avec la DDPJJ permettent souvent de trouver une solution adaptée pour permettre un suivi thérapeutique dans un autre département, la direction départementale se mettant en contact avec les professionnels du département où l’adolescent va vivre à l’issue du placement en CEF.

Un consensus s’est dégagé pour dire qu’il faudrait revoir les règles applicables aux jeunes majeurs. L’apport de la prise en charge en CEF est trop souvent réduit à néant en raison du couperet que constitue la majorité. Les jeunes qui viennent de devenir majeurs passent brusquement d’un statut très protecteur à une absence totale d’accompagnement social. Bien souvent l’unique solution est d’adresser ces jeunes à des associations caritatives. M. Chaussignand, directeur départemental de la PJJ, insiste sur la carence des politiques sociales pour les jeunes majeurs et il fait remarquer que les conseils généraux sont très réticents à intervenir même lorsqu’il s’agit de jeunes ayant bénéficié de mesures éducatives dans le cadre de la protection de l’enfance.

Le rapporteur voudrait faire la proposition de réintroduire la possibilité d’un accompagnement des jeunes majeurs tout particulièrement pour ceux qui ont été suivis dans le cadre d’un CEF, d’un établissement pénitentiaire pour mineurs ou par un centre éducatif renforcé (CER). Il serait alors possible de prévoir une prise en charge conjointe entre le conseil général et le ministère de la Justice. Les sommes consacrées à ce suivi seront utilement employées et éviteront une rupture de prise en charge pour des jeunes qui restent vulnérables et qui sans cela seraient passés d’un encadrement contraignant à une liberté bien souvent mortifère. Cette proposition est d’autant plus urgente que la procédure pour l’abrogation du décret n°75-96 du 18 février 1975 fixant les modalités de mise en œuvre d’une action de protection judiciaire en faveur des jeunes majeurs qui donnait un fondement réglementaire à ces prises en charge va être entreprise par le ministère de la Justice.

Proposition n° 20 : prévoir une nouvelle forme de protection judiciaire des jeunes majeurs

Suite à l’abrogation imminente du décret de 1975 précité, réintroduire, par voie réglementaire, la possibilité d’un accompagnement des jeunes majeurs tout particulièrement pour ceux qui ont été suivis dans le cadre d’un CEF, d’un établissement pénitentiaire pour mineurs ou par un centre éducatif renforcé (CER). Il serait alors possible de prévoir une prise en charge conjointe entre le conseil général et le ministère de la Justice

Tous les professionnels ont insisté sur la nécessité d’évaluer l’expérience des CEF avant de décider de leur généralisation. Ils considèrent qu’une des faiblesses actuelles du dispositif des CEF est liée à l’hétérogénéité des pratiques judiciaires, certaines juridictions ne travaillant pas assez en étroite coopération avec les établissements.

Une attention particulière doit être portée à la question de la formation et du suivi professionnel des personnels des CEF. M. Darnaud a souligné la difficulté de définir une politique de gestion des ressources humaines adaptée. Certaines expériences menées dans les centres éducatifs renforcés (CER) ont échoué en raison du manque de rigueur de certaines associations dans leur gestion du personnel. Prendre en charge des mineurs délinquants est une mission particulièrement délicate qui suppose une stratégie de formation et de soutien des éducateurs et intervenants en prise directe avec la violence et les troubles du comportement des adolescents. Malgré les efforts entrepris dès 2003 pour la professionnalisation des intervenants éducatifs en CER (convention entre le ministère de la justice, l’UNASEA, et le fonds de formation de la branche sanitaire et médicosociale) beaucoup reste à faire pour améliorer la formation et l’accompagnement des professionnels travaillant dans ces établissements contraignants.

M. Darnaud explique qu’il n’existe pas actuellement de méthodologie reconnue pour faire face à l’usure professionnelle de ces intervenants qui sont confrontés à des situations humaines très dures. Les associations gérant ces établissements doivent avoir une certaine taille critique permettant de disposer de « cadres ressources » pouvant appuyer les équipes éducatives notamment en cas de crise grave. Il n’existe pas de solution miracle mais il faut être très attentif aux phénomènes de contagion de la souffrance psychique des adolescents aux personnels éducatifs.

Des mécanismes de supervision des équipes éducatives doivent être mis en place pour permettre aux professionnels en prise directe avec la violence des jeunes d’analyser avec un tiers extérieur les difficultés relationnelles avec les adolescents et au sein de l’équipe éducative. La situation actuelle paraît problématique et lourde de conséquences pour la pérennité de ces établissements. Plusieurs établissements publics ne disposent pas des crédits suffisants pour rémunérer les psychiatres ou psychologues chargés d’encadrer les réunions de supervision des personnels. Ces réunions sont pourtant indispensables pour permettre une discussion sur les pratiques professionnelles et un apaisement des personnels qui peuvent extérioriser leur agressivité ou leurs motifs de souffrance. Il est véritablement urgent que des moyens financiers soient réaffectés à ce suivi professionnel.

Proposition n° 21 : temps de surpervision pour le personnel des CEF

Compte tenu des exigences personnelles que suppose l’exercice dans les CEF, les personnels éducatifs doivent disposer régulièrement d’un temps de supervision avec un professionnel extérieur qui leur permette de prendre du recul vis-à-vis de leur pratique professionnelle.

Enfin, les professionnels rencontrés estiment essentiel que les DDPJJ et les conseils généraux travaillent de concert pour éviter toute rupture entre les prises en charge visant les adolescents délinquants et les services chargés de la prévention spécialisée et de la protection de l’enfance.

S’inspirant de la méthode adoptée par les CEF à vocation de santé mentale qui ont conclu des conventions avec la pédospychiatrie, les DPJJ doivent chercher à nouer des partenariats avec les structures de soins de pédopsychiatrie. Chaque établissement d’hébergement de la PJJ ou du secteur associatif doit pouvoir recourir à une procédure déterminée à l’avance lui permettant de trouver une réponse médicale lorsqu’un jeune connaît un épisode de crise. Dans chaque département, la DPJJ doit structurer un réseau de soins permettant de couvrir l’ensemble des soins psychiques allant du CMP à l’hospitalisation en pédopsychiatrie afin de permettre la continuité des soins psychiques pour les jeunes placés en établissement et lorsqu’ils retournent à leur domicile.

Proposition n° 22 : passer des conventions locales de coopération entre les établissements de la PJJ et les structures de soin de pédopsychiatrie

S’inspirant de la méthode adoptée par les CEF à vocation de santé mentale, les DPJJ doivent nouer des partenariats avec les structures de soins de pédopsychiatrie afin que les établissements disposent d’une réponse médicale clairement identifiée en cas de crise..

2. Pérenniser les structures expérimentales

Ces dernières années plusieurs établissements expérimentaux ont pu voir le jour pour répondre aux carences des prises en charge actuelles. Malheureusement, ces tentatives empiriques ont souvent du mal à dépasser le stade expérimental. Le rapporteur tient à analyser deux expériences remarquables : tout d’abord l’établissement de placement éducatif et de traitement de la crise (EPETC) de Suresnes qui a dû fermer en raison de difficultés financières et la Structure intersectorielle pour adolescents difficiles (SIPAD) qui constitue un service du pôle « psychiatrie légale » du centre hospitalier Sainte-Marie de Nice.

Ces deux établissements ont cherché à trouver une réponse adaptée pour les jeunes adolescents dits– de manière triviale– « incasables » qui ont mis en échec toutes les autres formes de placement.

a) L’établissement de placement éducatif et de traitement de la crise (EPETC)

L’idée de création de l’établissement de placement éducatif et de traitement de la crise (EPETC), est partie du constat qu’en hébergement, certains mineurs en très grande difficulté sont dans l’incapacité d’accepter l’idée même de pouvoir être aidés. Ils mettent les professionnels et les équipes dans une position d’impuissance. Ces derniers, malgré leurs savoir-faire et leur ténacité, sont sans cesse confrontés à des comportements qui les dépassent, et n’ont pas d’autre choix, à un moment donné, que de passer le relais. Ainsi, rejetés d’une institution à une autre, ces adolescents vivent un parcours d’exclusion dont l’issue est souvent dramatique.

La direction départementale de la PJJ des Hauts-de-Seine, le centre hospitalier interdépartemental Théophile Roussel (secteur de pédopsychiatrie de Suresnes) et le conseil général des Hauts-de-Seine se sont mis d’accord pour affirmer dans un projet cadre que la meilleure prévention des crises était la compréhension des interactions entre le jeune suivi, sa famille et les professionnels. S’appuyant sur cette définition commune, ces trois institutions dans le cadre d’une convention partenariale ont décidé d’ouvrir, le 18 septembre 2006, l’EPETC. Interface entre les différents professionnels, réunissant en son sein éducateurs, infirmiers, psychologues, psychiatres appartenant au judiciaire, à l’éducatif, au sanitaire et au social, l’EPETC devait, avant tout, être un établissement éducatif avec renfort médico-psychologique. Il ne devait pas être confondu avec un lieu de soin. Le plus complexe mais le plus intéressant dans ce projet fut, de faire émerger de cette diversité et de cette complexité de compétences et d’appartenances, des modalités de travail permettant une dynamique et un apport de propositions pour chaque situation d’adolescent rencontrée.

L’intervention de l’équipe de l’EPETC repose donc sur trois principes majeurs : la brièveté, la subsidiarité sans substitution aux structures existantes et la position de tiers. Elle est avant tout au service des équipes ou des professionnels d’hébergement collectif et de placement familial publics ou associatifs relevant de la PJJ, de l’ASE et de l’hôpital, confrontés à une situation de crise dans leur prise en charge. Une des missions de l’équipe interdisciplinaire est d’essayer de remobiliser les ressources de tous pour faciliter l’élaboration de réponses adaptées à chaque situation présentée. De plus, les jeunes peuvent être accueillis au sein de la structure. Cette proposition d’accueil s’appuie sur la nécessité d’apaiser les relations par un éloignement.

Les structures d’origine doivent s’engager à reprendre le jeune à l’issue de son passage à l’EPETC. Ces mineurs de plus de 13 ans, y sont alors placés par décisions judiciaires prises par des juges des enfants qui disposent qu’elles maintiennent également les prises en charge en cours.

L’établissement pouvait recevoir six mineurs de plus de 13 ans mais certains étaient suivis sans hébergement.

Lors d’une prise en charge avec hébergement, la convention prévoit que le jeune est accueilli à l’EPETC pour une période maximum d’un mois. Généralement les jeunes sont reçus sur trois semaines. Ce temps est important car il permet :

— de limiter la tendance naturelle observée selon laquelle le jeune s’installe et son foyer d’origine l’oublie ;

— d’éviter au jeune de s’installer à l’EPETC ;

— de maintenir les deux équipes dans un processus dynamique.

Les multiples accompagnements ont montré que la durée optimale pour l’accueil d’urgence se situait entre trois et quatre semaines, le constat ayant été fait qu’au-delà de trois semaines le jeune ne pouvait plus partir.

Au-delà de ce temps, – ce temps de chaos provisoire de courte durée – la crise se referme, et aucun changement fondamental n’est plus possible. Le fonctionnement antérieur à la crise reprend place.

Il était aussi possible de proposer une durée d’hébergement différenciée. En fonction des situations présentées, il était possible d’accueillir un jeune pour de courtes durées (8 jours) et d’organiser des accueils séquentiels.

L’équipe pluridisciplinaire était composée d’un directeur, d’un chef de service de 9 éducateurs de 3 animateurs techniques et de 3 personnels chargés de l’entretien. Au plan médical, l’établissement disposait d’un psychiatre, de 2 psychologues à mi-temps de deux infirmiers financés par le conseil général et l’hôpital Théophile Roussel.

