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N° 2203

_____________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

en application de l'article 29 du règlement

au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée

parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur l'activité de cette assemblée

au cours de la quatrième partie de sa session ordinaire de 2009

par M. Jean-Claude MIGNON

ET PRÉSENTÉ A LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en juin 2009, de : MM. Roland Blum, Georges Colombier, Mmes Claude Greff, Arlette Grosskost, MM. Denis Jacquat, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Jean-Paul Lecoq, François Loncle, Jean-Claude Mignon, Germinal Peiro, François Rochebloine, en tant que membres titulaires, et MM. Alain Cousin, Paul Giacobbi, Mme Françoise Hostalier, M. Michel Hunault, Mme Marietta Karamanli, M.  Noël Mamère, Mmes Christine Marin, Muriel Marland-Militello, M. Frédéric Reiss, Mme Marie-Line Reynaud, MM. René Rouquet, André Schneider, en tant que membres suppléants.

La Délégation du Sénat à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en juin 2009, de : M. Denis Badré, Mmes Josette Durrieu, Gisèle Gautier, MM. Francis Grignon, Jean-Pierre Masseret, Philippe Nachbar, en tant que membres titulaires, et M. Laurent Béteille, Mme Maryvonne Blondin, MM. Bernard Fournier, Jean-Claude Frécon, Jean-François Legrand, Yves Pozzo di Borgo en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5
I – Actualités de la délégation parlementaire
7

A – INITIATIVES de ses membres et nominations
8

B – RENCONTRES avec
LA DELEGATION FRANCAISE
9

II – Informations générales sur le déroulement de la session
11

A – Programme de la quatrième
partie de la session ordinaire de 2009
11

B – Textes adoptés
12

C – InterventionS des parlementaires français
16

iii – les droits de l’homme en europe Et dans le monde
18

A – la guerre entre la géorgie et la russie : un an après
18

C – respect des obligations et engagements de monaco
23

D – Le fonctionnement des institutions démocratiques en moldavie : mise en
œuvre de la résolution 1666 26

E – contestation pour des raisons formelles, des pouvoirs non encore ratifiés, de la délégation parlementaire de moldova
28

F – réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe
29

G – LES MISSIONS D'OBSERVATIONS électorales
30

1. Élections législatives en Bulgarie
30

2. Élections législatives anticipées en République de Moldova
32

3. Élections législatives en Albanie
33

IV – les nouveaux enjeux de la protection des droits de l’homme
34

A – les activités de l’organisation de coopération et de développement économique (ocde) en 2008-2009
34

B – ALLéGATIONS D’UTILISATION ABUSIVE DU SYST
èME DE JUsTICE PeNALE, MOTIVéE PAR DES CONSIDéRATIONS POLITIQUES, DANS LES éTATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE
38

C – la promotion des services de médias en ligne et sur internet adaptés
aux mineurs
43

D – les défis posés par le changement climatique
45

E – éLABORATION D'UN PROTOCOLE ADDITIONNEL à LA CONVE
NTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME
50

G – l’éducation culturelle : promotion de la culture, de la créativité et de la compréhension interculturelle par l’éducation
52

H – l’eau : un enjeu stratégique pour le bassin méditerranéen
59

I –  VERS UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DES OCéANS
61

j – QUINZE ANS APRES LE Programme d’action de la conférence internationale sur la population et le développement :
62

k –  LE VIOL DES FEMMES Y
COMPRIS LE VIOL MARITAL
62

V – L’avenir du conseil de l’europe
64

a – élection du secrétaire général du conseil de l’Eu
rope
64

b – Intervention de M. SAMUEL ŽBOGAR, ministre des affaires étrangères de SLOVÉNIE, président du Comité des ministres
64

c – communication de m. Thorbjørn JAGLAND, aprés son élection en ta
nt que secrétaire général du conseil de l’Europe :
68

D – l’avenir du conseil de l’europe : rapport de M. Jean-Claude MIGNON
69

e – intervention de M. pierre lellouche, secrétaire d’état aux affaires européennes
78

f – la réforme de l’onu et les états membres du conseil de l’europe
82

G – Intervention de M. Danilo Turk, président de la slovénie
87

ANNEXES
91

Annexe 1 Résolution 1683 (2009) – La guerre entre la Géorgie et la Russie : un an après
92

Annexe 2 Recommandation 1886 (2009) – L’avenir du conseil de l’Europe à la lumière de ses soixan
te années d’expérience
97

Annexe 3  Résolution 16
89 (2009) – L’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses soixante années d’expérience
100

Annexe 4 Recommandation 1884 (2009) – L’éducation culturelle : promotion de la culture, de la créativité et de la compréhension interculturelle par l’éducation
107

Annexe
5 Communiqué à la presse : Avenir du conseil de l’Europe – Jean-Claude Mignon : « de nouveaux défis à relever »
111

Annexe 6 Le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldova : mise en
œuvre de la Résolution 1666 (2009) : Résolution 1692 (2009) 112

Annexe 7 Proposition de résolution n° 12048 (2009) – la crise du lait et ses répercussions sur
l’agriculture
115

Annexe 8 Proposition de résolution n° 12062 (2009 – mesures propres à assurer les valeurs fondamentales du sport
116




INTRODUCTION

La quatrième partie de la session 2009 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a été marquée par un nouvel élan lié à la célébration du 60ème anniversaire.

En effet, la crise institutionnelle qui avait secoué l’institution au printemps 2009 s’est résolue par l’élection à la majorité absolue des voix d’un nouveau Secrétaire général, M. Thorbjørn Jagland. De même l’adoption à l’unanimité moins deux voix du rapport de M. Jean-Claude Mignon, président de la délégation française, sur l’Avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses soixante années d'expérience est un signal fort donné par l’Assemblée parlementaire sur sa volonté de redonner une visibilité importante tant à ces travaux qu’à l’ensemble de l’institution, notamment par une meilleure symbiose entre ses différents organes.

Les conclusions du rapport sur l’Avenir du Conseil de l’Europe mettent en évidence la nécessité pour l’institution de se recentrer sur ses missions fondamentales, à savoir la promotion des droits de l’Homme, notamment à travers l'État de droit, ainsi que la défense de la démocratie. Il est important de rappeler que le Conseil de l’Europe souffre à cet égard de son succès : la Cour européenne des droits de l'homme paraît un acquis de toujours alors que, dans sa forme actuelle, elle ne date que de 1998. Pour autant, il ne faut pas prendre pour acquis ce qui reste un combat quotidien, notamment au sein de l’Europe; la guerre l’année dernière entre la Géorgie et la Russie est là, malheureusement, pour le rappeler.

Le débat d'actualité sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme dans la région du Nord Caucase de la Fédération de Russie a mis en évidence qu'au sein même de l'Organisation, le travail relatif à la promotion des droits de l'Homme et à la construction d'un espace démocratique n'était ni un acquis ni un vain mot. Les missions d'observation des élections sont à ce titre des outils précieux pour permettre de bâtir, par le dialogue, des normes démocratiques afin que l'égalité des chances entre les candidats et les droits de l'opposition soient respectés. Risques de montée des irrédentismes sur fond de conflits interethniques et religieux, retour des nationalismes belliqueux, crispations identitaires sont des fléaux que seules l'éducation et le dialogue peuvent efficacement combattre.

A ce titre, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est un lieu d’échange irremplaçable, où les différentes cultures parlementaires permettent de construire un véritable espace de dialogue. C’est pourquoi le rôle de l’Assemblée parlementaire ne doit pas être sous-estimée dans la construction d’un espace pacifique.

Le recentrage du Conseil de l’Europe sur ses missions premières ne doit pas faire oublier que la notion de droits de l’Homme est d’une part une notion extensive, d’autre part que les valeurs qui la sous-tendent ne doivent pas pour autant être négligées. Raisons pour lesquelles, l'Assemblée parlementaire est un «laboratoire d'idées» qui doit permettre de faire face aux nouveaux défis en termes de promotion des droits de l'Homme. Une nouvelle génération de droits de l'Homme voit le jour : droit à un environnement sain et viable, droit à une éducation culturelle qui replace l'homme au centre de l'éducation, droit à une protection des mineurs face aux médias dont l'Internet.

Le Conseil de l'Europe a bien un avenir : il est le socle sur lequel s'arrime l'universalité des valeurs qui permettent de construire un espace pacifique et respectueux des droits de l'homme.

I – ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

La délégation parlementaire française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants)

Composition de la délégation en octobre 2009

Membres titulaires

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe APCE

M. Denis BADRÉ

Sénateur

UC

ADLE

M. Roland BLUM

Député

UMP

PPE/DC

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

PPE/DC

Mme Claude GREFF

Députée

UMP

PPE/DC

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

PPE/DC

M. Armand JUNG

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

SOC

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

GUE

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

SOC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

SOC

 

Député

NC

PPE/DC

Membres suppléants

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe APCE

M. Laurent BÉTEILLE

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

M. Alain COUSIN

Député

UMP

PPE/DC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

M. Paul GIACOBBI

Député

SRC

SOC

Mme Françoise HOSTALIER

Députée

UMP

PPE/DC

M. Michel HUNAULT

Député

NC

GDE

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jean-François LE GRAND

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Noël MAMERE

Député

GDR

GUE

Mme Christine MARIN

Députée

UMP

PPE/DC

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

PPE/DC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UC

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

SOC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

M. André SCHNEIDER

Député

UM

PPE/DC

La composition du bureau de la délégation est la suivante :

Président

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

 

Première vice-présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

 

Présidente déléguée
pour l’UEO

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

 
         

Vice-présidents

Mme Françoise HOSTALIER

Député

UMP

 
 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 
 

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

 
 

Mme Claude GREFF

Député

UMP

 
 

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

 
 

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

 
 

M. François LONCLE

Député

SRC

 
 

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

 
 

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

 
 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

 

A – INITIATIVES DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a présenté, au nom de la commission des questions politiques, un rapport sur l'Avenir du Conseil de l'Europe à la lumière de ses soixante années d'expérience.

Il a, en sa qualité de vice-président de l’Assemblée parlementaire, présidé les séances de celle-ci à deux reprises.

Mme Muriel Marland-Militello a été désignée rapporteure au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la science sur le droit de tous à participer à l’activité culturelle.

Mme Christine Marin a déposé une proposition de résolution sur la crise du lait et ses répercussions sur l'agriculture.

M. François Rochebloine a déposé une proposition de résolution afin de promouvoir une plus grande transparence dans les activités sportives.

B – RENCONTRES AVEC LA DELEGATION FRANCAISE 

A l’invitation du Représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe, les membres de la Délégation ont participé le dimanche 27 septembre à un dîner de travail au cours duquel les points les plus importants de l’ordre du jour de la quatrième partie de la session ordinaire 2009 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont été évoqués de manière détaillée, notamment la nécessité de procéder à l’élection du nouveau Secrétaire général du Conseil de l’Europe.

A l’initiative de M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne-UMP), président, les membres de la Délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont rencontré leurs homologues italiens, le mardi 29 septembre, à l’occasion d’un dîner de travail.

M. Jean-Claude Mignon a organisé un déjeuner de travail le mercredi 30 septembre avec les présidents des délégations suisses et monégasques.

M. Jean-Claude Mignon a rencontré, le jeudi 1er octobre, M. Pétré Tsiskarishvili, président de la Délégation géorgienne, pour évoquer l’évolution de la situation en Géorgie après le conflit avec la Russie.

A l'occasion de son intervention, ce même jour, devant l'APCE, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, M. Pierre Lellouche, a convié les membres de la Délégation française à un petit-déjeuner de travail le jeudi 1er octobre. A cette occasion, a notamment été évoquée la manière de poursuivre l'approfondissement de la coopération entre la délégation et le gouvernement et de rendre plus visibles les travaux menés au sein de l'APCE.

II – INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A – PROGRAMME DE LA QUATRIÈME PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2009

Lundi 28 septembre 2009

– Ouverture de la quatrième partie de la Session ordinaire de 2009 ;

– Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente ;

– La promotion de services de médias en ligne et sur Internet adaptés aux mineurs.

Mardi 29 septembre 2009

– Élection du Secrétaire général du Conseil de l’Europe ;

– Communication du Comité des ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Samuel Zbogar, ministre des affaires étrangères de la Slovénie, Président du Comité des ministres ;

– La guerre entre la Géorgie et la Russie : un an après ;

- Les défis posés par le changement climatique ;

- Intervention de M. Rajendra K. Pachauri, Président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations Unies ;

- L’éducation culturelle : promotion de la culture, de la créativité et de la compréhension interculturelle par l’éducation ;

- Intervention de M. Kurt Masur, chef d’orchestre.

Mercredi 30 septembre 2009

- Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en 2008-2009 ;

- Intervention de M. Angel Gurria, Secrétaire général de l’OCDE ;

– Débat d’actualité : la situation des défenseurs des droits de l’homme et la violence croissante dans la région du Caucase du Nord de la Fédération de Russie ;

– Allégations d’utilisation abusive du système de justice pénale, motivée par des considérations politiques, dans les États membres du Conseil de l’Europe ;

- Élaboration d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un environnement sain ;

- Contestation, pour des raisons formelles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de Moldova.

Jeudi 1er octobre 2009

– Réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe (article 9 du Règlement de l’APCE) ;

– La réforme des Nations Unies et les États membres du Conseil de l’Europe ;

– Discours de M. Danilo Türk, Président de la Slovénie ;

- L’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses 60 années d’expérience ;

- Intervention de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des Affaires européennes ;

- Respect des obligations et engagements de Monaco.

Vendredi 2 octobre 2009

– Le viol des femmes, y compris le viol marital ;

– Le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldova : mise en œuvre de la Résolution 1666 (2009) ;

– L’eau : un enjeu stratégique pour le Bassin méditerranéen ;

- Vers une nouvelle gouvernance des océans ;

- Clôture de la quatrième partie de la session ordinaire de 2009.

B – TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes, les avis, les recommandations et les résolutions :

– Aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– Définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– Les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Texte

Document

Commission des questions politiques

L’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses 60 années d’expérience

Rapporteur : M. Jean-Claude Mignon (France – PPE/DC)

• Résolution n°1689

• Recommandation n°1886

La réforme de l'Organisation des Nations Unies et les États membres du Conseil de l'Europe

Rapporteur : M. Gross (Suisse – SOC)

• Résolution n°1688

Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme

Allégations d'utilisation abusive du système de justice pénale, motivée par des considérations politiques, dans les États membres du Conseil de l'Europe

Rapporteure : Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger (Allemagne – ADLE)

• Résolution n° 1685

Commission des questions économiques et du développement

Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en 2008-2009:

Rapporteure : Mme Anna Lilliehöök (Suède –PPE/DC)

• Résolution n°1684

Commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales

Les défis posés par le changement climatique

Rapporteur : M. John Prescott (Royaume-Uni – SOC)

• Recommandation n°1883

• Résolution n°1682

Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un environnement sain

Rapporteur : M. José Mendes Bota (Portugal–PPE/DC)

• Recommandation n°1885

L’eau : un enjeu stratégique pour le Bassin méditerranéen

Rapporteur : M. Bernard Marquet (Monaco – ADLE)

• Résolution n° 1693


Vers une nouvelle gouvernance des océans

Rapporteur : Mme Maria Manuela de Melo (Portugal–SOC)

• Recommandation n° 1888

• Résolution n° 1694

Commission de la culture, de la science et de l’éducation

La promotion de services de médias en ligne et sur Internet adaptés aux mineurs

Rapporteur : M. József Kozma (Hongrie – SOC)

• Recommandation n°1882

L’éducation culturelle : promotion de la culture, de la créativité et de la compréhension interculturelle par l’éducation

Rapporteur : Mme Christine Muttonen (Autriche –SOC)

• Recommandation n°1884

Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes

Le viol des femmes, y compris le viol marital

Rapporteur : Mme Marlène Ruprecht (Allemagne –SOC)

• Résolution n°1691

• Recommandation n°1887

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe

La guerre entre la Géorgie et la Russie : un an après

Rapporteur : M. Luc Van den Brande (Belgique – PPE/DC) et M. Eörsi (Hongrie –ADLE)

• Résolution n° 1683

Le respect des obligations et engagements de Monaco

Rapporteur : MM. Leonid Slutsky (Russie –SOC) et Pedro Agramunt Font de Mora (Espagne–PPE/DC)

• Résolution n°1690

Réexamen, pour des questions substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe (article 9 du Règlement de l’Assemblée)

Rapporteur : M. Andréas Gross (Suisse-SOC)

• Résolution n° 1687

Contestation, pour des raisons formelles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de Moldova

Rapporteur : M. John Greenway (Royaume-Uni-GDE)

• Résolution n° 1686

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldova : mise en œuvre de la résolution 1666

Rapporteurs : Mme Josette Durrieu (France – SOC) et M. Egidijus Vareikis (Lituanie– PPE/DC)

• Résolution n°1692

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int

C – INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 28 septembre 2009

- Rappel au Règlement : Mme Josette DURRIEU ;

Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente : MM. Jean-Claude Frécon et Denis Badré ;

La promotion de services de médias en ligne et sur Internet adaptés aux mineurs : Mme Marietta Karamanli.

Mardi 29 septembre 2009

- Communication du Comité des ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Samuel Zbogar, ministre des affaires étrangères de la Slovénie, Président du Comité des ministres : M. Laurent Béteille, Mme Maryvonne Blondin et M. Jean-Claude Mignon ;

- La guerre entre la Géorgie et la Russie : un an après : Mmes Gisèle Gautier, Josette Durrieu et MM. Denis Badré, Jean-Pierre Kucheida.

- Les défis posés par le changement climatique : M. André Schneider, Mme Marietta Karamanli ;

- L’éducation culturelle : promotion de la culture, de la créativité et de la compréhension interculturelle par l’éducation : M. André Schneider, Mme Maryvonne Blondin, M. Laurent Béteille, Mmes Marietta Karamanli et Muriel Marland-Militello.

Mercredi 30 septembre 2009

- Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en 2008-2009) : M. Francis Grignon et Mme Arlette Grosskost ;

– Allégations d’utilisation abusive du système de justice pénale, motivée par des considérations politiques, dans les États membres du Conseil de l’Europe : MM. Jean-Paul Lecoq, Bernard Fournier, Laurent Béteille ;

– Élaboration d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un environnement sain : M. Jean-Claude Frécon.

Jeudi 1er octobre 2009

La réforme des Nations Unies et les États membres du Conseil de l’Europe : Mme Gisèle Gautier, M. Pozzo di Borgo, M. Jean-Claude Mignon ;

– Discours de M. Danilo Türk, Président de la Slovénie : Mme Gisèle Gautier.

- L’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses 60 années d’expérience : M. Jean-Claude Mignon (rapporteur), MM. André Schneider, Yves Pozzo di Borgo, Mme Maryvonne Blondin, M. Michel Hunault ;

- Respect des obligations et engagements de Monaco : M. Jean-Claude Mignon.

Vendredi 2 octobre 2009

– Le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldova : mise en œuvre de la Résolution 1666 (2009) : M. Jean-Claude Frécon ;

– L’eau : un enjeu stratégique pour le Bassin méditerranéen : M. Jean-Claude Mignon ;

III – LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A – LA GUERRE ENTRE LA GÉORGIE ET LA RUSSIE : UN AN APRÈS

L’Assemblée parlementaire, un an après le déclenchement de la guerre entre deux de ses États membres, la Géorgie et la Russie, a adopté les Résolutions 1633 (le 2 octobre 2008) et 1647 (le 28 janvier 2009) sur les conséquences de la guerre. Ces deux résolutions constituent la base d'une relance d'un dialogue de paix entre les deux pays.

Si l’Assemblée parlementaire réaffirme solennellement son attachement à l’intégralité territoriale et à la souveraineté de la Géorgie ainsi qu’à l’inviolabilité de ses frontières, elle reste préoccupée par les tensions et provocations qui ont lieu le long des frontières de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.

A ce titre, l’Assemblée a demandé à la Russie de se conformer à la feuille de route qu’elle a établie et aux autorités de facto d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud de lever les restrictions d’accès à leurs territoires. Elle a souhaité également que les conséquences humanitaires de la guerre soient prises en compte de manière à rétablir un dialogue constructif entre l’ensemble des parties aux conflits. Par ailleurs, elle a exigé que le cessez-le-feu soit entièrement respecté.

Selon Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP), un État membre du Conseil de l’Europe ne peut transiger avec la question des droits de l’homme, et, à ce titre, la Russie doit se conformer à ses obligations, sauf à discréditer l’Assemblée à laquelle elle appartient :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, rappelons-nous. Il y a un an, notre Assemblée, à la quasi unanimité, condamnait le déclenchement d’une guerre entre deux États membres et rappelait, à cette occasion, le principal objectif de notre Organisation : le maintien d’une paix durable sur notre continent. Nous espérions alors pouvoir répondre à la guerre par la médiation, refusant à la fois de valider les conséquences de cette escalade militaire, à savoir les déclarations d’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, mais aussi de stigmatiser les deux belligérants par leur mise au ban de notre institution. Notre principal objectif n’était pas tant de pointer les responsabilités de chacun dans la montée des tensions, puisqu’elles nous semblaient largement partagées, mais bien de répondre aux difficultés qui se faisaient jour, notamment sur le plan humanitaire, conséquence des frontières qui ont été érigées et qui sont inacceptables.

Comme le souligne le rapport de nos collègues, MM. van den Brande et Eörsi, aujourd’hui, force est de constater que nos ambitions se heurtent au cynisme le plus absolu, sous couvert d’arguments juridiques en déphasage avec l’urgence de la situation sur le terrain. L’absence de reconnaissance internationale de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud ne peut servir de justification aux restrictions d’accès qui pèsent encore sur les organisations internationales et humanitaires

Nous ne pouvons pas non plus tolérer que la Russie conditionne sa coopération aux enquêtes visant d’éventuels crimes de guerre et contre l’humanité, à une légitimation de la part du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales, des autorités de facto abkhazes et ossètes.

Nous aurons au cours de cette session un débat de politique générale sur l’avenir du Conseil de l’Europe. En se penchant régulièrement depuis un an, sur la situation dans le Caucase et les multiples violations des droits de l’homme enregistrées à l’occasion, puis après le conflit de l’été 2008, notre Assemblée respecte parfaitement le critère de la pertinence de l’intervention. En différant les mesures appropriées face aux entorses de la Russie à l’engagement qu’elle a souscrit auprès du Conseil lors de son adhésion, l’Assemblée parlementaire ne respecte pas le caractère symbolique qu’il faut conférer à celle-ci. La crédibilité de l’Organisation en est, à cet égard, affectée.

J’espère, en conséquence, que le débat d’aujourd’hui nous permettra, enfin, de prendre des dispositions dont le sens est plus que simple : un État membre du Conseil de l’Europe ne peut transiger avec les droits de l’homme, sous peine de s’exclure de lui-même de notre Organisation. A lui de prendre ses responsabilités. »

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a estimé que ce rapport n’est pas à la hauteur du courage politique qui s'impose et qui devrait conduire à souligner que la Russie était responsable du déclenchement des hostilités. Elle a également regretté que ce rapport n'insiste pas suffisamment sur le nécessaire respect de l'intégralité territoriale de la Géorgie :

«Ce rapport s’inscrit dans une double réalité politique : ambiguïté et erreur.

Ambiguïté politique, puisque ce rapport de 900 pages, que nous avons cru devoir commander pour savoir qui est responsable du déclenchement des hostilités me semble invraisemblable. Je crois que dans tout événement politique comme dans tout événement historique, on sait toujours dissocier les causes immédiates des causes réelles et profondes. Ces dernières font que les regards se portent sans conteste vers la Russie mais nous n’avons pas le courage de le dire. Nous nous tournons vers un rapport de 900 pages qui, probablement, finira par le dire, lui.

Erreur politique puisque les accords de paix de l’été 2008 sont douteux. La Présidence de l’Union européenne était alors française. Six points ont permis l’arrêt du conflit, mais un septième – le respect de l’intégrité d’un pays – n’a jamais été appliqué. Le rapporteur Eörsi a affirmé que la Russie n’avait pas mis ces points en œuvre. Si, elle a mis en œuvre celui qui n’y était pas, en entrant délibérément dans ce pays et en allant jusqu’à proclamer son indépendance.

Un an après, je dirai trois choses. D’abord, j’accorde personnellement le droit à la Russie d’affirmer qu’elle a une stratégie politique, une géopolitique stratégique autour de l’Eurasie et du Caucase dont la Géorgie est le pivot, une géostratégie économique et énergétique. L’Union européenne aurait le droit de mener la même politique mais elle n’en a pas la force.

En outre, la Russie interpelle et provoque : au cœur même des valeurs énumérées elle viole les valeurs internationales – souveraineté, indépendance, intégrité. Il y a la Géorgie et, à côté, la Moldova : recours à la force militaire sans mandat de l’ONU; non respect des engagements – accords et résolutions; occupation de la Géorgie et militarisation avec quelque 10 000 soldats; l’OSCE et les observateurs privés de leurs droits. Là comme ailleurs, l’Europe paie : 29 millions d’euros dont 14 millions en 2009. La Russie fait peser des menaces sur son étranger proche, parmi lequel il y a l’Europe. Je ne peux oublier les paroles de M. Lavrov, ministre des Affaires étrangères de Russie, en 2008 : Ce sera désormais le modèle de défense des intérêts de la Russie en matière de politique étrangère.

Pendant ce temps, la Géorgie a échoué à renverser son président. Elle s’est retirée de la CEI et fait partie des six États membres du partenariat oriental. Dans un an, nous ferons, je crois, un nouveau bilan qui sera probablement le même

M. Denis BADRÉ (Hauts-de-Seine – UC) a, quant à lui, souligné le fait que le rapport indique clairement que la Russie avait fait litière des demandes de l’Assemblée parlementaire jusqu’à ce jour. Il rappelle que les valeurs du Conseil de l'Europe ne sont pas négociables :

«Le rapport ferme et responsable de nos collègues MM. Luc Van den Brande et Matyas Eörsi déplore le gel de la situation sur le terrain, un an après le déclenchement de la guerre, et dénonce le fait que les principales demandes de notre Assemblée ne sont toujours pas satisfaites.

Nos rapporteurs en viennent donc à envisager la contestation des pouvoirs de la délégation russe en janvier prochain si aucun progrès n’intervient entre-temps. Je considère personnellement qu’ils ont raison ; une absence de réaction de notre part vaudrait approbation.

Nous sommes bien obligés de constater à nouveau que la politique du fait accompli paie. Deux territoires situés à l’intérieur des frontières géorgiennes sont sous contrôle russe, des portions de ces territoires étant occupées. Cette guerre a permis également à la Russie de faire une démonstration de force à proximité des routes stratégiques d’approvisionnement en hydrocarbures de l’Europe. Cette question non plus ne peut être réglée par la force.

Notre collègue M. Kosachev nous invitait, hier après-midi, à réécrire l’histoire. Par exemple, nous voyons effectivement évoluer le discours officiel russe sur le pacte germano-soviétique du 23 août 1939, ce pacte qui fut dénoncé par la Douma, il y a vingt ans. Nécessité faisait alors loi. Le 23 août 1989, deux millions de Baltes avaient en effet choisi de se souvenir de cet accord et de ses épouvantables conséquences en formant une chaîne humaine de six cents kilomètres, démonstration populaire éclatante, tellement porteuse de sens.

Quant à l’entrée de l’Armée rouge en Pologne, le 17 septembre 1939, autre conséquence des protocoles secrets du pacte Molotov-Ribbentrop, ne fut-elle pas présentée par les plus hautes autorités russes, il y a quelques jours, à Gdansk, comme une intervention destinée à protéger les populations polonaises? Ce même argument de protection a, depuis, beaucoup servi dans divers pays. Il y a un an, il était de nouveau utilisé à l’endroit des minorités d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Soyons donc, mes chers collègues, très prudents face aux relectures de l’histoire.

Cela dit, il convient de prendre en compte les problèmes rencontrés par les minorités. Cela doit être pour nous une préoccupation centrale. Simplement, et cela a déjà été lourdement dit, ils ne peuvent être traités durablement et dans le respect de tous que par le dialogue, jamais par la guerre, jamais par la force.

Il est des cas où s’impose la Realpolitik. Je ne méconnais pas les impératifs auxquels peut être soumise la diplomatie officielle; mais n’est-ce pas précisément dans ces cas extrêmes que la diplomatie parlementaire trouve tout son sens, une assemblée parlementaire, une assemblée d’hommes et de femmes libres, et plus que toute autre parmi les assemblées parlementaires l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a, aujourd’hui comme hier, pour responsabilité éminente de rappeler haut et clair qu’il est des valeurs qui ne sont pas négociables? Si nous ne le faisons pas, qui le fera?»

M. Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais – SRC) a, pour sa part, souhaité que l’on évite d’avoir une attitude munichoise en acceptant de facto le démembrement de la Géorgie et a appelé la Russie et la Géorgie à profiter de cette enceinte, pour, enfin, adopter un dialogue constructif :

«Monsieur le Président, Je remercie les rapporteurs, Luc Van den Brande et Matyas Eörsi, pour leur travail qui permet de faire le bilan de l’évolution des relations entre la Géorgie et la Russie, une année après le conflit qui les a opposés.

Il faut souligner la réelle actualité de cette question, car, après la Russie, le Vénézuela et le Nicaragua ont reconnu l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, reconnaissance immédiatement regrettée par la Géorgie, reconnaissance, il faut bien le dire, dérisoire.

Il faut reconnaître que les relations entre la Russie et la Géorgie n’ont guère connu de progrès après une année de négociations et de médiation diplomatique. On observe une volonté de la part de la Géorgie de prendre son indépendance vis-à-vis de l’héritage russe.

L’attitude de la Russie est plus délicate, laissant percevoir une certaine réticence à voir la question des querelles l’opposant à la Géorgie être abordée au cœur des institutions internationales. Nous ne pouvons néanmoins avoir une attitude munichoise en acceptant le démembrement de la Géorgie.

Il est donc essentiel de préserver le dialogue entre ces deux États, d’autant que les regains de tension sont encore fréquents. En ce sens, les discussions qui se poursuivent entre ces deux pays apparaissent très insuffisantes. Cependant, la question humanitaire reste inquiétante dans le sens où les territoires de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie demeurent inaccessibles, ou presque, aux missions humanitaires ou aux missions d’observation.

Sans doute avons-nous à réexprimer notre volonté de voir la population civile, première victime de ces tensions, ne pas souffrir de l’isolement auquel elle est réduite par endroits.

Au-delà des habiletés provocatrices de la Russie qui n’accepte pas la partition de son empire et de l’orgueil sans limites et irréaliste du Président Géorgien Saakashivili qui a largement entamé son capital immense de confiance populaire en très peu de temps, nous devons être attentifs à la douleur des femmes, des hommes et surtout des enfants souvent innocents et qui souffrent dans leur chair et dans leur esprit de situations auxquelles ils ne comprennent rien.

Les représentants de la Russie et de la Géorgie sont ici présents. Je les ai écoutés. Vous les avez écoutés. Qu’attendent-ils pour dialoguer ? Vous vous grandiriez et vous honoreriez le 60e anniversaire du Conseil de l’Europe et ses valeurs.»

La résolution 1683 a été adoptée.

B – DÉBAT D’ACTUALITÉ : LA SITUATION DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME ET LA VIOLENCE CROISSANTE DANS LA RÉGION DU CAUCASE DU NORD DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

Dans la Fédération de Russie, le Caucase Nord est une région géographique et culturelle dans laquelle vivent plus de 40 peuples possédant différentes cultures et confessions, et parlant une multitude de langues différentes. La région comprend sept républiques : l’Adyghéie, le Karatchaevo-Tcherkessie, le Kabardino-Balkarie, l’Ossétie du Nord-Alania, l’Ingouchie, la Tchétchénie et le Daghestan.

L’Assemblée parlementaire a organisé un débat d’actualité sur la situation des défenseurs des droits de l’homme dans la région du Caucase Nord de la Fédération de Russie, région dans laquelle le nombre d’assassinats des défenseurs des droits est en recrudescence du fait d’une montée croissante de la violence. Le récent assassinat de Mme Natalia Estemirova, défenseure des droits de l’homme et membre de l’ONG Mémorial, ne peut que rappeler cette triste situation.

L’intérêt du débat ne consistait pas à chercher nécessairement des coupables mais à analyser les causes de cette situation, peur et insécurité, qui s’est étendue à l’ensemble du Nord Caucase.

Le commissaire aux Droits de l’Homme, M. Thomas Hammerberg, a fait part de sa profonde préoccupation face à une situation où l’impunité est reine notamment en Tchétchénie et en Ingouchie. Le terrorisme est le terreau sur lequel fleurissent la violence et la répression. De nombreuses disparitions ne sont pas élucidées, notamment celles des 3 000 disparus en Tchétchénie durant les deux guerres. Les défenseurs des Droits de l’Homme se sentent de plus en plus menacés, et il y a une forte amertume depuis la fermeture à Grozny des bureaux du Mémorial.

La montée de la violence ne touche pas uniquement les défenseurs des droits de l’Homme, mais les policiers et les officiers tués aussi dans l’exercice de leurs fonctions.

Pour autant, comme le soulignait un orateur, renoncer à l’habeas corpus pour lutter contre le terrorisme ne peut que faire empirer une situation déjà complexe, dans laquelle s’entremêlent réflexes claniques, tensions interethniques et religieuses ancrées sur le sol d’une pauvreté extrême. Renoncer au droit pour rétablir l’ordre c’est alors perdre nos valeurs et faire la part belle à l’impunité et au cercle vicieux des représailles.

