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N° 2437

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 avril 2010

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Bernard CAZENEUVE et François CORNUT-GENTILLE,

Députés.

——

tome ii

deuxième rapport d’étape

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS 11

A. LES INSTANCES DE SUIVI AU SEIN DU MINISTÈRE 11

1. La mission pour la coordination de la réforme 11

2. De nouveaux organes de décision et d’arbitrage 12

B. L’EXPERTISE FINANCIÈRE 13

C. L’IMPLICATION D’ORGANISMES EXTÉRIEURS AU MINISTÈRE 15

DEUXIÈME PARTIE : L’ÉVOLUTION DU CADRE GÉNÉRAL DE LA RÉFORME 17

I. —  L’ADAPTATION DES PRINCIPES DIRECTEURS ET DU CALENDRIER

DE LA RÉFORME 17

A. UN CALENDRIER AJUSTÉ 18

B. DES INCERTITUDES FINANCIÈRES 21

1. Des interrogations pour 2009 et 2010 22

2. Les dépenses d’infrastructures 23

II. —  L’ENJEU TERRITORIAL 24

A. LA NOUVELLE CARTE MILITAIRE 24

1. Le cadre global 25

a) Un problème de lisibilité et de compréhension de la réforme 25

b) Le service du commissariat des armées et les centres ministériels de gestion 26

2. L’exemple du site de Vernon 27

a) Les missions et les personnels du LRBA 28

b) Les justifications du transfert 28

c) Une perte d’expertise réelle 32

B. L’ACCOMPAGNEMENT TERRITORIAL 33

1. La mise en œuvre des dispositifs d’accompagnement territorial 33

2. L’évolution de la carte militaire 36

TROISIÈME PARTIE : L’ENJEU DES RESSOURCES HUMAINES 39

I. —  LA DÉFLATION DES EFFECTIFS 39

A. UNE COMPTABILISATION ORIGINALE 39

1. Les unités de compte 40

2. Le suivi des ressources humaines 41

B. UN RISQUE DE SURDÉFLATION ? 42

C. L’ENJEU DE LA CIVILIANISATION 44

II. —  LES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT 45

A. LES AIDES AU DÉPART ET À LA MOBILITÉ 45

1. Les aides au départ 45

a) Pour les militaires 45

b) Pour les civils 47

2. Les aides à la mobilité 49

3. Les conditions de versement des aides 50

B. LE RECLASSEMENT DES PERSONNELS 51

III. —  LE CONTEXTE SOCIAL DE LA RÉFORME 53

A. L’ÉTAT DU DIALOGUE SOCIAL 53

B. LA QUESTION DE L’ACCOMPAGNEMENT FAMILIAL 54

QUATRIÈME PARTIE : LES EXTERNALISATIONS ET LA RÉFORME DU SOUTIEN 55

I. —  LES BASES DE DÉFENSE ET LA RÉORGANISATION DU SOUTIEN 55

A. UNE RATIONALISATION DU SOUTIEN 55

1. Le concept de base de défense 55

2. Les résultats constatés pour le soutien 57

a) Les exemples locaux 57

b) L’agrégation des résultats 58

3. L’évolution du concept en 2010 59

B.  LE SUIVI DE LA MISE EN œUVRE DES BASES DE DÉFENSE 59

1. Une préoccupation permanente 59

2. Des doutes persistants 60

C. L’ENJEU DES SYSTÈMES D’INFORMATION 61

II. —  LES EXTERNALISATIONS 62

A. LE BILAN DES EXTERNALISATIONS DÉJÀ ENGAGÉES 63

1. Les externalisations de la défense 63

2. Les premiers bilans 66

a) Le bilan humain 66

b) Le bilan des quatre projets principaux 66

B. QUELS PROJETS POUR QUELS OBJECTIFS ? 68

1. Rappel des préconisations de la RGPP 68

2. La méthodologie du ministère 69

3. Les choix du ministère 71

C. LE TRANSFERT DES PERSONNELS AU CœUR DES PRÉOCCUPATIONS 73

1. Le reclassement des personnels 73

2. La mise à disposition des personnels 74

CINQUIÈME PARTIE : LES FINANCEMENTS INNOVANTS 75

I. —  LES RECETTES EXCEPTIONNELLES 75

A. DES RETARDS ACCUMULÉS 75

B. L’ABANDON DE LA SOCIÉTÉ DE PORTAGE 76

II. —  LE PROJET « BALARD » 78

A. LE CONTENU DU PROJET 79

B. LE CHOIX DU CONTRAT DE PARTENARIAT 80

1. Le cadre juridique 80

2. Le respect de la procédure 80

a) La réalisation de l’étude préalable 81

b) L’avis de l’organisme expert 81

3. L’opportunité du montage 82

a) L’accès aux documents d’évaluation 82

b) Une opportunité juridique démontrée 83

c) Les enjeux financiers 83

C. LES QUESTIONS À RÉGLER AVANT LA SIGNATURE DU CONTRAT 85

1. Le suivi du contrat et de ses risques 85

a) L’évaluation du contrat 85

b) Le suivi de long terme et la gestion des risques 86

2. Le coût financier et les loyers 87

3. L’articulation avec la vente des emprises parisiennes 88

EXAMEN EN COMMISSION 89

ANNEXE 1 : AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS 99

AUDITIONS 99

DÉPLACEMENTS 101

ANNEXE 2 : CLASSIFICATION DES POSTES SUPPRIMÉS EN ORGANISATION 105

ANNEXE 3 : CARTE DU SITE DE BALARD 107

ANNEXE 4 : EXTRAITS DE LA DIRECTIVE RELATIVE AUX BASES DE DÉFENSE 108

INTRODUCTION

Conformément à ce qu’ils avaient annoncé lors de la présentation de leur premier rapport en février 2009, les rapporteurs ont examiné à la fois l’évolution du cadre général de la réforme et certains sujets emblématiques de celle-ci. Plus d’un an après la mise en œuvre effective des premières mesures, ils ont cherché à savoir si l’équation initiale était toujours valable et s’il avait fallu procéder à des ajustements.

En termes de méthode, ils ont continué à solliciter les différents services du ministère en leur adressant, autant que de besoin, des questionnaires ciblés. Ils se sont également rendus sur le terrain pour rencontrer l’ensemble des acteurs de la réforme, qu’il s’agisse des personnels, des organisations syndicales, des responsables locaux ou des élus.

Comme ils l’ont souligné lors de leur communication devant la commission le 13 octobre dernier, ils ont rencontré des difficultés à obtenir des données stabilisées et précises, notamment en matière financière. Les rapporteurs avaient alors indiqué qu’ils étaient forcés d’exercer une pression forte sur le ministère pour obtenir les informations utiles à leur mission, et ce, généralement de façon très tardive. La situation s’est très nettement améliorée depuis cette date : à ce jour les rapporteurs ont obtenu les éléments nécessaires à leur travail. Ils se félicitent de la normalisation des rapports et de la qualité des échanges qu’ils ont pu avoir, notamment avec les membres du cabinet du ministre de la défense.

Les rapporteurs ont choisi de privilégier une approche objective, indépendamment de leur appréciation personnelle sur les sous-jacents de la réforme. Ils cherchent à savoir si les objectifs que le ministère de la défense s’est lui-même fixés sont atteints et dans quelles conditions.

Dans leur premier rapport, ils avaient formulé trois grandes propositions ; avant d’entamer un nouveau travail d’analyse, ils ont interrogé le ministère sur les suites réservées à ces recommandations. Ils regrettent que le ministère n’ait pas jugé utile de les reprendre complètement à son compte, même si certains sujets ancillaires ont fait l’objet d’améliorations.

De façon générale, les premières mises en œuvre montrent clairement l’importance de la communication et de l’information. Les annonces qui sont souvent perçues dans les unités comme contradictoires ou partielles, combinées à des ajustements nécessaires mais établis sans donner de perspective de moyen ni de long terme, entretiennent un climat de méfiance. La mise en œuvre locale apparaît déconnectée du schéma d’ensemble : les premiers retours d’expérience semblent valider les grands principes directeurs mais, dans le même temps, les personnels sont confrontés sur le terrain à une mise en œuvre difficile, notamment sur le plan humain. Par définition, le schéma d’ensemble ne peut pas rendre compte des spécificités locales alors même qu’elles déterminent grandement le niveau d’adhésion et de compréhension des personnels. Les rapporteurs constatent une sorte de dichotomie entre la sphère globale et le niveau local qu’il convient pourtant de rapprocher dans les meilleurs délais. Cela nécessite un effort pédagogique très conséquent de toutes les instances du ministère.

Cet effort passe par un renforcement du dialogue social, mais plus encore par une amélioration qualitative de ce dialogue. Il est contre-productif de faire état de décisions tant qu’elles ne sont pas stabilisées et solidement étayées. Or, souvent le ministère peine à faire émerger la dimension nécessairement évolutive de la réforme dans sa mise en œuvre pratique et, partant, donne l’impression de changer d’orientations. Cette incompréhension renforce alors les inquiétudes et ne permet pas d’analyser sereinement les données qui sont transmises. Il faut que le ministère affirme très clairement que la réforme est un processus qui ne saurait se résumer aux annonces faites à l’été 2008 même si elles constituent effectivement le cœur de la réforme.

Par ailleurs, la mise en place d’autres évolutions en même temps que ces restructurations brouille un peu plus le message. Sur le plan financier par exemple, les personnels ne savent plus si les changements sont liés à la rationalisation du soutien, au Livre blanc ou à l’arrivée du nouveau progiciel informatique CHORUS. Cette juxtaposition de mesures rend l’exercice encore moins lisible, d’autant qu’il s’agit de changements conséquents dans les procédures du ministère.

La question centrale de la lisibilité et de la compréhension de la réforme a conduit les rapporteurs à mettre l’accent dans un premier temps sur l’évolution de son cadre général avant d’examiner plus précisément, en s’appuyant sur des exemples locaux, les conditions de sa mise en œuvre. Cette présentation permet en effet de saisir les inquiétudes des personnels et les difficultés d’application dans un cadre d’ensemble. L’articulation entre le général et le particulier est délicate mais elle permet d’appréhender la réforme dans sa complexité et dans sa diversité. Vu son ampleur et l’importance des enjeux, il est en effet impossible de porter un jugement définitif et manichéen ; il n’en reste pas moins que ces restructurations doivent être examinées en détail afin de vérifier que les principes directeurs ne sont ni dévoyés ni fragilisés.

Conscients de l’importance des ressources humaines, les rapporteurs ont tenu à leur consacrer une partie entière de leur rapport, allant du principe général des déflations à l’état du dialogue social en passant par la mise en œuvre des mesures d’accompagnement.

Ils ont également décidé de s’intéresser à la rationalisation du soutien et aux mesures qui lui sont liées, notamment à la question des externalisations. Même s’ils portent une appréciation différente sur la situation, ils considèrent qu’une clarification des compétences et des structures doit rapidement intervenir. L’organisation des bases de défense doit être stabilisée au plus vite. Les critères justifiant les mesures d’externalisation doivent être précisés et soumis au dialogue social le plus approfondi.

Enfin, compte tenu de l’importance des sommes en jeu, ils ont examiné attentivement la situation des ressources exceptionnelles et de l’immobilier. À ce titre, ils se sont intéressés au projet de regroupement des administrations centrales sur le site de Balard. Si l’opportunité juridique du montage semble avérée, ils estiment que plusieurs interrogations doivent être levées avant de pouvoir sereinement signer le contrat de partenariat.

PREMIÈRE PARTIE : LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS
DES RAPPORTEURS

Dans le premier rapport de la mission d’information (1), les rapporteurs avaient formulé trois propositions pour améliorer le suivi de la réforme : rendre plus transparents et efficaces les dispositifs de suivi, renforcer l’expertise financière et humaine de la réforme et approfondir le dialogue social. Un an après la publication du premier tome du rapport, il apparaît que ces recommandations n’ont été que partiellement suivies alors qu’elles sont indispensables à la réussite de la réforme et qu’elles déterminent en grande partie les conditions de son acceptation par les personnels.

A. LES INSTANCES DE SUIVI AU SEIN DU MINISTÈRE

Compte tenu de son importance et de sa complexité, il est primordial que le ministère dispose d’outils fins pour suivre et piloter la réforme. Ils se sont donc intéressés à toutes les structures impliquées dans la réforme de façon à vérifier qu’il existe effectivement des instances de coordination, de pilotage mais aussi et surtout d’arbitrage.

1. La mission pour la coordination de la réforme

Pour assurer le suivi et la mise en cohérence globale de la réforme, a été créée auprès du ministère de la défense une mission spécifique dont la direction a été confiée au général Thierry Cambournac. Cette mission pour la coordination de la réforme (MCR) est chargée d’assurer, « sur la base des directives reçues du COMEX (2), comité directeur de la réforme, et du C2M  (3), comité de pilotage, l’animation et la coordination d’ensemble des réformes relevant de la réorganisation du ministère ». Pour ce faire, les principaux axes de la réforme ont été isolés au sein de « projets », la MCR assurant le suivi individuel de chacun d’eux.

Cette organisation apparaît relativement complexe et empêche d’identifier précisément l’acteur chargé de la coordination technique de la réforme. De ce fait, les acteurs locaux ne savent pas vers qui se tourner pour faire état de leurs interrogations ou difficultés, en-dehors du ministre. Faute d’un point d’accès, ils utilisent la voie ordinaire de communication. Compte tenu du très grand nombre de niveaux hiérarchiques, le message finalement adressé au COMEX, et donc au ministre, risque d’être plus qu’édulcoré et ne permettra pas de mettre en place les ajustements nécessaires.

Il est d’ailleurs frappant de constater que les demandes des rapporteurs ne sont jamais renvoyées à la MCR mais traitées par les services financiers ou par le cabinet du ministre. La MCR n’a en effet pas pour mission d’assurer le suivi financier de la réforme, même si elle doit y veiller et s’assurer du respect du cadre financier. Pour améliorer ce suivi, le ministère est en train d’élaborer une méthode pour que les travaux de la MCR et ceux de la direction des affaires financières soient articulés afin de faire apparaître clairement les économies dégagées.

Ces limites relèvent principalement du positionnement institutionnel de la MCR : il s’agit effectivement d’un organe de synthèse, chargé d’alerter les instances décisionnelles sur les difficultés ou les incertitudes de la réforme. Cela ne dédouane en rien la MCR qui constitue un élément clé du dispositif, puisqu’elle est la seule à pouvoir offrir aux décideurs une vision d’ensemble de la réforme.

Sur la base des recommandations de la MCR, il appartient au ministre et à ses grands subordonnés de prendre les décisions adéquates et éventuellement d’infléchir le schéma directeur. Les rapporteurs ont donc interrogé le ministère sur le fonctionnement des instances d’arbitrage.

2. De nouveaux organes de décision et d’arbitrage

Le ministère a mis en place de nouveaux organes de décision et d’arbitrage afin d’éviter « la redondance des compétences entre les instances » et pour assurer « la cohérence avec le cycle de vie des projets d’investissements et la permanence de leur suivi au sein des instances compétentes » (4). Le document de présentation du comité ministériel d’investissement (CMI) met en exergue les limites de ce système avec la création d’instances de plus en plus complexes et dont le positionnement est de moins en moins lisible. Pour résoudre des difficultés inhérentes à l’organisation administrative et financière du ministère, on crée de nouvelles structures mais on ne supprime pas les anciennes et surtout on introduit une chaîne de décision encore plus longue et plus compliquée. L’exemple le plus frappant est sans doute le schéma suivant qui présente la recomposition des instances qui distingue les instances de décision, de suivi, de conduite et l’instance capacitaire.

La recomposition des instances

Source : plaquette de présentation du CMI – décembre 2009.

Ces éléments montrent que le ministère a saisi l’importance du pilotage pour l’avenir de la réforme. Il n’en reste pas moins que la répartition des compétences n’est pas suffisamment claire et qu’il est difficile de déterminer quelle est l’instance finale de décision et si le ministre est effectivement informé des principaux changements et de leurs possibles conséquences.

B. L’EXPERTISE FINANCIÈRE

Conscients que l’aspect financier de la réforme est déterminant et qu’il nécessite des compétences techniques développées, les rapporteurs ont souhaité connaître l’état de l’expertise propre du ministère. Ils ont pour cela interrogé la direction des affaires financières (DAF) pour savoir comment elle compte renforcer son expertise et si elle envisage de s’appuyer sur des organismes extérieurs au ministère pour y arriver (5). La DAF considère tout d’abord que la création du comité financier interministériel va « garantir la soutenabilité de la programmation militaire et […] prévenir l’apparition d’une nouvelle « bosse » de paiements en améliorant les échanges d’information [entre le ministère de la défense et la direction du budget] et en assurant un suivi régulier de la politique d’engagement ». Les travaux de ce comité doivent ensuite s’articuler avec ceux du comité ministériel d’investissement (CMI). Le ministère doit néanmoins disposer d’outils pour assurer cette coordination. Il envisage donc de se doter notamment d’un « référentiel commun des projets d’investissement » pour avoir une « vision consolidée de chacun de ces projets sur toute la vie des équipements et [afin] de garantir la traçabilité, la fiabilité ainsi que “ l’auditabilité ” des données financières ».

« La vision globale portée par le CMI s’appuie, en outre, sur la mise en place de la trajectoire réévaluée des besoins (TRB) […] qui retrace, dans le cadre pluriannuel de la planification ministérielle, les évolutions des dépenses d’investissement relatives au périmètre physique arrêté par la version actualisée du référentiel de programmation ». Une version expérimentale doit être présentée au CMI d’octobre. Une fois le modèle validé, il sera généralisé pour toutes les dépenses d’investissement en lien avec la mise en place de CHORUS (6) au sein du ministère de la défense.

Au-delà de ces améliorations, la DAF conduit le chantier de renforcement de la fonction financière qui vise à garantir « la traçabilité et la fiabilité de l’ensemble de données financières et à conforter l’expertise de la fonction financière ». Selon les informations communiquées aux rapporteurs, ce projet s’articule autour de plusieurs axes :

« - renforcement de l’autorité fonctionnelle de la DAF sur les processus financiers et comptables et de l’échelon de synthèse unique ;

- amélioration des processus de gouvernance et de gestion en matière financière (en particulier révision des processus de programmation, de budgétisation et de gestion) ;

- renforcement des outils d’expertise (sur l’ensemble des projets de dépenses) et des compétences (dont professionnalisation des agents) ;

- mise en place du contrôle interne, du contrôle de gestion et, à terme, d’une comptabilité analytique ;

- mise en place d’un système d’information financière unique, partagé et transparent, garantissant la traçabilité, l’auditabilité et la fiabilité des données ».

Les rapporteurs se félicitent de constater que la question du suivi a été, enfin, identifiée comme prioritaire par le ministère de la défense. Ils regrettent en revanche que près d’un an après l’engagement effectif de la réforme, le ministère soit toujours en train d’élaborer la réforme de ses structures d’expertise et ne dispose toujours pas d’une compétence financière suffisante donnant à la fois une vision globale des restructurations et une analyse précise de chaque projet. Ils déplorent que, comme pour le suivi, l’expertise financière reste dispersée entre plusieurs structures travaillant en parallèle et sans coordination technique d’ensemble.

La direction des ressources humaines pilote par exemple la manœuvre des ressources humaines mais sans établir de suivi financier de l’impact des réorganisations. La direction centrale du soutien est en charge des bases de défense mais sans dispositif comptable ni informatique central. Ses informations transitent dès lors par les systèmes propres à chaque service ou armée, sans qu’elle soit en mesure de les expertiser ni de chiffrer précisément les gains et les dépenses induites par la création des bases de défense. Au final, l’organisation décidée par le ministère de la défense apparaît excessivement théorique et ne permet aucune production réelle de données. Lorsque les rapporteurs ont par exemple demandé des informations sur les bases de défense, ils n’ont obtenu que des éléments d’ensemble soulignant que « la mutualisation permet de réelles économies avec une qualité de soutien garantie » et indiquant que l’expérimentation « est porteuse de progrès » (7)..

C. L’IMPLICATION D’ORGANISMES EXTÉRIEURS AU MINISTÈRE

Sans porter atteinte aux prérogatives propres du ministère, les rapporteurs considèrent qu’il est indispensable que des organismes extérieurs au ministère participent au suivi et au contrôle de la réforme. Interrogée sur ce point, la DAF indique qu’il « a été demandé à des consultants de travailler sur l’identification des compétences nouvelles à détenir par les acteurs financiers du ministère. Il est attendu de ces consultants qu’ils proposent des méthodes et des outils qui puissent développer l’expertise des acteurs financiers (dont la DAF) sur l’analyse financière, le contrôle interne, le contrôle de gestion, ou encore l’analyse et le calcul des coûts ».

Les rapporteurs pensent qu’il aurait été pertinent de solliciter une structure étatique sur ce sujet, d’autant que le ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État a créé une direction spécifiquement chargée de la coordination et du suivi de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). La direction générale de la modernisation de l’État (DGME) collabore certes avec le ministère de la défense sur le plan méthodologique, mais elle n’intervient directement pour soutenir la réforme que si le ministère le lui demande explicitement. En dehors de ces demandes spécifiques, la DGME peut seulement attirer l’attention du comité de suivi si elle estime que des éléments qui lui ont été transmis ne correspondent pas du tout à la réalité de la situation ou si les échéances prévues ne sont pas respectées. Cette alerte n’a cependant guère de sens puisque la DGME n’est pas en mesure d’analyser de façon critique les données qui lui sont transmises.

La Cour des comptes pourrait utilement intervenir comme contrôleur extérieur, sauf que ses méthodes de travail et son statut ne lui permettent d’intervenir a priori que dans le cadre de son rapport public annuel. Les pouvoirs d’investigation dont elle aurait besoin pour mener à bien cette mission ne peuvent lui être accordés qu’a posteriori. Le ministre pourrait néanmoins la solliciter au titre des dispositions constitutionnelles prévoyant que la Cour assiste le Parlement et le Gouvernement « dans l’évaluation des politiques publiques » (8).

Le ministère pourrait par ailleurs néanmoins faire appel aux services interministériels d’inspection et notamment à l’inspection générale des finances. Dans les deux cas, ces travaux permettraient d’apporter au ministère un regard nouveau et ferait sans doute apparaître des éléments utiles à l’amélioration du projet. Néanmoins, ils n’amélioreraient pas nécessairement la transparence puisque les conclusions des missions d’inspection ne sont pas publiques sauf si le ministre demandeur le souhaite.

DEUXIÈME PARTIE : L’ÉVOLUTION DU CADRE GÉNÉRAL DE LA RÉFORME

Dès la mise en place de la mission d’information, les rapporteurs ont demandé au ministère d’une part de leur fournir un tableau économique global de la réforme et d’autre part de leur présenter et de leur justifier les principales restructurations. Un an après le début de la mise en œuvre de la réforme, ils ont de nouveau interrogé le ministère afin de savoir si le schéma d’ensemble a évolué et si les premiers résultats sont conformes aux estimations initiales. Ce travail doit toutefois être appréhendé dans une perspective de long terme, la réforme n’en étant encore qu’à ses débuts.

Face aux difficultés rencontrées pour obtenir certaines informations, les rapporteurs se sont rendus sur plusieurs sites concernés par la réforme, rencontrant à chaque fois les responsables locaux du ministère, les personnels et les organisations syndicales. Ils ont également adressé aux directions centrales du ministère des questionnaires détaillés. Le croisement de ces données leur a permis d’établir un premier bilan de la réforme avec une attention particulière à l’enjeu humain.

L’importance et la complexité des restructurations interdisent qu’elles soient soumises à un cadre financier et humain trop rigide. Il importe que le ministère soit capable d’ajuster en permanence son modèle en fonction des retours d’expérience. Il importe toutefois de vérifier que les économies sont bien présentes, les ajustements ne devant pas remettre en cause le principe général de la réforme qui consiste à faire des économies pour dégager des moyens supplémentaires pour les équipements.

I. —  L’ADAPTATION DES PRINCIPES DIRECTEURS ET DU CALENDRIER DE LA RÉFORME

Le cadre général de la réforme prévoit que la réduction de 54 000 postes va permettre de réduire la masse salariale du ministère et de générer en conséquence des économies de fonctionnement. Combinée à des efforts de rationalisation, notamment dans le soutien, cette déflation doit permettre de dégager de nouvelles marges de manœuvre pour financer les principaux matériels militaires, faisant ainsi des armées françaises des forces mieux équipées, mieux entraînées et plus réactives. Ces modifications nécessitent toutefois de réaliser des investissements initiaux conséquents, que ce soit pour moderniser les infrastructures ou pour accompagner les personnels qui quittent le ministère ou changent de poste.

A. UN CALENDRIER AJUSTÉ

Partant de ce postulat, le ministère a élaboré un schéma directeur d’ensemble, conformément aux dispositions de la loi de programmation militaire, en accord avec les orientations du Livre blanc et avec les recommandations de la RGPP. Après un an de fonctionnement, ce schéma a été nécessairement modifié, ne serait-ce que pour tenir compte des premiers retours d’expérience. Le tableau ci-après présente son évolution.

