Accueil > Documents parlementaires > Les rapports d'information
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N°  3441

_____________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 mai 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

en application de l'article 29 du Règlement

au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée

parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur l'activité de cette Assemblée

au cours de la deuxième partie de sa session ordinaire de 2011

par M. Jean-Claude MIGNON

ET PRÉSENTÉ A LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en avril 2011, de : MM. Roland Blum, Georges Colombier, Mmes Claude Greff, Arlette Grosskost, MM. Denis Jacquat, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, François Loncle, Jean-Paul Lecoq, Jean-Claude Mignon, François Rochebloine, René Rouquet en tant que membres titulaires, et M. Alain Cousin, Mmes Annick Girardin, Françoise Hostalier, Marietta Karamanli, M. Noël Mamère, Mmes Christine Marin, Muriel Marland-Militello, MM. Germinal Peiro et Frédéric Reiss, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Rudy Salles et André Schneider, en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 7

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU 7

B. INITIATIVES ET RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE 9

C. DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA DÉLÉGATION FRANÇAISE 10

1. Le déplacement en Roumanie 10

2. Le déplacement à Chypre 16

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION 21

A. ORDRE DU JOUR DE LA DEUXIEME PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2011 21

B. TEXTES ADOPTÉS 24

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS 27

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 29

A. COMMUNICATION DU COMITE DES MINISTRES  PAR M. DAVUTOGLU 29

B. RAPPORT ANNUEL D’ACTIVITE 2010 DU COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME, M. THOMAS HAMMARBERG 32

C. DEBAT D’URGENCE : L’ARRIVEE MASSIVE DE MIGRANTS EN SITUATION IRRÉGULIERE, DE DEMANDEURS D’ASILE ET DE REFUGIES SUR LES RIVAGES SUD DE L’EUROPE 34

D. DEBAT D’ACTUALITE : LA SITUATION EN AFRIQUE DU NORD 36

E. PROBLEMES LIES A L’ARRIVEE, AU SEJOUR ET AU RETOUR D’ENFANTS NON ACCOMPAGNES EN EUROPE 39

F. LE RESPECT DES OBLIGATIONS ET ENGAGEMENTS DE LA GEORGIE 40

G. LA PEINE DE MORT DANS LES ÉTATS MEMBRES ET OBSERVATEURS DU CONSEIL DE L’EUROPE – UNE VIOLATION DES DROITS DE L’HOMME 41

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME 45

A. LA DIMENSION RELIGIEUSE DU DIALOGUE INTERCULTUREL 45

B. EDUCATION CONTRE LA VIOLENCE À L’ECOLE 56

C. LE SURENDETTEMENT DES ÉTATS : UN DANGER POUR LA DEMOCRATIE ET LES DROITS DE L’HOMME 63

D. COMBATTRE LA PAUVRETE 65

E. LA PROTECTION DES ENFANTS ET DES JEUNES CONTRE L’OBESITE ET LE DIABETE DE TYPE 2 67

F. L’EAU : UNE SOURCE DE CONFLITS 69

G. LA NECESSITE D’UN BILAN DES PROGRES ACCOMPLIS DANS L’APPLICATION DE LA CONVENTION DE BERNE. 72

H. LA PROTECTION DES FEMMES IMMIGREES SUR LE MARCHE DU TRAVAIL 72

I. LES FEMMES EN MILIEU RURAL EN EUROPE 73

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DEBAT 75

A. INTERVENTION DE M. LE SECRETAIRE GENERAL THORBJØRN JAGLAND 75

B. DISCOURS DE M. TAYYEP ERDOGAN, PREMIER MINISTRE DE LA TURQUIE 78

C. RENFORCER LES MECANISMES DE PREVENTION DE LA TORTURE EN EUROPE 81

ANNEXES 87

Annexe 1 La dimension religieuse du dialogue interculturel 89

Annexe 2 L’arrivée massive de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de réfugiés sur les rivages du Sud de l’Europe 95

Annexe 3 Renforcer les mécanismes de prévention de la torture en Europe 101

Annexe 4 La peine de mort dans les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe – une violation des Droits de l’homme 105

Annexe 5 Education contre la violence à l'école 107

Annexe 6 Présentation du rapport au Premier Ministre du Sénateur Denis Badré 109

Annexe 7 Les 47 propositions de M. Badré 111

INTRODUCTION

Le Conseil de l’Europe est à un tournant de son histoire. Son Secrétaire général, M. Thorbjørn Jagland, a en effet rappelé dans sa communication devant l’Assemblée parlementaire le caractère politique de la réforme entreprise, qui vise à adapter l’Organisation aux défis du XXIème siècle, un monde en constante mutation.

Ces défis sont déjà bien identifiés, qu’il s’agisse de la lutte contre le terrorisme, du soutien aux aspirations démocratiques sur la rive sud de la Méditerranée, de l’importance des vagues migratoires ou de la montée de l’intolérance religieuse.

Ces défis sont autant d’opportunités pour le Conseil de l’Europe de retrouver une visibilité sur des sujets sur lesquels son expertise est à la fois indispensable et irremplaçable.

Autre défi, institutionnel celui-ci, la coopération plus étroite entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.

L’Assemblée parlementaire a, lors de cette deuxième session, mis au centre des débats la dimension culturelle du dialogue interreligieux, insistant sur l’importance de l’apprentissage de la diversité et du vivre ensemble afin que la cohésion sociale ne soit pas mise en péril.

Le débat d’actualité et le débat d’urgence ont été consacrés aux révolutions démocratiques et à leurs conséquences dans les pays arabes du bassin méditerranéen.

L’Assemblée parlementaire a été pionnière en proposant le « statut de partenaire de la démocratie » qui permet d’associer les pays qui d’un point de vue géographique n’appartiennent pas à l’Europe et ne peuvent pas de ce fait devenir membres du Conseil de l’Europe mais néanmoins partage ses valeurs.

L’urgence de la mise en place d’une politique de voisinage est dès lors apparue. La Commission de Venise a déjà participé à l’élaboration des nouvelles institutions démocratiques tunisiennes. Le Maroc et le Conseil national palestinien sont d’ores et déjà candidats au statut de partenaire de la démocratie.

L’Assemblée parlementaire a également été fidèle à son rôle de « forum d’idées » en adoptant plusieurs textes ayant trait au partage des ressources hydrauliques, à la protection des femmes immigrées sur le marché du travail européen et les femmes en milieu rural, ainsi qu’au bilan des progrès accomplis par la Convention de Berne.

Le renforcement de ses pouvoirs tant politiques que juridiques était également à l’ordre du jour de cette partie de session, avec la proposition d’élire les membres composant le Comité de prévention de la torture.

Le Conseil de l’Europe a plus que jamais un bel avenir devant lui : la protection des droits fondamentaux et la construction d’un État de droit étant par définition toujours une question d’actualité sans cesse renouvelée.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

La délégation parlementaire française à l’Assemblée du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU

Composition de la délégation en avril 2011

Membres titulaires

 

Assemblée

Groupe

Assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Denis BADRÉ

Sénateur

UC-UDF

ADLE

M. Roland BLUM

Député

UMP

PPE/DC

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

PPE/DC

Mme Claude GREFF

Députée

UMP

PPE/DC

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

SOC

M. Armand JUNG

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

SOC

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

GUE

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

SOC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

Membres suppléants

 

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Laurent BÉTEILLE

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

M. Alain COUSIN

Député

UMP

PPE/DC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

Mme Annick GIRARDIN

Députée

SRC

SOC

Mme Françoise HOSTALIER

Députée

UMP

PPE/DC

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jean-François LE GRAND

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Noël MAMERE

Député

GDR

GUE

Mme Christine MARIN

Députée

UMP

PPE/DC

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

PPE/DC

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

SOC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UC-UDF

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

SOC

M. Rudy SALLES

Député

NC

PPE

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

Le Bureau de la délégation est composé de la façon suivante :

Président

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

Présidente déléguée
pour l’UEO

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

       

Vice-présidents

M. Alain COUSIN

Député

UMP

 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 

Mme Gisèle GAUTIER

Sénatrice

UMP

 

Mme Claude GREFF

Députée

UMP

 

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

 

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

 

M. François LONCLE

Député

SRC

 

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

SOC

 

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

B. INITIATIVES ET RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE 

M. Jean-Claude Mignon, président de la délégation française et l’ensemble de la délégation ont été reçus par M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État, ministre chargé des affaires européennes à Paris le 5 avril 2011, dans les salons du Quai d’Orsay pour un échange de vues sur l’influence de la France au sein du Conseil de l’Europe.

A l’initiative de M. Jean-Claude Mignon, un petit-déjeuner a été organisé le 30 mars au Petit Hôtel de l’Assemblée nationale avec M. Alexander Pavlovsky, ambassadeur du Bélarus en France.

M. Jean-Claude Mignon a également rencontré, à Paris, M. Nicolas de Rivière, directeur des Nations unies, des Organisations internationales, des Droits de l’homme et de la francophonie, M. Jean-Marie Heydt, président de la Conférence des OING, et M. Tashin Burcuoglu, Ambassadeur de Turquie.

A Strasbourg, le représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe, S.E. M. Laurent Dominati, a reçu la délégation française le 10 avril pour un dîner de travail au cours duquel il a abordé les principaux points inscrits à l’ordre du jour.

Le 12 avril, les membres de la délégation ont rencontré lors d’un dîner leurs homologues de la délégation ukrainienne, présidée par M. Ivan Popescu (SOC).

En sa qualité de vice-président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, M. Jean-Claude Mignon a présidé 5 fois la séance publique.

Le 20 avril, M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC), chargé par le Premier ministre d’une mission sur le renforcement de l’implication française au sein du Conseil de l’Europe, a organisé, dans les locaux de l’Assemblée parlementaire, une conférence de presse pour présenter les conclusions de son rapport de S.E. M. Laurent Dominati, représentant permanent auprès du Conseil de l’Europe.

A l’initiative de M. Jean-Claude Mignon, une proposition de loi a été déposée conjointement à l’Assemblée nationale (n° 3345) et au Sénat (n°382) invitant le Gouvernement à adresser au Parlement français un rapport sur l’exécution des arrêts de la Cour, afin de lui permettre d’assurer un meilleur suivi de l’exécution des décisions de la Cour.

C. DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

Des représentants de la délégation française se sont rendus à Chypre et en Roumanie à l’invitation des Parlements de ces États.

1. Le déplacement en Roumanie

A l’invitation du Président de la délégation parlementaire roumaine auprès de l’APCE, M. Cezar Preda, trois députés, MM. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation, M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC), M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – NC), et un sénateur, M. Laurent Béteille (Essonne – UMP), se sont rendus du 21 au 23 février dans le pays et ont eu de nombreux entretiens avec des parlementaires roumains et des responsables gouvernementaux, en particulier le Premier Ministre et le Ministre des Affaires étrangères (cf. annexe 1).

Ces entretiens se sont focalisés sur l’accession à l’espace Schengen et les Roms. Ils ont révélé tout à la fois l’attachement des responsables politiques roumains à la France et leur désenchantement.

L’attachement est incontestable, sincère et ancien. Comme en témoignent la visite au Général de Gaulle sous le régime communiste, le rôle décisif joué par notre pays dans l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne ou la place de notre langue dans ce pays. Il n’est aujourd’hui guère d’États où nous pouvons mener l’essentiel de nos entretiens sans interprète.

Ce capital culturel et politique est pourtant menacé par un sentiment assez largement répandu que la France est aujourd’hui très réservée à l’égard de ce pays et est à l’origine du refus d’entrée dans l’Espace Schengen. Il en résulte une amertume certaine.

Cet état de fait nous semble résulter d’une gestion manquant de diplomatie de ce dossier et très préjudiciable aux intérêts à long terme de la France.

Nous ne parvenons pas à comprendre pourquoi la France a jugé opportun de prendre une position en pointe sur ce dossier alors même que d’autres pays partageaient nos réticences sur ce dossier, et ce d’autant qu’il s’agit d’un sujet qui appelle une décision collective. Si nous ne contestons pas le report dans le temps de l’adhésion de la Roumanie à Schengen, nous estimons qu’il eût été normal, s’agissant de l’un de nos alliés traditionnels, qui plus est dans une région sensible du continent européen, de ne pas adopter une position purement négative et d’offrir à la Roumanie un nouveau calendrier assorti d’exigences précises à satisfaire, afin de ne pas donner prise à une désillusion démotivante, alors même que d’importants efforts ont été accomplis par ce pays, qui plus est dans un contexte de crise économique grave. Il aurait été également possible d’étudier une possible accession par étapes, en distinguant les frontières terrestres des frontières aériennes et maritimes. On peut également rappeler que tous les États membres de Schengen ne sont pas nécessairement sans reproches…

Cette absence d’empathie à l’égard de l’un de nos alliés traditionnels nous paraît une erreur qu’il est souhaitable de corriger en amendant notre position. La France pourrait en particulier proposer un calendrier réaliste à la Roumanie pour satisfaire à ses obligations. Nous nous interrogeons enfin sur les raisons qui ont conduit à faire passer au second plan les enjeux diplomatiques d’une telle posture.

Comme l’a souligné le président du groupe PPE au Parlement européen, M. Joseph Daul, « Nous ne pourrons convaincre nos peuples de jouer le jeu européen que si les règles du jeu sont claires, stables et identiques pour tous. Cela est vrai aussi pour l’adhésion à la zone Schengen ».

En ce qui concerne le dossier des Roms, nous avons retiré le sentiment que les débats parfois vifs de 2010 sur ce sujet à l’APCE à Strasbourg ont laissé la place à une volonté réelle de nos interlocuteurs d’engager des actions constructives, conformément aux décisions prises à Strasbourg sous l’égide du Secrétaire général du Conseil de l’Europe, M. Thorbjørn Jagland. Cette stratégie apparaît d’autant plus pertinente que son cadre géographique dépasse celui de l’Union européenne.

La délégation française, sur ces deux sujets essentiels de préoccupation de ses interlocuteurs roumains, a bien souligné le caractère très sensible du sujet au regard de l’opinion française, surtout dans un contexte de forte émigration de l’Afrique du nord. Elle a également observé, en le regrettant, l’assimilation trop souvent faite entre Roms et Roumains et relevé l’urgence de mieux faire connaître la réalité de la Roumanie.

Dans ce cadre, la délégation a rencontré les personnalités suivantes :

• M. Emil BOC, Premier ministre du Gouvernement de Roumanie

• M. Teodor BACONSCHIO, Ministre des Affaires étrangères

• M. Ioan DASCĂLU, Secrétaire d’État au Ministère de l’Administration et des affaires intérieures

• M. Cezar PREDA, Président de la délégation roumaine à l’APCE

• M. Adrian NĂSTASE, Vice-président de la Chambre des Députés

• Membres de la Commission de Politique extérieur de la Chambre des députés et du Sénat

• Membres de la Commission des Affaires européennes du Parlement

• Membres de la Commission de la Défense, de l’ordre public et de la sûreté nationale des deux Chambres

• Membres de la Commission de l’Administration publique, de l’aménagement du territoire et de l’équilibre écologique des deux Chambres

• Autorités locales de Poiana Braşov

• Son Exc. M. Henri PAUL, Ambassadeur de France en Roumanie

A la suite de cette mission, le Président de la délégation a informé les autorités françaises des conclusions tirées par la délégation de ce déplacement, qui, en retour, lui ont adressé les réponses ci-après.

2. Le déplacement à Chypre

Une délégation composée de M. Jean-Claude Mignon, député UMP de Seine-et-Marne, Président, de Mme Marietta Karamanli, députée SRC de la Sarthe et de M. Denis Badré, sénateur Union centriste des Hauts-de-Seine, s’est rendue à Chypre du 3 au 6 mars 2011.

Les entretiens qu’elle a pu avoir sur place, ainsi que les visites qu’elle a effectuées ont permis de mesurer pleinement le caractère inacceptable de la division de Chypre, dernière situation de ce type en Europe depuis la chute du Mur de Berlin. Qui ne serait choqué par la présence de casques bleus dans un État membre de l’Union européenne ? Qui ne serait pas ému par le sort de la ville de Famagouste, dont une partie est interdite à tous et à l’abandon depuis 1974 ?

Cette force des Nations unies, l’UNFICYP, a été créée par la Résolution 186 (1964) du Conseil de Sécurité à la suite de violences intercommunautaires en décembre 1963. Elle a trouvé une nouvelle raison d’être à la suite de l’invasion de Chypre par la Turquie en 1974, dont le prétexte était le coup d’état conduit par des officiers grecs contre le gouvernement chypriote dirigé par Mgr Makarios. La surface occupée représente 37,2 % de l’île, l’ONU faisant respecter le statu quo militaire entre les deux zones. Il est à noter que la zone tampon, le no man’s land entre les deux zones, représente 2,6 % de la surface de l’île.

Autres séquelles du passé colonial de l’île, la présence de bases militaires britanniques souveraines sur 2,8 % du territoire ou l’existence de puissances « garantes », la Grèce, la Turquie et la Grande Bretagne, pur legs du passé. L’implication de la Turquie dans les affaires de Chypre doit d’ailleurs beaucoup à l’ancien pouvoir colonial soucieux de diviser pour régner1

Le Conseil de Sécurité a pris de nombreuses résolutions, dont celle n° 353 (1974) du 20 juillet 1974, qui demandait « le retrait sans délai du territoire de la République de Chypre de tous les militaires étrangers qui s’y trouvent autrement qu’en vertu d’accords internationaux », résolution restée lettre morte à ce jour.

Cette impuissance de l’ONU est partagée par l’Union européenne et le Conseil de l’Europe.

L’échec du référendum d’avril 2004, qui a conduit au rejet du plan de l’ONU, dit « plan Annan » du fait d’un vote négatif des Chypriotes grecs, a parfois été interprété négativement à l’encontre de ceux-ci. Ce plan a été cependant perçu comme risquant d’entériner la division en deux États et comme ne réglant pas de manière satisfaisante des questions aussi fondamentales que la liberté de circulation ou la propriété des biens immobiliers.

Le principal risque aujourd’hui est de voir s’engluer ce dossier dans une indifférence polie de la Communauté internationale. Sans engager aucune initiative sans l’accord des parlementaires chypriotes, légitimement soucieux de donner toutes leurs chances aux négociations actuelles en vue d’un règlement de la question, les membres de la délégation française se sont déclarés prêts à soutenir les actions tendant à ramener au devant de l’actualité un problème trop souvent oublié. Ils espèrent également que les discussions actuelles sur l’avenir de Chypre connaîtront le succès, même si telle n’est pas l’hypothèse la plus probable. Ils ont en tout cas été très sensibles à la volonté de compromis du Président de la République, conscient de la nécessité de faire des sacrifices pour parvenir à la paix.

Il est clair que le temps qui passe rend la recherche d’une solution de plus en plus difficile et qu’on ne peut durablement refuser de regarder en face une situation provocante au regard des Droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit.

Le Président de la Délégation a fait part de ce sentiment aux autorités françaises. M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes lui a répondu le 6 mai dernier.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. ORDRE DU JOUR DE LA DEUXIEME PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2011

Lundi 11 avril 2011

– Ouverture de la deuxième partie de la session ordinaire de 2011;

– Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente ;

– Communication de Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe ;

– Le surendettement des États : un danger pour la démocratie et les Droits de l’homme ;

Mardi 12 avril 2011

–  La dimension religieuse du dialogue interculturel, précédé des interventions de Sa Béatitude le Patriarche Daniel de Roumanie, de Son Eminence le Cardinal Jean-Louis Tauran, Président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Cité du Vatican, du Professeur Mehmet Görmez, président de la direction des Affaires religieuses de la République de Turquie, du Grand Rabbin de Russie Berel Lazar, Grand Rabbin de Russie, et du prélat Bernhard Felmberg, représentant plénipotentiaire du Conseil de l’Eglise protestante en Allemagne auprès de la République fédérale d’Allemagne et de l’union européenne,

– Communication du Comité des ministres à l’Assemblée parlementaire présentée par Ahmet Davutoglu, ministre des Affaires étrangères de la Turquie, Président du Comité des ministres ;

– Combattre la pauvreté ;

Mercredi 13 avril 2011

– Le respect des obligations et engagements de la Géorgie ;

– Discours de M. Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre de la Turquie ;

– Rapport annuel d’activités 2010 du Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe précédé d’une intervention de M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe ;

– La nécessité d’un bilan des progrès accomplis dans l’application de la Convention de Berne;

– Education contre la violence à l’école ;

– La protection des enfants et des jeunes contre l’obésité et le diabète de type 2 ;

Jeudi 14 avril 2011

–  Débat selon la procédure d’urgence : l’arrivée massive de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de réfugiés sur les rivages du Sud de l’Europe ;

– Débat d’actualité : la situation en Afrique du Nord ;

– Les femmes en milieu rural en Europe ;

– La peine de mort dans les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe – une violation des Droits de l’homme, précédé d’une intervention de M. Federico Mayor Zaragoza, Président de la Commission internationale contre la peine de mort ;

– Renforcer les mécanismes de prévention de la torture en Europe ;

Vendredi 15 avril 2011

– L’eau : une source de conflits ;

– Problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour d’enfants non accompagnés en Europe ;

– La protection des femmes immigrées sur le marché du travail.

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions :

– aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Texte

Document

Commission pour le respect des obligations et des engagements des États membres du Conseil de l’Europe

Respect des obligations et des engagements de la Géorgie

Rapporteur : M. Michael Aastrup Jensen (Danemark - ALDE) et M. Kastriot Islami (Albanie - SOC)

Commission des questions juridiques et des Droits de l’homme

La peine de mort dans les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe – une violation des Droits de l’homme

Rapporteur : Mme Wohlwend (Liechtenstein – PPE/DC)

Renforcer les mécanismes de prévention de la torture en Europe

Rapporteur : M. Jean-Charles Gardetto ( Monaco – PPE/ DC)

   

Commission des questions économiques et du développement

Le surendettement des États : un danger pour la démocratie et les Droits de l’homme

Rapporteur : M. Peter Omtzigt (Pays-Bas – PPE/DC)

Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes

Les femmes en milieu rural en Europe

Rapporteur : Mme Quintanilla Barba (Espagne – PPE /DC)

Commission de la culture, des sciences et de l’éducation

La dimension religieuse du dialogue interculturel

Rapporteur : Mme Anne Brasseur (Luxembourg – ADLE)

Education contre la violence à l’école

Rapporteur : M. Gvozden Srecko Flego (Croatie – SOC)

Commission des migrations, des réfugiés et de la population

L’arrivée massive de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de réfugiés sur les rives du Sud de l’Europe

Rapporteur : Mme Tineke Strik (Pays-Bas – SOC)

Les problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour d’enfants non accompagnés en Europe

Rapporteur : Mme Mailis Reps (Estonie – ADLE)

Protection des femmes immigrées sur le marché du travail

Rapporteur : Mme Pernille Frahm (Danemark – GUE)

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Combattre la pauvreté

Rapporteur : M. Luca Volonté (Italie – PPE/DC)

La protection contre l’obésité et le diabète de type 2

Rapporteur : M. Mike Hancock (Royaume-Uni – ADLE)

Commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales

La nécessité d’un bilan des progrès accomplis dans l’application de la Convention de Berne

Rapporteur : M. Lotman (Estonie – GUE)

L’eau : une source de conflits

Rapporteur M. Bernard Marquet (Monaco – ADLE)

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 11 avril 2011

– Intervention de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe : M. Denis Badré (au nom du groupe ADLE), M. Laurent Béteille, Mme Maryvonne Blondin ;

– Le surendettement des États, un danger pour la démocratie : Mme Christine Marin.