Une convention signée en janvier 2007, entre le ministère de la Justice, le centre hospitalier Théophile Roussel et le département des Hauts-de-Seine précisait les modalités de fonctionnement de l’établissement qui était placé sous la responsabilité de la PJJ, l’hôpital étant l’employeur des personnels médicaux et paramédicaux. Le conseil général versait une subvention pour les frais des personnels non médicaux. Cette convention était prévue pour une durée de deux ans et ne pouvait être reconduite sans l’examen du rapport d’évaluation qui devait être mené par le comité de pilotage tripartite et le comité scientifique chargé de surveiller les innovations cliniques.

Selon les informations communiquées au rapporteur par le Dr Gilles Barraband, pédopsychiatre, chef du 3e inter-secteur de psychiatrie infanto-juvénile des Hauts-de-Seine depuis son ouverture, l’établissement a pu suivre près de 250 mineurs. Sur l’année 2007, 142 prises en charge avec accueil ont été réalisées pour une durée de séjour de 18 jours en moyenne cette durée étant légèrement supérieure en 2008.

L’organisation du travail a souffert d’un certain roulement du personnel mais surtout de la mauvaise « valorisation » du travail en réseau. En effet, comme l’a souligné le Dr Guillaume Monod, pédopsychiatre attaché à l’établissement l’essentiel du travail mené par l’EPETC a contribué à une sorte d’étayage pour les professionnels de la PJJ qui étaient dépassés par la violence des jeunes placés dans leurs établissements. De même tout un travail de suivi, post-séjour à l’EPETC a été mis en place lorsque le jeune revenait dans son foyer. Ce travail a été évalué à 3 466 heures sur un an soit le temps de travail d’un éducateur et d’un clinicien.

En comparaison, les journées d’hébergement n’atteignaient que 42,5 % de la capacité autorisée ce qui laissait penser que l’établissement était sous-occupé ce qui n’était pas le cas compte tenu de l’importance de ce travail de réseau.

Les responsables de cet établissement ne se sont peut-être pas s’être assez préoccupés de ces aspects administratifs qui allaient pourtant s’avérer cruciaux lorsque le conseil général décida de se retirer. Une autre faiblesse du dispositif a été de ne pas être assez connu des prescripteurs de placement c’est-à-dire des magistrats. L’établissement a longtemps rayonné uniquement sur les Hauts-de-Seine car son organisation reposait sur des contacts étroits entre la pédopsychiatrie (création de plusieurs structures associatives dont « Résados » cherchant à aller au-devant de la demande de soins psychiques des adolescents en difficulté), les établissements de la PJJ et accessoirement les magistrats. Peu à peu la zone d’attraction de l’établissement s’est étendue à la Seine-Saint-Denis puis à l’ensemble de la région parisienne mais le réseau initial est toujours resté la cheville ouvrière du dispositif.

Certains magistrats interrogés ont regretté ce fonctionnement un peu complexe où la cooptation semblait réelle alors qu’en fait les professionnels concernés n’en n’avaient pas conscience. D’aucuns ont aussi mis en avant le coût d’un tel dispositif car aux 470 euros de prix de journée devait être ajouté le coût de la place en foyer qui était maintenu pour permettre le retour dans l’établissement initial.

Le rapporteur regrette qu’aucune évaluation sérieuse n’ait été menée lors de la décision de retrait du conseil général. Ont été mis en avant un taux d’occupation médiocre et le fait que le conseil général n’avait pas à financer des dépenses qui relevaient de la prise en charge sanitaire déniant ainsi toute la spécificité de l’EPETC qui se voulait un établissement mixte alliant prise en charge éducative et sanitaire.

La décision de fermeture a été prise quelques mois après le retrait du conseil général sans véritable explication. M. Cabourdin, directeur de la DPJJ a assuré au rapporteur que l’apport théorique de l’EPETC n’était pas remis en cause et que la DPJJ envisageait de recréer une nouvelle structure expérimentale avec d’autres partenaires, le rayon d’action devant s’étendre à toute la région parisienne.

Le rapporteur voudrait ici se faire l’écho de la grande déception de tout le personnel et tout particulièrement de l’équipe médico-sociale qui s’est fortement mobilisé pour monter ce partenariat remarquable et qui considère qu’il n’a pu à aucun moment présenter un bilan objectif de son travail. Plusieurs professionnels de la pédopsychiatrie et des magistrats ont fait part de leur sentiment de gâchis devant une expérience qui n’a pu être menée à terme et qui n’a pu être évaluée correctement. Pourquoi les tutelles respectives de l’établissement ont-elles laissé l’EPETC fonctionner « en roue libre » sans contrôle du conseil scientifique et sans bilan d’étape du comité de pilotage ? Depuis la création de cette structure innovante, il est dommage que les principaux partenaires et en tout premier lieu les magistrats et les responsables départementaux de la PJJ ne soient pas mobilisés pour faire mieux connaître les méthodes de l’EPETC. De même, les autorités de tutelles sanitaires et tout particulièrement l’ARH ont semblé adopter une position attentiste comme si ses difficultés financières prévisibles ne les concernaient pas.

Proposition n° 23 : créer en région parisienne un établissement mixte sanitaire et éducatif pour accueillir les adolescents en crise

Un établissement expérimental comportant un important volet de soins pédopsychiatrique, permettant de recevoir des adolescents en crise doit être réouvert en région parisienne en s’inspirant des points forts mis en place à l’EPETC. Sa deuxième mission devra être d’assurer un soutien aux professionnels confrontés à des placements problématiques.

À la différence de l’EPETC, il est indispensable qu’un conseil scientifique indépendant valide les méthodes employées et veille à la bonne insertion de cet établissement dans le réseau de ceux de la PJJ.

b) La structure intersectorielle pour adolescents difficiles (SIPAD)

La mission a pu se rendre dans une autre structure expérimentale qui permet de prendre en charge des adolescents qui ne peuvent plus être accueillis en établissement de la PJJ car leur comportement est trop perturbateur sans pour autant qu’ils souffrent d’une pathologie mentale avérée.

La Structure intersectorielle pour adolescents difficiles (SIPAD) de Nice constitue un service du pôle « psychiatrie légale » du Centre hospitalier Sainte-Marie de Nice. Créée en 2001, la SIPAD a pour vocation de permettre la prise en charge d’adolescents dits difficiles, ayant mis en échec les autres structures d’accueil dans lesquelles ils ont été accueillis antérieurement et présentant des troubles du comportement ou psychiatriques ou une souffrance psychique, dans un cadre qui n’est pas uniquement médical (il s’agit d’une hospitalisation psychiatrique) mais également pluridisciplinaire, en association avec la PJJ, l’éducation nationale et les services sociaux du conseil général des Alpes-Maritimes.

L’équipe de la SIPAD est composée d’un psychiatre, d’un cadre de santé, d’un psychologue, d’une assistante sociale, d’une secrétaire, de 16 infirmiers, de deux éducateurs de la PJJ, de deux éducateurs spécialisés du conseil général et d’un éducateur sportif.

La SIPAD dispose de 12 lits, destinés à accueillir des adolescents (garçons et filles) de 14 à 18 ans (avec toutefois des possibilités de dérogations pour accueillir des mineurs plus jeunes ou de jeunes majeurs), dans un but d’évaluation et d’orientation. Les mineurs accueillis à la SIPAD peuvent être placés à la suite d’une demande des parents ou dans le cadre d’une mesure de protection civile ou d’une mesure pénale.

L’admission des mineurs est proposée par les services d’urgence des hôpitaux généraux après examen médical du jeune. Le Dr Laffranchi, médecin chef de pôle, a regretté que ces propositions d’admission soient trop souvent le fait des services d’urgence ou de médecins généralistes, sans diagnostic préalable d’un psychiatre ou pédopsychiatre. L’admission est acceptée par le médecin responsable de l’unité après un examen des dossiers par une commission pluridisciplinaire, qui se prononce en fonction de la situation du jeune mais aussi de l’occupation et des profils déjà présents au sein de la SIPAD au moment de la demande. La sortie est envisagée dès le moment de l’admission, l’établissement d’accueil « habituel » du jeune s’engageant à le recevoir à nouveau si le bilan d’orientation le propose.

À son arrivée, le mineur fait l’objet d’une évaluation médicale, paramédicale (par les infirmiers), sociale (par les éducateurs de la PJJ), éducationnelle (par les éducateurs spécialisés), sur le plan psychomoteur, psychologique et scolaire. L’évaluation inclut des activités à l’extérieur (sportives notamment), destinées à apprécier le comportement du mineur en milieu libre. Toutes ces évaluations font l’objet d’une réunion et d’une évaluation de synthèse qui proposera soit un retour dans le lieu d’origine (le cas échéant avec des recommandations particulières de suivi), soit une réorientation, soit une prise en charge pour des soins au sein de la SIPAD pour une durée pouvant aller jusqu’à six mois.

La durée des séjours d’évaluation est en moyenne de 4 à 6 semaines, celle des séjours pour des soins de 4 à 6 mois. En 2007, la SIPAD a accueilli 77 adolescents (43 garçons et 34 filles). 2007 a été l’année où le plus grand nombre de mineurs a été accueilli, la moyenne des années précédentes se situant entre 55 et 70. Depuis son ouverture près de 450 mineurs ont été hospitalisés. La majorité des admissions se fait sous ordonnance de placement provisoire décidée par un magistrat. En 2007, le taux d’occupation a atteint 71 % pour une durée moyenne d’hospitalisation de 40 jours.

Si certains professionnels de l’établissement ont regretté que le passage à la SIPAD puisse constituer une forme de stigmatisation pour les jeunes, tous se sont accordés sur le rôle positif joué par la structure, notamment en termes d’aide à la décision des magistrats sur le lieu d’accueil adapté pour le mineur. Au plan local, la SIPAD répond à un réel besoin d’une structure interdisciplinaire d’orientation et de prise en charge de mineurs pour lesquels la plupart des solutions d’accueil ont échoué.

La SIPAD constitue ainsi une structure unique en France avec l’EPETC de Suresnes, par son caractère interdisciplinaire et par son double but d’évaluation et de soins.

À l’automne 2008, la SIPAD a connu une interruption de fonctionnement en raison de la vacance du poste de médecin responsable de la structure. Les difficultés de recrutement d’un pédo-psychiatre (ou de 2 mi-temps) sont réelles.

La médecin-chef du pôle « psychiatrie légale » envisage une redéfinition du projet médical visant, d’une part, à diminuer le nombre de lits pour intensifier les prises en charge, d’autre part, à accentuer les prises en charge en soins en complément de la démarche d’orientation jusqu’ici prioritaire.

En raison de cette interruption, les autorités de tutelle et notamment l’ARH cherchent aujourd’hui à redéfinir le projet de l’établissement avec l’ensemble des partenaires. Malgré un climat semble-t-il conflictuel car l’ARH cherche à élargir le champ d’attraction géographique de l’établissement et que des désaccords persistent entre médecins de la SIPAD et les autres acteurs de la pédopsychiatrie, des progrès ont été faits notamment grâce à l’intervention de la mission nationale d’appui en santé mentale menée par le Dr Botbol. Cette présence de tiers dont l’objectif est d’améliorer le réseau de soins et qui ne sont pas partie prenante dans les rivalités médicales locales a permis de pacifier le débat.

Plusieurs points restent en discussion : il semblerait que sur les douze lits, trois places soient réservées à des mineurs venant d’autres départements que les Alpes-Maritimes. Ce point est particulièrement délicat car les Alpes-Maritimes semblent avoir une mauvaise organisation de leurs urgences pédopsychiatriques.