Cadre financier général de la réforme

en millions d’euros

prévisions initiales

   

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

cumul
2008-2015

Titre 2

suppressions d’effectifs cumulés (1)

-2 426

-8 922

-17 030

-24 939

-32 580

-40 120

-47 660

-52 715

-52 715

économie générée par la réduction des effectifs

-56,6

-203,4

-387,2

-570,0

-749,5

-929,4

-1 112,2

-1 236,8

-5 245,2

plan d’accompagnement des restructurations

 

122,5

146,4

149,5

149,5

149,5

149,5

55,7

922,5

Économies nettes Titre 2

-56,6

-80,9

-240,8

-420,6

-600,0

-780,0

-962,8

-1 181,1

-4 322,7

Titre 3

Économie de fonctionnement liée aux réductions d’effectifs

 

-37,1

-84,7

-141,3

-199,0

-255,8

-312,3

-354,6

-1 384,9

Économie de fonctionnement liée à la rationalisation des implantations

 

 

 

-6,2

-13,9

-21,3

-28,6

-35,8

-105,8

Économies nettes Titre 3

 

-37,1

-84,7

-147,5

-212,9

-277,2

-340,9

-390,4

-1 490,7

Titre 5

dépenses d’infrastructure

 

9,6

185,6

378,0

380,2

280,3

4,5

 

1 238,2

accompagnement territorial (FRED)

 

6,0

16,8

39,3

55,0

45,6

30,6

27,2

220,5

Économies nettes Titre 5

 

15,6

202,4

417,3

435,2

325,9

35,1

27,2

1 458,7

Gains nets totaux

-56,6

-102,5

-123,1

-150,8

-377,6

-731,2

-1 268,6

-1 544,3

-4 354,7

données actualisées

   

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

cumul
2008-2015

Titre 2

suppressions d’effectifs cumulés (1)

-5 593

-12 089

-20 197

-28 106

-35 747

-43 287

-50 827

-54 000

-54 000

économie générée par la réduction des effectifs

-130,6

-274,5

-459,8

-642,7

-822,1

-1 002,1

-1 184,9

-1 263,0

-5 779,7

plan d’accompagnement des restructurations

 

122,5

155,7

158,8

158,8

158,8

158,8

66,8

980,1

Économies nettes Titre 2

-130,6

-152,0

-304,1

-483,9

-663,4

-843,3

-1 026,1

-1 196,2

-4 799,6

Titre 3

Économie de fonctionnement liée aux réductions d’effectifs

 

-42,6

-97,2

-161,4

-226,4

-290,3

-353,8

-388,4

-1 560,1

Économie de fonctionnement liée à la rationalisation des implantations

 

 

 

-8,5

-19,1

-29,4

-39,4

-49,3

-145,7

Économies nettes Titre 3

 

-42,6

-97,2

-169,9

-245,5

-319,7

-393,2

-437,7

-1 705,8

Titre 5

dépenses d’infrastructure

 

34,6

268,0

399,0

289,7

240,6

89,0

32,7

1 353,6

accompagnement territorial (FRED)

 

8,4

16,4

37,7

51,9

42,5

27,0

28,3

212,3

Économies nettes Titre 5

 

43,0

284,4

436,7

341,7

283,0

116,0

61,0

1 565,8

Gains nets totaux

-130,6

-151,6

-116,9

-217,1

-567,2

-880,0

-1 303,3

-1 572,9

-4 939,5

écart

   

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

cumul
2008-2015

Titre 2

suppressions d’effectifs cumulés (1)

-3 167

-3 167

-3 167

-3 167

-3 167

-3 167

-3 167

-1 285

-1 285

économie générée par la réduction des effectifs

-73,9

-71,1

-72,7

-72,7

-72,7

-72,7

-72,7

-26,3

-534,5

plan d’accompagnement des restructurations

 

 

9,3

9,3

9,3

9,3

9,3

11,1

57,6

Économies nettes Titre 2

-73,9

-71,1

-63,4

-63,4

-63,4

-63,4

-63,4

-15,2

-476,9

Titre 3

Économie de fonctionnement liée aux réductions d’effectifs

 

-5,5

-12,6

-20,1

-27,4

-34,5

-41,4

-33,8

-175,2

Économie de fonctionnement liée à la rationalisation des implantations

 

 

 

-2,3

-5,2

-8,1

-10,8

-13,5

-39,9

Économies nettes Titre 3

 

-5,5

-12,6

-22,4

-32,6

-42,6

-52,3

-47,3

-215,1

Titre 5

dépenses d’infrastructure

 

25,0

82,4

21,1

-90,5

-39,7

84,4

32,7

115,4

accompagnement territorial (FRED)

 

2,4

-0,4

-1,6

-3,1

-3,1

-3,6

1,1

-8,2

Économies nettes Titre 5

 

27,4

82,1

19,5

-93,6

-42,9

80,9

33,8

107,2

Gains nets totaux

-73,9

-49,1

6,2

-66,3

-189,6

-148,8

-34,7

-28,7

-584,9

(1) en équivalent temps plein travaillé.

Source : ministère de la défense.

Les données actualisées sont conformes dans leur immense majorité aux données initiales, avec même des prévisions d’économies finales plus importantes qu’au départ. L’année 2010 fait toutefois exception à la règle avec un niveau d’économie moindre que celui prévu. Les graphiques suivants montrent bien cette inversion de tendance en 2010.

Évolution des économies générées par la réforme entre 2008 et 2011

en millions d’euros

Source : ministère de la défense.

Évolution des économies générées par la réforme sur toute la période

en millions d’euros

Source : ministère de la défense.

Le ministère de la défense fait valoir que l’analyse de la réforme ne peut se faire que pluriannuellement et souligne la tendance financière globale. L’actualisation est effectivement encourageante, avec un niveau actualisé d’économies totales supérieur de 585 millions d’euros à l’initial.

Malgré la crise et la dégradation de l’environnement économique, le schéma directeur de la réforme reste valable et le montant des économies engrangées est conforme aux premières estimations. Ces résultats doivent cependant être analysés avec attention, notamment en raison de l’inversion de tendance constatée en 2010.

B. DES INCERTITUDES FINANCIÈRES

Indépendamment du rythme des économies, les rapporteurs ont souhaité s’assurer que les premiers retours d’expérience valident la logique économique de la réforme. En d’autres termes, les mesures prises ont-elles effectivement permis de réduire les dépenses du ministère entre 2008 et 2010 ?

1. Des interrogations pour 2009 et 2010

Comme le montre le tableau suivant, si on isole les économies récurrentes générées par les réductions de postes des années 2008 et 2009, il apparaît qu’en 2010 la réforme coûte plus qu’elle ne rapporte. En 2009, il apparaît même que le niveau d’économies n’est atteint que grâce à la consolidation des mesures déjà engagées en 2008.

cadre général de la réforme du ministère de la défense (en écart annuel (1))

en millions d’euros 2008

   

2008

2009

2010

cumul 2008-2015

   

prévision initiale

actualisation 2009

prévision initiale

actualisation 2009

prévision initiale

actualisation 2009

prévision initiale

actualisation 2009

Titre 2

suppressions d’effectifs (2)

-2 642

-2 426

-6 496

-6 496

-8 108

-8 108

-54 000

-54 000

sous réalisation

 

-3 167

 

 

 

 

 

 

économie générée par la réduction des effectifs

-56,6

-130,6

-146,8

-143,9

-183,8

-185,4

-5 245,2

-5 779,6

plan d’accompagnement des restructurations

 

 

122,5

122,5

23,9

33,2

922,5

980,1

Économies nettes Titre 2

-56,6

-130,6

-24,3

-21,4

-159,8

-152,1

-4 322,7

-4 799,5

Titre 3

Économie de fonctionnement liée aux réductions d’effectifs

 

 

-37,1

-42,6

-47,6

-54,6

-1 384,8

-1 560,1

Économie de fonctionnement liée à la rationalisation des implantations

 

 

     

 

-105,8

-145,7

Économies nettes Titre 3

0,0

0,0

-37,1

-42,6

-47,6

-54,6

-1 490,6

-1 705,8

Titre 5

dépenses d’infrastructure

 

 

9,6

34,6

176,0

233,4

1 238,1

1 353,6

accompagnement territorial (FRED)

 

 

6,0

8,4

10,8

8,0

220,5

212,3

Économies nettes Titre 5

0,0

0,0

15,6

43,0

186,8

241,4

1 458,6

1 565,8

Gains nets totaux

-56,6

-130,6

-45,9

-21,0

-20,6

34,7

-4 354,6

-4 939,5

(1) Pour obtenir l’écart annuel, les économies générées par les réductions d’effectifs des années antérieures ont été déduites du montant total des économies de chaque année.

(2) en équivalent temps plein travaillés.

Source : ministère de la défense.

Ainsi en 2009 le ministère avait prévu que les mesures nouvelles dégageraient près de 46 millions d’euros d’économies. Elles ont finalement été ramenées à 21 millions d’euros. En 2010, le même phénomène se reproduit mais encore plus nettement puisque les mesures de cette seule année conduisent à une dépense de 34,7 millions d’euros et non à une économie de 20,6 millions d’euros.

Comme le souligne le ministère, il importe de retenir une approche pluriannuelle et cumulative des mesures. En effet, en 2009 et 2010, la réforme génère des gains même s’ils sont différents des hypothèses initiales. Le ministère dispose en effet d’une certaine marge de manœuvre grâce à l’effet cumulé des déflations réalisées en 2008. L’économie réalisée en 2008 n’a pas qu’un effet ponctuel, elle se répète toutes les années.

Le tableau précédent ne saurait donc être utilisé pour porter une appréciation sur le niveau réel des économies générées par la réforme ; il peut en revanche servir utilement d’élément d’alerte, permettant de constater une inversion de tendance ou un ralentissement des effets de la réforme.

Par ailleurs, les analyses économiques ne prennent pas en compte ce que les dépenses supplémentaires que ministère aurait dû couvrir s’il n’avait pas réduit ses effectifs. Comme tenu de l’évolution moyenne des rémunérations des personnels, si le ministère avait conservé tous ses agents, il aurait dû dépenser environ 250 millions d’euros de plus par an. Il s’agit certes plus d’une non-dépense que d’une économie, mais elle aurait pesé lourdement sur un budget déjà contraint. Le tableau de bord n’a pas retenu cette logique, privilégiant une approche comptable en valeur.

2. Les dépenses d’infrastructures

Le moindre niveau d’économies en 2009 et 2010 s’explique par la revalorisation des dépenses d’infrastructures. Dès le mois de février 2009, les rapporteurs s’inquiétaient de la sous-dotation des dépenses d’infrastructures, considérant que les crédits prévus ne permettraient pas de faire face à tous les besoins. Lors de leurs déplacements, ils ont par exemple constaté que la question du logement des personnels conduit souvent les services du ministère à engager d’importants travaux de construction ou de réhabilitation. Sur la base de Creil, il a été possible de conserver un ensemble de logements à Senlis, alors même que le 41e régiment de transmissions est dissous. Cette décision évite en effet de devoir construire de nouvelles installations à Creil d’autant que celles de Senlis n’ont pas besoin d’être rénovées. Cela ne permet cependant pas de faire face à toutes les demandes de logement. Sur ce seul site, le ministère devra ainsi réaliser un investissement annuel de l’ordre 6 à 8 millions d’euros pendant au moins quatre ans.

Le ministère a confirmé cette analyse et a donc substantiellement modifié ses premières estimations. Comme le montre le tableau suivant, les dépenses d’infrastructure ont en effet augmenté de 260 % en 2009 et de 44 % en 2010.

dépenses d’infrastructure liées à la réforme

en millions d’euros

 

2009

2010

2011

2008-2015

 

données initiales

9,6

185,6

378

1238,2

données actualisées

34,6

268

399

1353,6

écart

260,4%

44,4%

5,6%

9,3%

Source : ministère de la défense.

Cette réévaluation à la hausse s’explique par trois raisons principales :

- certaines opérations ont dû être réévaluées, comme par exemple le déplacement du LRBA de Vernon (cf. infra) ;

- tous les coûts d’infrastructures n’avaient pas été identifiés lors de l’établissement du tableau économique initial : les coûts d’infrastructure générés par la fusion des centres de recrutement n’avaient par exemple pas été intégrés au modèle ;

- le périmètre a marginalement évolué avec l’arrivée de certaines opérations qui n’avaient pas été initialement associées directement à la réforme.

Au final, même si l’écart est significatif en 2009 et 2010, le cabinet du ministre de la défense souligne qu’il n’atteint que 9 % sur l’ensemble de la période.

II. —  L’ENJEU TERRITORIAL

Lors de la définition du périmètre de leur mission, les rapporteurs ont clairement indiqué que leur contrôle ne porterait pas de jugement sur les fondements de la réforme, ni sur ses objectifs. Ils souhaitent effectivement vérifier si le ministère respecte les objectifs qu’il s’est lui-même assigné et dans quelles conditions. Leur analyse des exemples locaux se fait donc, indépendamment de leur appréciation personnelle, exclusivement en fonction des critères posés dès le départ par le ministère de la défense, c’est-à-dire que les décisions de fermeture ou de transfert doivent d’une part générer des économies réelles et d’autre part améliorer le caractère opérationnel des forces.

A. LA NOUVELLE CARTE MILITAIRE

Dans le cadre de leur travail de contrôle, les rapporteurs ont été régulièrement alertés par les organisations syndicales ou par les élus qui attirent leur attention sur la situation particulière d’un site. Même si la réforme doit s’apprécier dans sa globalité, les rapporteurs considèrent que ces exemples peuvent être de bons révélateurs à la fois de la méthode et des outils mis en place. Par ailleurs, comme ils l’ont indiqué à la commission de la défense lors de leur communication du 13 octobre 2009, il leur est parfois difficile de disposer d’éléments agrégés et ils se trouvent donc contraints de procéder par sondage en se rendant sur le terrain. Toutefois, il est difficile de se prononcer sur certaines décisions dans la mesure où elles n’ont pas encore fait l’objet d’un arbitrage final.

1. Le cadre global

Les rapporteurs n’ont pas souhaité établir une liste exhaustive des sites dont la fermeture ou l’évolution est contestée, ils souhaitent donner plusieurs éclairages, nécessairement partiels, mais qui peuvent aider à saisir les interrogations que suscite la réforme.

a) Un problème de lisibilité et de compréhension de la réforme

À l’occasion de leurs déplacements, les rapporteurs ont pu constater que les personnels, comme les responsables locaux, souffrent d’un manque de visibilité et qu’ils comprennent de plus en plus mal la logique d’ensemble de la réforme. Sur le site de Cherbourg, qui devait être préservé par les restructurations, en cohérence avec les engagements du Président de la République en matière de dissuasion, il a par exemple été fait état de 86 suppressions de postes à l’été 2008 avant que le préfet maritime n’annonce quelque mois après que ce seuil était porté à environ 250 postes.

À ce jour, ces annonces successives entretiennent l’incertitude et le questionnement des personnels et des acteurs locaux. Ces atermoiements sont dramatiques pour les personnels et entretiennent un légitime sentiment d’insécurité. Ils sont également dramatiques pour les responsables locaux qui ne peuvent optimiser le dialogue social puisqu’ils ne disposent pas eux-mêmes d’informations de moyen ou de long terme.

Ce type de difficulté ne semble pas être un fait isolé. L’établissement technique d’Angers (ETAS) a également fait l’objet d’annonces a priori contradictoires. Le site de Bourges devait initialement accueillir le nouveau pôle terrestre réunissant les services de la délégation générale pour l’armement et ceux de l’armée de terre. Pour ce faire, la section technique de l’armée de terre (STAT) ainsi qu’une partie de l’ETAS d’Angers devaient être transférés à Bourges. Pourtant l’arrêté du 28 janvier 2009 ne mentionnait plus la STAT parmi les unités faisant l’objet d’un transfert. Elle n’apparaît que parmi les « formations, unités, services et établissements faisant l’objet d’une réorganisation au titre de la rationalisation des fonctions de soutien » (9). Cette absence a inquiété légitimement les personnels de l’ETAS : le déplacement de leur service à Bourges n’avait de sens que s’il participait à la création d’un pôle terrestre de grande ampleur. Or renoncer à transférer la STAT revient à renoncer à créer ce pôle et fait donc perdre tout son sens à la décision de transfert de l’ETAS.

Dans sa réponse du 10 septembre 2009, le ministère a confirmé que le STAT serait bien déplacée à Bourges, mais pas avant 2013, ce que devrait confirmer l’arrêté publié à la fin de l’année 2010. Il est surprenant que ce type d’information ne soit communiquée qu’après une demande formelle des rapporteurs alors qu’elle devrait être disponible dès le départ, de façon à donner de la visibilité aux personnels et de la cohérence aux mesures de transfert. En leur absence, on pourrait avoir le sentiment qu’il s’agit d’une décision non justifiée et qui risque même d’aller à l’encontre des objectifs de la réforme. En l’espèce, il s’agit bien d’un défaut de communication, mais il convient de s’assurer, dans la durée, des conditions de la mise en œuvre de la restructuration sur le site de Bourges.

L’ampleur de la réforme impose certes de procéder à des ajustements constants ; il est certes impossible de définir ab initio tous ses aspects, mais il est primordial que les personnels aient un minimum de visibilité sur leur avenir. On ne peut leur demander d’adhérer à de pareils changements s’ils ne peuvent pas en saisir la cohérence d’ensemble ni les justifications.

Plus encore que cet effort d’information générale, il est primordial de mettre un terme aux annonces successives contradictoires pour préserver un tant soit peu la cohérence et la lisibilité de la réforme. Les personnels concernés ont parfois déjà subi plusieurs restructurations ; il semble légitime et raisonnable que ce nouveau changement puisse se faire dans des conditions décentes et avec un horizon temporel suffisant.

Cet enjeu a d’ailleurs été identifié par la mission de coordination de la réforme : le général Thierry Cambournac a suggéré au comité exécutif du ministère que tous les responsables des bases de défense créées en 2011 soient nommés dès l’été 2010. Ce type de proposition doit être encouragé et généralisé pour améliorer la transparence et la lisibilité du dispositif sur le moyen et le long terme. C’est aussi un élément appréciable pour les personnels qui peuvent déjà se projeter sur leurs futurs postes.

b) Le service du commissariat des armées et les centres ministériels de gestion

La réorganisation des commissariats des armées désormais regroupés au sein du service du commissariat des armées (SCA) conduit à la réorganisation de certaines fonctions financières du ministère, notamment celles qui touchent au paiement des soldes et des prestations associées. Cette évolution se combine à la mise en place de CHORUS, progiciel financier et comptable de l’État. Cette application a vocation à regrouper dans un seul système toutes les opérations financières, de l’engagement au paiement effectif en passant par les opérations d’ordonnancement ou de liquidation. Cette double évolution nécessite encore des ajustements, le ministère reconnaissant notamment que la nouvelle organisation du SCA n’est pas encore stabilisée. Ces hésitations ont été particulièrement visibles pour le centre d’administration ministériel des indemnités de déplacement (CAMID) actuellement installé à Brest. Son transfert à Lille a en effet été évoqué par plusieurs responsables et il a fallu attendre un arbitrage final du ministre pour qu’il soit maintenu à Brest. En l’espèce, c’est moins la décision que la façon de procéder qui pose problème. Les atermoiements sur ce dossier donnent en effet l’impression que la réforme n’est pas pilotée et ne suit aucune logique d’ensemble clairement indentifiable. Les personnels ne peuvent pas adhérer à un projet dont ils connaissent ni les tenants ni les aboutissants.

Ces difficultés se retrouvent pour les personnels civils avec la création des centres ministériels de gestion (CMG). Jusqu’alors la gestion des personnels civils est confiée aux différents organismes employeurs, sans logique centralisatrice. Avec la mise en place des bases de défense et avec la rationalisation des structures de soutien, il apparaissait peu pertinent de maintenir des systèmes concurrents ou parallèles. Les personnels civils relèveront désormais des CMG, structures déconcentrées déconnectées des organismes d’emploi. Outre le fait que cette création aurait pu être utilement anticipée, elle intervient en l’absence de toute base juridique, les textes réglementaires n’ayant pas prévu ce changement de gestionnaire. De ce fait, les personnels civils se trouvent face à un vide juridique : leurs anciens gestionnaires ne sont plus en charge et les nouveaux ne disposent pas d’aucun pouvoir. Comme pour le SCA, les rapporteurs déplorent l’effet d’annonce de ces mesures qui contribuent à entretenir un climat de méfiance, impropre à la conduite efficace et sereine de la réforme.

Les rapporteurs ont donc attiré l’attention du ministère sur cette situation. Il leur a été indiqué que les fondements juridiques seraient publiés dans les meilleurs délais et que la situation devrait être rapidement normalisée. Dans l’intervalle, des solutions palliatives seront trouvées afin que ces changements n’aient pas de conséquence pour les personnels. Dans la suite de leurs travaux, les rapporteurs examineront très attentivement l’évolution de ce dossier afin de s’assurer que la situation est effectivement normalisée.

2. L’exemple du site de Vernon

À la demande des organisations syndicales et des élus, les rapporteurs se sont rendus le 28 octobre 2009 sur le site du laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) de Vernon qui doit être transféré sur le site du centre d’électronique de l’armement (CELAR) installé à Bruz près de Rennes. Les rapporteurs ont organisé cette visite en lien avec M. Franck Gilard, député de l’Eure, qui a attiré l’attention du ministère sur la situation du LRBA dès l’annonce des décisions de fermeture. Les rapporteurs ont d’ailleurs constaté que les observations qu’il avait été amené à faire dès le départ sont confirmées par la mise en œuvre de la restructuration. À l’issue de leur visite et de l’analyse des documents qui leur ont été transmis, ils ont adressé un courrier au délégué général pour l’armement afin qu’il précise un certain nombre d’éléments (documents en annexe).

a) Les missions et les personnels du LRBA

Le LRBA est un centre d’essais de la direction générale pour l’armement (DGA) qui rassemble l’ensemble des compétences et des moyens techniques associés pour fournir une expertise couvrant l’ensemble des domaines missiles et navigation. Il a pour principale mission l’expertise des systèmes de missiles et des systèmes de navigation, depuis la phase de faisabilité jusqu’à leur utilisation en service opérationnel voire jusqu’au retrait de service. Il participe à la spécification et à la validation des performances des futurs systèmes de missiles tactiques et stratégiques et contribue aux travaux relatifs à la performance en navigation des systèmes d’armes. Il est notamment impliqué dans les programmes Mistral, M51 (nouveau missile nucléaire pour la composante océanique) ou ASMP-A (nouveau missile nucléaire pour la composante aéroportée).

Lors de leur visite du site, les rapporteurs ont pu apprécier la qualité des installations, la plupart des équipements étant très récents et à la pointe de la technologie. Leur transfert fait donc peser un risque incompressible et impose par ailleurs de réaliser des travaux conséquents sur le site d’arrivée. La plupart des appareils doivent par exemple être particulièrement stables ; pour cela, il faut qu’ils soient installés sur des blocs de béton de plusieurs dizaines de mètres cube. Si ce travail ne demande aucune compétence technique particulière, il doit être réalisé suffisamment en amont pour que les appareils puissent être ensuite installés. Cela impose également des travaux de démolition sur le site de départ, sauf à limiter l’emploi des bâtiments.

b) Les justifications du transfert

La fermeture du site de Vernon devrait, selon le ministère, renforcer le pôle « électronique d’armement » en réunissant les centres de la DGA chargés des capteurs, du guidage, de la navigation et de la guerre de l’information. L’objectif est de créer un pôle de recherche et d’expertise sur le site de Bruz, où est actuellement implanté le CELAR.

— En examinant ce seul objectif de concentration et de regroupement des compétences, les rapporteurs s’étonnent du choix de Bruz : le CELAR ne suit aucun des programmes étudiés au LRBA. En revanche, des programmes structurants comme le M51 ou l’ASMP-A sont communs au LRBA et au centre d’essais de lancement de missiles (CELM) (10). Ce choix est d’autant plus surprenant que le CELAR est implanté dans une zone relativement dense et à proximité d’une agglomération importante, ce qui peut poser des difficultés pour certaines simulations exigeant un faible niveau de perturbation lumineuse. À l’inverse, le site de Biscarosse dispose d’une réserve d’espace qui aurait pu permettre l’installation du LRBA.

Le choix du CELAR aurait pu se justifier par l’existence de locaux disponibles ou facilement aménageables. Au contraire, les documents présentés aux rapporteurs indiquent clairement qu’il faudra procéder à la construction ex nihilo de nouvelles installations sur le site de Bruz et que le calendrier du transfert est justement établi en fonction de l’état d’avancement de ces travaux. À l’occasion de la visite, les rapporteurs ont pu mesurer les contraintes spécifiques de construction, certains appareils de tests nécessitant d’avoir une assise particulièrement solide, occupant un volume conséquent ou ayant un poids tel qu’ils ne peuvent pas être installés n’importe où.

La construction des bâtiments neufs représenterait un investissement de l’ordre de 21,3 millions d’euros auxquels s’ajoutent plus de 4 millions d’euros de réhabilitation de bâtiments.

Le délégué général rappelle que le choix de Bruz n’a été fait qu’après avoir comparé la solution alternative d’un déménagement à Biscarosse. Dans ce cas, il aurait alors fallu organiser le « transfert des équipes guidage/navigation vers DGA Maîtrise de l’information, afin de constituer une expertise commune dans les domaine des capteurs, impossible à réaliser sur le site de Biscarosse ». Il relève que le choix de Bruz exploite les « synergies entre les expertises [des équipes des deux centres] pour l’élargir aux autres métiers d’architecture système et aux activités d’expertise sur les capteurs, notamment en matière d’autodirecteurs et de contre-mesures ». Il observe enfin que le choix de Bruz permet de « ne pas séparer les équipes du LRBA » et de conserver une « bonne desserte avec Bagneux » (11).

— Indépendamment des infrastructures, le transfert implique de démonter et de remonter tous les équipements de Vernon à Bruz. Même si ces opérations sont faisables, elles restent extrêmement délicates. Les appareils devront par ailleurs être intégralement ré-étalonnés une fois qu’ils auront été remontés et il faudra procéder à de nombreux tests pour vérifier leur bon fonctionnement. Cela occasionnera donc une carence technique incompréhensible d’au moins six mois mais plus vraisemblablement d’une année. Dans l’intervalle, la DGA ainsi que les industriels qui utilisent les installations de Vernon ne disposeront d’aucune alternative, certains des équipements de Vernon n’existant nulle part ailleurs. Sur le plan financier, le coût du déménagement est actuellement estimé à 1,9 million d’euros, ce qui paraît clairement sous-estimé compte tenu des contraintes précédemment évoquées.

Au total, le coût en matière d’infrastructures est actuellement fixé à près de 30 millions d’euros. Toutefois, ce montant doit être analysé avec la plus extrême prudence : les prévisions concernant le site semblent en effet reposer sur des bases fragiles puisque les chiffres communiqués ne cessent d’évoluer au fur et à mesure de l’avancement du projet. Depuis le lancement du transfert, les coûts d’infrastructures ont été multiplié par six et devraient encore augmenter, toutes les difficultés techniques n’ayant pas trouvé de solution définitive. Le délégué général considère toutefois cette évaluation stabilisée.

— Ces besoins d’investissement sont d’autant plus problématiques que les estimations d’économies restent très peu étayées et s’appuient sur des postulats théoriques plus que sur des démonstrations économiques réelles. Le tableau ci-après présente les économies que la DGA espère tirer de la fermeture du site.

économies générées par le transfert du LRBA à Bruz

en millions d’euros par an

 

gain

coût

suppression du budget de fonctionnement du site de Vernon

-4,1

 

réduction du budget d’investissement d’infrastructure et technique du LRBA

-1

 

augmentation du coût du soutien sur le site de Bruz liée à l’arrivée des activités techniques du LRBA

 

0,9

augmentation du coût des missions liés à l’éloignement de Bruz par rapport à la région parisienne

 

0,5

gain de rémunération des postes non transférés de Vernon à Bruz

-6

 

solde

-9,7

Source : direction générale pour l’armement.

Si le coût de transfert est effectivement de 30 millions d’euros, il devrait être amorti en trois ou quatre ans si les économies sont effectivement de près de 10 millions d’euros par an. Pourtant, ce schéma se heurte à plusieurs obstacles conséquents.

● Le gain de rémunération des postes non transférés pourrait être fictif à l’échelle du ministère puisque les emplois concernés ne sont pas supprimés mais transférés vers d’autres structures. Le LRBA emploie en effet actuellement 417 personnes et seuls 201 postes sont ouverts à Bruz. Le tableau ci-après présente la situation des différents types de postes du LRBA.