Mardi 12 avril 2011

– La dimension religieuse du dialogue interculturel : M. Jean-Claude Mignon, Mme Annick Girardin, M. Denis Badré, Mmes Josette Durrieu et Muriel Marland-Militello, M. François Rochebloine, M. Jean-Claude Frécon, M. Laurent Béteille, Mme Maryvonne Blondin, Mmes Claude Greff et Marietta Karamanli ;

– Discours du ministre des affaires étrangères de la Turquie, Président du Comité des ministres, M. Davutoglu : M. Badré (au nom du groupe ADLE), Mmes Annick Girardin et Christine Marin, M. Jean-Claude Frécon et Mme Josette Durrieu;

– Combattre la pauvreté : Mme Marietta Karamanli.

Mercredi 13 avril 2011

– Intervention de M. Tayyip Erdogan, Premier ministre de la Turquie : Mme Muriel Marland-Militello ;

– Intervention de M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux Droits de l’homme : M. Denis Badré et M. François Rochebloine ;

– Education contre la violence à l’école : M. Jean-Claude Mignon (au nom du groupe PPE), Mmes Annick Girardin, Muriel Marland-Militello, Christine Marin, MM. Jean-Pierre Kucheida et Frédéric Reiss.

– La protection des enfants et des jeunes contre l’obésité et le diabète de type 2 : Mme Claude Greff et M. Laurent Béteille.

Jeudi 14 avril 2011

– Débat d’urgence : l’arrivée massive de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de réfugiés sur les rivages Sud de l’Europe : Mme Claude Greff et M. Laurent Béteille ;

– Débat d’actualité : la situation en Afrique du Nord : Mme Marietta Karamanli et M. Bernard Fournier ;

– La peine de mort dans les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe – une violation des Droits de l’homme : M. Denis Badré (au nom du groupe ADLE) ;

– Renforcer les mécanismes de prévention de la torture en Europe : MM. René Rouquet (au nom du groupe socialiste), Laurent Béteille et Frédéric Reiss.

Vendredi 15 avril 2011

– L’eau : une source de conflits : MM. André Schneider (au nom du groupe PPE) et René Rouquet ;

– Les problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour d’enfants non accompagnés en Europe : M. Laurent Béteille (au nom du groupe PPE).

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 

A. COMMUNICATION DU COMITE DES MINISTRES  PAR M. DAVUTOGLU

M. Ahmet Davutoglu, ministre des affaires étrangères et président du Comité des ministres a dressé un bilan des défis auxquels était confrontée la présidence turque. L'objectif qui consistait à redonner une visibilité à l'action du Conseil de l'Europe au sein des organisations internationales a, en quelque sorte, était atteint. Le vent de liberté qui a soufflé en Méditerranée a souligné les capacités d'expertise du Conseil de l'Europe en matière de transition démocratique.

Une délégation de la commission de Venise s'est rendue en Tunisie afin de proposer une aide juridique pour l'élaboration des réformes constitutionnelles et électorales à venir dans le plein respect de la souveraineté de ce pays. La présidence turque apporte son soutien politique et financier à cette initiative.

Une réflexion plus globale sur la politique de voisinage a été entreprise par le Comité des ministres, qui soutient l'initiative lancée par l'Assemblée parlementaire de « partenaire pour la démocratie ».

L'arrivée massive de migrants dans les pays membres du Conseil de l'Europe a montré qu’un équilibre se devait d’être trouvé entre le respect du droit d'asile et un partage des responsabilités et de la charge migratoire que cela représente entre États membres.

Le développement d'une coopération plus étroite entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe, et notamment l'adhésion de l'Union européenne à la Convention des Droits de l’homme et des libertés fondamentales, est l'un des défis majeurs auquel est confrontée la présidence turque.

Le président du Comité des ministres a la ferme conviction que l'Europe a plus que jamais un rôle important à jouer sur la scène internationale en mettant en exergue la diversité culturelle, linguistique et religieuse, facteur de richesse plus que de division.

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC), a souhaité savoir, au nom du groupe ADLE, quel était l’engagement personnel du président du Comité des ministres sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des Droits de l’homme :

« L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des Droits de l’homme représentera une avancée hautement symbolique pour le système paneuropéen de protection des Droits de l’homme. Elle pose aussi de vrais problèmes. Pouvez-vous nous confirmer votre engagement personnel sur cette question et faire le point sur l’état actuel des négociations à ce sujet entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe ?

M. Davutoglu, a précisé que cette adhésion était une priorité aussi souhaiterait-il voir aboutir les négociations avant la Conférence d'Istanbul qui marquera la fin de la présidence turque :

« Une autre de nos grandes priorités est la suivante : assurer l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des Droits de l’homme.

Nous avons rencontré le 4 mars à Bruxelles Mme Ashton et son équipe ; la réunion a été particulièrement fructueuse puisque nous avons passé en revue les différentes étapes déjà franchies par le groupe de négociation. Nos équipes travaillent d’arrache-pied et nous espérons que cela aboutira avant Istanbul. Cependant s’il faut trouver un temps supplémentaire, nous le trouverons, même après la Conférence d’Istanbul. Les choses avancent bien ; il s’agit d’une évolution historique, vous l’avez dit, et nous sommes convaincus que nous atteindrons notre objectif. »

Mme Annick Girardin (Saint-Pierre-et-Miquelon – SRC) a demandé quelle était la position de la Turquie sur l'intervention de l'OTAN en Libye :

« La Turquie est, depuis 1952, membre de l’OTAN. Pourriez-vous nous préciser sa position en ce qui concerne l’engagement actuel en Libye ? Par ailleurs, estimez-vous que Kadhafi est un homme politique avec qui nous pouvons encore signer des accords ? »

M. Davutoglu a rappelé les conditions d'engagement de l'OTAN en Lybie dans le cadre de la résolution de l'ONU :

« Lorsque les forces de Kadhafi ont lancé leurs attaques sur Benghazi, Ajdabiya et Ras Lanouf, il y a eu immédiatement crise humanitaire. Au sein de l’OTAN, cette question a été encore une fois abordée, mais, pour que cette Organisation intervienne, il faut, d’une part, une résolution du Conseil de sécurité qui lui donne mandat, d’autre part, le soutien ou une décision de la Ligue arabe.

Le mandat des Nations Unies couvre quatre domaines de compétence : embargo sur les armes, accès humanitaire, zone d’exclusion aérienne et protection des civils. C’est donc avec un tel mandat que l’Otan est entré en action. Nous souhaitons qu’elle se montre très engagée, très active, sur ces quatre fronts évoqués dans la résolution 19-73.

Pour ce qui est de la situation qui prévaut sur le terrain, bien entendu il y a encore des affrontements. Une délégation de l’Union africaine s’est rendue sur place hier, elle s’est entretenue avec les deux parties en présence.

Nous pensons qu’un cessez-le-feu immédiat, que l’accès des convois humanitaires aux municipalités et que le retrait des forces armées de ces villes doivent servir un objectif politique ; il faut qu’il y ait un changement politique et que le peuple libyen puisse avoir de nouvelles aspirations. Toutefois il appartient à ce peuple de décider de son avenir et du gouvernement qu'il veut à sa tête. »

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a souhaité connaître la position du ministre des affaires étrangères turc sur le rôle de la Turquie en tant qu'acteur régional dans le processus de démocratisation en cours dans les pays arabes, en particulier en Syrie :

« C’est au ministre turc des Affaires étrangères que je m’adresse aujourd’hui.

Monsieur le ministre, de nombreux pays limitrophes de la Turquie connaissent des réveils démocratiques, avec plus ou moins de succès. La Syrie en fait partie. Quel rôle la Turquie compte-t-elle jouer concrètement en tant qu’acteur régional dans ces processus de démocratisation en cours ? »

M. Davutoglu a précisé que la Turquie apportait son soutien à ce changement démocratique tout en restant attachée à la stabilité de la région :

« La Syrie est l’un de nos voisins les plus stratégiques. Nous avons développé nos relations avec ce pays durant les dix dernières années et elles continuent à évoluer de manière positive. En Syrie, mais aussi partout dans la région, monte cette demande de plus de démocratie, qui vient des populations.

Nous soutenons ce changement, mais nous voulons que celui-ci se réalise sans causer d’instabilité. Nous maintenons avec la Syrie des contacts, un dialogue. Le Premier ministre Erdoğan a eu des contacts avec le Président syrien. Personnellement, je me suis rendu à Damas la semaine dernière, où j’ai eu trois heures d’entretien avec le Président Bachar el-Assad. Nous continuerons à encourager la Syrie, à réaliser les réformes qui ont été promises dans le passé. Le Président lui-même avait annoncé un train de réforme en 2005 et, en décembre, lorsque les événements ont commencé en Tunisie, il a répété qu’il y avait un besoin de réforme dans tous les pays arabes.

Nous attendons maintenant que ces réformes soient réalisées. C’est au travers d’elles qu’une transformation pacifique de la Syrie sera possible. C’est ce que nous souhaitons et c’est dans ce sens que nous œuvrons. »

Quant à M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC), il a demandé des précisions sur la position du Comité des ministres à propos des élections qui se sont déroulées au Kazakhstan, les candidats de l'opposition ayant décidé de rallier la majorité :

« Plusieurs de nos collègues se sont rendus il y a une semaine au Kazakhstan afin d’observer les élections présidentielles. Si, techniquement, le scrutin n’a pas posé de problème, il convient de s’interroger sur les conditions politiques dans lesquelles s’est déroulé ce vote, les trois candidats de l’opposition annonçant la veille de l’élection qu’ils donneraient finalement leurs voix au président sortant, réélu avec 95 % des voix.

Monsieur le ministre, le Comité des Ministres entend-t-il réagir de manière significative à cette parodie de démocratie? Est-il utile, selon vous, d’envoyer des observateurs sur place? »

M. Davutoglu n'a pu répondre, cette question n'ayant pas été soulevée au sein du Comité :

« Cette question n’a pas été évoquée au sein du Comité des ministres. Je ne peux donc pas vous répondre. »

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a souhaité interroger M. Davutoglu sur le rôle global, notamment religieux, que la Turquie entendait jouer au Moyen-Orient :

« Monsieur le ministre, vous avez indiqué un jour que la Turquie souhaitait se positionner comme acteur global au Moyen-Orient. Que vouliez-vous dire exactement? La Turquie a-t-elle l’intention de devenir le leader de l’islam sunnite? Enfin, comment comptez-vous promouvoir les principes fondamentaux du Conseil de l'Europe, l’État de droit, la démocratie et les Droits de l’homme? »

M. Davutoglu a affirmé que la Turquie n'avait pas de velléité hégémonique dans la région et que, de surcroît, elle avait toujours respecté la cohabitation entre les différentes communautés religieuses :

«  Je ne crois pas que ni le Président de la Turquie, ni le Premier ministre, ni moi-même ayons jamais dit que la Turquie souhaitait se positionner comme acteur global au Moyen-Orient ou comme chef de l’islam sunnite. Nous sommes un État moderne et nous n’avons pas l’intention d’imposer quoi que ce soit aux pays voisins. Ceux-ci sont nos égaux et nous n’avons à leur égard aucune velléité dominatrice. Nous n’avons jamais soutenu non plus les sunnites au détriment des chiites, ou les musulmans au détriment des chrétiens. Ce serait aller à l’encontre de nos principes laïques et de notre histoire.

Au fil des siècles, la société turque a toujours vécu sous le régime de la cohabitation entre les différentes communautés. Nous souhaitons avant tout contribuer à maintenir la stabilité de la région, en partenariat avec tous les pays qui la composent. Il s’agit de faire prévaloir la paix à l’échelon mondial. C'est dans cet esprit que la Turquie veut jouer un rôle actif dans les institutions internationales, au premier rang desquelles le Conseil de l'Europe.

En tant que membre du G20, du Conseil de sécurité des Nations Unies ou du Conseil pour l’alliance des civilisations, mon pays souhaite participer à l’instauration de la paix dans le monde. Mais je n’ai jamais tenu les propos que vous me prêtez! »

B. RAPPORT ANNUEL D’ACTIVITE 2010 DU COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME, M. THOMAS HAMMARBERG

Le commissaire aux Droits de l’homme, M. Thomas Hammarberg, a dressé un tableau relativement sombre de la situation des Droits de l’homme.

La discrimination dont souffrent les Roms reste une réalité partagée dans de nombreux pays européens. Le sentiment anti-Roms reste une cause fondamentale de leur situation sociale dramatique.

La xénophobie et le racisme ont augmenté, conséquences directes de la crise économique. Les discours populistes à des fins électoralistes ont renforcé ces sentiments. On relève, à cet égard, une augmentation des manifestations d’islamophobie. De nombreux dirigeants politiques n’ont pas assez mis en avant l’aspect multiculturel de l’Europe, dont les musulmans sont partie intégrante. Ainsi, si le multiculturalisme semble échouer en Europe, c’est bien parce que tout n’a pas été mis en œuvre pour qu’il réussisse.

Autre partie sombre du tableau, la situation des migrants en Europe. Il ne fait aucun doute que l’Europe doit repenser sa politique migratoire afin que la responsabilité de l’accueil soit répartie de manière plus juste et plus équitable.

La liberté des médias est toujours menacée à plusieurs titres en Europe, intervention de l’exécutif dans certains programmes et autorisations d’émettre, menace envers le pluralisme des medias du fait de la concentration économique, menaces sur l’intégrité physique des journalistes.

Le Commissaire aux Droits de l’homme considère que les valeurs de la Charte sociale, dont c’est le cinquantième anniversaire, devraient être mieux utilisées.

Pour finir, il a déploré que l’égalité entre les hommes et les femmes soit toujours une fiction qui empêche les femmes de jouer le rôle économique, social et politique qu’elles sont légitimement appeler à jouer.

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) s’est interrogé sur l’apport du Commissariat aux Droits de l’homme dans la transition du monde arabe vers la démocratie :

« Monsieur le Commissaire, lundi, nous évoquions avec notre Secrétaire Général, M. Jagland, les conditions dans lesquelles le Conseil de l’Europe peut accompagner les peuples du monde arabe en route vers la démocratie. Nous évoquions le Partenariat pour la démocratie et la Convention de Venise. Pouvez-vous vous-même leur proposer des services ? Si oui, lesquels et dans quelles conditions ? »

M. Thomas Hammarberg a reconnu que l’expertise du Commissariat pourrait être utile à condition qu’une demande expresse soit faite par les parties intéressées :

« C’est une question intéressante. J’ai été prudent par rapport à mon mandat, qui date de 1989. Sa lecture attentive montre clairement que je dois me concentrer sur les États membres du Conseil de l’Europe et j’ai tout à fait respecté cette limite.

Pour ce qui est des questions transfrontières, telles que les migrations et les réfugiés, bien entendu, nous aurions quelque chose à faire. Cependant pour que nous contribuions au développement de la situation, ne serait-ce qu’en Tunisie, vous devez nous donner le feu vert car nous ne voulons pas dépasser les limites de notre mandat. L’expérience que nous avons acquise pourrait servir à la mise au point d’un système garantissant un meilleur respect des Droits de l’homme. Nous disposons de capacités intellectuelles pour ce faire, mais la demande doit en être faite et vous devez manifester votre appui. »

M. François Rochebloine (Loire – NC) a demandé des informations sur la situation des citoyens géorgiens d’origine arménienne :

« Monsieur le Commissaire, depuis août 2008, vous vous êtes rendu à huit reprises en Géorgie. En 2010, vous avez visité deux fois ce pays, en février et en mai. Votre rapport et les documents auxquels il renvoie ne mentionnent aucune intervention de votre part sur la situation pourtant très précaire des citoyens géorgiens d’origine arménienne vivant au Djavakhk. Sur ce grave sujet, êtes-vous entré en relation par d’autres moyens avec les autorités géorgiennes ? Sinon, pourquoi n’avez-vous pas pris les initiatives que vous m’aviez annoncées, ici même, il y a un an ? »

M. Thomas Hammarberg a expliqué que cette question n’avait pas véritablement été évoquée lors de ces différents séjours en Géorgie, car c’est le Haut-commissaire pour les minorités nationales qui est en charge de cette question :

« Qu’avons-nous fait au sujet de la minorité arménienne en Géorgie ? Vous le savez, je me suis rendu à plusieurs reprises en Géorgie et j’irai de nouveau la semaine prochaine. Cette question n'est cependant pas à l’ordre du jour de ma prochaine visite non plus. La question de la minorité arménienne n'a été jusqu'à présent qu'effleurée. J’espère pouvoir en parler plus longuement, la semaine prochaine.

J’ai été en contact étroit avec le haut-commissaire pour les minorités nationales, M. Vollebaek, qui a fait davantage que moi en la matière. Il s’est rendu à l’intérieur du pays pour faire une enquête sur la situation de cette minorité. »

C. DEBAT D’URGENCE : L’ARRIVEE MASSIVE DE MIGRANTS EN SITUATION IRRÉGULIERE, DE DEMANDEURS D’ASILE ET DE REFUGIES SUR LES RIVAGES SUD DE L’EUROPE

L’Assemblée parlementaire a souhaité tenir un débat d’urgence sur la situation dramatique de certains pays d’Europe du Sud, confrontés à une arrivée massive de migrants, conséquence des révolutions démocratiques d’Egypte, de Tunisie et de Libye.

La situation est néanmoins pas comparable dans ces trois pays. La transition démocratique se fait plus ou moins facilement en Tunisie et en Egypte. En revanche, en Libye, la guerre civile peut justifier une demande d’asile politique en Europe. Pour la Tunisie et l’Egypte, les conditions de la recevabilité d’une demande d’asile semblent, a priori, moins réunies.

Frontex, l’agence européenne en charge de la police des frontières européennes, apporte une aide à Malte et à l’Italie, conformément aux valeurs de la convention européenne des Droits de l’homme. Néanmoins, en cas de violation de celle-ci le Conseil de l’Europe s’autoriserait à constater le non respect de l’obligation de garantir l’asile aux personnes ayant besoin de protection. M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a, d’ailleurs, au nom du groupe PPE, souhaité souligner l’importance de la solidarité européenne pour faire face à cette situation, solidarité qui doit dépasser les frontières de l’Union européenne proprement dite :

« Ce débat d’urgence se justifie pleinement par la situation à Lampedusa et sur les côtes européennes, et par les naufrages parfaitement insupportables qui se produisent.

Cela dit, il existe effectivement – le rapport le souligne – une disproportion entre le nombre d’arrivants en Europe et le nombre de migrants qui arrivent dans les pays voisins de la Libye, à savoir la Tunisie et l’Egypte.

Nous devons essayer de trouver des solutions humanitaires. Faut-il pour autant modifier les instruments juridiques dont nous disposons ? Je n’en suis pas vraiment convaincu. Il faut plutôt, me semble-t-il, les utiliser à plein, en particulier les règles du droit d’asile et de l’immigration régulière. Il ne servirait à rien d’accueillir en Europe plus de migrants que l’Europe ne peut en accueillir. Le marché du travail dont parlait Mme la rapporteure n’est pas extensible à l’infini ; nous le savons très bien.

En revanche, je suis vraiment tout à fait d’accord pour que l’ensemble de l’Europe, au-delà d’ailleurs de la seule Union européenne, prenne en compte cette situation pour qu’elle reste supportable. Il n’y a aucune raison pour que l’Italie, Malte et certains autres pays en portent seuls le fardeau. La solidarité s’impose. De même est-il nécessaire d’aider le HCR à régler les problèmes sur place.

Au delà, il faut que l’Europe engage les moyens nécessaires pour régler le problème Kadhafi. Peut-être est-ce un autre sujet, mais nous ne pouvons pas ne pas l’avoir en tête. Cette guerre civile doit être arrêtée par tous les moyens et la Libye doit redevenir un pays comme les autres, à l’instar de la Tunisie et de l’Egypte qui ont su surmonter ces crises. Il faut faire en sorte que la démocratie triomphe en Libye et que l’Europe participe à la relance de l’économie de ces pays.

C’est ainsi que nous règlerons le problème et que nous éviterons qu’une situation grave ne dégénère en situation insupportable. »

Dans son intervention Mme Claude Greff (Indre-et-Loire – UMP) a rappelé que la lutte contre l’immigration clandestine devait se renforcer et les partenariats entre l’Afrique du Nord, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe se consolider :

« Madame la Présidente, madame la rapporteure, je suis inquiète : l’arrivée massive de migrants en situation irrégulière aux frontières de l’Europe met notre solidarité à l’épreuve. Elle nous met également face à nos responsabilités, car la situation actuelle est dramatique et ne pas lui apporter de réponse serait inacceptable d’un point de vue humanitaire ; il est donc de notre devoir de parlementaires d’y répondre.

      Pour autant, une ouverture massive de nos frontières serait également une réponse erronée, qui ne résoudrait en rien le drame humanitaire que vivent ces personnes. A défaut d’un eldorado, ce sont effectivement des conditions sanitaires déplorables qui leur seraient offertes en l’absence de possibilités d’intégration légale et d’intégration économique. Nos pays sont actuellement soumis à une pression migratoire à laquelle ils ne peuvent économiquement répondre du fait des conséquences d’une crise qui perdure, qui se traduit notamment par un chômage élevé.

      L’arrêt M. S. S contre Belgique et Grèce a mis en exergue le fait que certains pays membres de l’Union européenne ne remplissaient pas les conditions sanitaires standard pour accueillir des demandeurs d’asile dans des conditions décentes. Cela a eu pour corollaire non négligeable de priver de portée juridique le règlement Dublin II en empêchant que les demandes d’asile se fassent dans les pays d’entrée qui, sur le territoire de l’Union européenne, ne rempliraient pas les obligations de la Convention européenne des Droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il faut savoir tirer les conséquences utiles de cet arrêt rendu antérieurement à la situation humanitaire dramatique à laquelle sont actuellement confrontés certains pays membres de l’Union et du Conseil de l’Europe.

      Quelle place offrirons-nous donc à ces immigrés en situation illégale dont les conditions d’accès à l’asile politique semblent compromises ? Aussi difficile qu’elle soit, la situation en Afrique du Nord ne légitime effectivement en rien une demande d’asile qui procèderait plus de considérations économiques que de raisons politiques.