La question de savoir quelle est l’autorité qui décide de l’hospitalisation semble être tranchée en faveur d’un psychiatre, ce qui limitera les hospitalisations qui étaient décidées faute d’avoir pu trouver dans l’établissement d’hébergement une réponse médicale adéquate (à certains moments de la journée il est quasi impossible de contacter un professionnel libéral qui veuille bien se déplacer pour constater l’urgence).

Il reste à régler la question de la chambre d’isolement. Jusqu’à présent, un mineur qui devenait incontrôlable, suite à une crise, était placé en chambre d’isolement dans la partie «réservée aux adultes, faute de dispositif adapté dans les locaux de la SIPAD. Cet état de fait rendait impossible l’accueil de très jeunes adolescents qui n’auraient pu, à douze ou treize ans, être transférés en service adultes. Il a donc été décidé d’entreprendre de travaux pour doter la SIPAD d’un espace sécurisé adapté. Lorsque les travaux seront réalisés, des mineurs pourront être accueillis à partir de douze ans.

Un gros travail reste à accomplir pour améliorer l’insertion de la SIPAD dans le réseau institutionnel. Une fois les jeunes soignés la difficulté majeure reste de trouver un établissement qui accepte de les prendre en charge. Bien souvent le retour dans l’établissement initial est impossible et il convient donc d’organiser le plus en amont possible les modalités du séjour post SIPAD. Les établissements médicaux sociaux comme les Instituts thérapeutiques et pédagogiques (ITEP) sont réticents à l’accueil de ces jeunes qui sont considérés comme perturbateurs et incontrôlables.

La SIPAD entretient, en revanche, de bonnes relations avec le CEF de Brignoles qui était demandeur d’un établissement pouvant accueillir certains mineurs en crise. Un partenariat intéressant s’est mis en place.

En revanche il convient de regretter les relations assez conflictuelles existantes entre le quartier des mineurs à la maison d’arrêt de Grasse et surtout entre le service médico-psychologique régional (SMPR) et la SIPAD. À l’origine, il semble que le SMPR ait été opposé à la création de la SIPAD en raison de ses liens quasi institutionnels avec la PJJ et malgré la démonstration de l’utilité de cette structure mixte. Cet état de fait est regrettable car les jeunes du quartier mineurs pourraient trouver à la SIPAD un lieu de soins plus adapté que celui qui est offert au sein de la prison et qui est sous la responsabilité de l’UCSA.

Le paysage sanitaire a récemment évolué avec le projet de création d’une maison des adolescents. Malgré leurs conflits larvés, les différents acteurs sanitaires ont dû coopérer pour organiser cet accueil des jeunes. Sa mise en place a permis d’améliorer le premier diagnostic et l’orientation précoce vers la structure de soins la plus adaptée.

Cette organisation devrait être parfaitement opérationnelle quand sera mise en œuvre l’équipe mobile de pédopsychiatrie dont le rôle sera d’aller au-devant des demandes de soins en se rendant dans les établissements scolaires, dans les établissements de l’ASE pour avoir un premier contact avec les adolescents et les professionnels de l’éducatif.

La mission préconise que l’ARH et bientôt l’ARS se mobilisent pour résoudre avec les partenaires concernés tous les points en suspens concernant le fonctionnement en réseau de la SIPAD : affirmation de sa vocation régionale, intégration dans un réseau d’établissements partenaires, ouverture rapide de la zone sécurisée pour les patients mineurs en crise, amélioration des relations entre la médecine pénitentiaire et la SIPAD.

Les incertitudes actuelles nuisent beaucoup à la dynamique du partenariat existant entre certains établissements et la SIPAD.

À moyen terme il faudrait trancher la question de l’ouverture d’un CEF dans les Alpes Maritimes. Le niveau de délinquance des mineurs justifierait amplement son ouverture mais la réticence des élus locaux n’a pas permis de faire aboutir le projet.

Proposition n° 24 : clarifier les missions de la Structure intersectorielle pour adolescents difficiles (SIPAD)

Compte tenu des récents conflits de compétence entre services de psychiatrie, établissements relevant du secteur de pédopsychitrie et la SIPAD il convient de clarifier les missions de la SIPAD et son rayon d’action afin que les professionnels du secteur éducatif qui pourraient s’adresser à elle puissent le faire en toute connaissance de cause. Cette réorganisation doit permettre de structurer le réseau informel qui s’est construit entre établissement de la PJJ, les lieux d’accueil pour les soins ambulatoires et la SIPAD.

3. Développer les équipes mobiles de pédopsychiatrie

Le rapporteur tient à souligner l’intérêt du développement des équipes mobiles de pédopsychiatrie qui permettent d’aller au-devant de jeunes en souffrance qui n’osent pas s’adresser à un service de pédopsychiatrie et qui peuvent aussi servir d’appui technique aux équipes éducatives déroutées par le comportement problématique de certains jeunes.

La rencontre avec le professeur Sylvie Tordjman, chef du service hospitalo-universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de Rennes a été particulièrement intéressante. Elle a expliqué au rapporteur ce qui avait motivé la création de cette nouvelle approche thérapeutique.

Pour aller vers les adolescents qui ne se rendent pas dans les consultations traditionnelles, elle a décidé de transformer son hôpital de jour pour lequel elle n’avait pas de locaux en une mission mobile. Elle a équipé, sur un budget « pièces jaunes 65 » de la fondation des hôpitaux de Paris-hôpitaux de France, un camion mobile home transformé en consultation mobile qui se déplace sur les lieux de vie des adolescents et de leurs familles.

Le professeur Tordjman et son équipe vont à la rencontre d’adolescents en souffrance mais qui n’ont pas conscience d’aller mal, ne connaissent pas de lieux où s’adresser et ne sont pas prêts à respecter un suivi. C’est une façon de dépasser « la non-demande » pour reprendre une expression du professeur Tordjman.

Cette expérience a été menée en s’inspirant des travaux du Yale Child Study Center aux États-Unis.

Son camion, à l’extérieur banalisé, offre salle d’attente et espace d’entretien individuel. Aller vers le jeune a un effet dynamisant et revalorisant pour le jeune mineur qui est souvent dans une situation de dévalorisation de lui-même.

L’équipe mobile est insérée dans un vaste réseau de correspondants plus ou moins informels, à l’Éducation nationale, à l’aide sociale à l’enfance dans les centres de loisirs qui leur signalent les jeunes qui semblent en souffrance psychique. Des professionnels médiateurs servent de relais dans chacune des institutions. L’équipe mobile, une fois sollicitée, prend contact avec le jeune et ses parents. Un rendez-vous est fixé qui peut avoir lieu au collège, au domicile ou même dans la rue, puisque le véhicule est un véritable bureau de consultation.

L’équipe d’intervenants est pluridisciplinaire (psychiatres, psychologue, infirmier, éducateurs, travailleurs sociaux, qui interviennent en binôme). Les professionnels psychiatres ou psychologues travaillent à mi-temps pour l’équipe mobile et à mi-temps dans le service hospitalier pour garder un lien vivant avec les professionnels hospitaliers et faire ainsi plus facilement l’interface si l’adolescent doit être hospitalisé.

Une permanence téléphonique fonctionne de 9 heures à 20 heures du lundi au vendredi que peuvent appeler les médiateurs et les familles ; un rendez-vous est fixé dans les 48 heures et assuré par une équipe en binôme. Une réunion hebdomadaire de synthèse permet de faire le point avec l’ensemble des membres de l’équipe. Chaque situation fait l’objet de quelques rencontres (en moyenne de 3 à 5) et, si nécessaire, débouche sur un suivi par une unité de soins. Les ponts ne sont pas coupés après la fin de l’intervention car le jeune peut rappeler l’équipe ; d’autre part, une évaluation à distance est menée par une psychologue tous les trois mois et l’année suivant la fin de l’intervention.

Ce contact a une double utilité : d’une part, ne pas laisser s’installer un sentiment d’abandon chez le jeune ou sa famille, d’autre part, évaluer cette action en termes de santé publique. Cette démarche devrait s’étendre dans les mois qui viennent dans différents foyers de jeunes et centres éducatifs fermés. Cette approche mobile est particulièrement utile dans un secteur rural où les distances sont un frein au déplacement des jeunes et de leurs parents dans des consultations éloignées.

L’un des points positifs de cette équipe mobile est de permettre un suivi thérapeutique peu invasif mais très réel, ce qui rend possible dès que le mineur rechute de reprendre des soins plus suivis en évitant toute rupture de prise en charge.

Le deuxième apport de cette équipe mobile est de permettre un appui aux professionnels de la PJJ et des établissements médicaux sociaux. Un partenariat remarquable a pu être noué avec le CEF de Gévézé en Ille-et-Vilaine pour permettre un appui technique aux éducateurs. Les professionnels de l’équipe mobile interviennent tous les quinze jours en supervision de l’équipe éducative et organisent aussi des groupes de parole avec les parents des enfants placés.

L’équipe de l’antenne mobile a travaillé avec le personnel du CEF pour mettre au point un module thérapeutique portant sur la stratégie de résolution des conflits. Ce module est proposé à certains jeunes qui n’arrivent pas à maîtriser leur violence ni à exprimer leur colère autrement que par des agressions sur eux-mêmes ou sur autrui. Devant le succès de cette méthode elle a été transposée pour être proposée dans le cadre de stages de citoyenneté qui sont prévus par le code pénal comme sanctions alternatives pour sanctionner diverses infractions délictuelles.

L’équipe mobile vient encore d’élargir sa coopération avec d’autres professionnels en intervenant au Centre pénitentiaire de la prison pour femmes de Rennes où elle interviendra dans l’unité mères-bébés.

Enfin, le professeur Tordjman a mis en place récemment une action concertée avec les services de gendarmerie et de police qui interviennent dans les cas de violences intrafamiliales. Une convention va être signée entre le parquet, les services de police et de gendarmerie, le centre hospitalier et le conseil général pour mettre en œuvre cette coopération qui permettra une articulation étroite entre ces différents services qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble.

La gendarmerie et la police sont, en effet, appelées à intervenir dans des familles où les enfants sont exposés à des violences domestiques. La gendarmerie et la police peuvent ainsi repérer des situations à risque chez des enfants et familles en grande difficulté, et avoir un rôle important de médiateur en aidant les parents à entrer en relation avec l’équipe mobile du professeur Sylvie Tordjman avec laquelle ils auront établi une convention pour articuler leurs missions. Cette équipe mobile peut se déplacer rapidement à la rencontre de ces familles. L’équipe mobile pourra alors évaluer les besoins des enfants exposés à la violence et apporter une aide adaptée avec la mise en place, si nécessaire, d’un projet thérapeutique individualisé. Parallèlement, elle effectuera, sur des temps communs de réunion, un travail de débriefing avec les équipes de police ou de gendarmerie impliquées, contribuant à améliorer leurs capacités d’évaluation et de repérage des enfants et parents en difficulté dans ces situations.

Cette nouvelle initiative a été inspirée par une expérience américaine menée par la ville de New Heaven dans le Connecticut qui a été pionnière pour une action conjointe services médicaux et forces de l’ordre. Cette action en faveur de la prévention de la violence s’est aussi traduite par l’implication de l’Université (le Yale Child Study Center) qui mène des recherches sur les formes de délinquance juvéniles.

Cette expérience américaine a démontré qu’elle avait, de plus, l’intérêt de réduire le stress et la tension des policiers intervenant dans ces situations toujours éprouvantes pour eux, et d’améliorer très nettement l’articulation entre police et pédopsychiatrie dans l’ensemble de leurs missions respectives. Par ailleurs, des données de suivi à plus long terme ont mis en évidence une diminution significative des violences des mineurs dans les zones concernées par ce programme.