Avenir des emplois du LRBA de Vernon

type de postes

destination

date

effectifs

experts techniques

Bruz (201 postes)

2010-2012

212

personnels de soutien

reclassement dans des postes vacants dans et hors du ministère de la défense, IDV et départs en retraite

2010-2012

122

service de liquidation des facture et comptabilité des matériels pour les unités de management de la DGA

transfert à Val-de-Reuil

2010-2011

42

service qualité (assurance qualité dans les entreprises de défense de la région)

transfert à Val-de-Reuil

2010-2011

16

centre de service ressources humaines (solde et administration des personnels militaires de la DGA)

transfert à Paris

fin 2009

25

source : direction générale de l’armement.

     

L’économie réelle ne repose donc que sur les indemnités de départ volontaire (IDV), les départs en retraite ne faisant que reporter la charge sur le compte d’affectation spéciale pensions. À ce jour, 59 personnes ont par exemple été reclassées dans d’autres structures du ministère de la défense, 4 dans un autre ministère et une personne dans une collectivité territoriale. S’y ajoutent 10 départs en retraite, 5 départs avec versement de l’IDV, une disponibilité et un congé pour convenances personnelles. Ces premiers résultats montrent que les économies réelles à l’échelle du ministère sont donc très limitées.

Le délégué généra l pour l’armement souligne que cette mesure permettra bien de réduire la masse salariale de la DGA car si le LRBA avait été maintenu « les départs à la retraite auraient dû être compensés pour assurer le maintien des activités, et les postes des autres entités, qui vont être gréés par du personnel LRBA dans le cadre de la fermeture de ce centre, auraient également nécessité un recrutement, car ils correspondent à un besoin confirmé » (12).

● Il convient également de s’interroger sur la valorisation des coûts de fonctionnement. Le LRBA disparaissant, son budget de fonctionnement est réduit à zéro et la charge des missions de soutien transférée au site de Bruz. Pourtant, les rapporteurs s’étonnent du décalage très significatif entre les économies prévues et le surcoût pour le soutien à Bruz. De même, le tableau fait apparaître un gain en matière d’investissement ; or il ne s’agit pas d’une économie mais, au mieux, d’une moindre dépense. Le délégué général considère quant à lui que « la diminution des infrastructures techniques (-20 %), couplée à la suppression des surfaces tertiaires et à la rationalisation des moyens techniques permettent d’envisager un gain minimal de un million d’euros par an à compter de 2013 » (13).

Les rapporteurs restent prudents sur cette valorisation, estimant que l’amortissement du transfert à Bruz, indépendamment de toute considération sur l’opportunité ou sur l’impact social et technique, risque plutôt d’être amorti en dix ou quinze ans (et non en six ou sept ans comme le prévoit la DGA), et ce seulement lorsque toutes les opérations de transfert auront été achevées.

c) Une perte d’expertise réelle

Au-delà des aspects purement financiers, les rapporteurs ont été frappés par les risques que ce transfert fait peser sur la capacité d’expertise de la DGA. La DGA reconnaît elle-même que « la capacité d’expertise subit une encoche temporaire, mais retrouve son niveau initial en 6-7 ans » (14). Elle estime qu’environ 35 % des experts actuellement employés au LRBA suivront le transfert à Bruz, c’est-à-dire qu’il faudra compléter les ressources à hauteur d’environ 130 personnes. Or le recrutement ne suffit pas pour maintenir l’expertise, les métiers du LRBA exigeant une formation sur place relativement longue. Par ailleurs, les nouveaux experts ne pourront pas être formés par leurs prédécesseurs puisque ces derniers ne seront plus en poste.

Selon les projections faites par la DGA, le niveau d’expertise va chuter très fortement en 2010, atteignant un niveau proche ou inférieur à 50 % du niveau actuel. Si tous les efforts de recrutement et de formation sont effectivement faits, le LRBA ne retrouvera son niveau initial qu’en 2017. La DGA est consciente de cette difficulté mais rappelle que durant la période allant de 2010 à 2014, le « besoin en expertise » est moindre grâce à une « hiérarchisation […] des priorités d’intervention des experts, de manière à ce que toutes les activités primordiales continuent d’être menées durant la période transitoire » (15).

Les rapporteurs ont le sentiment que la prise de risque de ce transfert a été sous-estimée : même si toutes les prévisions sont confirmées, la défense devra faire face à un déficit d’expertise conséquent et durable. Cette décision semble éloignée de la loi de programmation militaire et de la réforme qui vise au contraire à renforcer les moyens de la défense et ses équipements en faisant un effort significatif sur les capacités de recherche et d’innovation. Par ailleurs, il apparaît qu’à chaque fois qu’une capacité technique est fragilisée, il est difficile, voire impossible de retrouver le niveau de départ sans un effort très important. La défense considère-t-elle que les spécialités du LRBA ne sont pas suffisamment stratégiques pour prendre le risque de ne plus les retrouver intégralement ? Le délégué général assure cependant pris les mesures nécessaires pour que « la baisse transitoire des capacités d’expertise ne pénalise en rien les opérations majeures conduites au profit des forces et pour préserver un noyau de compétences techniques à même de permettre une reconstitution rapide des compétences »16.

B. L’ACCOMPAGNEMENT TERRITORIAL

Pour réussir, la réforme ne doit pas déstabiliser le dynamisme économique d’un bassin d’emploi. Le ministère a donc mis en place un ensemble de mesures d’accompagnement des territoires avec soit un plan local de redynamisation (PLR) soit un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD).

1. La mise en œuvre des dispositifs d’accompagnement territorial

L’article 34 de la loi de finances rectificative pour 2008 (17) met en outre en place des mécanismes d’exonérations fiscales dès lors que le territoire concerné réunit trois critères cumulatifs :

- perte d’au moins 50 emplois du fait de la réorganisation de la défense ;

- conclusion d’un CRSD pour le territoire ;

- situation économique délicate appréciée au regard du taux de chômage, de la variation de population ou du rapport entre la perte d’emplois de défense et la population salariée du bassin.

L’application de ces critères explique que tous les territoires couverts par un CRSD ne bénéficient pas des mesures fiscales.

Comme l’ont rappelé les représentants du ministère chargé de l’aménagement du territoire, la conclusion de ces contrats ou plan de redynamisation n’a aucun caractère obligatoire et repose sur une appréciation particulière de la situation de chaque site. En outre, elle n’est nullement automatique ni déterminée uniquement par le nombre de suppressions d’emplois du fait de la réorganisation. Si les seuils de 50 emplois pour les PLR et de 200 emplois pour les CRSD ont pu être évoqués, ils n’ont aucune dimension contraignante. De ce fait, la DATAR, en lien avec les acteurs locaux, adapte le dispositif à chaque réalité locale. Ainsi la perte de 750 emplois à Nantes est relativement facile à absorber, le bassin d’emplois étant jugé suffisamment dynamique. À l’inverse, le bassin d’Angers aurait besoin d’un accompagnement spécifique pour faire face à la perte de 544 emplois.

Par ailleurs, les représentants du ministère chargé de l’aménagement du territoire ont bien indiqué que ces mesures d’accompagnement n’ont pas vocation à prendre en charge les conséquences éventuelles sur le bassin d’emplois des décisions relevant de la RGPP au sein du ministère de la défense. La répartition entre les décisions relevant de la stricte réorganisation de la carte militaire telle que prévue par le Livre blanc et de celles relevant de la RGPP est particulièrement difficile. Aussi la DATAR adopte-t-elle une position pragmatique de bon sens et fait prévaloir l’analyse du dynamisme économique du bassin sur les autres considérations. Ainsi, même les suppressions d’emplois sont majoritairement le fait de la RGPP, il n’est pas exclu que le territoire puisse bénéficier d’un accompagnement dès lors que ces mesures ne font l’objet d’aucune compensation par le ministère lui-même, qu’elles revêtent un caractère immédiat et qu’elles impactent significativement le tissu local. Il convient de souligner que les mesures de la RGPP s’étalant la plupart du temps sur plusieurs années, elles sont plus faciles à absorber que le départ brutal d’une unité.

Sur le plan financier, 11,2 millions d’euros ont été consommés en 2009, 5,6 millions d’euros au titre du FRED et 5,6 millions d’euros au titre du FNADT. Le tableau suivant présente les crédits disponibles en 2010 et les prévisions de consommation établies en fonction des premiers dialogues de gestion avec les acteurs locaux.

Crédits d’accompagnement territorial en 2010

en millions d’euros

 

FRED

FNADT

AE

CP

AE

CP

crédits disponibles

55

29

49

18

prévisions de consommation

33

26

20

20

Source : DATAR.

Le tableau suivant présente l’état des cessions à l’euro symbolique déjà réalisées ou actuellement en cours.

Cessions à l’euro symbolique réalisées ou en cours de réalisation

Département

Commune

Dénomination
de l’immeuble

Date signature
décret

Valeur de l’immeuble mentionnée dans le décret

Date signature
acte authentique

04

Barcelonnette

quartier Craplet

25/08/09

2 758 000 €

31/08/2009

04

Barcelonnette

champ de manoeuvres de Barcelonnette

25/08/09

60 000 €

31/08/2009

04

Barcelonnette

logement du chef de corps

25/08/09

488 000 €

31/08/2009

04

Barcelonnette

terrain de sports quartier Craplet

25/08/09

408 000 €

31/08/2009

04

Jausiers

pavillons de sous-officiers

15/12/09

480 000 €

18/12/2009

04

Jausiers

pavillon officiers

15/12/09

310 000 €

18/12/2009

04

Jausiers

champ de tir de la Clapouse

15/12/09

14 000 €

18/12/2009

04

Jausiers

caserne Breissand

15/12/09

676 000 €

18/12/2009

04

Jausiers

casernement de Restefond

15/12/09

32 500 €

18/12/2009

04

Larche

bloc du Colombier

12/02/10

10 €

en cours de signature

04

Larche

chalet de maison Meane

12/02/10

224 000 €

en cours de signature

05

Aiguilles

poste des éclaireurs skieurs

15/12/09

140 000 €

04/03/2010

08

Givet

logements Mangin

17/11/09

240 800 €

en cours de signature

08

Givet

caserne Mangin

17/11/09

1 273 400 €

en cours de signature

08

Givet

fort de Charlemont

17/11/09

10 500 €

en cours de signature

14

Mondeville

établ. central mat. de mobilisation

07/12/09

4 865 800 €

14/12/2009

87

Limoges

manège Montrouge

28/10/09

500 000 €

07/01/2010

TOTAL AU 30/03/2010

12 481 010 €

 

Source : DATAR.

Les transferts d’administration ont déjà commencé sur les sites de Limoges avec 15 personnes dépendant du ministère de l’agriculture, de Charleville-Mézières avec 100 personnes de l’agence national des titres sécurisés relevant du ministère de l’intérieur et de Metz avec 15 personnels du ministère de l’agriculture et 40 personnes du centre interministériel de renseignements administratifs (CIRA). Au sept autres projets seront mis en place avec l’office national des forêts à Compiègne ; l’institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) à Reims ; le service facturier du ministère de la défense à Cambrai ; l’opérateur national de pays et du médiateur du ministère de l’économie et de l’emploi à Cambrai ; l’INSEE, le pôle statistiques et études de la DARES et le centre informatique de l’éducation nationale à Metz ; le service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements (SETRA) à Sourdun et l’ENIM à La Rochelle.

2. L’évolution de la carte militaire

Quarante sites ont été identifiés comme susceptibles de faire l’objet d’un CRDS ou d’un PLR. Au 31 mars 2010, six CRSD et deux PLR (Tarn et Garonne et Nièvre) ont été signés. Le tableau suivant récapitule les sites concernés et les dates de signature des CRSD.

Date de signature des CRSD

Givet

10 février 2009

Arras

2 avril 2009

Barcelonnette

7 mai 2009

Sourdun

26 mai 2009

Briançon

2 juillet 2009

Langres

12 février 2010

Source : DATAR.

Le CRSD de Limoges devrait être signé en avril 2010. Une quinzaine d’autres contrats pourraient être signés avant la fin de l’année 2010 à Bergerac, Bordeaux, Dax, Joigny, Rennes, Châteauroux, Montpellier, Metz, Dieuze, Bitche, Noyon, Guéret, la Courtine, Caen-Mondeville, Bourg-St-Maurice, Compiègne et Senlis, ainsi qu’à Cambrai.

Les rapporteurs ont souhaité savoir si cette répartition avait évolué depuis le lancement de la réforme à l’été 2008. Le ministère de la défense leur avait alors transmis des fiches détaillées pour chaque département concerné. Depuis cette date, le dispositif a été affiné et parfois substantiellement modifié. Or lors de son audition, le délégué aux restructurations du ministère de la défense, en charge du pilotage des aides territoriales, a indiqué s’appuyer sur les données élaborées en juillet 2008. Les modifications ultérieures ne sont pas nécessairement introduites dans cette banque de données et ne permettent donc pas d’adapter les plans d’accompagnement. Ce mode de fonctionnement n’est pas satisfaisant car il donne l’impression que la réforme est figée alors même que le ministère revendique le droit à l’expérimentation.

À l’inverse, les représentants du ministère chargé de l’aménagement du territoire ont indiqué que la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR) mettait régulièrement à jour sa base de données mais que cette actualisation était grandement dépendante des éléments transmis par le ministère de la défense. L’exemple de Brest est révélateur de cette situation : au 31 mars 2010, la DATAR ne dispose pas sur ce site des données chiffrées finales établies par le ministère de la défense. En l’absence de ces éléments, il lui est impossible de finaliser les mesures d’accompagnement et notamment les termes du plan ou du contrat de redynamisation de site.

Cet échange d’informations est essentiel pour le bon fonctionnement de l’accompagnement territorial. Le ministère de la défense est actuellement en train d’établir la version finale de la carte territoriale avec notamment la détermination définitive des bases de défense. Avant sa publication, ce projet sera transmis à la DATAR afin qu’elle puisse faire d’éventuelles propositions de modifications eu égard à la situation économique et social d’un territoire, à l’instar de ce qui avait été fait à l’été 2008. Il est important que le processus d’élaboration de la décision soit expliqué à tous les personnels et à tous les acteurs pour éviter que des annonces intermédiaires ne soient immédiatement considérées comme définitives.

*

Au final, le schéma directeur initial semble plutôt fragilisé par les premières mises en œuvre, faisant apparaître des incertitudes à la fois sur le montant des économies espérées et sur leur date d’apparition. Pour autant, le cadre directeur semble suffisamment robuste pour tenir dans un contexte économique dégradé par la crise. Les résultats déjà engrangés doivent être confirmés ; l’année 2010 sera à ce titre décisive avec la mise en œuvre de restructurations lourdes. Même si l’accompagnement territorial semble efficace et répondre aux attentes des acteurs locaux, il convient de veiller à ce qu’il dispose bien des crédits suffisants. Ces premiers éléments doivent donc inciter à la prudence et amener le ministère à être encore plus rigoureux et exigeant dans le suivi et l’accompagnement de la réforme.

TROISIÈME PARTIE : L’ENJEU DES RESSOURCES HUMAINES

L’ampleur de la déflation des effectifs incite les rapporteurs à être particulièrement vigilants à cet aspect de la réforme. Il détermine en effet le niveau réel des économies. Il est également le révélateur du niveau global d’adhésion des personnels aux opérations de restructurations. Les rapporteurs ont donc vérifié que la réduction se passe selon le schéma prévu et que toutes les mesures d’accompagnement sont effectivement mises en place.

Lors de la présentation du premier rapport d’information, les rapporteurs avaient apprécié différemment les orientations du ministère en matière de ressources humaines. M. Bernard Cazeneuve avait en effet regretté que le dispositif prévu soit moins clairement favorable aux personnels que les mesures antérieures. Il s’interrogeait sur l’absence d’égalité de traitement entre les personnels précédemment victimes de restructurations et ceux qui devraient y faire face demain.

M. François Cornut-Gentille relevait que même si les mesures étaient encore perfectibles, elles témoignaient d’une attention particulière à l’accompagnement social. Même si la logique d’ensemble lui apparaissait cohérente, il souhaitait que certaines incertitudes soient levées, notamment celles qui concernent les conditions de départ des personnels en fin de carrière. Il appelait également à un meilleur dialogue social pour examiner au fond la question de la place et du rôle des personnels civils au sein du ministère.

Un an après la mise en œuvre de la réforme, ils ont souhaité tirer un premier bilan de la déflation des effectifs et des mesures d’accompagnement afin de confirmer, ou non, leur appréciation initiale.

I. —  LA DÉFLATION DES EFFECTIFS

La suppression de 54 000 postes doit permettre de dégager des économies substantielles sur les dépenses de titre 2 (rémunérations et charges sociales) au profit des dépenses d’investissement. Pour atteindre cet objectif, le ministère a fixé un objectif annuel de déflation de l’ordre de 8 000 postes d’ici à 2016. Même si les premières données témoignent d’une capacité à réduire les effectifs, elles doivent être analysées avec beaucoup de prudence, ne serait-ce que parce qu’elles sont assises sur des méthodes originales de comptabilisation.

A. UNE COMPTABILISATION ORIGINALE

Les différents documents transmis aux rapporteurs portant sur les personnels sont difficiles voire impossibles à comparer car ils ne reposent pas sur les mêmes bases statistiques. Il faut effectivement distinguer les postes, les effectifs, les équivalents temps plein emploi (ETPE) et les équivalents temps plein travaillés (ETPT). Par ailleurs, la réforme concerne l’ensemble du ministère, y compris les administrations des anciens combattants alors que l’objectif de déflation fixé par la loi de programmation militaire se limite à la seule mission « Défense ».

1. Les unités de compte

Le pilotage « des effectifs en régime LOLF [étant] un enjeu stratégique pour le ministère de la défense », chaque entité ayant à connaître de la réforme du ministère s’est dotée « des structures et d’outils permettant d’assurer le suivi de ces données et les analyses qui en découlent ». La direction des ressources humaines du ministère (DRH-MD) veille pour sa part au « respect des règles de décompte des effectifs, qui sont appliquées par l’ensemble des acteurs du processus » (18). Il en ressort que chaque mode de suivi dispose d’une unité de compte qui lui est spécifique.

L’approche organisationnelle a retenu le poste, c’est-à-dire une unité « de décompte détaillant les postes décrits en organisation sans tenir compte de la qualité de la personne et de la quotité de travail » (19). Cette unité sert de support à la mission de coordination de la réforme et aux chefs de projet pour identifier les domaines susceptibles d’être rationalisés. C’est également à partir de ces données que sont calculés les ratios entre les postes de soutien et ceux qui sont à vocation opérationnelle.

Le pilotage des ressources humaines prend en compte les effectifs physiques, c’est-à-dire qu’il s’intéresse à la totalité des agents, sans tenir compte du poste qu’il occupe ni de leur quotité de travail (temps partiel par exemple). Chaque organisme dispose d’un système d’information dédié lui permettant d’assurer le suivi individuel de chacun de ses agents (notation, vacances, avancement…).

La DRH-MD utilise également la notion d’équivalent temps plein emploi (ETP ou ETPE) qui « corrige les effectifs physiques de l’effet du temps partiel ou incomplet ». Les ETP mesurent donc « la capacité de travail effective à un instant donné, c’est-à-dire le total des quotités de travail à une date déterminée » (20). Un agent exerçant ses fonctions à 80 % sera donc comptabilisé comme 0,8 ETP. Les ETP sont établis mensuellement par la DRH-MD.

En matière budgétaire, l’unité retenue est l’équivalent temps plein travaillé (ETPT). Il est calculé selon les mêmes modalités que l’ETP sauf qu’il intègre également la période d’activité de l’agent sur l’année considérée. Ainsi un agent travaillant à temps plein pendant seulement 6 mois de l’année ne comptera que pour 0,5 ETPT. Un agent travaillant à 80 % pendant 6 mois comptera pour 0,4 ETP. Les ETPT sont des indicateurs budgétaires annuels qui ne sont pas remis à jour en cours d’année.

Le suivi des ETP et des ETPT est assuré par le biais des systèmes d’information de chaque organisme du ministère. La DRH-MD a mis en place un « suivi matriciel spécifique » lui permettant de « produire une synthèse de la réalisation des ETPT par programme et par budget opérationnel de programme » (21).

La DRH-MD considère qu’il est impossible d’éviter cette cohabitation, le plafond ministériel d’emplois autorisés (PMEA) étant désormais exprimé en équivalent temps plein. Pour autant, même si la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) privilégie une approche budgétaire en matière de ressources humaines, elle n’impose nullement de multiplier, parfois artificiellement, les référentiels. Au contraire, elle cherche à donner aux gestionnaires et aux autorités en charge du contrôle les outils les plus adaptés, mettant fin à la partition qui pouvait exister entre pilotage des ressources humaines et pilotage budgétaire.

2. Le suivi des ressources humaines

La coexistence de ces référentiels rend extrêmement difficile le suivi en matière de personnels, chaque entité utilisant des données différentes. Pour rendre compte d’une même réalité, les rapporteurs disposent parfois de plusieurs données qui ne concordent pas nécessairement entre elles. Interrogé sur la réduction des effectifs en 2009, le ministère indique que 8 394 postes ont été supprimés. Il précise dans le même temps que plafond ministériel d’emplois a été réduit de 6 728 ETPE. Il indique enfin que la masse salariale a été réduite de 7 151 ETPT.

En l’espèce, la différence entre les ETPE et les ETPT s’explique par les glissements infra-annuels : le départ d’un agent n’a pas forcément de traduction budgétaire immédiate surtout s’il part en fin d’année alors qu’il n’apparaît plus dans les effectifs comptabilisés par les ressources humaines dès la date de son départ. Ainsi un agent quittant le ministère le 31 décembre ne permettra de réduire la masse salariale qu’en 2010 alors qu’il apparaîtra dans les effectifs supprimés en 2009. Il est donc cohérent que les ETP et les ETPE ne coïncident pas exactement. L’écart ne saurait néanmoins être trop important, sauf à ce que le mois de décembre concentre l’essentiel des départs.

Avec ces données, il est possible de suivre l’impact financier de la réforme au travers des ETPT, mais non de comprendre l’impact humain puisque l’économie d’un seul poste peut provenir du départ de plusieurs agents. De même, l’amélioration du ratio entre opérationnel et soutien peut se faire en partie à effectifs constants si le ministère se contente de supprimer les postes jusqu’à alors non pourvus dans le domaine du soutien tout en maintenant l’intégralité des postes opérationnels.

Au final, les rapporteurs ont le sentiment que le ministère peine à élaborer une stratégie claire en matière de ressources humaines. Faute d’outils communs, il est impossible à la DRH-MD de calculer l’économie réalisée par le départ d’un agent en fonction de son ancienneté et de son emploi, l’approche budgétaire ne pouvant se faire que globalement. Les particularités de chaque corps combinées aux spécificités personnelles empêchent d’élaborer un modèle type. Il est également difficile de prévoir à l’avance quelle sera l’économie de masse salariale effectivement réalisée puisqu’il faut attendre une année pleine après la date du départ pour qu’il produise tous ses effets. La DRH-MD estime donc que seule une analyse pluriannuelle est pertinente, ce qui rend très difficile tout suivi annuel et, a fortiori, tout suivi infra-annuel.

B. UN RISQUE DE SURDÉFLATION ?

La réforme n’est entrée en vigueur dans sa totalité qu’au début de l’année 2009 ; les organismes gestionnaires ont toutefois largement anticipé les objectifs dès 2008 en réduisant les recrutements et en favorisant déjà les départs. Le graphique ci-après détaille le nombre de départs enregistrés par rapport aux objectifs fixés en 2008 et 2009.

Déflation des effectifs en 2008 et 2009

en ETP emplois

Source : ministère de la défense.

En 2008, le ministère a donc supprimé 8 089 ETP, soit 3 039 ETP de plus que l’objectif initial. En 2009, l’écart s’est réduit puisque le ministère n’a pas atteint l’objectif de 8 250 ETP supprimés avec seulement 6 728 ETP en moins. Au final, au bout de deux ans, le ministère dispose d’une avance de 1517 ETP, ce qui lui permet de considérer que les 54 000 postes pourraient être supprimés plus tôt que prévu.

La direction des ressources humaines est très attentive à l’évolution de cette tendance, cherchant à limiter tout risque de surdéflation. Les décisions en matière de ressources humaines ont effectivement un fort degré d’inertie et il ne faudrait pas que l’anticipation excessive des réductions conduise le ministère à se priver trop rapidement de ses personnels, bouleversant le rythme de la réforme.

Au-delà des interrogations sur le long terme, cette évolution des effectifs doit être analysée par rapport à celle de la masse salariale. Alors que le ministère a enregistré plus de départs que prévu, il n’a pas réussi à réduire sa masse salariale : est-ce à dire que pour atteindre les objectifs budgétaires initiaux il devra supprimer plus d’emplois que prévus ? Est-ce à dire que la corrélation entre les postes supprimés et les économies sur le titre 2 n’est pas exacte ? Est-ce à dire que les départs coûtent plus chers que prévu et qu’il faudra dépenser plus pour faire partir plus de personnels ?

L’éventuelle insuffisance des crédits de masse salariale ne doit cependant pas conduire à augmenter le volume annuel des déflations, conformément aux dispositions du rapport annexé de la loi de programmation militaire qui prévoit que le « rythme de mise en œuvre [de la déflation des effectifs…] n’a pas vocation à être accéléré, quels que soient les aléas de gestion » (22). Dans sa lettre-plafond du 12 juin 2009, le Premier ministre a rappelé qu’il conviendra de « corriger d’éventuelles insuffisances de crédits par un abondement externe des crédits de la mission “Défense” afin d’éviter une sur-exécution des schémas d’emplois » (23). Le ministère de la défense dispose donc d’une véritable clause de sauvegarde qui interdit d’aller au-delà des suppressions initialement programmées.

Il semble néanmoins que le ministère souffre d’une sous-dotation de son enveloppe budgétaire, ce qui pèse sur sa politique de recrutement. Cette situation s’explique partiellement par la divergence d’appréciation technique avec le ministère du budget portant sur la valorisation budgétaire du glissement-vieillesse-technicité (GVT) qui prend en compte l’évolution des carrières des agents du ministère. Le ministère de la défense considère que l’impact du GVT est sous-évalué d’environ 50 millions d’euros par an. Dès lors, faute de disposer d’une enveloppe suffisante, il est contraint d’accentuer la pression sur les effectifs. La règle de la fongibilité asymétrique  (24) s’appliquant, il lui est impossible de recruter autant qu’il le voudrait, les crédits étant insuffisants.

Sur le long terme, les rapporteurs s’interrogent sur la soutenabilité du modèle : par définition, il est plus facile de procéder à des réductions de personnels les premières années, les candidats au départ ne manquant alors pas. Comme l’ont fait observer les organisations syndicales, la réforme ne s’est pas encore intéressée au « noyau dur », c’est-à-dire aux personnels les moins mobiles ou à ceux qui ne souhaitent pas quitter le ministère alors même que leur poste est voué à disparaître. Il est d’ailleurs révélateur que seuls 5 500 militaires et quelque 1 000 civils aient demandé à bénéficier d’une aide au départ volontaire : même s’il y a nettement plus de demandes que d’aides disponibles, il apparaît que le vivier est relativement réduit. Alors même que les mesures sont particulièrement favorables, que les conditions de reclassement sont encore aisées puisque la réforme n’en est qu’à ses préliminaires, il n’y a que 6 500 candidats au départ.