Le choix, courageux, de la démocratie par la Tunisie ne doit pas conduire à une hémorragie de ses forces vives. Dès lors, la réponse que l’Union européenne et le Conseil de l’Europe peuvent apporter doit être univoque : sécuriser dans un premier temps les départs de migrants, victimes de passeurs sans foi ni loi, criminels qui abusent de leur naïveté et leurs promettent des eldorados qui n’existent pas. L’arrivée illégale de ces migrants les contraindrait plutôt à venir grossir les rangs des laissés-pour-compte de la croissance.

Nous devons renforcer le partenariat entre le Conseil de l’Europe et les pays d’Afrique du Nord pour que l’expertise technique du Conseil de l’Europe en matière de Droits de l’homme serve à éviter ces départs massifs par une stabilisation rapide de la situation politique. Plus généralement, les liens qui unissent l’Afrique du Nord et l’Europe doivent se concrétiser par un partenariat renforcé de ces pays avec l’Union européenne et le Conseil de l’Europe. Cela me semble la meilleure solution envisageable. »

D. DEBAT D’ACTUALITE : LA SITUATION EN AFRIQUE DU NORD

L’Assemblée parlementaire a tenu un débat d’actualité sur l’évolution de la situation en Afrique du Nord, « printemps arabe » parfois comparé au printemps des peuples de 1848.

Ont tour à tour étaient évoqués la difficulté pour les démocraties occidentales de prévoir une telle éclosion de liberté, l’importance du statut de partenaire de la démocratie, les espoirs que font naître ces révolutions dans l’ensemble du monde arabe.

L’Assemblée parlementaire a souligné l’importance d’établir des contacts institutionnels afin d’aider ces pays à construire de nouvelles institutions respectueuses de l’État de droit. L’élaboration d’un Code électoral, qui permette à l’ensemble des forces vives de la nation de se présenter fait, notamment, figure de priorité.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a, pour sa part, mis en garde contre une exportation des modèles institutionnels européens qui ne seraient pas nécessairement adaptés au contexte des pays d’Afrique du Nord :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, passé l’effet de surprise, le « printemps arabe » a déclenché en Europe une vague d’enthousiasme. Le Conseil de l’Europe, notamment par le biais de la Commission de Venise, a tenu à accompagner ce mouvement de démocratisation de l’ensemble de la région. Cette démarche est fondamentale. Il est, en effet, important que le vieux continent, parfois considéré comme partie prenante dans le maintien des régimes forts, puisse aider à rendre concrètes les espérances induites par de tels changements.

La tâche est immense et incite à une certaine prudence. L’élimination des autocrates, le départ d’une classe politique largement corrompue et leur remplacement par des régimes démocratiques n’est qu’un point de départ. La suite est tout aussi délicate. Les nouveaux gouvernements doivent en effet créer les conditions d’une reprise économique durable. Il me semble en effet nécessaire de rappeler que l’objectif premier des révoltés était de dénoncer le contexte économique et social difficile dans lequel ils évoluaient.

Il convient, par ailleurs, de ne pas céder à une forme de naïveté en pensant que tous ces États vont s’orienter vers le modèle démocratique européen. Sans douter de la compatibilité entre islam et démocratie, il est permis de penser que la question religieuse aura une influence certaine sur la définition que ces nouveaux régimes devront donner au mot égalité.

Un rapide panorama de la région tend à tempérer toute euphorie. Rappelons ainsi qu'en Egypte, c’est l’armée qui met en place la transition vers la démocratie et que son rôle est déjà contesté. L’intervention nécessaire en Libye n’est pas, à l’heure actuelle, couronnée de succès, la rébellion ne parvenant pas à faire tomber le régime sanguinaire du colonel Kadhafi. La jeunesse tunisienne, après avoir mis à terre la présidence Ben Ali, semble préférer désormais l’émigration et la clandestinité à la participation à la démocratisation du pays.

Rappelons par ailleurs, que des décennies de répression ont, dans ces pays, empêché la formation de ce que certains appellent des élites de substitution. Il n’y existe pas, comme en Europe de l’Est, de dissidence sortie des prisons, ou alors en faible nombre. Et on ne peut demander aux animateurs de réseaux sociaux de devenir, du jour au lendemain, des leaders politiques dotés d’une claire vision de l’avenir.

A l’heure actuelle, seuls les opposants revenus d’exil peuvent incarner l’alternance. De l’avis de nombreux observateurs, ils ne disposent malheureusement pas d’une expérience politique suffisamment étendue pour leur permettre d’embrasser toutes les problématiques inhérentes aux situations de transition démocratique. Le suivi du Conseil de l’Europe est à cet égard indispensable, tant il doit permettre à ces révolutions d’arriver pleinement à maturité. Si le principe d’universalité des Droits de l’homme est intangible, le Conseil de l’Europe doit néanmoins se garder de vouloir imposer un modèle institutionnel prêt à l’emploi. Nous ne pouvons verser dans une colonisation intellectuelle, sous peine de fragiliser cet élan démocratique sincère. »

L’intervention de Mme Marietta Karamanli (Sarthe – SRC) a, quant à elle, souligné que le devoir actuel des démocraties européennes réside dans l’accompagnement démocratique et la protection des populations civiles menacées :

« L’évolution récente de plusieurs pays d’Afrique du Nord nous conduits à débattre d’une situation faite d’espoirs et de craintes. Mon propos sera bref et articulé autour de trois points.

Tout d’abord, il nous faut apporter notre soutien à la démocratie et aux populations. Le futur historien qui sera amené à commenter la période récente ne manquera pas de souligner que bon nombre de pays d’Europe ne se sont que tardivement inquiétés du pouvoir absolu exercé dans plusieurs pays de l’Afrique du Nord, dans des régimes prétendument révolutionnaires et populaires, qui se transmettait de père en fils. Il régnait du côté des pays européens une forme d’autisme consistant à écrire l’historie sans composer et sans faire avec les peuples.

Certes les grands équilibres économiques y étaient assurés, mais l’enrichissement n’était pas partagé. La réduction de la pauvreté exige une croissance économique et elle exige également que tous les citoyens aient le pouvoir politique car la démocratie seule est en mesure de redistribuer les richesses. Parler de développement économique sans parler de partage démocratique revient à deviser de flux de richesses sans évoquer leurs destinataires ce qui ne peut que fragiliser des projets collectifs qui ont besoin pour réussir d’une implication large.

Plusieurs révolutions d’inspiration démocratique ont donc eu lieu. Au mieux, des périodes de transition démocratique sont nées ; au pire les pouvoirs en place ont tenté et tentent d’inverser le mouvement par la violence et la force armée. La seule légalité et légitimité d’une action armée s'insère dans le cadre des Nations Unies.

Ayant pris conscience du caractère inéluctable des évolutions de fond, est apparu la nécessité d’exercer soit un devoir d’accompagnement démocratique soit un devoir de protection des populations civiles menacées. Ces deux devoirs, il faut maintenant les mettre en œuvre avec intelligence et persévérance.

Prenons la situation de la Libye.

Le 17 mars, le Conseil de Sécurité de l’Onu a adopté une résolution prévoyant la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus du pays et autorisant le recours à la force pour protéger la population civile des troupes du colonel Kadhafi. Cette résolution, nous le savons, n’est pas un blanc-seing. Elle est fondée sur la recherche d’une solution collective, même si les moyens mis en œuvre reposent sur les forces militaires de quelques pays. Aux devoirs de démocratie ou de protection des populations doit correspondre un devoir de lucidité. A ce titre les conditions d’intervention ne peuvent évoluer que sous le contrôle des Nations Unies. L’objectif ne peut être que celui de protection des populations civiles, la liberté appartenant aux peuples et ne pouvant être imposée de l’extérieur par la seule force.

Enfin, osons dire qu’une intervention armée, à défaut d’être juste, peut être inévitable si les vies et la dignité des êtres humains sont en cause.

Je terminerai en rappelant la nécessité de proposer des actions en faveur des populations mises en mouvement par les opérations armées et l’opportunité de prendre de nouvelles initiatives en faveur de solutions politiques. Il faut rappeler la priorité à donner aux règlements politiques de ces conflits et prendre en ce sens des initiatives fortes. Nous pourrions par exemple proposer des instruments régionaux d’examen des questions et de règlement progressif avec des formats et des partenaires encore peu ou pas sollicités.

Parallèlement les interventions armées sont à l’origine de mouvements importants de populations. Pour répondre aux besoins de celles-ci, la communauté internationale doit pouvoir créer des zones d’accueil et des plateformes logistiques aux frontières occidentale et orientale de la Libye, dans le cadre d’une coopération renforcée avec les gouvernements transitoires tunisien et égyptien et avec l’appui des organisations intergouvernementales, telles que la Ligue des États arabes, ou l’Union africaine.

A ces conditions nos espoirs resteront fondés et nos craintes resteront infondées. »

E. PROBLEMES LIES A L’ARRIVEE, AU SEJOUR ET AU RETOUR D’ENFANTS NON ACCOMPAGNES EN EUROPE

La commission des migrations, des réfugiés et de la population a présenté un projet de résolution et un projet de recommandation relatifs à la question de l’arrivée de mineurs non accompagnés en Europe.

Face à la diversité des réponses en matière d’accords de réadmission entre les différents pays membres, la rapporteure préconise l’adoption de quinze principes communs qui seraient valables pour l’ensemble des 47 pays membres.

La philosophie qui sous-tend l’ensemble de ces principes est de faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant, tel que le définit la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. Ainsi, le retour de l’enfant dans son pays d’origine se doit d’être exceptionnel sauf à ce que le regroupement familial ne l’exige. La rétention administrative ne peut, par ailleurs, être tolérée. Les demandes doivent être traitées avec toute l’humanité qu’exige le fait qu’il s’agisse d’enfants.

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a, au nom du groupe PPE, souligné l’importance qu’il y aurait à harmoniser les pratiques au niveau européen afin de respecter le droit des mineurs :

« Mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier et à féliciter Mme Reps pour son excellent rapport, qui met l’accent sur un phénomène inquiétant. Les propositions d’amendements de Mme Coleiro Preca complètent le rapport très utilement.

L’Assemblée a déjà traité le sujet des enfants non accompagnés en Europe à plusieurs reprises, en 2003 et en 2005. Le Comité des Ministres a quant à lui fait des propositions en 2007 pour inciter les États membres à élaborer un projet à l’intention des mineurs migrants. Il est bon aujourd’hui d’y revenir car le phénomène est considérable : 100 000 enfants en Europe, et ce nombre ne cesse d’augmenter.

Pour quelle raison ces mineurs quittent-ils leur pays et leur famille ? Sont-ils forcés ou non ? Il s’agit d’un drame terrible, qui méritait pour le moins un rapport et des préconisations.

Le premier amendement de la commission des questions sociales me paraît très positif. J’approuve par ailleurs les propositions du rapport, avec toutefois certaines nuances. L’appréciation de la minorité doit intervenir, en effet, lorsque c’est indispensable, mais elle reste souvent une nécessité et peut être utile à l’enfant lui-même. Pour le reste, nous devons retenir essentiellement que les enfants migrants doivent avant tout être considérés comme des enfants. Leur statut de mineur prime sur leur statut de migrant. Il faut veiller par ailleurs à ce que ce statut de mineur ne soit pas exploité dans le cadre de trafics d’êtres humains.

Les quinze propositions de la rapporteure méritent d’être approuvées. L’idée d’harmoniser les critères dans l’ensemble des États membres est tout à fait souhaitable. »

Les projets de résolution et de recommandation, amendés, ont été adoptés.

F. LE RESPECT DES OBLIGATIONS ET ENGAGEMENTS DE LA GEORGIE

La Géorgie est un exemple de pays en transition démocratique qui a accompli un certain nombre de progrès, mais qui, confrontée à certaines difficultés, devra continuer les réformes afin de se conformer entièrement à ses obligations conventionnelles.

Il convient de rappeler que les événements de 2007 ainsi que la guerre avec la Russie n’ont pas facilité le processus de réforme qui était en cours.

Après la tenue des élections générales, un nouveau train de réformes a été engagé : rédaction d’une nouvelle Constitution et d’un nouveau Code électoral, réforme de la justice et des médias, et approfondissement de la décentralisation. Ces réformes se sont traduites par l’établissement d’un système parlementaire, le Président de la République étant le garant du bon fonctionnement des institutions.

La majorité de l’opposition extraparlementaire a refusé de participer au travail de la Commission constitutionnelle chargée d’élaborer ces nouveaux textes.

Si les progrès démocratiques sont indéniables, les rapporteurs préconisent que l’Assemblée parlementaire ne lève pas sa procédure de suivi tant que des réformes supplémentaires n’auront pas été initiées. Les rapporteurs de la commission de suivi insistent sur la nécessité de renforcer la liberté de la presse et d’améliorer le fonctionnement du système judiciaire.

Ils souhaiteraient également qu’une plus grande diligence soit apportée aux enquêtes qui ont suivi les assauts lancés contre les manifestants au cours des manifestations de 2007 et 2009. 

Le projet de résolution, amendé, a été adopté.

G. LA PEINE DE MORT DANS LES ÉTATS MEMBRES ET OBSERVATEURS DU CONSEIL DE L’EUROPE – UNE VIOLATION DES DROITS DE L’HOMME

L’abolition de la peine de mort est une valeur cardinale du Conseil de l’Europe. Aucune adhésion au Conseil de l’Europe ne peut avoir lieu sans qu’au moins un moratoire sur la peine de mort ait été instauré avec pour finalité, à terme, une abolition définitive.

L’article 2 de la Convention européenne des Droits de l’homme et de sauvegarde des libertés fondamentales dispose que la peine de mort est interdite.

Le rapport établi par la commission des questions juridiques vise, donc, à ce que la peine de mort soit abolie dans l’ensemble des pays membres du Conseil de l’Europe y compris dans les pays observateurs tels que les États-Unis et le Japon.

Parmi les pays membres du Conseil de l’Europe seule la Russie n’a pas aboli la peine de mort. Un moratoire lors de l’adhésion au Conseil de l’Europe a été instauré, que la Cour suprême a prolongé sine die. Néanmoins, à terme, la Russie devra proclamer une abolition de la peine capitale.

La Biélorussie, candidat à l’adhésion, a vu repousser, pour l’instant, sa candidature du fait de la levée du moratoire sur la peine de mort qu’elle avait instauré en vue des pourparlers d’adhésion.

Si certains États américains, à l’image de la Californie, ont aboli de facto la peine de mort, la situation au Texas demeure préoccupante. Un tribunal texan a ainsi sursis à une exécution, du fait notamment de l’arrêt Avena de la Cour internationale de justice qui condamne les États-Unis pour non respect de la Convention de Vienne suite au refus de l’assistance consulaire à des citoyens mexicains qui ont été condamnés à mort. L’exécution définitive pourrait cependant intervenir le 7 juillet.

Aux yeux de M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC), intervenant au nom du groupe ADLE, cette question est fondamentale, l’abolition de la peine de mort étant une valeur universelle sur laquelle le Conseil de l’Europe ne peut transiger :

«  La peine de mort “n’est pas moins révoltante que le crime,… loin de réparer l’offense au corps social, elle ajoute une nouvelle souillure à la première” écrivait Albert Camus dans ses Réflexions sur la guillotine en 1957. Partageant cette réprobation, les pays abolitionnistes sont aujourd’hui près de cent cinquante. Les deux tiers de la planète ont donc “exécuté” la peine de mort, et nous sommes nombreux à garder en mémoire le précieux souvenir du remarquable plaidoyer de Robert Badinter qui entraîna l’abolition de la peine de mort en France, il y a trente ans.

Comme le souligne l’excellent rapport de Mme Wohlwend, trois des pays qui ont noué des liens particuliers avec le Conseil de l’Europe pratiquent encore la peine de mort: les observateurs que sont les États-Unis et le Japon, ainsi que le Bélarus. Nous venons de parler longuement de ce pays, qui souhaite nous rejoindre un jour, mais il faudra attendre.

Notre Assemblée a déjà débattu en juin 2007 de l’opportunité d’instaurer, au moins, dans ces pays, des moratoires. Je constate que notre commission des questions juridiques et des Droits de l’homme milite une nouvelle fois, et avec une belle constance, pour une telle suspension de la peine de mort au Bélarus. Pour les membres de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, c’est un préalable incontournable à la réouverture de tout dialogue avec ce pays. Cependant, il nous faut prendre acte du fait que l’institution d’un moratoire ne représente qu’un très modeste début. Les moratoires institués au Japon et aux États-Unis ont en effet, malheureusement, montré leurs limites.

Rappelons simplement l’exemple américain.

La Cour suprême, à partir de 1967, a commencé à invalider des verdicts de mort puis à imposer des moratoires de fait, en estimant notamment que la peine de mort violait le huitième amendement de la Constitution américaine, qui interdit les châtiments cruels et inhabituels. Les arrêts rendus entre 1972 et 1976 ont confirmé cette jurisprudence, sans pour autant aboutir à une abolition généralisée. La Cour suprême américaine a en effet affiné sa jurisprudence en 1976 en autorisant la peine de mort comme sanction de certains crimes.

Fidèle à Camus, je considère que l’abolition de la peine de mort s’impose pour des raisons sociales autant que morales. Notre collègue russe M. Vyatkin vient d’ailleurs d’y insister. Pour que la suppression de la peine capitale soit irréversible, il faudra que les citoyens l’intègrent définitivement dans leur conception de la justice. Ce n’est malheureusement pas encore complètement fait. Ainsi, les décisions des cours suprêmes des États de New York et du Kansas qui ont déclaré la peine de mort incompatible avec les constitutions respectives de ces États ont suscité une réaction hostile de l’opinion, au point que les élus ont reculé et proposé de modifier lesdites constitutions. Les électeurs du Wisconsin ont, pour leur part, approuvé par référendum une motion demandant au législateur de l’État de rétablir la peine de mort pour les crimes de sang lorsque la culpabilité est prouvée par une analyse d’ADN.

En réalité, quel type de moratoire défendons-nous? Voulons-nous un moratoire limité aux exécutions, qui exclurait les condamnations de son champ, laisserait nombre de détenus dans les couloirs de la mort, dans une incertitude inhumaine. Ce n’est toujours pas ce que nous voulons, ce n’est toujours pas l’élimination de la souillure que la peine de mort ajoute à la blessure infligée à la société par le crime.

C’est l’honneur du Conseil de l’Europe, c’est l’honneur de notre Assemblée de poursuivre sans relâche leur combat sur la voie difficile d’une abolition universelle de la peine de mort que le président Mayor Zaragoza rappelait à l’instant comme une nécessité incontournable. »

Le projet de résolution, amendé, a été adopté.

*

* *

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

A. LA DIMENSION RELIGIEUSE DU DIALOGUE INTERCULTUREL

A l’initiative du président de l’Assemblée parlementaire, la commission de la culture a proposé un rapport sur la dimension religieuse du dialogue interculturel.

Plusieurs personnalités religieuses, toutes les confessions religieuses étaient représentées, sont intervenues dans le débat, mettant ainsi en exergue la possibilité d’un dialogue interreligieux qui respecte les particularités et la liberté de conscience de chacun.

Le patriarche Daniel de Roumanie, représentant de l’église orthodoxe roumaine, a précisé que les difficultés auxquelles l’Europe se trouvait confrontée en termes d’irrédentisme religieux provenaient probablement de l’oubli de la part religieuse de son identité. Celle-ci n’est pas contradictoire avec les valeurs du Conseil de l’Europe, « valeurs européennes dérivées de la tradition judéo-chrétienne, ensuite séparées d’elle pour être perçues comme des valeurs universelles».

Le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux de la Cité du Vatican, a rappelé les liens étroits que la culture entretient avec le catholicisme et que « les Chrétiens ont a se faire complices de tout ce qui, dans la culture, va encore, va toujours, va déjà dans le sens de l’humain et de l’humanisation.»

Le professeur Mehmet Görmez, président de la direction des affaires religieuses de la République de Turquie, a, quant à lui, tenu à souligner que « vivre ensemble et égaux dans la dignité est précisément le message essentiel de l’islam ». Il a insisté sur le fait que l’Europe devait reconnaître la contribution culturelle de l’Islam dans sa définition du patrimoine culturel.

Le Grand Rabbin de Russie, M. Berel Lazar, a établi dans son intervention qu’une des dimensions de l’Europe, voire sa dimension fondamentale, était le multiculturalisme, entendu au sens de diversité culturelle et religieuse. Il a tenu à préciser que « la Torah et la Bible nous disent que le prosélytisme n’est pas la bonne voie ; chacun a sa propre croyance, toutes les rivières vont à la mer, chacun a sa pierre à apporter à l’édifice. Dieu a voulu ces différences, c’est ainsi qu’il nous a créé. » Prenant l’exemple de la Russie il a salué le fait que l’ensemble des communautés religieuse s’ouvrent et que c’est un fait positif.

Le Prélat Bernhard Felmberg, représentant plénipotentiaire du Conseil de l’Eglise protestante d’Allemagne, a, pour sa part, expliqué que la contribution de la religion n’avait pas toujours était positive, servant parfois, contre son gré, les intérêts du dogmatisme et de l’intolérance. Il a également mis en évidence la dimension plurielle des identités, dont la religion n’est qu’une composante. Pour conclure, il a énoncé que « les religions font partie du notre identité individuelle et collective. L’État doit défendre la liberté religieuse de manière à ce que toutes les religions puissent être librement pratiquées. Dans la plupart des cas, cela signifie que les religions pourront apporter une contribution positive à nos sociétés dans leur ensemble, tant par le biais de leur engagement volontaire, bénévole que par le dialogue. »

La rapporteure, après avoir démontré l’importance qu’ont pu jouer les religions dans l’apprentissage de la tolérance, n’a pas souhaité aborder la question de la sécularisation de l’État, considérant que ce n’était pas l’objet même de ce rapport. Dans les solutions qu’elle préconise pour améliorer le dialogue interreligieux le Conseil de l’Europe devra jouer un rôle pivot en créant une plateforme de dialogue entre les différentes religions afin de faciliter ce dialogue.

Autre point marquant du rapport, enseigner le fait religieux dans les écoles pour faciliter l’apprentissage de la tolérance et du respect de l’autre afin de construire une véritable volonté de vivre ensemble.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation française, a mis en évidence l’importance de la neutralité de l’État pour assurer une protection de l’ensemble des identités religieuses :

« Je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de notre président, qui a permis qu’un tel débat ait lieu ici. Je félicite également notre rapporteure, Mme Anne Brasseur, pour son rapport équilibré sur une question ô combien difficile, qui met en exergue les difficultés du vivre ensemble dans nos démocraties.

André Malraux aurait prophétisé que le XXIe siècle serait religieux ou ne serait pas. Peu importe sa véracité, la profondeur de l’expression s’impose. Dans un siècle où le matérialisme paraît avoir suppléé toutes les autres croyances, le retour au religieux semble répondre à des quêtes identitaires, des quêtes de sens que les valeurs démocratiques de nos sociétés n’incarnent plus, ou alors seulement à défaut d’une espérance plus forte. Si la recherche d’un réconfort spirituel est à saluer, elle ne peut se faire au détriment ni des croyants, quelles que soient leurs religions, ni des valeurs démocratiques. Au contraire, celles-ci sont le socle sur lequel toutes les religions peuvent prospérer, à condition que leur prosélytisme ne soit pas contraire au respect et à la dignité de l’autre.