Peu à peu, les soignants de pédopsychiatrie se rendent compte de l’utilité de l’équipe mobile. C’est ainsi qu’à Lille une équipe mobile prend également en charge des adolescents. Sous l’impulsion du docteur Vincent Garcin, l’établissement public de santé mentale de Lille métropole a mis en place, en 2003, une équipe mobile qui s’engage à intervenir dans les 24 heures auprès d’adolescents de 12 à 18 ans pour toute situation qui lui est signalée par les services de médecine scolaire, de pédiatrie, les familles, les médecins traitants ou encore les institutions d’accueil des adolescents. L’équipe, un binôme pluridisciplinaire, se rend là où se trouve l’adolescent : chez un médecin, dans un centre de santé mentale ou même à domicile. Elle effectue un premier diagnostic et, après un contact avec le médecin d’astreinte de l’équipe, évalue l’urgence de la situation et les interventions à mettre en œuvre. S’il le faut, l’équipe peut se déplacer à nouveau les jours suivants.

Son principe étant de ne pas « lâcher » l’adolescent qui va mal, la rencontre avec lui et avec son entourage ayant pour but de l’aider à entamer une démarche personnelle de soins.

L’équipe a également des contacts avec les professionnels concernés par la situation de l’adolescent : les établissements médico-sociaux, et surtout, les 35 établissements scolaires du secteur à la suite d’une convention signée avec le service médical de l’inspection académique.

Proposition n° 25 : étendre des équipes mobiles de pédopsychiatrie

Le rapporteur recommande l’extension des équipes mobiles de pédopsychiatrie avec une double vocation : faciliter l’accès aux soins des adolescents qui répugnent à s’adresser à la pédopsychiatrie et apporter un soutien technique aux professionnels notamment de la PJJ pour faire face aux moments de crise et orienter vers un service de soins adapté.

4. Créer des lieux ressources pour aider les établissements à faire face à des épisodes de crise

Plusieurs professionnels rencontrés au cours des auditions ont souligné l’absence de dispositif permettant aux établissements confrontés à une impasse avec tel ou tel jeune de pouvoir trouver des conseils auprès d’autres professionnels. Une telle structure existe pourtant en Île-de-France mais son fonctionnement reste trop confidentiel et il serait possible d’améliorer son rayonnement.

Mis en œuvre par une convention interministérielle signée en 1996, le DERPAD — dispositif expert régional pour adolescents en difficulté— est devenu en mars 2006 le groupement d’intérêt public DERPAD. Le GIP DERPAD est constitué entre :

– le ministère de la Justice (direction régionale de la PJJ d’Île-de-France) ?

– la Mutualité fonction publique (Institut mutualiste Montsouris).

Cette nouvelle structure juridique devra permettre dans les années à venir de développer les activités du DERPAD dans des conditions satisfaisantes.

À l’interface Santé-Justice, ce dispositif public occupe une position originale par rapport à l’ensemble du champ institutionnel de la protection de l’enfance et de l’adolescence qui lui permet d’être à la fois « un lieu ressources » et un observatoire rassemblant des analyses théoriques mais recensant aussi des pratiques expérimentales innovantes.

Les professionnels des établissements ou de la Justice peuvent soumettre aux thérapeutes du DERPAD des cas cliniques difficiles qui ont mis en échec leur institution. Il s’agit ainsi de travailler sur les représentations que se font les professionnels des adolescents, ainsi que leur compréhension des divers enjeux de la situation, pour modifier le cours de la prise en charge.

Le DERPAD offre aussi aux professionnels qui veulent mettre sur pied une nouvelle organisation un appui technique pour finaliser leur projet. Il s’agira de proposer des orientations dans les recherches de financement, des aides à la finalisation des projets, notamment par la mise en contact avec d’autres professionnels ou institutions susceptibles d’y contribuer. En systématisant l’acquis d’expériences ponctuelles passées le DERPAD permet de mieux identifier les besoins, de définir et délimiter les objectifs, d’apprécier les moyens en présence, de rentabiliser les énergies en fonction de la réalité effective et des contraintes qu’elle impose.

Toutes les activités du DERPAD sont gratuites pour les utilisateurs, le budget de ce GIP étant supporté par ses membres. Son équipe est composée d’éducateurs, de psychiatres et de psychologues, d’une secrétaire, d’un documentaliste et d’un informaticien.

Il semble important d’analyser comment procède le DERPAD pour résoudre des cas cliniques délicats.

Le professionnel vient rencontrer l’équipe du DERPAD soit pour lui soumettre un cas clinique précis, soit pour lui faire part d’une difficulté d’organisation de son institution.

Ces consultations sont assez longues, environ deux heures. L’objectif est de trouver ensemble de nouvelles pistes de travail. Rigoureusement centré sur la situation qui pose problème, il s’agit par une mise à plat de celle-ci, d’éclairer les raisons qui peuvent ou ont pu conduire à un blocage, de rechercher les moyens de le lever. Il s’agit parfois, en faisant apparaître des éléments qui avaient pu être laissés de côté ou insuffisamment pris en compte (d’ordre familial, institutionnel ou autre) d’éclairer certains choix qui ont été faits dans la prise en charge et qui peuvent alors se lire comme autant de répétitions dans l’histoire de l’adolescent.

Le destinataire principal de ce travail clinique reste, obstinément, le jeune dont on vient de parler, absent et pourtant au cœur de la consultation. Il ne s’agit pas d’obtenir une réflexion psychologique et éducative savante sur une personne qui ne sera jamais personnellement connue par les membres du DERPAD mais de trouver ensemble des issues concrètes pour trouver le meilleur traitement pour ce mineur en difficulté. Le fait de parler d’une situation à des interlocuteurs qui en ignorent tout et qui, n’étant pas destinés à la prendre en charge directement, ne sont donc pas pris dans un angoissant sentiment d’urgence, contribue à les entendre à leur juste place, dégageant l’imaginaire des nombreux fantasmes paralysants qui y circulaient, pour le remettre au service d’une dynamique de projet.

Une des méthodes particulière du DERPAD est de faire recevoir les professionnels par un binôme un membre de l’équipe « sanitaire » et un membre de l’équipe « éducative ». Ce binôme est la garantie qu’une situation sera entendue dans ses différents aspects, aussi antinomiques et conflictuels soient-ils.

La spécificité de l’expérience professionnelle de chacun des intervenants conserve toute sa pertinence, à s’exercer dans un tel cadre. En particulier, celle des éducateurs de la PJJ est précieuse en ce qui concerne la juste perception du cadre administratif ou judiciaire des mesures éducatives que l’on évoque. Ils sont particulièrement aptes à saisir les imprécisions du parcours institutionnel, à repérer les carences de communication entre les magistrats qui ont décidé des mesures éducatives et les éducateurs qui ont dû les mettre en œuvre.

Après avoir évoqué le cas, le groupe cherche des solutions et les propose au professionnel directement impliqué. Celui-ci pourra revenir pour faire le bilan de la mise en œuvre de la solution proposée.

Le rapporteur a obtenu des témoignages très favorables sur l’action du DERPAD même si certains professionnels se sont parfois sentis « jugés » ou pris en faute dans leur pratique professionnelle en relatant leurs difficultés. D’autres, ont fait valoir qu’une des faiblesses du DERPAD est de ne pouvoir se déplacer sur place pour qu’un regard extérieur évalue la situation problématique. Ce type d’organisation, proche d’une véritable cellule audit supposerait des moyens d’intervention beaucoup plus conséquents.

Le rapporteur recommande que d’autres DERPAD puissent être créés dans d’autres régions françaises à l’initiative des ARS et des directions interrégionales de la PJJ. Une action combinée entre DERPAD et équipes mobiles permettrait d’allier l’avantage d’une étude de cas par un regard extérieur et loin des turbulences de l’établissement et la possibilité d’une intervention sur site qui permettrait d’étudier les dysfonctionnements locaux.

Proposition n° 26 : créer des dispositifs d’expertise et d’aide aux établissements sur le modèle du DERPAD

Créer sur le modèle du dispositif expert régional pour adolescents en difficulté (DERPAD) de la région parisienne, des dispositifs d’expertise et d’aide aux établissements confrontés à des situations de crise. Le DERPAD a réussi à proposer une procédure de soutien pour les professionnels qui se trouvent dans une impasse clinique avec un jeune particulièrement difficile. Ce « lieu ressources » permet à toutes les parties en présence, impliquées dans la gestion d’un cas problématique, de trouver une solution consensuelle grâce à la présence des experts du DERPAD qui jouent le rôle de m médiateurs.

D. ADAPTER LA FORMATION DES PERSONNELS DE LA PJJ AU TRAVAIL ÉDUCATIF DANS UN CADRE CONTRAIGNANT

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) dispose depuis le 1er septembre 2008, date d’inauguration de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), d’un nouvel appareil de formation en appui de ses orientations stratégiques. Elle préfigure une organisation de formation rénovée et plus professionnalisante. Les enseignements sont désormais organisés de façon transversale avec des séquences de formation communes à différents métiers de la PJJ et déclinés autour de plusieurs champs disciplinaires.

Lors de notre visite de l’établissement en mars 2009, le directeur Jean-Louis Daumas a souligné qu’une véritable révolution culturelle était en cours par rapport à la méthode de formation de l’établissement précédent qui se situait à Vaucresson.

Il est apparu indispensable d’adapter les formations à l’évolution des publics pris en charge par la PJJ et par les changements intervenus dans la formation initiale des personnes admises aux différents concours. Il y a quelques années, les formations d’éducateurs ou de travailleurs sociaux étaient fréquentes alors qu’aujourd’hui nombreux sont les élèves qui ont suivi un cursus universitaire assez généraliste notamment dans une filière juridique.

Il a donc fallu revoir l’importance des différentes disciplines et accorder une place centrale à la psychologie et aux différentes techniques éducatives.

Une des principales nouveautés est d’avoir décloisonné les cursus, les élèves directeurs côtoyant les élèves éducateurs ce qui permet d’enrichir les échanges pédagogiques. Selon le niveau hiérarchique, le coefficient de telle ou telle discipline sera différent.

Un autre travail novateur mené actuellement a pour objectif de mettre au point un logiciel permettant d’objectiver le travail éducatif. Il s’agit ainsi de disposer d’un outil permettant de disposer d’une description du travail mené et offrant la possibilité de faire plus facilement des synthèses de situation. Mais cet outil en construction suppose que tous les professionnels aient acquis la capacité de décrire une situation clinique et d’analyser le travail d’accompagnement éducatif, ce qui s’avère assez problématique. Au-delà des oppositions de principe selon lesquelles la relation thérapeutique ne peut se résumer à une analyse de cas, il reste à définir une méthode commune d’observation et une manière de relater les difficultés du travail éducatif qui suppose un long travail commun.

Les manières d’approcher le mineur en révolte ont beaucoup évolué. Il y a quelques années l’essentiel du travail reposait sur la technique de l’entretien thérapeutique en face à face avec soit un psychologue soit un éducateur. Aujourd’hui, les techniques se sont diversifiées pour privilégier toutes les manières qui permettent à un éducateur de « faire avec » le mineur. L’approche analytique est loin d’avoir disparu mais elle cède sa place, par moments, à des activités apparemment très ludiques mais qui ont en fait un contenu thérapeutique. C’est pourquoi l’École accorde désormais une place très importante aux activités sportives car le sport est un moyen très direct d’entrer en relation avec un jeune.

La conversion des élèves directeurs à cette priorité donnée au sport n’a pas été sans quelque résistance mais les mentalités évoluent.

L’établissement a aussi mis en place une coopération très étroite avec l’école de formation de l’Administration pénitentiaire pour permettre aux surveillants appelés à travailler en EPM de venir se former dans des modules communs avec les élèves éducateurs. Cette évolution a fortement marqué les esprits car il y a peu de temps encore, les clivages culturels entre éducateurs marqués par une tradition contestataire des sciences sociales et les surveillants formés à faire respecter la discipline paraissaient insurmontables. Cette formation commune est indispensable pour permettre une prise en charge conjointe des mineurs en milieu pénitentiaire.