C. L’ENJEU DE LA CIVILIANISATION

Conformément aux recommandations de la RGPP, la réforme vise à modifier « la répartition des ressources entre soutien et forces opérationnelles, les moyens humains étant aujourd’hui consacrés pour plus de 60 % au soutien et près de 40 % aux forces opérationnelles » (25). Indépendamment de toute appréciation de cet objectif, les rapporteurs ont souhaité connaître le processus permettant d’identifier les différents postes.

L’exercice est relativement difficile : un infirmier employé dans un hôpital d’instruction assure principalement une mission de soutien ; en revanche lorsqu’il est déployé sur un théâtre d’opération, il assure bien une mission opérationnelle.

Faute de pouvoir fixer objectivement toutes les situations, le ministère a opéré des choix qui ont été validés par l’ensemble des entités concernées. Il est donc établi que les postes relevant des programmes budgétaires « Soutien de la politique de défense », « Équipement des forces », « Liens entre la nation et son armée » et « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » sont des postes de soutien. Les postes du programme « Préparation et emploi des forces » ont été répartis en trois groupes de taille égale : l’opérationnel, le soutien et le soutien opérationnel. Cette grille initiale (document en annexe) a servi de base à l’ensemble des décisions ; elle n’a pas été modifiée depuis.

Son application semble toutefois générer un certain nombre d’interrogations. Les organisations syndicales soulignent que souvent les postes de soutien sont occupés par des militaires, en particulier lorsqu’il s’agit de postes à responsabilité, alors même que l’emploi de militaires et plus coûteux. À ce jour, il n’est d’ailleurs pas prévu qu’un personnel civil commande une base de défense ; seuls quelques postes de responsable du groupement de soutien de la base de défense leur étant ouverts.

Les syndicats ont également attiré l’attention des rapporteurs sur un possible dévoiement de la logique de reclassement : la réforme vise bien à limiter l’emploi de militaires dans des postes de soutien et à affirmer la prééminence des civils pour ce type de fonctions. Or il semble que le ministère n’hésite pas à civilianiser un militaire (au titre du reclassement interne dans la fonction publique de l’État) pour le maintenir à son poste : de ce fait, c’est désormais un civil qui occupe un poste de soutien. En fait, le responsable du soutien a changé de statut mais pas nécessairement d’identité. Cette situation n’est nullement choquante car elle montre que le ministère de la défense est en mesure de fidéliser et de conserver les compétences humaines. Ce procédé doit toutefois être limité à des cas où le maintien d’un individu à son poste est strictement nécessaire pour assurer la continuité du service et lorsqu’il est impossible de confier immédiatement cette tâche à un personnel civil non issu des armées. Si tel n’est pas le cas, cela entrerait en contradiction avec la volonté affichée de valoriser les personnels « exclusivement » civils.

II. —  LES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT

Pour accompagner la réforme et faciliter les départs, le ministère a mis en place des dispositifs d’aide au départ, des mesures d’aide à la mobilité. Au-delà de ces mesures techniques, il importe également de veiller à l’accompagnement humain de la réforme. Le plan d’accompagnement des restructurations (PAR) dispose en 2009 d’un budget 140 millions d’euros. Ces crédits apparaissent relativement limités au regard de l’importance des départs ; les rapporteurs se demandent si, comme pour les dépenses d’infrastructures, ces sommes ne devraient être significativement réévaluées.

A. LES AIDES AU DÉPART ET À LA MOBILITÉ

1. Les aides au départ

Les agents peuvent bénéficier de trois dispositifs principaux pour faciliter leur départ du ministère de la défense : l’indemnité de départ volontaire (IDV) des agents civils non ouvriers de l’État, le « pécule » pour les militaires et les indemnités de départ volontaire pour les ouvriers de l’État.

a) Pour les militaires

La loi de finances pour 2009 (26) a créé le « pécule » d’incitation à une seconde carrière pour les militaires. Le pécule est versé en deux étapes : deux tiers au moment du départ du militaire ; le dernier tiers est versé au bout d’un an si et seulement si le militaire a retrouvé un emploi entre temps (27). Les graphiques suivants détaillent l’état de versement des pécules en 2009.

Nombre de pécules versés aux militaires en 2009

en nombre de pécules

Source : ministère de la défense.

Crédits consommés au titre des pécules versés aux militaires en 2009

en millions d’euros

Source : ministère de la défense.

Le ministère a donc consommé l’intégralité des crédits disponibles, le montant moyen du pécule s’établissant à 67 000 euros. Toutefois il n’a pas pu répondre à toutes les demandes qui ont été cinq fois plus nombreuses que les pécules distribuables. De ce fait, le ministère estime qu’il existe « un vivier de candidats au départ qui conforte les hypothèses de déflation retenues pour les années à venir » (28). La situation permet certes au ministère de faciliter le départ des publics cibles, mais elle montre aussi que le vivier est somme toute assez mesuré par rapport à l’objectif global de déflation.

Selon les données transmises par la DRH-MD, le pécule est principalement accordé à des lieutenants-colonels (163 pécules) et à des adjudants-chefs (360 pécules), ces deux catégories représentant 73 % du total des pécules. Le soutien fournit les plus forts contingents, à hauteur de 48 % pour les officiers et de 54 % pour les sous-officiers.

Dans le même temps, le décret n° 2008-1526 du 30 décembre 2008 a créé une indemnité spécifique de préparation à la reconversion (ISPR) encourageant la reprise d’activité professionnelle pour les militaires. Le ministère a consacré 2,6 millions d’euros à cette mesure en 2009.

b) Pour les civils

Les personnels civils du ministère sont soumis aux règles interministérielles fixées par le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire. Les ouvriers de l’État bénéficient d’un régime spécifique institué par la loi de finances pour 2009 (29) et régi par le décret n° 2009-83 du 21 janvier 2009.

Les graphiques suivants présentent le nombre d’IDV accordées en 2009 aux personnels civils.

Nombre d’Indemnités de départ volontaires accordées aux civils en 2009

en nombre d’IDV

Source : ministère de la défense.

crédits consommés au titre des indemnités de départ volontaires accordées en 2009

en millions d’euros

Source : ministère de la défense.

Le nombre conséquent de demandes prouve l’attractivité des mesures, surtout pour les ouvriers de l’État, avec une IDV moyenne atteignant 75 000 euros. Le dispositif est moins incitatif pour les fonctionnaires et les agents contractuels : même si le montant moyen s’élève 43 000 euros, il faut en minorer l’intérêt car cette somme est soumise à la fiscalité ordinaire alors que le pécule et l’IDV des ouvriers de l’État sont défiscalisés.

Comme pour les militaires, l’afflux de candidatures permet au ministère de sélectionner les bénéficiaires de l’IDV. Pour les ouvriers de l’État, il s’agit à 70 % de personnels de plus de 55 ans ; pour les fonctionnaires, les plus de 50 ans représentent 41 % du total.

Comme l’a indiqué le cabinet du ministre, le mécanisme d’IDV répond parfaitement aux attentes des personnels, notamment les ouvriers de l’État, qui sont nombreux à demander à en bénéficier. Compte tenu de ce succès, le ministère va devoir augmenter le nombre d’IDV disponibles pour les ouvriers de l’État, passant d’un rythme de 350 à environ 500 IDV par an. En revanche le dispositif pour les fonctionnaires pourrait être réduit de 150 à 80 IDV par an. La mesure est en effet moins incitative tant dans le montant que dans son traitement fiscal.

2. Les aides à la mobilité

Dans le cadre des restructurations de défense, nombre de personnels sont contraints de changer d’affectation, ce qui implique parfois une mobilité géographique conséquente. Le tableau ci-après présente les différentes mesures mises en place pour accompagner les personnels de la défense et faciliter leur mobilité.

Dispositifs d’aide à la mobilité

nom du dispositif

population concernée

nombre de bénéficiaires en 2009

dépense constatée en 2009
(en euros)

coût individuel moyen
(en euros)

allocation d’aide à la mobilité du conjoint

militaires

229

1 396 900

6100

prime de restructuration

fonctionnaires civils

294

3 614 907

12296

complément spécifique de restructuration

fonctionnaires et agents non titulaires en CDI

142

1 937 098

13641

indemnité de conversion

ouvriers de l’État

144

1 833 315

 

complément exceptionnel de restructuration

ouvriers de l’État

51

653 875

 

indemnité temporaire de mobilité

civils

1

3 650

3650

allocation d’aide à la mobilité du conjoint

civils

19

106 781

5620

aides à l’accession à la propriété

toutes

44

360 000

8000

compensation du différentiel de loyer

toutes

219

274 000

1244

Source : ministère de la défense.

Ces mesures sont financées pour l’essentiel par le plan d’accompagnement des restructurations ; elles utilisent également des crédits de l’action sociale ordinaire. Pour ce qui concerne l’aide à l’accession à la propriété, l’aide versée par le ministère est complétée par une offre de rachat faite par France Domaines : même si le montant de l’offre est généralement bas, il permet au personnel délocalisé de céder son bien même si le marché immobilier local est totalement atone. Le ministère fait observer que cette possibilité est particulièrement appréciable dans des bassins qui étaient organisés presque exclusivement autour d’un site de défense et qui n’arrivent pas compenser, du moins immédiatement, le départ de cette structure. Les besoins étant particulièrement importants en matière de logement, le ministère a décidé de porter les crédits disponibles pour l’accession à la propriété et la compensation de différentiel de loyer à 8,7 millions d’euros en 2010, soit 4,9 millions d’euros de plus qu’en 2009.

M. Bernard Cazeneuve relève que la proposition de rachat se fait toutefois à un prix extrêmement faible dans la plupart des cas, les propriétaires se trouvant contraints d’accepter une dévaluation significative de leur patrimoine. Cette perte conduit certains personnels à renoncer à la vente et à préférer trouver des solutions d’hébergement de faible qualité sur leur nouveau lieu d’affectation.

3. Les conditions de versement des aides

Indépendamment de l’instruction des dossiers, les rapporteurs ont souhaité s’assurer que les indemnités de départ et les aides à la mobilité sont effectivement versées aux personnels concernés. Pour que ces mesures aient un effet réel, il faut en effet qu’elles soient payées dans les meilleurs délais pour éviter que les personnes qui quittent le ministère se retrouvent sans ressources tant qu’elles n’ont pas retrouvé un emploi.

Dans un premier temps, le ministère de la défense a décidé de payer lesdites aides selon le circuit comptable ordinaire en confiant cette responsabilité aux ordonnateurs secondaires. Ce choix s’est avéré peu pertinent car il allonge considérablement la procédure : l’ordonnateur secondaire doit disposer de tous les éléments du dossier, alors qu’ils relèvent parfois d’entités différentes, avant de pouvoir liquider et ordonnancer la dépense. Le comptable doit alors procéder aux opérations de vérification avant de procéder effectivement au paiement. Même si la procédure est accélérée et que tous les acteurs s’efforcent de la réduire au maximum, elle ne peut permettre un versement rapide. L’aide sociale du ministère a pallié ces retards, mais elle ne saurait prendre en charge l’ensemble des dossiers surtout si leur nombre augmente sensiblement.

Le ministère a donc décidé de procéder pour les aides comme pour les rémunérations, c’est-à-dire que le comptable peut procéder au paiement sans ordonnancement. Les rapporteurs espèrent vivement que cela permettra de mettre un terme aux difficultés et s’assureront dans la durée de l’effectivité des versements.

B. LE RECLASSEMENT DES PERSONNELS

Le ministère a souhaité faciliter la mobilité de ses agents au sein des fonctions publiques à la fois pour réduire ses propres effectifs mais aussi pour limiter l’emploi de personnels militaires dans des fonctions de soutien qui peuvent être assurées par des civils.

En 2009, ce sont ainsi quelque 1 809 militaires qui ont été reclassés dans les fonctions publiques comme le montre le tableau suivant.

Départ des militaires dans les fonctions publiques en 2009

fonction publique de destination

objectif

réalisé

écart

Fonction publique de l’État

870

663

-23,8%

dont ministère de la défense

500

385

-23,0%

Emplois réservés

530

318

-40,0%

FPH (1) et FPT (2)

400

378

-5,5%

Concours, détachement et recrutement sur contrat

300

450

50,0%

Total

2100

1809

-13,9%

(1) fonction publique hospitalière

(2) fonction publique territoriale

Source : ministère de la défense.

Si on isole les concours, détachements et recrutements sur contrat, les reclassements effectifs apparaissent très nettement inférieurs aux prévisions, en particulier au sein de la fonction publique de l’État. En effet, tous les ministères sont engagés dans une politique de réduction des effectifs ; dans ce contexte il était illusoire de croire que les militaires pourraient simplement changer de ministère de tutelle réduisant ainsi la masse salariale de la défense.

Pour les personnels civils, les mobilités externes ont conduit à une réduction de 350 personnes, 571 ayant quitté le ministère quand 420 le rejoignaient. En ce qui concerne les civils touchés par une mesure de restructuration, le ministère a dû traiter 2 271 dossiers en 2009 : à ce jour seuls 186 sont encore en cours de traitement. Ne restent que huit cas non résolus dont sept cas difficiles.

Il convient par ailleurs que ces données soient associées à une approche qualitative portant sur les conditions de travail et les perspectives offertes aux personnels reclassés. À Brest, divers témoignages semblent indiquer que le processus d’incitation au départ ne fonctionne pas toujours d’une façon complètement satisfaisante. Les organisations syndicales ont ainsi fait état de cas de personnels ayant quitté le service, mais qui, faute de percevoir leur indemnité de départ volontaire (IDV), étaient revenus à leur poste de leur propre chef. En outre, le dispositif semble avoir surtout concerné des personnels relevant du statut des ouvriers de l’État. Or leur remplacement semble particulièrement difficile, le statut d’agent technique principal proposé à leurs successeurs apparaissant insuffisamment incitatif.

À Vernon, 110 personnels ont déjà trouvé une solution de reclassement, mais à chaque fois en raison de leurs démarches actives et sans soutien particulier de l’administration locale. Les syndicats qualifient de « virtuel » le fonctionnement de l’antenne mobilité reclassement (AMR). Ils relèvent par exemple que « les entretiens officiels, baptisés “entretien PAR” […] ne sont à ce jour pas terminés » et que « dans ces conditions [il est difficile] d’apporter un quelconque soutien à des personnes dont on ignore l’inclination ». Ils constatent également un décalage temporel très conséquent entre les demandes des agents et les réponses de l’administration. Pour une IDV il a fallu par exemple atteindre sept mois pour connaître la position du ministère. De surcroît, quatre mois après leur départ ou leur mobilité, 70 % des personnels concernés n’ont toujours rien perçu (cf. supra). Les agents s’interrogent donc légitimement sur la réalité des enveloppes prévues, d’autant que pour certains personnels, comme les ouvriers de l’État, les demandes sont très nettement supérieures aux offres.

Ils observent enfin que les « particularités de certains statuts bien spécifiques au ministère de la défense ou à la DGA empêchent un nombre important de personnes de se projeter vers un emploi dans une administration publique ». Au final, les personnels ont clairement l’impression que « les moyens humain de la DRH-MD ne sont pas à la hauteur des enjeux de cette réforme » (30).

Le projet de loi relatif à la reconversion des militaires (31) devrait d’ailleurs permettre d’améliorer encore le reclassement des personnels. Une fois le texte voté et le contenu des dispositifs définitivement arrêtés, les rapporteurs examineront dans quelle mesure ils s’inscrivent dans les mesures d’accompagnement afin de faciliter la réinsertion professionnelle des militaires concernés par les restructurations.

III. —  LE CONTEXTE SOCIAL DE LA RÉFORME

Les dispositifs d’aide se mettent progressivement en place et permettent d’indemniser les agents touchés par les restructurations. Au-delà des mesures financières, les rapporteurs ont souhaité savoir comment les personnels étaient accompagnés dans leurs démarches.

A. L’ÉTAT DU DIALOGUE SOCIAL

En ce qui concerne le dialogue social, les rapporteurs continuent à être saisis de dossiers par les organisations syndicales, montrant que, malgré les efforts de certains responsables du ministère, la situation n’est toujours pas satisfaisante. Un effort d’ensemble doit encore être fait en la matière. Les rapporteurs ont le sentiment que les organisations syndicales sont désormais écoutées mais rarement entendues. Ils regrettent d’ailleurs que le ministre ne reçoive plus l’ensemble des fédérations pour établir un bilan régulier de la réforme, les renvoyant à ses subordonnés. Il semble également que les réunions ad hoc se multiplient sans que les syndicats disposent à l’avance des éléments leur permettant de préparer ces rencontres et sans qu’existe un lieu de concertation sur la réforme dans sa globalité.

Les exemples fournis par les organisations syndicales montrent que les décisions de fermeture des établissements ainsi que la plupart des décisions de reclassement des personnels souffrent d’un manque de transparence. Faute de disposer de perspectives de moyen terme claires, nombre d’établissements recourent à des contrats à durée déterminée ou recrutent des contractuels dans des conditions salariales dégradées (32). Il semble également que les fiches de postes ne soient publiées que tardivement et partiellement, empêchant nombre d’agents de préparer leur changement de poste (33). Enfin, il est frappant que la fermeture ou le transfert d’unités soit annoncé sans concertation préalable avec les responsables locaux ni du territoire de départ ni de celui d’arrivée. Lors de leur visite à Brest, l’organisation stabilisée de la base de défense a été présentée aux rapporteurs. Or, moins de quinze jours après, il a été décidé de transférer le centre territorial d’administration et de comptabilité de Lille à Brest. Ces exemples sont révélateurs d’une trop grande opacité, amenant les rapporteurs à réitérer leur recommandation pour plus de transparence et de sincérité dans la conduite de cette réforme.

Lors de l’audition des membres du cabinet du ministre, les rapporteurs ont constaté que les interlocuteurs étaient conscients de cette difficulté. Ils s’efforcent d’améliorer le processus et de limiter au maximum les dérives et les incompréhensions. Cette prise de conscience est extrêmement positive et doit se poursuivre concrètement. Par ailleurs, interrogés sur les difficultés rencontrés par plusieurs agents, le cabinet a reconnu qu’existaient des situations délicates mais a assuré tout mettre en œuvre pour les résoudre dans les meilleurs délais.

B. LA QUESTION DE L’ACCOMPAGNEMENT FAMILIAL

La réforme a des conséquences parfois très lourdes sur les familles et sur la vie quotidienne des agents. Lors de leurs déplacements, comme lors des auditions des syndicats, les rapporteurs ont pu constater que les cellules mises en place pour aider les personnels fonctionnent souvent a minima ou avec des moyens extrêmement réduits. La question du célibat géographique doit être posée avec acuité car elle peut traduire une situation extrêmement complexe. Les conjoints des personnels concernés par la réforme peinent parfois à trouver un emploi dans la nouvelle zone géographique d’affectation. De même, la localisation peut avoir des conséquences parfois importantes pour la scolarisation des enfants.

Ces éléments ne doivent pas primer les considérations opérationnelles et ne sauraient être globalement appréhendés. Ils constituent toutefois des éléments déterminants dans la décision des personnels de participer et d’adhérer à la réforme. Ils doivent être mieux pris en considération. Selon les informations transmises aux rapporteurs, en 2009 moins de dix personnes se sont trouvées dans une situation telle que le ministère a dû mettre en œuvre des procédures d’aide sociale. Il convient néanmoins de rester extrêmement vigilant à l’environnement au sens large de la réforme pour éviter que ces situations isolées ne deviennent plus nombreuses au fur et à mesure de l’avancement de la réforme.

QUATRIÈME PARTIE : LES EXTERNALISATIONS
ET LA RÉFORME DU SOUTIEN

Pour dégager des économies, le ministère de la défense s’est engagé dans une modernisation conséquente de son soutien, cherchant à minimiser ses dépenses de fonctionnement. Cet objectif financier se double d’un enjeu organisationnel : le ministre souhaite que les militaires soient prioritairement affectés à des missions opérationnelles, les tâches de soutien pouvant être confiées soit à des civils soit à des prestataires extérieurs. Partant de là, le ministère a inventé le concept des bases de défense qui doivent devenir l’acteur local unique en matière de soutien et décharger les unités qui lui sont rattachées de ces fonctions ancillaires. Parallèlement, des travaux sont conduits pour externaliser les tâches qui n’ont pas vocation à être directement prises en charge par le ministère.

Les rapporteurs relèvent que les externalisations constituent un enjeu social majeur, notamment lorsqu’elles touchent des personnels qui ont déjà subi des restructurations, mais qu’elles ont également une forte dimension économique et opérationnelle. Les rapporteurs ont souhaité insister particulièrement sur ce point car il génère de très fortes inquiétudes, le sondage interne réalisé par le ministère montrant bien que les externalisations constituent l’élément de la réforme le plus décrié par les personnels.

I. —  LES BASES DE DÉFENSE ET LA RÉORGANISATION DU SOUTIEN

Les bases de défense ont été présentées comme un élément central de la mise en œuvre de la réforme par le ministre. Les rapporteurs ont souhaité en établir un premier bilan aussi bien au travers d’une approche économique et financière d’ensemble qu’au travers de visites de sites. Ils ont donc interrogé les responsables du ministère sur ce dossier et se sont rendus sur la base de défense de Creil en octobre 2009 et sur la base de défense de Brest en février 2010. Malgré les spécificités de chaque site, des éléments communs apparaissent, permettant d’identifier les enjeux principaux pour les bases de défense.

A. UNE RATIONALISATION DU SOUTIEN

1. Le concept de base de défense

Partant des recommandations de la RGPP, le ministère de la défense a engagé un important travail de rationalisation de ses structures de soutien, tant au plan national que local. Cela s’est traduit par la création d’un commandement interarmées du soutien (COMIAS), directement placé auprès du chef d’état-major des armées et par la disparition des commissariats des armées au profit d’un unique service du commissariat des armées à compter du 1er janvier 2010. À l’échelon local, il a été décidé de regrouper les services de soutien de plusieurs unités afin de réaliser des économies d’échelle et surtout de dégager les responsables opérationnels de ces tâches ancillaires.

Le schéma initial prévoyait de mutualiser « l’administration générale et le soutien commun » (34) de toutes les formations du ministère présentes dans une aire géographique donnée, appelée base de défense expérimentale (BdD). Le périmètre avait été fixé à environ 30 kilomètres auquel s’ajoutait un objectif de taille critique de l’ordre de 2 500 à 3 000 personnels, les services communs comprenant environ 300 personnes.

Les fonctions de soutien sont placées sous l’autorité des commandants de base de défense expérimentale, « responsables de l’administration générale et des soutiens communs des formations et organismes du ministère de la défense de leur base de défense expérimentale respective » (35). Ces derniers peuvent s’appuyer sur des groupements de soutien de la base de défense expérimental (GSBdD), désormais « unique formation administrative des armées dotée de l’autonomie financière dans la base de défense expérimentale » (36).

L’arrêté du 24 décembre 2008 crée, pour un an et à compter du 1er janvier 2009, dix bases de défense expérimentales en métropole complétée par une base expérimentale à Djibouti. Elles seront installées dans les régions Auvergne (Clermont-Ferrand), Bretagne (Brest et Rennes), Centre (Avord), Lorraine (Nancy), Picardie (Creil), Provence-Alpes-Côte d’Azur (Aubagne et Marseille), et Rhône-Alpes (La Valbonne et Valence).

Ce modèle a été validé par un premier bilan d’étape réalisé en juillet 2009. Selon les documents transmis aux rapporteurs par le COMIAS, ce travail a permis de vérifier que « le concept de base de défense est viable et [que] cette voie est porteuse d’avenir au sens de la réforme ministérielle ». Il a constaté « les premiers gains en effectifs dans le domaine du soutien », permettant aux « unités opérationnelles […de] se recentrer sur leur coeur d’activités ». Même si ces modifications n’ont pas altéré la fonction du soutien, « de nombreux efforts sont encore nécessaires, en particulier dans l’uniformisation des procédures du domaine AGSC  (37) et dans l’harmonisation des SI (38). C’est à ce prix que des gains substantiels seront pleinement réalisés ».

Lors de son audition, le général Cambournac a bien rappelé que les bases de défense ne sont que le lieu de la mise en œuvre de réformes propres à chaque secteur du ministère. En d’autres termes, les bases de défense sont l’enceinte où s’opère la rationalisation de la fonction financière, des ressources humaines, de la logistique… mais sans que la base de défense ne soit un acteur au sens propre de ces mesures. Dès lors, il n’est pas possible d’agréger localement les gains générés par ces différentes manœuvres puisqu’elles sont conduites en parallèle et de façon étanche. Ce mode de conduite explique en partie la difficulté des commandants de base de défense à proposer à leurs personnels une vision d’ensemble des restructurations.

2. Les résultats constatés pour le soutien

a) Les exemples locaux

— Sur la base de Creil, l’évolution des structures est sans doute la plus aboutie, la base ayant été la première à mettre en œuvre la nouvelle organisation. À la création de la BdD, quelque 405 personnes étaient affectées à des fonctions de soutien. Avec la mutualisation, il a été possible d’améliorer le ratio entre soutenants et soutenus, le faisant passer de 13,5 % en 2009 à 12,9 % en 2010. Le GSBdD compte désormais 386 personnels, 55 civils et 331 militaires. Le commandant de la BdD estime que parmi ces 331 postes confiés à des militaires, 37 pourraient être civilianisés, 19 d’entre eux en 2010 et le reste en 2011. La logique d’externalisation pourrait, si elle aboutit et si toutes les tâches sont effectivement reprises par le privé, à la réduction de 150 postes supplémentaires.

— Sur la base de Brest, particulièrement étendue et de composante essentiellement marine, il est plus difficile de faire un constat similaire, l’architecture finale du GSBdD n’étant pas encore arrêtée en raison de la réorganisation des commissariats actuellement en cours. Il n’en reste pas moins qu’à ce stade, pour les tâches d’administration générale et de service commun, le ratio entre soutenants et soutenus est de 9 % avec une civilianisation de 58 %. Le GSBdD emploie en effet 1 689 personnels dont 986 civils et 703 militaires.

L’instauration d’un centre unique de règlement des frais de déplacement sur cette BdD doit générer des économies importantes. Les responsables de la BdD estiment que le regroupement des différents centres du ministère de la défense dans ce service unique permet de diviser par deux le nombre de personnels nécessaires au traitement de ces tâches, soit une économie de près de 350 postes.

Toutefois, les rapporteurs relèvent qu’à de rares exceptions près, les responsables locaux ont le sentiment de ne pas avoir été entendus, ni même écoutés, lors de l’élaboration du plan de déflation. Cela leur donne l’impression que les objectifs sont calibrés d’une façon excessivement volontariste, et donc particulièrement difficiles à atteindre. Par exemple, le groupe d’études sous-marine (GESMA), qui relève de la direction générale pour l’armement (DGA), verra ses effectifs passer de 103  à 47 personnels à l’horizon de 2014 ; la réussite de cette manœuvre impliquant de recourir massivement à de la sous-traitance.