Un moyen d’apaiser les citoyens serait de faire en sorte que les coupables des meurtres d’Anna Politkovskaïa et de Natalia Estemirova soient identifiés et traduits en justice.

La Fédération de Russie craint la montée des irrédentismes dans cette région. La situation est plus complexe qu’il n’y paraît à première vue dans la mesure où ce ne sont pas uniquement des facteurs politiques qui expliquent la montée de la violence, mais une extrême pauvreté alimentée par des logiques claniques et un sentiment d’impunité générale du fait d’une corruption généralisée, d’un État en déshérence et d’une absence d'État de droit dans la région.

Le débat d’actualité, conformément au Règlement, n’a pas été suivi d’un vote. Le Bureau peut, à un stade ultérieur, proposer que la question soit renvoyée à la commission compétente pour établir un rapport.

C – RESPECT DES OBLIGATIONS ET ENGAGEMENTS DE MONACO

Les rapporteurs ont proposé de clore la procédure de suivi relative au respect des obligations et engagements de Monaco, au vu des progrès substantiels accomplis, par la principauté monégasque, depuis son adhésion au Conseil de l'Europe, il y a cinq ans.

Monaco a d'ores et déjà adhéré à un nombre important de conventions, a réformé son code civil et son code pénal pour se mettre en conformité avec les valeurs du Conseil de l'Europe. Seule reste en suspens la question de l'adhésion au Protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme et à la Charte sociale révisée du fait d'une situation spécifique à Monaco, les citoyens monégasques sont en minorité dans leur propre pays, 7 000 citoyens pour 30 000 résidents. Cette situation atypique ne pourra qu'être prise en compte.

D'autre part si d'importants progrès permettent de parler du Conseil national comme d'une instance législative à part entière, des améliorations sont encore attendues.

En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment de capitaux, de nombreuses initiatives, notamment législatives, ont permis d'envisager une lutte plus efficace.

Un dialogue sera instauré dans le cadre de la procédure de post-suivi qui devrait permettre de lever les réserves que l'on pourrait encore faire quant au respect de l'ensemble des obligations.

Comme l’a souligné M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), les relations entre la France et Monaco sont anciennes et du fait d'une relation géographique imbriquée, leurs rapports ont pu, par le passé être ambivalents. L'adhésion de Monaco, au Conseil de l'Europe, a pu, ainsi, lever toute ambiguïté sans que l'étroitesse des rapports ne disparaisse :

« Mes chers collègues, en tant que Président de la délégation française au Conseil de l’Europe, et membre de la commission de suivi, je tiens à saluer le travail remarquable effectué par les rapporteurs de la commission pour le respect des obligations et engagements : M. Pedro Agramunt et M. Leonid Slutsky.

Je me réjouis de constater que cinq après l’adhésion de Monaco au Conseil de l’Europe, adhésion dont nous ne pouvons tous que nous féliciter, Monaco est bien engagé sur la voie des réformes démocratiques. La spécificité de Monaco est due, en effet, à une position géographique originale, sise entre la France et l’Italie, et à un territoire national exigu : un Rocher surplombant une des plus belles baies de la côte méditerranéenne.

De ce fait, les rapports entre Monaco et la France sont anciens et étroits : ce qui implique une relation de confiance et de solidarité. Le vote par l’Assemblée nationale de la loi du 19 juin 2008 autorisant la ratification de la convention du 8 novembre 2005 destinée à adapter et approfondir la coopération administrative entre la République française et la Principauté de Monaco a levé, depuis, toute ambiguïté dans les relations franco-monégasques.

Monaco est un pays entièrement souverain même si la géographie explique du fait de l’imbrication des territoires, que la coopération entre les deux pays ait pu, dans un premier temps, entraîner une ambivalence dans leurs rapports du fait d’une relation qui a pu être perçue, parfois, comme trop étroite. Legs de l’Histoire, ces spécificités administratives ne sont plus, car le propre d’une relation de confiance entre deux pays, est justement de pouvoir s’ajuster à un avenir en marche.

La relation de confiance et de solidarité, je devrais même dire chaleureuse, qui caractérise nos deux pays n’est pas le seul résultat d’une proximité géographique et d’un passé commun. Ces deux facteurs ont pu, justement, faciliter des interdépendances, notamment économiques, qui n’ont fait que renforcer les liens amicaux entre nos deux pays.

Monaco, grâce à son attrait touristique indéniable, participe à l’économie française. Ce sont 34 000 travailleurs français non résidents qui contribuent à la prospérité de Monaco par leur travail et qui en retour réinjectent près d’un milliard d’euros de salaires dans l’économie française. Mais Monaco incarne aussi le rêve : un territoire dans lequel se côtoient nombre de nationalités différentes et qui tout en gardant son identité a su intégrer pacifiquement les minorités qui vivent sur son territoire. Monaco, c’est aussi une prospérité économique que nous envions tous. Prospérité économique qui se traduit par une quasi-absence de criminalité.

C’est pourquoi nous saluons l’entrée, à part entière, de Monaco dans notre belle institution car le portrait que nous avons fait s’il dresse une démocratie quasi-idyllique n’est pas pour autant parfait. Les ajustements courageux que Monaco a dû faire sont le juste prix que tous les pays de notre Assemblée ont fait et continuent à faire afin d’adapter leurs institutions à davantage de démocratie.

Plus nous sommes exigeants envers nous-mêmes, meilleur sera le monde que nous construirons et léguerons à nos enfants : car c’est à travers le dialogue que nous instaurons dans cette enceinte que nous apprenons à nous connaître, à nous respecter et à évoluer afin que les valeurs du Conseil de l’Europe puissent être respectées, non plus seulement dans l’enceinte européenne, mais dans le monde entier.

Ce dialogue que nous instaurons est un modèle pour nos institutions : un modèle de respect mutuel et de construction de la paix.

C’est un modèle que nous proposons au monde. Savoir faire évoluer nos institutions respectives pour nous conformer aux abandons, en quelque sorte de souveraineté, que nous avons volontairement et pleinement consentis, en signant la Convention d’adhésion au Conseil de l’Europe. C’est un modèle que nous proposons au monde : une coopération volontaire pour nous conformer à des valeurs exigeantes que nous définissons en commun. C’est, en quelque sorte, un modèle de civilisation, courageux et optimiste car il repose sur la croyance en un monde qui peut changer grâce à notre action politique positive. C’est parce que nous avons foi dans les hommes et dans leurs capacités à construire un homme meilleur que le Conseil de l’Europe n’a pas uniquement un passé mais un avenir.

Monaco a fait un choix courageux en adhérant à notre institution. Saluons ce choix !

Le Conseil de l’Europe est la vigie de notre civilisation et son avenir y est corrélé. Car les Droits de l’Homme ne sont pas des valeurs relatives, ils ne sont pas négociables, ils sont des valeurs universelles qu’il nous faut promouvoir dans le monde entier ! Car le Conseil de l’Europe est le phare de notre civilisation : qu’il reste allumé pour nous guider dans un monde en mouvement où le relativisme des valeurs pourrait écorner les droits de l’homme !

Je vous remercie de votre attention. »

La résolution demandant la levée de la procédure de suivi a été adoptée à l'unanimité.

Le président du Conseil national de la principauté de Monaco, M. Stéphane Valeri, est intervenu pour remercier l'Assemblée parlementaire de la confiance qu'elle a exprimé par son vote. Il a mis en évidence le plaisir et la fierté qu'il avait de voir son pays considéré comme un membre à part entière du Conseil de l'Europe.

D – LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN MOLDAVIE : MISE EN œUVRE DE LA RÉSOLUTION 1666

L’Assemblée parlementaire suit l’évolution démocratique de la Moldova depuis 1996, date de l’ouverture de la procédure de suivi.

La présente résolution (1692), dont la co-rapporteure est Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) au nom de la commission de suivi avec M. Egidijus Vareikis (Lituanie –PPE/DC), avait pour objectif l’observation du fonctionnement des institutions démocratiques en Moldavie. Elle fait suite à la résolution 1666, qui condamnait les actes de violence post-électoraux d’avril 2009.

L’Assemblée parlementaire a salué une amélioration substantielle du fonctionnement des institutions démocratiques : remise en liberté de toutes les personnes arrêtées en lien avec les événements post-électoraux, enquêtes en cours, … Pour autant, elle a demandé aux autorités moldaves, d’autoriser, dès réception, la publication du rapport du Comité de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

L’Assemblée a noté que les élections de juillet 2009 se sont déroulées dans le calme, même si des irrégularités persistent, et a engagé les autorités moldaves à coopérer avec le Conseil de l’Europe de manière à réformer le système constitutionnel pour éviter que les blocages institutionnels qui ont donné lieu à des élections anticipées ne perdurent. En effet, si les élections du 29 juillet 2009 ont modifié l’équilibre des forces politiques en Moldova, la crise institutionnelle n’est pas pour autant résolue car aucune force politique ne dispose de la majorité nécessaire pour élire le Président de la République.

Du fait d’un changement de l’ordre du jour décidé par le Bureau le lundi matin, Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC), malgré sa demande de maintien de l’ordre du jour initial, n’a pu défendre son rapport en séance publique, celui-ci ayant été déplacé le vendredi en fin d’après-midi au lieu du mardi initialement prévu. De même, les représentants moldaves n’ont pu assister au débat. Elle s'est élevée contre ce changement dans un rappel au règlement le lundi 28 septembre au matin:

«Le rapport sur la Moldova devait être débattu mardi soir. Nous aurions été tous là, les représentants de la délégation moldave et les deux rapporteurs. Or, ce matin, le Bureau a remis ce débat au vendredi. Aucun de nous ne pourra être présent. Ce n’est pas acceptable.

Nous vous demandons donc de maintenir ce débat au mardi soir ou, au pire, en début de séance mercredi matin : les représentants de la délégation ne seront plus là mais il y aura un rapporteur sur les deux. Nous pouvons difficilement accepter de tels changements sur des débats aussi essentiels.

J’en profite pour ajouter, si je n’ai pas l’occasion de le dire à un autre moment, que, si la démarche en Moldova, est compliquée, elle est exemplaire. Il n’y a pas de crise en Moldova ; il y a un blocage au niveau du fonctionnement : on a élu le président du parlement, désigné le premier ministre, mis en place le gouvernement ; on n’a pas le nombre de voix nécessaires pour élire le président. Il n’y a pas de crise en Moldova, mais un processus compliqué et qui se déroule pourtant de façon exemplaire. Je vous l’aurais dit, si je ne peux le faire mardi ou mercredi.»

Les progrès substantiels des autorités moldaves quant au fonctionnement démocratique des institutions appellent, selon la rapporteure, à un soutien de l’Assemblée parlementaire par le vote du projet de résolution.

M. Jean-Claude Frécon (Loire– SOC), a tenu à saluer le remarquable travail des rapporteurs et a proposé une synthèse des problèmes institutionnels auxquels la République de Moldova est confrontée :

« L’excellent rapport de nos collègues Mme Durrieu et M. Vareikis vient souligner une nouvelle fois que le chemin vers la maturité démocratique peut être long, surtout au sein de jeunes États traversés par des lignes de fracture, tant idéologiques que géopolitiques. Il est difficile de demander à une population de se déterminer clairement sur ses orientations futures quand elle ne sait même pas si les frontières de son pays sont appelées à perdurer. Il est difficile pour les électeurs de se déterminer clairement alors que la vie politique demeure encore marquée par des pratiques d’un autre temps : une couverture tendancieuse de l’actualité politique par les médias, des mesures subtiles d’intimidation, etc.

L’évolution démocratique en Moldova est normale, même si elle est parfois difficile. La Constitution est appliquée normalement, malgré l’environnement et les tensions que nous connaissons. Il ne s’agit pas d’une situation de crise, mais plutôt d’une situation de blocage institutionnel. En effet, il y a une majorité au parlement, avec 53 sièges sur 100, qui a élu normalement un président du parlement, un premier ministre et un gouvernement. La confiance accordée la semaine passée par le parlement à M. Vladimir Filat, en vue de former un nouveau gouvernement, va, à cet égard, dans le bon sens.

Mais cette majorité n’est pas suffisante pour que la coalition au pouvoir puisse élire le Président de la République, puisqu’il faut obtenir pour cette élection au moins 61 voix sur 101 membres du parlement. C’est cet aspect-là que j’ai qualifié il y a un instant de blocage institutionnel.

Rappelons en outre que la solution du problème de la Transnistrie passe également par l’émergence d’un nouveau gouvernement stable. Je voudrais noter, à cet égard, que le nouveau vice-premier ministre vient d’être chargé de ce dossier.

Le Conseil de l’Europe n’a pas pour ambition de s’immiscer dans la vie politique intérieure des États. Notre mission consiste simplement à vérifier que les principes démocratiques sont pleinement respectés. Si l’alternance fait partie du jeu classique de la démocratie, l’« union sacrée » est également une solution à ne pas mésestimer quand il s’agit de l’avenir d’une démocratie.

Alors, comment sortir du blocage ? La troisième tentative d’élections législatives prévue le 11  novembre prochain apportera-t-elle une majorité plus confortable ? Sinon, faudra-t-il aller vers une réforme de la Constitution, par une diminution du seuil exigé pour l’élection du Président de la République ou par une élection au suffrage populaire ? En tous cas, le Conseil de l’Europe doit être prêt à accompagner les évolutions en cours en Moldova. Ce pays, qui a démontré sa volonté de progresser vers un fonctionnement plus démocratique, le mérite ! »

La résolution a été adoptée à l’unanimité.

E – CONTESTATION POUR DES RAISONS FORMELLES, DES POUVOIRS NON ENCORE RATIFIÉS, DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE DE MOLDOVA

A l’ouverture de cette partie de la session, les pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la République de Moldova ont été contestés pour des raisons formelles en application de l’article 7 du Règlement de l’Assemblée.

La constitution de la délégation moldave n' aurait pas été conforme à l’article 6.2 du Règlement qui dispose qu’il doit y avoir une représentation équitable des parties ou groupes politiques existant dans les Parlements au sein de la délégation.

La saisine de la Commission du Règlement, dans le cas d'une contestation, est alors automatique.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) s’était exprimée à ce sujet, le lundi matin, en faisant un rappel au Règlement pour contester que l'on puisse ainsi remettre en cause les pouvoirs de la délégation parlementaire moldave :

« Je constate que les pouvoirs de la délégation moldave sont contestés. Monsieur le Président, vous ne nous dites pas pourquoi ; ceux qui les contestent pas plus ! Nous prenons acte d’une décision arbitraire, dans la mesure où nous ne pouvons en apprécier le fondement. En qualité de rapporteurs du rapport sur la République de Moldova avec mon collègue M. Vareikis, nous nous sommes inquiétés de cette situation. La délégation incomplète est positionnée réglementairement par rapport aux conditions que nous posons. Ce ne serait pas la seule délégation qui serait incomplète. Monsieur le Président, je demande à connaître l’ensemble des éléments objectifs pour apprécier la situation. »

Le président de l'Assemblée parlementaire, M. Lluis Maria de Puig a répondu que la contestation étant conforme au Règlement, la Commission du Règlement devait se saisir de la question qu'elle soit fondée ou non :

« Madame Durrieu, sachez que nous avons discuté ce point dans le cadre du Bureau. Aux termes du Règlement, nous ne pouvons empêcher qu’un membre de notre Assemblée conteste une délégation pour des raisons formelles. Le Bureau et moi-même sommes obligés de suivre le Règlement. La Commission du Règlement étudiera donc la contestation de M. Kox. Nous ne sommes pas autorisés à ouvrir un débat ; sur ce point, le Règlement est très clair.»

Après l'examen de cette question par la commission du Règlement, celle-ci a conclu à la conformité de la représentation parlementaire à l’article 6 du Règlement. S’il y a une représentation équilibrée qui prend en compte les droits de l’opposition, pour autant, la délégation ne comprend que six membres alors qu’elle pourrait en comprendre dix.

La commission a donc demandé à l’Assemblée de ratifier les pouvoirs de la délégation moldave et d’approuver le projet de résolution, tout en l'engageant à être complète pour la prochaine session.

De manière plus générale le rapporteur du texte a souhaité que le Règlement soit revu, afin d’éviter qu’un seul député puisse contester les pouvoirs d’une délégation. Il souhaiterait que soit envisagée une procédure allégée quand les pouvoirs ne sont, visiblement pas contestables, ou qu’un débat contradictoire puisse immédiatement se dérouler dans l’hémicycle en cas de contestation des pouvoirs d’une délégation parlementaire.

La proposition de résolution a été votée à l’unanimité.

F – RÉEXAMEN, POUR DES RAISONS SUBSTANTIELLES, DES POUVOIRS DÉJÀ RATIFIÉS DE LA DÉLÉGATION RUSSE

Le 11 septembre 2009, 72 députés ont déposé une proposition de réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe au titre de l’article 9.1 du Règlement de l’Assemblée parlementaire. Ils reprochaient à la Russie de ne pas respecter les obligations et engagements qui découlent des Résolutions 1633 et 1647, à savoir le respect d’une feuille de route impartiale et transparente visant à faire face aux conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie.

Si l’Assemblée a regretté que la Fédération de Russie ait accompli peu de progrès, elle a souhaité, néanmoins, ne pas rompre le dialogue avec la délégation parlementaire, même si certains de ces membres se sont publiquement prononcés contre le respect par la Russie de ses exigences.

Fort de la croyance en un dialogue renforcé et à la création « d’une culture de respect mutuel », la commission du règlement a proposé de ne pas rejeter les pouvoirs de la délégation russe.

Le projet de résolution a été adopté par l’Assemblée par 88 voix pour, 35 voix contre et 10 abstentions.

G – LES MISSIONS D'OBSERVATIONS ÉLECTORALES

1. Élections législatives en Bulgarie

Les élections législatives qui se sont tenues en Bulgarie le 5 juillet 2009, les premières depuis l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne, ont fait l’objet d’une mission d’observation de l’OSCE et de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Un certain nombre d’irrégularités ont été constatées qui amènent le Bureau à se demander s’il ne faudrait pas réengager une procédure de post-suivi alors que la Bulgarie fait l’objet d’un dialogue de post-suivi.

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) a tenu à souligner que, si certains éléments s’avèrent positifs notamment l’ancrage de la Bulgarie dans le socle européen, certaines questions demeurent préoccupantes telles que «l’achat de voix» :

«Monsieur le Président, mes chers collègues, je souhaite intervenir sur les élections législatives en Bulgarie, qui se sont tenues le 5 juillet dernier. Je vous rappelle que notre Assemblée a failli ne pas observer ces élections, en raison de ce que le rapport de notre collègue M. Iwinski qualifie de « coopération très limitée de la part du Parlement bulgare ». Ce fait est regrettable, mais il est sans doute à mettre sur le compte d’un dysfonctionnement d’ordre pratique.

Si ces élections ont été globalement satisfaisantes, le rapport souligne néanmoins un certain nombre de difficultés, à tel point que le Bureau de l’Assemblée pourrait «envisager d’engager la réouverture de la procédure de suivi » pour la Bulgarie, qui fait aujourd’hui l’objet d’un dialogue post-suivi.

La Bulgarie a beaucoup souffert d’un régime de type soviétique qu’elle a connu jusqu’à l’effondrement du « bloc de l’Est ». Surmonter les séquelles de cette période est indéniablement pour elle un grand défi à relever.

L’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne, le 1er janvier 2007, lui a été bénéfique, puisque son économie s’en est trouvée stimulée et le niveau de vie de ses habitants accru.

Pour autant, à l’occasion de son adhésion, une série de mesures d’accompagnement spécifiques a été prévue, en particulier un mécanisme de coopération et de vérification. Ce mécanisme, qui concerne aussi la Roumanie, a pour objet d’améliorer le fonctionnement du système législatif, administratif et judiciaire, et vise à remédier aux lacunes de la lutte contre la corruption. Il donne lieu à un suivi, assuré notamment par des experts de la Commission européenne.

Ce mécanisme assignait initialement à la Bulgarie un certain nombre d’objectifs de référence, parmi lesquels : modifier la Constitution de manière à assurer l’indépendance et la responsabilisation du système judiciaire, garantir la transparence et l’efficacité du processus judiciaire, mieux prévenir et combattre la corruption, notamment aux frontières et au sein de l’administration locale, mettre en œuvre une stratégie de lutte contre le crime organisé…

Plusieurs rapports publiés par la Commission européenne, bien que notant les efforts engagés, sont plutôt sévères pour la Bulgarie. Ils soulignent diverses lacunes législatives et l’existence de faiblesses administratives et judiciaires. De manière générale, ils mettent en évidence des résultats insuffisants en matière de lutte contre le niveau élevé de corruption, en particulier à l’échelon local, et la criminalité organisée. Par ailleurs, des allégations de fraude affectaient la réalisation de programmes d’aides financières de l’Union européenne, à tel point que le versement à la Bulgarie de crédits communautaires, alloués au titre de la préadhésion, a été suspendu en juillet 2008 ; une partie de ces fonds a néanmoins été débloquée par la suite.

Certes, les résultats concrets se font encore trop souvent attendre – et la question de l’achat des voix doit être résolue très rapidement. Mais les progrès accomplis, par exemple en matière de conflit d’intérêts, d’organisation du système judiciaire ou de financement des partis politiques, ne doivent pas être sous-estimés au regard de la situation qui prévalait avant l’adhésion à l’Union européenne.

Le mécanisme de coopération et de vérification n’est pas exempt de défauts et peut contribuer à stigmatiser le pays visé. Pour autant, il a joué un rôle positif pour stimuler la mise en œuvre des réformes en Bulgarie. Sans doute le volet coopération du mécanisme devrait-il être approfondi, y compris de la part des autres États membres. La France joue d’ailleurs un rôle actif pour inscrire la Bulgarie dans une dynamique positive de réforme.

De surcroît, n’oublions pas que la Bulgarie est un pôle de stabilité démocratique dans les Balkans. Elle joue un rôle positif en mer Noire et entretient des liens étroits avec la Russie avec laquelle elle crée un pont culturel et linguistique utile à toute l’Europe.»

Le 18 septembre 2009, le Parlement bulgare, issu des nouvelles élections, a adopté une déclaration à l’occasion du 60ème anniversaire du Conseil de l’Europe : il a envoyé un signal fort de coopération avec le Conseil de l’Europe afin d’assainir la situation de manière à ce que les prochaines élections puissent se dérouler selon les standards du Conseil de l’Europe, égalité d’accès aux médias, transparence, information,…

2. Élections législatives anticipées en République de Moldova

Le 29 juillet dernier, des élections législatives anticipées ont eu lieu en République de Moldova afin de pallier la situation institutionnelle complexe qui empêchait d’élire le président de la République, faute d’une majorité suffisante issue des urnes. Le résultat des élections a été un changement de majorité sans que celui-ci n'ait permis de dégager une majorité suffisante qui puisse passer outre la question institutionnelle.

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) a tenu à saluer l’importance des missions d’observation des élections, qui dans le cas présent, montrent toutes leur pertinence du fait d’une amélioration substantielle du scrutin depuis les dernières élections, celles d’avril 2008, qui avaient été sujettes à de nombreuses irrégularités et avaient donné lieu à des violences post-électorales. Cependant, l’urgence, aujourd’hui, consiste à régler la question institutionnelle afin de ne pas décourager les citoyens moldaves dans leur rapport au politique et à la politique :

« Monsieur le Président, revenir sur le scrutin moldave du 29 juillet dernier nous permet de souligner l’intérêt des missions d’observation des élections organisées par le Conseil de l’Europe : il a en effet été vérifié qu’un certain nombre de recommandations adressées à Chisinau lors de consultations antérieures ont bien été mises en œuvre. A l’heure de la célébration du 60e anniversaire du Conseil de l’Europe, voilà qui me semble pour le moins encourageant. Il faut le souligner.

Notre excellent rapporteur, M. Eörsi, rappelait que nous avons aussi le devoir de replacer les élections dans leur contexte lorsque nous revenons sur telle ou telle élection. Faisons-le donc à propos de la République de Moldova. Aujourd’hui, mon inquiétude tient donc surtout à une forme de défiance exprimée par les citoyens moldaves à l’égard de cette consultation. Le taux d’abstention, même s’il est en léger recul, reste en effet anormalement élevé si l’on considère les enjeux du vote, puisque c’est bien la question de l’intégration européenne qui était au cœur des débats. Excusez du peu !

La Moldavie doit désormais s’atteler à une véritable réforme constitutionnelle en vue d’éviter toute paralysie des institutions. Je souscris aux conclusions de la commission ad hoc quand celle-ci indique qu’il convient de supprimer la condition de majorité qualifiée dans la procédure d’élection du Président lorsque le Parlement a été dissous. Les ambiguïtés concernant le statut juridique ou les modalités de prorogation du mandat du président sortant doivent également être levées.

L’urgence tient pour l’instant à la formation d’un nouveau gouvernement. Rappelons que l’Union européenne, comme le Fonds monétaire international, sont disposés à soutenir la République de Moldova dès lors qu’un nouveau gouvernement entrera en fonction.

Si l’on souhaite rendre un peu plus crédible le processus électoral aux yeux des citoyens moldaves, si l’on souhaite que la démocratie deviennent une réalité vivante en Moldova – j’y reviens – il me semble nécessaire qu’une solution soit trouvée rapidement. C’est indispensable pour réduire la défiance de l’opinion publique à l’égard du politique et de la politique.»

3. Élections législatives en Albanie

Une mission d’observation électorale s’est rendue en Albanie pour observer les élections parlementaires qui se sont déroulées le 28 juin 2009. Ces élections sont intervenues après un compromis politique qui a permis l’adoption d’un nouveau code électoral, d’un nouveau système électoral, d’une nouvelle administration des élections, de nouvelles procédures de décomptes des voix et de publication des résultats.

Si le rapport souligne les progrès inhérents à la réforme législative, il apparaît néanmoins que la confiance doit être restaurée au sein de la population, ce qui signifie une transparence plus grande en termes de financement de médias, l’arrêt des mesures d’intimidation, notamment à l’endroit des fonctionnaires, éléments récurrents, selon la rapporteure, d’une élection à une autre. Elle insiste sur le fait qu’un retard de plus d’un mois dans la publication des résultats n’est pas acceptable, même si les autorités l’attribuent à la nature technique des votes électroniques : question qui devra néanmoins être résolue aux prochaines élections.

IV – LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

A – LES ACTIVITÉS DE L’ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE (OCDE) EN 2008-2009

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a siégé en formation élargie, ouverte aux délégations des États membres non européens de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du Parlement européen, pour débattre des activités de l’OCDE.

L’Assemblée parlementaire a ainsi passé en revue les activités de l’OCDE en 2008-2009. Si le débat de l’an dernier avait été occulté par l’actualité de la crise économique et financière, sans véritable précédent, qui frappait l’économie mondiale, la résolution 1684 qui a été adoptée par l’Assemblée parlementaire a cherché à tirer les enseignements de la crise financière en proposant notamment des pistes pour éviter un nouveau séisme financier mondial, tout en élargissant son champ de réflexion à l’ensemble de l’économie mondiale.

A ce titre, l’Assemblée parlementaire espère un élargissement de l’OCDE notamment au Chili, à l’Estonie, à Israël, à la Fédération de Russie et à la Slovénie ainsi que la poursuite de la participation à des travaux de fond de l’OCDE dans le cadre du programme de l’«engagement renforcé».

Il est important de souligner que de l’avis de l’Assemblée élargie, le plein respect de la démocratie, des droits de l’homme et de l'État de droit, y compris le droit international, doivent constituer un critère essentiel pour déterminer s’il convient d’inviter un pays candidat à rejoindre l’Organisation.

L’Assemblée élargie a mis en garde les pays sur les risques inhérents à une dégradation importante de leurs finances publiques et sur la nécessité qu’il y avait à ne pas se réfugier derrière la crise pour laisser filer les déficits, ni à faussement se protéger derrière l’écran délétère du protectionnisme.

Par ailleurs, l’Assemblée fait part de son inquiétude relative à la dégradation de la situation sociale et sanitaire. Le taux de chômage élevé dû à la crise ne peut avoir que des conséquences néfastes en termes de risques de discrimination et de cohésion sociale. A ce titre, l’Assemblée salue la nouvelle formulation de la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi dans la mesure où elle permet d’évaluer les mesures prises par les pouvoirs publics en faveur des personnes les plus durement touchées par la crise économique.

De plus, l’Assemblée rappelle aux États membres l’urgence de promouvoir des énergies renouvelables afin de développer une croissance axée sur des fondements solides.

En outre, l’Assemblée s’inquiète de la montée du sentiment xénophobe, accentué en situation de crise économique et sociale, qui se manifeste essentiellement à l’endroit des migrants.

Elle rappelle aussi la nécessité pour l’OCDE de poursuivre ses études sur l’efficience de l’enseignement et les processus d’apprentissage afin de formuler des propositions qui renverse la tendance actuelle : une augmentation des dépenses de l’éducation sans corrélation avec une amélioration des résultats.

A ce titre, elle encourage l’OCDE à envisager l’étude des idées et des comportements entrepreneuriaux, en particulier chez les jeunes.

M. Francis Grignon (Bas-Rhin-UMP) a particulièrement mis en évidence l’urgence pour l’OCDE de consacrer ses études à un assainissement des pratiques économiques et, plus particulièrement, à replacer l’homme au centre du système économique grâce à une croissance davantage riche en emplois qu’en montages financiers :

« Notre débat sur les activités de l’OCDE prend un relief particulier un an après le déclenchement de la crise. Je remercie Mme  LillieHöök d’avoir abordé avec beaucoup de compétence la problématique de la crise.

On le sait maintenant, laisser la banque Lehman Brothers, quatrième banque d’affaires américaine, faire faillite fut une terrible erreur. Personne n’avait imaginé qu’une banque d’une telle taille puisse disparaître avec toutes les conséquences qui ont largement été évoquées ici ce matin.

Un an après, nous pouvons raisonnablement penser que nous avons évité le pire. Les économistes sont globalement d’accord pour estimer que nous avons su tirer les leçons de la grande crise de 1929, d’abord en finançant des plans de relance colossaux avec les conséquence sur les financements des États, mais il s’agissait d’agir dans l’urgence, et surtout en résistant aux tentations protectionnistes.

Le monde a donc évité le pire, mais l’Europe semble à la traîne. Il est paradoxal, en effet, de constater que les États-Unis, là où est née la crise, semblent sortir plus rapidement de la récession que la zone euro, qui, une fois encore, souffre de ses défauts de gouvernance.

Non seulement les mesures européennes de relance ont été incomparablement plus modestes que les mesures américaines, mais elles ont été mises en œuvre de façon unilatérale, selon des stratégies peu coopératives, par des États qui n’ont pas su surmonter leurs intérêts. La crise a révélé, s’il le fallait encore, les inconvénients de l’absence d’une gouvernance économique forte en Europe.

Les menaces les plus sérieuses semblent derrière nous, mais les risques de rechute existent toujours. Certes, la crise financière stricto sensu est terminée, mais le chômage est loin d’être résorbé. Cela demeure ma principale préoccupation. Prenons garde à la tentation du business as usual ! Les premiers signes de reprise, du reste très fragiles, ne doivent pas conduire à négliger, voire oublier la nécessité des réformes. Rappelons-nous que nous n’avons pas su tirer les leçons de certaines affaires du début de cette décennie, comme le scandale Enron.

Notre devoir, en tant qu’élus politiques, est de créer les conditions de la meilleure employabilité possible pour nos concitoyens. C’est pourquoi j’espère que l’OCDE saura, au-delà de ses constats, conseiller à ses ressortissants les modes de régulation économiques qui permettront aux entreprises de production de prospérer, car ce sont elles qui sont à l’origine de la création d’emplois. Si, dans l’activité économique, il n’y a pas de l’innovation, de la production en amont, puis de la consommation en aval, il n’y aura plus besoin d’entreprises financières et commerciales. Alors cessons de faire la part belle aux montages financiers divers et variés qui ne font que protéger quelques privilégiés pour nous concentrer sur l’économie réelle seule à même de répondre aux attentes de nos concitoyens.

Je souhaite vraiment que l’OCDE ne se borne pas à constater les tendances, mais qu’elle prodigue aussi des conseils en prenant en compte la dimension humaine de l’activité économique.».

Mme Arlette Grosskost (Haut-Rhin-UMP) a tenu à rappeler le caractère particulier de cette crise financière qui a secoué la planète et a insisté sur l’urgence qu’il y aurait à rétablir des règles saines en matière de finance internationale. La régulation du système bancaire est la clé de voûte qui permettra de sortir définitivement de ce type de crise systémique :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, l’année dernière, à l’occasion de l’examen du rapport sur l'activité de l’OCDE, je relevais que l'économie mondiale était entrée dans une zone d’incertitude à hauts risques. Si le système a, globalement, évité l’effondrement du fait de réactions publiques immédiates et fortes, notamment par la mise en œuvre des divers plans de relance, les conséquences de la crise sont cependant d’une gravité exceptionnelle. Et le système financier mondial est loin d’être guéri.

Je soulignais en 2008 l'incapacité des marchés financiers à s’autoréguler. Je ne peux donc que souscrire à la proposition de l’OCDE tendant à élaborer un « cadre concerté afin d'améliorer la réglementation et la supervision des marchés financiers ». Mon temps de parole n’étant pas illimité, je m’attacherai à un point : la nécessaire réduction de la complexité des marchés financiers.