L’équipe pédagogique de l’École a cherché aussi à renforcer les liens avec les universités du Nord afin de permettre certains travaux communs dans les disciplines de sciences sociales. Une convention a été signée avec la faculté de Lille 3 permettant aux élèves de suivre un double cursus, à l’École et à l’université en Master Sciences de l’Éducation. Des travaux de recherche communs sont menés sur les troubles du comportement et l’incidence de l’usage de produits addictifs dans les passages à l’acte violents.

Les enseignants intervenant dans l’établissement ont, de plus en plus, des origines diverses. Il y a quelques années le corps professoral émanait quasi exclusivement de la PJJ alors qu’aujourd’hui il associe, des universitaires, des fonctionnaires venant de l’administration pénitentiaire, des ministères sociaux et plus récemment de la magistrature. Il est cependant difficile d’obtenir du ministère de la Justice une décision de réciprocité permettant à un cadre formateur de la PJJ d’aller enseigner à l’École de la magistrature. C’est sans doute regrettable.

Dans le souci de s’ouvrir sur l’extérieur, l’École a mené une politique offensive pour envoyer ses élèves directeurs à l’étranger. Ce stage d’une durée de deux semaines a une visée opérationnelle. Il permet d’étudier un problème concret et à évaluer les solutions qui ont été mises en place. Pour l’année 2008, les stages ont ainsi porté sur la prise en charge des adolescents en secteur pédopsychiatrique, sur les établissements contraignants et sur l’analyse des différences avec les prisons pour mineurs. Enfin, certains stagiaires ont étudié les formes d’alternatives à la prison comme les activités de jour et les travaux d’intérêt général. Pour approfondir cette activité internationale, l’École a le projet d’adhérer au réseau d’écoles de travail social qui a été initié par la Belgique.

L’École cherche aussi à approfondir les thèmes qui posent problème dans la pratique comme, par exemple, l’usage de la contrainte pour les établissements. Une réflexion est menée au cours des enseignements de psychologie sur la question de la contrainte éducative, de la constitution des groupes et l’expression collective de certaines formes de violence. En effet, de nombreux établissements font part de leurs difficultés à faire face à des groupes de mineurs qui contestent collectivement la discipline de l’établissement. Les éducateurs doivent alors être bien armés pour eux aussi agir comme une collectivité ayant une pédagogie collective et concertée. La forte féminisation de certaines équipes pose des problèmes spécifiques ainsi que l’importante rotation des personnels.

L’École comme la DPJJ ont commencé à réfléchir, par ailleurs, à la question de la constitution des équipes dans les établissements. Il serait indispensable de trouver des moyens pour stabiliser la composition des équipes et éviter une concentration de très jeunes professionnels ou majoritairement contractuels non diplômés.

À court terme, l’École voudrait aussi se rapprocher des écoles (instituts régionaux de travail social) où sont formés les éducateurs spécialisés pour mutualiser les moyens pédagogiques entre secteur associatif et secteur public. Cette coopération ne sera pas facile à mettre en œuvre car de nombreuses préventions existent encore à l’encontre de la PJJ mais elle paraît indispensable pour faciliter à terme la mobilité professionnelle et la constitution de réseaux locaux coordonnés d’action éducative. Pour faciliter cette ouverture, l’École entretient déjà d’excellentes relations avec les grandes fédérations d’associations habilitées par la PJJ comme l’UNASEA avec qui elle a déjà organisé des journées de formation comme celle de juin 2006 sur la pédagogie des CEF.

Le rapporteur voudrait aussi évoquer certains modules spécifiques de formation dans le cadre de la formation initiale ou continue, car ils ont une importance particulière pour la gestion des phénomènes de délinquance.

• Formation à la gestion de la violence.

La prise en charge de mineurs en difficulté expose le personnel à un risque permanent de violence, qu’elle soit physique ou psychologique et émotionnelle. C’est la raison pour laquelle l’ENPJJ propose, depuis 1998, des accompagnements individuels ou d’équipes, ainsi que le soutien à des projets (ateliers d’expression, pratiques sportives).

Sensibilisée par la récurrence et l’accroissement de situations de crise et de phénomènes de violence enregistrés ces dernières années au sein de ses structures, la DPJJ a élaboré, avec l’assistance de psychiatres, un plan d’action opérationnel portant sur la gestion de la violence. Celui-ci se décline concrètement dans le cadre de la formation statutaire des éducateurs et des directeurs et de la formation continue. L’expérimentation concrète et coordonnée de nouvelles actions se poursuit en vue de leur généralisation.

• Formation pour les agents affectés dans des établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs (EPM).

À l’occasion de l’ouverture de chacun des EPM, l’ENPJJ et l’ENAP ont co-organisé des sessions de formation d’adaptation à l’emploi pour accompagner au mieux le personnel de l’administration pénitentiaire (AP) et de la PJJ appelé à y être affecté. Ces sessions de formation, d’une durée moyenne de sept semaines, visaient des objectifs communs aux deux directions afin de susciter la cohésion des équipes et une meilleure appréhension de l’évolution du droit pénitentiaire des mineurs. En 2009, la dernière formation commune a eu lieu à l’ENPJJ.

Il convient d’ajouter que pour les contractuels affectés dans ces établissements, l’ENPJJ et l’ENAP ont organisé, à partir de 2008, une formation d’adaptation de deux semaines pour une vingtaine d’agents contractuels exerçant en EPM. Cette formation sera poursuivie en 2010.

Formation des agents affectés en centres éducatifs fermés (CEF).

L’ensemble du personnel des CEF (8 CEF du secteur public et 30 CEF du secteur associatif habilité) a bénéficié de la formation d’adaptation à la prise en charge spécifique des mineurs en CEF développée en 2003 par l’ENPJJ pour le personnel des deux premiers CEF, créés dans le secteur public de la PJJ (Beauvais et Mont-de-Marsan). Les directeurs et chefs de service des CEF publics comme associatifs bénéficient en outre d’un soutien et d’un appui particulier. Depuis octobre 2005, leurs instances de formation respectives leur ont proposé cinq modules regroupant les cadres.

Afin d’améliorer la formation des agents travaillant en CEF, la DPJJ, l’ENPJJ, les représentants des fédérations associatives et le fonds d’assurance formation de la branche sanitaire et sociale (UNIFAF), ont organisé, en 2009, une journée nationale d’échanges et de réflexion sur la professionnalisation des personnels en CEF réunissant les cadres de ces structures. Sur un total de 38 CEF en 2009, 28 ont participé à cette journée (7 CEF du secteur public et 21 CEF du secteur associatif habilité). La synthèse des réflexions de ces trois ateliers est programmée pour fin 2009. À partir des différentes pistes de travail formulées par les participants, la DPJJ et ses partenaires définiront une nouvelle démarche de professionnalisation des intervenants éducatifs en CEF, dont les résultats devraient être formalisés en 2010.

Formation des agents exerçant en centres éducatifs renforcés (CER).

En 2008, une convention nationale pour la professionnalisation des intervenants éducatifs en CER a été signée par le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) et les présidents de l’UNASEA, du syndicat des associations employeurs du secteur privé médico-social (SNASEA) et de l’UNIFAF.

La mise en œuvre du dispositif s’appuie sur les centres de formation du travail social (IRTS) répartis sur l’ensemble du territoire.

La DPJJ a pris en compte dans le budget de fonctionnement de chaque CER le temps de remplacement des agents impliqués dans cette démarche. La mise en œuvre de ce dispositif est chiffrée à environ 1,6 million d’euros pour la durée totale du partenariat. Les dépenses de formation et d’ingénierie sont prises en charge par UNIFAF. En 2009, les données recueillies font apparaître que :

– vingt-cinq CER sont engagés dans des actions de formation dont en moyenne douze éducateurs par CER ;

– sept organismes de formation sont parties prenantes de cette action de formation ;

– trois cents salariés sont concernés par ce dispositif ;

– cinquante-quatre salariés sont en formation individualisée.

• Formation à la fonction d’auditeur

Pour mettre en œuvre l’axe n°4 de son projet stratégique national (PSN) 2008-2011 qui prévoit la garantie à l’autorité judiciaire de la qualité de l’aide à la décision et celle de la prise en charge, la DPJJ déploiera à terme une centaine d’auditeurs sur l’ensemble du territoire national.

Trente-neuf personnes, en provenance soit de la filière éducative soit de la filière administrative, ont été formées aux techniques communes à la pratique de l’audit lors de la première session ayant débuté en septembre 2008. Avec les deux sessions de formation dispensées en 2009, un total de 80 personnes aura été formé. Une nouvelle session sera organisée en 2010.

Malgré une profonde réforme des enseignements dispensés par l’ENPJJ, la formation des jeunes éducateurs présente encore quelques faiblesses. Dans la formation initiale comme dans la formation continue il conviendrait de renforcer l’enseignement relatif à la gestion des groupes en ayant recours à des études de cas concrets. Il serait très utile d’apporter un soin particulier dans les programmes à la gestion des épisodes violents et aux troubles à expression supra-individuelle dans les institutions. Pour préparer cet enseignement il serait intéressant de recueillir auprès des établissements des témoignages sur la manière dont certains incidents se sont déclenchés et comment ils ont été traités. Ce recensement permettrait de repérer des bonnes pratiques et d’analyser les erreurs qui ont conduit de manière répétée à des explosions de violence.

Pour reprendre une recommandation faite par la HAS dans son rapport sur la prise en charge de la psychopathie, il faudrait développer une culture commune et pluridisciplinaire de tous les professionnels devant accompagner des mineurs délinquants et intégrer systématiquement un enseignement sur la psychologie de l’adolescence et sur les troubles du comportement dans le programme de formation initiale et continue des acteurs concernés (notamment travailleurs sociaux, fonctionnaires de l’Éducation nationale, acteurs judiciaires, pédopsychiatres…).

Selon les témoignages de plusieurs professionnels, nommer de jeunes professionnels dans les CEF et les EPM représente un risque certain tant pour les équipes éducatives que pour les mineurs. Il faudrait donc étudier la possibilité de réserver les postes de surveillants et d’éducateurs en EPM et d’éducateurs en CEF à des professionnels confirmés pour éviter que des professionnels débutants ne soient confrontés aux cas cliniques les plus difficiles.

Proposition n° 27 : former les éducateurs à la gestion de groupes

Renforcer la formation relative à la gestion des groupes et aux modes d’expression de la violence à partir de l’étude de cas concrets, dans la formation initiale comme dans la formation continue.

Renforcer la formation relative à la gestion des groupes et aux modes d’expression de la violence à partir de l’étude de cas concrets.

Proposition n° 28 : prévoir un enseignement pluridisciplinaire sur les adolescents difficiles

Développer un enseignement commun et pluridisciplinaire de tous les professionnels devant accompagner des mineurs délinquants et intégrer systématiquement un enseignement sur la psychologie de l’adolescence et sur les troubles du comportement dans les programmes de formation

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 2 décembre 2009, la Commission examine les conclusions du second rapport d’information de la mission sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes mineures.

Après l’exposé du rapporteur, M. le président Jean-Luc Warsmann. Je vous remercie pour cette présentation. Je tiens à rappeler que le rapport a été adopté hier après-midi par la mission d’information à l’unanimité.

M. Dominique Raimbourg. Ce rapport est de grande qualité mais il est également désespérant. Il pointe les failles de la prise en charge des mineurs délinquants tant en ce qui concerne le partenariat entre Santé et Justice, qui est défaillant, que pour la mise en œuvre du logiciel Cassiopée. La fermeture du centre de crise de Suresnes illustre le caractère accablant de la situation. Le seul point positif est que la marge de progression est importante !