Plus généralement, les responsables opérationnels craignent la possible apparition d’une divergence d’intérêts entre les services de soutien et les unités opérationnelles (horaires, capacités de mobilisation, …). Certains d’entre eux vont jusqu’à redouter la « balkanisation » de services plus ou moins bien articulés. Ils constatent d’ores et déjà une plus grande complexité dans la gestion au quotidien, du fait de l’éclatement des responsabilités. Ainsi, concrètement, les unités opérationnelles et les services de soutien doivent organiser leurs relations sur le fondement de conventions (« contrats de service »), détaillant les obligations et objectifs de chacun. Ces conventions reposent essentiellement sur la bonne volonté de toutes les parties ; elles n’ont de portée juridique réelle que dans les cas, encore rares, où le soutien est assuré par un prestataire privé.

La visite de la BdD de Brest a par ailleurs illustré le décalage qui peut exister entre le volontarisme entourant les restructurations, qui se retrouve dans le dynamisme des responsables locaux, et une certaine difficulté à préciser dans les temps le cadre juridique nécessaire à ces opérations. Depuis le début de 2010, la BdD de Brest est ainsi dotée de son centre ministériel de gestion (CMG) qui permet de mutualiser la gestion des ressources humaines civiles. Pour autant, les supports réglementaires n’ont toujours pas été publiés et ils ne devraient l’être qu’au printemps. Dans l’attente, le CMG de Brest ne fonctionne que par délégation de signature du commandant de base. Cette situation n’est pas satisfaisante et doit être réglée dans les meilleurs délais, sauf à entretenir une certaine insécurité juridique et un allongement des procédures.

— Dans les deux cas, des outils de suivi et de mesure de la performance des GSBdD ont été créés, notamment pour s’assurer que la réforme ne portait pas atteinte à la qualité du service rendu aux unités. Dans ce cadre, des contrats sont signés entre la BdD et les unités soutenues. À Creil, le GSBdD est par exemple en charge de tous les marchés publics des formations soutenues. À Brest, le GSBdD a repris à son compte tous les engagements de service du commissariat de la Marine et s’est engagé dans une démarche de certification ISO 9001 pour certains services (blanchisserie, atelier restauration…). Dans les deux cas, cela se traduit par des rencontres régulières avec les « clients » du GSBdD.

b) L’agrégation des résultats

Interrogés, les responsables nationaux ont fait état de leur incapacité à agréger les données remontant des différentes bases de défense. Outre les différences habituelles de périmètre et de référentiels notamment dans la comptabilisation des effectifs, le COMIAS se heurte à la diversité des situations et des schémas. Il a été en effet décidé d’expérimenter plusieurs scenarii, ouvrant au maximum le champ des possibilités pour ensuite définir un modèle plus global en tirant parti des bonnes pratiques de chaque scenario.

Si les rapporteurs entendent cette contrainte, ils s’interrogent sur ses potentielles conséquences. Si le COMIAS ne peut pas apprécier comptablement et budgétairement les conséquences, positives ou non, de la création des BdD, comment peut-il recommander, ou non, au ministre d’étendre le schéma ? Si les informations sont fragmentées, comment s’assurer que le niveau d’économies réalisées est conforme aux hypothèses initiales ?

3. L’évolution du concept en 2010

Compte tenu du retour d’expérience, le ministre a décidé d’étendre l’expérimentation avec la création à compter du 1er janvier 2010, de sept nouvelles bases de défense, l’ensemble des bases prenant désormais l’appellation de bases de défense pilotes (BdDp). Dans le même temps, le ministère testera la mise en place d’un échelon intermédiaire entre les BdDp et les structures centrales.

Les retours d’expérience ont par ailleurs montré que le cadre réglementaire n’est pas adapté aux nouveaux besoins. Le ministère a donc engagé un important travail de recensement exhaustif, puis d’actualisation, des textes liés au fonctionnement en base de défense. Cette évolution devrait être facilitée par la fusion des commissariats des armées dans un seul service à vocation interarmées.

B.  LE SUIVI DE LA MISE EN œUVRE DES BASES DE DÉFENSE

La question du suivi a déjà fait l’objet de plusieurs interventions des rapporteurs, que ce soit dans le premier tome de leur rapport ou à l’occasion de communications devant la commission. Malgré leurs demandes réitérées, le ministère semble toutefois rencontrer des difficultés à transmettre des données consolidées sur ce sujet.

1. Une préoccupation permanente

Les rapporteurs ont adressé, le 16 septembre 2099, à la direction des affaires financières un questionnaire lui demandant communication des premiers retours financiers sur les bases de défense expérimentales. Ils ont en outre écrit au ministre de la défense le 29 septembre pour disposer des mêmes éléments et d’une analyse globale sur les bases de défense. La direction des affaires financières a renvoyé les rapporteurs à la réponse du ministre, rappelant simplement le calendrier du retour d’expérience.

Dans la lettre adressée le 12 octobre aux rapporteurs, le directeur adjoint du cabinet du ministre indique que « les économies attendues de la réforme du ministère sont bien au rendez-vous », mais qu’il est « impossible pour le moment d’isoler et de chiffrer la part de ces économies qui revient aux seules bases de défense expérimentales puisque les réductions d’effectifs obtenues grâce à cette action sont ventilées dans les projets fonctionnels relevant du soutien ».

Au-delà de ces données, le courrier ne propose aucune donnée précise : la « viabilité » du modèle a été démontrée par le retour d’expérience, mais sans que les rapporteurs sachent selon quelle méthode et à partir de quelles informations. De même, il est fait état des économies générées par la mutualisation et du fait que l’expérimentation « est porteuse de progrès », mais sans que soit apportée la moindre indication chiffrée.

Lors de leur communication du 13 octobre dernier, les rapporteurs se sont vivement étonnés que le ministère ait décidé « d’accélérer le calendrier de déploiement des bases de défense sur la base […] des premiers retours d’expérimentation » et des difficultés de cohabitation entre « l’ancienne et la nouvelle organisation ». Faute d’éléments, ils ne peuvent pas savoir si cette décision est pertinente. Ils sont contraints de s’en remettre totalement à la communication officielle du ministère sans jamais pouvoir l’analyser objectivement.

Au-delà des appréciations finales, parfois divergentes que les rapporteurs peuvent porter sur la mise en œuvre de la réforme, ils ne peuvent se satisfaire de l’absence de données précises qui rendent impossible tout travail d’analyse. Lors de leurs visites des bases de défense, ils ont interrogé aussi bien les responsables locaux que les responsables nationaux présents sur ces thèmes. Tous ont souligné qu’il est très difficile de disposer d’un document unique de synthèse, ne serait-ce que parce qu’il n’existe aucun système de suivi commun à tous les services.

2. Des doutes persistants

Leurs visites des sites ne fait que confirmer leur première impression. Comme le montre le document ci-après, la directive pour l’expérimentation des bases de défense pilote 2010 établit un processus de pilotage reposant seulement sur « l’état (vert, orange, rouge) des indicateurs de la BdDp ».

Pilotage des BdDp en 2010

Source : directive pour l’expérimentation des bases de défense pilote 2010, p. 29.

La directive fait toutefois état de l’importance du suivi financier et humain, mettant l’accent sur la généralisation de CHORUS. Ce nouveau système devrait être généralisé en 2010, à condition d’une part que tous les sites soient dotés des outils informatiques adéquats et d’autre part que les agents soient formés à son utilisation. Cette évolution primordiale souligne l’importance des systèmes d’information dans la réussite de la réforme.

C. L’ENJEU DES SYSTÈMES D’INFORMATION

Lors de leurs visites dans les bases de défense, les rapporteurs ont été frappés de constater que chaque organisme du ministère dispose d’un système d’informatique spécifique pour ses ressources humaines. Ces systèmes ne sont d’ailleurs pas compatibles entre eux ni avec le nouveau système comptable CHORUS. Certaines entités du ministère ont même fait le choix de maintenir un volumineux dossier papier et de ne saisir qu’une partie des données. De ce fait, les gestionnaires des ressources humaines sont contraints d’utiliser plusieurs systèmes et donc d’avoir des personnels spécifiquement formés. Concrètement, les GSBdD étant désormais en charge de l’ensemble des fonctions de soutien, ils doivent intégrer au moins un représentant de chaque entité habitué à utiliser le système de son service, en attendant de former tous les personnels à tous les systèmes. Cette difficulté pourrait être temporaire si tous les systèmes étaient rapidement fusionnés dans un système central unique.

Selon les informations dont disposent les rapporteurs, il semble que la création de ce système d’information pour les ressources humaines (SIRH) ne soit pas encore définitivement validée. Le ministère devra en outre faire appel à un prestataire extérieur, seul à même de répondre à un pareil défi technologique et administratif. Une fois le système conçu, il faudra ensuite transférer les données, ce qui risque de s’avérer difficile voire impossible, les systèmes n’étant pas compatibles. Cela imposera donc de saisir à nouveau les informations et d’accepter que cohabitent plusieurs systèmes tant que ce travail n’aura pas été fait. Enfin, tous les personnels devront être formés avant que le SIRH ne soit pleinement opérationnel.

Cet aspect de la réforme, certes éloigné des enjeux opérationnels immédiatement visibles, semble avoir été totalement sous-estimé alors même qu’il est indispensable à son suivi et à son pilotage. Les rapporteurs recommandent donc que les travaux de conception et de mise en service de ce SIRH soient lancés dans les meilleurs délais, sans pour autant céder à la précipitation.

Le SIRH doit en effet être parfaitement coordonné avec le nouveau système d’information comptable CHORUS. Sa mise en œuvre apparaît elle aussi particulièrement délicate et risque de générer de grandes difficultés. Les retards déjà constatés dans le paiement des IDV montrent à quel point la question comptable peut peser sur la réforme.

II. —  LES EXTERNALISATIONS

Dans le schéma initial présenté par le ministre de la défense, la réforme ne comprend pas de mesures d’externalisation. La RGPP a fait des recommandations en ce sens, mais elles n’ont pas été intégrées au Livre blanc étant donné qu’elles ne concernent pas directement l’amélioration des fonctions opérationnelles même si elles peuvent participer à la rationalisation d’ensemble du dispositif de soutien.

Il convient de procéder dans un premier temps à un meilleur partage des fonctions entre l’opérationnel et le soutien avant d’envisager de confier certaines d’entre elles à des prestataires privés. Pourtant, lors de leurs déplacements, les rapporteurs ont constaté qu’existent de très nombreux projets d’externalisation et qu’ils sont la plupart du temps intimement liés à la mise en œuvre de la réforme.

Ces décisions doivent être examinées avec d’autant plus d’attention qu’elles risquent de concerner un nombre très conséquent de personnels, le chiffre de 16 000 personnels étant souvent évoqué.

Par ailleurs, le ministère a d’ores et déjà engagé un certain nombre d’externalisations. Il importe d’en dresser un bilan avant de poursuivre, ou non, dans cette voie.

Avant de porter une quelconque appréciation sur ce dispositif, les rapporteurs ont souhaité établir un bilan des externalisations déjà engagées par le ministère. Ils ont ensuite examiné les projets actuellement à l’étude à l’aune des préconisations de la RGPP. Ils se sont également intéressés à l’articulation existant entre ces mesures et la réforme au sens strict.

A. LE BILAN DES EXTERNALISATIONS DÉJÀ ENGAGÉES

1. Les externalisations de la défense

Les externalisations au sein du ministère de la défense s’articulent autour de deux périodes distinctes : de 2002 à 2005, les externalisations ont été engagées dans le cadre de la professionnalisation des armées ; depuis 2006, elles ont été intégrées à une stratégie ministérielle de réforme puis à la mise en œuvre de la RGPP. Cette deuxième phase est la plus importante puisque les dépenses d’externalisation sont passées de 963 millions d’euros en 2006 à 1,695 milliard d’euros en 2008, soit une hausse de 76 %. Selon le ministère, cette hausse s’explique essentiellement par une « extension du périmètre […] au maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques, et aux dépenses OPEX » ainsi qu’à un « recours plus élargi à l’externalisation » (39). Le graphique suivant présente l’évolution des dépenses d’externalisation de 2004 à 2008.

Évolution des dépenses d’externalisation entre 2004 et 2008

en millions d’euros

Source : ministère de la défense.

À compter de 2007, les dépenses de MCO et les OPEX ont été intégrées aux dépenses d’externalisation. Cette décision se traduit par une hausse très sensible des dépenses de maintenance qui passent de 236 millions d’euros en 2006 à 683 millions d’euros en 2007 et à 798 millions d’euros en 2008. Les augmentations liées à un recours accru à l’externalisation n’ont pour leur part progressé que de 5,9 % entre 2007 et 2008.

Parmi l’ensemble des opérations, le ministère de la défense en isole quatre en raison de leur ampleur et de leur visibilité. Le tableau suivant synthétise les éléments constitutifs de ces projets et rappellent leurs objectifs et leurs calendriers.

Présentation des quatre principaux projets d’externalisation engagés depuis 2003

projet

calendrier

montant du contrat

durée du contrat

évolution depuis la signature

lancement étude

étapes

marché notifié le

externalisation de la maintenance des avions Epsilon de la base-école de Cognac

en 2004 pour une durée d’un an

lancement de la procédure en septembre 2004

dialogue compétitif de mars à octobre 2005

19 avril 2006

144 millions d’euros (euros 2009) sur la période 2006-2015

tranche ferme de 5 ans
5 tranches optionnelles d’un an

pas d’évolution

externalisation de la restauration de l’îlot Saint Germain

début 2005 pour une durée d’un an

procédure adaptée lancée en janvier 2005

lancement de la procédure en octobre 2005

27 mars 2006

3,5 millions d’euros par an (euros 2006)

5 ans avec tranche ferme de 7 mois, 4 tranches optionnelles de 12 mois et une tranche optionnelle de 5 mois

pas d’évolution

location d’une flotte de véhicules de service et prestation d’entretien liées

en 2003 pour une durée d’un an et demi

dialogue compétitif de janvier à décembre 2005

lancement de la procédure en avril 2006

11 décembre 2006

60 millions d’euros par an pour la part forfaitaire
5,2 millions d’euros par an pour la part hors forfait
(euros 2006)

7 ans et 7 mois

réduction du parc de 22120 à 19505 véhicules

location de deux avions A340 sans équipage et maintenance associée (TLRA)

en 2003 pour une durée d’un an

lancement de la procédure en février 2004

négociation d’octobre 2004 à mai 2005

22 juillet 2005

200 millions d’euros pour 2005-2014 hors option d’achat des deux avions

tranche ferme de 5 ans

pas d’évolution

Source : ministère de la défense.

2. Les premiers bilans

a) Le bilan humain

Le tableau suivant rappelle le nombre de personnels civils déjà concernés par une externalisation depuis 2004.

Personnels civils touchés par des mesures d’externalisation depuis 2004

unité ou établissement

période

civils concernés

fonctionnaire

agent non titulaire

ouvrier de l’État

total

cercle St Dominique de l’îlot Saint Germain

2005-2008

27

7

12

46

cercle De Croy (Versailles)

2005-2008

0

5

7

12

centre de formation d’Île-de-France

2005-2006

1

3

4

8

cercle de garnison (Marseille)

2006-2007

26

1

8

35

établissement logistique du commissariat (ELCA)

2005-2006

NC

NC

NC

7

détachement Air 273 (Romorantin)

2005-2007

1

0

10

11

centres automobiles

2007-2008

138

0

827

965

total

193

16

868

1077

source : ministère de la défense.

Les rapporteurs ne disposent pas de données agrégées pour les personnels militaires touchés par des externalisations.

b) Le bilan des quatre projets principaux

— Pour les avions TLRA, l’externalisation est sans effet sur les effectifs puisque le contrat ne porte que sur la mise à disposition d’appareils et sur leur entretien. La disponibilité des appareils est supérieure à 92 %. Aucune dérive de prix n’a été constatée.

Concernant les avions de Cognac, l’externalisation a concerné 219 militaires : 28 d’entre eux ont rejoint l’entreprise titulaire du marché, 26 la société Socata du groupe EADS, 143 ont été mutés sur une autre base aérienne, 11 ont été mutés sur un autre poste au sein de la base de Cognac, 7 sous-officiers ont demandé leur mise en retraite et 4 militaires du rang n’ont pas renouvelé leur contrat. Sur le plan financier, un gain de l’ordre de 8 millions d’euros par an apparaît, soit environ 30 % de moins qu’en régie. La qualité du service est tout à fait positive, avec une disponibilité technique de la flotte en progrès pour les Epsilon et conforme aux attentes pour les Grob. En revanche, les départs des personnels vers le prestataire ont été moins nombreux que prévus et n’ont pas permis de réduire la masse salariale autant que le prévoyaient les travaux préparatoires.

Pour l’îlot Saint-Germain, la restauration est désormais assurée par 51 personnels quand le cercle employait 90 agents dont 52 civils. Le temps d’attente a été réduit et l’acoustique de la salle amélioré. Enfin le rapport qualité-prix semble apprécié avec un taux de satisfaction de 68 % pour le restaurant et de 58 % pour la cafétéria.

— L’externalisation des véhicules de la gamme commerciale est sans doute le projet le plus proche de ceux qui sont envisagés par la RGPP compte tenu du nombre de personnels concernés. Il a été estimé qu’en régie 3 280 agents, représentant 1 181 ETPT, étaient affectés au parc. Le ministère s’était engagé à reclasser 400 agents civils sur des emplois d’interface avec le prestataire et devait proposer à 100 personnes au plus l’application du dispositif d’accompagnement des restructurations. Fin 2009, 438 agents sont affectés à cette interface et 96 agents ont bénéficié d’une mesure de mobilité géographique ou d’une aide au départ.

Sur le plan financier, les dépenses sont conformes aux prévisions. Le cabinet d’expertise avait estimé le coût en régie à 91,7 millions d’euros annuels, ramené à 84,72 millions d’euros grâce à une actualisation des hypothèses sous-jacentes. Le gain réel doit être toutefois analysé avec prudence : la taille de la flotte a été significativement réduite depuis la signature du contrat, sans pour autant que le montant des dépenses soit modifié. En cinq ans, la flotte est en effet passée de 21 269 à 19 511 véhicules, soit une baisse de 9 %. Le ministère envisage par ailleurs de réduire encore la flotte d’un millier de véhicules en 2010, mais n’apporte aucune indication sur l’évolution des sommes versées au prestataire. Il se contente d’indiquer qu’une « clause incitative du marché prévoit […] une contribution [du] partenaire à la réduction continue des dépenses ». Le marché semble avoir été mal dimensionné et a fait apparaître les difficultés du ministère à assurer le suivi de son exécution. Le secrétaire général pour l’administration a d’ailleurs indiqué qu’il avait été nécessaire de constituer une structure suffisamment robuste pour prendre en charge ce marché ; en l’espèce il s’agit de la sous-direction du soutien des administrations parisiennes.

Si les taux de disponibilité et de satisfaction sont très bons, ils ne doivent pas masquer les difficultés réelles de pilotage de ce contrat. Alors qu’il s’agit d’un projet relativement simple dans son principe, les rapporteurs s’interrogent sur la capacité du ministère à suivre et à faire évoluer des projets complexes. Ils notent que cela demande une évolution conséquente des structures du ministère et une professionnalisation des agents avec l’émergence d’un pôle de contrôle de gestion. Cet enjeu du suivi est primordial, l’exemple britannique montrant que c’est généralement l’incapacité de l’administration à piloter l’exécution des contrats qui conduit à des dérapages financiers conséquents. Le National Audit Office (NAO) pointe ainsi du doigt l’absence de bases de données adéquates pour les partenariats publics-privés britanniques. Il note ainsi que « l’insuffisance des systèmes d’information risque d’empêcher le ministère d’obtenir le service dont il a besoin ou conduire les prestataires à augmenter leurs tarifs » (40). Il insiste également sur l’absolue nécessité de piloter les modifications durant la vie du contrat pour s’assurer que le gain financier ne diminue pas (41).

B. QUELS PROJETS POUR QUELS OBJECTIFS ?

1. Rappel des préconisations de la RGPP

Les travaux de la RGPP ont permis d’identifier une quinzaine de projets avec pour « objectif de transférer une activité en régie vers un opérateur privé, dans le cadre d’un contrat de prestation avec obligation de résultat, dans une logique de recentrage sur l’opérationnel (le coeur de métier) et d’efficacité économique » (42). Selon l’équipe d’audit, 16 000 postes au total pourraient être concernés par ces mesures, le ministère indiquant que ce « chiffre prévisionnel doit être apprécié avec prudence ». En effet, toutes les opérations ne doivent pas être comptabilisées de la même manière, le transfert de postes vers les comptes de commerce ne saurait être assimilé à une externalisation au sens strict. Par ailleurs, certains projets, comme le domaine bureautique, n’ont pas encore fait l’objet d’une estimation chiffrée des effectifs concernés alors qu’ils présentent un potentiel important de transfert de postes.

Dans le soutien, cinq domaines concentrent l’essentiel des suppressions envisageables : la restauration, l’hôtellerie et les loisirs (RHL) ; les infrastructures (travaux, exploitation, maintenance) ; la bureautique ; l’habillement et les tâches multiservices. Le tableau suivant récapitule les projets d’externalisation établis par la RGPP.

Domaines pouvant être externalisés identifiés par la RGPP

projet

date de mise en œuvre

effectifs potentiels (1)

commentaires du ministère de la défense sur la recommandation

RHL

2010

 

contractualisation en cours
concerne 204 militaires et 152 civils

RHL suite

2011-2014

8000

études en cours

infrastructures

2012-2016

2200

 

bureautique

2012-2014

non estimé

études en cours

armement

 

1250

 

MCO terrestre

 

1200

transfert au compte de commerce inclus par la RGPP

MCO aéronautique

en continu - projets multiples

750

transfert au compte de commerce inclus par la RGPP
études en cours

formation

 

838

relève d’autres projets

habillement

2012

400

études en cours

transport surface

 

396

externalisation non retenue à ce stade

protection

à partir de 2009

250

5 marchés notifiés en 2009
concernent exclusivement des personnels militaires

expérimentation de l’externalisation multitechnique à Creil

2010

 

contractualisation en cours

entraînement

en continu - projets multiples

39

 

SEA

2009

20

terminé

SSA

2009

10

terminé

(1) selon l’estimation de la RGPP

source : ministère de la défense.

2. La méthodologie du ministère

Le ministère a adopté une procédure spécifique pour les externalisations et les contrats de partenariat qui comprend cinq étapes principales :

- Une analyse préliminaire permet de fixer le périmètre et d’identifier les tâches externalisables. Ce travail est essentiellement qualitatif ; il vise à vérifier qu’il existe effectivement un prestataire privé à même de prendre en charge la mission concernée. Il permet également d’élaborer différents scenarii et de déterminer un projet de calendrier.

- Une analyse plus quantitative vient alors comparer le coût des différentes solutions avec une attention particulière à la gestion et à la valorisation des risques. Dans tous les cas, le fonctionnement en régie sert de point de référence. Cette étude préalable examine également les questions de fiscalisation du projet ainsi que l’actualisation, certains contrats ayant une durée de vie très longue.

- L’étude préalable est alors transmise pour validation à la mission d’appui à la réalisation des partenariats publics-privés (MAPPP) s’il s’agit d’un contrat de partenariat ou au comité de modernisation du ministère (C2M). Si l’avis est positif, le ministère lance alors la phase de contractualisation.

- Une fois les offres finales remises par les candidats, le service en charge du projet les compare avec les hypothèses de l’étude préalable. Cette étape est indispensable car elle permet de valider les hypothèses initiales. Si cette analyse fait apparaître que la régie reste le mode de gestion le moins coûteux, il appartient au ministère de renoncer à l’externalisation.

- Si la dernière comparaison confirme les hypothèses, le ministère signe le contrat. Il doit alors organiser le suivi de son exécution en créant, dans la majorité des cas, une équipe dédiée au projet. Le SGA a bien souligné que la décision finale revenait au seul ministre et que ce dernier n’entendait pas déléguer cette fonction.

Lors de son audition, le secrétaire général pour l’administration a indiqué que ce processus a été présenté aux organisations syndicales. Il a indiqué s’être engagé à communiquer aux représentants des personnels, pour chaque projet, les documents réalisés par le cabinet d’expert indépendant de sorte qu’ils puissent, le cas échéant, faire part de leurs observations avant que le ministre ne se prononce définitivement sur l’avenir du projet.

La compensation de la TVA

Dans son rapport d’information n° 3591 du 17 janvier 2007 portant sur les perspectives d’externalisation pour le ministère de la défense, M. Marc Francina soulignait bien l’incidence de la fiscalité sur les décisions d’externalisation. Lorsque le ministère de la défense réalise des prestations en régie, il acquitte la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les matériaux et équipements mais pas sur ses dépenses de personnels. En revanche, lorsqu’il souscrit un contrat pour externaliser une fonction, il acquitte la TVA sur l’ensemble de la prestation qui inclut donc les dépenses salariales du partenaire. De ce fait, même si la dépense salariale était strictement la même, la dépense budgétaire finale du ministère serait plus importante à cause de cette TVA supplémentaire. Cette réduction mécanique des économies engendrées par l’externalisation élève donc le seuil de rentabilité d’une telle opération, et peut conduire à écarter certains projets.

Pour neutraliser cet effet, le cabinet du Premier ministre a décidé qu’un mécanisme de compensation serait mis en place pour les dépenses de personnels militaires et des ouvriers de l’État. Le ministère de la défense bénéfice d’un remboursement de la TVA au taux de 5,5 % sur une assiette de charges de personnels (cotisations sociales et pensions incluses) correspondant aux suppressions de postes des militaires, des ouvriers de l’État et des personnels repris par le prestataire dans le cadre des contrats de partenariat et d’externalisation.

En outre, il a été décidé qu’un mécanisme de compensation pour les dépenses des personnels civils transférés chez le prestataire serait mis en œuvre si l’externalisation dès lors que au moins 50 personnels de l’État sont employés par le prestataire/

À ce titre, pour l’externalisation de la fonction restauration hôtellerie loisirs sur huit sites appartenant aux trois armées, le programme 178 bénéficie dans la loi de finances pour 2010 d’une mesure de périmètre augmentant sa dotation budgétaire de 0,8 millions d’euros en AE et en CP.

3. Les choix du ministère

Les rapporteurs ont demandé au ministère de leur fournir une liste des externalisations envisagées, ayant bien relevé que le ministère s’était refusé à intégrer « tels quels et en bloc dans la réforme » les propositions de la RGPP. Or la réponse à cette question se contente de renvoyer au tableau précédent, se contentant de préciser que « chaque projet d’externalisation devrait faire l’objet d’une étude préalable détaillée, notamment d’une analyse économique et sociale reposant sur une méthodologie robuste » (43).