L’innovation financière à tout prix a conduit à la multiplication de produits de plus en plus sophistiqués, que beaucoup de dirigeants bancaires ont d’ailleurs avoué ne pas comprendre. Cette tentation de l’hypersophistication était renforcée par la prime qui allait à toute innovation reconnue. Paradoxalement, comme le notait récemment le sous-gouverneur de la Banque de France, Jean-Pierre Landau, cette apparente diversité des produits financiers camouflait une réelle uniformité : « Derrière ces voiles aux multiples couleurs, régnait une profonde uniformité dans l’approche du risque. » C’est ce qui a contribué à rendre la crise plus profonde, lorsqu’elle est survenue.

Complexité aussi du fait de l'interdépendance des systèmes financiers et de l’existence de contreparties multiples, ce qui pouvait conduire à imaginer le risque mieux réparti. La crise a montré que c'était en fait l'inverse. Le risque de contrepartie a augmenté.

De manière plus générale, ce système opaque est plus fragile et moins robuste. Le Président du Comité de Bâle, M. Wellink, relève ainsi que le manque de transparence sur le profil de risque des institutions et les produits structurés a été l'un des principaux amplificateurs de la crise. Aux États-Unis, la crise des années 30 avait conduit à l'adoption de la loi Glass-Steagall qui, en séparant les activités des banques d'investissement de celles des banques de dépôt, interdisait à ces dernières de spéculer avec l’argent des « gens ordinaires ». L’abrogation de cette loi en 1999 est considérée par beaucoup d’économistes comme l'une des clés de la crise actuelle. La complexité du système financier actuel, pour partie artificielle, ne saurait perdurer, car les mêmes causes peuvent reproduire les mêmes effets. Aussi est-il impératif de stabiliser le système monétaire mondial et d’intégrer plus de transparence et plus de réglementation.

Comme l’ont noté la Chancelière Angela Merkel, le Premier ministre Gordon Brown et le Président Nicolas Sarkozy, l’un des enjeux clés du sommet de Pittsburgh est de « concevoir l’architecture d’un cadre de régulation internationale pour le secteur financier afin qu'il soit au service de l’investissement et de la croissance », et non, ajouterais-je, au service des seuls traders et spéculateurs. Comme l’a souligné un conseiller du Président Sarkozy, M. Henri Guaino, « il n'est pas question de laisser les institutions financières faire ce qu’elles veulent et faire ensuite régler la facture par le contribuable. On ne peut leur octroyer qu'une liberté surveillée ».

Il faut notamment aller vers des exigences supplémentaires en matière de fonds propres des banques, vers plus de transparence et de contrôle. Il est en même temps certain que ce tournant ne sera efficace que s'il s'opère au plan mondial. Après deux ans de chaos, la nécessité de repenser le capitalisme s’impose. Une nouvelle gouvernance mondiale, plus respectueuse de l’individu et de l’environnement, doit être définie. Les sujets de réflexion sont nombreux et les idées neuves commencent à fleurir. Dans ce contexte, l’OCDE a un rôle important à jouer, non seulement pour l’analyse des faits mais aussi pour ses conseils et recommandations.

En conclusion, je salue le travail remarquable accompli une nouvelle fois par notre commission des questions économiques et du développement et par sa rapporteuse, Mme  Lilliehöök. »

Le secrétaire général de l’OCDE, M. Gurria, est intervenu pour présenter la politique suivie par l’OCDE dans ses analyses afin de résorber la crise financière notamment en soutenant les efforts en vue d’une meilleure régulation des règles en matière financière.

Une discussion s’en est suivie sur l’urgente nécessité qu’il y avait à repenser le système économique mondial afin de se garantir des crises à venir. Plusieurs amendements ont été proposés.

La résolution telle qu’adoptée insiste ainsi sur la réflexion que l’OCDE doit mener afin de réfléchir sur les conséquences que ses conseils sur les politiques à suivre ont joué dans la vulnérabilité aux crises des systèmes monétaires, financiers et économiques et est invitée à présenter ces résultats devant l’Assemblée parlementaire au cours des dix mois qui viennent.

B – ALLÉGATIONS D’UTILISATION ABUSIVE DU SYSTÈME DE JUSTICE PENALE, MOTIVÉE PAR DES CONSIDÉRATIONS POLITIQUES, DANS LES ÉTATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE

La résolution 1685 préconise de renforcer l'État de droit à travers l'indépendance de la justice, notamment en matière pénale. Elle rappelle que l'indépendance de la justice est inhérente à la constitution d'un véritable État de droit et qu'elle doit être protégée, de ce fait, de toute ingérence motivée par des considérations politiques, ce qui à pour conséquence :

- des nominations de juges fondées sur le seul mérite ;

- une protection renforcée des juges contre les sanctions disciplinaires qui seraient motivées par des raisons politiques ;

- une indépendance financière : garantie contre les risques de corruption ;

- une indépendance organique au sein de l'institution judiciaire ;

- l'institution de conseils de la magistrature indépendants.

Cette résolution se fonde sur une analyse du système pénal dans quatre pays, représentatifs de traditions juridiques différentes qui peuvent apparaître comme des idéaux-types en termes de système juridiques pénaux : la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Fédération de Russie.

De manière générale, les traditions relatives aux pays membres ne sont pas remises en cause, mais dans des pays où la tradition hiérarchique est relativement importante, tels l'Allemagne ou la France, le rôle de l'avocat de la défense devrait être accrue et l'indépendance du Parquet renforcée

Le projet de résolution conclut à une ingérence plus ou moins grande du pouvoir politique au sein de l'ensemble des pays membres, il préconise des solutions adaptées à chaque pays. En ce qui concerne la France, l'Assemblée parlementaire a demandé spécifiquement :

- de renoncer à la suppression du juge d'instruction ou de l'accompagner d'un renforcement de l'indépendance du Parquet ;

- de réévaluer le salaire des juges afin de le rendre équivalent à la moyenne européenne ;

- de renoncer à la réforme du Conseil supérieur de la Magistrature dans laquelle le nombre de juges nommés par leurs pairs sera inférieur à ceux nommés par les autorités politiques ;

- d'allouer des moyens supplémentaires à l'aide juridictionnelle.

De manière générale, l'Assemblée invite la Cour européenne des droits de l'homme à accorder sa préférence aux requêtes fondées sur une violation de l'indépendance de la justice pénale pour des raisons politiques.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime- GDR) est intervenu au nom du groupe GUE, afin de soutenir le projet de résolution. En accord avec la rapporteure sur la critique inhérente à la suppression du juge d'instruction en France, il a néanmoins rappelé la nécessité d'un équilibre des pouvoirs afin que les juges ne puissent pas abuser de « la puissance de juger » (Montesquieu). Il a conclu sur l'importance qu'il y aurait pour chaque État membre à replacer le justiciable au cœur du système de la justice pénale :

«Monsieur le Président, mes chers collègues, je souhaiterais saluer dans un premier temps l’excellent travail de notre collègue Mme Sabine Leutheusser Schnarrenberger

Riche et sans équivoque, ce rapport laisse apparaître l’immersion dans laquelle notre rapporteure a été plongée lors de ses recherches, pour une analyse saisissante et pertinente des différents systèmes de justice pénale en Europe. La variété de ces systèmes s’explique par le legs de l’histoire propre à chaque État, chacun présentant des imperfections pour lesquelles des recommandations sont proposées. L’intérêt du sujet est certain : l’éclatement récent de scandales médiatiques montre l’existence d’ingérences politiques abusives dans le système de justice pénale.

Les mots de Montesquieu, «tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser», prennent bien tout leur sens dans ce rapport. C’est pourquoi, dans L’esprit des lois, il a préconisé un partage des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Cette théorie, socle de la démocratie et de l’état de droit, si elle a connu au fil des organisations politiques quelques variantes pour éviter le blocage des institutions, n’en demeure pas moins une règle intangible. Pourtant la tentation de la confusion des pouvoirs est toujours grande, notamment celle de l’immixtion de l’exécutif dans le judiciaire, confusion dangereuse pour le justiciable.

Néanmoins, si l’indépendance judiciaire doit être une garantie de l’état de droit, il importe de rappeler que Montesquieu se méfiait de la « puissance de juger » qui pourrait conduire au gouvernement des juges. C’est pourquoi la garantie de l’indépendance judiciaire, mais d’une indépendance régulée, reste le ciment de l'État de droit. A ce titre, si l’indépendance garantit l’impartialité de la justice, car il ne peut y avoir indépendance sans impartialité, les juges doivent avoir une responsabilité dans les jugements qu’ils édictent afin de ne pas céder aux sirènes d’un pouvoir sans limites.

Mais la qualité de la justice passe par l’effectivité de cette indépendance et de cette impartialité. A cet égard, le rôle de la CEDH, dans l’application, notamment de l’article 6-1 de la CEDH, qui a rendu réellement effective la notion de droit à un procès équitable, est à souligner. La Cour souffre par ailleurs de son excès de succès qui se traduit par un engorgement de son prétoire.

Actuellement, en France, nous devons faire face à une grande vague réformatrice dont l’ultime but est de renforcer les pouvoirs de l’exécutif : le présent rapport préconise, d’ailleurs, certaines recommandations à l’égard du rapport Léger. Celui-ci est considéré par la profession comme un musellement de l’ordre judiciaire où la raison d’état l’emporterait sur l’état de droit. C’est pourtant grâce aux juges d’instruction, malgré leurs imperfections, que des scandales retentissants ont été mis au jour, qu’il s’agisse de l’affaire du sang contaminé, des HLM de Paris, sans oublier l’affaire Clearstream dont le procès est en cours.

Depuis que ces scandales ont mis en lumière les abus et débordements de certaines personnalités politiques, le juge d’instruction est entré dans le collimateur de l’exécutif qui souhaite dès lors amoindrir le rôle du juge à son profit. L’affaire d’Outreau a servi de prétexte commode pour convaincre une opinion publique traumatisée.

Pourtant les réformes de ces dernières années avaient corrigé les principaux défauts du juge d’instruction, notamment en accordant un rôle plus important à la défense. Comment peut-on sérieusement affirmer que seront effectivement remplis les critères de l’indépendance et de l’impartialité si le Parquet, devenu maître des enquêtes – de leur opportunité et de leur conduite - reste sous l’autorité hiérarchique du gouvernement ?

Il est bien évident qu’une suppression du juge d’instruction qui ne s’accompagnerait pas d’une indépendance structurelle du Parquet serait néfaste pour la liberté et la démocratie. C’est d’ailleurs la position de la CEDH dans l’arrêt Medvedyev du 10 juillet 2008, par lequel elle estime que « le procureur français n’était pas une autorité judiciaire, dès lors qu’il lui manquait l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif ».

Quelle justice pénale pour les justiciables à faibles ressources qui n’auront pas les moyens de payer une contre-expertise face à un ministère public qui dispose de moyens exorbitants – la police, par exemple ? La mise en place d’un système accusatoire exige plus de moyens pour les droits de la défense. Et la France ne se donne pas les moyens de ses prétendues prétentions ! C’est pourquoi nous pensons que la volonté réelle de cette réforme n’est pas de progresser vers un système accusatoire à l’anglaise, qui exigerait des moyens supplémentaires, mais uniquement de permettre à l’exécutif une mainmise sur la justice pénale, en s’arrogeant le pouvoir d’opportunité des poursuites. Désormais, que les proches de l’exécutif dorment sur leurs deux oreilles car le clientélisme est plus que jamais de mise. Les privilèges sont de retour et à bas l’indépendance de la justice – comme en Fédération de Russie, la justice, par exemple !

A travers ce rapport, c’est chaque état qui est invité à dresser le bilan de ses manquements pour s’y attaquer dans le cadre de réformes utiles et en adéquation avec les valeurs et principes européens visant à promouvoir la démocratie par le droit. Et c’est à ce prix que le Conseil de l’Europe disposera d’instruments efficaces permettant la coopération dans le domaine judiciaire entre les états.

Placer le justiciable au cœur du système de la justice pénale c’est retrouver le sens des priorités. Le groupe salue le bien-fondé et la qualité de ce rapport : un outil indispensable à la promotion d’une justice pénale européenne harmonieuse et efficace. Nous invitons tous nos collègues à le soutenir par leur vote, reconnaissant ainsi les valeurs d’impartialité et d’indépendance ici défendues, gages de la démocratie. »

A l'opposé, M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a fait part de sa perplexité quant à l'objet d'un rapport qui critique une réforme en cours mais dont les contours sont encore incertains. Il s'est demandé si l'Assemblée n'était pas sorti de son rôle. Sans se prononcer sur l'opportunité d'une réforme du juge d'instruction, il s'est interrogé, en revanche, sur le bien fondé d'une critique qui suppose que des manœuvres politiques sont à l'origine de sa suppression :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, je ne vous cacherai pas que la lecture du rapport de Mme Leutheusser-Schnarrenberger m’a laissé perplexe. Ce rapport est motivé par le souci bien légitime d’examiner, à travers des cas concrets, comment l’indépendance des juges peut être renforcée et comment ceux-ci peuvent être soustraits à toute ingérence politique.

Je m’interroge toutefois sur la méthode employée et surtout sur les conclusions d’un travail qui ne me paraît pas toujours impartial. Naturellement, c’est le rôle de notre Assemblée que d’analyser la législation des États membres, d’en faire un examen critique et de la soumettre à ce que l’on peut appeler une « revue par les pairs », afin d’en apprécier la conformité aux valeurs et aux normes du Conseil de l’Europe. C’est de cette manière que nous aboutirons à des standards respectueux de l’état de droit et dessinant une Europe de la justice.

Pour autant, il me semble que cette méthode doit s’appliquer à des lois en vigueur, afin, le cas échéant, de les modifier pour les améliorer. Notre Assemblée est-elle en mesure de porter une appréciation objective sur un projet de réforme qui a été annoncé, mais dont on ne connaît pas encore les contours ? J’ajouterai même : n’est-elle pas sortie de son rôle ?

Affirmer, comme le fait le projet de résolution qui nous est soumis, que le projet français, « de supprimer les juges d’instruction et de transférer la plupart de leurs compétences au ministère public » est largement soupçonné d’être « une manœuvre des autorités politiques destinée à leur donner plus d’influence sur le déroulement des enquêtes sur des affaires « sensibles » », n’est-ce pas un procès d’intention ? Car, enfin, sur quoi repose une telle assertion ?

Je rappelle que la suppression du juge d’instruction, qualifiée sans doute un peu précipitamment par notre rapporteur de « manœuvre », est une proposition formulée très récemment par un comité de réflexion sur la justice pénale, chargé de réfléchir aux mesures propres à redonner au code pénal et au code de procédure pénale la cohérence qui leur fait aujourd’hui défaut, en veillant à ce que ces codes rénovés répondent à la fois aux exigences d’une lutte plus efficace contre toutes les formes de délinquance et à un respect accru des droits des mis en cause et des victimes.

Ce comité, institué par le président de la République et le Premier ministre en octobre 2008, était présidé par M. Philippe Léger, ancien avocat général à la Cour de justice des Communautés européennes, et composé d’universitaires, de représentants d’associations de victimes, d’avocats et de magistrats. Il a procédé à de nombreuses auditions afin d’aboutir à une analyse globale de l’état de la justice pénale en France. Il s’est aussi inspiré des réformes récemment intervenues en Europe.

Bref, cette proposition, qui n’a d’ailleurs pas fait l’unanimité des membres du comité, est le résultat d’une réflexion large et nourrie. Le juge d’instruction, apparu sur la scène judiciaire française en 1811, voit, depuis une vingtaine d’années, ses pouvoirs controversés et sans cesse remis en cause. Cumulant les fonctions d’un juge avec celles d’un enquêteur, il entretient une certaine ambiguïté. Par ailleurs, la diversité actuelle des cadres d’enquête en matière pénale révèle une confusion des rôles qui n’est pas lisible pour le citoyen. En outre, l’instruction préparatoire ne permet pas, sauf exception, un véritable travail d’équipe, particulièrement nécessaire dans les affaires les plus complexes. Enfin, le cadre d’enquête actuel accroît le délai préalable au jugement ainsi que la durée de la détention provisoire et a également pour effet pervers de maintenir les personnes mises en examen ainsi que les victimes dans une situation d’incertitude pendant une durée déraisonnable.

Le comité de réflexion sur la justice pénale a donc estimé que la procédure d’instruction, qui n’a pratiquement plus d’équivalent en Europe, n’est plus adaptée à notre époque en ce qu’elle n’améliore ni l’efficacité de l’enquête ni la protection des droits fondamentaux des mis en cause et des victimes. Je ne me prononcerai pas sur l’opportunité d’une telle réforme en France, car tel n’est pas l’objet de mon propos. Je le répète, le projet de suppression du juge d’instruction n’est, à ma connaissance, pas formalisé. Il paraît donc prématuré pour notre Assemblée d’inviter la France à revoir un projet dont seules les grandes lignes ont été posées. »

Quant à M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) il a souligné, l'absence de pertinence des critiques à l'égard de la France contenues dans ce rapport et a précisé que la réflexion sur la suppression de l'institution du juge d'instruction n'était en rien nouvelle. Cependant, si l'opportunité de sa suppression ne saurait être critiquée en elle-même, il a indiqué qu'il faudrait alors assurer une égalité des armes entre la défense et le parquet et améliorer les moyens alloués à la justice :

« Je pourrais être relativement bref, dans la mesure où je suis pleinement d’accord avec l’intervention de mon collègue Fournier sur la perplexité que l’on peut éprouver vis-à-vis de ce rapport, non pas que j’aie le moindre doute ou désaccord sur les principes qui l’ont sous-tendu. Pour autant, je m’interroge sur la méthode, car si je comprends bien que la rapporteure ne pouvait pas examiner 47 systèmes et les détailler dans le document qui nous a été distribué, le choix retenu procède à un parallèle entre des systèmes et laisse à penser que les problèmes sont à peu près équivalents dans les quatre pays analysés et cités. A la suite du débat sur les problèmes judiciaires au Caucase, il ne peut en être ainsi.

On a parlé d’un projet français pour le dénoncer. A la suite de M. Fournier, j’indique qu’il n’y a pas de véritable projet, mais un avant-projet, une réflexion sur le rôle du juge d’instruction, qui n’est pas nouvelle. En effet, depuis plus de cinquante ans en France, on s’interroge sur le maintien du système inquisitoire.

J’ai exercé pendant trente ans le métier d’avocat. Je pense bien connaître le système français. Le rapport contient un certain nombre d’inexactitudes. Le juge d’instruction n’intervient que dans 5 % des affaires et par conséquent 95 % des affaires qui sont plaidées au pénal, essentiellement devant le tribunal correctionnel ou devant la Cour d’assises, ne donnent pas lieu à instruction. Pour autant, cela ne signifie pas que le rôle de l’avocat soit nul et, devant le tribunal correctionnel, même sur citation directe du Parquet, l’avocat peut faire citer des témoins à égalité avec le Parquet. La France est confrontée à une difficulté avec le système du juge d’instruction – nous figurons parmi les derniers à l’utiliser. En effet, nous n’avons pas toujours fait preuve d’une grande habileté s’agissant des nominations. Confier des instructions très lourdes à de jeunes magistrats qui débutaient dans la carrière était incontestablement une erreur.

Aujourd’hui, bien des personnes se posent la question de savoir si nous devons conserver le système inquisitoire. La réflexion n’a donné lieu à aucune proposition, aucun projet de loi ne vise à revenir à un système plus accusatoire qu’inquisitoire. La France ne serait pas la seule et en soi ce n’est pas un sujet d’inquiétude, puisque des pays respectables, dont les représentants siègent aujourd’hui dans cet hémicycle, ont soit un système accusatoire, soit un système mixte comme celui que nous l’on nous annonce en France, sans toutefois encore en connaître les modalités pratiques.

Il me semble un peu hâtif de critiquer ce système. Ce qui importe – à ce titre, je rejoins la rapporteure – c’est d’arriver à un système où la défense serait à armes égales avec l’accusation. Renoncer au juge d’instruction n’est certainement pas de nature à l’empêcher. En revanche, je suis d’accord avec la rapporteure quand elle dit que la réforme nécessite des moyens. En effet, au titre de l’aide juridictionnelle, il convient que la défense dispose des moyens de contrer le Parquet.

C’est sur ce point qu’il faudra que nous, législateurs français, dont les désaccords ont bien été exposés devant cette Assemblée, restions vigilants. Mais la suppression du juge d’instruction ne fait que suivre un mouvement à l’œuvre actuellement dans tous les pays européens. »

Le projet de résolution a été adopté.

C – LA PROMOTION DES SERVICES DE MÉDIAS EN LIGNE ET SUR INTERNET ADAPTÉS AUX MINEURS

Le projet de recommandation a pour objet de parfaire la protection des mineurs ayant accès aux programmes en ligne sur Internet. L'Assemblée appelle les États membres à réfléchir tant à des programmes adaptés aux mineurs qu'à lancer des études qui mesurent l'impact psychologique et sociologique de jeux proposant une réalité virtuelle, tels que Second Life. Par ailleurs, l'Assemblée recommande aux États membres de se doter d'une législation appropriée qui permette de lutter contre la cybercriminalité et soit davantage protectrice des mineurs quant à leur accès aux contenus en ligne.

Mme Marietta  Karamanli (Sarthe– SRC) a souligné l'importance de ce projet de recommandation. Elle a cependant précisé qu'il faudrait limiter l'accès à la publicité sur Internet dont les risques sur la santé des mineurs, notamment d'un point de vue nutritionnel, ne sont pas minimes. Elle a particulièrement insisté sur la nécessité de promouvoir l'utilisation de l'Internet à l'école, meilleur moyen pour proposer une utilisation critique et responsable de cet outil :

«Le rapport qui nous est aujourd’hui soumis est riche de constats et de propositions. Internet, pour les jeunes, ressemble au dieu de l’Antiquité Janus : un seul corps et une seule tête, mais deux visages.

Le rapport note au point 4 du projet de recommandation qu’Internet a la capacité d’élargir les horizons sociaux et culturels. Mais quatre dangers principaux sont également identifiés : sur Internet, les jeunes risquent d’être soumis à la violence des adultes ou d’autres jeunes, de voir leur intimité et leur vie privée violées, d’être soumis à la normalisation consommatrice d’industries avides de clients nouveaux et, enfin, de perdre le sens de la réalité au profit d’un monde virtuel.

Je ferai trois observations. La première porte sur l’utilité de ne pas seulement protéger les jeunes par des normes extérieures mais aussi de les associer à des droits nouveaux.

Plusieurs études montrent l’importance d’Internet dans la vie sociale des jeunes. Il renforce la sociabilité, évite parfois l’isolement, leur permet de nouer des relations «inversées  » avec leur parents où ils peuvent leur apprendre quelque chose, partager avec eux un savoir. Les enquêtes mettent aussi en évidence que ces mêmes parents gardent souvent un œil sur l’utilisation de l’outil car ils en perçoivent aussi les dangers, en mesurent le coût et essaient, dans bien des cas, d’en mettre le vecteur, notamment l’ordinateur, dans un lieu ouvert propice à assurer un contrôle facile sur les contenus. Le dispositif proposé vise à renforcer cette implication des parents.

Il convient aussi, me semble-t-il, d’affirmer la participation des jeunes, notamment des adolescents, à la prévention des risques du Net présente. De même l’on ne peut lutter contre les conduites extrêmes sans l’appropriation des risques par les intéressés, de même la lutte contre les dangers d’Internet passer par l’éducation et par l’affirmation que les jeunes ont des droits à la vie privée, à la dignité et à la santé sur Internet, et que ces droits doivent leur être garantis.

Une large concertation avec les jeunes dans chacun des pays et l’affirmation, y compris formalisée, de ces droits serait aussi une bonne chose.

Ma deuxième observation a trait à l’intérêt d’étendre le champ de fixation des normes par l’État.

Au paragraphe 9 du projet de recommandation, il est indiqué que l’État a mission de fixer des  « normes minimales » visant à instaurer « des restrictions d’accès aux contenus violents, à la pornographie, à la publicité pour le tabac et les boissons alcoolisées, et aux jeux d’argent ». Il faudrait ajouter que l’État a aussi l’obligation de fixer des normes pour réduire l’effet des publicités quand la consommation des produits est de nature à mettre en cause la santé des jeunes.

Je propose d’ailleurs un amendement allant dans ce sens. Après les mots « A l’État, il incombe de sensibiliser, de fournir des éléments d’orientation, y compris contre les stéréotypes liés au genre et d’établir des normes minimales. Ces normes minimales devraient inclure les restrictions d’accès aux contenus violents, à la pornographie, à la publicité pour le tabac et les boissons alcoolisées, et aux jeux d’argent », je propose d’ajouter « Il est aussi de sa responsabilité de l’État de limiter, y compris en recherchant un accord avec les professionnels, les publicités et informations commerciales quand la consommation des produits est de nature à mettre en cause la santé des jeunes ». Je pense notamment aux publicités de l’industrie agroalimentaire dont les effets sont aussi de faire manger « trop sucré, trop salé, trop gras ».

Rien qu’en France, le nombre d’enfants de dix ans souffrant d’obésité a doublé depuis 1980. On sait que l’apparition de surpoids dans l’enfance est de nature à entraîner un risque de surmortalité chez l’adulte de 50 à 80 %. Face à l’épidémie qui nous menace, le Net, vecteur de comportements à risques, doit être surveillé et l’État doit intervenir.

Troisième observation : la nécessité d’accroître la pratique éducative à Internet à l’école. Toutes les études montrent qu’Internet est utilisé par les jeunes majoritairement à domicile ou dans les salles de jeux en réseau, et plus rarement à l’école. La partie 14-5 du projet de recommandation invite les parlements des États membres et observateurs à « encourager les établissements d’enseignement publics ou privés, les musées, les orchestres et les autres institutions culturelles, de même que les diffuseurs du service public, à fournir des contenus en ligne et sur Internet pour les enfants et les adolescents ».

D’une façon plus générale il conviendrait d’encourager les États et l’ensemble des structures éducatives à développer un usage pédagogique, participatif et intelligent du Net, notamment durant les heures de cours et à l’occasion des activités périscolaires hors temps scolaires. Les jeunes pourraient là encore être des acteurs de créations de programmes partageant le savoir et popularisant les valeurs de respect.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de soutenir ce projet de recommandation.»

Le projet de résolution a été adopté par l'Assemblée parlementaire.

D – LES DÉFIS POSÉS PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Les défis posés par le changement climatique sont l'une des composantes de cette nouvelle génération de droits de l'homme que le Conseil de l'Europe entend promouvoir. En effet, l'environnement dans lequel l'homme évolue ne saurait être oublié au profit de droits qui deviendraient abstraits dans la mesure où les conditions de vie de l'homme, dégradées et inhumaines, les rendraient obsolètes.

Le projet de recommandation soutenu par M. John Prescott s'inscrit dans un contexte international précis : la Conférence de l'ONU sur le climat qui se tiendra à Copenhague au mois de décembre prochain. Elle devrait permettre de trouver un accord ambitieux en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le projet de recommandation s'appuie sur les travaux scientifiques établis par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui met en évidence l'action de l'homme dans le phénomène de réchauffement climatique.

Il a pour objet de renforcer la coopération entre instances gouvernementales et locales afin de lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Il insiste sur le fait de mieux faire connaître l'action du Conseil de l'Europe dans ce domaine.

Il préconise notamment d'ajouter un Protocole à la Convention européenne des droits de l'homme qui reconnaisse le droit à vivre dans un environnement sain et viable comme un nouveau droit de l'homme.

M. Rajendra K. Pachauri, président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) est intervenu à la suite du rapporteur, M. John Prescott, pour rappeler qu'il n'y avait pas d'incertitudes scientifiques en termes de réchauffement climatique. Le GIEC estime que le coût de la réduction de la température globale de 2,2 à 2,4 degrés Celsius représenterait à peine 3 % du PNB mondial, soit une très faible part des richesses. C'est pourquoi il est urgent d'agir, notamment dans une perspective équitable, afin que tous les pays ne pâtissent pas des conséquences du réchauffement climatique. Mais pour être efficace cette action doit être corrélée : les gouvernements et la société civile sont les acteurs du changement.

Seul un accord ambitieux à Copenhague permettra de faire face aux défis que représente le changement climatique.

Si un consensus s'est dégagé parmi les débats sur l'urgence écologique, plusieurs questions d'importance ont été soulevées :

- la nécessité de trouver un accord qui ne soit pas désavantageux pour les pays en voie de développement ;

- le développement des énergies propres et renouvelables qui pose la question des transferts de technologie ;

- la question du coût de cet accord et des responsabilités entre pays riches et pauvres qui en découlent ce qui amène à repenser en termes de solidarité les relations entre pays, et entre contribuables au sein d'une même nation ;

- la nécessité de redéfinir la gouvernance mondiale sur les questions environnementales ;

- la question des migrations en relation avec les catastrophes écologiques dues au changement climatique ;

- l’urgence qu'il y aurait à inventer un modèle de développement économique qui soit viable en termes de développement durable.

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) s'exprimant au nom du groupe PPE a tenu à souligner, outre l'urgence qu'il y avait à agir, que dans une perspective pragmatique, l'énergie nucléaire pouvait être envisagée comme une solution à court terme dans la mesure où elle était une énergie propre en termes de rejet de gaz à effets de serre. Mais que cette vision actuelle ne devait pas pour autant occulter le fait de repenser notre modèle de développement à long terme. Néanmoins, l'enjeu actuel consiste à trouver un accord ambitieux à Copenhague afin de réduire les émissions de gaz à effets de serre :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, à mon tour, je voudrais souligner l’importance que j’accorde aux défis posés par le changement climatique.

Dans un rapport que j’ai récemment soutenu à l’Assemblée nationale, devant la commission chargée des Affaires européennes, sur « la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique » je rappelais que celle-ci était justement conditionnée par les défis que pose le changement climatique. Outre la question de l’indépendance énergétique, c’est surtout la promotion et le développement des énergies renouvelables qui nous permettront de faire face aux défis posés par le changement climatique.

Le changement est avéré. C’est pourquoi, nous devons, pour faire face, nous appuyer, afin de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre (GES) – la cause principale du réchauffement –, sur les énergies propres, entendues au sens de non émettrices de GES. L’énergie nucléaire est l’une de ces énergies et il nous appartient de continuer à la développer en attendant que les progrès scientifiques nous procurent une indépendance énergétique suffisante grâce aux énergies renouvelables. En effet, comme M. Pachauri, je pense que l’urgence est de mise. Pour obtenir un accord ambitieux à Copenhague, il est nécessaire de ne pas opter pour des visions idéalistes mais de se nourrir d’une approche pragmatique.

Nous pressentons tous, malheureusement, que le sommet de Copenhague est mal engagé : le Président des États-Unis n’est pas encore totalement enclin à s’engager sur des accords fermes. De plus, les pays occidentaux, en raison de la crise, restent réservés sur le principe du transfert de technologies gratuit envers les pays en voie de développement.

L’énergie nucléaire n’est peut-être pas la panacée en termes de développement durable, mais elle l’est en termes d’émissions de GES. Si la France est l’un des meilleurs élèves du protocole de Kyoto, c’est bien parce que la part de son énergie nucléaire est prégnante dans sa production d’électricité.

Des projets sont porteurs. L’exportation de l’énergie solaire - le projet d’un partenariat entre l’Union européenne et le Maghreb -, par exemple, est un bon exemple de projet séduisant, mais qui mérite d’être approfondi car sa réalisation suscite encore de nombreuses interrogations. Si ces projets ont pour effet de développer, en amont, l’innovation et les progrès techniques, et de ce fait sont encourageants pour l’avenir, ils n’en demeurent pas moins, en l’état actuel de nos connaissances techniques, à l’état de projet.

C’est la raison pour laquelle nous devons faire preuve, à la fois de solidarité, d’imagination et de pragmatisme. Opter pour le pragmatisme me semble le premier pas à faire pour réussir à obtenir un accord ambitieux lors du sommet de Copenhague. Le second pas sera de promouvoir les énergies renouvelables grâce à des technologies innovantes.

Le troisième pas, en revanche, devra être le plus ambitieux : repenser notre modèle de développement en termes de développement durable. C’est ce que nous devons avoir en ligne de mire, sans que cela nous empêche de trouver un accord à Copenhague qui sera nécessairement plus modeste.

Ce sombre constat ne doit pas pour autant nous rendre pessimistes et nous engager sur la voie de la passivité qui serait désastreuse. Le rapport de M. Prescott nous rappelle à juste titre que nous disposons d’une maigre décennie pour engager des choix définitifs. C’est pour cela qu’il faut sérier les questions et les problèmes ; et qu’il faut privilégier un accord pragmatique sur une vision trop utopique.

Donnons un signal fort en adoptant à l’unanimité le rapport de M. Prescott, mais aussi en profitant de cette instance précieuse de dialogue qu’est notre Assemblée parlementaire pour montrer qu’un accord entre pays qui ont fait des choix technologiques et de développement énergétique différents est possible.

Profitons de cette instance de dialogue élargie pour montrer que la reconnaissance du principe de « responsabilité commune mais différenciée » n’est pas un vain mot. Prenons l’exemple de l’Union européenne qui en adoptant le « Paquet énergie-climat » met en exergue des choix courageux.