La rapporteure n’a pas souhaité développer les concepts de laïcité et de sécularisation de l’État. Néanmoins, son rapport met en exergue le rôle de l’État dans les sociétés démocratiques sa neutralité dans les questions religieuses, neutralité qui correspond précisément à la modernité démocratique, c’est-à-dire à la séparation du séculier et du religieux.

En France, cette neutralité porte le nom de laïcité ; ailleurs celui de sécularisation. Peu importe le terme, l’essentiel est de définir précisément ses contours : l’État doit favoriser la pluralité des expressions religieuses dans le respect mutuel de chacune comme des non-croyants. Cette neutralité implique une absence d’ingérence dans les affaires religieuses. Aussi l’État ne peut-il mener directement le dialogue interculturel ; c’est aux associations cultuelles de le faire. Toutefois il peut le favoriser en assurant que chaque religion, et ses fidèles, seront respectés sur son territoire.

La proposition d’Anne Brasseur que le Conseil de l’Europe puisse faciliter les échanges interreligieux en tant que plateforme de dialogue me semble intéressante, car notre Organisation ne saurait souffrir de partialité et apparaît bien comme le lieu favorable aux échanges entre les instances religieuses, dans un cadre respectueux des valeurs démocratiques.

Le rapport traite d’un autre point fondamental, et lié avec un sujet qui viendra en discussion à cette session : l’enseignement dans les écoles publiques du fait religieux. L’apprentissage des valeurs démocratiques, de la tolérance et du respect de l’autre commence dès le plus jeune âge. Dans une société qui reconnaît la diversité culturelle, il est nécessaire d’enseigner le fait religieux comme marque de cette diversité.

Comment vivre dans la concorde sans connaître les différences qui font la richesse de nos sociétés multiculturelles ? Comment vivre dans le respect mutuel en méconnaissant les différents messages de paix au cœur des trois religions du Livre et des philosophies humanistes ? Comment vivre ensemble sans connaître les rites et les particularités de nos concitoyens ? L’éducation est le point d’articulation entre un dialogue interreligieux nourri de tolérance et l’apprentissage des valeurs démocratiques.

La diversité religieuse, dimension inhérente à nos sociétés démocratiques, est un fait. Elle n’est en rien synonyme de menace, mais une richesse dont nous devons nous réjouir. »

Mme Annick Girardin (Saint-Pierre-et-Miquelon – SRC) a précisé que l’approche libérale de la dimension culturelle du dialogue n’excluait en rien la lutte contre les dérives sectaires qui menaceraient la cohésion sociale :

« Je salue à mon tour le travail remarquable accompli par la rapporteure.

Alexis de Tocqueville, dans De la démocratie en Amérique, avait déjà mis en exergue l’utilité sociale de la religion dans une société démocratique. Loin d’être inutile, l’enseignement religieux participait selon lui au fondement même de l’État de droit et de l’esprit démocratique, et l’éducation religieuse était nécessaire à l’élaboration d’une morale soucieuse du respect des lois dans un régime démocratique. Si le penseur de la démocratie a pu évoquer des risques d’atomisation du corps social, ils ne reposaient en rien sur le fait religieux, mais au contraire sur le développement du fort sentiment individualiste qui est le corollaire de la baisse du sentiment religieux et qui conduit à préférer ses propres intérêts à ceux de la cité.

Or, dans une société multiculturelle, le sentiment d’appartenance religieux conduit certains à s’identifier davantage à leur communauté qu’à l’ensemble de la société. Le philosophe canadien Will Kymlicka a ainsi, dans La citoyenneté multiculturelle, mis en évidence une théorie libérale du droit des minorités, y compris religieuses. Il cherche à démontrer que la démocratie libérale peut reconnaître des droits aux minorités sans pour autant mettre en péril la cohésion sociale. C’est l’impératif de justice sociale et d’égalité entre minorités qui évitera la tyrannie d’une des composantes et qui assurera une citoyenneté active.

Son analyse se fonde sur la notion d’identité publique de John Rawls, qui s’analyse comme une participation citoyenne dans un espace public neutre. Dans cette théorie libérale, le dialogue doit primer, même avec les communautés qui seraient rétives au libéralisme, mot entendu ici dans son sens philosophique de primat de la liberté individuelle sur les identités collectives.

Cette approche libérale de la démocratie et du droit des minorités revient à ce que prône le Conseil de l’Europe. Nous adhérons à ces valeurs. Néanmoins, la liberté religieuse au sens large – droit de choisir sa religion, d’en changer et de respecter les autres croyants – ne saurait être un droit absolu. L’article 9 de la Convention européenne des Droits de l’homme lui apporte un tempérament : la sauvegarde de l’ordre public et la « protection des droits et liberté d’autrui ». La liberté religieuse ne saurait signifier un ordre public religieux. Ses manifestations doivent se limiter au respect des croyances ou non croyances des autres citoyens. La cohésion sociale est à ce prix : la liberté doit être bornée dans l’espace public.

L’atomisation du corps social résulte aujourd’hui davantage de dérives identitaires fondées sur la religion que de l’absence de sentiment religieux. L’approche libérale de la dimension culturelle du dialogue interreligieux n’implique donc pas de s’abstenir de lutter contre les dérives sectaires et fondamentalistes de tout mouvement religieux ou laïque qui menacerait la cohésion sociale. »

Quant à M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC), il a souligné que le fait religieux ne doit pas être en contradiction avec la modernité démocratique au risque de menacer la liberté de conscience :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, l’excellent rapport de notre collègue Anne Brasseur souligne l’importance du fait religieux dans nos sociétés contemporaines et son influence sur la cohésion. Je remercie les hautes personnalités religieuses qui viennent de s’exprimer devant nous : elles nous ont fait vivre un nouveau moment fondateur de notre assemblée. La religion est l’une des plus fortes manifestations d’une diversité culturelle que nous devons absolument protéger à l’heure de la mondialisation.

Nous sommes nombreux à considérer que la démocratie suppose la séparation entre le politique et le religieux. C’est précisément dans ce contexte même si elle relève de la sphère privée - que la pratique religieuse emporte toutes ses conséquences sur notre capacité à construire une société vraiment humaine.

Le religieux ne peut être en contradiction ni avec la modernité démocratique ni avec les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe, grâce auxquelles nous entendons donner un caractère durablement humain à nos sociétés. La liberté de conscience et le droit de pratiquer sa religion sont bien des fondamentaux pour notre Conseil. En outre, le spirituel offre une dimension transcendante d’espérance dont nous avons bien besoin.

C’est dans cet esprit que je salue les termes choisis par notre rapporteur, qui fonde très justement notre réflexion sur le principe d’universalité des Droits de l’homme.

Nos systèmes éducatifs ne peuvent ignorer le religieux. Il est nécessaire d’éveiller à l’altérité et de faire mieux comprendre, par tous, des références qui contribuent à déterminer notre quotidien commun. L’enseignement du phénomène religieux, de ses fondements et de ses représentations consolide nos valeurs et donne son plein sens à la notion, elle aussi essentielle, de respect de l’autre, de respect de tout homme. Il va sans dire, cependant, que cet enseignement doit répondre à une parfaite exigence de neutralité.

Nos États doivent, pour leur part, faciliter l’émergence d’un véritable dialogue interreligieux. Il ne s’agit pas d’en faire la clé de nos problèmes sociaux ou identitaires et encore moins d’en créer ainsi de nouveaux. Le dialogue interreligieux doit d’abord servir à renforcer la compréhension entre les tenants de dogmes et de traditions différentes. Ces échanges, écoutes et partages peuvent aider le politique au moment d’agir. Alors, ils offriront les meilleures armes pour lutter contre toute relativisation des Droits de l’homme et, pour reprendre l’expression du cardinal Tauran, ils dissiperont toutes les peurs. »

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a, pour sa part, souhaité mettre en évidence que l’idéal d’une société laïque c’est de former des citoyens responsables et respectueux des différences :

« Je remercie tout d’abord Mme la rapporteure pour son excellent travail.

Nous nous posons beaucoup de questions et, comme vous, je sens monter l’angoisse collective. Dans mon pays, la France, le débat est engagé – plus ou moins bien, mais il l’est – autour de l’islam. L’islam est une réalité. Est-il pour autant une menace identitaire ? Quels sont les rapports de cette religion et des autres avec la République laïque ? Comment trouver le dénominateur commun qui nous permette de vivre ensemble ? Vouloir, pouvoir vivre ensemble : telle est la grande question de cette matinée. Je reprends la formule de l’historien : y parvenir sera un acte volontaire et conscient.

Si la liberté de conscience et son exercice sont possibles, ce ne sera pas un problème religieux. Si le respect de l’autre est acquis, ce ne sera pas un problème social. Ce ne sera pas non plus un problème économique.

C’est, en revanche, un réel problème culturel, dont la solution réside dans le respect des Droits de l’homme, mais ceux-ci sont-ils compatibles avec les dogmes religieux ? Non, si j’en crois l’histoire, voire l’actualité et les guerres de religion. Oui, si nous bâtissons un monde et des États tolérants et laïques. Non, si les textes de ces religions prescrivent une morale et des règles contraires aux Droits de l’homme.

J’ai ici une pensée pour ces femmes excisées, pour ces femmes lapidées. Oui ou non selon la façon dont les Droits de l’homme inscrits dans la Convention européenne sont transposés ou interprétés dans le droit canon, la Charia, le Talmud.

Une société laïque – c’est une forte expression qui peut avoir d’autres traductions – a ses principes, ses valeurs, ses relais que sont la famille, l’école, les communautés religieuses, les associations, l’État.

Une société laïque a ses objectifs, ses idéaux. L'un de ceux-là est de savoir former un individu libre et responsable, à mi-chemin entre la raison et la foi. Il s’agit de former des individus dignes, capables de bâtir et de maîtriser leur citoyenneté, forme achevée de la laïcité. En Europe, un certain chemin reste encore à parcourir, sinon pour définir cette citoyenneté, du moins pour l’affirmer et probablement pour la conquérir. »

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes – UMP) a été amenée à témoigner de son expérience personnelle, sa famille turque, de confession orthodoxe, ayant été sauvée d’une mort certaine par une autre famille turque mais de confession musulmane, lors des violences interreligieuses de 1915 qui se sont déroulées au sein de l’empire ottoman :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens ici à saluer le travail remarquable de la rapporteure Mme Anne Brasseur. En particulier, je soutiens fortement sa recommandation de créer : « un espace de dialogue, une table de travail entre le Conseil de l’Europe et de hauts représentants de religions et d’organisations non confessionnelles. »

Il ne s’agit plus de proclamer des vœux pieux d’entente mais de construire un système stable, régulier, formellement reconnu, de travail concret entre des représentants de diverses sensibilités. Y associer croyants et non-croyants me paraît fondamental si l’on veut réunir l’ensemble de la société sur cette problématique. Cela reprend d’ailleurs le concept de laïcité auquel la France est très attachée.

Son premier principe consiste en la liberté de croire ou de ne pas croire dans un espace public neutre. La laïcité à la française, c’est la non-ingérence du politique dans le religieux ; la laïcité, c’est la non-ingérence du religieux dans le politique ; la laïcité, c’est tout simplement la possibilité pour les cultes de se côtoyer dans un espace public neutre ; enfin, la laïcité, c’est le droit pour les religions de coexister et leur volonté de se respecter.

Qu’il me soit permis ici de l’illustrer avec l’expérience à la fois sublime et douloureuse de ma propre famille. A la fois turque et arménienne, de religion orthodoxe, ma famille a pu échapper, à Istanbul, à une mort certaine, lors de la déportation de la population arménienne, grâce à une famille turque musulmane, qui l’a sauvée de la folie meurtrière. Dans un moment où les violences interethniques et religieuses avaient atteint leur paroxysme, la voix de l’humanité continuait à parler indépendamment des appartenances religieuses. Le dialogue interreligieux est donc possible si en temps de guerre, le message irénique transcende les appels des fanatiques qui instrumentalisent la religion. La culture religieuse, le fait religieux, lorsqu’il n’est pas instrumentalisé, n’est-il pas le premier terreau sur lequel pousse les germes de la démocratie ? La religion, ce lien qui nous relie à l’au-delà, n’est-elle pas le premier enracinement des valeurs iréniques relatives à l’État de droit que nous défendons ?

Ce que nous défendons ici, c’est un respect mutuel dans un véritable esprit de fraternité entre les religions. C’est pourquoi le Conseil de l’Europe apparaît être l’institution la mieux placée pour favoriser le dialogue interreligieux en dehors du cadre étatique des États membres et pour permettre la promotion de l’humanisme. »

Quant à M. François Rochebloine (Loire – NC), il a précisé que la dimension religieuse ne se réduisait pas à une dimension culturelle, et que la puissance publique se devait de réprimer les comportements des communautés religieuses qui menaceraient les libertés publiques :

« Monsieur le Président, mesdames, messieurs, la démarche de notre collègue Anne Brasseur repose sur une idée – on peut même dire, sur une espérance – que je partage fondamentalement : dans nos sociétés marquées par les comportements agressifs, l’intolérance, les conflits inutiles, il faut promouvoir sans se lasser le dialogue, encourager les rencontres entre les personnes et les institutions qui représentent les différentes sensibilités philosophiques ou religieuses. Si le dialogue entre les cultures est une composante nécessaire de la paix, encore faut-il choisir le bon point de départ et la bonne méthode.

A cet égard, certaines affirmations m’inspirent de fortes réserves.

Tout d’abord, la prétention de faire du dialogue entre les religions une sous-catégorie du dialogue entre les cultures. Que l’on adhère ou qu’on n’adhère pas à une conviction religieuse, on doit reconnaître un fait : la dimension religieuse de l’homme comporte une dimension culturelle, s’exprime dans certains cadres culturels, mais ne s’y réduit pas. Elle est la traduction d’une aspiration qui englobe toute la personnalité. En cela, elle se distingue de la démarche humaniste évoquée par le rapport. Cela ne signifie pas pour autant que la loi civile doive la considérer comme meilleure ou supérieure. L’État n’a pas à entrer dans ces catégories. Il doit simplement respecter a priori, lui aussi, la spécificité de chaque attitude.

Par ailleurs, il est du droit et du devoir de la puissance publique de dissuader et, éventuellement, de réprimer les comportements contraires aux libertés et à la paix publique des communautés religieuses et de leurs membres. C’est tout le sens du débat français sur le voile intégral. Toutefois la puissance publique exerce sa compétence au prix d’une appréciation a posteriori de ces comportements au regard des diverses lois de police auxquelles, par hypothèse, ils auraient pu contrevenir. La puissance publique ne doit pas se déterminer en postulant que la liberté religieuse, liberté fondamentale de la personne, est une liberté seconde par rapport à des conceptions sociales qui dominent, à un moment de l’histoire, l’ordre contingent du politique. Or telle est bien la doctrine avouée du projet de recommandation qui nous est soumis.

Je n’accepte d’ailleurs pas l’idée que, pour telle ou telle communauté religieuse, la jouissance d’un statut juridique de liberté soit subordonnée à l’acceptation de « valeurs fondamentales communes » élaborées par la société politique. Cela peut vouloir dire deux choses : soit que ces valeurs sont d’ordre religieux, ce qui est absurde, soit que le droit d’une communauté religieuse à jouir de la liberté de pratiquer sa foi est lié à sa subordination à l’ordre politique. Cela suppose, et l’idée apparaît ailleurs encore, que la puissance politique puisse être un prescripteur d’attitudes religieuses. Cela n’est pas acceptable et cela n’est pas réaliste.

Il convient au contraire de veiller à pratiquer une saine séparation des responsabilités, ce qui n’exclut pour autant ni la connaissance réciproque ni le dialogue. Ce dialogue peut d’ailleurs être poursuivi à tous les niveaux où il est souhaitable, pourvu que chacun respecte les compétences de l’autre. L’instance de concertation mise en place en 2002 par le gouvernement de Lionel Jospin et maintenue par les gouvernements successifs depuis, est un bon exemple de dialogue au niveau de la cité. Il existe également dans plusieurs endroits des lieux de rencontre interconfessionnels dont les élus s’emploient à faciliter la tâche parce qu’ils concourent à la paix et à la compréhension mutuelle. Néanmoins s’ils peuvent être des soutiens, voire des incitateurs, les pouvoirs publics ne doivent pas être les meneurs de telles initiatives, faute de quoi elles perdent dynamisme et crédibilité. »

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) a, par ailleurs, souligné l’importance du rôle de l’État dans ce qui peut faciliter l’émergence d’un dialogue interreligieux. La participation de l’État doit demeurer neutre : les pouvoirs publics ne sauraient ni prescrire, ni imposer, ni organiser ce dialogue :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, la réapparition du fait religieux dans la sphère publique est l’une des caractéristiques marquantes de nos sociétés en ce début de siècle. La perte de foi dans les idées matérialistes du XXe siècle, la crainte d’une dilution des racines dans ce grand mouvement qu’est la mondialisation et la peur de l’avenir, tant au plan social qu’écologique, contribuent à renforcer ce retour à la spiritualité chez nos concitoyens. Dans le paysage religieux européen de 2011, je note l’émergence de religions jusque-là majoritaires sur d’autres continents, l’islam et le bouddhisme, mais aussi le mouvement évangéliste venu d’outre-Atlantique.

L’extension du champ religieux doit, dans le même temps, être analysée sous l’angle de la consolidation des valeurs démocratiques d’un bout à l’autre du continent européen. Le renforcement de la liberté d’expression a permis aux différentes idées religieuses de se développer sans contrainte majeure, tant au sein des États laïques stricto sensu que dans les pays de tradition concordataire. Le fait religieux a repris une place importante dans la sphère publique.

Cette connexion doit être mise en avant lorsque nous nous attardons sur la place des spiritualités dans nos sociétés. Je salue, à cet égard, la pertinence du rapport de notre collègue Anne Brasseur qui souligne combien les Droits de l’homme doivent constituer le dénominateur commun de toutes ces idéologies. Les États ne peuvent mettre en place avec elles un partenariat dynamique que si l’adhésion aux principes démocratiques et la reconnaissance d’une égale dignité de toutes les personnes font figure de priorité.

Je note que le projet de recommandation insiste sur la nécessité pour nos États d’accompagner la mise en place d’un dialogue interreligieux, via notamment une réflexion à mener sur l’enseignement du fait religieux dans les systèmes scolaires nationaux. Je serais tenté de dire qu’il s’agit là de la seule contribution intellectuelle possible pour nos gouvernements à ce dialogue interreligieux. L’État ne saurait être un acteur du dialogue interreligieux à part entière ; il ne peut, à cet égard, interférer dans le domaine théologique.

Par ailleurs, le dialogue interreligieux ne peut être considéré comme la condition sine qua non au maintien de la cohésion de nos sociétés. Il n’est que l’une des facettes du dialogue interculturel. En outre, si ce dialogue peut contribuer à la prise de décisions politiques, il ne saurait déterminer celles-ci. Le rôle des autorités religieuses est essentiellement moral ou philosophique, il n’est en aucun cas politique. La démocratie se caractérise notamment par le respect scrupuleux de cette séparation entre les églises et les représentants des peuples.

Je vous remercie à nouveau Madame Brasseur. »

Dans son intervention, M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a insisté sur l’importance du dialogue interreligieux comme facteur de paix et a salué le message de tolérance énoncé par les différents intervenants religieux :

« Monsieur le Président, messieurs les représentants des religions, mes chers collègues, j’aborde ce débat avec une infinie humilité tellement nous touchons à des valeurs qui nous dépassent très largement et qui nous parlent au plus profond de nos consciences.

C’est dire que le rapport dont été chargée Mme Brasseur est d’une extrême difficulté. Si elle est arrivée à des conclusions très consensuelles, elles ne doivent pas faire illusion sur le paradoxe qui existe à vouloir concilier des valeurs qui sont celles du Conseil de l'Europe d’une part, et celles des religions d’autre part. En effet, on ne peut pas demander à une religion d’accepter une valeur qui serait en contradiction avec ses propres dogmes et convictions. Par conséquent, nous nous heurtons à une véritable difficulté qui ne peut pas être surmontée.

Ce qui est encourageant, ce sont les discours que nous avons entendus ce matin. Les représentants des religions ici présents ont insisté sur la valeur tolérance à l’égard des différentes religions. Ce qui a d’ailleurs rendu possible ce dialogue souhaité par Mme Brasseur.

Néanmoins nous savons tous que cette tolérance n’est pas partagée par le tout le monde. Nous avons encore en mémoire ce qui s’est passé pendant des années en Irlande du Nord et ce qui se passe toujours en Irak ou en Egypte.

Les solutions ne peuvent pas venir d’une contrainte quelconque ; elles ne viendront que du dialogue. Je rejoins là les conclusions d’Anne Brasseur : nous devons arriver à promouvoir ce dialogue afin qu’il puisse s’étendre au-delà des représentants que nous avons entendus tout à l’heure. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a, quant à elle, mis en évidence la nécessité d’enseigner le fait religieux à l’école, élément de culture générale indispensable à la construction d’un esprit de tolérance :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, le rapport équilibré de notre collègue Anne Brasseur relève à juste titre que des tensions croissantes se font jour au sein des États membres du Conseil de l’Europe, qui fragilisent la cohésion sociale de chacun de nos États.

J’approuve l’espace de dialogue recommandé par ce rapport. Ce dialogue doit avoir pour finalité de mettre en exergue les valeurs communes aux différents groupes, religieux ou non, autrement dit, Mme Andersen, de fédérer autour des valeurs que tous les hommes et toutes les femmes ont en partage. S’il ne s’agit que de permettre à chacun d’exprimer son point de vue sans rechercher le consensus, la démarche restera stérile.

J’ajoute aussi que ce dialogue ne peut aboutir que s’il s’épanouit dans un climat favorable. Pour nous assurer de l’efficacité de ce dialogue, des efforts doivent être faits dans deux directions.

D’une part, il faut que la liberté de conscience et la liberté de religion soient pleinement assurées dans l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe. Comment le dialogue pourrait-il être authentique s’il rassemble des athées, des agnostiques, des chrétiens, des juifs ou des musulmans, dont certains se sentent bâillonnés, persécutés dans leurs propres pays ? Un travail doit donc être mené par le Conseil de l’Europe pour s’assurer que les obstacles à la liberté de conscience et à la liberté de religion soient levés dans tous les États membres.