Mme George Pau-Langevin. Je m’étonne que le gouvernement, qui a fait de la sécurité l’un de ses thèmes majeurs, n’ait pas jugé bon d’ouvrir un centre éducatif fermé en Île-de-France.

M. Jean-Paul Garraud. Je ne peux m’empêcher de rappeler que les centres éducatifs fermés ont fait l’objet de vives critiques de l’opposition lors de leur instauration ! L’enjeu essentiel du rapport est l’amélioration du partenariat entre Santé et Justice, sujet qui a déjà été abordé dans le projet de loi pénitentiaire et dans le projet de loi sur l’amoindrissement du risque de récidive criminelle. La réforme de l’ordonnance de 2 février 1945 sur l’enfance délinquante sera l’occasion d’introduire de nouvelles dispositions pour améliorer ce partenariat.

Le dossier médical et juridique unique a déjà été mis en avant dans le projet de loi pénitentiaire mais il est bon d’y revenir.

Je tiens enfin à souligner que la création du répertoire des données collectées dans le cadre des procédures judiciaires (RDCPJ) permettra de mieux connaître la personnalité des mineurs délinquants, ce qui constituera un grand progrès par rapport à la situation actuelle où les informations sont disséminées dans dossiers relatifs aux multiples procédures.

Conformément à l’article 145 du Règlement, la Commission autorise le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

AMÉLIORER LES CONNAISSANCES SUR LES MINEURS EN DANGER ET DÉLINQUANTS

Proposition n° 1 : améliorer la coordination entre la DPJJ et l’École de la PJJ à Roubaix pour parvenir à une recherche appliquée

Améliorer la coordination en matière de recherche entre la DPJJ et l’École de la PJJ à Roubaix pour parvenir à une recherche appliquée, qui puisse déboucher sur des recommandations opérationnelles. Pour parvenir à cet objectif, il est indispensable que le conseil scientifique de la DPJJ soit nommé et qu’il comprenne en son sein des experts universitaires relevant de disciplines variées avec si possible un apport de scientifiques étrangers pour être en mesure de procéder à des comparaisons internationales.

RENFORCER LE PARTENARIAT SANTÉ /JUSTICE

Proposition n° 2 : mettre en œuvre le pilotage politique santé/justice

Instituer au niveau national un comité de pilotage interministériel restreint. Ce comité, qui pourrait comprendre des personnalités qualifiées, extérieures à l’administration (à l’instar du contrôleur général des lieux de privation de liberté) aura la responsabilité d’impulser une véritable politique sanitaire en prison et pour les personnes placées sous main de justice aux objectifs clairement précisés et aux contraintes mieux partagées par tous.

Proposition n° 3 : étendre les missions la Mission nationale d’appui en santé mentale

Étendre les compétences de la Mission nationale d’appui en santé mentale pour lui permettre d’évaluer l’organisation de la coopération entre la PJJ et la pédopsychiatrie dans d’autres départements et lui permettre d’intervenir à titre d’expert pour résoudre des solutions de blocage.

Proposition n° 4 : rédiger un guide des bonnes pratiques sur la coopération de la PJJ et de la pédospychiatrie

À l’issue de son travail d’évaluation, la Mission nationale d’appui en santé mentale pourrait rédiger, avec les professionnels ayant réalisé le travail d’audit, un guide des bonnes et mauvaises pratiques concernant l’articulation entre la PJJ et la pédopsychiatrie

Proposition n° 5 : inscrire dans les schémas régionaux d’organisation sanitaire d’un volet thématique sur la « Santé et Justice  »

Confier aux futures agences régionales de santé la double mission d’identifier les besoins sanitaires des personnes en détention ou placées sous main de justice et de réguler l’offre de soins pour ces populations. Pour ce faire, il convient de prévoir l’inscription dans l’ensemble des schémas régionaux d’organisation sanitaire d’un volet thématique sur la « santé et Justice », concernant aussi bien les soins somatiques que psychiatriques.

DÉVELOPPER LE SUIVI SANITAIRE POUR ÉCLAIRER LA PRISE DE DÉCISION DES MAGISTRATS

Proposition n° 6 : faciliter la communication des informations médicales pour une meilleure prise en charge du mineur

Lors de la mise en place du dossier judiciaire unique, le ministère de la Justice devra définir après avoir consulté les instances ordinales de l’ordre des médecins et le Comité national consultatif d’éthique les règles relatives à la communication des informations médicales concernant le mineur, l’objectif étant que le maximum d’informations d’information soient disponibles pour éclairer la décision des magistrats et permettre un suivi sanitaire lors de la détention ou d’un placement.

Proposition n° 7 : compléter l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante pour intégrer le suivi sanitaire

Compléter l’ordonnance de 1945 (articles 8, 15, 16 et 33) pour indiquer que tout hébergement dans un établissement s’accompagne d’un bilan de santé somatique et psychique et prévoir des mesures favorisant la continuité des soins et du suivi thérapeutique à l’issue d’une période de détention ou de placement. L’ordonnance doit aussi affirmer le principe de coordination entre le suivi éducatif et les soins pénalement obligés.

Propositions n° 8 : créer dans chaque département une consultation médicale gratuite pour les adolescents

Créer dans chaque département, sur les crédits des établissements hospitaliers, un service de consultation pour les adolescents, sur le modèle de celui de l’hôpital de l’Hôtel-dieu à Paris, qui offre des soins gratuits et permette la réalisation de bilan de santé et une orientation vers les services médicaux spécialisés selon les pathologies diagnostiquées.

Proposition n° 9 : réaliser un bilan de santé lors de la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD)

Réaliser lors de la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD) un bilan de santé et procéder aux vaccinations nécessaires. La réalisation d’examens fera l’objet d’un compte rendu qui sera adressé au médecin traitant de l’adolescent ce qui l’incitera à choisir un médecin qui continuera son suivi médical.

Proposition n° 10 : instaurer un dossier judiciaire unique

Le dossier judiciaire unique doit devenir rapidement opérationnel. Un décret devra définir les règles de constitution et d’enregistrement des pièces dans le dossier judiciaire unique afin que la défense soit en mesure d’avoir communication de l’intégralité du dossier sauf décision explicite du magistrat, certaines pièces pouvant faire courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un tiers. Ce texte devra aussi définir les règles spécifiques de transmission des informations médicales.

Proposition n° 11 : mettre en place rapidement le logiciel Cassiopée

Pour que le dossier judiciaire unique puisse devenir rapidement opérationnel il est indispensable de mettre en place le logiciel Cassiopée dans les juridictions. Compte tenu des retards constatés pour son installation, un audit doit être mené par le ministère de la Justice pour évaluer les points de blocage.

Proposition n° 12 : préciser que les adolescents de 16 à 18 ans doivent être soignés en pédopsychiatrie

Le ministère de la Santé devrait publier un texte réglementaire, modifiant les directives de la circulaire 11 décembre 1992 relative aux orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants qui n’est pas correctement appliquée. Ce texte devrait faire obligation aux services pédopsychiatriques d’accepter les mineurs jusqu’à 18 ans. À moyen terme, il conviendrait de favoriser la création de services hospitaliers ayant des unités adolescents et jeunes adultes permettant un accueil en urgence comme en court séjour.

Proposition n° 13 : mieux organiser les soins psychiatriques pour les adolescents de 16 à 18 ans

Les autorités de tutelle sanitaires en concertation avec les professionnels hospitaliers et de la Justice définissent dans chaque département, compte tenu des spécificités de l’offre de soins les conditions de prise en charge et d’hospitalisation en pédopsychiatrie des mineurs de seize à dix huit ans. Pour les jeunes placés sous main de justice et hébergés en établissements des dispositions spécifiques sont prévues pour éviter que toute hospitalisation ne se traduise par un transfert dans une chambre d’isolement pour éviter les fugues.

ADAPTER L’ORGANISATION DES ÉTABLISSEMENTS

Proposition n° 14 : revoir les modalités de l’accueil d’urgence

Concernant les centres de placement immédiat, revenir sur la décision de confier à tous les établissements l’accueil d’urgence. Revoir les modalités d’organisation de l’accueil d’urgence et prévoir un renforcement de l’encadrement. Éviter dans ces établissements de nommer de jeunes professionnels sortant d’école car la gestion des groupes y est particulièrement délicate.

Proposition n° 15 : réduire les délais d’attente dans les CMP

S’inspirer des bonnes pratiques existant dans certains CMP qui ont permis de réduire considérablement les délais d’attente avant un premier rendez-vous : certains CMP organisent un premier rendez-vous avec un infirmier pour évaluer le degré d’urgence de la demande, certains sont associés avec des équipes mobiles qui prennent un premier contact et procèdent ainsi à un premier repérage de la gravité de la pathologie.

Proposition n° 16 : adapter les méthodes pédagogiques des Centres éducatifs renforcés

Engager une réflexion sur les méthodes pédagogiques utilisées dans les CER et mettre en œuvre des prises en charge plus individualisées permettant au mineur un travail personnel d’introspection.

Proposition n° 17 : prévoir une procédure de gestion des incidents dans les Centres éducatifs fermés

Les CEF doivent formaliser avec la Justice et les services de sécurité une procédure de gestion des incidents afin de permettre de prendre des sanctions immédiates à l’encontre des mineurs qui ne respectent pas leurs obligations. De la rapidité de la réponse dépend la réussite d’une prise en charge « contraignante ».

Proposition n° 18 : nommer dans les établissements pénitentiaires pour mineurs du personnel expérimenté

Prévoir de nommer une part de personnel expérimenté dans les EPM et ayant de bons états de services pour éviter que de jeunes professionnels ne soient confrontés, sans aucun soutien, à des cas difficiles. Avant l’intégration en EPM, une formation appropriée et conjointe aux éducateurs et surveillants devra être suivie.

Une disposition similaire devrait être décidée pour les Centres éducatifs fermés (CEF) qui ne disposent souvent que de professionnels débutants, fréquemment non diplômés de surcroît.

Proposition n° 19 : organiser des dispositifs de soutien psychologique et de supervision des personnels

Mettre en place des dispositifs de soutien psychologique des personnels pour lutter contre les phénomènes d’usure professionnelle avec notamment des réunions de supervision avec un thérapeute extérieur à l’établissement.

Proposition n° 20 : prévoir une nouvelle forme de protection judiciaire des jeunes majeurs

Suite à l’abrogation imminente du décret de 1975 précité, réintroduire, par voie réglementaire, la possibilité d’un accompagnement des jeunes majeurs tout particulièrement pour ceux qui ont été suivis dans le cadre d’un CEF, d’un établissement pénitentiaire pour mineurs ou par un centre éducatif renforcé (CER). Il serait alors possible de prévoir une prise en charge conjointe entre le conseil général et le ministère de la Justice.

Proposition n° 21 : temps de surpervision pour le personnel des CEF

Compte tenu des exigences personnelles que suppose l’exercice dans les CEF, les personnels éducatifs doivent disposer régulièrement d’un temps de supervision avec un professionnel extérieur qui leur permette de prendre du recul vis-à-vis de leur pratique professionnelle.

Proposition n° 22 : passer des conventions locales de coopération entre les établissements de la PJJ et les structures de soin de pédopsychiatrie

S’inspirant de la méthode adoptée par les CEF à vocation de santé mentale, les DPJJ doivent nouer des partenariats avec les structures de soins de pédopsychiatrie afin que les établissements disposent d’une réponse médicale clairement identifiée en cas de crise.

PÉRÉNISER LES SOLUTIONS INNOVANTES

Proposition n° 23 : créer en région parisienne un établissement mixte sanitaire et éducatif pour accueillir les adolescents en crise

Un établissement expérimental comportant un important volet de soins pédopsychiatriques, permettant de recevoir des adolescents en crise doit être réouvert en Région parisienne en s’inspirant des avancées thérapeutiques mises en place à l’établissement de placement éducatif et de traitement de la crise de Suresnes (EPETC). Sa deuxième mission devra être d’assurer un soutien aux professionnels confrontés à des placements problématiques.