Ces éléments peuvent apparaître sibyllins compte tenu des possibles conséquences des externalisations. Cette absence de ligne directrice totalement aboutie est d’autant plus que regrettable qu’elle risque d’entacher de partialité la moindre décision du ministre. Les organisations syndicales ont d’ailleurs le sentiment que les orientations sont définitives avant même que les conclusions des études préalables soient connues. De ce fait, on pourrait avoir le sentiment que ces mesures d’externalisation ne sont qu’un moyen détourné pour réduire plus encore les effectifs du ministère. Le périmètre de la réforme serait officieusement élargi avec un objectif de déflation désormais fixé à 70 000 postes. Si tel est le cas, le ministère doit assumer cette position et en rendre compte en toute transparence. Il ne saurait opérer en catimini, sauf à ce qu’il se défie de ses propres personnels et de tous les organismes de contrôle, qu’ils soient internes ou externes au ministère.

Il est d’ailleurs révélateur que des décisions locales d’externalisation interviennent sans que le processus précédemment décrit ne soit forcément respecté. La dépollution pyrotechnique du plateau des Capucins de Brest a ainsi été confiée à un prestataire extérieur pour un montant à déterminer mais dépassant probablement le million d’euros. Or, la décision d’externaliser s’appuie sur le diagnostic effectué par un prestataire extérieur (pour un coût de l’ordre de 300 000 euros) qui annonçait la présence de très nombreuses bombes d’aviation et d’obus de mortier. Or au final seuls trois obus auraient été effectivement découverts et détruits sur place, sans vérification par les services compétents de l’État. Il convient par ailleurs de souligner que la conduite de cette opération a nécessité l’évacuation de 10 000 personnes pendant tout un week-end ainsi celle de nombreuses personnes deux semaines durant. Cette situation est d’autant plus surprenante que les études menées par les services de l’État en 2003 soulignaient combien il est difficile d’interpréter certains échos ferro-magnétiques et que, partant, il était délicat d’estimer le nombre d’objets à découvrir et à neutraliser. Il importe donc que le ministère puisse justifier au mieux le choix de recourir à une expertise privée alors même que ce type d’activités entre parfaitement dans le champ de compétences de l’État. Il apparaît également qu’en l’espèce la dépollution n’a pas fait l’objet d’un contrôle ni pendant et après les opérations. Au-delà des enjeux financiers, cet exemple montre l’importance de la préservation de compétences techniques au sein du ministère.

En conséquence, M. Bernard Cazeneuve tient à marquer sa nette opposition à une telle politique qui vise à confier à des prestataires privés des compétences qui doivent rester dans le champ de l’État. Au-delà des aspects financiers, les économies générées par ces solutions n’étant d’ailleurs pas avérées, il considère que les externalisations détruisent des savoir-faire et risquent de placer l’État dans une position de dépendance totale vis-à-vis de ses partenaires.

M. François Cornut-Gentille ne marque aucune opposition de principe aux externalisations mais estime qu’elles doivent répondre à de strictes nécessités opérationnelles et générer effectivement des économies sur le long terme. Il se félicite à ce titre de la systématisation du recours à des cabinets indépendants et spécialisés pour que tous les acteurs disposent d’une analyse objective du projet.

C. LE TRANSFERT DES PERSONNELS AU CœUR DES PRÉOCCUPATIONS

Les externalisations ont un impact potentiel déterminant sur le statut et les perspectives de carrière des personnels. Les rapporteurs ont donc interrogé le ministère à la fois sur les conditions du transfert des personnels et sur les conditions d’application de la mise à disposition d’agents publics au sein d’entreprises privées.

1. Le reclassement des personnels

Contrairement aux salariés, les agents du ministère de la défense ne peuvent pas bénéficier des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail (44) qui impose au repreneur d’une activité de reprendre les contrats de travail en cours. Les agents publics ne sauraient être forcés à renoncer à leur contrat de droit public pour un contrat de droit privé. C’est donc la règle du volontariat qui prévaut. Comme l’a souligné le secrétaire général pour l’administration, la question du transfert des personnels est au cœur du dialogue compétitif : si le ministère doit effectivement payer une prestation extérieure mais qu’il ne peut pas réduire en même temps sa masse salariale car aucun de ses agents n’est reclassé au sein de l’entreprise titulaire du contrat, il augmente ses dépenses au lieu de les réduire. Il est toutefois impossible de faire de cet objectif de reclassement une clause contractuelle. En revanche, le ministère en fait une clause d’exécution du contrat.

Dans ce cadre, le ministère intervient en deux phases. Les candidats remettent leurs offres qui sont assises sur les estimations qu’ils font du coût salarial. Ils les accompagnent d’un descriptif de l’organisation qu’ils envisagent (taux d’encadrement, spécialités recherchées, ancienneté…). Une fois que le ministère dispose de cette grille, il est en mesure d’indiquer aux personnels les postes qui pourraient être ouverts dans chaque cas.

Les volontaires peuvent alors faire part de leur intérêt pour les différents postes. Ces données agrégées permettent de déterminer le nombre de personnels candidats à un reclassement dans chaque cas. Cette variable est alors intégrée pour la prise de décision. Il est à noter que cette procédure est sans aucune incidence sur le montant du prix formulé par les différents candidats. Il faut bien distinguer la facturation de la prestation des conditions de reclassement éventuel des agents. Les conditions de reclassement sont bien assises sur les estimations du prestataire et non sur le coût effectif des agents publics. Si d’aventure la rémunération offerte par l’entreprise est inférieure au salaire des agents reclassés, le ministère prend à sa charge la différence.

2. La mise à disposition des personnels

L’article 43 de la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (45) permet en effet que des agents du ministère de la défense soient mis à disposition d’organismes de droit privé lorsqu’ils se voient confier une activité du ministère. Cette disposition est indispensable pour le schéma précédemment décrit soit possible.

M. Bernard Cazeneuve condamne sans réserve cette possibilité, considérant qu’elle remet en cause le statut même des agents publics et qu’elle introduit une confusion regrettable entre les activités d’intérêt général et le domaine privé. Il note par ailleurs que cette possibilité a été créée sans même que la commission de la défense n’en ait été préalablement saisie et sans qu’un débat de fond ait pu être engagé sur ce sujet.

M. François Cornut-Gentille estime quant à lui que cette mesure est un gage de souplesse. Il relève toutefois qu’elle ne saurait être généralisée sauf à ce que l’État finisse par rémunérer des salariés d’entreprises privées.

Les deux rapporteurs s’interrogent sur l’efficacité économique du dispositif : si le ministère compense l’écart de salaire, d’où proviennent les économies étant entendu que le gain principal d’une externalisation tient à la réduction de la masse salariale ? Selon le ministère, les externalisations améliorent la productivité de l’ordre de 30 %, ce qui suffit à couvrir les surcoûts liés à la mise à disposition et les coûts temporaires de reclassement. Cette équation demande à être vérifiée très précisément. Les rapporteurs seront donc particulièrement attentifs à l’application de cette disposition dans la suite de leurs travaux.

CINQUIÈME PARTIE : LES FINANCEMENTS INNOVANTS

Parallèlement à la réorganisation des structures du ministère, la réforme prévoit un effort particulier sur les infrastructures et l’immobilier. Le projet de regroupement des administrations centrales du ministère sur le site parisien de Balard est emblématique de cette politique : rationaliser les structures pour gagner en efficacité et en réactivité. Cette opération doit être examinée avec beaucoup d’attention car elle peut remettre en cause l’équilibre économique général de la manœuvre ou bouleverser durablement son calendrier. Parallèlement, le ministère a décidé de céder un certain nombre d’emprises ainsi que l’usage de fréquences de ses satellites. Les gains tirés de ces ventes n’ont pas été intégrés au schéma directeur, mais ils constituent un élément majeur de souplesse et de sécurité. Or, pour le projet Balard, comme pour les recettes exceptionnelles, des interrogations de plus en plus fortes apparaissent.

I. —  LES RECETTES EXCEPTIONNELLES

L’article 3 de la loi de programmation militaire 2009-2014 (46) dispose que le ministère de la défense bénéficie de près de 3,7 milliards d’euros de recettes exceptionnelles « provenant notamment de cessions ». Le tableau ci-après présente l’évolution prévisionnelle de ces crédits.

Crédits exceptionnels prévus par la LPM 2009-2014

en milliards d’euros 2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

1,61

1,22

0,54

0,2

0,1

0

Source : article 3 de la LPM.

Les objectifs de la LPM n’ont pas été atteints en 2009, même si des mesures palliatives ont été mises en place en 2009 pour ne pas déstabiliser le schéma financier. Il convient toutefois de s’assurer que les ventes interviendront prochainement, ces financements complémentaires ne pouvant pas les remplacer sur le long terme.

A. DES RETARDS ACCUMULÉS

Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2010, le ministre de la défense a reconnu que les recettes exceptionnelles perçues en 2009 seraient inférieures aux prévisions. La vente d’emprises immobilières devait rapporter 972 millions d’euros et celle des fréquences 600 millions d’euros. Pour l’immobilier, seuls 400 millions d’euros ont été effectivement engrangés, mais ils proviennent en grande partie d’une renégociation du contrat de la SNI et non d’une vente effective. Cette situation n’est pas surprenante : il est effectivement difficile de procéder à des cessions dans un délai aussi court, sauf à vendre à un prix très inférieur au marché. Les rapporteurs de la LPM mettaient déjà en évidence « le caractère aléatoire » de ces opérations qui « s’inscrivent dans des calendriers contraints et s’adressent à des marchés spécifiques » (47). Le ministre de la défense a néanmoins considéré qu’il ne s’agit que d’un simple décalage temporel, soulignant que le ministère n’avait pas souffert de la situation puisqu’il avait pu utiliser des crédits de report et que la moindre inflation lui donnait des marges de manœuvre non prévues.

S’agissant des fréquences, le ministre a indiqué que « le processus, qui dépend du Premier ministre et de l’ARCEP, a pris du retard », les premières recettes ne venant pas avant 2010. Selon les informations transmises par le secrétariat général pour l’administration du ministère de la défense, l’ARCEP souhaite achever la cession de la quatrième licence 3G et de reliquats de bande 2,1 GHz avant d’entamer la procédure de cession des fréquences de la défense (2,6 MHz et 800MHz). Elle devrait publier prochainement les scenarii retenus pour lancer dès le deuxième semestre 2010 la consultation sur ces lots qui conditionnent le déploiement de la quatrième génération de téléphonie mobile. En fonction de ces choix, un premier produit de cession pourrait intervenir en fin d’année 2010, les autres produits intervenant au fil du déroulement de la procédure en 2011.

B. L’ABANDON DE LA SOCIÉTÉ DE PORTAGE

Pour s’assurer de la réalité des recettes exceptionnelles, le ministre de la défense a plusieurs fois évoqué la possibilité de recourir à une société de portage, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, qui verserait à l’État le produit de la vente par anticipation, charge à elle de réaliser a posteriori la vente des biens qui lui auront été transférés. Dès le départ, cette solution a été l’objet d’interrogations fortes. Le ministre du budget indiquait notamment que cette solution pourrait être écartée, « la Caisse des dépôts [étant] engagée dans de nombreux autres domaines et [disposant] de moins de marges de manœuvre avec la crise » (48).

Dans leur premier tome, les rapporteurs s’interrogeaient également sur la réalité de ce montage, cette mission ne semblant a priori relever du champ d’intervention de la Caisse. De même, il leur semblait présomptueux d’anticiper des ventes alors même que la crise a détérioré les conditions du marché.

Interrogé sur ce projet, le secrétaire général pour l’administration a reconnu qu’il serait extrêmement difficile de respecter les engagements pris pour 2010. Le Premier ministre a en effet considéré que le prix établi dans le cadre des discussions préparatoires à la constitution d’une société de portage, était trop éloigné de la valeur réelle des bâtiments. Il s’est donc opposé à ce que la Caisse des dépôts prenne à sa charge une pareille opération, le ministère de la défense devant procéder lui-même aux ventes d’emprise.

Cette décision a une double conséquence : elle accentue encore le retard pris dans le versement des recettes exceptionnelles, imposant au ministère de la défense de trouver des solutions alternatives pour couvrir ses besoins de trésorerie. Interrogé, le cabinet du ministre a indiqué que certaines emprises parisiennes pourraient être mises sur le marché dès 2010, dès que les négociations préalables avec la Ville de Paris auront abouties. Dans le même temps, le ministère devrait pouvoir mobiliser quelque 360 millions d’euros au titre des reports de crédits. Cet abondement ne couvre toutefois qu’une partie des 500 millions d’euros que le ministère devait obtenir pour les emprises parisiennes. Il faudra donc que la vente d’un site couvre l’écart, soit environ 140 millions d’euros. Si ces compléments n’étaient pas confirmés, le ministère devrait trouver des ressources sur ses propres crédits, l’obligeant à renoncer à certains projets. Cette solution doit impérativement être écartée compte tenu de ses possibles conséquences.

Sur le long terme, les rapporteurs s’interrogent sur la capacité du ministère à vendre effectivement ces emprises qui demandent souvent des opérations lourdes de rénovation avant de pouvoir être utilisées. Certains sites, notamment l’hôtel de la Marine, sont par ailleurs soumis à des contraintes spécifiques en termes de conservation du patrimoine. En matière de dépollution, l’adoption de dispositions permettant de confier à l’acquéreur la charge de ces opérations, sous le contrôle de l’État, devrait faciliter les ventes. La mission pour la réalisation des actifs immobiliers du ministère de la défense (MRAI) est particulièrement mobilisées sur ce dossier et veille à ce que tous les diagnostics soient établis dans les meilleurs délais. Selon les informations transmises aux rapporteurs, la dépollution ne constitue, à ce jour, un élément de blocage pour aucun site.

Au final, les rapporteurs ont le sentiment que les prévisions optimistes du ministère font peser de fortes incertitudes sur l’avenir de la réforme. La situation des recettes exceptionnelles est-elle révélatrice d’un risque global portant sur l’économie des restructurations ? Même si les autres prévisions sont confirmées, la disparition de ces ressources risque-t-elle de remettre en cause le schéma d’ensemble ? Il convient de stabiliser cette situation dans les meilleurs délais, la défense ne devant pas, une fois encore, servir de variable d’ajustement pour le budget de l’État. Il serait dangereux de lui demander de faire des efforts supplémentaires alors que justement elle s’est engagée dans un processus de rationalisation et de réduction de ses dépenses extrêmement ambitieux.

II. —  LE PROJET « BALARD »

Dans le cadre des travaux de la RGPP, le ministre de la défense a proposé au Président de la République de regrouper l’ensemble des services de l’administration centrale du ministère de la défense sur un site unique. Les états-majors et directions civiles occupent aujourd’hui plusieurs bâtiments parisiens, cette dispersion générant des frais liés à l’éloignement ou à l’impossibilité de regrouper les structures de soutien.

Le conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 a validé la proposition et a demandé qu’une étude examine la faisabilité du regroupement sur le site de Balard. Il a été précisé à cette occasion que ce transfert permettrait de procéder, dans le même temps, à une rationalisation des structures et à une diminution des effectifs, les administrations centrales participant également à l’effort global de baisse des effectifs du ministère.

Ce projet devrait permettre de « renforcer la cohésion et la gouvernance ministérielles par le regroupement géographique des organismes et des responsables qui y contribuent autour du ministre » (49), tout en améliorant les conditions de travail des personnels qui disposeraient alors d’installations modernes adaptés à leurs besoins. Le ministère souligne enfin que cette opération devrait assurer l’effectivité et la qualité de l’entretien du bâtiment, les services n’ayant plus à veiller à la maintenance d’une multitude d’emprises.

Avec ce regroupement, de nombreux sites parisiens prestigieux vont être libérés, qu’il s’agisse de l’îlot Saint Germain, de la Pépinière…  (50) Le ministre a clairement indiqué que ces bâtiments avaient vocation à être vendus d’ici à 2014, le produit de ces cessions devant participer à la revalorisation des crédits d’équipement de la défense (cf. supra).

A. LE CONTENU DU PROJET

L’avis d’appel public à la concurrence indique que le projet de Balard vise à la bonne gouvernance d’un ministère rénové, regroupé, gage d’efficacité opérationnelle, à la réussite architecturale et fonctionnelle, à la rationalité économique et financière ainsi qu’à l’optimisation des coûts grâce à la désignation d’un opérateur unique chargé de réaliser et de gérer le site.

Le site de Balard occupe une surface totale de 16,5 hectares, dont 8,5 ha sont actuellement occupés par la Cité de l’Air et les structures de la délégation générale pour l’armement. Le ministère prévoit de diviser le terrain en trois zones (cf. document annexe). La Cité de l’Air serait conservée et sa rénovation achevée. La partie la plus à l’Ouest du site (en jaune sur le plan), dite « corne Ouest », d’une superficie de 3 hectares, serait séparée des autres entités par la construction d’une voie routière suivant un axe Nord-Sud et serait confiée à des opérateurs privés pour une valorisation en immeubles de bureaux. La partie centrale serait quant à elle entièrement réhabilitée pour construire le cœur du nouveau ministère, étant entendu que les bâtiments construits par l’architecte Perret, et classés à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, seraient préservés (bâtiments en rouge sur le plan). Les autres bâtiments de la partie centrale (70 000 m2) seront détruits dans le courant de l’année 2010, cette opération étant à la charge de l’État pour un montant d’environ 20 millions d’euros.

L’étude menée par le contrôle général des armées a recommandé que le nouveau ministère ne regroupe que les services les plus centraux et qui ont besoin d’un accès direct et permanent au ministre, c’est-à-dire ceux qui dépendent du chef d’état-major des armées, des chefs des états-majors, du délégué général pour l’armement et du secrétaire général pour l’administration. Au total, moins de 10 000 personnels devraient travailler sur le site.

Le projet n’est cependant pas figé, son périmètre ne devant être définitivement fixé qu’au terme du dialogue compétitif. La valorisation de la « corne Ouest » fait notamment l’objet de discussions, le ministère n’ayant pas encore décidé selon quelle forme cette parcelle sera transférée au privé (cf. infra).

B. LE CHOIX DU CONTRAT DE PARTENARIAT

1. Le cadre juridique

Les contrats de partenariat sont définis par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 dont l’article 1er dispose que « le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l’État […] confie à un tiers, pour une durée déterminée […] une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement ».

L’article 2 de l’ordonnance, modifié par la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat, dispose que la signature de tout contrat ne peut intervenir qu’après une évaluation préalable, « réalisée avec le concours de l’un des organismes experts créés par décret, faisant apparaître les motifs à caractère économique, financier, juridique et administratif qui conduisent la personne publique à engager la procédure de passation d’un tel contrat ». Il est précisé que l’organisme expert « élabore une méthodologie […] dans les conditions fixées par le ministre chargé de l’économie ». L’étude doit comporter une « analyse comparative de différentes options, notamment en termes de coût global hors taxes, de partage des risques et de performance, ainsi qu’au regard des préoccupations de développement durable ».

Aux termes du II de l’article 2, le contrat ne peut être conclu que si, « au regard de l’évaluation », la personne publique n’est pas en mesure de « définir seule et à l’avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet », compte tenu de sa complexité. Le contrat est également possible lorsque le projet présente « un caractère d’urgence » ou lorsque que le recours à un tel partenariat présente « un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d’autres contrats de la commande publique ».

Dans sa décision du 2 décembre 2004, le Conseil constitutionnel considère que la légalité « de la décision de lancer la procédure de passation d’un contrat de partenariat est soumise non seulement à la réalisation, dans les formes prescrites, de l’évaluation préalable, mais aussi […] à la condition que le projet envisagé corresponde effectivement à l’une des situations » (51) précédemment mentionnées.

2. Le respect de la procédure

Les rapporteurs ont procédé à de nombreuses auditions et ont adressé des questionnaires à toutes les parties prenantes afin de vérifier que l’ensemble des obligations légales pesant sur le ministère avaient effectivement été respectées.

a) La réalisation de l’étude préalable

Dans le cadre des travaux de réflexion sur la réforme du ministère, plusieurs travaux ont été menés pour envisager un regroupement des emprises parisiennes du ministère sur un site unique. Compte tenu des contraintes financières et de la complexité de l’opération, le ministère a rapidement estimé que le projet ne pouvait être réalisé en interne et qu’il lui fallait faire appel à des compétences extérieures. Le contrat de partenariat apparaissant adapté à ce type de besoin, le ministère a lancé en 2008 une étude préalable pour vérifier la faisabilité technique, juridique et financière de ce projet.

b) L’avis de l’organisme expert

Une fois réalisée, l’étude a été transmise à l’organise expert, en l’espèce la mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat (MAPPP) placée auprès du ministère de l’économie.

Le décret n° 2004-1551 du 30 décembre 2004 crée un organisme expert chargé de l’évaluation des partenariats de l’État au sein du ministère de la défense. Cet organisme est assisté d’un comité technique et d’un secrétariat placés auprès du secrétariat général pour l’administration. En application de l’arrêté du 3 juin 2005 relatif au fonctionnement de l’organisme expert, la direction des affaires financières assure le secrétariat dudit organisme (52) et organise les travaux du comité technique. Pour autant, « le flux d’opérations relativement faible du ministère et la nécessité de recentrer les compétences du ministère sur les travaux d’évaluation » (53) ont conduit à la dissolution de cet organisme en novembre 2008, la mission d’expertise étant désormais exclusivement confiée à MAPPP.

Créée par le décret du 19 octobre 2004 (54), la MAPPP a pour mission première de procéder à l’évaluation préalable à l’engagement de tout contrat de partenariat. En tant qu’organisme expert, elle assiste toute personne publique désireuse d’engager un projet de partenariat. En application de l’article 3 du décret, elle donne « également un avis sur les projets de contrats complexes et ceux comportant un financement innovant ».

Le président de la mission rappelle que cet avis n’est obligatoire que pour les projets d’État et qu’il n’a aucune force contraignante : « en théorie, même si cela n’a jamais été le cas [à la connaissance de la MAPPP], rien n’empêche une personne publique de continuer une procédure de passation alors même qu’un avis négatif aurait été rendu par la MAPPP » (55).

La MAPPP a rendu son avis le 13 février 2009, autorisant ainsi le ministère à continuer la procédure et à engager un dialogue compétitif.

3. L’opportunité du montage

a) L’accès aux documents d’évaluation

Au-delà de la vérification strictement procédurale, les rapporteurs ont souhaité s’assurer de la cohérence juridique et financière du projet. Ils ont pour cela demandé au ministère de la défense et à la MAPPP communication respectivement de l’étude préalable et de l’avis de l’organisme expert. Dans le premier cas, ils se sont heurtés à un refus, le ministre de la défense considérant que « la diffusion des chiffres figurant dans ce document très détaillé pourrait fragiliser la procédure [de dialogue compétitif] et conduire les candidats à ajuster systématiquement leurs offres sur les estimations servant de référence à l’État dans la conduite des échanges techniques et financiers » (56). Cette position a été confirmée par la MAPPP qui s’appuie sur l’avis de la commission d’accès aux documents administratifs du 11 mai 2006 (57), rappelant que l’étude préalable d’un contrat de partenariat est communicable « dès la signature du contrat en cause ». Dès lors, le dialogue compétitif étant en cours, il est impossible de connaître les éléments de cette étude préalable.

Même si les arguments avancés par le ministère sont réels, les rapporteurs ne peuvent que s’étonner de cette position, nombre de collectivités territoriales ayant fait un choix contraire en publiant tout ou partie d’études similaires. En tout état de cause, il appartiendra au Gouvernement de communiquer ces éléments au Parlement dès la clôture du dialogue compétitif de façon à ce qu’il puisse se prononcer en toute connaissance de cause au moment du vote des autorisations d’engagement nécessaires au lancement de ce programme. Il n’en reste pas moins que la nature juridique de cette évaluation préalable doit être précisée, les rapporteurs ayant le sentiment qu’en l’espèce l’argumentation du ministère tient plus de la décision d’opportunité que de la solution juridique, le ministère ne s’appuyant d’ailleurs sur aucune référence juridique pour justifier sa décision. Il est bien entendu que la communication de l’étude préalable aux rapporteurs doit s’entourer des précautions d’usage pour préserver l’équilibre des négociations. Dès lors, le ministère pourrait transmettre ces documents en masquant toutes les indications chiffrées ; en effet en l’espèce, la dimension comparative constitue le cœur de l’analyse plus que les masses financières en jeu.

En ce qui concerne l’avis de la MAPPP, son président en a communiqué les éléments aux rapporteurs tout en attirant leur attention sur « la nécessité de respecter la confidentialité sur les estimées chiffrées relatives au coût prévisionnel pendant la procédure de passation du contrat ». Soucieux de respecter l’équilibre de la négociation, les rapporteurs ne feront donc état d’aucune donnée chiffrée, se contentant d’informations relatives comparant les différentes solutions possibles.

b) Une opportunité juridique démontrée

Dans la première partie de son avis, la MAPPP vérifie que le dossier présenté par le ministère de la défense entre effectivement dans le champ des contrats de partenariat au sens de l’ordonnance de 2004. Le ministère a retenu le critère de la complexité, estimant être effectivement « dans l’impossibilité objective de définir les moyens aptes à satisfaire [pareil besoin] » (58). Le projet présente effectivement des difficultés techniques et fonctionnelles liées à la diversité des prestations immobilières (démolition, construction, réhabilitation…), à la diversité des prestations externalisées, allant de l’entretien d’une crèche à la restauration en passant par la téléphonie, ainsi qu’à la spécificité « défense » qui exige la prise en compte d’impératifs de sécurité. Par ailleurs le ministère a décidé d’inscrire ce projet dans une démarche de haute qualité environnementale (HQE). Il convient enfin de préciser que l’aménagement de la « corne Ouest » doit faire l’objet de mesures spécifiques, le ministère ne souhaitant pas conserver cette zone pour son usage propre.

La MAPPP relève dans un second temps que le projet présente un degré avéré de complexité juridique et financière, car « l’importance et la diversité des prestations […] accroît la complexité des interfaces juridiques et particulièrement du partage des risques entre public et privé » (59).

Au final, la mission estime que le caractère de complexité est « fortement étayé ». Elle ajoute que le ministère aurait également pu se prévaloir du critère dit du bilan, l’analyse comparative contenue dans la suite de l’étude préalable démontrant « en effet que le recours au contrat de partenariat présente un bilan favorable » (60).

c) Les enjeux financiers

Le ministère de la défense estime que le projet bénéficiera de « conditions économiques plus favorables obtenues par des investisseurs privés en contrats de sous-traitance, notamment en raison de la souplesse contractuelle dont ils disposent ». Il relève par ailleurs que l’intégration de la conception et de la réalisation des immeubles « permet de dégager une économie significative, en délais et en coûts ». L’externalisation des services, notamment de la restauration, permet enfin « d’envisager une économie encore plus substantielle, déjà mesurée par comparaison entre les coûts de fonctionnement de la restauration externalisée sur le site de l’îlot Saint Germain et la restauration en régie sur le site actuel de Balard ».