D’autre part, comme le souligne le rapport, l’école est un lieu important de structuration sociale. En ce sens, il faudrait que les systèmes éducatifs permettent davantage le dialogue, à la fois entre les élèves et leurs professeurs, mais également entre les élèves eux mêmes. Si une réflexion approfondie doit également être engagée à l’école, elle doit l’être sur l’enseignement du fait religieux à l’école, autrement dit, des éléments de culture générale, et non un enseignement religieux. Comme le soulignait Régis Debray dans un rapport remis en 2002 sur l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque française : « Cet enseignement peut permettre de retrouver une mémoire collective en apportant à travers l’universalité du sacré un fond de valeurs fédératrices qui viendraient tempérer l’éclatement des repères comme la diversité, sans précédent pour nous, des appartenances religieuses dans un pays – il s’agissait de la France – d’émigration heureusement ouvert sur le grand large. »

Mme Claude Greff (Indre-et-Loire – UMP) a souligné que le dogmatisme religieux pouvait être contraire aux valeurs démocratiques et qu’il ne fallait pas résumer l’identité des personnes à leur identité religieuse :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à dire un grand merci à Mme Brasseur pour son excellent rapport et à vous remercier également, messieurs, pour vos contributions.

La démocratie dans son essence même ne peut souffrir le dogmatisme, car elle consiste en l’affrontement symbolique entre nos différences, nos divergences partisanes, religieuses, politiques, et par une arme pacifique que l’on appelle le dialogue. N’oublions jamais que le dialogue est la force et la richesse de l’homme. Le XXIe siècle doit être le siècle du bien vivre ensemble avec une volonté de vivre et connaître la richesse de nos diversités culturelles.

Or pas une semaine ne se passe sans que des exactions ne soient commises au nom de la religion, au nom d’une identité religieuse qui ne saurait être plurielle. Cette « obligeante tolérance » s’adresse tant aux pouvoirs publics qu’aux communautés religieuses elles-mêmes. Tout discours dogmatique est ainsi en quelque sorte condamné à périr sur l’autel de l’esprit démocratique. La dimension religieuse du dialogue interculturel est à ce prix.

Marcel Gauchet, dans son livre La religion dans la démocratie, énonçait à juste titre que « nous sommes devenus métaphysiquement démocrate », précisant par là que le discours dogmatique inhérent aux religions ne saurait perdurer dans un espace démocratique dans lequel l’État est, par définition, devenu séculier et non plus religieux.

La séparation historique des églises et de l’État a créé un phénomène irréversible de conversion à la pluralité. Cette conversion à l’esprit démocratique implique donc tolérance et respect par la majorité des minorités religieuses, ou non religieuses d’ailleurs, qui composent le corps social. Cette spécificité de la démocratie interdit toutes formes de sectarisme et de fondamentalisme religieux.

L’enseignement du fait religieux à l’école doit, à mon sens, être encouragé ainsi que le préconise le rapport, en ce qu’il permet de montrer la diversité religieuse.

Je tiens néanmoins à souligner que la loi française de 2005 sur l’interdiction du port de signes religieux par les élèves et les éducateurs relève de cette logique de tolérance et d’apprentissage de la diversité religieuse. Par contre, tout ce qui pourrait s’apparenter à un prosélytisme agressif est contraire à la liberté d’expression telle qu’elle est définie dans l’article 9 de la Convention européenne des Droits de l’homme et des libertés fondamentales.

A ce titre, il convient de préciser que la Cour européenne des Droits de l’homme a validé la conventionalité de la loi française dans de nombreuses affaires, au motif que la loi poursuivait le but légitime de la protection des droits et libertés d’autrui et de l’ordre public. La Cour a rappelé le rôle de l’État comme organisateur neutre et impartial de l’exercice des divers cultes, religions et croyances.

La dimension religieuse du dialogue interculturel met en évidence le difficile dialogue entre certains groupes qui ne se seraient pas encore totalement convertis à l’esprit démocratique du fait d’une pratique prétendument religieuse, qui ne peut prendre en compte l’existence de l’autre. Tel est malheureusement le cas pour les femmes avec le niqab. Notre rôle, en tant qu’institution gardienne des valeurs cardinales de la démocratie, est d’insuffler cet esprit démocratique.

Le risque est de confondre religion et identité. La religion, ou l’absence de religion, est une composante de l’identité. Elle ne saurait la résumer. »

Pour conclure, Mme Marietta Karamanli (Sarthe – SRC) a précisé que le dialogue interreligieux n’était possible qu’à condition de reposer sur trois principes, le respect des individus, l’égalité entre les différentes religions et la dimension critique inhérente à l’esprit de la modernité démocratique :

« Le présent rapport entend poser les bases d’un dialogue apaisé entre les religions en Europe et profiter de leur intérêt affirmé pour les Droits de l’homme afin de faire avancer le droit à la dignité et le respect. Tout ce qu’il dit est juste et généreux. Cependant il laisse en retrait certains principes qui, à titre personnel, me paraissent devoir faire partie du dialogue avec les religions si l’on considère que ce rapport doit, comme le dit la rapporteure, être une invitation pour les États à faire en sorte que les diverses religions soient mieux associées aux échanges et à la gouvernance sur les Droits de l’homme.

Je citerai trois de ces principes: l’individualisme, l’égalité et la rationalité.

La place des individus face aux religions et dans les communautés est fondamentale. La sphère privée et personnelle est une donnée déterminante de nos sociétés. Elle ne s’arrête pas à la liberté de conscience mais s’élargit à toutes les conduites privées dès lors que celles-ci n’oppriment pas les autres. Cette sphère varie d’un pays et d’un moment historique à un autre. Elle cohabite avec deux autres, l’une légale, qui est du ressort des États, et l’autre sociale, faite de normes et de valeurs.

L’égalité est seulement évoquée dans le rapport comme devant régir les relations entre religions et de l’État avec elles, afin que chacune d’elle soit respectée et aucune favorisée. La question de l’égalité entre les hommes n’est pas mentionnée, qui est pourtant, avec les libertés, aux fondements de notre Europe. A ce titre, elle devrait inspirer les Eglises dans leur action à l’égard de tous les hommes et femmes, sans différence d’origine, de croyance ou de genre.

Quant à la rationalité, les religions révélées ont cela de commun qu’elles affirment un message permanent, au-delà de l’histoire des hommes, qui doit toujours prévaloir. Si ce message est conforme aux valeurs de notre institution, rien n’empêche, comme vous nous le proposez, de se rassembler autour des droits et progrès qu’il porte. Néanmoins, vous ne dites pas en quoi la rationalité que nous défendons est différente du message religieux. Ce dernier est en lui-même si “vrai” qu’en comparaison, un discours politique démocratique manque de couleur et de saveur. Toutefois ce discours, à la différence des religions, accepte la critique et considère qu’il ne suffit pas d’affirmer quelque chose pour que cela soit vrai.

Les religions doivent se respecter, et accepter une part de critiques. Vous dites qu’il faut donner un sens profond à la dimension religieuse du dialogue interculturel. Cela peut faire l’objet d’une interprétation contestable: il ne faudrait pas en déduire que nos sociétés trop séculières manqueraient de sacré. Est sacrée pour nous une certaine vision de la liberté, notamment celle de chercher sa liberté par soi-même. Cette recherche se fait en dehors des dogmes.

Au final, je préfère cette association en faveur de la gouvernance des Droits de l’homme que j’ai évoquée, qui suppose que les religions, au-delà d’une acceptation globale de la dignité humaine, acceptent que cette dernière évolue et s’élargisse loin d’un petit dénominateur commun. »

Le projet de recommandation a été adopté.

B. EDUCATION CONTRE LA VIOLENCE À L’ECOLE

Le Président de la Commission de la culture, M. Gvozden Flego (Croatie – SOC), a présenté un rapport sur l’importante question de l’éducation contre la violence à l’école.

L’école en tant que premier lieu de socialisation et d’individualisation doit rester un sanctuaire afin que le droit de l’enfant à une éducation libre et sans contrainte soit véritablement respecté.

Si une partie de la recrudescence de la violence à l’école peut s’expliquer par des phénomènes de société – mutations sociologiques, perte généralisée de l’autorité en tant que forme structurante de la société, rôle des medias et de la violence qu’ils diffusent –, ce phénomène n’est en rien une fatalité.

A cet effet, le rapporteur propose une mobilisation de l’ensemble des acteurs impliqués dans l’éducation des enfants. Il demande que les gouvernements prennent les mesures législatives qui s’imposent afin de sanctionner plus durement les faits de violence à l’école, notamment en créant une nouvelle échelle de sanctions relatives aux faits de violence à l’école.

En contrepartie, l’école aura pour objectif d’être exemplaire en termes de justice sociale et de respect des élèves.

Le rapporteur préconise également l’établissement de statistiques fiables afin d’appréhender précisément le phénomène de la violence à l’école à travers ses différentes manifestations.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de la délégation française, a souligné, au nom du groupe PPE, l’importance du travail effectué par la commission de la culture et soutenu les projets de résolution et de recommandation :

« Madame la Présidente, mes chers collègues, je tiens à remercier chaleureusement le président de la commission de la culture pour son excellent rapport sur l’éducation contre la violence à l’école. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’exposé des motifs. Ce rapport est très complet et émane sans aucun doute d’un travail important. Ce n’est pas un rapport de plus, mais un rapport qui va au fond des choses. Des enquêtes ont été menées auprès de l’ensemble des pays du Conseil de l'Europe et j’ai été heureux de constater que mon pays avait répondu positivement à vos sollicitations.

Le projet de résolution présente des propositions concrètes et insiste, à juste titre, sur le rôle de la famille. Les parents doivent éduquer leurs enfants mais aussi leur inculquer des règles élémentaires de vie en société. Nous ne devons pas les condamner mais plutôt les aider à faire face à leurs responsabilités. L’exposé des motifs parle à ce sujet d’une “école des parents”.

Oui, l’école est chargée d’éduquer, mais elle est surtout chargée d’instruire. Il faudrait donc faire en sorte que les enseignants d’aujourd’hui bénéficient d’une formation adaptée aux enjeux de notre époque. De toute évidence, on ne peut pas enseigner dans une école de village rural comme on enseigne dans un collège de zone d’éducation prioritaire.

Le rapport évoque les médias, mais sans doute pas suffisamment. Ils ont pourtant un rôle très important, avec la diffusion à la télévision d’images particulièrement violentes, sur toutes les chaînes de télévision, y compris les chaînes réservées à la jeunesse. Certaines images sont difficilement supportables pour les enfants, dans certains dessins animés qui érigent des personnages violents en héros. Or les enfants ont tendance à imiter ce qu’ils voient à la télévision, tout comme ils imitent les adultes qui les entourent. Et sommes-nous exemplaires, nous, les adultes? Certainement pas! Pensez à la classe politique ou au monde sportif! Je suis frappé aussi par tous les films actuels: une violence incroyable jaillit des écrans de cinéma et de télévision. Je crois que nous devons être très vigilants sur ce point.

Pour conclure, je souscris pleinement aux propositions de ce projet de résolution, qui mériterait d’être adopté à l’unanimité, tout comme le projet de recommandation. Je ne peux, une fois de plus, que saluer le travail d’excellente qualité réalisé par la commission. C’est une preuve supplémentaire qu’elle a toute sa place au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. »

Mme Annick Girardin (Saint-Pierre-et-Miquelon – SRC) a mis en évidence le rôle de violence symbolique que peut jouer l’institution scolaire. C’est pourquoi celle-ci mérite-t-elle d’être repensée dans ses fondamentaux :

« Je salue moi aussi l’intéressante initiative du président de la commission de la culture, M. Flego. J’ai lu son rapport avec beaucoup d’intérêt et de plaisir.

La montée de la violence à l’école est aujourd’hui une réalité qui ne peut être ignorée dans aucun pays du Conseil de l’Europe. Les causes n’en sont pas nécessairement les mêmes, puisque nos systèmes éducatifs sont différents – mais ils ne prennent pas toujours en compte l’intérêt personnel des enfants.

Pour mesurer la violence, il faut en premier lieu en analyser les causes, mais je n’évoquerai pas ici celles qui sont extérieures à l’école. Les violences physiques et les violences verbales sont aisément identifiables. Les violences symboliques, elles, sont plus difficiles à repérer. Le concept de violence symbolique, développé par Pierre Bourdieu dans Les Héritiers met en évidence une violence qui n’est pas nécessairement perçue comme telle parce qu’elle est ressentie comme légitime par la victime. Lutter contre devient dès lors difficile. Pour autant, reconnaître son existence est nécessaire pour mieux la repérer en amont.

Ainsi les situations d’échec scolaire sont souvent génératrices de comportements violents. Les résoudre implique donc d’apporter des réponses au niveau scolaire: mieux encadrer les élèves, les aider à surmonter leurs difficultés, leur donner envie d’apprendre et de partager les savoirs entre eux… Une école moins compétitive, moins tournée vers les savoirs abstraits et généraux pourra aider les élèves à construire des stratégies d’apprentissage plus efficientes.

C’est parce que l’école est porteuse de violence symbolique qu’elle empêche malgré elle le développement de l’épanouissement et de la sérénité nécessaires à l’apprentissage. La lutte contre la violence symbolique doit donc impliquer l’ensemble des acteurs du système scolaire. Il faut appréhender différemment les apprentissages, transmettre une vision positive de l’enseignement en mettant en évidence davantage les qualités que les défauts, les aspects positifs que négatifs, bref, valoriser les compétences des élèves au lieu de mettre en évidence leurs difficultés.

Prévenir la violence à l’école suppose également de repenser les contenus de l’enseignement. Cela n’implique pas que des mesures pragmatiques; il s’avère important d’en déraciner les causes profondes, au nombre desquelles l’organisation de notre système éducatif. Prévenir la violence à l’école suppose dès lors de ne pas tomber dans le tout sécuritaire, mais de construire une relation de confiance entre l’ensemble des acteurs du système éducatif. Cela est d’autant plus fondamental que l’école conditionne les générations d’adultes et de parents en devenir, donc la société de demain. 

Je soutiendrai ce rapport bien au-delà de ce Conseil, et je militerai en faveur de la prévention contre toutes les formes de violence autant dans mon parlement national que sur le terrain. »

M. Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais – SRC) a souligné la responsabilité des gouvernements européens dans la recrudescence de la violence à l’école du fait des coupes sombres dans les budgets de l’éducation nationale, qui ont réduit le nombre de personnels encadrants :

« Je remercie tout d’abord M. Flego pour ce rapport extrêmement intéressant de la commission de la culture. Il est vrai que la violence atteint désormais des niveaux toujours plus élevés.

La situation au sein des établissements scolaires s’est encore détériorée ces derniers temps du fait d’un désengagement progressif de l’État du secteur éducatif, du moins dans mon pays.

Au-delà, il faut aussi souligner le rôle extrêmement nocif, d’une part, des médias et, d’autre part, des jeux informatiques. Prenez donc n’importe quel film, n’importe quelle série: on assiste la plupart du temps à un déversement d’hémoglobine. Comment cela pourrait-il arranger les choses?

On ne peut en tout cas pas réfléchir à l’école en la considérant seule. L’école n’est pas un monde à part, même si elle doit être sanctuarisée. L’école est le résultat de choix politiques Or ceux-ci n’ont jusqu’à présent fait qu’aggraver des situations difficiles: création d’écoles-ghettos du fait d’une politique territoriale inconséquente; massification de l’enseignement sans que les ressources en personnel et en formation aient crû de pair; coupes claires dans les budgets éducatifs sans que la nation s’en émeuve, surtout par les temps qui courent, à l’heure, comme vous le savez, de la récession, pour permettre une course toujours plus effrénée vers le profit et la réduction des déficits. On supprime des postes à tout va – en France, on en a supprimé plusieurs dizaines de milliers – et l’on s’étonne ensuite de l’accroissement de la violence! On oublie que la violence coûte elle aussi cher à l’ensemble de la société, immédiatement et à terme.

La violence est aussi liée à un système entièrement fondé sur une compétition de plus en plus forte, de plus en plus vive. Je sais à quel point les élèves des grandes écoles – Polytechnique ou l’Ecole nationale d’administration – peuvent être en compétition les uns avec les autres, tout simplement pour récupérer le meilleur poste à la sortie de l’école; cela va jusqu’à des violences physiques extrêmes.

Nous n’avons donc pas réussi, jusqu’à présent, à choisir entre une éducation formatrice de citoyens responsables, à l’esprit critique, en bref, de têtes bien faites, et le fait d’offrir au marché du travail des personnes directement prêtes à l’emploi. Ces deux logiques ne sont pas incompatibles mais, sans s’exclure, elles ont des finalités différentes. Ce conflit inhérent au rôle de l’école peut en partie expliquer la résurgence de phénomènes de violence; lorsque le sens fondamental de l’école est remis en cause, il n’est pas étonnant que des situations de violence apparaissent. Si l’on ne peut réfléchir à la question de l’école indépendamment des autres questions de société, on ne peut pas davantage prévenir les situations de violence tant que ce que l’on attend de l’école n’est pas clarifié.

L’école est au cœur de la démocratie. Elle doit être traitée comme telle et sanctuarisée. Les principes et valeurs que nous défendons ici, en ce qui concerne le droit des enfants à une enfance protégée, ne peuvent être proclamés sans que soit réaffirmé un pacte fort entre la nation et l’école pour que les racines de la violence soient arrachées.

Au cours de ma carrière d’enseignant, j’ai rarement été témoin de violences sans raison: elles étaient liées soit à des souffrances intimes, comme des situations de maltraitance familiale, soit à des situations d’échec scolaire, soit à des situations d’humiliation. Les écoliers ont des familles, reflets de la société, et l’on connaît les problèmes de notre époque: chômage, pouvoir d’achat, logement, image. Prévenir la violence à l’école nécessite donc de s’interroger sur ses origines, comme l’ont dit certains de mes collègues. C’est une fois le diagnostic établi que l’on pourra apporter des remèdes.

Prévenir la violence à l’école ne se fera pas non plus sans moyens. La réduction des coûts de l’éducation a eu pour conséquence une diminution des personnels encadrants, l’absence de surveillants, de maîtres d’internat, de parents… »

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes – UMP) a, quant à elle, précisé l’importance et le rôle de la culture dans la transmission des valeurs humanistes :

« Je tiens à remercier, au nom de la commission et en mon nom propre, M. Flego pour la pertinence de son excellent rapport sur la nécessité de combattre la violence à l’école. En effet, si cette violence n’est malheureusement pas une réalité récente, sa recrudescence est en revanche d’actualité.

Aucune violence n’est le fruit du hasard. Qu’elle soit une réponse malheureuse à une incompréhension, à une souffrance, qui s’exprime par des gestes à défaut d’une maîtrise de la parole, ou qu’elle soit le miroir d’une société en perte de sens et de valeurs, en tout état de cause, la montée en puissance de la violence à l’école est la négation des valeurs démocratiques et humanistes prônées par les États européens et interpelle. Parmi les racines, que vous avez fort bien analysées, monsieur Flego, de ces violences et parmi vos propositions concrètes, que je soutiens, j’aimerais insister sur la question de la responsabilité des programmes scolaires, qui ont laissé en déshérence les valeurs humanistes dans leurs enseignements et n’ont toujours pas intégré l’éducation artistique en milieu scolaire.

Comme notre regrettée helléniste Jacqueline Romilly, je suis convaincue que l’abandon de l’enseignement des humanités n’est pas étranger au recul des valeurs humanistes au sein des écoles. Au risque de paraître vieux jeu, je me permettrai de suggérer, avec un ou deux exemples, à quel point l’étude des textes anciens, de la littérature grecque par exemple, peut être un apprentissage des valeurs démocratiques, lesquelles s’appuient sur le dialogue citoyen et raisonné et la maîtrise des passions personnelles incontrôlées.

Tous ces textes combattent éternellement la violence incontrôlée. Eschyle nous révèle dans l’Orestie combien la justice des hommes fait place au cercle de la violence, représenté par les Erynies, déesses de la vengeance. L’Antigone de Sophocle montre comment les lois de la République doivent l’emporter sur les lois de la famille.

Parallèlement, et en complément, je demeure convaincue, pour l’avoir expérimentée, que la généralisation de l’éducation artistique et culturelle obligatoire à l’école offrira la possibilité aux jeunes d’origines sociales et culturelles différentes de se construire plus harmonieusement en développant celles de leurs facultés qui sont liées à la sensibilité et à l’imagination, si peu sollicitées par la plupart des programmes. La possibilité d’exprimer un regard personnel et de montrer sa créativité grâce à telle ou telle expression artistique offre d’excellentes passerelles au dialogue entre professeurs et élèves et au dialogue entre élèves. Cela leur permet de se découvrir eux-mêmes et de se découvrir entre eux. Une programmation scolaire qui mettrait en valeur toutes les facettes de la personnalité, rationnelle et sensible de nos jeunes, contribuerait fortement, j’en suis sûre, à la promotion de la citoyenneté fraternelle que nous devons construire à l’école.

Malraux disait que “l’art est le plus court chemin d’un homme à un autre”. Il serait temps que la culture ne soit plus, dans nos pays d’Europe, une variable d’ajustement des programmes, mais soit placée au centre de la fraternité qui doit exister entre les hommes. »

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a démontré que la diffusion du principe d’égalité au sein de la sphère éducative n’était pas étrangère à la montée de la violence à l’école, l’autorité des éducateurs étant en berne :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à saluer l’intéressant rapport de M. Flego sur l’éducation contre la violence à l’école.

La montée de la violence à l’école est une réalité extrêmement préoccupante, qui ne laisse pas d’interroger. Je souscris, pour une large part, aux propositions du rapport. Néanmoins, un certain nombre de propositions devraient davantage prendre en compte la situation des familles.

Prévenir la violence à l’école revient dès lors à s’interroger sur le comportement des parents qui vient en premier en termes d’éducation. Comment lutter contre la violence au sein de l’école lorsqu’une éducation trop permissive ne met aucune barrière aux comportements incivils et incorrects, lorsque le respect des règles de vie en société n’est pas enseigné par les familles, lorsque les parents d’élèves sont les premiers à user de violence chez eux, entre eux, voire envers le corps enseignant?

La proposition de suppression des allocations familiales en cas de comportement non coopératif des familles relativement à la scolarité de leurs enfants peut paraître excessive. Elle l’est pour une part - et je ne la soutiens pas en tant que telle - mais elle a le mérite de mettre en évidence que l’éducation n’est pas le monopole de l’école et que, pour être efficace, la prévention contre la violence à l’école doit, au préalable, avoir pour corollaire une prise de conscience par les parents de leurs responsabilités d’éducateurs.

Dans un article resté célèbre, publié dans La crise de l’éducation, Hannah Arendt mettait en évidence l’importance de la famille en tant que cellule pré-politique. Analysant les dérives de la société américaine, elle constatait que l’apparition du principe d’égalité au sein de la sphère éducative aurait des conséquences dramatiques pour les générations futures.

En effet, introduire le principe d’égalité au sein de la sphère éducative revient à nier la spécificité des enfants. Or celle-ci implique d’être dans une situation temporaire d’infériorité due à l’enfance afin de pouvoir recevoir l’apprentissage nécessaire à l’entrée dans la vie d’adulte.