C’est à nous, parlementaires de toutes les nations européennes, de montrer qu’une entente est possible pour aller plus loin dans les négociations internationales. C’est à nous de peser de tout notre poids au sein du chacune de nos nations afin de rendre crédible la possibilité d’un accord à Copenhague. C’est à nous, enfin, de nous montrer à la hauteur des enjeux, car ce sont les générations futures qui nous regardent. C’est pour elles que nous œuvrons. Notre responsabilité est de leur léguer un monde dans lequel il fera bon vivre. »

Comme l’a indiqué Mme Marietta  Karamanli (Sarthe – SRC), le projet de résolution est l'un des plus importants au vu des enjeux qui le sous-tendent. Notre modèle de développement actuel a privilégié des visions à court terme ; il est donc urgent de le réinventer afin qu'il soit viable et équitable pour les générations futures :

« Le projet de résolution qui nous est soumis est des plus importants face à un danger non seulement extraordinaire, mais aussi imminent ; si l’on considère que ce qui se produira dans la seconde moitié de notre siècle, soit environ 50 ans, compte pour un instant depuis la naissance de la terre !

Je ne reviendrai pas sur les données scientifiques du rapport si ce n’est pour constater que l’espoir de maintenir en dessous de 2 degrés l’augmentation moyenne des températures semble ne plus être de mise. Un rapport scientifique rendu public ces jours derniers appelle l’attention sur une augmentation probable de 4 degrés d’ici à 2060, ce qui pose la question de l’accès à l’eau potable de la moitié de l’humanité, anéantissant la moitié des espèces animales et végétales et ayant des effets beaucoup plus forts dans des régions plus gravement affectées avec des augmentations de l’ordre de 10 degrés.

Cette résolution est une invitation faite à l’ensemble des État à agir pour un accord, je cite « mondial ambitieux et contraignant ».

Ma première observation concerne la nouvelle forme de développement économique et humain qui refuse le court terme et encourage l’investissement durable. Keynes, revenu aujourd’hui à la mode, disait, je cite : « Nous détruisons la beauté des campagnes parce que les splendeurs de la nature, n’étant la propriété de personne, n’ont aucune valeur économique. Nous serions capables d’éteindre le soleil et les étoiles parce qu’ils ne rapportent aucun dividende. »

Autrement dit, si gaspiller et polluer font gagner de l’argent, y compris en poussant les individus à une consommation sans limite, les entreprises le font et le feront. Cette frénésie est illustrée par le slogan qu’utilise le supermarché de mon quartier à l’attention des clients « Plus vous achetez, plus vous gagnez ! »

Si demain économiser de l’énergie, gérer au mieux et dépolluer font gagner de l’argent, les entreprises le feront. Autrement dit, les grandes entreprises sont malvoyantes pour ne pas dire « aveugles ». Ce constat doit appeler à refuser le court terme qui domine les grandes entreprises. Ce constat doit amener aussi à ce qu’une partie de la richesse soit affectée et investie dans des équipements et services collectifs, utiles et peu ou pas consommateurs d’énergie. Je pense aux transports publics ou communs ; je pense aux habitats autosuffisants en énergie ; je pense aux énergies renouvelables.

Ma deuxième observation porte sur l’inaction qui est condamnable. Face au projet de moins dépenser l’énergie fossile, il y a des droits acquis et des idées investies. Paul Krugman, l’économiste américain, disait il y a peu dans un des éditoriaux « acérés » que les industries du passé ont des armées de lobbyistes qui défendent des droits acquis alors même que les industries de l’avenir n’en ont pas ! Il ajoutait qu’au titre des idées investies, le monde sortait de trente ans pendant lesquels les idées dominantes consistaient à vanter l’abstention de l'État et l’abstention gouvernementale alors que la nature même du problème nécessitait qu’on mît fin à ces abstentions. Lutter contre les droits acquis des entreprises « énergivores » et investir dans la réhabilitation d’un État efficace doivent faire partie de nos priorités.

Enfin, je terminerai par une observation sur la nécessité de lier justice sociale et lutte contre le réchauffement. Je l’ai dit au début de mon propos, il est très difficile de maintenir concentrés et mobilisés l’opinion publique et les citoyens face à cet enjeu crucial.

Cela s’explique parce que le besoin de la plupart des femmes et hommes est de faire face à encore plus imminent : pour une part de l’humanité il faut lutter contre les guerres, manger à sa faim, se soigner, s’éduquer ; pour une autre part de l’humanité, il faut trouver un emploi, garder sa maison, payer ses traites, donner à ses enfants une qualification performante, etc…

Les inégalités d’aujourd’hui démobilisent les citoyens ; la concentration des richesses au profit d’un petit nombre rend encore plus injuste et moins fort l’engagement de tous pour l’avenir commun.

Peut-être est-il tard, mais pas encore trop tard pour tenir les deux bouts de l’action contre le réchauffement climatique, à savoir lutter contre les émissions, lutter contre les inégalités. Je vous soutiens donc, monsieur le rapporteur, ainsi que votre projet de résolution.»

Le projet de recommandation a été adopté par l'assemblée.

En marge du débat qui s'est tenu à l'Assemblée, sur les télévisions attenantes à l'hémicycle, des extraits du film de l'ancien vice-président américain, M. Al Gore, The Age of Stupid, ont été projetés afin de donner une information sur les conséquences du changement climatique.

E – ÉLABORATION D'UN PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

En liaison avec la question relative aux défis posés par le changement climatique, l'Assemblée parlementaire à proposé un projet de résolution qui préconise d'élaborer un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme afin de reconnaître le droit à un environnement sain et viable comme un droit de l'homme. Elle souhaite, par ailleurs, que l'Assemblée parlementaire soit représentée au niveau du groupe d'experts qui sera chargé d'élaborer ce nouveau protocole.

M. Chope, rapporteur pour avis au nom de la Commission des questions juridiques, s'est formellement opposé à cette résolution, reprenant la position du gouvernement britannique, au motif qu'il s'agit d'un droit flou, qui n'aura pas d'autres conséquences que de surcharger de requêtes la Cour européenne des droits de l'homme, déjà encombrée. Il propose un compromis : le soutien à la proposition de résolution si une définition précise du droit à un environnement sain et viable est trouvée.

M. Jean-Claude Frécon, sénateur (Loire-SOC) a mis en évidence la révolution juridique qui consisterait à rédiger un nouveau Protocole à la Convention européenne des droits de l'homme afin de promouvoir la quatrième génération de droits de l'homme. Déjà reconnu dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le droit à un environnement sain et viable ouvrira des actions directes en responsabilité contre les dommages environnementaux, ce qui ne peut faire qu'avancer la prise en compte des questions environnementales dans nos systèmes juridiques :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, j’adresse toutes mes félicitations à notre rapporteur, au président de notre commission et à nos collaborateurs. La reconnaissance du droit à un environnement sain érigera celui-ci au niveau d’un droit et d’une liberté fondamentale. L’élaboration d’un protocole additionnel m’apparaît logique tant la Cour européenne des Droits de l’Homme a d’ores et déjà reconnu le droit à un environnement sain comme pouvant se rattacher aux libertés fondamentales protégées par la Convention européenne des Droits de l’homme. La Cour s’est déjà appuyée sur le droit à la protection du domicile et de la vie privée pour justifier son raisonnement.

Il m’apparaît donc impensable de s’opposer à l’adoption d’un protocole additionnel. Il reviendra au comité chargé de son élaboration d’examiner les enjeux liés aux différentes formulations de ce principe. D’abord, son caractère absolu permettra son invocation directe par les particuliers. Si son caractère devait être, au contraire, relatif, ce principe ne pourra être invoqué que s’il est expressément prévu dans une loi ou un règlement. Selon qu’il sera individuel ou collectif, il devra être mis en œuvre par des procédures distinctes : droit de recours en justice au niveau individuel ou lors de procédures collectives comme l’enquête publique. N’en doutons pas chers collègues, un tel protocole ne sera pas sans conséquences sur l’ensemble des législations des États membres.

La portée de la reconnaissance d’un tel droit à un environnement sain sera considérable, surtout dans une formulation absolue. Elle portera ce droit au niveau des droits et libertés fondamentales. Cette reconnaissance aura également des effets sur le droit d’agir devant l’administration ou devant le juge civil, pénal ou administratif, pour se plaindre d’une atteinte à son environnement. L’intérêt pour agir des particuliers, dans le cadre d’une formulation individuelle ou des associations et groupements divers, dans le cadre d’une formulation collective, sera grandement facilité. Le respect des procédures d’information et de participation sera parallèlement consolidé.

Ce principe pourra peut-être conduire à qualifier certaines atteintes flagrantes de « voies de fait », permettant des procédures d’urgence pour faire cesser le trouble. Sa reconnaissance pourra, en outre, faciliter l’application effective du droit de la responsabilité pour les dommages environnementaux et ouvrir un véritable accès à la réparation.

Enfin, en cas d’évolutions législatives importantes, ce droit limitera la possibilité pour le législateur de remettre en question certains principes fondamentaux du droit de l’environnement qui mettent précisément en œuvre le droit à un environnement sain : évaluation préalable des impacts, information et participation, accès à la justice, prévention des atteintes à la santé.

Pour ma part, je ne peux pas être d’accord avec les conclusions de M. Chope. Je vous félicite vous, monsieur le président de notre Assemblée parlementaire d’avoir lancé cette idée il y a quelque temps. Je serai, avec une majorité, tout à l’heure j’en suis sûr, fier d’accompagner une telle révolution juridique, enfin à la hauteur du défi écologique de notre planète. »

Le projet de recommandation a été adopté par l'Assemblée parlementaire.

G – L’ÉDUCATION CULTURELLE : PROMOTION DE LA CULTURE, DE LA CRÉATIVITÉ ET DE LA COMPRÉHENSION INTERCULTURELLE PAR L’ÉDUCATION

L’éducation culturelle est l’un de ces chantiers importants relatifs aux nouveaux défis en matière de droits de l’homme. Si l'on peut trouver des bases juridiques à la reconnaissance pleine et entière de l’éducation comme facteur de plein épanouissement de la personnalité humaine (article 26, paragraphe 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme), ou comme droit fondamental, en vertu de l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, l’éducation culturelle, en tant que telle, n’est pas, juridiquement, un droit fondamental.

Le Livre Blanc du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel du 7 mai 2008 reconnaît toutes les formes d’expression artistique comme des outils d’éducation culturelle. C’est pourquoi le projet de résolution vise à reconnaître le droit à l’éducation culturelle afin d’assurer la mise en œuvre adéquate du droit à l’éducation en vertu de l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.

La résolution de la Commission de la culture, de la science et de l’éducation, incite les États membres à promouvoir, en particulier, l’éducation artistique comme forme d’intermédiation culturelle, facilitant l’accès des catégories sociales les plus défavorisées à la culture, et permettant de développer les capacités créatives, éléments essentiels dans un monde en constante mutation.

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) a particulièrement insisté lors de son intervention sur l’importance de la culture comme facteur de cohésion sociale dont l’éducation ne peut être que le support :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, j’indique d’entrée de jeu que je soutiens l’excellent rapport de Mme Muttonen.

Dans l’exercice de mes fonctions antérieures, je mesurais à son juste poids l’importance de l’éducation, réductrice des inégalités sociales, fossoyeuse de l’ignorance – ce terreau du racisme et de la xénophobie – et libératrice de l’homme en ce qu’elle lui permet de se construire à la fois un savoir et un esprit critique.

Parler d’éducation culturelle est presque un pléonasme. Peut-il y avoir une véritable éducation qui ne soit pas culturelle ? Dans son sens le plus noble, la culture n’est-elle pas ce qui différencie l’homme de son environnement naturel et à ce titre, tout n’est-il pas culturel ?

Cependant, une définition aussi large risque d’être trop englobante et à vouloir trop embrasser, on risque de mal étreindre. Une définition plus étroite ferait de la culture alors uniquement ce qui correspond à une forme de production artistique. La culture est, en effet, ce qui élève l’homme, ce qui lui permet de sortir de sa condition d’humain et à ce titre, la culture artistique en fait partie. En un mot, la culture c’est ce qui permet de construire l’homme dans ce qu’il a de plus élevé. Elle est essentielle à l’homme. Gide ne disait-il pas que « la culture, c’est ce qui reste lorsque l’on a tout oublié » ?

C’est bien pourquoi la culture, synonyme de savoir, doit être mise au service de tous et à la portée de tous. Il faut promouvoir une éducation culturelle et artistique ambitieuse qui permette de combler les fossés entre générations, entre classes sociales, entre peuples.

Il est vrai que la culture, lorsqu’elle est synonyme de particularisme et de repli identitaire, peut aussi nourrir les irrédentismes, le repli sur soi et la haine de l’autre. Elle devient alors un prétexte derrière lequel se terrent l’obscurantisme, la tradition entendue dans son sens le plus réactionnaire, loin des Lumières.

Pour tenir ses promesses, l’éducation culturelle ne doit pas sous-estimer la nécessité des efforts inhérents à son apprentissage.

Notre invité de ce jour est le grand chef d’orchestre Kurt Masur. La musique est un bon exemple de cette éducation culturelle qu’il nous faut promouvoir. L’apprentissage de la musique demande en effet efforts et constance, exigence et humilité, souplesse, imagination et sensibilité. Autant de qualités nécessaires dans un monde en mutation, qui sollicite en permanence les capacités d’adaptation.

Mais l’éducation culturelle développe aussi notre sensibilité, elle nous permet de découvrir les œuvres du passé et de connaître différentes cultures. Promouvoir l’éducation culturelle, n’est-ce pas alors, à travers la diffusion de la diversité culturelle, apprendre à découvrir l’autre dans son altérité ?

La musique est ce qui, dans le silence de nos désaccords, harmonise nos différences. Promouvoir l’éducation culturelle, c’est léguer cet héritage du passé aux générations futures pour qu’elles s’enrichissent mutuellement de leurs patrimoines respectifs afin de construire un avenir commun..»

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC), a souligné l’importance de la culture comme élément du politique. A la source de la construction du citoyen, elle est le terreau sur lequel se bâtit la démocratie :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, au premier abord, le sujet qui nous intéresse aujourd’hui pourrait paraître décalé au regard de nos préoccupations habituelles, le lien entre l’éducation culturelle et l'État de droit pouvant dans un premier temps sembler fragile.

Pourtant, la culture ne saurait être résumée à une simple valeur ajoutée. Elle est plus un cadre qu’un contenu. La culture doit avant tout être considérée comme un moyen d’adaptation à l’environnement social. Elle offre un mode de résolution des différences et des conflits. Elle revêt une dimension symbolique indéniable, dépassant les notions de goût ou de savoir qui lui sont traditionnellement attachées. Les Anciens reliaient, à cet égard, la culture à l’édification de la cité.

C’est dans ce cadre que se place l’excellent rapport de notre collègue Christine Muttonen. La culture, loin d’être une simple affaire de passion ou d’intérêt particulier, possède une dimension sociopolitique incontestable et sert de substrat à nos démocraties modernes. Elle doit, à ce titre, être transmise. C’est là le rôle des éducateurs.

L’éducation ne peut être assimilée à une simple introduction dans le monde d’une nouvelle génération. Au-delà de la continuité de la vie, il convient d’assurer la continuité d’un monde façonné par les générations précédentes. La transmission de la culture y est donc essentielle. Cette transmission est avant tout celle d’une histoire commune, d’une civilisation.

Le sens moderne de la culture relie celle-ci à une forme d’élévation de l’esprit au-dessus des contingences d’une vie essentiellement marquée par le travail. Elle est devenue un loisir dont l’usage est pour partie lié aux moyens financiers dont on dispose. L’école doit être un outil pour dépasser cette logique. Instrument de réduction des inégalités sociales, elle doit permettre à tous d’accéder à un patrimoine commun et favoriser à moyen terme une meilleure intégration dans le monde des adultes, permettant par là même le bon fonctionnement d’une société en pérennisant le vouloir-vivre ensemble. L’école doit transmettre un sens commun et favoriser la compréhension mutuelle entre individus. Dans ce cadre, l’école peut être considérée comme une sphère pré-politique. Elle est, ainsi et surtout, l’un des fondements de nos démocraties. »

M. Laurent Béteille (Essonne-UMP) a tenu à mettre en exergue la difficulté actuelle qui consiste à promouvoir une culture fondée sur l’élévation de l’âme et la construction du citoyen alors que l’ensemble de la société célèbre une «culture jeune», à l’opposé de l’effort inhérent à la construction d’une véritable culture générale :

«Monsieur le Président, mes chers collègues, la contribution de la commission de la culture au débat sur la place de l’éducation culturelle dans les établissements scolaires m’apparaît plus qu’intéressante tant elle permet de souligner, une fois de plus, le lien indissociable entre culture et démocratie. Je partage à cet égard pleinement les propos de la rapporteure, Mme Christine Muttonen, lorsqu’elle affirme que l’éducation culturelle permet de promouvoir le respect mutuel, la compréhension et la tolérance envers autrui.

A ce titre, je ne suis pas loin de penser que l’éducation culturelle fait partie intégrante de la formation à la citoyenneté traditionnellement confiée à l’école dans les régimes démocratiques. L’éducation culturelle doit permettre de préparer le futur adulte à la participation à la chose publique et lui permettre d’appréhender des concepts clés tels que la liberté et l’égalité.

Je m’interroge cependant sur la possibilité de mettre en œuvre cette mission dans le contexte particulier de notre époque. L’éducation, en particulier culturelle, participe d’une forme d’élévation de l’âme. Une telle ambition suppose que l’on n’attribue pas à l’enfant une place centrale au sein du système scolaire. Une tendance se fait pourtant jour depuis plusieurs années en vue de conférer à l’enfant une telle place. Cette position trouve, de surcroît, un corollaire sociétal dans la promotion d’une « culture jeune », matérialisée par de nombreux marqueurs identitaires et souvent à rebours des messages que peut faire passer la culture dite classique.

Cette « culture jeune » installe de nouveaux codes plus ou moins éloignés de la mission citoyenne traditionnellement dévolue à la culture générale. Culture du changement constant, de l’effet de mode et de l’instantanéité, elle se conjugue à des phénomènes sociaux modernes comme l’hyperconsommation ou la marchandisation du monde. Les nouvelles technologies ont leur part dans cette évolution. Elles peuvent participer à l’élévation en rendant disponible l’information. Le revers de la médaille tient à ce que cette profusion d’information annihile l’effort d’acquisition de la culture - lecture, visite - ou relativise la culture elle-même.

L’école doit être préservée de ces évolutions sociales. L’éducation culturelle doit également permettre de transmettre un goût de l’effort en vue d’acquérir de nouvelles connaissances. L’école doit également mettre à l’abri les valeurs universelles de toute tentation de simplification ou d’adaptation aux enjeux du monde moderne. Une œuvre possède une force incontestable si son message est à la fois universel et atemporel. Toute entreprise de vulgarisation excessive et de relecture ne peut, en l’espèce, avoir de sens.

Le débat sur l’éducation culturelle ne peut faire l’économie d’un questionnement sur la pédagogie à mettre en œuvre. Si je récuse toute tentation de créer un glacis autour des œuvres fondamentales et de conférer à la culture une acception élitiste, il convient néanmoins que les éducateurs veillent à présenter ces œuvres en soulignant leurs spécificités. Une démarche inverse ne consoliderait pas la démocratie mais bien la médiocratie, ouvrant une véritable ère du vide. Je vous remercie.»

Mme Marietta Karamanli (Sarthe– SRC) a insisté sur l’importance particulière que revêt l’éducation artistique dans la construction de l’individu et appelé de ses vœux l'instauration d' «écoles de la création» :

«Le projet de recommandation, qui nous est soumis, présente un évident intérêt même si celui-ci peut apparaître secondaire par rapport à l’ensemble des défis que représente l’éducation au sens large.

Souvent, l’éducation culturelle a été et continue d’être vue comme un « plus » ou un substitut à l’enseignement classique. Il y a déjà deux siècles, Jean-Jacques Rousseau énonçait le principe selon lequel la plus grande et la plus utile des règles de l’éducation était, non pas de gagner du temps, mais de savoir en prendre, en « investir » devrais-je ajouter.

Très concrètement, le projet de recommandation identifie trois enjeux majeurs à l’éducation culturelle : l’invention (au sens où on « trouve » ce qui est caché) de qualités d’imagination et de communication de nature à faire des individus des êtres sociaux plus forts dans leur identité et leurs relations avec les autres ; une capacité à « détendre » les tensions sociales et politiques au travers de langages communs à toutes les communautés et nations, et ce, autour de projets à aider ; une reconnaissance et une extension du droit à l’éducation culturelle à tous les individus en l’incluant dans un droit à l’enseignement avec des garanties quant aux qualités et qualifications de ceux qui peuvent transmettre les savoirs et savoir faire qui le composent et la possibilité d’en évaluer les acquisitions pour en faire une composante à part entière de l’éducation.

Ces objectifs appellent de ma part trois observations, chacune débouchant sur une courte et pratique proposition.

La première est relative à l’affirmation du caractère fondamental de l’éducation artistique et culturelle dans la construction des individus et de leur équilibre.

De façon évidente, l’éducation artistique et culturelle est vecteur de l’apprentissage à se connaître, du développement de sa propre créativité, de l’accroissement de la capacité à avoir confiance en soi, de l’aptitude à s’intégrer à sa communauté, de la nécessité naturelle à s’ouvrir aux autres donc au monde.

Que ce soit sur le temps scolaire ou pendant des activités de loisirs, il est nécessaire que les apprentissages, les temps passés, les performances et réalisations intéressantes soient valorisées.

A ce titre, on pourrait imaginer que le Conseil de l’Europe engage tous ses membres à créer au sein des écoles des « écoles de la création » qui seraient les endroits de valorisation de ces pratiques.

On pourrait aussi imaginer que chaque pays crée des « fenêtres de la création », sites Internet, où seraient encouragés les apprentissages, qui listeraient les ressources et mettraient en contact les écoles entre elles et les services d’éducation culturelle ; elles pourraient aussi exposer, donner à entendre et écouter, proposer de voir les projets et réalisations. Une telle création serait d’ailleurs en conformité avec l’adoption de notre récente recommandation sur « La promotion de services de médias en ligne et sur Internet adaptés aux mineurs ».

La deuxième observation concerne l’importance des disciplines artistiques et culturelles en vue de favoriser l’apprentissage dans les autres domaines classiques de l’enseignement.

A l’évidence, leur pratique augmente la motivation pour l’école et les apprentissages. Elle contribue de ce point de vue à éviter et limiter les décrochages scolaires.

Valoriser cet aspect de l’éducation artistique serait un moyen de lever l’apparente contradiction entre la reconnaissance que nous souhaitons apporter à cette éducation et la perception courante, voire dominante, d’un statut et d’une légitimité faibles des arts à l’école. Mener des évaluations sur leur relation positive serait ainsi de nature à assurer le succès des dites disciplines.

La troisième observation porte sur la nécessité de faire appel non seulement à des enseignants qualifiés et performants mais aussi de les faire travailler (avec) et d’impliquer des artistes et des organisations artistiques

De nombreuses expériences montrent l’utilité et la qualité de telles relations.

La diversité, les relations personnelles qu’elles permettent, l’exemple donné sont de nature à favoriser le développement de l’éducation culturelle dans le cadre de réseaux de l’éducation culturelle et artistique qui mobilisent les ressources culturelles - musées, galeries, ateliers, scènes, etc. - et les artistes.

Je terminerai en paraphrasant le grand peindre français Pierre Bonnard. Il ne s’agit pas ici, par l’éducation culturelle, de mimer la vie mais bien de rendre vivants l’art et la beauté. »

Mme Marland-Militello (Alpes-Maritimes-UMP) a demandé à ce que l’éducation culturelle, dernière conquête des droits de l’homme, soit inscrite au frontispice des déclarations de droit en tant que droit fondamental :

«Monsieur le Président, mes chers collègues, André Malraux, premier ministre de la Culture en France et éminent conseiller du Général de Gaulle, disait dans Hommage à la Grèce que « la culture ne s’hérite pas : elle se conquiert ». Par ces mots, il entendait rappeler l’importance de l’éducation et de la démocratisation culturelle.

Démocratiser la culture, c’est la rendre accessible à tous. Mais démocratiser la culture, ce n’est pas niveler par le bas l’offre culturelle. L’éducation est le socle sur lequel la France a su construire une République, non plus sur les privilèges mais sur le mérite et sur la diffusion d’une culture qui avait été jusqu’alors l’apanage des seules classes privilégiées.

Si la France s’est donc toujours fait le porte-parole de la culture, c’est bien parce que la culture est inséparable de l’idée d’universalité qui respecte et transcende les différences et les particularismes. La promotion de l’éducation culturelle est l’une des missions de notre institution, instance privilégiée d’un dialogue pacifié dans laquelle la diversité des cultures, le dialogue entre les civilisations peuvent s’exprimer et prévenir le choc des civilisations que certains agitent tel un épouvantail funeste. L’éducation culturelle est le terreau sur lequel germeront de manière durable le respect de l’autre, la réconciliation des identités et in fine la paix dans le monde.

L’éducation culturelle est donc indispensable. Mais comment la promouvoir ? Par la langue, premier médiateur culturel, car lieu d’échange et de compréhension entre les peuples. C'est la raison pour laquelle j’ai interrogé le ministre français de l’Éducation nationale sur la création d’une agrégation de langue d’oc. Je crois en effet important, comme nous y invite la Charte sur la sauvegarde des langues régionales, de les reconnaître et les faire vivre au travers de leur enseignement. Elles « appartiennent au patrimoine de la France » comme le précise la récente révision constitutionnelle française. La maîtrise par tous de la langue nationale reste néanmoins une priorité absolue ce qui n’est pas incompatible avec une meilleure reconnaissance des langues régionales.

Cependant, la langue n’est pas le seul vecteur de culture. L’apprentissage de l’histoire, de la littérature, des Arts, des sciences humaines, permet d’appréhender les apports de chaque pays, de chaque époque, à l’évolution commune. Ils sont ainsi autant de ponts entre nous que le partage d’une même culture et de mêmes valeurs aident à construire.

Le « Livre blanc » du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel, adopté par le Comité des Ministres le 7 mai 2008, met en évidence la nécessité de ce dialogue pour prévenir les incompréhensions culturelles. Il souligne le rôle indéniable de l’art sous toutes ses formes d’expression, notamment comme socle de la construction de l’individu tant d’un point de vue sensible que cognitif.

L’art développe la créativité, l’imagination, et l’esprit critique, qualités premières dans un monde où la technique et le progrès rendent vite toute forme de savoir obsolète. Et c’est donc en développant ces qualités premières que l’on formera des citoyens capables de s’adapter à un monde en constante mutation.

Promouvoir l’éducation culturelle s’intègre de plus dans la stratégie de Lisbonne, qui préconise une économie fondée sur la connaissance. C’est pourquoi, l’éducation artistique doit être rendue obligatoire dans les établissements du primaire et du secondaire, et encouragée par la formation continue, et ne plus être la variable d’ajustement des programmes lorsqu’il s’agit d’effectuer des coupes sombres. C’est bien parce que la culture pour tous est un enjeu de premier plan, que j’ai déposé le 7 juillet 2009 devant notre assemblée, une proposition de recommandation sur le droit de chacun à participer à la vie culturelle.

Oui, je l’affirme ici solennellement : il est urgent de reconnaître le droit de tous à participer à la vie culturelle comme un droit à part entière. Le droit à l’éducation culturelle n’est pas un luxe. Ce droit à l’éducation culturelle correspond à la quatrième génération des droits de l’homme. Après les droits civils et politiques, les droits économiques et sociaux, les droits environnementaux, le droit à une culture pour tous est la reconnaissance de l’homme dans son humanité à part entière.

Pour conclure et pour faire écho aux mots d’André Malraux, le droit à la culture pour tous est l’ultime conquête des droits de l’homme. Inscrivons cette conquête au frontispice de nos déclarations des droits!»

M. Kurt Masur est intervenu lors du débat pour exprimer à quel point la musique pouvait faciliter la compréhension interculturelle et à ce titre favoriser la paix.

Le projet de résolution a été adopté par l'Assemblée.

H – L’EAU : UN ENJEU STRATÉGIQUE POUR LE BASSIN MÉDITERRANÉEN

L’Assemblée parlementaire souligne que l’accès à l’eau doit être reconnu comme un droit fondamental : l’eau est indispensable à la vie et constitue un bien commun de l’humanité.

Aussi l’Assemblée parlementaire recommande-t-elle de promouvoir une coopération transrégionale et transfrontalière en matière d’eau, de développer les ressources énergétiques d’origine hydrique dans le cadre des énergies renouvelables, de mettre en place une culture et une éducation de l’eau.

Elle demande au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe de promouvoir à un niveau local les partenariats hydriques.

L’Assemblée souhaite poursuivre sa réflexion sur cette question notamment afin d’arriver à une législation qui reconnaisse le droit à l’eau et à l’assainissement des eaux usées comme un droit de l’homme à part entière.

Comme l’a souligné M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), l’eau est un facteur de paix pour le Bassin méditerranéen ; elle fait partie de ces ressources en voie de raréfaction dont le partage peut permettre à la fois de construire des espaces de paix et des «solidarités de fait» :

«Monsieur le Président, mes chers collègues, je remercierai à mon tour les rapporteurs pour leurs excellents rapports.

Les Romains appelaient familièrement la Méditerranée, Mare nostrum, notre mer, mettant en évidence l’œuvre de civilisation qu’ils avaient opérée en unissant l’ensemble des rives de la Méditerranée pour en faire une maison commune. Si appartenir au monde romain était un facteur de civilisation, cette unification des rives méditerranéennes avait aussi été le fruit de la conquête militaire. A ce passé lointain qui nous unit, nous souhaitons apporter notre pierre de touche, mais en proposant, à l’inverse, des partenariats iréniques autour de cette maison commune : cette eau que nous avons en partage, au lieu d’être un facteur de division, doit devenir, à l’inverse, un facteur de cohésion sociale.

L’eau, en Méditerranée, c’est, bien entendu, en premier lieu, la mer. Mer nourricière à plus d’un titre : un littoral attrayant pour l’économie du tourisme, des ressources halieutiques importante, et un espace de transit considérable. Si la Méditerranée représente seulement 0,7 % de la surface des océans, elle accueille 30 % du trafic de fret international. Cet attrait n’est pas sans conséquences en termes écologiques. La dépollution de la mer Méditerranée et la préservation d’un écosystème fragile sont d’évidence des enjeux qui concernent l’ensemble des pays riverains, afin de contribuer à la sauvegarde de la maison commune.

Mais l’eau, dans le bassin méditerranéen, c’est surtout la pénurie, un climat sec où le partage des ressources en eau douce est crucial. Le nombre d’habitants en Méditerranée n’ayant pas accès à l’eau potable est estimé à environ 30 millions. A l’horizon 2025, les projections actuelles, sous-entendu sans action positive de notre part, tablent sur un pourcentage de 44 % de la population totale des pays de la zone qui sera « pauvre en eau ». Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l’eau depuis 2005, auditionné par la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, énonçait que : « L’eau en Méditerranée a trois ennemis. Le premier est la croissance démographique, notamment dans les zones côtières. Le deuxième est l’accroissement des pollutions : dans les pays moins développés, lorsque l’accès à l’eau s’améliore, les pollutions augmentent dans la mesure où plus de produits sont utilisés. Le troisième ennemi, ce sont les variations du climat».

L’enjeu stratégique du partage de l’eau pour le bassin méditerranéen ne peut être le fait d’un seul pays ni de la seule partie européenne du bassin méditerranéen : il nécessite solidarité et interdépendance. C’est pourquoi Nicolas Sarkozy, le président de la République française, dans son discours pour la construction d’une Union pour la Méditerranée, relance du processus euro-méditerranéen initié à Barcelone en 1995, a rappelé l’urgence qu’il y avait à « bâtir ensemble une Union méditerranéenne qui sera un trait d’union entre l’Europe et l’Afrique».

L’Union pour la Méditerranée est une instance de dialogue importante pour impulser des projets communs.

Cependant, parce que le partage de l’eau est bien un enjeu vital pour les années à venir, le rapport nous fournit l’occasion, ici et maintenant, l’occasion, dans cette instance de dialogue interparlementaire qui dépasse les frontières du Bassin méditerranéen, de montrer que des actions initiées en commun sont de nature à permettre de transformer un handicap, l’absence d’eau, en partenariat constructif autour de la paix.

Les usines de dessalement de l’eau de mer pour remédier à l’absence de ressources suffisantes en eau douce sont un bon exemple de partenariat privilégié fournissant l’occasion de construire des ponts et des solidarités entre pays rivaux d’hier pour bâtir ensemble un avenir commun. Donnons dès maintenant des suites au « Cinquième forum mondial de l’eau » qui s’est tenu à Istanbul, en Turquie, du 16 au 22 mars 2009, avec pour thématique : « Établir des ponts entre les divisions pour l'eau ». Car si l’eau est le sel de la vie, elle est aussi le moyen de la paix.

Construire des ponts entre les hommes, tel est l’enseignement d’une stratégie pour le bassin méditerranéen articulée autour du partage de cette ressource à la fois si abondante si rare, et si chère : l’eau que nous avons en commun.

Jean Monnet, lorsqu’il bâtissait l’Europe du Charbon et de l’acier, rappelait que dans son discours fondateur du 9 mai 1950, Robert Schumann soulignait : la nécessité de « solidarités de fait» pour établir la paix. Il s’agissait alors de l’acier et du charbon, les nerfs de la guerre : un partage effectif empêcherait, à tout jamais, d’en faire, à nouveau, un usage national belliciste.