Ces éléments ont été examinés par la MAPPP afin de vérifier la méthode employée et de s’assurer que les conclusions sont cohérentes. L’analyse comparative porte sur deux schémas : un marché de conception-réalisation-maintenance (CRM), relevant de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (61), et un contrat de partenariat au sens de l’ordonnance de 2004. Ont été écartées la délégation de service public et la location avec option d’achat assortie d’autorisations d’occupation temporaire du domaine de l’État (AOT/LOA), ces deux schémas ne permettant de répondre au cahier des charges précédemment détaillé. Le recours à une maîtrise d’ouvrage publique n’a pas été non plus retenu, cette solution reportant de fait sur le ministère une grande partie des risques alors même qu’il ne dispose pas des structures à même de les piloter. Cela risquerait aussi d’accroître significativement les délais compte tenu de la multiplicité des procédures à engager.

Afin de ne pas nuire aux discussions actuellement en cours, les rapporteurs ne communiqueront aucune donnée chiffrée. Ils ont cependant pu examiner avec attention les données transmises. Il ressort de cette analyse que le contrat de partenariat est effectivement financièrement plus intéressant pour l’État qu’un CRM à condition :

- d’intégrer dans le raisonnement financier le coût des risques ;

- de vérifier que le contrat de partenariat permet effectivement d’optimiser la gestion du projet en globalisant les prestations.

Au final, la MAPPP estime que même si le coût financier du projet en CP pâtit de « la période durant laquelle l’évaluation a été réalisée et à l’absence de prise en compte des mesures d’accompagnement prévues dans le cadre du plan de relance », le choix d’un « champ très étendu pour les prestations de maintenance et d’exploitation s’avère très favorable à ce schéma » (62).

Cet avantage résulte de l’application « d’un “coefficient d’optimisation” propre au schéma contrat de partenariat […] et surtout de la valorisation des risques ». Au final, elle juge le schéma contrat de partenariat d’une « grande robustesse » pour la maintenance et l’exploitation, moindre mais suffisante pour la partie conception-réalisation ». Elle note enfin que « les effets du phasage sous forme d’options sont favorables au schéma contrat de partenariat même si le rapport n’en fait pas explicitement la démonstration » (63).

Pour la MAPPP et le ministère de la défense, l’opportunité juridique et financière du projet semble donc avérée. Les rapporteurs prennent acte de cette position qu’ils jugent solide et étayée. Il n’en reste pas moins qu’il convient désormais de répondre à certaines interrogations avant de procéder à la signature définitive du contrat.

C. LES QUESTIONS À RÉGLER AVANT LA SIGNATURE DU CONTRAT

1. Le suivi du contrat et de ses risques

a) L’évaluation du contrat

L’avis de la MAPP « se limite au choix de la procédure la plus adaptée pour la réalisation du projet » ; il convient dès lors de « vérifier tout au long de la procédure, à l’issue du dialogue compétitif et avant la signature du contrat, que les avantages attendus […] ont bien été obtenus ». Les rapporteurs adhèrent totalement à cette observation, ce qui suppose de mettre en place un mécanisme complet d’évaluation de l’offre finale, notamment au regard des évaluations initiales et des options définitivement retenues. Si d’aventure il ressort que les prix demandés par les prestataires ne permettent pas de réaliser une économie, il faut que le ministère renonce à poursuivre ce projet.

Un tel choix est difficile car il arrêterait, au moins temporairement, un processus de longue haleine et imposerait de trouver des solutions alternatives si les bâtiments actuellement occupés par les services étaient déjà cédés à cette date. Par ailleurs, l’analyse économique finale ne saurait être une comparaison comptable stricte ; elle doit aussi vérifier la valorisation et la répartition des risques, ce qui est beaucoup plus délicat.

De façon générale, les rapporteurs considèrent qu’une étude externe au ministère doit pouvoir être réalisée en toute impartialité et objectivité. Le recours à un organisme comme la Cour des comptes pourrait être pertinent ; plus encore qu’un cabinet privé d’expertise. Les conclusions de cet audit pourraient ensuite être communiqués au Parlement, voire faire l’objet d’une discussion devant les commissions compétentes, le cas échéant à huis clos pour préserver la confidentialité des données. Si le contrat fait preuve de sa robustesse et apporte des réponses à toutes les questions, il sortira renforcé de ce contrôle. Le ministère pourra alors l’utiliser aussi bien dans ses relations avec le partenaire que dans ses discussions avec les autorités budgétaires.

b) Le suivi de long terme et la gestion des risques

La spécificité des contrats de partenariat impose à l’administration d’assurer un suivi particulièrement rigoureux de l’opération. Comme le souligne Claire Bazy-Malaurie, président de chambre et rapporteur général du comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, de tels contrats appellent « une professionnalisation de l’administration en termes de définition de ses besoins, grâce en particulier au programme fonctionnel, et de maîtrise de la négociation, surtout en cas de recours au dialogue compétitif ». Elle souligne également que la durée des contrats appelle une « présence permanente [de l’administration] durant toute la vie du contrat. La qualité des prestations, des ouvrages et des équipements [sont en effet] partie intégrante de la performance » du projet. Elle estime donc que c’est « l’économie générale du contrat et le partage des risques » qui sont « au cœur de la logique de ces contrats » et qui « rendent indispensable un suivi très complet tout long de leur vie » (64).

L’avis de la MAPPP met également l’accent sur cet enjeu, la mission rappelant que c’est justement la valorisation des risques qui fait « basculer la comparaison en faveur » du contrat de partenariat.

Pour assurer la gestion des risques et le suivi de long terme du contrat, le ministère de la défense va devoir se doter de structures techniquement compétentes pour vérifier d’une part la qualité des services réalisées, ce qui suppose une expertise qui dépasse le seul cadre immobilier puisque le contrat intègre des prestations de services très diverses, et d’autre part le respect des clauses contractuelles, ce qui suppose une expertise juridique approfondie. Une réflexion doit donc être engagée dès maintenant pour déterminer quelle sera la structure administrative la plus à même d’assurer ses missions et comment elle s’intégrera à l’organisation actuelle du ministère. Cette mission relève-t-elle du secrétaire général pour l’administration, de la direction interarmées du soutien ou d’une cellule spécifique directement rattachée au ministre ? Il faut en effet que la cellule ait l’autorité nécessaire pour faire face au prestataire mais aussi aux différents services du ministère utilisateurs du site.

Comme le représentant de la Caisse des dépôts et consignations lors de son audition, le prestataire devra également assurer un service sur un long terme, ce qui implique de disposer d’une structure solide résistant à d’éventuels renversements de conjoncture. Même si la participation de la Caisse est de nature à prémunir le ministère contre toute prise de contrôle ou toute défaillance du prestataire privé, il faudra que la cellule chargé du suivi veille aussi à cette question, ce qui demande cette fois des compétences économiques et financières abouties. Elle pourra certes s’appuyer sur les services compétents du ministère de la défense et du ministère de l’économie, mais elle devra toujours opérer en son sein une synthèse et maintenir un niveau minimal de suivi.

Cette question de la répartition des risques a par ailleurs des répercussions en matière comptable. La nouvelle comptabilité de l’État impose en effet de valoriser cette opération de façon sincère et exacte. Dès lors, comment valoriser sur le plan comptable ce contrat de partenariat et notamment les risques qui y sont liés ? Faut-il par exemple intégrer une provision pour risques ? Faut-il simplement faire apparaître l’engagement de l’État à verser pendant trente ans un loyer ?

2. Le coût financier et les loyers

Interrogée sur la justification financière du projet, la direction des affaires financières du ministère de la défense (DAF) répond que « sur trente ans, l’économie potentielle est significative, le coût estimé du loyer à verser dans le cadre du contrat de partenariat (investissement initial et fonctionnement intégré) étant inférieur au cumul des coûts annuels actuels de fonctionnement et de loyers » (65). La comparaison est toutefois délicate d’une part parce que le contrat couvre des dépenses qui ne sont actuellement regroupées dans aucun agrégat et d’autre part parce qu’en l’état du dialogue compétitif, le montant final du loyer que le ministère devra payer n’est pas fixé. L’avis de la MAPPP et l’étude préalable comportent bien évidemment des indications chiffrées, mais elles restent des hypothèses de travail qu’il faut confronter aux clauses finales du contrat. Le ministère rappelle en effet que « ce n’est qu’à l’issue [du] processus avec la remise des offres finales en janvier 2011 que le coût de l’investissement initial pourra être réellement apprécié » (66).

Le contexte économique global renforce les interrogations notamment en ce qui concerne le coût financier de l’opération pour l’investisseur privé. Pour mener à bien le projet, il doit en effet emprunter de l’argent sur le marché à un taux plus élevé que le taux auquel l’État peut prétendre. Or il est difficile de déterminer aujourd’hui les modalités d’actualisation à trente ans, ce qui rend d’autant plus incertaines les estimations et renforce le risque de modification des conditions financières pendant la vie du contrat. La MAPPP souligne elle-même « le caractère aléatoire des taux retenus […] dans le contexte de crise », même si les estimations sont assises sur les retours d’expérience des premiers contrats de partenariat signés par la défense, ce qui « malgré des différences notables entre les […] projets, donne de la crédibilité à l’exercice » (67).

Au-delà de l’appréciation qui devra être portée sur le coût réel de l’opération, il conviendra de vérifier les modalités de financement du projet par l’État. Au final, il va dépenser le montant du loyer sur la durée du contrat, diminuée du délai de construction, auquel il convient d’ajouter les dépenses pour la rénovation déjà engagée des deux tours de grande hauteur et de quelques bâtiments de l’actuelle cité de l’air, pour les aménagements temporaires, pour les démolitions et pour l’assistance à la maîtrise d’ouvrage. C’est bien ce montant total qui devra être comparé, à périmètre égal et en intégrant toutes les variables, à ce qu’aurait coûté une opération réalisée dans un autre cadre juridique. Selon les informations communiquées aux rapporteurs, l’État devra en outre engager, sur ses fonds propres, environ 305 millions d’euros sur la période 2008-2016. Les rapporteurs ne disposent toutefois d’aucun élément sur l’origine de ces crédits.

En termes budgétaires, il appartiendra au ministère de la défense de préciser selon quelles modalités il entend retracer l’ensemble de ces opérations : seront-elles identifiées précisément ou seront-elles intégrées aux crédits d’infrastructures ou d’investissement ? De même, le monta nt total de l’opération fera-t-il l’objet d’une ouverture unique d’autorisations d’engagement ou seront-elles débloquées chaque année, ce qui serait alors contraire au principe même des autorisations d’engagement permettant de retracer un engagement pluriannuel de dépenses ?

3. L’articulation avec la vente des emprises parisiennes

Même si la vente des emprises parisiennes n’est pas financièrement liée au projet de regroupement sur le site de Balard, les deux opérations ne sauraient être séparées dans la mesure où elles concernent toutes deux les conditions d’hébergement des services centraux du ministère.

Lors de l’examen de la loi de programmation militaire, tout comme lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, le ministre de la défense a souligné que la vente des emprises parisiennes débuterait immédiatement bien que les bâtiments ne soient effectivement libérés qu’en 2014. Indépendamment de toute considération budgétaire ou financière, les rapporteurs observent que cette solution présente un risque majeur : si d’aventure le transfert prévu en 2014 est retardé, même pour quelques mois, le ministère de la défense sera contraint de louer les bâtiments non libérés. Comme il n’aura pas pu faire fonctionner la concurrence ni faire appel au marché sur ce besoin, il sera tenu par le tarif imposé par l’opérateur auquel aura été transféré le bâtiment. Ce risque apparaît très élevé même si, comme le souligne la MAPPP, le contrat de partenariat est sans doute la solution juridique apportant le plus de garanties en matière de calendrier. Pour autant, l’urgence n’étant pas avérée, pourquoi se séparer précipitamment de ces emprises, sauf à ce que le ministère ait un besoin immédiat et urgent de liquidités ?

EXAMEN EN COMMISSION

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le présent rapport d’information au cours de sa réunion du mercredi 7 avril 2010.

Un débat a suivi l’exposé des rapporteurs.

M. le président Guy Teissier. Vous avez évoqué les projets de ventes immobilières et de fréquences. Il me souvient que le ministre nous avait initialement assuré qu’une société de portage, filiale de la caisse des dépôts et consignations, garantirait la bonne exécution du volet immobilier. Il a ensuite été jugé qu’il ne fallait pas tout confier à une seule société mais mettre directement sur le marché une partie des actifs. Je constate qu’au final, le ministère est revenu au point de départ et que quasiment rien n’a été vendu. À votre connaissance, qu’en est-il du dispositif de portage ? Quelle est par ailleurs la situation pour les fréquences ?

M. Bernard Cazeneuve, rapporteur. Il faut bien distinguer les recettes exceptionnelles, qui participent de l’équilibre budgétaire de la loi de programmation militaire, de la réforme du ministère. Celle-ci tient fort heureusement sans l’apport des recettes exceptionnelles.

Dans le schéma adopté en programmation, 3,7 milliards d’euros étaient prévus au titre de ces ressources, se décomposant en 1,6 milliard d’euros au titre des cessions d’actifs immobiliers, le solde provenant de la cession de fréquences hertziennes qui n’a toujours pas été autorisée par l’ARCEP. Par ailleurs, même avec cet accord, rien n’indique que des acheteurs pourraient effectivement être intéressés au prix espéré par la défense.

En ce qui concerne les cessions immobilières, le ministre avait affirmé à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2010 faire preuve de constance pour avoir inscrit en 2010 un montant identique à celui attendu en 2009 mais qui n’avait pu être réalisé. À mon sens, les mêmes projections nous seront proposées pour le prochain exercice budgétaire, car cette année encore les recettes exceptionnelles seront absentes.

La société de portage évoquée par le ministre n’est plus d’actualité, le mécanisme n’ayant pas été jugé raisonnable par les différents acteurs du dossier. Le secrétaire général pour l’administration nous a confirmé cet abandon et a indiqué rechercher des solutions alternatives pour pallier ce manque. Le ministère va donc devoir, une fois encore, utiliser des reports de crédits pour couvrir ses besoins.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Je suis étonnée par l’impréparation qui entoure cette question des ressources exceptionnelles.

En ce qui concerne la cession de bandes de fréquences, on semble ne pas avoir bien anticipé les changements que cela induirait : on s’aperçoit aujourd’hui que certains matériels seront inadaptés et devront être changés, sans connaître réellement le nombre d’appareils concernés ni le montant réel de la dépense que cela va engendrer.

Il en va de même s’agissant de la vente de l’usufruit des satellites militaires. Les recettes étaient initialement attendues pour 2010 mais je constate que l’appel d’offre n’a pas encore été publié. Plus préoccupant encore, le ministère annonçait pouvoir les valoriser à hauteur de 600 millions d’euros alors que l’appel à candidature émis ne paraît tabler que sur 400 millions d’euros. Il semble qu’il y ait un décalage entre l’affichage des recettes anticipées et les prétentions du Gouvernement dès lors qu’il est confronté à la réalité du marché.

L’ensemble du processus me semble souffrir de beaucoup de précipitation et d’impréparation. Et la fuite des responsabilités entre le ministère de la défense et celui des finances nous conduit à nous demander qui assure la gouvernance de ces projets.

M. François Cornut-gentille. Il s’agit d’une réforme d’une très grande ampleur. De fait, le schéma initial avait nécessairement vocation à être ajusté en cours d’exécution. Tout ne pouvait pas être finalisé dès le départ.

La question est plutôt de savoir si le ministère de la défense s’est bien organisé pour faire face aux inévitables aléas. Je dois dire l’avoir trouvé plutôt réactif sur de nombreux aspects. Mais il est vrai que sur l’immobilier, sa réactivité aurait pu être meilleure. Faire reposer les cessions sur une société de portage semblait aléatoire depuis le début et sans doute était-il possible de s’en rendre compte en moins d’un an.

Mais je partage tout à fait vos interrogations sur ces dossiers qui nécessitent un pilotage rigoureux et minutieux.

Mme Patricia Adam. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le dérapage que vous avez constaté sur les dépenses d’infrastructures ?

Par ailleurs, je remarque que si la réforme tient de façon générale, le ressenti local n’est pas bon. Je constate une incompréhension vis-à-vis des dispositifs mis en place, notamment en ce qui concerne le soutien.

Ce mauvais ressenti est partagé par les élus. À Brest, près de 2 200 emplois doivent être supprimés, alors même qu’en 2008 le ministre nous affirmait que le site ne serait pas touché ou de façon très marginale. Or, cette déflation est très importante pour un bassin d’emploi de 200 000 habitants qui assure notamment des contrats de maintenance des bateaux.

Le manque de communication du ministère est problématique : le maire de Brest, pourtant concerné au premier chef, n’a été informé que grâce à nos collègues rapporteurs. Certes, le rôle de la défense n’est pas d’assurer l’aménagement du territoire, mais cette compétence relève bien de l’État. Les mesures d’accompagnement, en l’occurrence les plans locaux de redynamisation, ne sont pas suffisantes. Il est vrai que dans le cas de Toulon, Brest ou Cherbourg les suppressions de postes sont moins visibles car ce sont des bâtiments qui sont désarmés et non des casernes qui sont vidées. Mais, dans le cas de la Jeanne–d’Arc, ce sont par exemple 650 emplois qui sont menacés, sans parler des emplois indirects.

M. le président Guy Teissier. Il ne s’agit pas de suppression d’emplois à proprement parler dans la mesure où les personnels bénéficient de mesures d’encouragement au départ ou qu’ils ont vocation à être redéployés. Le phénomène n’est donc pas aussi brutal qu’en cas de licenciement.

M. Bernard Cazeneuve, rapporteur. Il me semble que la question de l’impact des déflations d’effectifs sur l’économie des bassins d’emplois est au cœur de notre mission de contrôle et d’évaluation. Nous avons d’ailleurs consacré une partie importante de notre rapport à l’accompagnement territorial de la réforme après avoir entendu les services du ministre chargé de l’aménagement du territoire, que nous avons notamment interrogés sur les modalités de mise en œuvre de l’article 34 de la loi de finances rectificative pour 2008 qui crée ces dispositifs d’accompagnement.

360 millions d’euros sont consacrés, au titre du FRED ou du FNADT, au financement des contrats de site et des plans locaux de redynamisation. Que l’unité soit déplacée ou supprimée, cela représente toujours une perte sèche à l’échelle du bassin d’emploi et cela affecte nécessairement son dynamisme économique.

De façon plus générale, nous voulons être le plus objectifs possibles pour identifier les éléments positifs, mais aussi les difficultés de la réforme. La question de la lisibilité est effectivement déterminante et je partage le sentiment de Patricia Adam. Sur le terrain, il est impossible de comprendre la cohérence d’annonces successives et parfois contradictoires. Comment dans ce contexte rassurer les personnels et les syndicats ? Comment permettre aux responsables locaux de mettre en œuvre ces mesures alors même qu’ils ne disposent pas de tous les éléments ?

Les exemples de Brest et de Cherbourg sont parlants : 18 mois après l’annonce du schéma d’ensemble, on apprend que plus de 2 000 emplois vont être supprimés à Brest qui devait justement être épargné. De même, alors que le président de la République annonçait lors du lancement du SNLE de nouvelle génération que Cherbourg ne serait pas concerné par la réforme, on apprend que 250 emplois disparaîtront.

L’opacité est donc réelle et elle est le fait de la dimension expérimentale de la réforme. La création des centres ministériels de gestion le montre bien : ils n’étaient pas prévus dans le modèle de départ et donc aucun travail préparatoire n’a été fait sur ce dossier. De ce fait, les responsables de ces centres ne disposent aujourd’hui d’aucun pouvoir faute de disposer des textes réglementaires adéquats. Le ministère reconnaît lui-même que parfois la réforme va plus vite que l’évolution des textes !

En ce qui concerne l’équilibre global, j’observe qu’il n’est tenu que grâce aux réductions d’effectifs réalisées en 2008. Cette « surdéflation » n’a d’ailleurs pas permis de réduire la masse salariale mais simplement de la stabiliser. Les économies ne sont pas encore des économies comptables mais uniquement des non-dépenses supplémentaires.

Parallèlement, le ministère doit faire face à une hausse importante des coûts liés à la réforme, notamment en matière d’infrastructures. Nous nous sommes par exemple rendus à Vernon, à la demande de Franck Gilard et des organisations syndicales. Le laboratoire de la DGA qui est installé, et qui travaille essentiellement sur le guidage des missiles, doit être déplacé à Bruz près de Rennes. Le coût de cette délocalisation est passé de quatre millions d’euros initialement à 30 millions d’euros d’aujourd’hui, soit cinq fois plus. Ce changement devait en outre se faire sans détérioration de l’expertise. Or, seuls 35 % des personnels acceptent de partir à Bruz ; il faudra attendre 2017 pour reconstituer la capacité d’expertise ainsi perdue, et ce avec un effort considérable de la DGA dans l’intervalle. C’est encore un exemple criant du défaut de lisibilité et de cohérence de la réforme.

Je voudrais également attirer votre attention sur l’exemple du centre d’administration ministériel des indemnités de déplacement (CAMID) actuellement installé à Brest. Son déplacement à Lille a été évoqué avant que finalement son implantation ne soit confirmée, générant l’inquiétude de tous les personnels. La situation est identique pour l’ETAS d’Angers dont l’avenir a été incertain pendant de longs mois.

Ces cas particuliers sont révélateurs d’un problème de fond : la réforme est vécue comme opaque et incohérente par les personnels. Il faut certes préserver le cadre général, mais il faut maîtriser sa mise en œuvre locale et pratique pour gagner l’adhésion des personnels ; il y a encore beaucoup à faire en la matière.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur. Le dérapage des dépenses d’infrastructures s’explique par trois facteurs : certains investissements ont été sous évalués, d’autres n’ont pas été identifiés initialement et il y a enfin un effet d’aubaine qui conduit à intégrer dans le dispositif certains projets qui auraient dû en être exclus. Au final, le surcoût est de l’ordre de 9 à 10 % sur la période.

Sur le ressenti, je crois qu’il faut bien insister sur l’idée de processus. Tout n’a pas été établi dès le départ et toutes les conséquences locales n’ont pas été identifiées. Cela demande donc du doigté et des ajustements. Il est regrettable que des annonces soient faites alors que le dispositif final n’est pas encore validé, générant inquiétude et incompréhension. C’est notamment le cas à Brest. Pour ce qui est de l’accompagnement territorial, il n’est possible d’élaborer un contrat de redynamisation ou un plan local qu’une fois que le schéma local est stabilisé. J’ajoute que j’ai le sentiment que les services en charge de l’aménagement du territoire ont plutôt une attitude bienveillante et font preuve de souplesse pour répondre au mieux aux besoins des territoires.

M. Gilbert Le Bris. Depuis le 1er janvier 2010, les trois commissariats d’armée ont disparu au profit d’un service du commissariat des armées (SCA), directement rattaché, et je m’en félicite, au chef d’état-major des armées. Cette évolution n’implique cependant pas la disparition des différents corps des commissaires qui doivent être maintenus dans leurs spécificités, ne serait-ce que pour maintenir le lien avec les unités opérationnelles.

J’ai le sentiment que ce projet est pertinent et répond au besoin de rationalisation des structures, sans pour autant fragiliser la dimension opérationnelle des commissariats. Pour autant, certains pourraient être tentés d’aller plus loin en proposant la fusion des différents corps dans un seul statut des commissaires des armées. Cette solution serait aberrante car elle n’apporterait rien et désorganiserait totalement le nouveau SCA alors même qu’il est en train de se mettre en place. Ne vaudrait-il pas mieux stabiliser le dispositif avant d’envisager de nouveaux changements ? Disposez-vous d’éléments à ce sujet ?

Plus globalement, il me semble que plus la défense fait des efforts, plus on risque de lui en demander, avec, au final, de possibles conséquences sur l’opérationnel.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur. Je crois qu’il faut que la réforme soit appréhendée avec beaucoup de pragmatisme. La création du SCA est positive. S’il existe encore des sources d’économies potentielles, il ne faut pas hésiter à aller plus loin, mais à condition de préserver l’opérationnel et le cœur de métier. En l’espèce, j’ai le sentiment que CHORUS est un facteur particulièrement aggravant de la complexité pour le SCA. Sans doute serait-il pertinent d’attendre qu’il soit pleinement opérationnel avant d’envisager toute nouvelle évolution.

M. le président Guy Teissier. Il me semble effectivement qu’il ne faut pas aller trop vite ; les réformes doivent être bien intégrées avant d’en engager de nouvelles.

M. Bernard Cazeneuve, rapporteur. Je voudrais revenir sur deux éléments majeurs que François Cornut-Gentille n’a pas évoqués : les externalisations et les bases de défense.

La question des externalisations est décisive dans la mesure où la révision générale des politiques publiques considère qu’elles pourraient concerner 16 000 emplois en plus des 54 000 suppressions déjà prévues, ce qui porterait le total à 70 000 postes.

Le ministère a déjà expérimenté ce dispositif notamment pour la gamme commerciale de son parc automobile. Les retours d’expérience montrent que le ministère peine à maîtriser l’aspect contractuel dans la durée ; il a mis beaucoup de temps et a rencontré des difficultés pour mettre en place les outils de pilotage de ces contrats.

Je suis personnellement hostile à cette logique d’externalisation qui crée une confusion entre les sphères privées et publiques. Pour autant, si le Gouvernement s’engage sur cette voie, il doit impérativement, et préalablement à toute opération, définir précisément les domaines susceptibles d’être concernés, afin d’éviter que des compétences régaliennes ne soient externalisées. L’exemple de l’alimentation est révélateur : ce domaine peut être confié à un prestataire extérieur, mais, dans certains cas et notamment en opérations extérieures, ne vaut-il pas mieux s’appuyer sur des compétences internes ? Il faut aussi qu’une étude d’impact vérifie a priori que cette mesure est profitable, notamment par comparaison avec ce que coûterait la régie. Les organisations syndicales doivent enfin avoir accès à toutes ces données le plus en amont possible pour laisser la place au dialogue social et permettre la mise en place d’un accompagnement humain optimal.

J’en viens maintenant aux bases de défense, leur création devant permettre de rééquilibrer le ratio entre le soutien et l’opérationnel. C’est en effet le lieu de la mutualisation et de la rationalisation des structures de soutien. Dans ce domaine, plus que dans tout autre, la dimension expérimentale est majeure : contrairement à ce qui nous a été annoncé, le dispositif n’est nullement finalisé et doit encore beaucoup évoluer. La preuve en est que de 90 initialement annoncées, on est passé à 60 bases environ.

Cette baisse s’explique par le fait que les mutualisations doivent se faire à grande échelle pour générer effectivement des gains de productivité. Malheureusement, il nous est difficile de pousser plus avant cette analyse, le ministère n’étant pas en mesure de nous fournir des données agrégées en la matière, faute d’avoir réalisé ces mesures. Mais alors, comment vérifier que la création des bases de défense est source d’économies ?