Sans user de la violence, l’apprentissage passe nécessairement par l’intériorisation de la contrainte et des règles de la vie en société. Dépourvu de cet apprentissage, l’enfant n’est pas prêt à trouver sa place dans le monde et dans la société.

Sans véritablement mettre en place des écoles de parents, on ne peut néanmoins faire l’économie, si l’on souhaite une prévention efficace de la violence à l’école, de rappeler aux parents quelles sont les règles du vivre ensemble qu’ils doivent transmettre à leurs enfants.

Prévenir l’émergence de la violence à l’école nous amène à réfléchir aux modèles que nous proposons à nos enfants, donc aux aides que l’on peut apporter aux parents pour que les situations de violence ne se reproduisent pas. Prévenir l’émergence de la violence à l’école suppose alors de s’accorder sur les valeurs que l’on souhaite transmettre au sein des établissements, mais également à l’ensemble de la communauté éducative. »

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – UMP) a présenté le plan de lutte contre la violence à l’école élaboré par le ministre français de l’Éducation nationale qui repose sur une plus grande synergie entre les différents acteurs du système éducatif :

« Madame la présidente, à mon tour, je tiens à saluer l’excellent travail du rapporteur M. Flego sur l’éducation contre la violence à l’école.

Comment enrayer ce fléau des temps modernes ? Des faits divers quotidiens nous interpellent sur la violence à l’école, traduisant un réel phénomène de société de plus en plus inquiétant. Pas plus tard qu’hier, des parents d’élèves ont manifesté devant une école de ma circonscription pour protester contre les agissements violents et intolérables d’un élève de CM2 et pour soutenir la maîtresse qui, devant une situation d’échec, a demandé à être mutée en dernier recours, “pour limiter la casse” a-t-elle dit.

Comment ne pas être préoccupé par des faits divers encore plus graves qui touchent des enfants de plus en plus jeunes. Je pense à la tentative volontaire d’un enfant de sept ans de mettre le feu à son établissement ou aux sévices sexuels et scatologiques qu’auraient fait subir neuf élèves de CM2 à de jeunes enfants en maternelle. La question, ici, n’est pas celle du nombre croissant des phénomènes de violence mais plus sérieusement de la précocité de leurs auteurs.

Comment, dès lors, lutter contre l’émergence de phénomènes aussi alarmants et “sanctuariser” les établissements scolaires? Comment, dès lors, expliquer des comportements collectifs d’une telle ampleur?

Le ministre français de l’Education nationale, Luc Chatel, a annoncé un certain nombre de mesures de nature à rendre les établissements scolaires plus sûrs. Le 7 avril, il a convoqué des états généraux de la sécurité à l’école. En conclusion, il a proposé cinq pistes d’action pour lutter contre la violence à l’école.

En premier lieu, il préconise la mise en place de nouveaux instruments de mesure de la violence, afin de recenser plus précisément quelles sont les formes de violence et leurs manifestations.

Il souhaite un renforcement de la formation des professeurs afin de prévenir la violence. C’est un point essentiel, car, si certaines situations de conflits sont désamorcées dès l’origine, des escalades peuvent être évitées.

Pour prévenir les intrusions externes dans les établissements secondaires, il propose un doublement des effectifs des équipes mobiles de sécurité dans les académies les plus exposées à la violence.

Le programme CLAIR - collèges et lycées pour l’ambition l’innovation et la réussite - permettra de renouer avec la réussite au sein de ces établissements dits “sensibles”.

Trop longtemps, les discours généreux ont eu pour corollaire de repousser les discours de fermeté, qualifiés d’offre sécuritaire, là où les plus jeunes, les plus faibles avaient besoin d’être protégés, dans un monde où la télévision, l’ordinateur, l’Internet submergent les enfants d’images et d’informations, à tel point qu’ils peinent parfois à discerner le réel du virtuel. C’est pourquoi, faire court et captiver l’attention des élèves représentent pour les enseignants un défi permanent.

Il n’est pas trop tard pour réagir et proposer des plans ambitieux pour l’école, de manière à ce qu’elle redevienne un lieu d’apprentissage des savoirs et de la citoyenneté.

Le rapport préconise un renforcement des mesures de prévention. Nous devons également nous assurer que, lorsque les dérives deviennent permanentes au sein de certains établissements, il appartient à l’État de sécuriser les lieux d’enseignement.

Les seules réponses sont une vigilance permanente et une synergie de tous les acteurs de l’école: personnel de direction, enseignants, élèves, parents, élus des collectivités locales et territoriales, ministère et administration.

Je crois beaucoup à un observatoire des bonnes pratiques. Ainsi les initiatives qui auront donné des résultats probants pourront servir d’exemples à l’échelle européenne, comme le rapport le préconise.

Je suis entièrement favorable aux projets de résolution et de recommandation. »

En sa qualité de vice-présidente de la commission, Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes – UMP) a exhorté ses collègues à ce que les projets de résolution et recommandation soient suivies d’effets :

« Compte tenu du succès, mérité, de ce rapport, j’invite tous les collègues de l’Assemblée à faire en sorte que l’on puisse en appliquer les recommandations dans leurs pays. »

Le projet de résolution a été adopté.

Le projet de recommandation a été adopté à l’unanimité.

C. LE SURENDETTEMENT DES ÉTATS : UN DANGER POUR LA DEMOCRATIE ET LES DROITS DE L’HOMME

Le projet de recommandation de la commission des questions économiques et du développement met en évidence les risques liés à la crise financière en termes d’érosion de la confiance dans les États.

En effet, la crise financière a eu pour conséquence une nationalisation de la dette privée et une interdépendance des dettes au sein des pays de la zone euro.

Le poids croissant de la dette publique menace les politiques sociales. A ce titre, l’Assemblée recommande au Conseil des ministres de demander aux gouvernements des États membres d’assurer la transparence et la responsabilité en matière de dette souveraine, de contenir l’érosion des niveaux de vie et d’élaborer un code d’éthique européenne.

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a souligné l’importance de l’État en tant que régulateur des dérives financières. Elle a, également, dénoncé les conflits d’intérêt potentiels au sein des agences de notation :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à féliciter M. Omtzigt pour son excellent rapport sur un sujet d’une importance capitale : la menace que constitue pour la démocratie le surendettement des États. Le non au référendum, à près de 60 %, sur l’accord passé par l’État islandais avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas pour le remboursement de la faillite de la banque Icesave illustre bien la délicate légitimité des décisions politiques lorsque la crise perdure et que les marges de manœuvre de l’État sont étroites, voire inexistantes.

Dans un discours sur l’état de l’Union resté célèbre, Ronald Reagan affirmait que « l’État n’est pas la solution, mais le problème ». La crise actuelle et le niveau extrêmement préoccupant d’endettement des économies sont davantage le résultat d’une économie dérégulée, à laquelle les États n’ont pas été associés, que l’inverse. Ce n'est pas l’État providence qui est responsable des pertes colossales sur les marchés, mais bien la crise des subprimes et la spéculation financière facilitée par la titrisation.

Il serait dès lors injuste de tenter de renégocier le contrat assurantiel passé entre l’État et les citoyens du fait d’une faillite financière sans précédent, due à l’irresponsabilité des opérateurs économiques sur les marchés, qui obéissent à une logique de court terme dont les conséquences pour l’avenir pourraient à nouveau être désastreuses.

Ce que j’entends par État providence, ce n’est pas une logique d’assistance sans contrepartie, mais une logique de solidarité avec contrepartie. Si les conséquences de la crise ont pu, en quelque sorte, être amorties en Europe, c’est bien du fait de l’existence généralisée d’un État régulateur et protecteur. Paradoxalement, loin de dévaloriser le rôle de l’État, la crise actuelle le réhabilite. Ce sont d’ailleurs les conclusions de ce rapport, à l’exception du paragraphe qui invite à revaloriser le rôle régulateur de l’État et surtout la transparence démocratique.

Deux points méritent toutefois d’être développés.

La complexification des opérations financières a conduit à une opacité généralisée sur les marchés, opacité qui persiste et qui est dangereuse pour la démocratie, car rien ne garantit que les conditions de la crise ne seront pas à nouveau réunies à plus ou moins brève échéance. Cette opacité est dangereuse aussi à terme pour la représentation démocratique : le citoyen n’est plus porté à accorder sa confiance à la représentation nationale lorsqu’il pense que son rôle est limité dans le contrôle d’activités financières qui l’exposent directement dans sa vie de tous les jours. La transparence est une exigence démocratique qui seule pourra faire accepter des solutions douloureuses permettant aux États de sortir des situations de surendettement.

L’autre aspect est la question de la légitimité des agences de notation et les possibles conflits d’intérêt auxquels elles sont aujourd’hui exposées. Il n’est, en effet, pas possible d’accepter que ces opérateurs économiques, qui obligent les États dans un laps de temps très court à prendre des décisions impopulaires, soient dans le même temps rémunérés par les émetteurs de titres.

Autre question, qui n’est pas véritablement développée dans le rapport : le risque n’est-il pas également que les détenteurs de nos dettes souveraines nous imposent, à terme, leurs standards, leurs idées et leurs idéologies ? »

Le projet de recommandation, amendé, a été adopté.

D. COMBATTRE LA PAUVRETE

Environ quatre-vingts millions d'habitants sont concernés par la pauvreté en Europe. Le rapporteur a fait le choix explicite de proposer des solutions concrètes pour combattre la pauvreté au lieu de développer une analyse théorique sur la validité d’un modèle spécifique de développement.

Il préconise notamment que l'ensemble des États membres établisse un état des lieux de la pauvreté, une fois par an, afin de développer des moyens précis et ciblé d'éradication de celle-ci.

Le rapport met particulièrement en évidence le fait que la pauvreté est un cercle vicieux difficile à briser. Si personne n’est véritablement à l’abri, il apparaît néanmoins qu'elle résulte souvent d’une transmission intergénérationnelle contre laquelle il faut lutter.

A ce titre l'éducation joue un rôle fondamental pour que la pauvreté ne se transforme pas en fatalité.

Dans son intervention Mme Marietta Karamanli (Sarthe – SRC) a également souligné la nécessité de trouver des solutions pérennes pour combattre la pauvreté, notamment grâce à une répartition plus juste des ressources qui serait la résultante d’une taxation plus importante des patrimoines les plus élevés :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, monsieur le rapporteur, le présent rapport et ses recommandations entendent proposer à l’ensemble des États membres de lutter plus efficacement contre la pauvreté.

C’est un sujet important et les mesures avancées sont nombreuses, généreuses et, je dirais, consensuelles. A bien y regarder, on peut néanmoins se poser trois questions, en partie évoquées par les précédents orateurs:

Tout d’abord, pourquoi assistons-nous à cette inquiétante montée de la pauvreté en Europe ces dernières années?

Plusieurs phénomènes convergent: l’économie s’est mondialisée; des emplois ont été détruits ou délocalisés; des régulations ont été abandonnées. Malgré cela, les bénéfices attendus de la maîtrise de l’intelligence et des services sont maigres. Le chômage s’est installé et, puisqu’on ne pouvait pas mettre tout le monde au chômage, on a vu le travail précaire se développer.

Ce phénomène touche tous les pays, notamment les plus développés. Au final, près d’un quart de la population est en situation de travail précaire. Il est vrai que, dans la plupart de nos pays, on ne laisse pas tomber les gens. En France, le revenu minimum d’insertion ou la couverture maladie universelle ont, malgré leurs limites, contribué à enrayer la montée de la pauvreté, mais sans, malheureusement, l’en empêcher.

Enfin, les États ont connu un accroissement fort des inégalités de revenus conjugué à une croissance rapide de l’endettement des ménages. Ce phénomène est constaté dans un grand nombre de pays. Parler aujourd’hui de la pauvreté sans évoquer les causes multiples de son accroissement c’est comme chercher un remède sans avoir pu ouvertement évoquer les causes de la maladie.

Alors, pourquoi les États ne sont-ils pas aussi sensibles qu’ils le devraient aux questions de pauvreté?

D’une part, les plus riches et les plus mobilisés ont su faire entendre leurs voix et peser sur les gouvernements pour qu’ils prennent toutes les mesures en faveur de leurs positions. D’autre part, les gouvernements ont été obnubilés par l’idée que le développement et la concurrence économiques justifiaient la dérégulation et le creusement des inégalités. Cette obnubilation a tourné à l’aveuglement jusqu’à la crise financière de 2008.

Enfin, j’en viens à ma troisième question: quelles mesures structurelles seraient utiles ou nécessaires pour combattre la pauvreté? J’en suggère trois.

La première est la taxation des plus riches. Une des leçons de la crise est que réduire les inégalités ne répond pas seulement à un objectif de justice sociale, c’est aussi un objectif de stabilité économique. Plusieurs économistes ont montré qu’un accroissement de la taxation des hauts revenus et du capital permettrait de réduire la prise de risque excessive dans le secteur financier.

La deuxième passe par la redistribution, notamment à travers des objectifs ambitieux de construction de logements à loyer vraiment accessible.

La troisième, enfin, ce sont les négociations internationales sur le travail. Un meilleur combat contre le chômage et une plus juste rémunération passent probablement aujourd’hui par des procédures de négociations patronales et syndicales, encouragées par la puissance publique à un échelon international en y intégrant les énergies renouvelables.

Il est temps de rappeler aux États, et notamment au G20, que la réduction des inégalités de revenus et de richesse et la lutte contre la pauvreté sont des outils efficaces de stabilité économique et financière. La lutte contre la pauvreté passe par une analyse au fond du sujet et, suivant, l’adoption de solutions durables. »

Le projet de résolution, amendé, a été adopté.

Le projet de recommandation, amendé, a été adopté à l’unanimité.

E. LA PROTECTION DES ENFANTS ET DES JEUNES CONTRE L’OBESITE ET LE DIABETE DE TYPE 2

Les projets de recommandation et de résolution défendus par la commission des questions sociales, de la santé et de la famille visent à protéger les enfants contre la pandémie d’obésité qui sévit dans les pays occidentaux, le diabète de type 2 étant une de ces conséquences.

La commission souhaite que les gouvernements tirent les conclusions de ce constat alarmant. Des politiques transversales, qui impliquent l’ensemble des acteurs de l’éducation, de la santé et les industriels de l’agro-alimentaire, devront être mises en oeuvre pour améliorer l’alimentation des enfants et l’information des parents et des citoyens afin de réduire la récurrence des comportements alimentaires dangereux pour la santé.

Notre mode de vie sédentarisé est en jeu. Il n’est néanmoins pas le seul mis en cause, la qualité des produits consommés n’étant pas non plus sans susciter d’interrogations.

Il importe donc d’imposer une forme de transparence sur les produits alimentaires afin que les citoyens soient dûment informés de ce que figure dans leur assiette.

Mme Claude Greff (Indre-et-Loire – UMP) a souligné que le modèle agricole européen, qui prône la qualité expliquait, pour partie, que le fléau de l’obésité soit moins répandu en Europe qu’aux États-Unis. Elle a également précisé que l’éducation au goût et au bien manger était un préalable à la lutte contre l’obésité :

«  Monsieur le Président, si vous me le permettez, j’aimerais dire au rapporteur et à la présidente de la commission de la culture, de la science et de l’éducation que j’ai bien participé aux différents votes, mais que mon vote sur le projet de recommandation n’a pas été pris en compte en raison de problèmes techniques. Je le signale car je souhaitais vraiment voter ce projet.

« Je remercie notre collègue Mike Hancock d’avoir pris l’initiative d’un rapport sur la protection des enfants et des jeunes contre l’obésité et le diabète de type 2. Étant moi-même infirmière, j’y ai été très sensible. Cette question est malheureusement devenue incontournable dans nos sociétés modernes. Nous sommes confrontés à une véritable pandémie, dont nous ne mesurons pas encore tous les effets négatifs sur notre vie et sur la vie quotidienne de nos enfants. Il est donc urgent de prendre des mesures pour éviter qu’elle ne se répande davantage.

Sans vouloir faire une pure promotion du modèle européen, il apparaît clairement que nos traditions culinaires, la qualité de nos produits régionaux, le goût et l’intérêt pour la gastronomie peuvent limiter l'expansion de ce fléau de l'obésité et des risques de diabète. C’est sur ces valeurs que nous devons nous appuyer pour prévenir l’obésité.

Est-ce un hasard, alors que les modes de vie moderne sont similaires outre-Atlantique et en Europe, si les taux d’obésité sont si différents? Est-ce un hasard si les taux d’obésité sont si inférieurs en Europe, où la réglementation alimentaire est plus stricte? Pourquoi le poids des industries et des lobbies agroalimentaires est-il plus fort aux États-Unis qu’en Europe? J’ébauche une réponse: la politique agricole commune a promu, outre l’autosuffisance alimentaire, un modèle de développement plus soucieux de l’environnement et de la santé des consommateurs. La réforme de la PAC va d’ailleurs dans ce sens.

Si j’approuve une partie des propositions du rapporteur, je tiens à revenir sur deux points, à propos desquels je soutiendrai deux amendements déposés par ma collègue Marietta Karamanli.

Le rapporteur préconise l’allaitement exclusif jusqu’à l’âge de six mois. Personne ne nie les bienfaits de l’allaitement maternel, mais ne culpabilisons pas les femmes qui ne peuvent allaiter ou qui choisissent tout simplement de ne pas le faire. Leurs enfants ne deviennent pas obèses ou diabétiques pour autant. La salinité excessive des aliments industriels est plus à redouter, notamment pour les enfants, de même que la consommation excessive de boissons sucrées, et c’est bien un problème d’éducation alimentaire qui se pose.

C’est pourquoi je soutiens également l’amendement tendant à imposer à l'industrie agroalimentaire des normes contraignantes qui renforcent l’information du consommateur et la transparence. J’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi à ce sujet en France.

Le Conseil de l’Europe a un rôle important à jouer dans ce domaine. L’éducation à une saine alimentation conditionne les comportements à venir – cela doit bien sûr être plus que réaffirmé –; et la famille, d’abord et surtout, et les écoles doivent y participer.

La lutte contre l’obésité doit dès aujourd’hui être prise très au sérieux. Elle n’est qu’une conséquence de nos dysfonctionnements modernes: suralimentation, junk food et stress de la vie quotidienne.

Bref, si nous voulons éradiquer rapidement l’obésité, nous devons promouvoir des standards européens agricoles et agroalimentaires respectueux de la santé des consommateurs. »

Mme Marietta Karamanli (Sarthe – SRC) qui ne pouvait être présente en séance ce jour-là, a déposé trois amendements. Les deux premiers ont été défendus par Mme Claude Greff (Indre-et-Loire – UMP), le troisième par M. Laurent Béteille (Essonne – UMP).

L’amendement n° 1 ajoute à la proposition de résolution de favoriser l’allaitement maternel durant six mois les mots suivants «dans le respect du choix des mères”.

Mme Claude Greff (Indre-et-Loire – UMP) a défendu ce choix afin de ne pas culpabiliser les femmes qui ne pourraient allaiter leurs enfants :

« J’ai bien entendu les propos de la sage-femme qui préconise l’allaitement jusqu’à l'âge de six mois, mais il me semble important de rajouter les termes “dans le respect du choix des mères”, afin de ne pas culpabiliser les femmes qui font un autre choix. C’est du bonheur des enfants dont on parle aujourd’hui. »

Il a été adopté.

Mme Claude Greff (Indre-et-Loire – UMP) a également défendu la transparence en matière de produits industriels :

L’amendement n° 2 propose d’ajouter au projet de résolution les mots suivants : “d’inviter, puis d’inciter et peut-être de contraindre les industriels et les distributeurs de l’agroalimentaire à revoir tant la composition de certains de leurs produits (normes de qualité et de santé) que leurs actions d’incitation et de promotion de la consommation des produits jugés peu ou pas sains.”

Il a été adopté.

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a précisé qu’ : « A juste titre, le rapporteur préconise d’encourager la pratique du vélo et de la marche à pied. Nous vous proposons donc de favoriser l’aménagement du temps de travail afin que les parents puissent pratiquer l’un ou l’autre. »

Il a, à ce titre, défendu l’amendement suivant :

“Une action en faveur de l’aménagement des temps de travail et de vie est aussi de nature à permettre aux parents de pouvoir mieux profiter de leurs déplacements, de leurs pauses et des moments de repos pour se détendre confortablement et se dépenser avec leurs enfants en sécurité et avec confort.”

Il a été adopté.

Le projet de résolution, amendé, a été adopté à l’unanimité.

Le projet de recommandation a été adopté à l’unanimité.

F. L’EAU : UNE SOURCE DE CONFLITS

Les projets de résolution et de recommandation présentés par la commission des questions agricoles et de l’environnement visent à assurer une meilleure coopération internationale entre les États membres afin de protéger le partage des ressources hydrauliques.

Le rapporteur de la commission a mis en évidence que l’eau, source de vie, pouvait être mortifère. La pollution et le tarissement des ressources hydrauliques, aggravé par le changement climatique, font, en effet, peser des risques en termes de stabilité sociale et politique.

Des instruments juridiques internationaux contraignants devront être développés afin d’éviter les potentielles tensions géopolitiques du fait d’une ressource aquatique devenue trop rare.

A ce titre le projet de recommandation précise qu’il faudra élaborer un protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l’homme sur le droit à un environnement sain.

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) est intervenu, au nom du groupe PPE-DC, pour souligner l’importance de la coopération internationale afin de favoriser le partage des ressources hydrauliques :

«  Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à saluer le travail remarquable effectué par notre collègue Bernard Marquet. Son rapport est excellent et je soutiens entièrement ses conclusions.

Je veux mettre en exergue deux points : les conséquences du réchauffement climatique et le nécessaire développement de la gestion des cours d’eau à statut international.

Même si la prudence est de mise, il apparaît néanmoins que la source du réchauffement climatique a des origines anthropiques. Les régions souffrant de stress hydrique, lorsque la demande en eau dépasse la quantité disponible pendant une certaine période ou lorsque la mauvaise qualité de l’eau en limite l’usage, y seront confrontées encore davantage à l’avenir.

Le développement parfois irrationnel de certains types d’agriculture, fortement consommateurs d’eau sur des terres qui n’y sont a priori pas propices, peut également aggraver une situation déjà tendue.

Le rapport cite des chiffres alarmants : selon les Nations Unies, un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. Les chiffres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sont encore plus inquiétants : entre un et trois milliards de personnes souffriront du manque d’eau d’ici à 2010. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le volume d’eau disponible, déjà faible, pourrait être réduit de moitié d’ici à 2050.

La lutte contre le réchauffement climatique doit donc bien s’inscrire dans le droit à un environnement sain. Par ailleurs, pour lutter efficacement contre la pénurie d’eau et éviter le développement de conflits gelés, il importe, afin de ne pas donner uniquement une portée déclaratoire à la notion de droit fondamental, d’améliorer le droit international en matière de gestion des ressources hydriques.