C’est aujourd’hui à nous, dans cette enceinte européenne élargie, qu’il revient de retrouver l’esprit des pères fondateurs, ceux de l’Union européenne, mais surtout ceux du Conseil de l’Europe. Cette année où nous célébrons le 60ème anniversaire du Conseil de l’Europe et sa réussite dans la construction d’un espace pacifique, reprenons les mots de Mme la Secrétaire générale ad interim, en introduction au colloque sur l’avenir du Conseil de l’Europe : « Les Droits de l’Homme ne sont pas un luxe pour les pays occidentaux. Le droit à disposer d’un environnement sain, au nombre desquels le droit à un accès à des ressources suffisantes en eau, est un droit fondamental, car il est la source de la vie».

Le partage de l’eau nous offre la chance de pouvoir mettre en œuvre les solidarités de fait qui nous permettront de construire un espace de paix autour du bassin méditerranéen. Sachons transformer les obstacles en autant d’atouts : le partage des ressources hydriques est au nombre de ceux-ci. Sachons saisir cette chance pour affronter les défis de demain ! Retrouvons l’esprit des pères fondateurs pour que le Conseil de l’Europe ait un avenir à la hauteur de son passé !»

Soutenu par MM. René Rouquet (Val-de Marne- SOC), Denis Badré (Hauts-de-Seine-UC), Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime-GDR), Philippe Nachbar (Hauts de Seine – Union centriste) et Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique-UMP), l’amendement suivant au projet de résolution a été adopté : «L’Union pour la Méditerranée offre une nouvelle opportunité pour mettre en place une telle coopération par le développement de projets concrets.»

Le projet de résolution ainsi amendé a été adopté à l’unanimité.

I –  VERS UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DES OCÉANS

L’Assemblée parlementaire rappelle sa résolution 1694 « Vers une nouvelle gouvernance des océans. » Consciente de l’impact de la pollution et du réchauffement climatique sur les océans, l’Assemblée parlementaire estime que le Conseil de l’Europe est l’institution qui serait la plus à même de promouvoir une nouvelle approche des océans au moyen d’un nouveau cadre juridique et institutionnel visant à établir une nouvelle forme de gouvernance des océans.

L’Assemblée parlementaire invite le Comité des ministres à charger un comité d’experts pour définir un nouveau cadre juridique et institutionnel relatif à la gouvernance des océans. Elle souhaite que les États membres participent au projet intergouvernemental EurOcean, et que le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux facilite au niveau local une bonne gestion des ressources océaniques et hydrographiques.

Le débat a souligné la difficulté à trouver des accords conventionnels notamment en termes de quota afin de préserver les ressources halieutiques, en particulier entre le Canada et l’Europe.

La question environnementale abordée sous l’angle de la préservation de l’eau met en évidence cette troisième génération de droits de l’homme, celle qui consiste à considérer l’homme dans son environnement tant culturel que naturel.

L’eau davantage qu’une ressource renouvelable est un bien commun à l’humanité et sa gestion, pour être responsable, doit en tenir compte.

Le projet de recommandation a été adopté à l’unanimité.

J – QUINZE ANS APRES LE PROGRAMME D’ACTION DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA POPULATION ET LE DÉVELOPPEMENT :

La rapporteure a souhaité que son rapport ne soit pas présenté à l’ordre du jour de la Quatrième session comme cela était prévu initialement afin que la Commission de l’égalité des chances puisse remettre son avis sur ce texte avant sa discussion en séance plénière.

L’Assemblée a accepté cette proposition : le rapport sera discuté à une partie de session ultérieure.

K –  LE VIOL DES FEMMES Y COMPRIS LE VIOL MARITAL

L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1691 sur le viol des femmes, y compris le viol marital, qui relève que le viol est une violation inacceptable des droits et de la dignité de la femme. Crime extrêmement grave, il a pendant trop longtemps été minoré.

Aussi l’Assemblée parlementaire recommande au Comité des ministres d’inviter ses États membres :

- à s’assurer que leur législation en matière de viol et violence sexuelle atteigne le niveau le plus élevé possible ;

- à faire du viol marital une infraction distincte dans chaque législation nationale ;

- à élaborer des systèmes de prévention, notamment par l’éducation, qui permettent de lutter contre le viol, en amont ;

- à lutter contre les attitudes qui ont tendance à empêcher que les victimes osent se plaindre des crimes dont elles sont les objets.

Les violences faites aux femmes sont une des raisons qui empêche qu’une véritable égalité soit instaurée entre les hommes et les femmes, d’où la nécessité d’avoir une lutte véritablement efficace contre elles.

Seules des campagnes d’information et une législation renforcée permettront de lutter contre les usages et les mentalités arriérées.

V – L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE

A – ÉLECTION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE

Le Secrétaire général est élu pour une durée de cinq ans à l’issue d’une procédure en deux temps. Les candidatures sont déposées auprès du Comité des ministres, qui, au terme d’une sélection, retient au moins deux noms qui sont ensuite transmis à l’Assemblée parlementaire. Celle-ci élit alors le Secrétaire général.

Une crise institutionnelle était née de la position du Comité des Ministres de n'accepter que deux des quatre candidats au poste de Secrétaire général. Avec le souci de mettre fin à cette crise, le Bureau a décidé de procéder à l’élection du Secrétaire général dans cette partie de la session, même si le désaccord avec le Comité des ministres existait toujours. L’absence d’un Secrétaire général élu avec une majorité forte ne pouvait qu’affaiblir l’institution dans son ensemble, raison pour laquelle il a été décidé de procéder au vote. Celui-ci s’est déroulé, à bulletins secrets, en début de session.

Le nombre de votants était de 257. La totalité de la délégation française a voté. Il y avait 12 bulletins blancs ou nuls. Les suffrages exprimés étaient donc au nombre de 245, la majorité absolue des suffrages exprimés était de 123.

M. Wlodzimierz Cimoszewicz a obtenu 80 voix,

M. Thorbjørn Jagland a obtenu 165 voix.

M. Thorbjørn Jagland ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, il a été proclamé élu par le Président de l’Assemblée parlementaire Secrétaire général du Conseil de l’Europe pour une période de cinq ans à compter du 1er octobre 2009.

B – INTERVENTION DE M. SAMUEL ŽBOGAR, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE SLOVÉNIE, PRÉSIDENT DU COMITÉ DES MINISTRES

La présidence slovène s’inscrit dans un triple contexte : celui du 60ème anniversaire du Conseil de l’Europe, celui de la question délicate de l’élection du nouveau Secrétaire général et surtout celui des partenariats du Conseil de l’Europe avec les autres institutions internationales à vocation régionale et internationale.

La crise institutionnelle ouverte par le refus de l’Assemblée parlementaire d’élire un nouveau Secrétaire général à la précédente session de l’Assemblée a conduit le Comité des ministres à prôner une collaboration plus étroite avec l’Assemblée parlementaire. M. Samuel Žbogar a particulièrement insisté, lors de son allocution, sur la nécessité d'instaurer un dialogue renforcé entre le Comité des ministres et l’Assemblée parlementaire.

La présidence slovène entend jeter les bases d’une nouvelle coopération entre le Bureau du Comité des ministres et le Comité des Présidents de l’Assemblée parlementaire. Des réunions régulières à différents niveaux pourront ainsi être régulièrement organisées. Le nouveau Secrétaire général sera chargé d’établir un rapport, au plus tard, en octobre 2010, sur un éventail de mesures à prendre pour renforcer la coopération entre les deux organes du Conseil de l’Europe.

La situation de la Cour européenne des droits de l’Homme a également été abordée. Face à l’absence de ratification du protocole additionnel n°14 à la Convention européenne des droits de l’Homme, le Conseil de l’Europe dispose désormais du protocole n°14 bis, qui permettra de fluidifier l’activité de la Cour, en appliquant certaines procédures prévues par le protocole n°14. S’il ne présente pas toutes les garanties initialement prévues par ce dernier, il n’en constitue pas moins une indéniable avancée tant pour la Cour elle-même que pour le Conseil de l’Europe, en proie à de nombreuses difficultés budgétaires. Le président du Comité des ministres se réjouit, par ailleurs, que le Protocole 14 bis entre en vigueur cette semaine le 1er octobre.

La question de l’Europe du Sud-est fait également figure de priorité aux yeux de la présidence slovène, qu’il s’agisse des conséquences du conflit entre la Russie et la Géorgie, de l’intensification du dialogue avec la Biélorussie, du suivi de l’amélioration du respect des engagements et obligations à l’égard du Conseil de l’Europe, en Bosnie-Herzégovine où des tentatives répétées de remise en cause les accords de Dayton ont été condamnées, ou au Monténégro, pays dans lequel d’immenses progrès ont été remarqués. En Moldavie, le Comité des ministres a conclu que la République de Moldova avait besoin d’un soutien supplémentaire, notamment afin de mettre à jour les listes électorales, instaurer un véritable contentieux des élections et permettre une couverture médiatique équitable de l’ensemble des candidats.

La Fédération de Russie a été évoquée, particulièrement du fait des assassinats récents de travailleurs humanitaires et défenseurs des droits de l’homme, et de la situation préoccupante, du fait de la multiplication des actes de violence, dans le Caucase Nord.

La présidence slovène a mis en évidence les partenariats qui sont envisagés à l’avenir avec les autres organisations internationales. Des rencontres sont prévues au niveau des Comité des ministres et des Secrétaires généraux entre l’OSCE et le Conseil de l’Europe afin de déterminer au niveau politique les questions d’intérêt commun.

Une réunion est prévue entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, à l’ordre du jour de laquelle pourrait figurer le « programme de Stockholm », à savoir l’action future de l’Union européenne dans les domaines de la liberté, de la sécurité et de la justice ainsi que l’initiative communautaire d’un « Partenariat oriental ».

La Slovénie et l’Espagne ont décidé de parrainer ensemble la cérémonie de présentation de l’étude conjointe du Conseil de l’Europe et des Nations-Unies sur le trafic d’organes, de tissus et de cellules et la traite des êtres humains aux fins de prélèvement d’organes qui se tiendra dans le cadre de la 64ème session de l’Assemblée générale des Nations-Unies.

Le débat qui a suivi l’intervention de M. Samuel Žbogar a principalement porté sur la question de la violation des droits de l’homme et sur les actions du Conseil de l’Europe dans le domaine de la santé.

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a demandé s’il était possible d’espérer au Bélarus un moratoire sur les exécutions capitales :

«Monsieur le Président, vous avez évoqué le statut d’invité spécial du Bélarus. Vous êtes intervenu à l’occasion de la condamnation à mort d’un jeune homme dans ce pays. Pouvons-nous connaître la réaction des autorités de ce pays à la suite de votre intervention et pouvons-nous espérer un moratoire sur les exécutions capitales au Bélarus?»

M. Samuel Žbogar a répondu qu’il fallait tenir compte de l’extrême susceptibilité de ce pays sur toute question d’ingérence extérieure, même en termes de respect des droits de l’homme :

«Nous devons prendre beaucoup de précautions lorsque nous traitons du Bélarus. Le peuple bélarussien est très sensible à ces questions. Au mois de juin, je me suis rendu à Minsk et j’ai pu le constater. Au cours de la Seconde guerre mondiale, ce pays a beaucoup souffert ; il fut l’un des pays qui a perdu le plus d’hommes et il est extrêmement sensible aux pressions extérieures, comme l’est du reste tout pays. Mais je crois que le Bélarus est encore plus sensible à la nécessité de rester indépendant et de faire ses propres choix.

A cet égard, la peine de mort semblant jouir d’un grand soutien au Bélarus, la question est délicate. Il semblerait que le gouvernement soit prêt à engager une discussion sur le moratoire dans le cadre des travaux d’une commission au sein de son Parlement. De premiers signes sont perceptibles qui semblent indiquer que le Bélarus serait, dans une certaine mesure, prêt à avancer, mais avec grande prudence, car la peine de mort est soutenue par la population.

Les conditions imposées de l’extérieur ne suscitent pas des réactions positives dans ce pays. C’est pourquoi il est nécessaire que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne mesurent leurs actions. L’Union européenne présentera à la fin de mesures de sanction à la fin de l’année. Il faut vraiment mesurer nos actions pour ne pas faire trop pression sur le Bélarus; il faut voir dans quelle mesure nous voulons le soutenir et le contraindre.

En ma qualité de Président du Comité des Ministres, j’ai constaté qu’il y avait une possibilité d’engager le Bélarus dans un dialogue; c’est plutôt en ce sens que nous devrions œuvrer, par exemple en l’encourageant à signer et à ratifier des conventions du Conseil de l’Europe pour que, progressivement, il s’intègre dans les structures du Conseil.

J’aurais souhaité qu’il dispose au mois de juin du statut d’Observateur à l’Assemblée du Conseil de l’Europe sans conditions. Je pensais que c’était là un moyen de l’associer et d’œuvrer pour un changement plutôt que de faire pression par la voie de conditions imposées, qui ne s’avèrent pas nécessairement fructueuses.»

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC), a souhaité connaître quelles actions le Comité des ministres souhaitaient mettre en œuvre pour rétablir la sécurité dans le Nord Caucase et faire cesser la situation d’impunité dont jouissent les auteurs des crimes :

«Monsieur le Président du Comité des Ministres, ma question rejoint une des préoccupations que vous avez évoquées lors de votre exposé à savoir le nombre d’attentats et d’assassinats croissant dans le Caucase. Je souhaiterais savoir ce que le Conseil de l’Europe, en collaboration avec les autorités fédérales russes, envisagent de faire pour contribuer à rétablir la sécurité dans cette région et en finir avec l’impunité des auteurs de ces graves atteintes aux droits de l’homme les plus élémentaires.»

M. Samuel Žbogar a expliqué qu’il avait interpellé les autorités russes pour que celles-ci prennent les mesures idoines :

« En tant que Président du Comité des Ministres, j’ai fortement condamné ces actes. J’en ai appelé aux autorités russes pour ouvrir les enquêtes nécessaires afin de traduire les auteurs en justice.

Au mois de septembre, au cours des réunions des Délégués, les mêmes déclarations ont été faites condamnant les assassinats et appelant la Fédération de Russie à prendre des mesures et visant à défendre les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes, les militants en particulier. En février 2008, le Comité des Ministres avait déjà adopté une décision en ce sens. La Fédération de Russie en réponse a donné des assurances contre le fait que les autorités faisaient tout leur possible pour identifier et traduire en justice les auteurs de ces crimes.»

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a voulu savoir s’il y avait une action de prévue, en partenariat avec l’OMS, pour lutter contre la pandémie grippale actuelle.

«Le Conseil de l’Europe intervient dans un certain nombre de domaines, et généralement, toujours avec compétence et succès.

Il est un domaine également où nous avons une réputation, c’est celui de la protection de la santé. Je pense à la pharmacopée, aux règles de transfusion sanguine, au don d’organe. Actuellement, l’Europe et le monde sont inquiets de l’épidémie de grippe A/H1N1. Le Conseil de l’Europe a-t-il, avec l’OMS, l’intention de mener une action.»

M. Samuel Žbogar a expliqué qu’il n’y avait pas d’actions envisagées, à l’heure actuelle, avec l’OMS sur cette question :

«A vrai dire, nous n’avions rien prévu pour l’heure. En tant que Conseil de l’Europe, nous ne pensons pas qu’il y ait lieu de travailler avec l’OMS sur la grippe porcine. Le Comité des Ministres effectue une surveillance. Nombre de principes ont été posés à Varsovie il y a quelques années, concernant en fait bien plus les droits de l’homme, la cohésion sociale, l’harmonisation des politiques sanitaires dans les États membres, l’éducation, la promotion des droits des patients. C’est donc bien plus large.

Donc, ma réponse concrète est que nous ne sommes pas en contact avec l’OMS sur cette question. Cela étant, je peux vérifier avec mes collaborateurs afin de voir s’il y a lieu de prendre contact.»

C – COMMUNICATION DE M. THORBJØRN JAGLAND, APRÉS SON ÉLECTION EN TANT QUE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE :

Le nouveau Secrétaire général est intervenu pour remercier l'Assemblée parlementaire de la confiance qu'elle lui a accordée. Il a tenu à saluer son adversaire dans cette élection dont il a reconnu la loyauté et s'est présenté comme le Secrétaire général de l'ensemble des composantes du Conseil de l'Europe.

M. Thorbjørn Jagland a rappelé l'importance du Conseil de l'Europe dans la création d'un espace de paix grâce à la promotion de l'État de droit et des valeurs démocratiques.

Il a particulièrement insisté, en tant qu'ancien parlementaire, sur l'importance du rôle joué par l'Assemblée parlementaire comme instance de dialogue dans une institution intergouvernementale.

Il a présenté son action à venir comme celle de la recherche du consensus, notamment dans la recherche d’un approfondissement des relations entre les différents organes du Conseil de l’Europe.

Il a insisté sur le besoin de réforme de l’organisation du Conseil de l’Europe afin de «rendre celui-ci plus souple et plus réactif » pour continuer à incarner le phare de la démocratie et de l'État de droit.

D – L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE : RAPPORT DE M. JEAN-CLAUDE MIGNON

La Commission des questions politiques a confié à M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, un rapport sur l'avenir du Conseil de l'Europe. Au moment de la célébration du 60ème anniversaire de l'institution, l'objectif était de rappeler à la lumière de ses soixante années d'expérience quel positionnement le Conseil de l'Europe devait prendre pour continuer à promouvoir la construction et la promotion des valeurs démocratiques sur l'ensemble du continent européen, alors qu'il est en butte à la concurrence d'autres organisations à vocation régionale, en particulier l'Union européenne.

Le rapport sans concessions établi par M. Jean-Claude Mignon, (Seine-et-Marne – UMP), a établi les lignes de forces et de faiblesses de l'institution. Le premier constat réside dans le fait que l'organisation ne doit pas s'endormir sur ses lauriers au risque de perdre son identité. Quelles solutions alors proposer pour offrir un avenir à la hauteur du passé ? Le rapporteur a choisi de présenter trois séries de solutions qui permettront de redonner un nouvel élan à l'organisation sans que celle-ci ne perde sa spécificité, son identité et son originalité.

Le Conseil de l'Europe est une institution protéiforme qui pourrait de ce fait se diluer dans une trop grande activité ; aussi est-il préconisé de recentrer l'organisation sur sa mission première : la défense des droits de l'Homme et de la démocratie. Cela ne signifie pas pour autant une vue étroite de la notion de droits de l'homme : l'Assemblée parlementaire doit garder sa spécificité de laboratoire d'idées qui lui permette de continuer à éclairer les autres organes sur la promotion de nouveaux droits, qu'il soient d'origine jurisprudentielle ou conventionnelle.

Sur le plan institutionnel, le Conseil de l'Europe doit repenser sa mission en collaboration avec les autres institutions à vocation régionale afin d'éviter toute concurrence mais à l'inverse travailler à une complémentarité de plus en plus étroite. L'annonce faite par le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, M. Pierre Lellouche, d'une possible adhésion de l'Union européenne au Conseil de l'Europe est un signal fort d'un désir de coopérer sans que l'Agence des droits fondamentaux qui siège à Vienne ne devienne une menace. De même, des synergies entre l'OSCE et le Conseil de l'Europe devraient être fortement envisagées.

La troisième série de solutions est d'un ordre plus politique : le budget du Conseil de l'Europe doit être repensé à la hauteur d'une organisation de cette envergure. Les parlements nationaux doivent davantage intégrer les travaux du Conseil de l'Europe au sein de leurs propres travaux de manière à rendre son action plus visible et plus compréhensible pour l'ensemble des citoyens. Enfin, l'allongement des mandats politiques au sein de l'Assemblée parlementaire à trois ans permettrait une action dans la continuité qui redonnerait de la force et de la visibilité à l'institution, il en va de même, par ailleurs du Comité des ministres, dont la présidence tournante de six mois affaiblie l'institution.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, rapporteur, a, donc, présenté les enjeux relatifs à l'avenir du Conseil de l'Europe. La « Maison de la démocratie » doit toujours rester vivante, car c'est là que réside l'avenir de la plus veille organisation paneuropéenne :

« Monsieur le Président, monsieur le ministre Pierre Lellouche, mes chers collègues, treize minutes pour parler de l’avenir du Conseil de l’Europe, c’est bien peu, notamment lorsqu’on se penche sur le bilan de notre organisation qui est plus que flatteur !

Pourquoi ce rapport ? Parce que, suite à la réunion du Comité des ministres qui s’est tenue à Madrid au mois de mai dernier, il a été décidé – suite également aux péripéties que nous avons connues pour élire notre Secrétaire général – de se pencher sur l’avenir du Conseil de l’Europe. La commission des questions politiques, qui a été saisie par le Bureau, m’a donc confié le soin de rédiger ce rapport.

C’est un grand honneur pour moi que de rédiger un rapport sur le Conseil de l’Europe, qui est la plus ancienne institution paneuropéenne, créée en 1949 par nos « grands anciens » ! Si aujourd’hui ils étaient présents pour tirer le bilan de notre Organisation, je crois qu’ils pourraient être fiers : fiers de ce qu’ils ont créé et fiers de ce que nous en avons fait, le bilan étant plus que positif.

Nous sommes la « Maison de la démocratie » – ce qui est d’ailleurs écrit en gros sur notre fronton, et nous ne devons jamais l’oublier –, la Maison des droits de l’homme ; pour nous, la prédominance du droit signifie quelque chose.

Quand on établit le bilan de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, il est également indispensable d’être critique. Car si, effectivement, la Cour européenne des droits de l’homme est notre fleuron, si notre Assemblée parlementaire est exceptionnelle et unique – M. Gross l’a rappelé ce matin dans son excellent rapport relatif aux Nations Unies –, nous avons aussi quelques faiblesses. Et nous devons nous poser cette question-ci : les principaux piliers de notre Organisation – le Comité des ministres, l’Assemblée parlementaire – fonctionnent-ils comme ils le devraient ? Nos partenaires, les ONG, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, sont-ils suffisamment sollicités pour travailler avec nous comme ils le souhaiteraient ?

Le Comité des ministres, par exemple, et je profite de la présence de M. Lellouche pour en parler, a, au cours des années, tendance à se transformer en Comité des ambassadeurs – pour lesquels j’ai le plus grand respect, d’ailleurs. Mais nous aimerions, autant que faire se peut, que les ministres des 47 États soient beaucoup plus présents pour siéger au sein de ce Comité. Nous aimerions aussi que davantage de ministres puissent venir ici, devant cette Assemblée parlementaire ou être auditionnés par les différentes commissions que compte le Conseil de l’Europe.

Par ailleurs, nous avons un problème de budget – nous en parlons depuis des années. Il est bien évident que le Conseil de l’Europe, en 2009, n’a plus rien à voir avec ce qu’il était à sa création ! Et depuis 1990, il a pris une tout autre dimension avec l’arrivée de tous les pays amis que nous appelons encore – un peu stupidement – les « nouvelles démocraties » d’Europe centrale et occidentale. Notre budget a donc une croissance zéro depuis des années et notre collègue Paul Wille a tenté, sans succès, d’attirer l’attention des uns et des autres sur ce problème.

Nous devons également parvenir à intéresser davantage les parlements nationaux. Il est en effet catastrophique de constater que, dans un certain nombre de parlements, les travaux du Conseil de l’Europe – qui sont d’une qualité exceptionnelle – n’ont quasiment pas d’écho.

Nous devons aussi nous pencher sur le problème de la Cour européenne des droits de l’homme. Nous parlons de la Cour comme du « fleuron », du Conseil de l’Europe ; et effectivement nous pouvons en être fiers ! Malheureusement, elle est aujourd’hui embouteillée, car elle n’a pas les moyens de faire face à toutes les sollicitations qui lui sont faites et qui sont de plus en plus nombreuses. J’invite d’ailleurs nos amis russes à signer rapidement le Protocole 14.

Nous devons nous tourner vers l’avenir et nous demander quels sont les nouveaux défis auxquels nous aurons à faire face. L’alerte précoce dans la prévention des conflits, par exemple. Dernièrement, M. Wilshire a organisé ici un forum qui a tenté de traiter ce problème. Le terrorisme et l’extrémisme politique, les violences urbaines, la citoyenneté à la démocratie, voilà d’autres défis ; j’attire à ce propos votre attention sur le réseau des écoles d’études politiques, dont nous sommes fiers, et qui est cofinancé par notre organisation et l’Union européenne, pour émettre le souhait que l’Union européenne ne cesse justement pas son financement. La cohésion sociale, la mondialisation… voilà encore différents sujets auxquels nous devons nous intéresser. Je crois en l’avenir du Conseil de l’Europe.

Nous avons la chance de siéger dans cette Assemblée parlementaire, endroit unique où se côtoient et apprennent à se connaître, dans la tolérance, des parlementaires de 47 pays. Et si nous voulons être pris au sérieux, nous devons nous tourner vers l’avenir et peut-être fonctionner différemment. Peut-être établissons-nous trop de rapports ? Le temps ne serait-il pas venu de nous recentrer sur les missions telles qu’elles avaient été définies par nos « grands anciens » ?

Je crois résolument à l’avenir du Conseil de l’Europe. Je souhaiterais que nous parlions de l’avenir au cours de nos débats et que nous ne nous focalisions pas sur quelques points qui pourraient éventuellement chagriner quelques-uns. Nous sommes ici pour défendre l’intérêt général, en rien pour défendre les intérêts personnels ou de groupes de personnes. »

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) a salué le rapport de M. Jean-Claude Mignon, et souligné le rôle indépassable de l'Assemblée parlementaire comme «laboratoire d'idées». Il a rappelé l'ensemble des défis auxquels est confronté le Conseil de l'Europe, notamment en termes de chevauchement de compétences :

«  Je tiens tout à d’abord à féliciter M. Mignon pour son rapport, que j’approuve totalement.

Le Conseil de l'Europe peut être fier du chemin parcouru depuis 1949. Le compromis qui aboutit au traité du 5 mai 1949 ne permettait pas nécessairement d'envisager une organisation réunissant 47 États membres, y compris la Russie, les formidables avancées pour le développement de l'état de droit et les droits de l'homme que constituent la convention européenne des droits de l'homme et la Cour européenne des Droits de l’Homme, et ce succès économique formidable, même s'il est moins visible, que représente l'accord « Pharmacopée ».

L’histoire a donné raison à Winston Churchill qui plaidait, avant même le traité, pour un « groupe européen » qui « pourrait donner un sens à un patriotisme plus important et une citoyenneté commune aux peuples égarés de ce turbulent et formidable continent». Il ajoutait que « dans l’ordre de ce qui doit être accompli, il doit y avoir un acte de foi auquel des millions de familles parlant de nombreuses langues devront consciemment prendre part ».

Je soulignerai également le caractère très symbolique de la localisation de cette organisation internationale. Quelle ville pouvait mieux symboliser la réconciliation franco-allemande que Strasbourg ? Et, au-delà, signifier que le Conseil de l’Europe est la voix politique d’un continent pacifié et réunifié depuis 1989 ? Et quelle autre institution que l’APCE permet un dialogue entre tous les États européens ? Elle constitue, selon l’expression de Raymond Poitevin un véritable laboratoire d'idées. Quelle autre institution que le Conseil de l’Europe a fait autant progresser la cause des droits de l’homme ?

Si nous pouvons donc dresser un bilan flatteur de ces soixante dernières années, il est tout aussi certain que les faiblesses et les incertitudes existent et que nous devrons faire des choix, faire évoluer le Conseil de l'Europe si nous voulons que le prochain bilan soit également positif.

Les défis sont nombreux. Sans les hiérarchiser je commencerai par celui posé par l’Union européenne. Sœur cadette du Conseil, son succès même paraît parfois menacer son aînée. Pourtant, après la chute du mur de Berlin, le Conseil de l’Europe a bien montré son utilité. Comme l’avait rappelé en 2005 Jean-Claude Juncker, alors président en exercice du Conseil européen : « La sauvegarde des Droits de l’Homme, l’action culturelle ainsi que son action normative font du Conseil de l’Europe une organisation dont l’Union européenne serait dans l’impossibilité de prendre la place ». Je forme le vœu que l’avenir soit à la complémentarité et non plus à la rivalité.

Autre défi, d’intendance serait-on tenté de dire, mais qui revêt une forte dimension politique du fait de son acuité : la question budgétaire. La progression continue des besoins de la Cour européenne des Droits de l’Homme fait que, le budget étant unique, la part de l’APCE est en régression. Il va falloir trouver des solutions. Dans l’immédiat, il conviendrait de séparer le budget de la Cour européenne des droits de l’homme de celui des autres institutions.

Autre remarque : la lisibilité des messages du Conseil de l’Europe ne se trouve pas facilitée par la multiplicité des acteurs, y compris et surtout sur son cœur de métier, les droits de l’homme.

Je conclurai sur un point fondamental : l’équilibre des pouvoirs entre l’APCE et le Comité des ministres. Le récent conflit sur l’élection du Secrétaire général a bien montré la nécessité d’une révision des procédures garantissant que l’Assemblée parlementaire soit mieux associée au processus de désignation afin que sa liberté de choix soit entière. Plus généralement, la Commission mixte est-elle un organe satisfaisant de dialogue ?

Il nous faut avancer sur ces chantiers si nous voulons que le Conseil de l’Europe continue à jouer le rôle irremplaçable qui est le sien. »

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UC), a précisé qu'il fallait trouver des partenariats avec les organisations internationales, agir en complémentarité et non en concurrence, aussi l'absence de parti pris géopolitique du Conseil de l'Europe est-il un atout qu'il faut défendre :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, comme le souligne l’excellent rapport de notre collègue Jean-Claude Mignon, le Conseil de l’Europe est, en quelque sorte, à la croisée des chemins.

Nous sommes encore confrontés à l’émergence de l’Agence européenne des Droits de l’Homme de l’Union européenne. Cela nous a causé un choc. Lorsqu’en France, la plupart des parlementaires désignés comme représentants au Conseil de l’Europe ont voulu mettre en garde contre les menaces que cela représentait pour notre Organisation, nous nous sommes heurtés à un bureau du ministère des Affaires étrangères. L’ensemble des parlementaires n’a pas suffisamment de poids par rapport aux ministres. En Europe, force est de constater une diminution du poids du Parlement par rapport aux exécutifs.

Cela veut-il dire que nous allons disparaître, comme l’UEO ? Je ne le crois pas. Nous avons à notre actif un prestige, une expérience, une étendue de territoires beaucoup plus importante que celle que couvre l’Union méditerranéenne. Il faut parvenir à une complémentarité avec l’Union européenne et s’orienter vers des partenariats que l’on peut nouer à terme avec le bassin méditerranéen ou l’Asie centrale. Cela suppose qu’on se remette en cause, et qu’on sache s’ouvrir.

L’absence de parti pris géopolitique du Conseil de l’Europe lui permet d’être un espace nécessaire de dialogue entre toutes les tendances du continent européen et lui confère une légitimité incontestable en matière de Droits de l’Homme.

L’accord signé le 18 juin 2008 entre le Conseil de l’Europe et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne tend à encourager l’Assemblée parlementaire à poursuivre sur la voie de la coopération, en insistant sur la nécessité de trouver un créneau qui lui soit propre. En renforçant la complémentarité entre les deux organisations, le texte légitime, en effet, l’action du Conseil, qui reste la référence en matière de Droits de l’Homme à l’échelle européenne. Rappelons, par ailleurs, que dans l’attente d’une éventuelle entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les modalités d’intervention de l’Union européenne dans le domaine des Droits de l’Homme demeurent un sujet d’interrogation, l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des Droits de l’Homme étant toujours bloquée.

De fait, à l’heure où l’Union européenne peine à passer de la phase d’intégration à celle de la construction d’un véritable projet commun, notre Organisation insiste, quant à elle, sur la nécessité de faire émerger un socle de valeurs démocratiques communes à l’ensemble du continent. Elle entend faire de celui - ci le vecteur de coopérations concrètes autour de la protection des Droits de l’Homme.

Je dirai pour terminer qu’il faut que nous puissions nous remettre en cause. Ce matin, nous avons eu un débat qui, par rapport aux principes généraux du droit, de la séparation entre l’exécutif et le législatif, était un peu surréaliste. L’article 9 du Règlement pouvait exister, il y a soixante ans, quand nous étions dans une logique de construction d’une structure qui défendait les Droits de l’Homme. A partir du moment où la plupart des pays ont intégré cette Assemblée, comment peut-on encore avoir un article du Règlement qui permet à des parlementaires de mettre en cause d’autres parlementaires ? Comment l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe peut-elle préserver sa crédibilité dans ces conditions ? Cet article 9 doit très vite être supprimé.

Le Conseil de l’Europe arrive à une phase cruciale. Nous devons nous reprendre pour continuer à être les représentants des Droits de l’Homme en Europe et dans le monde entier.»

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC), a souligné la lucidité et l'exhaustivité du travail du rapporteur, M. Jean-Claude Mignon. Elle a soulevé le fait que la légitimité de l'organisation était menacée par une remise en cause de l'universalité des valeurs qui sont le socle du Conseil de l'Europe. Il est urgent de combattre la résurgence du relativisme culturel qui cherche à remettre à cause l'universalité des Droits de l'Homme :

«Monsieur le Président, mes chers collègues, je crois que nous pouvons saluer le travail du président de la délégation française, M. Mignon, qui a brossé un tableau exhaustif du bilan du Conseil de l’Europe, soixante ans après sa création. Son rapport est lucide et ne dissimule rien des difficultés auxquelles est confrontée notre Organisation.