À la différence de l’EPETC, il est indispensable qu’un conseil scientifique indépendant valide les méthodes employées et veille à la bonne insertion de cet établissement dans le réseau de ceux de la PJJ.

Proposition n° 24 : clarifier les missions de la Structure intersectorielle pour adolescents difficiles (SIPAD)

Compte tenu des récents conflits de compétence entre services de psychiatrie, établissements relevant du secteur de pédopsychitrie et la SIPAD il convient de clarifier les missions de la SIPAD et son rayon d’action afin que les professionnels du secteur éducatif qui pourraient s’adresser à elle puissent le faire en toute connaissance de cause. Cette réorganisation doit permettre de structurer le réseau informel qui s’est construit entre établissement de la PJJ, les lieux d’accueil pour les soins ambulatoires et la SIPAD.

Proposition n° 25 : étendre des équipes mobiles de pédopsychiatrie

Prévoir l’extension des équipes mobiles de pédopsychiatrie avec une double vocation : faciliter l’accès aux soins des adolescents qui répugnent à s’adresser à la pédopsychiatrie et apporter un soutien technique aux professionnels notamment de la PJJ pour faire face aux moments de crise et orienter vers un service de soins adapté.

Proposition n° 26 : créer des dispositifs d’expertise et d’aide aux établissements sur le modèle du DERPAD

Créer sur le modèle du Dispositif Expert Régional Pour Adolescents en Difficulté (DERPAD) de la région parisienne, des dispositifs d’expertise et d’aide aux établissements confrontés à des situations de crise. Le DERPAD a réussi à proposer une procédure de soutien pour les professionnels qui se trouvent dans une impasse clinique avec un jeune particulièrement difficile. Ce « lieu ressources » permet à toutes les parties en présence, impliquées dans la gestion d’un cas problématique, de trouver une solution consensuelle grâce à la présence des experts du DERPAD qui jouent le rôle de m médiateurs.

ADAPTER LA FORMATION DES PERSONNELS DE LA PJJ AU TRAVAIL ÉDUCATIF DANS UN CADRE CONTRAIGNANT

Proposition n° 27 : former les éducateurs à la gestion de groupes

Renforcer la formation relative à la gestion des groupes et aux modes d’expression de la violence à partir de l’étude de cas concrets, dans la formation initiale comme dans la formation continue.

Proposition n° 28 : prévoir un enseignement pluridisciplinaire sur les adolescents difficiles

Développer un enseignement commun et pluridisciplinaire de tous les professionnels devant accompagner des mineurs délinquants et intégrer systématiquement un enseignement sur la psychologie de l’adolescence et sur les troubles du comportement dans les programmes de formation

LISTE DES DÉPLACEMENTS
DE LA MISSION D’INFORMATION

• 9 octobre 2008

Consultation de thérapie familiale de la DPJJ de Paris

— M. Gérard Le Jan, chef de service

— Mme Nadia Choudar, éducatrice

— Mme Marianne Bille-Desogère, psychologue

— Mme Sybille Le Blanc, psychologue

— M. Georges Nauleau, psychiatre

— M. Ronan Kervela, responsable du dispositif de milieu ouvert, PJJ de Paris

• 20 octobre 2008

Structure intersectorielle pour adolescents difficiles (SIPAD) de Nice

— Mme Chantal Philip, directrice de l’établissement

— M. Léopold Prigniel, directeur des soins

— Docteur Catherine Laffranchi, médecin chef de pôle

— Docteur Pierre Girardet, médecin psychiatre

— M. Denis Gossa, cadre supérieur de santé

— Mme Magali Fredy, cadre de santé

— Mme Julie Moni, éducatrice détachée de la PJJ

— Mme Delphine Berthon, éducatrice détachée de la PJJ

• 30 octobre 2008,

Établissement de prise en charge et de traitement de la crise (EPETC) de Suresnes

— M. Guy Bézat, directeur régional de la PJJ d’Île-de-France

— M. Christian Soclet, directeur départemental de la PJJ des Hauts-de-Seine

— M. Vincent Regnault, directeur du FAE de Suresnes

— M. Christian Rodriguez, chef de service de l’EPETC

— M. Gilles Barraband, pédo-psychiatre, praticien hospitalier

— M. Guillaume Monod, pédo-psychiatre, praticien hospitalier

— Mme Nadia Lakhouache, représentante du Conseil général des Hauts-de-Seine, pôle solidarité et aide sociale à l’enfance

— M. Xavier Serrier, juge des enfants, TGI de Nanterre

• 5 mars 2009

École nationale de protection judiciaire de la jeunesse

— M. Jean-Louis Daumas, Directeur

— M. Dominique Youf, Directeur chargé de la Recherche à l’ENPJJ.

• 2 avril 2009

Centre éducatif fermé de Valence

— M. Darnaud, Directeur Général de l’association de la sauvegarde de l’enfance de la Drôme

— Dr Fall, médecin psychiatre

— M. Bynau, psychologue

— Mme Zavaroni, cadre infirmier

— Mmes Maza et Majchrzak, infirmières

• 12 juin 2009

Quartier des mineurs de la Maison d’arrêt de Grasse et au Tribunal de grande instance

— M. Paul Botella, directeur

— M. Lanouar, directeur adjoint de la DPJJ

— Mme Mireille Tabbachioni, chef de service à la DPJJ

— Dr Véronique Nahmias, psychiatre

— Mme Laetitia Agostini, psychologue

— M. Jean-François Louaver, directeur adjoint

— M. Laurent Marino, surveillant, délégué FO

— M. Frédéric Lavaud, premier surveillant, délégué UFAP

— M. Fabrice Caujolle, surveillant, délégué UFAP

— M. Jean-Michel Jalade, premier surveillant, délégué USP

— M. Guy Roblin, surveillant brigadier, délégué CGT

Tribunal de grande instance de Grasse

— M. Jacques Lameyre, président du TG I

— M. Marc Désert, procureur de la République

— Mme Caroline Gontran, vice-présidente chargée de l’application des peines

— Mme Muriel Fusina, procureur adjoint

• 27 octobre 2009

Établissement pénitentiaire pour mineurs à Porcheville

— Mme Géraldine Blin, Directrice

— Mme Louisa Yazid, directrice adjointe

— Mme Sandrine Leroy, directrice du service éducatif de la PJJ

— Dr Francis Descarpenties, psychiatre

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA MISSION D’INFORMATION

(par ordre chronologique)

• Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF)

— Mme Catherine Sultan, présidente

• Institut mutualiste Montsouris

— Pr Philippe Jeammet, pédo-psychiatre 

• Direction de la protection judiciaire de la jeunesse

— M. Damien Mulliez, sous-directeur des missions de protection judiciaire 

• Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) 

— Dr Catherine Paulet (SMPR de Marseille), présidente

— Dr Françoise Huck, vice-présidente

— Dr Gérard Laurencin, trésorier (SPMR de Toulouse)

• Table ronde avec les syndicats de magistrats

— M. Laurent Bedouet, secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats

— Mme Virginie Valton, secrétaire nationale de l’Union syndicale des magistrats

— Mme Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la magistrature

— Mme Naïma Rudloff, secrétaire générale du Syndicat national des magistrats

• M. Michel Franza, directeur général de l’UNASEA

• Mme Fabienne Quiriau, directrice générale adjointe de l’UNASEA

• Dr Michel Botbol, psychiatre conseiller à la DPJJ 

• Dr Guillaume Monod, psychiatre

• Pr Philippe Barraband, psychiatre

• Mme Catherine Pouliquen, formatrice chargée du cahier des charges des CEF

• M. Philippe–Pierre Cabourdin, directeur de la PJJ

• Dr Patrick Alecian, directeur de la Maison des adolescents du Val-de-Marne

• Mme Dominique de Galard, conseiller santé du directeur, direction de l’administration pénitentiaire, Ministère de la justice

• M. Ronan Le Joubioux, conseiller technique au cabinet du ministre de la Santé chargé de la pédopsychiatrie

• Mme Hélène Strohl, inspectrice générale des affaires sociales

• Mme Martine Serra, directrice adjointe de la DPJJ de Seine St Denis 

• Pr Dinah Vernant, responsable de la consultation Espace santé jeunes à l’Hôpital de l’Hôtel –Dieu à Paris

• Mme Christine Chinosi, directrice du dispositif expert régional pour adolescents en difficulté (DERPAD)

• M. Jean-Michel Hervieu, directeur médical du dispositif expert régional pour adolescents en difficulté (DERPAD)

• Pr Sylvie Tordjman, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent CHU de Rennes et responsable d’une équipe mobile de pédopsychiatrie

ANNEXE 1 :
COÛT DE JOURNÉE DANS CHAQUE TYPE D’ÉTABLISSEMENT

 

Unité

2006
Réalisation

2007
Réalisation

2008
Réalisation

Secteur Public

Prix de journée d’une mesure de milieu ouvert, d’enquête sociale ou d’investigation et d’IOE

11

10

10

Dépense d’une journée de placement classique FAE – (UEHC)

472

436

506

Dépense d’une journée de placement CPI – (UEHC)

551

536

506

Dépense d’une journée de placement CER

766

739

636

Dépense d’une journée de placement CEF

636

667

663

Secteur Associatif Habilité

Dépense d’une mesure pour une investigation et orientation éducative (IOE)

3 131

3 042

3 252

Dépense d’une mesure d’enquête sociale

1 782

1 881

1 979

Dépense d’une mesure de réparation

713

706

719

Dépense d’une journée de placement CPI

340

342

361

Dépense d’une journée de placement classique MECS

161

208

168

Dépense d’une journée de placement CER

442

456

489

Dépense d’une journée de placement CEF

598

635

631

Dépense d’une journée de placement Jeunes majeurs

121

116

118

L’évolution des coûts entre 2007 et 2008 semble paradoxale au regard de l’amélioration des taux d’occupation. Ce paradoxe s’explique par l’augmentation des charges de personnel, qui impactent l’ensemble des coûts du Secteur Public.

Plus spécifiquement pour les établissements de placement, le recentrage au pénal en cours conduit à un renforcement de l’encadrement éducatif conformément au cahier des charges des UEHC (+ 2,1 % en ETPT), et à une élévation du niveau de qualification qui a une forte incidence sur l’évolution de l’indice moyen (+ 3,3 %). L’ensemble des établissements de placements collectifs du secteur public se rapprochent ainsi du niveau d’encadrement jusque-là en vigueur dans les CPI. Et, les résultats obtenus doivent être plutôt rapprochés des objectifs fixés antérieurement pour ce type d’établissements.

ANNEXE 2 : LES CRITÈRES DES TROUBLES DE CONDUITES SELON LES CLASSIFICATIONS MÉDICALES INTERNATIONALES

Plusieurs classifications internationales tentent de donner une définition des troubles de conduites du mineur. La classification internationale des maladies (CIM 10) de l’Organisation mondiale de la santé les définit « comme un ensemble de conduites répétitives et persistantes dans lesquels sont bafoués soit les droits fondamentaux des autres soit les normes ou règles sociales correspondant à l’âge de l’enfant ».

L’OMS a décrit une liste détaillée de symptômes qui doivent être présents depuis au moins six mois. Ces symptômes décrivent à la fois des traits de caractère comme par exemple : « est souvent en colère ou fâché » et font aussi référence à des comportements comme par exemple, le fait d’être cruel avec des semblables ou des animaux ou encore d’avoir délibérément mis le feu au bien d’autrui ou de l’avoir saccagé.