Aussi est-il nécessaire de réglementer l’accès à l’eau par-delà les frontières. La Convention des Nations Unies de 1997, sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation, est actuellement le seul instrument universel définissant des principes internationaux en matière de protection et de gestion des cours d’eau transfrontaliers. Seraient concernés par l’application de cette Convention le Nil, le Tigre et l’Euphrate. A l’heure actuelle, vingt et un pays seulement adhèrent à cette Convention, il faut trente-cinq adhérents pour qu’elle entre en vigueur.

L’an dernier le Président de la République française a souhaité « faire de l’eau une ressource protégée et partagée entre les Nations ». La France accueillera à Marseille le 6e Forum sur l’eau du 12 au 17 mars 2012. Ce sera donc l’occasion, dans une ville multiculturelle, de redonner un sens à la diplomatie de l’eau, comme espace de paix et de coopération, et non de conflits.

Je le répète, je soutiens entièrement les conclusions du rapport, particulièrement la volonté de rendre la coopération internationale juridiquement contraignante pour que l’eau, source de conflit potentiel, se transforme en opportunité de coopération internationale. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC) a soutenu la proposition du rapport de reconnaître l’accès à l’eau comme un droit fondamental :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens à saluer le travail remarquable effectué par notre collègue Bernard Marquet, dont on connaît l’engagement en matière de promotion des droits et d’environnement.

Je souscris entièrement à sa proposition de reconnaître l’accès à l’eau comme un droit fondamental, à l’instar du choix fait par l’Assemblée générale des Nations Unies le 28 juillet 2010. Si, par le passé, on a souvent pu trouver que le terme de droit fondamental pouvait être galvaudé du fait d’un emploi trop fréquent, ici, il est pleinement justifié. La symbolique attachée à l’eau, source de vie, n’est en rien une simple métaphore : sans accès à l’eau, la mort est certaine.

Aussi les intérêts des États sont-ils clairement liés à la maîtrise d’une ressource rare. La détenir, la maîtriser devient synonyme de puissance. Ne peut-on d’ailleurs analyser autrement les conflits déclarés et larvés du bassin méditerranéen, les envisager à partir de la question de l’accès à l’eau ? Le plateau du Golan, château d’eau de la région, n’est-il pas la clé du conflit, toujours larvé, entre la Syrie et Israël ? Ne peut-on pas expliquer le rôle stratégique joué par la Turquie comme la conséquence de sa position stratégique en termes d’accès aux ressources hydrauliques, le Tigre et l’Euphrate prenant directement leur source dans les hauts plateaux anatoliens ? L’Irak et la Syrie n’accusent-il pas régulièrement la Turquie de réduire leur accès à l’eau par un nombre important de barrages en amont, sur le territoire turc, qui réduiraient les débits du Tigre et de l’Euphrate ? L’héritage historique, qui a dessiné les frontières des États d’aujourd’hui, ne peut avoir pour conséquence de priver de leur droit d’accès à l’eau des populations qui seraient nées du mauvais côté de la frontière.

Le stress hydrique n’est pas une fatalité : une coopération effective peut en limiter les effets. Dès lors, déclarer un accès égalitaire à l’eau est clairement un moyen de régler un certains nombre de conflits en gestation et de faire en sorte que l’accès à l’eau devienne l’objet d’une coopération internationale plus que d’une confrontation.

Si certains traités ont déjà mis en avant la question de la concertation pour le partage des ressources hydriques, tels le Traité de Lausanne, le droit d’accès à l’eau doit, je le répète, être affirmé comme un droit fondamental et, pour que son respect soit assuré, son non-respect doit être passible de sanctions. C’est à ce prix que l’on dépassera le stade des déclarations et qu’une véritable gestion internationale des ressources hydriques pourra se développer.

Notre Organisation a un rôle important à jouer dans la défense de ce droit ; il ne faut surtout pas l’oublier. Je fais confiance à Bernard Marquet pour aller encore plus loin. Le rapport présenté aujourd’hui ne conclut pas ce débat. Peut-être même celui-ci ne fait-il que commencer. C’est une grande responsabilité qui nous échoit. »

Le projet de résolution a été adopté.

G. LA NECESSITE D’UN BILAN DES PROGRES ACCOMPLIS DANS L’APPLICATION DE LA CONVENTION DE BERNE.

La Convention de Berne est un outil international qui a pour finalité de protéger la biodiversité. Tous les pays du Conseil de l’Europe en sont membres à l’exception de la Fédération de Russie et de Saint-Marin.

Cette convention est l’origine de la nouvelle directive Habitats de l’Union européenne, qui a donné lieu à la création du le réseau Natura 2000. Les progrès en termes de protection de la biodiversité dans de nombreux pays européens ne doivent néanmoins pas cacher l’ensemble du travail qui reste à accomplir.

La protection de la biodiversité ne se limite, en effet, pas aux frontières du Conseil de l’Europe, aussi le rapporteur propose-t-il que l’Afrique du Nord puisse être partie à la Convention et que l’ensemble des pays membres du Conseil de l’Europe y adhère.

Le projet de résolution, amendé, a été adopté à l’unanimité.

Le projet de recommandation, amendé, a été adopté à l’unanimité.

H. LA PROTECTION DES FEMMES IMMIGREES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

Les rapports des Nations unies établissent que 50% des 69 millions de migrants en Europe sont des femmes. C’est un élément positif puisqu’il démontre que les femmes ont suffisamment d’autonomie pour prendre en mains leur destin.

Néanmoins leur statut juridique reste souvent précaire car lié à celui de leur conjoint. De même les travaux auxquels elles se consacrent dans les pays d’accueil sont souvent des travaux dévolus aux femmes, d’aide à la personne (garde d’enfants, de personnes âgées, etc.), c’est-à-dire des travaux à la fois peu valorisés et peu rémunérés.

Le rapport préconise l’élaboration d’une nouvelle convention de l’Organisation internationale du travail, en particulier en ce qui concerne le travail ménager, afin de rendre le statut de ces emplois plus sûrs.

Il préconise également de mieux protéger les femmes immigrantes sur le marché de l’emploi, en reconnaissant les diplômes et les qualifications professionnelles, et en accordant un statut légal individuel aux femmes immigrées qui rejoignent leur conjoint au titre du regroupement familial.

Le projet de résolution, amendé, a été adopté.

Le projet de recommandation a été adopté à l’unanimité.

I. LES FEMMES EN MILIEU RURAL EN EUROPE

124 millions de femmes vivent en milieu rural en Europe. Ces femmes souffrent d’inégalités et de discriminations à la fois parce qu’elles sont femmes et qu’elles vivent dans un milieu rural.

Le projet de résolution présenté par la rapporteure propose que l’ensemble des pays membres du Conseil de l’Europe adopte le statut de conjoint collaborateur afin de protéger les femmes qui n’ont pas accès à une quelconque couverture sociale, notamment celles qui travaillent dans les exploitations agricoles. Aujourd’hui seuls trois pays, la France, la Belgique et l’Espagne ont adopté ce statut.

Le projet de résolution, amendé, a été adopté à l’unanimité.

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DEBAT

A. INTERVENTION DE M. LE SECRETAIRE GENERAL THORBJØRN JAGLAND

M. Thorbjørn Jagland a souhaité insister sur le caractère politique de la réforme du Conseil de l’Europe, qui a pour finalité de préparer l’institution aux défis du XXIème siècle, notamment à celui d’un monde en constante mutation.

A cet égard, il a souligné l’importance des mouvements historiques qui ont lieu en Méditerranée et a rappelé la nécessité de tisser de nouveaux liens entre l’Europe et les pays arabes. Le mouvement en faveur de la liberté et de la démocratie devant être soutenu, le Conseil de l’Europe a offert son expertise dans l’élaboration d’un nouveau Code électoral et d’une nouvelle Constitution en Tunisie.

Mais le rôle du Conseil de l’Europe ne s’arrête pas à la Méditerranée et au soutien du printemps arabe en Tunisie, au Maroc, en Libye et en Egypte. Le Secrétaire général a préparé une proposition sur la politique de voisinage du Conseil de l’Europe qui sera discutée lors de la prochaine réunion ministérielle à Istanbul. L’objectif étant de faciliter la transition politique et démocratique à l’est de l’Europe et en Asie centrale, en promouvant, notamment, une bonne gouvernance, et en renforçant l’action régionale du Conseil de l’Europe.

L’action du Conseil de l’Europe doit également être renforcée dans la lutte contre les menaces globales que sont la traite des êtres humains, la cybercriminalité, le crime organisé ou le terrorisme.

La montée du discours extrémiste dans de nombreux pays européens est une préoccupation constante pour le Conseil de l’Europe : elle met en danger les fondements mêmes des valeurs que l’organisation défend. Aussi le Groupe de personnalités éminentes, présidé par Joschka Fischer se doit-il d’évaluer la solution sous un angle paneuropéen.

Le Secrétaire général a également rappelé les éléments clés de la réforme du Conseil de l’Europe afin d’adapter l’organisation au XXIème siècle.

A cet effet, la réforme de la Cour européenne des Droits de l’homme revêt une importance cruciale car elle doit permettre d’endiguer le retard dans le traitement des affaires. La conférence d’Izmir initiée dans le cadre du processus d’Interlaken devrait répondre à cette attente.

Les ressources du Conseil de l’Europe doivent être mieux répartis afin de faire face aux priorités que sont la lutte contre la traite des êtres humains, le terrorisme, la cybercriminalité et le blanchiment de l’argent. L’éradication de la corruption, cancer de la démocratie, doit être également une priorité.

Le Conseil de l’Europe doit davantage s’impliquer dans le domaine des migrations, notamment en ce qui concerne les Roms.

La lutte contre la violence envers les femmes dans laquelle le Conseil de l’Europe a été pionnier doit continuer à être encouragée. A ce titre la Convention sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique est un instrument international qui permettra de faire la différence : elle sera ouverte à la signature à Istanbul.

C’est un bel exemple de coopération entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des ministres, coopération étroite qui fait la force du Conseil de l’Europe.

Le Secrétaire général est également favorable à l’initiative de l’Assemblée parlementaire visant à créer un Forum annuel pour la démocratie à Strasbourg, en partenariat avec la ville, les autorités régionales de l’Alsace et le Gouvernement français.

M. Denis Badré (Hauts-de-Seine – UC) a souhaité savoir si la réforme du Conseil de l’Europe entreprise rendait son action plus lisible et complémentaire de celle de l’Union européenne :

« Le succès de la réforme politique que vous conduisez implique à la fois une claire identification de l’action du Conseil de l’Europe et sa parfaite complémentarité avec celle de l’Union européenne. Les bouleversements du monde arabe mettent déjà à l’épreuve votre volonté d’avancer dans ce sens.

A cet égard, vos échanges avec Mme Ashton engagent-ils vraiment le Conseil de l’Europe aux côtés de ces peuples sur le chemin de l’État de droit, de la démocratie et des Droits de l’homme ? »

M. Jagland a précisé que l’expertise du Conseil de l’Europe en termes d’élaboration d’institutions démocratiques était irremplaçable :

« Je suis absolument d’accord.

J’ai eu des réunions constructives avec les hauts représentants de l’Union européenne et avec la Commission européenne, notamment avec Mme Ashton. Nous travaillons très bien ensemble. Les autorités de l’Union européenne ont bien compris, au plus haut niveau, que nous disposions d’une expertise qu’elles ne possèdent pas encore, par exemple en ce qui concerne l’élaboration d’une Constitution et de certaines législations, tâches auxquelles la Commission de Venise contribue également. Ainsi, en Tunisie, nous aidons à la préparation d’élections.

La chose est donc bien comprise au niveau le plus élevé de l’Union européenne. Cependant, comme nous le savons, toute administration abrite en son sein une bureaucratie qui tend à s’étendre. Nous rencontrons d’ailleurs ce problème au Conseil de l’Europe. »

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a souhaité connaître quelles étaient les avancées dans le renforcement de la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des Droits de l’homme :

« Au mois de février 2010, à Interlaken, les quarante-sept pays membres du Conseil de l’Europe ont proposé un certain nombre de mesures pour faire face à l’engorgement de la Cour européenne des Droits de l’homme. Ils ont aussi insisté sur la nécessité de veiller à une meilleure exécution des arrêts de la Cour et proposé qu’elle fasse l’objet d’une double surveillance : une surveillance standard et, dans certains cas, une surveillance soutenue.

Ce système a été mis en place au mois de septembre 2010. Une première évaluation a, me semble-t-il, été faite. Pouvez-vous nous en dire plus et dresser un premier bilan de ce nouveau système ? »

M. Jagland a signalé que ce n’est que lors de la conférence d’Izmir que le véritable bilan de cette évolution pourra être établi :

«  Il me sera plus facile de vous répondre lors de la partie de session de juin. La conférence d’Izmir aura alors eu lieu, et je pourrai vous faire un rapport plus détaillé sur cette question. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a, quant à elle, souhaité connaître la spécificité de l’aide que le Conseil de l’Europe pouvait apporter aux processus démocratiques transitoires dans les pays arabes pour que celle-ci ne soit pas redondante avec celle de l’Union européenne :

« Ce qui se passe parmi les peuples de la rive sud de la Méditerranée n’est pas sans susciter de nombreuses interrogations quant à l’aide que pourrait leur apporter le Conseil de l'Europe.

Le Maroc a demandé l’assistance de notre Organisation en vue de réformer son système judiciaire. M. Philippe Boillat s’est rendu à Rabat il y a quinze jours. Il s’est exprimé en faveur d’une coopération technique entre le Conseil de l'Europe et le Maroc.

Pouvez-vous nous préciser les contours d’une telle collaboration et quelles synergies avec l’Union européenne pourraient être mises en place pour éviter tout risque de doublon ? »

M. Jagland a rappelé quel était le rôle du Conseil de l’Europe dans l’élaboration des institutions démocratiques, en particulier celui de la Commission de Venise :

«  Comme je l’ai déjà indiqué, cela relève dans une grande mesure de l’activité législative et de la réforme constitutionnelle, sujets dont s’occupe la Commission de Venise en ce qui concerne le Maroc, dont ce pays est membre. D’autres instruments existent et les conventions sont ouvertes à la ratification à des pays non membres du Conseil de l’Europe. Par ailleurs le Centre Nord-Sud, à Lisbonne, peut jouer un rôle utile dans cette région. Nous avons donc de nombreux outils à notre disposition.

En outre, l'Union européenne reconnaît que nous devons respecter une certaine division des tâches afin que chacun puisse travailler dans son domaine de compétence propre. L’Union européenne dispose d’autres instruments qui peuvent être utilisés dans cette région. »

B. DISCOURS DE M. TAYYEP ERDOGAN, PREMIER MINISTRE DE LA TURQUIE

M. Tayyip Erdogan, Premier ministre de la Turquie, est intervenu devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la Turquie assurant la présidence du Comité des ministres.

M. Erdogan a rappelé la portée symbolique de la date du 13 avril : c’est le 13 avril 1950 que la République turque a adhéré au Conseil de l’Europe. Les valeurs du Conseil de l’Europe sont toujours vivaces et le respect de la dignité humaine est un pilier commun à toutes les cultures.

Le Premier ministre turc a eu l’occasion de s’adresser une première fois à l’Assemblée lors de la création de l’Alliance des civilisations, initiative prise conjointement avec le Premier ministre espagnol José Manuel Zapatero sous l’égide des Nations unies, qui a pour finalité de mettre en évidence les aspects positifs de la rencontre entre le monde chrétien et le monde musulman sous un prisme différent que celui des antagonismes guerriers.

La montée des discours extrémistes en Europe, du racisme, de l’intolérance et de l’intégrisme reste un sujet de vive inquiétude. Les échéances électorales ne devraient pas faire l’objet de telles attitudes populistes.

Il est important de noter que la Turquie est le seul pays à avoir adopté la laïcité alors qu’il s’agit d’un pays dont la population est majoritairement musulmane. C’est un héritage qui vient de la France. Islam, démocratie et laïcité sont des concepts qui peuvent parfaitement cohabiter ensemble et il peut sembler ironique que le débat sur la laïcité apparaisse sous d’autres latitudes à des fins jugées par lui électoralistes.

L’Europe ne saurait se renfermer sur elle-même au risque de ne plus donner crédit à l’universalité des valeurs qu’elle défend. Elle se doit d’appuyer les printemps démocratiques qui fleurissent en Méditerranée.

La Turquie est un acteur important de la stabilité et de la paix aux portes de l’Europe. Les liens qu’elle entretient avec l’Europe sont anciens et étroits, des considérations électoralistes de court terme ne devraient donc pas la laisser aux portes de l’adhésion à l’Union européenne. M. Erdogan a tenu à souligner que «si la Turquie a besoin de l’Union européenne, l’Union européenne a également besoin de la Turquie. »

Les progrès en termes de démocratie et d’État de droit ont été considérables. Le Premier ministre a invité de ce fait le Secrétaire général du Conseil de l’Europe à venir constater sur place qu’il n’y avait aucune restriction à la liberté des médias en Turquie, contrairement à ce qui était affirmé.

Le Premier ministre a conclu son allocution sur l’importance des valeurs du Conseil de l’Europe qui finiront par triompher de la violence et de l’oppression.

En réponse à une question de M. Tiny Kox, parlementaire néerlandais, président du groupe de la Gauche unitaire européenne, relative à la non tenue de la promesse électorale du parti de M. Erdogan d’abaisser le seuil de participation aux élections en Turquie, le Premier ministre turc a fait un portrait à charge de la politique française, alors que la question de M. Tiny Kox était sans rapport avec la France et la politique française :

« Tout d’abord, je ne m’attendais pas à ce que vous soyez nécessairement d’accord avec tous mes arguments. Je respecte votre point de vue. Je vous rappelle toutefois que j’ai été emprisonné pendant quatre mois. Après ma sortie, nous avons créé notre parti politique, nous avons gagné des élections et, depuis huit ans, nous sommes au pouvoir avec un soutien populaire considérable. C’est le peuple, au bout du compte, qui est le meilleur juge. Puisque c’est au peuple de rendre ce jugement et qu’il nous soutient, il doit bien y avoir quelque chose !

Ce n’est pas mon parti qui a instauré ce seuil de 10 %, qui existait au moment où nous nous sommes soumis à la loi du scrutin. Nous l’avons respecté alors, ce qui montre bien qu’en dépit de ce seuil, un parti comme le mien peut être créé et, très rapidement, arriver au pouvoir. Comment est-ce possible ? C’est parce que nous ne nous sommes pas rangés à droite ou à gauche. Notre action politique se situe au centre. Pour tous les Turcs, toutes les composantes de la société turque, pour chacun d’entre eux.

Ici, en France, je vois que les Roms se font expulser. Est-ce là la démocratie ? En France, aujourd’hui, il n’y a pas de respect pour la liberté de religion individuelle. Est-ce cela la liberté de religion ? Que ceux qui veulent juger la Turquie commencent par se regarder eux-mêmes !

Pour en revenir au seuil de 10 %, le fait de le réduire ou non n’est pas une question de démocratie. Il existe aussi ailleurs en Europe des seuils de 8 ou de 7 %. Pour la stabilité et la sécurité de notre pays, nous avons décidé de continuer à appliquer ce seuil, et le peuple en a été d’accord. Les périodes de gouvernement de parti unique ont été des périodes de développement pour la Turquie, contrairement aux époques où plusieurs partis entraient en coalition. Nous avons besoin de stabilité. Le moment venu, si nous sentons s’exprimer un réel besoin d’abaisser ce seuil, nous consulterons notre peuple. Nous ne vous consulterons pas vous !

Nous consulterons donc notre peuple et prendrons une décision en fonction de ce que les Turcs nous diront. S’ils veulent que le seuil soit abaissé, il le sera ; s’il doit rester inchangé d’après eux, il restera à 10 %. Ce sera la décision des 74 millions de Turcs. Je vous demanderai d’envisager les choses sous cet angle aussi : cela n’a pas été facile pour nous d’arriver où nous sommes aujourd’hui.

Nous avons souffert dans le passé et voulons éviter que cela se reproduise. Nous voulons avancer et être un pays exemplaire. Les partis politiques sont nombreux dans notre pays. Aucun parti n’est interdit, chaque citoyen a la possibilité de créer son parti à tout moment et de participer aux élections. Nous ne sommes pas un parti ethnique ni un parti régional, nous sommes un parti qui couvre l’ensemble du territoire et nous nous adressons à tous en Turquie. C’est grâce à ces critères que nous pouvons travailler. »

Lors des séances de questions aux personnalités, les parlementaires n’ont pas de droit de réponse ; aussi Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-Maritimes – UMP), qui intervenait juste après M. Tiny Kox, a-t-elle tenu à rappeler que la France respectait le principe de laïcité :

« Monsieur le Premier ministre, la protection des minorités religieuses est malheureusement encore une question d’actualité.

Quelle garantie pouvez-vous apporter pour que toutes les minorités religieuses aient un droit égal d’accès à leurs lieux de culte et à leur expression religieuse ce qui, monsieur le Premier ministre, est le cas en France, contrairement à ce que vous nous avez dit ! »

M. Erdogan n’a pas véritablement répondu à la question posée ne sachant visiblement pas que la députée française avait la veille, dans l’hémicycle, rappelé ses origines turques et la solidarité dont avait bénéficié sa famille lors de la déportation des arméniens en 1915 :

« Je vous invite, Madame, à venir en Turquie. Sans doute ne suivez-vous pas de très près ce qui s’y passe et vous devez réagir à ce que vous entendez dire.

Vous êtes Française mais je crois que, vous ne connaissez pas du tout la Turquie. Dans mon pays, en voyant quelqu’un qui ne connaît pas le contexte, on dit qu’il vient de France, pour exprimer qu’il est un peu en décalage. Je vois bien, dans ce contexte, que vous êtes effectivement quelqu’un « qui vient de France » !

L’élection du Patriarche orthodoxe est gérée par le Conseil des prélats, conformément au Traité de Lausanne. Les membres du Conseil orthodoxe doivent être des citoyens turcs ; ce n’est qu’à cette condition qu’ils peuvent participer à cette élection et prétendre à un siège.

Nous permettons toujours à ces élections de se dérouler mais j’ai rappelé à M. Karamanlis, l’ancien Premier ministre grec, que les membres du Conseil des prélats devaient demander la nationalité turque afin d’être en conformité avec le Traité de Lausanne. Je l’ai répété plus tard à M. Papandréou et au Patriarche lui-même. A l’heure où je vous parle, les membres du Conseil des prélats sont désormais citoyens turcs. Lorsqu’ils ont souhaité célébrer la messe au monastère de Sumela, nous leur en avons donné la possibilité et trois mille personnes s’y sont rendues en compagnie du Patriarche.

La Turquie a également autorisé, pour nos amis allemands, l’organisation d’une messe chaque année à Tarsus. Par ailleurs, l’église orthodoxe arménienne de Van, qui tombait en ruine, vient d’être rénovée et est aujourd’hui ouverte au culte. Je pourrais continuer longtemps cette liste d’exemples.