Le Conseil de l’Europe, et les nombreuses institutions qui dépendent de lui, ont su développer une expertise incontestable, et incontestée, en matière d’élaboration normative de droits fondamentaux.

La Cour européenne des Droits de l’Homme, le « joyau » de l’Organisation, est victime de son succès, plus de 100 000 requêtes sont en instance, donc son fonctionnement est bloqué, pour des raisons politiques, par l’absence de ratification unanime du protocole 14, qui permettrait de la désengorger. J’attends de la conférence sur l’avenir de cette Cour, qui doit se tenir à Interlaken en février prochain, à l’initiative de son Président, mon compatriote Jean-Paul Costa, et avec la coopération de la future Présidence suisse du Comité des ministres, qu’elle établisse une feuille de route fixant les grands principes de son évolution. Si l’on veut qu’elle fonctionne de nouveau avec efficacité, tout en continuant à dire le droit avec justice et rigueur, il paraît difficile d’éviter un durcissement des conditions de recevabilité des recours.

En soixante ans, le Conseil de l’Europe a profondément évolué. Longtemps considéré comme un club de pays favorisés ayant les moyens d’être démocratiques et de respecter les Droits de l’Homme, il a été rejoint, au cours des années qui ont suivi la chute du Mur de Berlin, par les pays européens qui avaient vécu sous le joug soviétique pendant plus de 40 ans. Aujourd’hui, la grande famille européenne est – presque – tout entière réunie.

L’élargissement du Conseil de l’Europe manifeste son succès. Il répond, de façon éclatante, aux aspirations de millions d’Européens à la démocratie, au respect de la norme de droit, aux Droits de l’Homme. Il constitue un démenti cinglant à tous les théoriciens fumeux qui, à l’Est, dissertaient sur l’hypocrisie de la « démocratie bourgeoise » et des « libertés formelles ». Il offre une victoire manifeste à tous les tenants de l’universalité des Droits de l’Homme. Le Conseil de l’Europe a alors contribué, et continue de le faire, à la reconstruction juridique de dizaines d’États et de nouveaux États

Cependant, l’euphorie entraînée par la chute du Mur est aujourd’hui retombée, pour au moins deux raisons.

La première tient précisément à l’élargissement de l’Organisation. Signe de son succès, on l’a dit, il a aussi marqué, ne nous le cachons pas, le début concernant ses difficultés de positionnement, en particulier par rapport à l’Union européenne, mais aussi concernant ses problèmes d’identité. Aujourd’hui trop peu visible, le Conseil de l’Europe éprouve des difficultés à redéfinir sa vocation, d’autant plus que certains de ses nouveaux États membres cherchent à l’instrumentaliser à des fins politiques. La tâche qui attend le nouveau Secrétaire Général pour asseoir la légitimité de l’Organisation est, à cet égard, à la fois fondamentale et immense.

La seconde cause des difficultés du Conseil de l’Europe tient, me semble-t-il, à la résurgence de la contestation de la valeur universelle des Droits de l’Homme. La conception universelle des Droits de l’Homme est toujours contestée, et ce sur deux fronts : par les défenseurs de la souveraineté nationale, qui ne s’accommoderaient pas de principes universels et par les tenants du différentialisme, qui interprètent les Droits de l’Homme au regard des réalités culturelles ou religieuses.

L’avenir de notre Organisation passe aussi par une réflexion sur la façon de combattre ces thèses qui prennent une ampleur inquiétante depuis quelques années. »

M. Michel Hunault (Loire -Atlantique – NC), a indiqué, outre l'excellente qualité du travail du rapporteur, que le succès du Conseil de l'Europe tenait à la construction d'un espace dans lequel l'État de droit est une valeur à part entière, le continent européen étant le seul continent où la peine de mort a été abolie :

«Je voudrais à mon tour féliciter le rapporteur, Jean-Claude Mignon, qui est également président de la délégation française, pour ce très important rapport sur l’avenir du Conseil de l’Europe, le jour même où nous célébrons le soixantième anniversaire de notre institution et après le discours du ministre français des Affaires européennes, Pierre Lellouche.

Je voudrais exprimer toute ma gratitude au rapporteur. Je crois que ce rapport est important puisqu’il rappelle ce que nous devons à notre noble Institution qui, au cours de ces soixante ans, a largement contribué à forger un espace de paix, de liberté, de démocratie sur le continent européen qui, je le rappelle, reste le seul continent qui, aujourd’hui, a aboli la peine de mort. L’exigence pour adhérer au Conseil de l’Europe, c’est l'État de droit ; c’est le respect de la démocratie ; c’est également le respect essentiel des valeurs qui nous unissent et essentiellement les Droits de l’Homme.

M. le rapporteur, vous avez voulu faire un rapport sans concession, rappelant les acquis mais aussi les interrogations qui pèsent sur notre Institution, notamment au regard de l’élargissement de l’Union européenne, car, comme cela a été dit par d’autres, la création de l’Agence européenne des droits fondamentaux à Vienne fait un peu double emploi avec notre Assemblée et ses pouvoirs.

Je crois que ce que nous devons à notre Assemblée, ce sont ses acquis. Je pense notamment à la Cour européenne des Droits de l’Homme, au rôle essentiel du Commissaire européen aux Droits de l’Homme et au travail du Comité de prévention de la torture. Notre Assemblée est non seulement la conscience de l’Europe mais aussi le dernier rempart, le dernier garant contre l’arbitraire. Il suffit de voir les demandes devant lesquelles croule la Cour européenne des Droits de l’Homme. Comme vous, je souhaite la ratification du Protocole 14 par la Russie mais je crois aussi que nous devons établir de nouvelles pistes pour le Conseil de l’Europe. Un des orateurs a parlé de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption qui est un élément essentiel.

Permettez-moi d’aller vers d’autres pistes également : le dialogue interreligieux, le dialogue Nord-Sud et entre les deux rives de la Méditerranée. Il y a un projet euro-méditerranéen. Dépositaire de certaines valeurs, le Conseil de l’Europe doit y prendre toute sa place. On parle beaucoup des Droits de l’Homme et de la démocratie mais le premier droit est le droit environnemental. Ce sont des pistes.

Le rapporteur a fait un rapport sans concession. Si le soixantième anniversaire du Conseil de l’Europe se déroule dans une atmosphère sans grand éclat, c’est peut-être parce que les acquis sont là : la liberté, la démocratie, le droit. Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que c’était une chance de faire partie des délégations parlementaires du Conseil de l’Europe. Je dirai qu’au-delà d’une chance, c’est même un devoir, une exigence. Nous sommes les dépositaires de valeurs qui nous sont communes. Je crois qu’il faut être aujourd’hui extrêmement vigilant pour qu’elles triomphent de l’arbitraire et que nous les fassions vivre dans un monde de plus en plus incertain.»

Je vous remercie de votre contribution, monsieur le rapporteur, et je suis sûr que vous ferez vivre ces valeurs.»

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a répondu aux questions soulevées notamment celles relatives à l'opportunité qu'il y avait à débattre d'un allongement du mandat du Président de l'Assemblée parlementaire :

« Je tiens d’abord à vous remercier pour les compliments que vous m’avez adressés. Je pense aussi à celles et ceux qui, présents ou non dans l’hémicycle, ont travaillé avec moi sur ce rapport, car il s’agit d’un travail collectif. Je suis persuadé que ces compliments leur vont aussi droit au cœur.

Nous sommes tous globalement d’accord sur l’essentiel, le constat et les propositions ; ou plutôt, les quelques pistes de propositions que nous nous sommes permis d’indiquer dans le rapport. Je souligne bien qu’il ne s’agit que de quelques pistes. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit par les uns et les autres mais j’ai pris beaucoup de notes. Globalement, vous êtes assez satisfaits de ce rapport. Vous témoignez ainsi de votre volonté de vous tourner vers l’avenir plutôt que de regarder toujours en arrière. A l’évidence, un point pose problème, dont je parlerai très librement, de la même manière que tout ce qui figure dans le rapport a été rédigé très librement. Je répondrai à M. Türkes, à M. Hancock et à M. Frunda.

Monsieur Hancock, je m’adresse à vous au nom de notre amitié déjà ancienne, car nous siégeons tous deux, depuis longtemps sur ces bancs. Vous avez dit que le rêve représenté par le Conseil de l’Europe ne devait pas se transformer en cauchemar. Je partage, bien entendu, ce point de vue, de même que les préoccupations que vous avez exprimées quant au niveau de vie de nos concitoyens et à la volonté de défendre les plus défavorisés. Vous avez évoqué aussi, comme beaucoup d’autres, le budget, un sujet qui me préoccupe également.

Concernant l’article 28.11, M. Türkes et vous-même avez fait état d’une sorte de « bricolage » ou d’arrangement, alors que j’ai reçu mandat de faire des propositions. A l’article 28.11, j’écris qu’il pourrait être intéressant « d’examiner l’opportunité de revenir à une durée de trois ans des mandats » du Président et des présidents des commissions afin « d’assurer une plus grande continuité de ses travaux ». Ai-je dit qu’il fallait revenir à des mandats de trois ans ? Je propose tout simplement que, conformément à ce que vous avez dénoncé et à ce que j’ai dénoncé en d’autres temps, plutôt que d’agir en catimini on agisse au grand jour – le général De Gaulle parlait de ceux qui faisaient leur petite soupe sur des petits réchauds dans un petit coin de cuisine. Il est de notre responsabilité de faire des propositions.

Je me tourne maintenant vers l’ensemble des parlementaires. Je ne voudrais pas qu’il soit dit tout et n’importe quoi dans les couloirs de l’Assemblée, notamment que je pourrais agir pour des raisons personnelles. Je n’ai aucun intérêt personnel. En revanche, je souhaite faire en sorte que le Conseil de l’Europe et notre Assemblée parlementaire travaillent dans de bien meilleures conditions. Je veux renforcer les pouvoirs de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Nous avons un Secrétaire général, et nous devons nous en féliciter car il a manifestement la volonté de faire bouger les choses, et il détient depuis peu un mandat de cinq ans. Nous avons un Comité des ministres dont le président ne détient qu’un mandat de six mois. C’est trop court, à mon avis. Et nous avons des parlementaires qui, lorsqu’ils décident de s’engager ici pour présider des commissions ou pour présider l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, donnent le meilleur d’eux-mêmes.

Lorsqu’a été pris, il y a deux ans, le « petit arrangement » dont a parlé M. Hancock pour écarter quelqu’un de la présidence – je ne parle pas la langue de bois, je dis tout haut ce que certains pensent tout bas – personnellement, je n’étais pas d’accord. Je ne trouvais pas cela élégant car je considère que chaque parlementaire qui siège dans cette assemblée, quel que soit son pays d’origine, a le droit, s’il le souhaite, d’être candidat à la présidence de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Il s’agit uniquement dans ma proposition de dresser un constat. J’ai le sentiment que deux ans de mandat, c’est insuffisant pour permettre à un président d’asseoir son autorité et mettre en place une politique. J’ai eu la chance de siéger dans cette assemblée à l’époque où Catherine Lalumière était Secrétaire général et Michel Angel Martinez, président. Je doute fort que si M. Martinez n’avait pas eu trois ans pour faire ce qu’il a fait, nous pourrions discuter aujourd’hui de l’avenir du Conseil de l’Europe !

Je vous demande donc de faire preuve de raison. Ce n’est pas une décision, ce n’est pas un diktat, c’est une proposition. A vous de décider si, oui ou non, vous voulez en discuter. Si vous ne voulez pas en discuter, tant pis, mais il n’est peut-être pas judicieux de donner des conseils au Comité des ministres, de lui demander de respecter la démocratie, si nous n’avons pas le courage politique d’évoquer entre nous des sujets, même s’ils contrarient certains. »

E – INTERVENTION DE M. PIERRE LELLOUCHE, SECRÉTAIRE D’ÉTAT AUX AFFAIRES EUROPÉENNES

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes, a souhaité venir s'exprimer devant le Conseil de l’Europe, à l'occasion de la célébration de son 60ème anniversaire afin de montrer l'importance qu'il accorde à cette institution et à son avenir.

M. Pierre Lellouche a indiqué que l'Union européenne adhèrerait probablement dans un avenir proche à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et peut-être même un jour au Conseil de l'Europe.

Par ailleurs, il a mis en exergue la dimension essentielle et irremplaçable de la diplomatie parlementaire et a ainsi salué l'immense rôle joué par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Il a, in fine, rappelé, l'attachement de la France au Conseil de l'Europe et à ses valeurs : promotion de l'État de droit et de la démocratie, et développement de l'universalité des droits de l'Homme.

«Monsieur le Président, merci infiniment ! Monsieur le Président Mignon, mesdames, messieurs les Parlementaires, vous me permettrez tout d’abord de saluer votre nouveau Secrétaire général, M. Jagland, élu par votre Assemblée il y a à peine trois jours. Je le verrai en sortant de cette réunion et je l’assurerai du soutien de la France dans la mission qui sera la sienne d’affermir, de consolider et d’assurer l’avenir de cette grande institution.

C’est un honneur pour moi que d’être aujourd’hui devant vous. Je n’oublie pas que mon compatriote Edouard Herriot, un des grands hommes d'État français, présidait la séance inaugurale il y a tout juste soixante ans le 10 août 1949.

C’est également un vrai plaisir pour moi que de m’exprimer devant d’anciens collègues parlementaires. J’ai été longtemps parlementaire, j’ai présidé une Assemblée interparlementaire, celle de l’OTAN de 2004 à 2006. Je mesure donc toute l’importance qui est la vôtre, le travail que vous effectuez – que l’on nomme diplomatie parlementaire – pour représenter les valeurs qui sont les nôtres et celles de vos pays respectifs, sur le continent et au-delà.

A l’Assemblée nationale française, je me suis personnellement impliqué sur des sujets qui nous sont communs : la promotion de l'État de droit et la défense des droits de l’Homme, la lutte contre les violences et les discriminations. Je m’honore en particulier d’avoir fait voter deux lois qui portent mon nom sur les violences à caractère raciste et homophobe, mais aussi sur la liberté de la presse avec mon ami François Loncle, un membre éminent de votre Assemblée. Nous sommes co-auteurs d’un rapport d’information à l’Assemblée nationale sur la liberté de la presse et la protection des journalistes en temps de guerre qui a donné lieu à une résolution des Nations Unies.

Mais, si je suis venu ici aujourd’hui, c’est d’abord pour témoigner de l’attachement de la France au Conseil de l’Europe. C’est, en effet, pour mon pays une responsabilité particulière et un honneur que d’accueillir sur son sol cette Institution et de l’accueillir à Strasbourg, ville ô combien  emblématique des guerres qui ont déchiré notre continent, Strasbourg qui symbolise aujourd’hui la réconciliation franco-allemande et l’unification en marche du continent, puisqu’elle a accueilli en 1949 le Conseil de l’Europe, et trois ans plus tard, le Parlement européen. Le Conseil joue, à l’échelle de la Grande Europe, un rôle essentiel, indispensable, pour la promotion et la défense des droits de l’homme, de la démocratie et de la primauté du droit sur le continent européen.

Plutôt que de tenir des propos convenus sur le Conseil de l’Europe, ce 60e anniversaire doit être l’occasion pour nous d’effectuer un bilan et d’en tirer des enseignements. Il nous faut souligner les réussites incontestables de notre Organisation, mais aussi rester lucides sur ses faiblesses.

A cet égard, je tiens à saluer tout particulièrement le remarquable travail prospectif, dont Jean - Claude Mignon vient de nous tracer les lignes directrices et qui dégage les pistes pour les ambitions du Conseil de l’Europe au XXIe siècle.

Mesdames, messieurs les Parlementaires, comme vous, mon pays est fier de l’œuvre accomplie par le Conseil de l’Europe. En soixante ans, le visage de notre continent a profondément changé. Ce changement, le Conseil de l’Europe a su l’accompagner et même l’encourager. D’abord, en unissant des pays ravagés par la guerre autour d’idéaux communs. Ensuite, en faisant preuve, après la chute du mur de Berlin, dont nous célébrerons d’ici à quelques semaines le 20e anniversaire, d’un véritable sens de l’histoire, en accueillant en son sein des pays en pleine transition démocratique.

Au cours des soixante dernières années, le Conseil de l’Europe a su développer une expertise incontestable en matière d’élaboration normative des droits fondamentaux et, avec la Cour européenne des Droits de l’Homme, un mécanisme essentiel pour la construction de la paix par le droit. J’insiste sur ces derniers mots. Grâce à la Commission de Venise, il a joué un rôle crucial pour l’adoption de constitutions conformes aux standards du corpus européen, et désormais pour la gestion et la prévention des conflits. Et enfin, grâce à votre Assemblée, le Conseil de l’Europe a pu devenir un véritable forum de dialogue et un laboratoire d’idées au service de la promotion de nos valeurs communes. Ce matin, j’ai moi-même utilisé votre forum ; en effet, j’ai dialogué avec plusieurs délégations, dont celle de la Turquie et de la Russie. Voilà à quoi sert le Conseil de l’Europe ; de ce point de vue, il jour un rôle irremplaçable.

Aujourd’hui, à l’heure de la mondialisation des échanges, à l’heure aussi où l’Union européenne achève sa mue institutionnelle – j’espère que nous recevrons dans quelques heures une bonne nouvelle de l’Irlande –, le Conseil de l’Europe, de son côté, a décidé, lors de son troisième sommet des chefs d'État et de gouvernement qui s’est tenu à Varsovie en mai 2005, de se recentrer sur son cœur d’activité. C’est, en effet, en restant fidèle aux valeurs et aux idéaux dont cette Assemblée est l’inspiratrice et en exerçant ses activités là où il a une véritable valeur ajoutée que le Conseil de l’Europe sera mieux reconnu et valorisé. C’est la raison pour laquelle il nous faut identifier et éviter, là où c’est nécessaire, d’éventuelles redondances avec l’Union européenne. Il faut nous focaliser sur les domaines où l’action du Conseil de l’Europe s’avère la plus pertinente et la plus efficace. En un mot, il nous revient de jeter les bases d’une synergie entre ces deux grandes institutions que sont l’Union européenne et le Conseil de l’Europe.

Mais ayons la franchise de le reconnaître ; qui peut dire que nous n’avons pas eu, du côté de l’Union européenne, nous les Européens « de l’Ouest », la tentation, ces dernières années, de nous focaliser sur l’approfondissement de notre marché intérieur, de nos institutions, désormais à 27, souvent au détriment d’une vision d’ensemble, plus globale, à l’échelle de 47 États et de 800 millions d’habitants et, de ce fait, de passer au deuxième plan l’œuvre pourtant considérable du Conseil de l’Europe ?

Je vous le dis de la façon la plus claire : le Conseil de l’Europe, ses parlementaires n’ont à avoir aucun complexe d’infériorité par rapport aux institutions de l’Union européenne. L’Union européenne d’aujourd’hui – et plus encore, je l’espère, si nous avons le Traité de Lisbonne – n’a plus grand-chose à voir avec la Communauté créée en 1957. Elle sera, avec Lisbonne, une personne morale et la question se posera alors de la ratification de la Convention européenne des Droits de l’Homme par l’Union européenne. Et, pourquoi pas, je souhaiterais soumettre cette idée devant vous, de l’adhésion de l’Union européenne en tant que membre à part entière du Conseil de l’Europe ? Cela présenterait à mes yeux l’immense avantage de permettre à ces deux grandes institutions de travailler véritablement ensemble au service des droits de l’homme sur l’ensemble du continent, et au-delà.

De même, on ne peut que souscrire à la proposition du rapport de M. Mignon d’un rapprochement du Conseil de l’Europe et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Celle-ci, dans son approche multidimensionnelle de la sécurité, accorde une place éminente à la fameuse « troisième corbeille », celle des droits de l’homme précisément. Nous percevons là des potentialités de synergie entre le Conseil de l’Europe et l’OSCE.

Il y a là encore bien des choses à faire. Je pense que vous tiendrez des débats utiles sur ces propositions. De la même manière, sur toute une série d’autres sujets qui ont trait à la bonne gouvernance, à la lutte contre la corruption, à la réforme du système judiciaire, un travail très important pourrait et devrait être accompli en étroite coopération avec les Nations Unies et en particulier avec le programme des Nations Unies pour le Développement.

Mesdames, messieurs les Parlementaires, vingt ans après la fin de la guerre froide, votre Assemblée incarne ce lieu unique où peuvent être débattus les plus grandes questions qui concernent l’ensemble du continent, de la sécurité énergétique aux flux migratoires, et bien entendu tous les aspects liés à la situation des droits de l’homme et aux libertés publiques dans tel ou tel État membre ou pays candidat. Je pense en particulier au travail remarquable et sans équivalent réalisé ici même sur la question des « disparitions » d’opposants en Biélorussie, un sujet sur lequel la France s’est beaucoup impliquée notamment dans le cadre des Nations Unies.

Je salue également les réflexions que vous avez menées sur la lutte contre les violences faites aux femmes, thème sur lequel la France est particulièrement active et mobilisée : loin de relever de la sphère privée, ces violences, qui se produisent dans bien des sociétés, y compris en France, doivent être débattues avec la force du droit et réprimées pénalement. Je ne saurais qu’encourager solennellement ceux des États membres du Conseil de l’Europe qui n’ont pas encore adopté une législation à cet effet, à le faire très rapidement.

Je saisis cette occasion pour rendre hommage au rôle joué par la Convention européenne des Droits de l’Homme, avec son champ d’application inégalé, son mécanisme de contrôle tout à fait original – qui institue un ordre juridique commun aux États membres, par le biais du droit de saisine individuel reconnu à tous les justiciables des États membres – ainsi que son travail normatif formidable accompli dans le sillage de la Convention.

Je me suis rendu il y a trois semaines à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Je tiens ici à saluer non pas seulement le professionnalisme juridique des sages de cette institution, mais également la vision philosophique qu’a le Président Jean-Paul Costa de la construction de la paix par le droit.

Tous les États membres – et je voudrais insister sur ce point – ont le devoir d’assurer la pérennité et le bon fonctionnement de la Cour. Car l’allongement actuel des procédures, qui peuvent fréquemment s’étendre sur une période de trois à cinq ans, n’est pas acceptable : elle finira, un jour ou l’autre, par vider de son sens, aux yeux de nos concitoyens, ce mécanisme pourtant si important et unique de contrôle juridictionnel, qui est notre bien commun.

Il est urgent et impérieux de permettre à la Cour de poursuivre son action malgré le nombre croissant de requêtes portées devant elle. Comme je l’ai dit au Président Costa voilà quelques jours, l’adoption du protocole 14 bis lors de la réunion ministérielle de Madrid en mai dernier est encourageante, mais pas suffisante. La Conférence d’Interlaken en février prochain doit permettre de trouver des solutions innovantes et courageuses pour assurer la pérennité de la Cour. La France entend bien y prendre toute sa part. A cet égard, vous me permettrez de regretter que le Protocole 14 ne soit toujours pas entré en vigueur. La France réitère avec force son vœu que la Fédération de Russie puisse honorer l’engagement que celle-ci a pris lors du Sommet de Varsovie en 2005 de ratifier le Protocole 14. La France se réjouirait de sa mise en œuvre la plus rapide possible.

Mesdames, messieurs les parlementaires, depuis 60 ans, notre Assemblée parlementaire joue un rôle majeur au service de 800 millions d’Européens. Instance d’unité de notre continent sur l’essentiel, dont le dynamisme, la vigilance et la force de proposition restent intacts, vous ne cessez de défendre un principe essentiel : l’égale dignité de chacune des nations européennes.

Je sais l’engagement personnel qui est le vôtre, que vous manifestez au fil de vos missions, de vos rapports, de vos résolutions. Et je sais le temps que vous consacrez à cette Institution.

Nous récusons ensemble les clivages, la constitution d’une Europe contre une autre, qui serait totalement inacceptable en matière de Droits de l’Homme. Il est essentiel que la démocratie et les droits fondamentaux des citoyens soient respectés partout, qu’il n’y ait pas l’Europe des Quarante-sept, il ne doit pas y avoir de liberté à deux vitesses, de zones de haute et de basse pression démocratique.

A certains qui parfois ont pu perdre de vue les objectifs du Conseil de l’Europe, je tiens à réaffirmer solennellement la détermination de la France à assurer l’unité du continent européen, dans le respect d’un socle de valeurs auxquelles nous devons rester fidèles.

Dans ce combat essentiel, vous avez en la France, et ici même à Strasbourg, mesdames et messieurs les parlementaires, une alliée indéfectible. Je puis vous assurer de mon profond respect pour le travail que vous fournissez dans cette belle et grande institution qu’est le Conseil de l’Europe.»

F – LA RÉFORME DE L’ONU ET LES ÉTATS MEMBRES DU CONSEIL DE L’EUROPE

Le projet de résolution relatif à la réforme de l'Organisation des Nations Unies s'explique dans la mesure où le Conseil de l'Europe est la seule organisation paneuropéenne à traiter avec l'organisation des Nations Unies : l'implication des États européens dans cette réforme ne peut que redonner une impulsion à un processus aujourd'hui en perte de vitesse alors qu'il y a urgence à coopérer plus étroitement sur des sujets dont les enjeux sont planétaires.

La réforme du Conseil de sécurité est nécessaire : les membres permanents, titulaires d'un droit de veto, reflètent la réalité géopolitique d'il y a soixante-cinq ans. Afin de sortir de l'impasse dans laquelle s'est enlisée la réforme, l'Assemblée parlementaire soutient l'idée d'une réforme transitoire du Conseil de sécurité, idée à laquelle le Royaume-Uni et la France apportent leur appui.

Le projet de résolution insiste aussi sur la nécessité d'introduire dans la réforme de l'ONU une composante parlementaire : une assemblée parlementaire donnerait à l'organisation une orientation plus démocratique et serait susceptible de combler le fossé entre représentation gouvernementale et société civile.

Face aux enjeux de la mondialisation, seule une réforme d'envergure de la gouvernance mondiale, avec une légitimité renforcée, permettra de faire face aux défis du XXIème siècle.

C'est pourquoi l'Assemblée parlementaire a recommandé aux États membres du Conseil de l'Europe :

- de soutenir une réforme transitoire du Conseil de sécurité ;

- de renforcer le rôle et l'autorité de l'Assemblée générale, notamment en introduisant une dimension parlementaire dans sa composition ;

- de ne pas utiliser le droit de veto lorsqu'il y a violation des droits de l'homme ;

- de réformer les méthodes de travail du Conseil de sécurité vers une transparence plus accrue.

Selon Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) l'introduction d'une dimension démocratique via une composante parlementaire ne va pas nécessairement de soi eu égard aux nombreux intérêts divergents en présence, en particulier de la part de pays qui ne sont pas eux-mêmes des démocraties. Pour autant, l'ambition de ce rapport ne doit pas faire renoncer à une réforme d'ampleur, difficile, des Nations Unies, dont la réforme du Conseil de sécurité s'avère être le premier pas nécessaire :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, il convient de féliciter notre collègue M. Gross pour la qualité de son rapport qui illustre le sens des convictions que nous lui connaissons tous. Ses objectifs sont assurément ambitieux, puisque la réforme de l’ONU qu’il appelle de ses vœux devrait « viser à intégrer des mécanismes démocratiques dans le système des Nations Unies, en vue de remédier au déficit démocratique observé au sein de la gouvernance mondiale ».

Le rapport établit un lien entre l’introduction d’une dimension parlementaire aux Nations Unies et l’amélioration du caractère démocratique de l’organisation. Les choses ne sont pas si simples, je le crains. Il peut paraître difficile, en effet, de demander à une organisation internationale d’être plus démocratique quand un nombre important de ses membres ne sont pas eux-mêmes des démocraties ! Et puis quelles valeurs communes promouvoir, alors qu’il existe des clivages profonds entre États membres sur une question aussi importante que l’universalité des droits de l’homme ?

Notre collègue le rappelle à juste titre : l’ONU a un besoin urgent d’être réformée et, sur ce point, il y a consensus. L’architecture internationale imaginée par la Charte signée le 26 juin 1945 n’est plus qu’une vaste fiction, tant le rapport des forces qu’elle représentait alors a complètement disparu.

Aujourd’hui, l’ONU est tiraillée par les exigences contradictoires des États membres qui se montrent de plus en plus réticents à lui accorder des moyens budgétaires ; paralysée par les obstacles multiples mis à sa réforme et concurrencée par de nouveaux acteurs internationaux à la gouvernance simplifiée et à la bureaucratie plus légère, de grandes fondations par exemple. L’Organisation est en outre handicapée par une division incompréhensible du travail et de nombreux doublons d’intervention, une concurrence effrénée dans la mobilisation des ressources des bailleurs de fonds et le recoupement incontrôlé des mandats.

Le rapport rappelle les grandes lignes des diverses réformes envisagées, et la part que la France y a prise. Le blocage de la principale réforme, celle du Conseil de sécurité, dont la représentativité est fortement contestée, tient naturellement à l’extrême diversité des intérêts souvent divergents des 192 États membres de l’ONU. Aussi devons-nous rester réalistes sur les chances de succès de cette réforme.

Un point crucial pour l’avenir de l’ONU concerne son insertion dans l’architecture institutionnelle internationale et sa capacité à s’adapter aux nouveaux défis mondiaux. Or, l’ONU constitue un système faible et dispersé. Dans certains secteurs, comme celui de l’eau, plus de vingt agences des Nations Unies sont compétentes, ce qui ne manque pas d’entraîner de nombreuses duplications préjudiciables à l’efficacité des politiques publiques. Une telle fragmentation affecte particulièrement le programme des Nations Unies pour le développement, et donc les pays en développement qui en bénéficient. L’amélioration de la gestion administrative de l’ONU est aussi l’un des enjeux de la réforme.

Le rapport, s’il est ambitieux dans ses objectifs, demeure réaliste dans la méthode qu’il préconise et qui s’inscrit du reste dans le cadre fixé par les nouvelles négociations lancées par l’Assemblée générale de l’ONU en février dernier. Le 14 septembre dernier, l’Assemblée générale a adopté une décision permettant la poursuite des négociations pendant sa 64e session.

La France est, avec le Royaume-Uni, particulièrement active dans ce dossier. Elle soutient la candidature de l’Allemagne, du Brésil, de l’Inde et du Japon à un siège permanent au Conseil de sécurité, ainsi que la présence du continent africain parmi les membres permanents. Elle est, par ailleurs, favorable au principe d’une réforme intérimaire, la plus pragmatique pour aboutir à une véritable réforme de l’Organisation, que nous souhaitons tous. »

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UC) a précisé l'urgence qu'il y avait à réformer l'Organisation des Nations Unies et notamment le Conseil de sécurité afin de l'adapter à notre monde en mutation. Aussi a-t-il soutenu le projet de résolution dans son ensemble :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, Comme le Conseil de l’Europe, les Nations Unies sont à la croisée des chemins. Ces institutions datant de l’après-guerre ne sauraient poursuivre leurs missions sans réviser leurs modes d’intervention. Si l’avenir du Conseil de l’Europe passe par un recentrage de son activité sur ses fonctions essentielles, l’Organisation de Nations Unies ne saurait faire l’économie d’une réforme du Conseil de sécurité, son organe le plus visible, dont la légitimité est de plus en plus sujette à caution au regard de l’évolution du monde contemporain.

Vous ne trouverez pas en moi un critique de l’action passée des Nations Unies tant elle a contribué, dans un contexte alors marqué par la guerre froide, à maintenir des passerelles entre les deux camps et à garantir si ce n’est la paix, au moins une trêve. Elle est intervenue judicieusement à plusieurs moments clés, que ce soit en Afrique ou au Moyen-Orient. Cela dit, force est de constater que nous sommes passés en vingt ans d’un monde bipolaire à un monde multipolaire, que l’on ne saurait l’appréhender avec des outils datant d’un autre siècle.

Le nombre d’États a pratiquement quadruplé entre 1945 et 2008 et de nouvelles problématiques sont apparues. Aux révolutions dites prolétariennes et autres guerres de libération ont en effet succédé de nouveaux types de conflits, qu’il s’agisse des mouvements sécessionnistes, des guerres civiles ou des actes terroristes. Je pourrais également rappeler le décalage entre les représentants supposés des ambitions économiques et sociales des Nations Unies au sein du Conseil de sécurité et le nouveau paysage économique mondial, marqué par l’émergence de nouveaux géants. On observera à cet égard que l’ancien G7 a su prendre en compte une telle évolution en muant il y a quelques semaines en G20. Le président Sarkozy a d’ailleurs rappelé à la tribune de l’ONU qu’il était nécessaire que les grands continents que sont l’Inde et l’Afrique soient présents au Conseil de sécurité.

On le voit, la réforme relève tout à la fois de la plus élémentaire des logiques et de la plus impérieuses des urgences. Mais cette réforme ne pourra être que progressive, sous peine d’échouer. En conclusion, je soutiens le rapport et le projet de résolution »

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, a précisé qu'il approuvait le projet de résolution, tout en insistant sur l'importance de la promotion d'une dimension parlementaire au sein des Nations Unies, seule à même de combler le déficit démocratique de toute organisation internationale qui en est dépourvue. De même, il a conclu à un nécessaire soutien à une réforme transitoire du Conseil de sécurité :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens d’abord à souligner le remarquable travail fait par mon collègue M. Andreas Gross sur ce sujet difficile qu’est la réforme des Nations Unies. Je soutiens les propositions de réformes qu’il propose mais je souhaite revenir malgré tout sur deux points de cet excellent rapport.