SYMPTÔMES DU TROUBLE DES CONDUITES SELON LA CLASSIFICATION
INTERNATIONALE DES MALADIES (CIM 10)

1.

A des accès de colère anormalement fréquents et violents, compte tenu du niveau de développement

2.

Discute souvent ce que lui disent les adultes

3.

S’oppose souvent activement aux demandes des adultes ou désobéit

4.

Fait souvent, apparemment de façon délibérée, des choses qui contrarient les autres

5.

Accuse souvent autrui d’être responsable de ses fautes ou de sa mauvaise conduite

6.

Est souvent susceptible ou contrarié par les autres

7.

Est souvent fâché ou rancunier

8.

Est souvent méchant ou vindicatif

9.

Ment souvent ou ne tient pas ses promesses, pour obtenir des objets ou des faveurs ou pour éviter des obligations

10.

Commence souvent les bagarres (ne pas tenir compte des bagarres entre frères et sœurs)

11.

A utilisé une arme qui peut sérieusement blesser autrui (par exemple un bâton, une brique, une bouteille cassée, un couteau, une arme à feu)

12.

Reste souvent dehors après la tombée du jour, malgré l’interdiction de ses parents (dès l’âge de 13 ans ou avant)

13.

A été physiquement cruel envers les animaux

14.

A délibérément détruit les biens d’autrui (autrement qu’en y mettant le feu)

15.

A délibérément mis le feu pouvant provoquer, ou pour provoquer des dégâts importants

16.

Vole des objets d’une certaine valeur, sans affronter la victime, à la maison ou ailleurs qu’à la maison (par exemple vol à l’étalage, cambriolage, contrefaçon de documents)

17.

Fait souvent l’école buissonnière, dès l’âge de 13 ans ou avant

18.

A fugué au moins à deux reprises ou au moins une fois sans retour le lendemain, alors qu’il vivait avec ses parents ou dans un placement familial (ne pas tenir compte des fugues ayant pour but d’éviter des sévices physiques ou sexuels)

19.

A commis un délit en affrontant la victime (par exemple vol de porte-monnaie, extorsion d’argent, vol à main armée)

20.

A contraint quelqu’un à avoir une activité sexuelle

21.

Malmène souvent d’autres personnes (c’est-à-dire les blesse ou les fait souffrir, par exemple en les intimidant, en les tourmentant ou en les molestant)

22.

Est entré par effraction dans la maison, l’immeuble, ou la voiture d’autrui

Cette classification dresse trois types principaux de troubles du comportement :

– le type caractérisé par une mauvaise socialisation et l’absence de relations amicales avec des enfants du même âge ;

– le type de troubles limités à la sphère familiale ;

– le type trouble oppositionnel avec provocation caractérisée par le fait de présenter plus de quatre symptômes dans la liste dressée par l’OMS.

La Classification de l’American psychiatric association ou diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM) IV qui est la classification la plus utilisée dans le monde, intègre le trouble de conduites à un ensemble plus vaste dénommé « déficit de l’attention et comportements perturbateurs ». Cette classification a aussi établi une liste de critères diagnostiques en distinguant les conduites agressives, les fraudes, les violations des règles établies. Cette classification cherche à distinguer ce qui relève des troubles de conduites avec un comportement oppositionnel et ce qui relève des troubles liés à l’hyperactivité et au déficit d’attention.

Une définition générale est d’abord proposée puis l’énumération de critères : ensemble des conduites, répétitives et persistantes, dans lequel sont bafoués les droits fondamentaux d’autrui ou les normes et règles sociales correspondant à l’âge du sujet, comme en témoigne la présence de trois des critères suivants (ou plus) au cours des douze derniers mois, et d’au moins un de ces critères au cours des six derniers mois.

CRITÈRES DIAGNOSTIQUES DU TROUBLE DES CONDUITES SELON
LA CLASSIFICATION DSM IV

Agression envers des personnes ou des animaux

1. brutalise, menace ou intimide souvent d’autres personnes

2. commence souvent les bagarres

3. a utilisé une arme pouvant blesser sérieusement autrui (par ex. un bâton, une brique, une bouteille cassée, un couteau, une arme à feu)

4. a fait preuve de cruauté physique envers des personnes

5. a fait preuve de cruauté physique envers des animaux

6. a commis un vol en affrontant la victime (par ex. : agression, vol de sac à main, extorsion d’argent, vol à main armée)

7. a contraint quelqu’un à avoir des relations sexuelles

Conduites où des biens matériels sont endommagés ou détruits, sans agression physique

8. a délibérément mis le feu avec l’intention de provoquer des dégâts importants

9. a délibérément détruit le bien d’autrui (autrement qu’en y mettant le feu)

Fraudes ou vols

10. a pénétré par effraction dans une maison, un bâtiment ou une voiture appartenant à autrui

11. ment souvent pour obtenir des biens ou des faveurs ou pour échapper à des obligations (par exemple« arnaque » les autres)

12. a volé des objets d’une certaine valeur sans affronter la victime (par exemple vol à l’étalage sans destruction ou effraction, contrefaçon)

Violations graves des règles établies

13. reste dehors tard la nuit en dépit des interdictions de ses parents, et cela a commencé avant l’âge de 13 ans

14. a fugué et passé la nuit dehors au moins à deux reprises alors qu’il vivait avec ses parents ou en placement familial (ou a fugué une seule fois sans rentrer à la maison pendant une longue période)

15. fait souvent l’école buissonnière, et cela a commencé avant l’âge de 13 ans.

Si on compare le DSM-IV et la CIM-10, les deux classifications s’accordent sur la définition globale et l’intérêt de différencier le trouble des conduites à début précoce versus à début tardif. Mais on observe des différences : la CIM-10 insiste sur l’aspect de la socialisation et le trouble oppositionnel avec provocation (TO) apparaît comme une sous-catégorie du trouble des conduites ; dans le DSM-IV, le TOP représente une catégorie diagnostique distincte et strictement individualisée.

Dans la CIM-10, le trouble déficit de l’attention/hyperactivité est dénommé « trouble hyperkinétique ». Il est proposé dans cette classification une catégorie mixte associant le trouble hyperkinétique et le trouble des conduites.

Le trouble des conduites est rarement isolé ; la littérature internationale révèle une comorbidité élevée et très diversifiée. L’une des pathologies psychiatriques les plus fréquemment associées à ce trouble est le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH). Certaines études épidémiologiques soulignent une continuité entre le TDAH de l’enfant et le trouble des conduites apparaissant à l’adolescence ; le TDAH durant l’enfance serait d’autant plus prédictif du trouble des conduites qu’il serait associé au trouble oppositionnel avec provocation (TOP). D’autres études plus récentes montrent que les symptômes de TDAH et TOP sont associés aux symptômes d’agression physique du trouble des conduites dès la petite enfance.

Classification des situations cliniques des enfants et adolescents

Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA)

IV - manifestations comportementales et troubles des conduites

4.1 Manifestations comportementales diverses

Retrait – isolement – comportement autistique – évitement relationnel

Passage à l’acte hétéro-agressif

Comportement intolérant-opposant (inclus : intolérance à la frustration, impulsivité, comportement opposant, hospitalité, provocation et menaces)

Tentative de suicide

Conduites à risques répétées – équivalent suicidaire

Autres comportements auto-agressifs (inclus : automutilation –scarring)

Abus d’alcool et/ou de produits toxiques Troubles du comportement sexuel (inclus : masturbation compulsive, désinhibition, conduite de provocation sexuelle)

4.2 Troubles des conduites sociales

Vol

Fugue, menace de fugue

Désinsertion sociale, marginalisation

Difficultés d’intégration avec les pairs

4.3 Autres troubles du comportement et des conduites sociales

Autres troubles du comportement et des conduites sociales

V - symptômes concernant les grandes fonctions

5.4 Symptômes concernant l’activité et la motricité

Agitation

Comportement hyperactif, instabilité

Ralentissement psychomoteur

Inhibition motrice, lenteur et manque de réactivité

Défaut d’attention

La classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA) ne consiste pas en une énumération de symptômes mais cherche à intégrer les troubles dans un processus pour évaluer le degré de pathologie. La CFTMEA 2000 représente la quatrième révision de la classification française : sans modifier ni les principes ni les modes d’utilisation de l’édition précédente, les auteurs ont introduit des innovations qui concernent plusieurs chapitres et ont cherché à définir des équivalences avec la CIM 10, enfin une partie de cette classification est consacrée aux très jeunes enfants (0 à 3 ans).

Antérieurement rattaché aux « troubles liés à l’usage de drogue et d’alcool », le chapitre consacré aux troubles du comportement a été totalement remanié : il porte désormais sur des troubles plus larges intitulés « troubles des conduites et des comportements ».

Certaines de ces manifestations constituent des syndromes d’individualisation récente, décrits en particulier aux âges extrêmes, chez le très jeune enfant et chez l’adolescent. La classification française prend donc ici en compte les orientations symptomatiques et comportementales, mais elle oblige, en même temps, le clinicien à s’interroger sur la signification de ces troubles. Plutôt que d’en, faire, trop vite, des entités significatives exclusivement sur les manifestations extérieures (les symptômes) il convient par une étude clinique et psychopathologique élargie, de rechercher la présence d’une pathologie sous-jacente qui commanderait, de tenir compte de cette comorbidité.

En dehors de cette éventualité, lorsque le syndrome comportemental suffit pour délimiter le cadre clinique, les catégories du chapitre 7 sont utilisées comme catégorie principale.

Ces cadres concernent des domaines très diversifiés:

– « troubles hyperkinétiques » (troubles de l’attention) (7.0), où l’instabilité trouve sa place.

– « troubles des conduites alimentaires » (7.1) où des précisions sont apportées sur les anorexies atypiques, les boulimies atypiques, les troubles des conduites alimentaires du nouveau-né, du nourrisson, de l’enfant.

– « tentatives de suicide » (7.2).

– « troubles liés à l’usage de drogue et d’alcool » (7.3).

– « troubles de l’angoisse de séparation » (7.4).

– « troubles de l’identité et des conduites sexuelles » (7.5) ; dans ce cadre sont différenciés les troubles de l’identité sexuelle, les troubles de la préférence sexuelle et d’autres manifestations de la même série.

– « phobies scolaires » (7.6). - autres troubles caractérisés des conduites (7.7) ; sous ce titre, se trouvent classés divers comportements dont la signification reste incertaine.

1 () Rapport d’information n° 911 de juin 2008, Pragmatisme et résultats concrets : pour un coup de jeune à la justice des mineurs, présenté par Mme Michèle Tabarot, rapporteure.

2 () Rapport de la mission interministérielle sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs : Réponses à la délinquance des mineurs, de Christine Lazerges et Jean-Pierre Balduyck, mai 1998.

3 () Rapport d’information n° 420 du Sénat (2005-2006) fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale par la mission d’information sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses, par MM. Philippe Goujon et Charles Gautier.

4 () Cf la proposition n° 53 du rapport de la Commission de propositions de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative aux mineurs délinquants, présidée par M. André Varinard, décembre 2008.

5 () Michel Botbol «  Éduquer et soigner les adolescents difficiles : la place de l’aide judiciaire contrainte dans le traitement des troubles des conduites », Neuropsychiatrie Enfance Adolescence, Editions Masson, 2009.

6 () Hubert Flavigny « De la notion de psychopathie », Revue de neuropsychiatrie infantile, 25, 1, 1975 1977, cité dans les auditions publiques d’experts pour le rapport sur la prise en charge de la psychopathie publié par la Haute autorité de santé (2006).

7 () Les chiffres indiqués sont ceux figurant au Répertoire des établissements et services de la DPJJ (édition juin 2009).

8 () Comptes rendus des travaux de la Délégation aux droits des femmes du Sénat, jeudi 25 juin 2009.


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