Les bases de défense sont également le lieu où se concentrent les dépenses liées à la réforme notamment en matière d’infrastructures. La fermeture du 41e régiment de Senlis s’explique par exemple par la constitution de la base de défense de Creil. Mais avec la montée en puissance de cette dernière, il faut disposer de logements en nombre suffisant. De ce fait, non seulement on maintient le parc de logements de Senlis, mais on doit construire de nouveaux logements à Creil, ce qui représente un investissement de l’ordre de 8 millions d’euros. Cet exemple montre bien que les bases de défense créent d’abord des dépenses avant de générer des économies.

Tous ces éléments nous imposent d’être extrêmement vigilants afin de vérifier que les dépenses actuelles généreront bien sur le long terme des économies substantielles.

M. le président Guy Teissier. Je partage l’analyse de Bernard Cazeneuve pour les bases de défense. J’ai récemment rencontré des inspecteurs généraux des armées qui m’ont confirmé que ces bases ne doivent pas être sous-dimensionnées si l’on veut générer des économies d’échelle. À l’inverse, elles ne doivent pas reproduire les phénomènes d’inertie propres aux grandes structures. Il faut donc trouver un équilibre, ce qui explique que le dispositif ne soit pas encore totalement défini.

M. Michel Voisin. Ma question est liée à l’environnement des bases de défense. La base de défense expérimentale de la Valbonne va accueillir 1 051 personnels supplémentaires dans le courant de l’année 2010. Cela représente un changement important pour cette zone rurale, la plus ville la plus importante aux alentours ne comptant que 8 000 habitants. Les élus locaux rencontrent de très importantes difficultés pour accueillir ces familles, aussi bien termes de logement que d’infrastructures collectives au premier rang desquelles les écoles. Outre l’importance des investissements, se pose la question du temps car ils doivent réaliser ces opérations le plus vite possible. Comment cet enjeu est-il pris en compte dans les mesures d’accompagnement ?

M. Bernard Cazeneuve. Nous sommes généralement confrontés plutôt à des questions inverses, les territoires peinant à faire face à des suppressions de postes. Nous allons toutefois examiner cette question plus attentivement.

M. Michel Voisin. Il me semble effectivement que ce problème doit être mieux pris en compte, surtout lorsqu’il s’agit de communes rurales avec des moyens limités. Mais plus encore que les moyens, ce sont les délais qui sont aujourd’hui contraignants.

M. Jean-Claude Viollet. Vous avez insisté sur la dimension évolutive de la réforme ; elle ne réussira en effet que si le ministère réussit à s’inscrire dans une dynamique. Or je m’interroge sur sa capacité à créer un effet d’entraînement, pourtant indispensable. Je suis favorable à la réforme mais elle doit se faire avec les personnels et dans un climat de confiance. Nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer sur ce terrain.

On a créé des bases de défense qui reposent sur le principe de la mutualisation interarmées des soutiens. Toutes ne respectent pourtant pas ce concept et on s’étonne ensuite de ne pas avoir d’économie d’échelle. J’ai l’impression qu’on a simplement changé le nom mais conservé les structures existantes, sans que cela amène la moindre amélioration. En Charente, il devait y avoir deux bases de défense, une à Cognac et une à Angoulême. Finalement, c’est Rochefort, dans le département voisin, qui servirait de structure de base à la constitution d’une base de défense englobant Cognac, la situation d’Angoulême n’étant pas réglée. Je m’étonne de ce changement de position et de la faiblesse des justifications. Le fait qu’une école soit implantée à Rochefort suffit-il à contrebalancer l’importance opérationnelle de Cognac, où sont installés d’importants moyens aériens avec des contrôleurs, la plateforme de permanence de sécurité aérienne, mais aussi avec des capacités d’accueil pour le commandement des opérations ou des forces étrangères ? J’ajoute que Cognac a montré l’exemple en accueillant une des premières externalisations. Cette réussite, car tout le monde s’accorde à reconnaître que ce projet fonctionne bien, devrait-elle lui nuire ? Le fait d’être en avance est-il une contrainte ?

Globalement la logique d’armée semble encore prévaloir alors même que la réforme s’inscrit dans une dimension interarmées très nette. Il faut être très attentif à ce point car j’ai le sentiment que la philosophie même de la réforme est fragilisée.

Je considère pour ma part l’externalisation comme un outil parmi d’autres, sans aucun a priori. Il ne faudrait pas renoncer à cette possibilité, d’autant qu’il y a des précédents réussis. Je m’étonne qu’on renonce à des solutions parfois de bon sens en se fondant sur des positions dogmatiques difficilement compatibles avec les impératifs opérationnels. On risque de créer des blocages par simple manque d’explication et de pédagogie ; ce serait dommage. Pour autant, l’externalisation n’est pas une solution parfaite et mérite d’être encore améliorée et surtout examinée au cas par cas. Je ne suis pas choqué que l’alimentation de nos troupes soit prise en charge par des prestataires privés, y compris en opérations extérieures, à condition que cela apporte un réel gain et que cela ne nuise pas à l’opérationnel.

Au final, je suis donc inquiet sur ces deux sujets car aucune ligne claire n’apparaît, entretenant de fait les inquiétudes et les approches doctrinales. Le ministère doit faire un effort d’explication et de pragmatisme pour gagner l’adhésion de tous.

M. le président Guy Teissier. Je ne peux qu’adhérer aux propos de notre collègue. Sur l’externalisation, le pragmatisme doit prévaloir. Dans une armée de métier, il me semble effectivement choquant que l’on confie des tâches ancillaires à des militaires dont ce n’est ni la vocation ni le cœur de métier. Il ne faut cependant pas tomber dans l’excès inverse : en opérations extérieures, les armées ont besoin d’une logistique importante et elle doit être assurée en interne pour conserver toute sa réactivité. C’est un équilibre délicat mais indispensable à préserver. Quoi qu’il en soit toute approche doctrinale est à bannir ; nos partenaires britanniques l’ont bien compris et reviennent sur leur politique d’externalisation généralisée.

M. Bernard Cazeneuve, rapporteur. Pour éviter toute ambiguïté, je tiens à préciser que si j’ai marqué ma désapprobation aux externalisations, c’est parce que j’ai le sentiment qu’elles cachent une deuxième révision générale des politiques publiques. Ce n’est pas tant le principe qui me pose problème que la façon dont les externalisations sont utilisées pour diminuer encore les effectifs. Je suis d’autant plus inquiet que l’article 43 de la loi sur la mobilité dans la fonction publique permet la mise à disposition de personnels de l’État au sein d’entreprises privées. Je constate simplement que cette disposition a été présentée et adoptée en catimini, sans que le ministre ait jugé utile de nous informer au préalable. Tous ces éléments m’incitent donc à beaucoup de réserve. Le climat de confiance que Jean-Claude Viollet appelait de ses vœux est loin d’être établi.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur. Je crois que nous partageons tous ce souci du pragmatisme. Il faut du temps aux armées pour déterminer ce qui peut effectivement être externalisé ; cela ne peut pas se faire dans la précipitation.

Par ailleurs, je suis frappé par le manque de capacités du ministère en ce qui concerne la négociation et le suivi des contrats. Il faut renforcer ces compétences rapidement.

Ces limites imposent de procéder par étapes car personne ne détient d’emblée le bon mode de fonctionnement. La réforme doit également être portée au plan politique et ne doit surtout pas se résumer à une approche bureaucratique. Il faut une ligne de conduite à laquelle les personnels peuvent s’accrocher.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Je tiens à signaler que la Cour des comptes mène actuellement une étude sur les externalisations en France et plus spécifiquement dans le domaine de la défense.

M. Franck Gilard. Je souhaiterais savoir si les observations de nos collègues feront l’objet d’un suivi dans les années à venir car il me semble qu’il faut inscrire ce travail dans la durée.

M. le président Guy Teissier. La mission que nous avons confiée à nos collègues n’a pas vocation à s’arrêter. Dès le départ, nous avions souligné qu’il s’agit d’un travail de long terme, l’activité de contrôle gagnant à s’inscrire dans la durée.

*

La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

ANNEXE 1 : AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS

AUDITIONS

§ Ministère de la défense

- M. Christophe Maisonneuve, conseiller pour les questions économiques, financières et administratives, accompagné de M. Alexandre Geoffroy, conseiller technique pour la modernisation du ministère de la défense ;

- M. Christian Piotre, secrétaire général pour l’administration, accompagné de M. Gérard Gibot, directeur, adjoint au secrétaire général pour l’administration, M. Jacques Roudière, directeur des ressources humaines, M. Jean-Pierre Adnet, direction des ressources humaines, M. Gérard Bornier, direction des affaires financières et de l’ingénieur général de l’armement Philippe Genoux, chef de la mission partenariat public-privé :

- M. Jacques Roudière, directeur des ressources humaines, accompagné de M. Yves Boero, adjoint de la sous-direction du pilotage des ressources humaines militaires et civiles, et de M. Cyril Pouplin, adjoint de la sous-direction des relations sociales, des statuts et des filières au sein du service des ressources humaines civiles ;

- M. Bruno Vieillefosse, délégué pour le regroupement des états-majors, directions des services centraux du ministère de la défense ;

- M. Laurent Pellegrin, délégué aux restructurations ;

- Le général de corps d’armée Thierry Cambournac, chef de la mission pour la coordination de la réforme du ministère de la défense.

§ Autres ministères

- M. Vincent Piveteau, directeur de cabinet de M. Hubert Falco, Secrétaire d’État à l’aménagement du territoire (68), accompagné de M. Pascal Mangin, conseiller parlementaire ;

- M. Michaël Reynier, conseiller mutations économiques au sein du cabinet de M. Michel Mercier, Ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, accompagné de M. Pierre Simon, chef-adjoint de cabinet, conseiller parlementaire, de Mme Véronique Gomez, conseiller parlementaire, ainsi que de M. Laurent Fiscus, directeur chargé des mutations et du développement économiques à la DATAR et de M. Jean-Marc Frohard, conseiller en charge de l’animation du pole mutations et développement économiques de la DATAR ;

- M. François-Daniel Migeon, directeur général de la modernisation de l’État (DGME), accompagné de Mme Florence Charlier et de Mme Laure Le Bourgeois ;

- M. François Bergère, secrétaire général de la mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat (MAPPP) accompagné de M. Yves Gacon.

§ Cour des comptes

- Mme Claire Bazy-Malaurie, présidente de chambre et rapporteur général du comité du rapport public et des programmes.

§ Caisse des dépôts et consignations

- M. Patrick Vandevoorde, responsable du département Infrastructures d’intérêt général, accompagné de M. Arnaud Voisin.

§ Industries

- M. Bruno Rambaud, président du GICAT accompagné de Jean-François Lafore.

§ Organisations syndicales

o Pour la CFTC

- M. Jean-Jacques Le Gourrierec

- M. Yves Naudin

o Pour l’UNSA

- M. Alain Brémond

- M. Bruno Mésange

o Pour la CGC

- M. Edmond Scetbon

- M. Roland Denis

o Pour FO

- M. Gilles Goulm

- M. Serge Guitard

o Pour la CFDT

- M. Luc Scappini

- Mme Sophie Morin

DÉPLACEMENTS

§ LRBA de Vernon

o Direction du site

- M. Christian de Villemagne, directeur

- Mme Catherine Malobert, sous-directeur des ressources humaines

- M. Ronan Cornen, sous directeur pour la gestion de projets

- M. Hervé Decrock, adjoint aux affaires générales

- M. Gérard Granger, adjoint au contrôle de gestion

o Organisations syndicales

- M. Hervé Betrancourt (CGC)

- M. Jean-Pierre Doger (CFDT)

- M. Patrick Malherbe (CFDT)

- M. Laurent Cazenave (CFDT)

- Mme Sylvie Guegueniat (UNSA)

- M. Marc Frey (CGT)

- M. Michel Sorin (CGT)

§ Base de défense de Creil

o État-major des armées

- Le général de corps d’armée aérien Éric Rouzaud, sous-chef soutien (COMIAS).

o Base de défense de Creil

- le général de brigade aérienne Jean-François Furet, commandant la base de défense de Creil ;

- le colonel Christophe Deherre, commandant en second de la base aérienne 110 ;

- le lieutenant-colonel Philippe Derosier, chef du soutien technique aéronautique ;

- le commissaire colonel Louis-Frédéric Guibert, commandant le groupement de soutien de la base de défense de Creil ;

- le commissaire lieutenant-colonel Jean-Marc Bissonnier, adjoint au commandant du groupement de soutien de la base de défense de Creil ;

- le commandant Thierry Dardaud, directeur des ressources humaines de la base de défense ;

- le commandant Nicolas Coussy, commandant du soutien technique et des moyens généraux ;

- Monsieur Michel Mazille, chef de l’unité de soutien de l’infrastructure de la défense (USID).

o Unités dépendant de la base de défense de Creil

- le général de brigade Francis Brossard, état-major interarmées de forces et d’entraînement ;

- le colonel Pascal Boucher, direction du renseignement militaire ;

- le colonel Maurice Dunand, commandant de l’unité française de vérification ;

- le lieutenant-colonel Jean-Christophe Barra, commandant de l’établissement géographique interarmées ;

- le chef d’escadron Régis Maillet, commandant en second de l’équipe interarmées des systèmes d’observations par satellites ;

- le commandant Dominique Greppi, commandant en second le centre interarmées des réseaux d’infrastructure et systèmes d’information ;

- le médecin-chef Francine Meyrat, centre médical des armées.

o Organisations syndicales

- M. Lecaille (FO) ;

- M. Jean-Michel Filhol (CFDT) ;

- M. Pierre Jouvhomme (CGT).

§ Base de défense de Brest

o Préfecture maritime

- le vice-amiral d’escadre Anne-François de Saint Salvy, commandant la région maritime Atlantique, Manche, mer du Nord (CECLANT) ;

o Base de défense de Brest

- le contre-amiral Frank Josse, commandant la base de défense et adjoint territorial du CECLANT ;

- le commissaire général Étienne Vuillermet, commandant le groupement des services de soutiens de la base de défense et adjoint « justice-finances » du CECLANT ;

- le capitaine de Vaisseau Pierre Olivier, chargé de mission base de défense.

o Unités dépendant de la base de défense de Brest

- le vice-amiral Jean-Pierre Labonne, adjoint organique de l’amiral commandant la force d’action navale (ALFAN) ;

- le médecin-chef Marc Busin, direction régionale du service de santé des armées ;

- le lieutenant-colonel Jacques Boisson, centre militaire de contrôle de Loperhet ;

- l’ingénieur en chef Dallet, direction générale de l’armement ;

- le capitaine de vaisseau Marc Guegan, base navale de Brest ;

- l’ingénieur en chef des études et techniques d’armement Christian Audrin, direction interarmées des réseaux et infrastructures
des systèmes d’information ;

- l’ingénieur en chef des travaux maritimes Augustin, service d’infrastructures de la défense ;

- le capitaine de vaisseau Bernard Jacquet, commandant la base opérationnelle de l’Île-Longue ;

- le capitaine de vaisseau Pascal Roger, chef d’état-major de l’escadrille des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins ;

- le capitaine de frégate Patrice Rouat, représentant l’amiral commandant l’aviation navale ;

- Mme Labous, action sociale des armées ;

- M. Jean-Charles Fisher, centre ministériel de gestion de Brest.

o Les représentants des syndicats FO, UNSA, CGT, CGC et CFTC.

ANNEXE 2 : CLASSIFICATION DES POSTES SUPPRIMÉS
EN ORGANISATION

•L’objectif « qualitatif » en terme de suppressions de postes pour 2009 est atteint, avec 85 % des déflations portant sur le soutien au sens large (y compris le soutien opérationnel, qui regroupe par exemple le MCO terrestre et aéronautique) et 15 % sur les missions opérationnelles.

La méthode appliquée pour la classification des postes supprimés en organisation est basée sur un ensemble de postulats et de règles, adoptés dans le cadre du C2M du 21 novembre 2008.

RÈGLE 1 : relèvent du "soutien" tous les postes des programmes 146, 167, 169, 212.

REGLE 2 : au sein du P144, les postes sont considérés comme relevant du "soutien" sauf la DGSE dans son ensemble qui est labellisée "opérationnel".

Concernant exclusivement le programme 178, les règles suivantes s’appliquent :

RÈGLE 3 : les postes supprimés au titre d’une mesure de restructuration et qui ne seraient pas comptabilisés au titre d’une fonction RGPP sont labellisés dans une maille correspondant à l’unité élémentaire. Les postes en organisation seront réputés appartenir à la même catégorisation au sein d’une même unité élémentaire. Les postes sont réputés "opérationnel" sauf si une des règles suivantes s’applique.

RÈGLE 4 : les postes identifiés dans les fonctions RGPP MCO terrestre et aéronautique sont labellisés "soutien opérationnel".

RÈGLE 5 : les postes identifiés dans la fonction RGPP protection sont labellisés "soutien" et "opérationnel" selon un ratio 60/40 *.

RÈGLE 6 : sont intégralement labellisés "soutien" les postes identifiés dans les fonctions RGPP suivantes ; habillement, formation, entraînement, recrutement, transports, poste interarmées, armement, communication, service national, anciens combattants, finances, RH, paie, pensions, reconversion, achats.

RÈGLE 7 : les postes identifiés dans les fonctions RGPP : alimentation, santé, systèmes d’information, munitions, infrastructures, produits pétroliers, sont labellisés "soutien" et "soutien opérationnel" selon un ratio 60/40.

‘ Ce ratio 60/40 est arbitraire, il s’inspire de la proportion soutien / opérationnel estimée du "stock" de postes au sein du ministère.

ANNEXE 3 : CARTE DU SITE DE BALARD

ANNEXE 4 : EXTRAITS DE LA DIRECTIVE RELATIVE
AUX BASES DE DÉFENSE

1 () Rapport n° 1446 du 11 février 2009.

2 () Le comité exécutif (COMEX) est présidé par le ministre de la défense. Ses membres permanents sont le chef d’état-major des armées, le délégué général pour l’armement et le secrétaire général pour l’administration.

3 () Le comité pour la modernisation du ministère (C2M), présidé par le secrétaire général pour l’administration, est chargé de permettre au ministre de la défense et au COMEX de s’assurer « de la mise sous contrôle de la conduite des réformes relevant de la réorganisation du ministère ».

4 () Extrait de la plaquette de présentation du comité ministériel d’investissement de décembre 2009.

5 () Un questionnaire a été adressé le 16 septembre 2009 au directeur des affaires financières en ce sens. Les éléments de réponse ont été transmis aux rapporteurs le 9 octobre suivant.

6 () CHORUS est un progiciel intégré pour l’ensemble des administrations centrales permettant d’assurer le suivi financier et comptable. Il permet en particulier d’intégrer les nouvelles règles comptables applicables à l’État.

7 () Courrier du cabinet du ministre du 12 octobre 2009 en réponse au courrier des rapporteurs adressé le 29 septembre 2009.

8 () Article 47-2 de la Constitution.

9 () Arrêté n° DEFD0831221A du 28 janvier 2009 portant organisation des bases de défense expérimentales et fixant les attributions des commandants des bases de défense expérimentales.

10 () Le CELM est né, en février 2005, de la fusion de trois centres d’essais français : le CEL, le CEM et le Gerbam. Basé sur trois sites (Landes, Méditerranée et Gâvres), il est chargé d’exécuter, dans des espaces sécurisés et sauvegardés, des essais en vol de missiles de toute catégorie et dans tous les milieux.

11 () Extraits du courrier du délégué général pour l’armement du 31 mars 2010.

12 () Ibid.

13 () Ibid.

14 () Extrait des documents transmis aux rapporteurs par la direction du LRBA.

15 () Ibid.

16 () Ibid.

17 () Loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

18 () Extrait des réponses au questionnaire adressé à la direction des ressources humaines et transmis le 15 janvier 2010.

19 () Ibid.

20 () Réponses de la DRH-MD, op. cit.

21 () Ibid.

22 () Rubrique 3.4.3 du rapport annexé de la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

23 () Annexe 1 de la lettre-plafond du Premier ministre n° 977/09/SG du 12 juin 2009 communiquée par le ministère de la défense.

24 () La LOLF dispose que les crédits d’un même programme sont fongibles en gestion, à l’exception des crédits de titre 2 qui ne peuvent pas être abondés. En revanche, il est possible d’utiliser des crédits excédentaires de titre 2 pour financer des opérations relevant d’autres titres.

25 () Audition du 7 octobre 2008 de M. Hervé Morin, ministre de la défense, par la commission de la défense.

26 () Article 149 de la loi n° 2008-1425 portant loi de finances pour 2009 du 27 décembre 2008. Le dispositif a été précisé par le décret d’application n° 2009-82 du 21 janvier 2009.

27 () Le pécule a été créé par l’article 149 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009. L’article 2 du décret n° 2009-82 du 21 janvier 2009 prévoit que « le premier versement est effectué au moment de la radiation des cadres ou des contrôles […]. Le montant restant dû est versé dès que l'intéressé peut justifier de l'exercice d'une activité professionnelle dans les vingt-quatre mois suivant la date de cessation des services ». L’article 5 du même décret précise que le premier versement « est égal aux deux tiers du pécule accordé ».

28 () Réponses de la DRH-MD, op. cit.

29 () Article 150 de la loi de finances pour 2009 précitée.

30 () Extraits des éléments transmis aux rapporteurs le 19 février 2010 par l’intersyndicale (CGT, CFDT, UNSA, CGC) du site de Vernon.

31 () Projet de loi n° 2212 (rectifié) du 23 décembre 2009.

32 () L’UNSA défense fait par exemple état de l’hôpital d’instruction des armées de Bordeaux qui « offre régulièrement des contrats de cinq mois renouvelables une fois » ou du recrutement d’une assistante sociale avec une rémunération très inférieure (équivalant à celle d’un adjoint administratif) à ce qu’elle devrait être compte tenu de son niveau de qualification et de son expérience professionnelle.

33 () Défense CGC a souligné que « la diffusion des postes et les fiches de postes associées n’est pas faite » pour le nouveau commissariat des armées et que par conséquent les « agents ne savent pas sur quel poste postuler ».

34 () Article 1er de l’arrêté DEFD0831221A du 24 décembre 2008 portant organisation des bases de défense expérimentales et fixant les attributions des commandants des bases de défense expérimentales.

35 () Article 3 de l’arrêté précité.

36 () Article 4 de l’arrêté précité.

37 () Administration générale et soutien commun.

38 () Systèmes d’information.

39 () Extrait des réponses adressées le 22 janvier 2010 par le secrétaire général pour l’administration en réponse au questionnaire des rapporteurs transmis le 17 décembre 2009.

40 () Rapport du 30 octobre 2008 du National Audit Office « Allocation and management of risk in Ministry of Defence PFI projects », rapport commandé par la Chambre des Communes ; traduction libre.

41 () Le travail du NAO portait en l’espèce sur la gestion des risques des partenariats publics-privés établis par le ministère de la défense.

42 () Ibid.

43 () Ibid.

44 () Article L. 1224-1 du code du travail : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. ».

45 () Article 43 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique : « Lorsqu'une activité du ministère de la défense est confiée par contrat à un organisme de droit privé, les fonctionnaires, les ouvriers de l'État, les agents non titulaires de droit public ou les militaires exerçant cette activité peuvent être mis à la disposition de l'organisme.

Ils peuvent également être mis à la disposition d'une société nationale aux fins d'être mis par elle à la disposition de sa filiale chargée de l'exécution du contrat précité.

Les dépenses afférentes au personnel mis à la disposition de l'organisme prestataire sont payées par l'État et remboursées par l'organisme prestataire à un montant fixé par le contrat précité.

Les fonctionnaires, les ouvriers de l'État et les agents non titulaires de droit public affectés aux activités mentionnées au premier alinéa bénéficient, au sein des organismes à la disposition desquels ils sont mis, des droits reconnus aux salariés par les titres Ier à V du livre III de la deuxième partie du code du travail, ainsi que par le titre Ier du livre VI de la quatrième partie du même code. Ils bénéficient, le cas échant, des droits reconnus aux salariés par les articles 6 à 28, 37, 40-1 et 40-2 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public et sont pris en compte dans le calcul des effectifs pour l'application de ces dispositions. Ils sont, à ce titre, électeurs et éligibles au conseil d'administration ou au conseil de surveillance.

Les conditions d'application du présent article, et notamment les modalités de la mise à la disposition pendant la durée d'exécution du contrat de prestation, ainsi que les conditions financières du remboursement, sont précisées par décret en Conseil d'État. ».

46 () Loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

47 () Rapport n° 1615 du 8 avril 2009 de MM. Patrick Beaudouin et Yves Fromion sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, tome I, p. 133.

48 () Audition de M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, dans le cadre du le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 (n° 1216), mardi 10 mars 2009.

49 () Source : site internet du ministère de la défense : www.defense.gouv.fr.

50 () La liste qui a été transmise aux rapporteurs fait état de l’îlot Saint Germain, de la Pépinière, de la caserne Reuilly, de la caserne Lourcine, de l’hôtel de l’artillerie à Saint Thomas d’Aquin, de l’hôtel du génie, de l’abbaye de Pentemont, de l’hôtel de Pentemont, de l’immeuble du 19, avenue de la La Tour-Maubourg et du pavillon du Montparnasse. Compte tenu de ses spécificités, l’hôtel de la Marine fera l’objet de mesures particulières.

51 () Conseil constitutionnel, décision n° 2004-506 DC du 2 décembre 2004.

52 () Article 3 de l’arrêté.

53 () Extrait des réponses du secrétaire général pour l’administration au questionnaire adressé le 17 décembre 2009.

54 () Décret n° 2004-1119 du 19 octobre 2004 portant création de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat.

55 () Extrait du courrier adressé aux rapporteurs le 15 janvier 2010 par M. Noël de Saint-Pulgent, président de la MAPPP.

56 () Courrier du ministre de la défense adressé aux rapporteurs le 15 janvier 2010.

57 () Avis de la commission d’accès aux documents administratifs n° 20062040 du 11 mai 2006.

58 () Considérant 31 de la directive n° 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

59 () Extrait de l’avis de la MAPPP n° 2009-5 sur le projet d’implantation des services du ministère de la défense sur le site de Balard du 13 février 2009.

60 () Ibid.

61 () L’article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure dispose que « l’État peut confier à une personne ou à un groupement de personnes, de droit public ou privé, une mission portant à la fois sur la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien et la maintenance d'immeubles affectés à la police nationale, à la gendarmerie nationale, aux armées ou aux services du ministère de la défense », et ce par dérogation des règles ordinaires relatives aux marchés publics et à la maîtrise d’ouvrage publique.

62 () Avis de la MAPPP précité.

63 () Ibid.

64 () Claire BAZY-MALAURIE, « Les partenariats public-privés vus de la Cour des comptes » in Gestion et finances publiques, n° 6, juin 2009, pp. 466-469.

65 () Extrait des réponses au questionnaire adressé le 16 septembre 2009 à la direction des affaires financières du ministère de la défense.

66 () Avis de la MAPPP précité.

67 () Ibid.

68 () L’audition a eu lieu avant que M. Falco soit nommé secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants.


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