D’abord, l’idée de promouvoir une dimension parlementaire aux Nations Unies me semble être la pierre angulaire de toute réforme d’ampleur. Comme je le rappelais auprès de mes collègues de la Commission des questions politiques, mon expérience de parlementaire au sein du Conseil de l’Europe et plus précisément de président de la délégation française est une expérience riche car elle m’a permis de découvrir et de partager des traditions parlementaires différentes. Outre la légitimité démocratique donnée à l’institution, nous avons la chance de participer ainsi à une instance de dialogue élargie qui dépasse le cadre des clivages politiques nationaux et permet de fraterniser au sein d’un véritable espace de dialogue transnational.

Les questions relatives à la gouvernance mondiale ne doivent pas nous empêcher de voir que c’est justement au sein des instances de dialogue interparlementaire que peuvent se nouer les véritables impulsions politiques qui permettent non seulement de dépasser les oppositions politiques classiques ou les traditions politiques nationales mais aussi les incompréhensions que nos citoyens ressentent vis-à-vis de la mondialisation.

En effet, nous savons bien qu’aujourd’hui, et l’ensemble des débats au sein de l’APCE y renvoie, la plupart des sujets qui préoccupent nos concitoyens- la régulation financière, les défis posés par le changement climatique, l’entente entre les nations, la promotion de la paix- ne peuvent échapper à un traitement qui dépasse le cadre des frontières nationales.

La mondialisation est un phénomène avéré. Forts de notre expérience politique au sein de l’APCE nous détenons une véritable légitimité pour influencer nos gouvernements respectifs en créant un espace irénique élargi. C’est ainsi que nous pourrons répondre aux peurs des citoyens en proposant une gouvernance mondiale qui loin d’être un épouvantail technocratique répondra à un véritable souci de légitimité démocratique.

Dans un deuxième temps, il me semble aussi absolument nécessaire d’avoir une approche pragmatique et de soutenir la relance d’une réforme transitoire du Conseil de sécurité de l’ONU afin de débloquer les négociations en panne depuis 2005. Nous devons, en effet, savoir tirer les leçons des échecs qui ont entraîné un blocage des négociations de la réforme de l’ONU. Seule une volonté politique forte permettra de relancer les négociations.

Une volonté politique forte accompagnée de notre expérience du consensus du fait de notre expérience de parlementaire. La réforme a buté sur le fait que l’on cherchait à tout prix à obtenir un accord pérenne alors que les équilibres géostratégiques sont toujours en gestation. Le statut de membre permanent du Conseil des Nations Unies est un statut envié mais dont l’importance ne doit en rien nous faire céder à la précipitation.

C’est pourquoi une réforme transitoire du Conseil de sécurité des Nations Unies semble être la voie de la sagesse : sortir de l’impasse de négociations non abouties mais aussi permettre à l’équilibre des forces de se stabiliser avant d’envisager une réforme définitive. L’ONU et le Conseil de l’Europe ont des missions communes : être les terreaux de la démocratie, de la promotion de la paix et des droits de l’homme. Car sans la paix, il n’y a ni démocratie, ni droits de l’homme. Mais sans la culture de la démocratie et l’apprentissage des droits de l’homme, il ne saurait non plus y avoir de paix.

C’est bien pour cela que nos deux institutions sont si unies. Outre une naissance quasi-simultanée sur les cendres encore chaudes d’un monde dévasté par le feu et le sang, qu’il fallait apprendre à réinventer pour préserver les générations futures des maux de la guerre, notre mission est commune en ce que nous privilégions une approche préventive des conflits, nous par l’éducation et la promotion des idéaux qui sont les ciments de la paix, l’ONU, par une diplomatie préventive qui a permis jusque-là d’éviter nombre de conflits.

Sachons tirer de cette expérience commune les leçons de l’histoire : osons une approche pragmatique et politique pour éviter que la réforme ne s’enlise dans les sables mouvants d’un consensus mou. Sachons tirer le meilleur d’une approche multilatérale dont nous faisons l’expérience régulière en siégeant ici. Promouvons surtout le respect de nos valeurs en instaurant une coopération plus étroite, au niveau parlementaire, entre nos deux institutions afin de combler le déficit démocratique dont souffre, à l’heure actuelle, toute réflexion sur la gouvernance mondiale.

Sachons finalement être à la hauteur des pères fondateurs afin que nos enfants soient fiers des institutions que leur auront laissées leurs aînés. Je vous remercie de votre attention. »

Lors du débat, la question de la création d'une assemblée parlementaire autre que l'Union interparlementaire (UIP) a été soulevée. Le rapporteur de la résolution a défendu sa proposition qui consiste à créer une assemblée parlementaire au sein de l'Assemblée générale des Nations Unies qui soit propre à celle-ci. Sa proposition a été soutenue.

Le projet de résolution a été adopté.

G – INTERVENTION DE M. DANILO TURK, PRÉSIDENT DE LA SLOVÉNIE

Le président de la Slovénie, qui actuellement préside le Conseil de l'Europe, est intervenu pour saluer l'importance du rôle de l'Assemblée parlementaire « berceau de la légitimité du travail politique du Conseil ».

Il a félicité le nouveau Secrétaire général pour son élection, saluant par là l'espoir d'un regain d'optimisme et de dynamisme au sein de l'institution.

Rappelant le rôle du Conseil de l'Europe à la chute du Mur de Berlin qui a su le premier accueillir les nouvelles démocraties venant de l'Est de l'Europe, il a souligné que l'avenir était encore gros de défis à relever dans le cadre de la promotion des droits de l'homme, de l'État de droit et de la démocratie.

Le Conseil de l'Europe a su faire une place de choix aux représentants de la société civile, en particulier aux ONG.

Institution protéiforme, dans laquelle à différents niveaux sont défendues les valeurs inhérentes à l'État de droit, aux droits de l'Homme et à la démocratie, le Conseil de l'Europe, a-t-il précisé, doit sa légitimité à l'ensemble de ses organes et à leur complémentarité, qu'il s'agisse de la Cour européenne des droits de l'homme, du Comité de prévention contre la torture, du Congrès des pouvoirs régionaux et locaux, du Comité des ministres et bien sûr de l'Assemblée parlementaire.

S'il faut saluer l'entrée en vigueur du Protocole 14 bis à la Convention européenne des droits de l'homme, qui permettra momentanément de désengorger la Cour européenne des droits de l'homme, c'est, a-t-il mis en évidence, à la prévention, au sein des États membres, qu'il faut accorder une place fondamentale car elle est le meilleur moyen pour faire respecter les droits de l'homme, et c'est là un des rôles fondamentaux et irremplaçable des parlementaires vis-à-vis de leurs gouvernements respectifs.

L'éducation doit donc être aussi un vecteur essentiel de la promotion des droits de l'homme et de la démocratie.

Le rôle du Conseil de l'Europe, s'il est donc essentiel, n'en demeure pas moins relativement méconnu du fait du désintérêt relatif des médias pour son action.

Le débat qui a suivi a soulevé diverses questions, l'insuffisance des moyens alloués à l'Assemblée parlementaire et au Conseil de l'Europe, en général, la question des minorités et des migrations importantes auxquelles l'Europe doit faire face, ...

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique – UMP) a souhaité connaître la position du Président slovène sur les minorités déplacées, lors de l'accession de la Slovénie à l'indépendance en 1992 :

« En 1992, un an après l’accession à l’indépendance de votre pays, près de 18 000 personnes ont été radiées du registre slovène des résidents permanents. La plupart de ces personnes issues des autres républiques de l’ex-Yougoslavie appartenaient à la communauté rom. Cette radiation massive a débouché sur des problèmes graves, voire sur des expulsions du territoire.

Depuis quelques années, un débat s’est engagé au sein de votre pays sur l’opportunité d’adopter un texte entérinant le traitement discriminatoire dont sont victimes ces personnes. La Cour constitutionnelle slovène a toutefois estimé que cet « effacement » demeurait un acte illégal et contraire à votre loi fondamentale. Monsieur le Président, quelles mesures entend prendre votre pays pour réparer cette injustice qui perdure ? »

M. Danilo Türk a expliqué que le problème était en voie de résolution. Il est envisagé de redonner aux personnes déplacées un véritable statut qui répare la discrimination effectuée.

« Vous abordez un problème crucial en matière de respect des Droits de l’Homme. Pendant la première année de mon mandat, en avril 2008, je me suis rendu au Parlement pour lui lancer un appel pressant à se pencher sur des problèmes de constitutionnalité. J’étais très préoccupé par la non application par le Parlement et le gouvernement des décisions de la Cour constitutionnelle. Vous l’avez rappelé à juste titre, ces mesures dites « d’effacement », le changement de statut d’un très grand nombre de personnes, étaient totalement inconstitutionnelles. Ce n’était pas seulement un problème de Droits de l’Homme, mais de constitutionnalité, au sens propre du terme.

Un changement a été opéré à la fin de l’année dernière. Le gouvernement a entamé un processus d’examen au cas par cas, de la situation de chacune des personnes affectées par ces décisions prises par le passé. Après un long débat au Parlement, le gouvernement a indiqué qu’il entendait s’engager clairement dans cette voie. Au terme de ce processus, nous apprécierons si une décision législative ou autre est nécessaire pour régler totalement le problème. Il s’agit d’un changement réel de politique, à même d’apporter une véritable amélioration pour les personnes concernées.»

Il a conclu son allocution en soulignant qu'il fallait dès aujourd'hui améliorer le fonctionnement des institutions existantes de manière à les rendre plus opérantes.

ANNEXES

Annexe 1
Résolution 1683 (2009) – La guerre entre la Géorgie et la Russie : un an après

1. Un an après le déclenchement de la guerre tragique entre deux de ses États membres, la Géorgie et la Russie, l’Assemblée parlementaire réaffirme ses Résolutions 1633 (2008) et 1647 (2009), adoptées respectivement le 2 octobre 2008 et le 28 janvier 2009. Elle estime que les demandes formulées à l’endroit de la Géorgie et de la Russie, ainsi que des autorités de facto en Abkhazie et en Ossétie du Sud, continuent de fournir une feuille de route transparente, impartiale et réaliste, destinée à faire face aux conséquences de cette guerre, non seulement à l’intention des parties concernées, mais aussi de l’Assemblée elle-même. L’Assemblée réaffirme son attachement à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de la Géorgie, ainsi qu’à l’inviolabilité de ses frontières.

2. S’agissant de l’enquête internationale indépendante sur les origines et le déroulement du conflit ouverte par l’Union européenne, l’Assemblée note que le mandat de la mission d’enquête a été prorogé jusqu’au 30 septembre 2009 par le Conseil européen. L’Assemblée se félicite de la coopération constructive tant de la Géorgie que de la Russie avec la mission et décide de revenir sur la question des causes et des circonstances précises du déclenchement de la guerre après la présentation du rapport de la mission d’enquête internationale.

3. L’Assemblée est gravement préoccupée par la tension et les provocations persistantes le long des frontières administratives de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, qui ne peuvent que déstabiliser la région toute entière. Elle estime que la seule manière de prévenir l’escalade des tensions et la reprise des combats et des hostilités est d’autoriser l’accès immédiat et sans restriction des observateurs internationaux aux deux côtés des frontières administratives de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, ainsi que le déploiement dans la région d’une nouvelle force internationale de maintien de la paix impartiale. A cet égard, l’Assemblée :

3.1. Déplore que la Russie et les autorités de facto refusent toujours d’autoriser l’accès des observateurs de l’Union européenne en Abkhazie et en Ossétie du Sud et leur demande d’accorder à ces observateurs l’accès immédiat et sans condition aux territoires qui sont de facto sous leur contrôle ;

3.2. Déplore la clôture de la Mission d'observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG) suite au veto opposé par la Russie au Conseil de Sécurité des Nations Unies ;

3.3. Regrette profondément que la proposition de la présidence grecque de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de maintenir la présence de l’OSCE, y compris son opération de contrôle des forces armées, n’ait pas permis de parvenir à un consensus et invite la Russie à reconsidérer ses objections à cette proposition.

4. L’Assemblée note les progrès modestes réalisés par le premier groupe de travail, dans le cadre des pourparlers de Genève, sur les modalités de la sécurité et de la stabilité en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Elle se félicite en particulier des réunions régulières tenues entre les parties concernées à propos des mécanismes de prévention et de règlement des incidents, mais regrette que des progrès similaires n’aient pas été enregistrés par le second groupe de travail qui s’est chargé des questions humanitaires et de la liberté de circulation.

5. L’Assemblée s’inquiète particulièrement du fait que la fermeture des frontières administratives de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, suite au transfert du contrôle de la frontière administrative aux gardes frontières russes du FSB, conduise à un nouvel exode des Géorgiens de souche du district de Gali en Abkhazie et de celui d’Akhalgori en Ossétie du Sud. Elle est notamment préoccupée par les pressions accrues exercées sur eux pour qu’ils acceptent de prendre un passeport abkhaze ou sud-ossète et par l’absence totale à l’heure actuelle d’une présence internationale dans ces régions. L’Assemblée invite de ce fait la Russie et les autorités de facto d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie à lever toute entrave à la liberté de circulation des citoyens géorgiens de part et d’autre des limites administratives.

6. L’Assemblée reste profondément préoccupée par les conséquences humanitaires de cette guerre et par conséquent :

6.1. Elle réaffirme ses prises de position sur ce point formulées dans les Résolutions 1648 (2009) et 1664 (2009) ;

6.2. elle invite la Géorgie, la Russie et les régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud à mettre en œuvre pleinement et effectivement les six principes du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe visant à protéger d’urgence les droits de l’homme et à assurer la sécurité humanitaire, et demande plus particulièrement à la Russie et aux autorités de facto en Ossétie du Sud et en Abkhazie d’assurer pleinement et inconditionnellement le droit au retour des personnes déplacées à la suite des hostilités d’août 2008 et de respecter pleinement leurs droits de propriété;

6.3. Elle en appelle aux parties au conflit concernées pour qu’elles s’abstiennent de prendre des mesures pouvant conduire à une nouvelle vague de déplacements intérieurs, y compris de menaces à la sécurité, de «passeportisation» forcée, d’interférence avec l’enseignement dans la langue maternelle, de conscription et de restrictions à la liberté de mouvement ;

6.4. Elle invite à tenir compte de l’expérience du Conseil de l’Europe sur le plan humanitaire et des droits de l’homme dans les discussions de Genève, en particulier dans le cadre des activités du second groupe de travail chargé des questions humanitaires et de la liberté de mouvement.

7. L’Assemblée regrette profondément que la Russie et les régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud continuent de faire peser des restrictions excessives sur l'accès aux régions séparatistes des organisations humanitaires et internationales, y compris à des fins d'aide humanitaire, et que la Géorgie mette également en place des restrictions d’accès. De plus, la Russie et les régions séparatistes d'Abkhazie et d’Ossétie du Sud continuent d’imposer des restrictions excessives aux populations locales qui souhaitent traverser la frontière administrative. À cet égard, l’Assemblée :

7.1. demeure profondément inquiète au sujet des conséquences humanitaires de « la Loi sur les territoires occupés de Géorgie » et de son application, bien qu'elle se félicite de la bonne volonté affichée par les autorités géorgiennes de résoudre les problèmes soulevés par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans son récent avis sur la Loi et prend note des amendements qui ont été initiés au sein du Parlement géorgien et envoyés pour avis à la Commission de Venise ;

7.2. Prend note des efforts de la Russie pour fournir une aide humanitaire à l’Abkhazie et à l’Ossétie du Sud et appelle la Russie et les autorités de facto d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud à lever immédiatement toutes les restrictions d’accès, y compris en ce qui concerne les points d’entrée, imposées aux organisations internationales et humanitaires et à l’aide humanitaire dans ces deux régions ;

7.3. En appelle à toutes les parties pour qu'elles assurent un approvisionnement ininterrompu de gaz, d’eau et d'autres ressources humanitaires à travers les frontières administratives, en particulier durant les prochains mois d’hiver.

8. L’Assemblée ne peut accepter l’apparente réticence de la Géorgie et de la Russie à enquêter de façon crédible sur les graves allégations de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire commises durant et après la guerre, par leurs propres forces, des milices ou des civils se trouvant sous leur contrôle ou leur juridiction de fait. Elle note que l’enquête de l’Union européenne couvrira également les allégations de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire, ainsi que les crimes de guerre présumés commis par les deux parties durant le conflit. C’est pourquoi :

8.1. Elle décide de revenir sur cette question, y compris sur les éventuelles conséquences pour les deux États membres concernés, à la lumière des conclusions de la mission d’enquête de l’Union européenne ;

8.2. elle encourage le procureur de la Cour pénale internationale à demander à la Chambre préliminaire de la Cour l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité présumés perpétrés par les deux parties durant et après les hostilités d’août 2008.

9. L’Assemblée condamne la Russie et les autorités de facto d’Ossétie du Sud pour n’avoir pas mis résolument un terme au nettoyage ethnique des Géorgiens de souche qui, aux dires de tous, a eu lieu en Ossétie du Sud durant et après la guerre et pour n’avoir pas sérieusement enquêté sur ce sujet et n’avoir pas traduit leurs auteurs en justice. Elle rappelle qu’au regard du droit international, la Russie porte la responsabilité des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire dans ces régions, qui se trouvent sous son contrôle de facto.

10. L’Assemblée déplore le fait, qu’un an après les hostilités d’août 2008, peu de progrès tangibles aient été enregistrés pour faire face aux conséquences de cette guerre et que, dans plusieurs régions, la situation se soit même détériorée. Alors que la Géorgie s’est conformée sinon à la totalité, à la plupart du moins, des demandes de l’Assemblée exprimées dans les Résolutions 1633 (2008) et 1647 (2009), la Russie n’a pas satisfait à la grande majorité des principales demandes formulées dans ces résolutions.

11. L’Assemblée a pleinement conscience de l’argument de la Russie selon lequel son non-respect des demandes de l’Assemblée est directement lié à sa position divergente quant au statut des deux régions. L’Assemblée souligne que la plupart de ses demandes n’ont aucun rapport avec le statut des deux régions et ne peut donc pas comprendre que la Russie n’ait pas réussi à se conformer à celles-ci. Par conséquent, elle estime que le non-respect de ses demandes par la Russie souligne son manque de volonté politique de faire face aux conséquences de la guerre de la manière qui incombe à un État membre du Conseil de l’Europe. En outre, l’Assemblée regrette profondément que les dirigeants à la fois de la Douma d'État et du Conseil de la Fédération, ainsi que les membres de la délégation russe auprès de l’Assemblée, se soient publiquement opposés aux demandes de l’Assemblée, ce qui n’a pas permis à la Russie de s’y conformer.

12. En conséquence, tout en soulignant la nécessité et l’importance que la Fédération de Russie satisfasse intégralement à toutes les demandes formulées dans les Résolutions 1633 (2008) et 1647 (2009) de l’Assemblée, l’Assemblée demande en particulier la pleine application de l’accord de cessez-le-feu conclu sous les auspices de l’Union européenne, concernant notamment le retrait des troupes sur les positions d’avant le conflit et la recherche de nouvelles modalités internationales pour le maintien de la paix et les forces de police. Elle exhorte instamment les autorités russes, avant la fin de l’année:

12.1. À accorder aux observateurs de l’Union européenne un accès sans restriction à l’Ossétie du Sud et à l’Abkhazie, conformément au paragraphe 22.2 de la Résolution 1633 (2008) et au paragraphe 9.8 de la Résolution 1647 (2009) ;

12.2. À octroyer aux civils géorgiens une liberté de circulation leur permettant de franchir les limites administratives et à lever les restrictions, y compris aux points d’entrée, à l’accès des deux régions pour les organisations internationales et humanitaires ainsi que pour l’aide humanitaire ;

12.3. À reconnaître officiellement et effectivement à toutes les personnes déplacées, y compris celles déplacées au cours de la guerre de 2008, le droit au retour dans la sécurité et la dignité en leur lieu de résidence d’origine en Ossétie du Sud et en Abkhazie, conformément aux paragraphes 9.9 et 9.11 de la Résolution 1647 (2009) ;

12.4. À ouvrir une enquête crédible sur les actes présumés de nettoyage ethnique commis par les forces d’Ossétie du Sud alliées, ou par des civils placés sous leur contrôle et leur juridiction de fait et à mettre en œuvre des mesures pour réparer ces actes ou, si cela est impossible, prévoir des compensations ;

12.5. À soumettre pour avis à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) la loi portant modification de la loi sur la défense de la Fédération de Russie et à appliquer intégralement les recommandations que la Commission pourra formuler.

13. L’Assemblée invite sa commission de suivi à contrôler les suites données par la Géorgie et la Russie aux demandes de l’Assemblée et à proposer à l’Assemblée toute nouvelle mesure à prendre si la situation l’exige, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du paragraphe 12 de la présente résolution.

1 Discussion par l’Assemblée le 29 septembre 2009 (29e et 30e séances) (voir Doc.12010, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), corapporteurs : MM. Van den Brande et Eörsi, et Doc. 12039, avis de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur : Mme Jonker). Texte adopté par l’Assemblée le 29 septembre 2009 (30e séance).

Annexe 2
Recommandation 1886 (2009) – L’avenir du conseil de l’Europe
à la lumière de ses soixante années d’expérience

1. Au moment du 60ème anniversaire du Conseil de l’Europe, nous célébrons les acquis et réalisations incontestables de notre Organisation durant les six décennies de ses activités et le rôle qu’elle a joué dans la transformation démocratique du continent européen. En même temps, cette date offre une occasion de procéder à une analyse et à une réflexion honnêtes et objectives sur le positionnement du Conseil de l’Europe dans le système institutionnel européen, sur ses atouts et potentialités, mais aussi sur ses failles, points faibles et limites. Cela est indispensable pour assurer l’adaptation du Conseil de l’Europe aux nouveaux défis, afin qu’il reste l’institution clé de la construction d’une Europe unie fondée sur les principes et valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit, et continue à garantir la promotion et la protection efficaces de ces principes et valeurs.

2. L’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres, les deux organes statutaires investis de la responsabilité générale du Conseil de l’Europe, se doivent de mener cette réflexion ensemble. Dans ce contexte, l’Assemblée se réfère à la Résolution 1689 (2009) relative à l’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses 60 années d’expérience, et invite le Comité des Ministres à prendre dûment en considération les idées, préoccupations et propositions contenues dans ce texte.

3. L’Assemblée est convaincue que l’efficacité du Conseil de l’Europe et sa place dans l’architecture institutionnelle européenne dépendent essentiellement du degré d’engagement de ses États membres en sa faveur. Elle estime primordial de faire en sorte que cet engagement ne fasse aucun doute et soit vérifié par des actes concrets. A cette fin, elle appelle instamment le Comité des Ministres :

3.1. À renforcer la portée politique des sessions ministérielles du Comité des Ministres, de sorte que chaque session devienne un événement politique majeur où des décisions politiques d’envergure sont prises ;

3.2. À étudier l’opportunité de la tenue, à intervalles réguliers, de sommets du Conseil de l’Europe pour décider des orientations stratégiques, en tenant compte de l’impulsion qu’ils donnent aux activités de l’Organisation ;

3.3. À promouvoir plus activement les instruments juridiques élaborés au Conseil de l’Europe, et à encourager la signature et la ratification de ces instruments par les États membres ;

3.4. À prévenir toute possibilité de nouveaux clivages à l’intérieur même du Conseil de l’Europe en fonction de l’appartenance de ses États membres à d’autres organisations, et en particulier à chercher à réduire l’influence de l’Union européenne et de la présidence de celle-ci sur la prise des décisions au sein du Comité des Ministres ;

3.5 À revoir la stratégie budgétaire du Conseil de l’Europe pour le doter des moyens à la hauteur de ses missions ;

3.6. à renforcer la portée des conférences des ministres spécialisés du Conseil de l’Europe, leur lien avec et leur impact sur les activités de l’Organisation, et en particulier, à envisager la possibilité pour les ministères spécialisés de contribuer au financement de certaines activités du Conseil de l’Europe en contrepartie de la délégation en leur faveur de certaines compétences du Comité des Ministres, notamment en ce qui concerne le choix des priorités pour les actions intergouvernementales du Conseil de l’Europe, comme cela est prévu par la Résolution (89)40 du Comité des Ministres.

4. L’Assemblée estime que les différents travaux du Conseil de l’Europe dans le domaine de la démocratie méritent d’être davantage mis en valeur. Elle recommande au Comité des Ministres d’étudier avec elle la mise en place, sur la base de différents mécanismes et structures en la matière, tels que le Forum annuel sur l’Avenir de la Démocratie, les débats biannuels de l’Assemblée sur l’état de la démocratie en Europe, la Commission de Venise, l’Université d’été de la démocratie et le réseau des Écoles des études politiques du Conseil de l’Europe, d’un « Davos de la Démocratie », véritable laboratoire d’idées, de réflexion et d’expertise qui pourrait devenir un pôle d’excellence et de référence à haute visibilité internationale.

5. L’Assemblée est convaincue qu’un bon fonctionnement du Conseil de l’Europe n’est possible sans un dialogue véritable, substantiel et permanent entre ses deux organes statutaires. Les canaux de dialogue et de consultation entre l’Assemblée et le Comité des Ministres doivent être revitalisés. Dans ce contexte, l’Assemblée salue l’esprit positif dans lequel se sont déroulées les récentes réunions informelles entre son Comité des Présidents et le Bureau du Comité des Ministres. Elle appelle instamment le Comité des Ministres :

5.1. À revoir ses méthodes de travail en ce qui concerne la préparation des réponses aux recommandations de l’Assemblée afin d’assurer que ces réponses soient établies dans des délais plus courts (en principe, ne dépassant pas les six mois) et avec une plus grande attention sur la substance ;

5.2. À veiller davantage à promouvoir la mise en œuvre des positions exprimées dans ses recommandations ;

5.3 À prévoir des délais raisonnables (en principe de trois mois au moins) pour la consultation statutaire de l’Assemblée sur des projets de conventions, et à informer régulièrement celle-ci des suites réservées aux propositions d’amendements formulées dans ses Avis statutaires ;

5.4. À étudier, conjointement avec l’Assemblée, les moyens de faire du Comité mixte un véritable cadre de dialogue substantiel et de consultation efficace entre les deux organes, par exemple, en ne le convoquant qu’en cas de besoin et au niveau des décideurs politiques ;

5.5. À étudier, conjointement avec l’Assemblée, les moyens de donner plus de visibilité et de substance politique aux échanges de vue traditionnels entre la Commission permanente de l’Assemblée et la présidence du Comité des Ministres ;

5.6. À intensifier le dialogue avec l’Assemblée sous toutes les formes qui ont prouvé leur efficacité, tels que les contacts entre le Président de l’Assemblée et le Président du Comité des Ministres, les réunions informelles entre le Comité des Présidents de l’Assemblée et le Bureau du Comité des Ministres, les contacts de travail entre les commissions de l’Assemblée et les groupes de rapporteurs du Comité des Ministres ;

5.7. D’envisager la mise en place de mécanismes de coopération entre l’Assemblée et le Comité des Ministres et, le cas échéant, d’autres instances du Conseil de l’Europe, pour assurer une réponse coordonnée en matière de prévention des crises et de règlement des conflits ;

5.8. d’envisager la mise en place d’un cadre approprié pour des échanges de vues entre l’Assemblée et le Comité des Ministres en ce qui concerne les priorités du Conseil de l’Europe pour l’année à venir et les résultats obtenus l’année précédente.

6. L’Assemblée considère donc que le fonctionnement interne du Conseil de l’Europe, en particulier en ce qui concerne les relations entre ses organes statutaires, doit être mis davantage en conformité avec les principes et valeurs démocratiques qu’il défend. Elle réitère ses propositions formulées dans la Recommandation 1763 (2006) sur l’équilibre institutionnel au Conseil de l’Europe, et appelle instamment le Comité des Ministres :

6.1 À poursuivre le dialogue avec elle sur les aspects institutionnels du fonctionnement de l’Organisation ;

6.2. À intensifier sa réflexion sur les suites substantielles à donner à l’ensemble des propositions contenues dans la Recommandation 1763 (2006).

1Discussion par l’Assemblée le 1er octobre (34e séance) (voir Doc. 12017, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur : M. Mignon). Texte adopté par l’Assemblée le 1er octobre (34e séance).

Annexe 3 
Résolution 1689 (2009) – L’avenir du Conseil de l’Europe
à la lumière de ses soixante années d’expérience

1. Il y a soixante ans, les États fondateurs du Conseil de l’Europe lui ont confié la mission de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, qui sont leur patrimoine commun et sur lesquels se fonde toute démocratie véritable.

2. Dans l’Europe actuelle, la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit font partie intégrante de la vie quotidienne des Européens. La contribution de notre Organisation à ce qu’il en soit ainsi a été décisive. Elle reste le principal garant de la pérennité de ces valeurs. C’est vers le Conseil de l’Europe, en particulier vers la Cour européenne des droits de l’Homme, que les Européens se tournent en dernier ressort lorsqu’ils estiment que leurs droits sont violés.

3. Pour que le Conseil de l’Europe puisse rester l’institution clé de promotion et de protection efficaces des principes et valeurs fondamentaux au service de tous les Européens, sa pertinence, son fonctionnement et son efficacité doivent être constamment améliorés. A cette fin, une analyse critique et honnête des orientations stratégiques de l’Organisation, de ses atouts et potentialités, mais aussi de ses défaillances, points faibles et limites, est indispensable.

4. En soixante ans, la situation géopolitique globale et européenne a connu des transformations bouleversantes. La fin de la guerre froide et l’effondrement des anciens régimes communistes ont rendu possible la réunification de l’Europe sur la base des idéaux et principes que défend le Conseil de l’Europe. Il est tout à fait naturel que notre Organisation ait été la première à accueillir en son sein les États de l’Europe centrale et orientale qui se sont engagés à respecter ces valeurs et à mettre à leur disposition son expérience.

5. Aujourd’hui, avec 47 États membres, le Conseil de l’Europe représente l’organisation paneuropéenne la plus large. Son rôle se décline en trois volets : institution-cadre pour la défense et la promotion de la démocratie pluraliste, des droits de l’homme et de la prééminence du droit ; cadre d’activités normatives et espace juridique européen ; laboratoire d’idées et forum large et inclusif de dialogue et de coopération politiques. L’acquis du Conseil de l’Europe dans ces domaines est unique et constitue une contribution indispensable à l’Europe d’aujourd’hui. Il doit être précieusement gardé et renforcé.

6 En soixante ans, le paysage institutionnel européen a également profondément changé. Pionnier de l’unité européenne – qui est son but statutaire – le Conseil de l’Europe s’est spécialisé dans la défense des valeurs fondamentales, et a partagé avec d’autres organisations son rôle en matière d’intégration européenne. En effet, un nombre croissant d'États membres du Conseil de l’Europe ont décidé de s’engager dans une coopération plus avancée et approfondie dans d’autres enceintes, surtout au sein de l’Union européenne.

7. Cependant, le projet politique qui vise l’unité européenne dépasse les limites de l’Union européenne. Dans de nombreux domaines, la coopération européenne ne peut être efficace que si elle englobe le continent tout entier.

8 Le Statut du Conseil de l’Europe, ses instruments juridiques, son expérience et sa compétence en font un cadre approprié pour développer la coopération paneuropéenne sur un pied d’égalité. Il est donc primordial, pour l’avenir du Conseil de l’Europe, que son rôle d’organisation politique paneuropéenne soit réaffirmé et revitalisé, et qu’il continue à offrir aux États européens qui n’adhéreront pas à l’Union européenne, la possibilité de participer à la construction d’une Europe unie.

9. En même temps, il est nécessaire de parvenir à une complémentarité accrue entre l’action du Conseil de l’Europe et celles de l’Union européenne et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) basée sur leurs compétences et domaines d’excellence respectifs, ainsi que sur les accords de coopération (Mémorandum d’accord) signés avec ces organisations. Sur ce point, l’Assemblée estime qu’un partenariat plus avancé serait souhaitable avec l’OSCE, compte tenu des compétences de cette institution en matière de sécurité.

10. L’un des avantages comparatifs du Conseil de l’Europe est sa fonction traditionnelle de « réservoir d’idées », sa force de s’attaquer aux problèmes de société, à moyen et à long terme, et à œuvrer à l’élaboration de normes et de politiques. Combinée avec le rôle de l’Organisation dans le suivi de la mise en œuvre des normes et du respect des obligations, cette qualité a été le gage de la pertinence du Conseil de l’Europe pour ses États membres.

11. Pour qu’il continue d’en être ainsi, le Conseil de l’Europe doit rester ferme dans la défense des valeurs fondamentales tout en étant ouvert au dialogue et prêt à fournir son assistance. Il doit rester vigilant aux transformations de la société européenne sans chercher à éviter des sujets controversés, évaluer leur impact sur les valeurs essentielles et proposer des réponses adaptées. Il doit veiller à la mise en œuvre et au suivi efficaces de ses travaux. Il doit surtout renforcer ses canaux de communication avec les différents niveaux de la société européenne.

12 Les réussites indéniables de l’action du Conseil de l’Europe ne doivent pas empêcher le constat et la réflexion sur certains problèmes et difficultés dans son fonctionnement. A ce propos, l’Assemblée est préoccupée par certaines tendances qui pourraient signifier la baisse de l’engagement des États membres en faveur du Conseil de l’Europe : le faible niveau de participation des ministres des Affaires étrangères aux sessions ministérielles du Comité des Ministres ; le contrôle insuffisant de l'application des résolutions et recommandations de l'Assemblée parlementaire ; la croissance zéro en termes réels du budget ordinaire de l’Organisation ; la réticence parmi les États membres à signer et ratifier les instruments juridiques du Conseil de l’Europe ; les tentatives de minimiser l’importance des différents mécanismes indépendants du monitoring, voire de les mettre en cause. Ces tendances doivent être renversées, pour que l’engagement des États à la cause du Conseil de l’Europe soit confirmé par des actes concrets.

13. L’Assemblée est également préoccupée par une tendance dangereuse dans les activités du Conseil de l’Europe, y compris dans ses propres travaux, de privilégier une approche à travers le prisme d’opportunité politique des problèmes qui relèvent du domaine des principes et valeurs fondamentaux, au détriment de ceux-ci. Cette tendance est particulièrement nuisible à la crédibilité de l’Organisation censée incarner la conscience démocratique de l’Europe.

14. L’Assemblée estime que la tenue régulière de sommets des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l’Europe permet de donner l’impulsion nécessaire à l’Organisation et de maintenir un degré élevé de responsabilité des États vis-à-vis de leurs obligations envers elle.

15. En matière budgétaire, l’Assemblée se réfère à son avis 272 (2009) relatif aux Budgets du Conseil de l’Europe pour l’exercice 2010. Les déclarations des États membres en faveur du Conseil de l’Europe doivent être traduites en un soutien réel et accru de son action, matérialisé en décisions budgétaires qui permettent à l’Organisation de s’acquitter pleinement de sa mission statutaire.

16. L’Assemblée estime également nécessaire d’attirer l’attention sur le fait que, de plus en plus souvent, les États membres de l’Union européenne soutiennent en bloc au Comité des Ministres les positions élaborées entre eux et présentées par la présidence de l’Union. Cette situation officialise en fait un nouveau clivage à l’intérieur même du Conseil de l’Europe et est préjudiciable à son unité et son avenir.

17. L’Assemblée se déclare en faveur du renforcement du rôle des conférences des ministres spécialisés du Conseil de l’Europe et de leur impact sur les travaux quotidiens de l’Organisation. Elle estime qu’il faudrait envisager les arrangements pour que les différents ministères spécialisés nationaux puissent intervenir dans le choix des priorités pour des actions intergouvernementales et contribuer au financement de certaines activités du Conseil de l’Europe.

18. Par ailleurs, l’Assemblée considère que le fonctionnement interne du Conseil de l’Europe, en particulier en ce qui concerne les relations entre ses organes statutaires, doit être mis davantage en conformité avec les principes et valeurs démocratiques qu’il défend. Elle regrette que, jusqu’à présent, ses propositions formulées dans la Recommandation 1763 (2006) sur l’équilibre institutionnel au Conseil de l’Europe, n’ont eu que peu de suivi de la part du Comité des Ministres.

19. L’Assemblée est convaincue qu’un bon fonctionnement du Conseil de l’Europe n’est possible sans un dialogue véritable, substantiel et permanent entre ses deux organes statutaires. Les canaux de dialogue et de consultation entre l’Assemblée et le Comité des Ministres doivent être revitalisés. Dans ce contexte, l’Assemblée salue l’esprit positif dans lequel se sont déroulées les récentes réunions informelles entre son Comité des Présidents et le Bureau du Comité des Ministres.

20. Concernant les activités futures du Conseil de l’Europe, en plus des orientations énoncées dans la Déclaration du Comité des Ministres à l’occasion du 60ème anniversaire de l’Organisation (CM(2009)50 final), une attention particulière devrait être réservée à certains autres domaines tels que la prévention des crises, en particulier dans les zones de conflits gelés, l’analyse des causes et la prévention du terrorisme et de l’extrémisme politique, la violence urbaine, le renforcement de la participation des citoyens à la vie politique, et l’impact de la crise économique sur la démocratie et les droits de l’homme.

21. L’Assemblée estime que les différents travaux du Conseil de l’Europe dans le domaine de la démocratie méritent d’être davantage mis en valeur, et qu’il faut créer sur la base de différents mécanismes et structures en la matière, tels que le Forum annuel sur l’Avenir de la Démocratie, les débats bisannuels de l’Assemblée sur l’état de la démocratie en Europe, la Commission de Venise, l’Université d’été de la démocratie et le réseau des Écoles des études politiques du Conseil de l’Europe, un « Davos de la Démocratie » – un véritable laboratoire d’idées, de réflexion et d’expertise qui pourrait devenir un pôle d’excellence et de référence à haute visibilité internationale.

22. Par ailleurs, compte tenu des effets de la mondialisation, la dimension extra-européenne de tous les problèmes traités au Conseil de l’Europe devrait être prise en compte. De ce point de vue, il conviendrait d'exploiter pleinement le potentiel offert par le Centre Nord-Sud, qui joue un rôle essentiel pour rapprocher le Conseil de l'Europe du reste du monde.

23. Concernant la situation de la Cour européenne des droits de l’homme, l’Assemblée réaffirme son soutien au rôle unique de cette juridiction et sa ferme position sur la nécessité de l’entrée en vigueur du Protocole 14 à la Convention européenne des droits de l'homme, et espère qu’en attendant, l’entrée en vigueur rapide du Protocole 14bis permettra d’améliorer partiellement la situation. Elle rappelle l’obligation de tous les États membres de se conformer pleinement à ses arrêts. Ce faisant, elle se réfère à son avis 272 (2009) relatif aux Budgets du Conseil de l’Europe pour l’exercice 2010, et réitère sa position énoncée aux paragraphes 6 à 16 dudit avis. Elle attend de la conférence sur le fonctionnement de la Cour prévue au début de 2010 des initiatives fortes afin de trouver une solution politique à l’impasse actuelle qui met en danger la pérennité du système de justice européen en matière de protection des droits de l’homme.

24. L’Assemblée appelle tous les États membres :

24.1. À jouer pleinement leur rôle et à assumer leur responsabilité en tant que membres individuels et à part entière du Conseil de l’Europe, quelle que soit leur position par rapport à d’autres organisations ;

24.2. À concrétiser leur attachement au Conseil de l’Europe par une participation plus active à ses activités et le renforcement du financement de celles-ci, une adhésion accrue à ses instruments juridiques et un respect plus strict de leurs obligations ;

24.3. À éviter la politisation, la relativisation ou l’instrumentalisation des questions qui relèvent du domaine des principes et valeurs fondamentaux au détriment de l’intégrité et du respect de ceux-ci ;

24.4. À ne pas considérer les critiques qui peuvent être faites à leur égard dans le cadre du Conseil de l’Europe comme une action adverse ou un moyen de pression, mais comme une démarche ayant pour but d’éliminer des défaillances et d’améliorer le fonctionnement de la démocratie et le respect des droits de l’homme ;

24.5. À veiller au strict respect et à la mise en œuvre complète et efficace des instruments juridiques du Conseil de l’Europe, et à garantir un fonctionnement sans entrave des mécanismes indépendants de suivi de l’Organisation et la mise en œuvre complète de leurs recommandations.

25. L’Assemblée appelle les responsables politiques européens de tous les niveaux à faire preuve de volonté politique pour assurer un soutien sans faille du Conseil de l’Europe dans l’accomplissement de ses missions statutaires.

26. L’Assemblée est consciente que ses propres activités et méthodes de travail doivent faire constamment l’objet d’une analyse critique et objective. En particulier, il faut résister aux tentatives d’instrumentaliser ou de relativiser en fonction de l’opportunité politique des problèmes qui relèvent du domaine des principes et valeurs essentiels au détriment de ceux-ci, et faire preuve de courage politique pour sanctionner des comportements incompatibles avec ces principes et valeurs. L’engagement individuel des membres de l’Assemblée à sa cause et la participation à ses activités sont essentiels. La tendance négative de baisse de participation des membres aux travaux de l’Assemblée, qui traduit en fait un désengagement politique, doit absolument être renversée.

27. L’Assemblée exprime sa ferme intention de contribuer encore davantage, par toutes ses activités, à ce que le Conseil de l’Europe reste un élément clé de l’architecture institutionnelle européenne, une institution de référence dans les domaines de ses compétences de base, et un moteur de coopération paneuropéenne pluridimensionnelle dans d’autres secteurs de ses activités.

28. En ce qui concerne ses propres activités, l’Assemblée décide :

28.1. D’appeler instamment ses membres à faire plein usage de leurs mandats législatifs nationaux afin de promouvoir les valeurs du Conseil de l’Europe, d’assurer un plein soutien à ses activités, y compris en ce qui concerne son budget, et de faire connaître ses propres travaux ;

28.2. De renforcer ses activités en ce qui concerne le développement de la base normative de la démocratie ;

28.3. D’étudier, dans l’esprit positif des récentes réunions informelles entre le Comité des Présidents de l’Assemblée et le Bureau du Comité des Ministres, les moyens de redynamiser le dialogue et de revitaliser les canaux de consultation avec le Comité des Ministres, ainsi que d’améliorer la coopération entre les différentes instances du Conseil de l’Europe sur les questions cruciales relevant de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit ;

28.4. D’envisager la mise en place de mécanismes de coopération avec le Comité des Ministres et, le cas échéant, avec d’autres instances du Conseil de l’Europe, pour assurer une exécution plus complète des résolutions et recommandations de l'Assemblée parlementaire et une réponse coordonnée en matière de prévention des crises et de règlement des conflits ;

28.5. D’inviter plus souvent différents ministres spécialisés des États membres à intervenir au cours de ses débats ;

28.6. De renforcer sa coopération et de viser à établir des relations de véritable partenariat avec les parlements nationaux des États membres ;

28.7. d’envisager, en coopération avec les délégations nationales concernées, les moyens pour établir un dialogue préalable avec des représentants des États qui assumeront la présidence au Comité des Ministres, afin de contribuer à l’élaboration des programmes et à la définition des priorités des futures présidences ;

28.8. D’examiner l’opportunité d’associer ex officio à son Bureau les présidents des délégations parlementaires des pays de la Troïka (présidences sortante, courante et à venir du Comité des Ministres) afin de renforcer l’influence parlementaire sur les présidences du Comité des Ministres et assurer une plus grande continuité dans l’action de l’Assemblée ;

28.9. De veiller à une plus grande pertinence de ses travaux et à une sélection plus rigoureuse des sujets à traiter de manière à ne pas se laisser instrumentaliser par des intérêts nationaux ou partisans ;

28.10. d’envisager les moyens pour renforcer les activités ciblées sur des groupes sociaux spécifiques et, en particulier, d’examiner la possibilité d’organiser régulièrement à Strasbourg des réunions d’une assemblée européenne des jeunes ;

28.11 D’examiner l’opportunité de revenir à une durée de trois ans des mandats de son Président et des présidents des commissions afin d’assurer une plus grande continuité de ses travaux et de faire rapport à l'Assemblée parlementaire sur la question. Tout changement apporté devra entrer en vigueur après l'élection du nouveau président de l'Assemblée parlementaire, en janvier 2010 ;

28.12. D’intensifier la coopération avec le Parlement européen sur la base de l’accord sur le renforcement de la coopération entre les deux institutions ;

28.13. De renforcer ses relations avec des partenaires extérieurs et, en particulier, de promouvoir les liens avec les parlements des États voisins de l’Europe dans le cadre du statut de partenaire pour la démocratie.

1 Discussion par l’Assemblée le 1er octobre (34e séance) (voir Doc. 12017, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur : Mr Mignon). Texte adopté par l’Assemblée le 1er octobre (34e séance).

Voir également la Recommandation 1886 (2009).

Annexe 4
Recommandation 1884 (2009) – L’éducation culturelle : promotion de la culture, de la créativité et de la compréhension interculturelle par l’éducation

1. L’Assemblée parlementaire réaffirme l’importance fondamentale de l’éducation pour tous les individus et pour la société dans son ensemble, et rappelle qu’en vertu de l’article 26, paragraphe 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre 1948), l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre les nations et les groupes ethniques ou religieux. Le Livre Blanc du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel du 7 mai 2008 reconnaît toutes les formes d’expression artistique comme des outils d’éducation interculturelle.

2. Le droit à l’éducation est un droit fondamental garanti par l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme. L’éducation doit être le moteur des nouvelles structures sociales et économiques du monde d’aujourd’hui, caractérisé par la rapidité des changements, l’accélération de la mondialisation et la complexité des relations économiques, sociétales et culturelles.

3. L’éducation culturelle, qui concerne l’apprentissage et la pratique des arts ainsi que par les arts, à l’aide d’outils pédagogiques transversaux, doit aussi se servir de l’art pour promouvoir des objectifs culturels et sociaux, notamment le respect mutuel, la compréhension et la tolérance envers autrui, la mise en valeur de la diversité, le travail en équipe et d’autres compétences sociales, ainsi que la créativité, l’épanouissement de la personne et la capacité à innover. L’éducation culturelle peut aider à créer des synergies au-delà de la diversité culturelle par le biais d’un dialogue positif et constructif. La promotion de la créativité et la capacité à innover sont indispensables au développement de la personnalité et pour relever les défis de la vie quotidienne. L’expression et l’expérience artistiques favorisent les capacités de coordination et les compétences fondamentales, renforçant ainsi les facultés d'apprentissage de l’enfant dès le plus jeune âge.

4. L’Assemblée rappelle la Feuille de route de l’UNESCO pour l’éducation artistique, adoptée par la Conférence mondiale sur l’éducation artistique : Développer les capacités créatrices pour le 21e siècle (Lisbonne, 6-9 mars 2006) et salue l’initiative de l’Union européenne « Année européenne de la créativité et de l’innovation » en 2009. Elle regrette l’absence, à l’échelle européenne, d’un programme permettant d’évaluer de manière adéquate l’éducation culturelle et les compétences sociales acquises à l’école.

5. L’Assemblée a beaucoup soutenu les politiques éducatives liées à la culture, notamment par le biais de ses Recommandations 1833 (2008) « Promouvoir l’enseignement des littératures européennes », 1717 (2005) relative à ‘éducation aux activités de loisirs, 1621 (2003) relative à la promotion de l’histoire de l’art en Europe, 1437 (2000) relative à l’éducation non formelle, 1104 (1989) relative à la danse et 929 (1981) relative à l’éducation musicale pour tous.

6. Généralement, l’éducation est dispensée dans les écoles et les établissements d’enseignement supérieur ainsi que de manière informelle par les médias, les établissements culturels et l’art. L’art peut renforcer utilement l’éducation formelle. Il est indispensable que les méthodes d’éducation culturelle et artistique soient intégrées à l’éducation formelle, notamment à l’école. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont considérablement accru les possibilités d’éducation culturelle, dans un contexte formel ou informel, et son impact.

7. Une éducation réussie implique des capacités de raisonnement logique et d’abstraction, d'imagination et de sensibilité, ainsi que de la créativité et de la mémoire culturelle, mais avant tout des compétences de communication. La communication exige des capacités à apprendre et à vivre en société ainsi que des connaissances de base au sens large, qui couvrent non seulement l’expression orale, la lecture et l’écriture, mais aussi un bagage informatique, culturel et artistique.

8. La communication artistique pourrait notamment venir en aide aux personnes ayant des difficultés en matière d’expression orale, de lecture ou d’écriture, que ces difficultés résultent de problèmes physiques, psychologiques ou éducatifs. Pour exercer pleinement leur droit à l’éducation, les personnes ayant des besoins spécifiques doivent avoir accès à une éducation renforcée et plus globale, couvrant notamment l’éducation culturelle.

9. L’alphabétisation est une condition fondamentale à la participation et à la contribution active dans société démocratique. Malgré un taux d’analphabétisme en Europe qui se situe en dessous du taux mondial estimé qui serait de 10 à 20 %, un certain pourcentage d’Européens d’origine immigrée ont une méconnaissance fonctionnelle de la langue de leur pays ou région de résidence. Cet analphabétisme culturel est un obstacle à la participation à la vie sociale et à la compréhension mutuelle entre les différents groupes sociétaux.

10. L’Assemblée réaffirme que les États membres doivent garantir la liberté et la diversité de l’expression artistique et culturelle en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les établissements d’enseignement et les institutions culturelles, qui représentent tout l’éventail des pratiques artistiques et culturelles, doivent mettre sur pied des projets communs pour garantir une approche active et vivante des diverses expressions culturelles.

11. Les établissements d’enseignement doivent mettre sur pied des projets internationaux de coopération dans le domaine de l’éducation culturelle, notamment dans les régions connaissant des tensions politiques. Les États membres doivent soutenir les établissements d’enseignement dans ces projets par des actions de sensibilisation, l’octroi de financements, en facilitant la délivrance de visas si nécessaire, en garantissant la reconnaissance mutuelle des enseignements culturels et en dotant ces établissements des pouvoirs administratifs leur permettant de conclure des accords de coopération transfrontalière. Ils doivent veiller à ce que chacun puisse satisfaire ses besoins en matière d’éducation, en garantissant la disponibilité d’enseignants correctement formés et l’accès à la culture et à l’art.

12. L'Assemblée accueille favorablement l’organisation d’une réunion avec les comités internationaux du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Association internationale pour l'évaluation du rendement scolaire (IEA) afin d'étudier les fondements pédagogiques et idéologiques de leurs travaux et d'examiner la possibilité d'étendre le champ de leurs évaluations pour y inclure le sens civique, les compétences créatives et l’éducation culturelle.

13. L’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’aider les États membres, les établissements d’enseignement, les institutions culturelles et les enseignants à élaborer et à entretenir des projets d’éducation culturelle, ainsi qu’à partager des informations sur les bonnes pratiques, par le biais, par exemple, du Centre Nord-Sud à Lisbonne, du European Wergeland Centre à Oslo et du Centre européen pour les langues vivantes à Graz.

14. L’Assemblée invite les ministres de l'Éducation, de la culture et des médias des États membres et observateurs du Conseil de l’Europe :

14.1. à soutenir la recherche en vue d’élaborer des stratégies nationales d’éducation culturelle axées sur l’enseignement scolaire, l’éducation informelle et l’apprentissage tout au long de la vie ;

14.2. À rendre obligatoire, dans l’enseignement scolaire, une éducation culturelle dispensée par des enseignants d’art qualifiés, et à offrir une formation dans ce domaine à tous les enseignants ;

14.3. à faciliter l’accès à l’éducation culturelle des jeunes des milieux défavorisés, minoritaires ou immigrés, ou issus de régions culturellement défavorisées, afin de prévenir les tendances à l’isolement ou au repli dans des sociétés parallèles ;

14.4 À offrir des lieux de dialogue et d’apprentissage aux individus de tous âges et de toutes origines, ainsi qu’aux personnes éloignées des arts, afin de promouvoir l’intégration et la cohésion par l’éducation culturelle ;

14.5. à promouvoir la diversité culturelle ainsi que le respect et la tolérance vis-à-vis des autres cultures, par exemple en distinguant une culture spécifique de l’identité nationale, tout en reconnaissant les racines culturelles communes et les liens culturels historiques en Europe et au-delà ;

14.6. À reconnaître dans l’enseignement du patrimoine culturel que la culture et l’art sont des expressions libres et vivantes qui caractérisent l’humanité.

14.7. À mettre au point au niveau national une procédure d’évaluation de l’éducation culturelle et des compétences sociales dans le cadre de l’évaluation des connaissances, en complément du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’OCDE et des autres programmes de contrôle des résultats de l’éducation.1

14.8 à élaborer, en coopération avec le Conseil de l’Europe, des projets concernant la mise en œuvre de la Feuille de route de l’UNESCO pour l’éducation artistique, et les présenter à la prochaine conférence mondiale sur l’éducation artistique, qui doit avoir lieu à Séoul en 2010.

15. En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres :

15.1. De transmettre cette Recommandation aux autorités nationales compétentes et à la 23e session de la Conférence permanente des ministres européens de l'Éducation qui se tiendra en juin 2010 en Slovénie;

15.2. D'élaborer un cadre politique pour l'évaluation de la réussite éducative concernant les compétences sociales des étudiants, notamment dans des domaines tels que la connaissance culturelle, la créativité, le travail d'équipe et la compréhension interculturelle ;

15.3. examiner les différences entre les sexes au niveau de la réussite éducative, et mettre au point des stratégies en faveur d'un soutien à l'éducation différencié selon les sexes au niveau national, notamment au moyen de mesures culturellement ciblées dans l'éducation primaire ;

15.4. de reconnaître le droit à l’éducation culturelle, d’élaborer des programmes visant à aider les États membres à assurer la mise en œuvre adéquate du droit à l’éducation en vertu de l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, et de veiller au suivi de cette mise en œuvre, notamment en ce qui concerne les populations de milieux défavorisés, minoritaires ou immigrés, afin de combattre l’analphabétisme culturel et d’éviter l’élargissement du fossé éducatif et culturel au sein de la société.

1 Discussion par l’Assemblée le 29 septembre 2009 (30e séance) (voir Doc. 11989, rapport de la commission de la culture, de la science et de l'éducation, rapporteur : Mme Muttonen). Texte adopté par l’Assemblée le 29 septembre 2009 (30e séance).

Annexe 5
Communiqué à la presse : Avenir du conseil de l’Europe –
Jean-Claude Mignon : « de nouveaux défis à relever »

A l’initiative de son Vice président (groupe PPE), le Député UMP de Seine et Marne Jean-Claude Mignon, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté le 1er octobre 2009 deux textes sur « l’avenir du Conseil de l’Europe » (la résolution n°1689 et la recommandation n°1886).

Au cours de son intervention en séance plénière, le Président de la Délégation française a insisté sur la nécessaire relance de la plus ancienne institution paneuropéenne. Après 60 ans d’existence et un bilan plus que flatteur, Jean-Claude Mignon a mis en exergue plusieurs dispositions qui permettront au Conseil de l’Europe d’assurer son avenir :

- Améliorer la gouvernance de l’Organisation avec un meilleur équilibre institutionnel entre les organes du Conseil ;

- Reconsidérer la question budgétaire afin d’échapper au dogme de la croissance zéro ;

- Inciter les Parlements nationaux à mieux tenir compte des travaux du Conseil ;

- Permettre à la Cour européenne des droits de l’homme de faire face à l’énorme afflux des requêtes.

A l’orée du XXIème siècle, ces dispositions permettront au Conseil de l’Europe d’aborder les nouveaux défis qui se présentent tels la prévention des conflits, la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme politique tout en respectant les valeurs des Pères fondateurs : la protection des droits de l’homme, le développement de la démocratie et le respect de l’État de droit.

Annexe 6
Le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldova :
mise en
œuvre de la Résolution 1666 (2009) : Résolution 1692 (2009)
(1)

1. L’Assemblée parlementaire qui suit l’évolution démocratique de la Moldova depuis 1996, date de l’ouverture de la procédure de suivi pour ce pays, et qui a accompagné la mise en place progressivement de ses institutions, a regretté les évènements postélectoraux d’avril 2009.

2. Ainsi dans sa Résolution 1666 (2009) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldova, l’Assemblée a condamné les actes de violence survenus pendant et après les mouvements de protestation postélectoraux, appelant les autorités à instruire de façon indépendante et approfondie toutes les allégations de violence et à engager une enquête indépendante et transparente sur les événements et sur les circonstances qui y ont conduit.

3. L’Assemblée salue la remise en liberté de toutes les personnes qui avaient été arrêtées en lien avec les événements postélectoraux d’avril 2009. Elle suit attentivement les enquêtes en cours. Dans le même temps, l’Assemblée appelle les autorités moldaves compétentes à appliquer avec toute la diligence qui s’impose les recommandations du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et les recommandations formulées dans sa Résolution 1666 (2009). En particulier, elle invite instamment les autorités à prendre des mesures pour mettre les pratiques policières en conformité avec l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et à créer un organe administratif indépendant habilité à examiner les plaintes contre la police et les membres des forces de l’ordre. En outre, conformément à une pratique bien établie, l’Assemblée appelle les autorités moldaves à autoriser, dès réception, la publication du rapport du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) sur sa visite en Moldova du 27 au 31 juillet 2009.

4. L’Assemblée note que selon la mission internationale d’observation des élections, les nouvelles élections législatives, organisées le 29 juillet 2009 après la dissolution du Parlement, qui a échoué à élire le Président de la République, ont été correctement administrées et ont permis l’entrée en compétition de partis politiques représentant une pluralité de points de vue. Beaucoup des engagements internationaux ont été tenus. Cependant, la campagne a été encore entachée par de subtiles manœuvres d’intimidation et par la partialité de la couverture médiatique.

5. L’Assemblée félicite le peuple moldave pour la large participation aux élections et pour avoir démocratiquement exprimé son choix politique, ainsi que les autorités du pays pour avoir réussi à organiser des élections sans heurts dans un laps de temps très court. Cependant, elle relève que les principales failles détectées par les observateurs dans le processus électoral sont identiques à celles signalées lors de scrutins précédents, en particulier lors des élections législatives du 5 avril 2009. A cet égard, l’Assemblée réitère ses recommandations antérieures et appelle le nouveau Parlement à s’atteler très rapidement, en coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), à l’amélioration du Code électoral et des pratiques électorales, afin de créer une base solide pour des élections libres et équitables à l’avenir.

6. L’Assemblée note que les élections du 29 juillet 2009 ont modifié l’équilibre des forces politiques en Moldova. Elle note également que la transition politique se fait de manière démocratique et dans le respect de la Constitution. Elle salue la nomination du nouveau gouvernement et s’attend à ce que celui-ci engage prochainement les réformes nécessaires et demandées par l’Assemblée dans ses résolutions antérieures, en coopérant pleinement avec le Conseil de l’Europe.

7. Cependant, l’Assemblée constate que, à l’issue des élections du 29 juillet 2009, aucune force politique au Parlement n’a la majorité nécessaire pour élire le Président de la République, puisqu’il faut rassembler 61 voix. L’Assemblée appelle donc la nouvelle coalition majoritaire ainsi que l’opposition à engager des négociations constructives pour débloquer la situation et parvenir à l’élection du Président de la République. A cet égard, l'Assemblée réaffirme qu'une alternance du pouvoir menée à bien pacifiquement est la pierre de touche de la maturité du système politique et de la qualité de la démocratie dans un pays.

8. L'Assemblée estime que les nouvelles institutions de l'État, dès qu'elles seront en place, devraient immédiatement travailler, avec l'aide active du Conseil de l'Europe, à une réforme institutionnelle et législative profonde incluant, le cas échéant, des amendements constitutionnels visant à créer des garanties démocratiques réelles pour prévenir de telles situations de blocage institutionnel et politique.

9. L’Assemblée invite le Comité des Ministres et les autres institutions du Conseil de l’Europe à mettre sur pied un ensemble de programmes de coopération ciblés pour aider la République de Moldova à consolider ses institutions démocratiques et à faire encore progresser l’état de droit. Il convient, dans cette entreprise, de se préoccuper sans délai du cadre électoral et de la liberté des médias, ainsi que de la réforme de l’appareil judiciaire. Le Conseil de l’Europe doit aussi prendre en compte la nécessité d’assurer des synergies avec les activités d’assistance menées par d’autres organisations.

10. L’Assemblée juge que la mise en œuvre de la présente résolution, ainsi que de la Résolution 1666 (2009) et des résolutions antérieures de l’Assemblée sur le respect des obligations et engagements de la Moldova, doit constituer une priorité pour les nouvelles institutions de l'État et invite sa commission de suivi à suivre étroitement cette question et à faire rapport des progrès accomplis à l’Assemblée lors de l’une de ses prochaines parties de session.

Annexe 7
Proposition de résolution n° 12048 (2009) –
la crise du lait et ses répercussions sur l’agriculture

Depuis quelques années, le prix du lait subit de fortes variations. L’on a enregistré une baisse du prix du lait de 50 % de 2008 à 2009, ce qui a entraîné de graves répercussions sur le plan économique et sur le développement rural dans les États membres et non membres du Conseil de l’Europe. Les disparités créées entre les différents États de l’Union Européenne par le système des quotas et les effets de la crise économique ont conduit de nombreux producteurs de lait au bord de la faillite. Mais cet état de fait ne concerne pas que les États membres de l’Union européenne, puisqu’elle a des répercussions au-delà des frontières de l’Europe.

En effet, la crise du lait préjuge d’une crise plus sérieuse encore qui est celle de l’avenir des exploitations agricoles, du développement rural et de l’agriculture en général, que ce soit dans les États membres de l’Union européenne mais surtout dans les États membres et non membres du Conseil de l’Europe.

Face à ce constat, la Commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales, lors de sa réunion du 4 septembre, a estimé que l’Assemblée ne pouvait pas rester indifférente et que cette question méritait une réflexion approfondie sur l’avenir de l’agriculture en Europe et les implications des décisions communautaires sur les États non membres de l’Union européenne.

Signée par :

MARIN Christine, France, PPE/DC

AÇIKGÖZ Ruhi, Turquie, GDE

COUSIN Alain, France, PPE/DC

DEITTERT Hubert, Allemagne, PPE/DC

HUSEYNOV Rafael, Azerbaïdjan, ADLE

KORKEAOJA Juha, Finlande, ADLE

MARQUET Bernard, Monaco, ADLE

de MELO Maria Manuela, Portugal, SOC

MIGNON Jean-Claude, France, PPE/DC

MULARONI Pier Marino, Saint-Marin, ADLE

PREDA Cezar Florin, Roumanie, PPE/DC

SARIKAS Fidias, Chypre, SOC

SKOPAL Ladislav, République tchèque, SOC

ÜNAL Mustafa, Turquie, PPE/DC

WALTER Hansjörg, Suisse, ADLE

Annexe 8
Proposition de résolution n° 12062 (2009 –
mesures propres à assurer les valeurs fondamentales du sport

1. Le sport est porteur de valeurs sociales et éducatives capitales. Il est du devoir de l’Europe de tout mettre en œuvre pour les rendre compatibles avec sa dimension économique. L’irruption non maîtrisée des réflexes purement financiers amplifie des dérives bien connues: l’usage de produits dopants, les transferts de joueurs de plus en plus jeunes entre clubs, les montants totalement disproportionnés consacrés aux transferts et aux rémunérations, les risques de corruption, de trucage de certains résultats, les dangers liés à la libéralisation des paris sportifs en ligne, l’intervention mal encadrée des « agents » sportifs.

2. La crise économique a temporairement mis un frein aux appétits et, partant, aux abus. Elle n’a pas fait disparaître les causes de ces abus. Une réglementation est plus que jamais nécessaire.

3. La régulation ainsi permise ne sera cependant efficace que si elle est réalisée au moins au niveau européen, sauf à créer des distorsions de concurrence.

4. Le Conseil de l’Europe tient du champ géographique de son intervention une qualification particulière pour promouvoir l’édiction des règles nécessaires en collaboration avec les différentes organisations sportives internationales (comme dans le cas du football la FIFA, l’UEFA et l’EPFL) et en tenant compte, bien entendu, de la réglementation propre à l’Union européenne.

5. En conséquence, l’Assemblée parlementaire invite les États membres du Conseil de l’Europe :

- à établir de façon concertée des normes permettant de garantir la transparence des comptes des clubs sportifs et la régularité des opérations financières, notamment celles associées aux transferts ;-

- à entreprendre l’élaboration d’une convention harmonisant les réglementations nationales applicables aux aspects juridiques et financiers des activités sportives ;-

- à examiner si l’encadrement de la masse salariale est une mesure adaptée et juridiquement viable dans les sports d’équipe ;-

- à envisager, sous réserve de la situation particulière des jeunes sportifs en formation ou en début de carrière professionnelle, la limitation par club du nombre de contrats avec des joueurs professionnels ;-

- à élaborer un statut des agents sportifs ;-

- à confirmer le droit de propriété des organisateurs de manifestations sportives sur l’exploitation commerciale des compétitions qui se déroulent dans ce cadre, quelle que soit la forme de cette exploitation.

Signée par :

ROCHEBLOINE François, France, PPE/DC

ADAM Ulrich, Allemagne, PPE/DC

AGRAMUNT FONT DE MORA Pedro, Espagne, PPE/DC

BÉTEILLE Laurent, France, PPE/DC

COLOMBIER Georges, France, PPE/DC

DÍAZ TEJERA Arcadio, Espagne, SOC

FERTUZINHOS Sónia, Portugal, SOC

GARDETTO Jean-Charles, Monaco, PPE/DC

HARUTYUNYAN Davit, Arménie, GDE

MARTINS Maximiano, Portugal, SOC

MENDES BOTA José, Portugal, PPE/DC

MÜRI Felix, Suisse, ADLE

REIMANN Maximilian, Suisse, ADLE

RUSSO Giacinto, Italie, ADLE

SANÍN NARANJO Luz Elena, Espagne, PPE/DC

SCHNEIDER André, France, PPE/DC

VERA JARDIM José, Portugal, SOC

WALTER Hansjörg, Suisse, ADLE

ZACCHERA Marco, Italie, GDE

____________

(1) Discussion par l’Assemblée 2 octobre 2009 (35e séance) (voir Doc. 12011, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), corapporteurs : Mme Durrieu et M. Vareikis). Texte adopté par l’Assemblée le 2 octobre (35e séance).


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