Les minorités religieuses présentes en Turquie sont libres d’exercer leurs cultes. Je suis le garant de cette liberté et c’est mon gouvernement qui l’a, le premier, garantie. Personne ne peut donc dire, sous peine d’être profondément malhonnête et irrespectueux, que des individus en Turquie sont privés du droit d’exercer librement leur culte. »

De vifs applaudissements ayant retenti dans les tribunes, M. François Rochebloine (Loire – NC) est intervenu, lors de la séance suivante, afin de faire un rappel au Règlement :

« J’avais déjà eu l’occasion, lors de la précédente partie de session, de déplorer des manquements à la police de l’Assemblée. En effet, si les parlementaires peuvent applaudir en séance, le public, lui, doit rester silencieux. Or, une nouvelle fois aujourd’hui, des applaudissements se sont régulièrement fait entendre. Je regrette que la présidence ne soit pas intervenue. De tels mouvements doivent être dénoncés et j’espère qu’ils ne se reproduiront pas.

Par ailleurs, il est également regrettable de la part du Premier ministre turc d’avoir agressé la France comme il l’a fait ce matin, par des propos absolument inacceptables»

Le président de l’Assemblée parlementaire M. Mehmet Cavusoglu a rappelé que les applaudissements n’étaient pas autorisés dans les tribunes ouvertes au public :

« Nous prenons bonne note de votre intervention. Il y a eu aujourd’hui, comme lors de la dernière partie de session, des applaudissements dans les tribunes. Sans montrer du doigt un pays particulier, j’ai demandé à mes assistants de rappeler à chacun que le public doit rester silencieux dans les tribunes. »

C. RENFORCER LES MECANISMES DE PREVENTION DE LA TORTURE EN EUROPE

Le rapport présenté au nom de la commission des questions juridiques et des Droits de l’homme a souligné la réussite qu’a été, en termes d’amélioration de l’État de droit, la création du Comité de prévention de la torture (CPT).

Le projet de résolution formule néanmoins trois propositions concrètes pour améliorer son fonctionnement :

- changer le mode de désignation des membres du CPT en donnant compétence à l’APCE pour les élire comme elle le fait pour les juges à la CEDH ;

- améliorer le suivi des déclarations publiques du CPT, tant par l’APCE que le Comité des ministres, le CPT utilisant rarement cet outil, celui-ci étant un moyen de mettre en évidence un dysfonctionnement grave ;

- améliorer l’impact sur le terrain en rendant la publication des rapports finaux de visite ainsi que les réponses des autorités dans un délai plus bref.

En outre, le rapporteur a proposé que l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe ratifient et mettent en œuvre le Protocole optionnel à la Convention des Nations unies contre la torture (OPCAT).

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC) a défendu, au nom du groupe socialiste, l’idée d’une compétence quasi universelle des tribunaux en matière de torture :

« Je veux avant tout saluer au nom de mon groupe la qualité du travail de M. Gardetto, qui met en évidence qu’une des valeurs fondamentales de la démocratie n’est toujours pas entièrement respectée aujourd’hui dans l’espace européen.

Le travail fait par le Comité européen pour la prévention de la torture est remarquable et permet de lutter efficacement contre les dérives qui pourraient survenir dans nos démocraties.

La guerre contre le terrorisme entamée par le président Bush nous avait amenés à repenser sérieusement la question de la torture. La révélation de certaines pratiques des services secrets, les conditions de détention dans la prison de Guantanamo ou encore la révélation, grâce aux travaux éclairés de notre Assemblée, plus précisément de notre collègue Dick Marty, de l’existence de prisons secrètes, ont permis de montrer que nos démocraties étaient menacées non pas uniquement parce que de dangereux fondamentalistes leur avaient déclaré la guerre mais parce qu’elles étaient en train de perdre leur âme.

“La torture peut-elle être autorisée lorsqu’elle permet de sauver des vies?” titrait The Economist. Que ce journal libéral ait pu faire sa couverture de cette question illustrait que la réponse n’était pas si simple. Cette interrogation dont la pertinence n’est pas à remettre en cause soulignait donc les limites de l’État de droit et de la démocratie.

Lorsqu’une démocratie utilise les mêmes armes que ceux qu’elle combat, est-elle encore une démocratie? Lorsqu’une démocratie se rabaisse à nier les Droits de l’homme, est-elle encore une démocratie? Lorsqu’une démocratie nie l’État de droit, est-elle encore une démocratie?

Ce qui différencie une démocratie d’un État totalitaire, ou non respectueux des Droits de l’homme, c’est que, une fois l’erreur admise, celle-ci ne se renouvelle pas. La démocratie, c’est pouvoir dire la vérité sous le feu des projecteurs afin que cessent les exactions. La publication des rapports du CPT doit donc être encouragée dès lors qu’elle ne gêne pas son travail.

La ratification par tous les États membres du Conseil de l’Europe de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants doit également devenir une priorité.

Si M. le rapporteur me le permet, mes propositions iront un peu au-delà des siennes.

La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies instaure une sorte de compétence quasi universelle qui permet l’arrestation des tortionnaires du seul fait de leur présence sur le territoire. Par ailleurs, la torture peut constituer un crime contre l’humanité lorsqu’elle est utilisée de façon généralisée et systématique. Le Conseil de l’Europe doit donc inciter à l’instauration d'une compétence quasi universelle s’il souhaite assurer une véritable efficacité de son système de protection contre la torture.

La prévention de la torture est bien au cœur de l’État de droit. Nous devons lutter à chaque instant pour qu’elle le reste. »

M. Laurent Béteille (Essonne – UMP) a, quant à lui, souhaité que le statut des victimes de la torture soit mieux pris en compte, au travers, notamment, de la participation des États au Fonds de contribution volontaire des victimes de la torture des Nations unies :

« Monsieur le Président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Comité de prévention de la torture fait partie, au même titre que la Commission de Venise et la Cour européenne des Droits de l’homme, des institutions qui confèrent à notre organisation une certaine visibilité. Elles en sont même la principale justification.

La déclaration publique du Comité européen pour la prévention de la torture du 15 mars dernier sur la Grèce est venue rappeler que la lutte contre la torture et les traitements dégradants demeure, malheureusement, d’actualité sur notre continent et que tous les problèmes ne sont pas résolus. Cela montre à ceux qui pourraient s’étonner que l’on revînt encore sur le sujet que la chose est encore nécessaire, et ce malgré l’existence d’un cadre juridique cohérent et malgré tout ce qui a pu être dit dans le passé sur la lutte contre la torture.

L’excellent rapport de notre collègue Jean-Charles Gardetto insiste sur la nécessité d’une publication plus rapide des rapports et des commentaires des pays concernés par les enquêtes du Comité. Je l’approuve, car il me semble en effet qu’une diffusion accélérée permettrait de combattre l’impunité qui accompagne trop souvent de telles exactions.

Je souhaite à cet égard que les réserves exprimées à ce sujet par certains États, notamment la Russie, s’effacent rapidement, tant elles peuvent fragiliser l’efficacité du travail du Comité européen de prévention de la torture et la portée de son message.

Je le répète après d’autres: aucun contexte ne peut légitimer le recours à des procédés barbares, à rebours des valeurs que nous défendons ici et dans le reste du monde. Aucune urgence ne peut justifier l’usage de pratiques comme la torture, en contradiction avec l’engagement que nos États ont souscrit en adhérant au Conseil de l’Europe. La prohibition de la torture et de toute forme de traitement inhumain est absolue; elle ne peut souffrir de dérogation, même dans des situations délicates d’urgence.

Au-delà de la torture elle-même, je souhaite que, à terme, nous nous attardions plus longuement sur le statut de la victime. Le Conseil de l’Europe se doit de réfléchir à de nouveaux dispositifs juridiques destinés à lui fournir réparation adéquate, adaptée à ses besoins, y compris en ce qui concerne la compensation et la réadaptation.

Il me semble en effet indispensable que nous puissions garantir que les victimes de la torture ou de toute autre forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant obtiennent une pleine réparation. Je rappelle à cet égard que les Nations Unies ont créé un fonds dédié, le Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture, qui a pour but la réadaptation des victimes de la torture et de leurs familles. Il convient d’inviter les États membres du Conseil de l’Europe à participer de façon concrète à ce fonds »

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – UMP) a, pour sa part, souligné que la lutte contre la torture conditionne la possibilité d’une vie démocratique et l’effectivité des autres droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne des Droits de l’homme et des libertés fondamentales :

« A mon tour, je tiens à féliciter le rapporteur, M. Gardetto, pour la qualité de son rapport sur le renforcement des mécanismes de prévention de la torture en Europe. C’est un travail utile, tant il est nécessaire de ne pas baisser la garde dans ce domaine, même si le rapporteur a parlé de success story dans son introduction.

La lutte contre la torture est au cœur des valeurs que défend le Conseil de l’Europe. Lutter contre la torture conditionne l’existence des autres Droits de l’homme. En effet, quelle serait la liberté d’expression si la torture n’était pas interdite? Quelle serait la liberté religieuse si la torture n’était pas interdite? Quelle serait la liberté politique si la torture n’était pas interdite?

La torture est interdite par l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 2 étant consacré à l’interdiction de la peine de mort, que nous venons d’évoquer dans le débat précédent.

La Cour européenne des Droits de l’homme a une acception large de la torture. Ainsi, dans un récent arrêt M.S.S. c/ Belgique et Grèce, l’article 3, cité tout à l’heure par M. Marquet, a été le fondement de la condamnation de la Belgique et de la Grèce du fait des conditions sanitaires déplorables dans lesquelles se trouvait un migrant dans un centre de rétention administrative.

Le travail fait par le Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants est remarquable; il est indispensable dans un État de droit. Il importe de donner davantage de publicité à ses travaux afin d’obliger les pays à se conformer aux standards européens et il faut soutenir l’initiative présentée par le rapporteur d’encourager tous les pays à ratifier les instruments de lutte contre la torture. 

La France est partie à de nombreux instruments multilatéraux de lutte contre la torture, tels que la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le protocole facultatif à cette Convention incite les États membres du Conseil de l'Europe à ratifier l’OPCAT et les encourage à contrôler au mieux les lieux de privation de liberté. C’est aussi l’un des objectifs de ce rapport.

La lutte contre la torture est, avec la préservation de la liberté dans son ensemble et la possibilité d’exister dignement dans un État de droit, l'un des standards qui permettent de mesurer le degré d’accomplissement d'une démocratie. Renforcer la prévention de la torture revient donc à rendre l’esprit démocratique vivant. »

Les propositions du rapporteur ont été reprises dans le projet de résolution, qui amendé, a été adopté à l’unanimité et le projet de recommandation qui a été adopté à l’unanimité.

*

* *

Le Conseil de l’Europe ne peut se réformer sans que son Assemblée parlementaire ne se sente concernée. Tout au contraire, elle a pris l’initiative d’engager elle-même un processus de réforme dont l’état d’avancement est résumé dans l’encadré ci-après.

La réforme de l’APCE

La Commission ad hoc du Bureau de l’APCE a remis son rapport au Bureau lors de la session de janvier 2011. Le Bureau a décidé de le transmettre pour observation à l’ensemble des membres de l’Assemblée. La Commission ad hoc du Bureau a par ailleurs été transformée en Commission ad hoc de l’Assemblée afin de lui permettre de présenter ses propositions devant l’Assemblée plénière.

De nombreuses commissions, groupes politiques et parlementaires individuels ont fait part de leurs observations à la Commission ad hoc. Celle-ci a examiné une partie de ces commentaires lors de sa réunion du jeudi 5 mai 2011. A cette occasion, elle a désigné M. Jean-Claude Mignon comme son rapporteur.

La Commission se réunira ensuite à Kiev le 26 mai, où elle devrait également adopter un projet de résolution, qui, si ce calendrier est tenu, sera examiné par l’Assemblée lors de sa session de juin.

Lors de sa session d’octobre, l’Assemblée plénière adopterait alors les modifications du Règlement nécessaires pour une entrée en vigueur en janvier 2012.

Les propositions en cours de discussion portent sur tous les aspects du fonctionnement de l’APCE et ont comme fil directeur l’ambition de renforcer la pertinence politique de ses travaux et d’accroître l’intérêt de ses membres pour ses débats. Dans cette perspective, la Commission s’interroge notamment sur l’opportunité d’une plus grande sélection des propositions de résolutions et de recommandations, sur la structure des commissions, sur les temps de parole des membres de l’APCE et sur le suivi des textes adoptés par l’Assemblée.

ANNEXES

Annexe 1
La dimension religieuse du dialogue interculturel

Recommandation 1962 (2011)1

1.       L’Assemblée parlementaire constate l’intérêt grandissant que les questions concernant le dialogue interculturel soulèvent dans un contexte européen et mondial où les efforts de rapprochement et de collaboration entre communautés au sein de nos sociétés et entre les peuples, pour construire ensemble le bien commun, sont mis constamment en danger par des incompréhensions, de fortes tensions, voire par des actes barbares de haine et de violence.

2.       L’Assemblée se réjouit de la dynamique positive qui se développe au sein du Conseil de l’Europe et favorise une approche intégrée des questions concernant le dialogue interculturel et sa dimension religieuse. Le «Livre blanc sur le dialogue interculturel – Vivre ensemble dans l’égale dignité» et les rencontres annuelles organisées par le Comité des Ministres sur «La dimension religieuse du dialogue interculturel» sont en quelque sorte l’aboutissement de cette approche.

3.       L’article 9 de la Convention européenne des Droits de l’homme («la Convention», STE No. 5) garantit le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Cette liberté représente l’une des assises d’une «société démocratique» au sens de la Convention; elle figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l’identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents.

4.       L’affirmation de ce droit inaliénable implique la liberté pour chacun d’avoir (ou non) une religion et de manifester sa religion individuellement et en privé, ou de manière collective, en public et dans le cercle de ceux dont on partage la foi. Les Eglises et communautés religieuses ont, en Europe, le droit d’exister et de s’organiser de manière autonome. Néanmoins, la liberté de religion ainsi que la liberté d’avoir une vision philosophique ou laïque du monde sont indissociables de l’acceptation sans réserve, de la part de tous, des valeurs fondamentales inscrites dans la Convention.

5.       Ces valeurs doivent nous rassembler, mais il est également important de reconnaître les différences culturelles qui existent entre personnes de convictions différentes. Les différences, dans la mesure où elles sont compatibles avec le respect des Droits de l’homme et des principes à la base de la démocratie, ont non seulement le droit d’exister mais contribuent également à la détermination de l’essence de nos sociétés plurielles.

6.       Le modèle européen est par définition multiculturel et il faudrait prendre en considération les différences résultant d’un vécu historique diversifié. Néanmoins, les valeurs communes telles que le respect mutuel, la protection des droits fondamentaux, la démocratie, la tolérance, l’acceptation que les différences sont un fait normal et la vision d’un futur commun doivent être renforcées davantage.

7.       Le problème réside souvent dans notre attitude face à la diversité. L’Assemblée insiste sur la nécessité pour chacun d’apprendre à partager ses différences de manière positive et à accueillir l’autre avec les siennes, afin de construire des sociétés cohésives, ouvertes à la diversité et respectueuses de la dignité de toute personne. A cette fin, l’Assemblée est persuadée de l’importance de la dimension religieuse du dialogue interculturel, ainsi que de la collaboration entre les communautés religieuses, pour la promotion des valeurs qui constituent le socle commun de nos sociétés européennes et de toute société démocratique.

8.       L’Assemblée estime qu’il est non seulement souhaitable, mais nécessaire que les diverses Eglises et communautés religieuses – et notamment les chrétiens, les juifs et les musulmans – se reconnaissent mutuellement le droit à la liberté de religion et de conviction. Il est également indispensable que les gens de toutes les convictions et visions du monde, soient-elles religieuses ou non, acceptent d’intensifier le dialogue en s’appuyant sur l’affirmation commune de l’égale dignité de toutes les personnes et sur l’adhésion sans réserve aux principes démocratiques et aux Droits de l’homme. Ce sont là deux conditions essentielles pour développer une nouvelle culture du vivre ensemble. L’Assemblée appelle donc toutes les Eglises et les communautés religieuses à poursuivre leurs efforts de dialogue, y compris avec les mouvements humanistes, afin de se mettre à l’unisson pour atteindre l’objectif d’une garantie effective de ces valeurs partout, en Europe et dans le monde.

9.       Il incombe aux États de mettre en place les conditions nécessaires au pluralisme religieux et de convictions et d’assurer le respect effectif de la liberté de pensée, de conscience et de religion, tel que garanti par l’article 9 de la Convention.

10.       L’Assemblée rappelle à cet égard l’obligation pour les États de veiller à ce que toutes les communautés religieuses qui acceptent les valeurs fondamentales communes puissent bénéficier de statuts juridiques appropriés garantissant l’exercice de la liberté de religion et d’éviter qu’un soutien privilégié accordé à certaines religions ne devienne, dans les faits, disproportionné et discriminatoire. Les États doivent également réconcilier les droits des communautés religieuses avec la nécessité de sauvegarder les droits des personnes sans croyances religieuses qui adhèrent à ces mêmes valeurs fondamentales.

11.       L’Assemblée considère qu’il est nécessaire de développer un partenariat dynamique et fructueux entre les institutions publiques, les communautés religieuses et les groupements s’inspirant d’une vision non religieuse. La reconnaissance par les diverses confessions religieuses et par les convictions non religieuses de la dignité humaine comme un bien essentiel et universel constitue le point de départ commun.

12.       Dès lors, l’Assemblée recommande aux autorités publiques aux niveaux local et national de faciliter les rencontres organisées dans le cadre du dialogue interreligieux ainsi que d’encourager et de soutenir les projets développés en commun par plusieurs communautés, y compris avec les associations humanistes et non religieuses, qui visent à consolider les liens sociaux à travers, par exemple, la promotion d’une solidarité intercommunautaire ou l’attention vers les personnes les plus vulnérables et la lutte contre les discriminations.

13.       L’Assemblée réaffirme l’importance et le rôle du système éducatif pour la connaissance et la compréhension des différentes cultures, y compris les croyances et les convictions qui les caractérisent, et pour l’apprentissage des valeurs démocratiques et du respect des Droits de l’homme. Elle recommande aux États et aux communautés religieuses de reconsidérer ensemble, sur la base des orientations données par le Conseil de l’Europe, les questions de l’enseignement du fait religieux, de l’enseignement confessionnel et de la formation des enseignants et de celle des ministres du culte ou cadres religieux, en suivant une approche holistique.

14.       L’Assemblée souligne que le principe de neutralité de l’État s’applique à l’enseignement religieux dans le cadre scolaire et que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’homme, il incombe aux autorités nationales de veiller avec la plus grande attention à ce que les convictions religieuses et non religieuses des parents ne soient pas heurtées.

15.       Pour l’Assemblée, le défi est aujourd’hui de trouver l’accord et l’équilibre nécessaire afin que l’enseignement du fait religieux devienne une opportunité de rencontre et d’écoute réciproque. Elle recommande aux États et aux communautés religieuses des efforts concertés dans cette direction et invite les États à se donner les moyens nécessaires afin de passer des déclarations aux réalisations sur le terrain. Il serait hautement recommandable que chaque enseignant, tous types d’enseignement et filières confondus, suive pendant sa formation un module le familiarisant avec les courants de pensées majeurs.

16.       L’Assemblée rappelle que l’autonomie interne des institutions religieuses quant à la formation des cadres religieux est un principe inhérent à la liberté de religion. Néanmoins, cette autonomie interne est limitée par les droits fondamentaux, les principes démocratiques et l’État de droit, que nous avons en commun. Dès lors, l’Assemblée invite les institutions et les responsables religieux à réfléchir, si possible ensemble dans le cadre du dialogue interreligieux, sur la manière appropriée de mieux former leurs cadres religieux:

16.1.        à la connaissance et à la compréhension des autres religions et convictions ainsi qu’à l’ouverture, au dialogue et à la collaboration entre communautés religieuses;1

16.2.        au respect des droits fondamentaux, des principes démocratiques et de l’État de droit, comme assise commune de ce dialogue et de cette collaboration.

17.       L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:

17.1.        de promouvoir un véritable partenariat pour la démocratie et les Droits de l’homme entre le Conseil de l’Europe, les institutions religieuses et les organisations humanistes et non religieuses, visant à favoriser l’engagement actif de toutes les parties prenantes dans des actions de promotion des valeurs fondamentales de l’Organisation;

17.2.       de créer, pour ce faire, un espace de dialogue, une table de travail entre le Conseil de l’Europe et de hauts représentants de religions et d’organisations non confessionnelles, afin d’asseoir les relations existantes sur une plate-forme stable et formellement reconnue;

17.3.       de développer cette initiative en concertation avec les parties intéressées, d’y associer étroitement l’Assemblée parlementaire et, dans toute la mesure du possible, l’Union européenne, et d’inviter l’Alliance des civilisations et éventuellement d’autres partenaires à y contribuer;

17.4.       de poursuivre, dans ce contexte, l’organisation de rencontres thématiques sur la dimension religieuse du dialogue interculturel.

18.       L’Assemblée recommande, en outre, au Comité des Ministres:

18.1.       de promouvoir l’adhésion des États du bassin méditerranéen à la Commission de Venise, à l'Accord partiel sur la Mobilité des Jeunes par la Carte Jeunes et au Centre Nord–Sud;

18.2.       d’inviter tous les États membres à soutenir les projets ciblés que le Centre Nord–Sud pourrait développer pour renforcer les dynamiques positives de la dimension religieuse du dialogue interculturel au-delà des frontières du continent européen, sur le plan interrégional et/ou global;

18.3.       d’accroître les moyens alloués au projet sur les cités interculturelles, dans lequel il conviendrait d’intégrer explicitement la dimension religieuse du dialogue interculturel;

18.4.       d’offrir davantage de soutien aux travaux du Centre européen Wergeland à Oslo, notamment pour développer sa capacité de collaborer avec les États membres du Conseil de l’Europe sur des projets concernant la dimension interculturelle et interreligieuse de la formation des enseignants et des éducateurs.

19.       L’Assemblée invite l’Union européenne, et en particulier le Parlement européen et la Commission européenne, ainsi que son Agence des droits fondamentaux, à développer des programmes communs avec le Conseil de l’Europe dans le domaine de l’éducation à la citoyenneté démocratique et de l’éducation aux Droits de l’homme, s’appuyant sur la Charte que le Comité des Ministres a adoptée le 11 mai 2010, ainsi que dans le domaine du dialogue interculturel et interreligieux.

20.       L’Assemblée invite l’Alliance des Civilisations à développer des programmes communs avec le Conseil de l’Europe visant à accroître les synergies dans l’action des deux organisations en Europe.

1 Discussion par l’Assemblée le 12 avril 2011 (12e et 13e séances) (voir Doc. 12553, rapport de la commission de la culture, de la science et de l'éducation, rapporteur: Mme Brasseur, et Doc. 12576, avis de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Toshev). Texte adopté par l’Assemblée le 12 avril 2011 (13e séance).

Annexe 2
L’arrivée massive de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de réfugiés sur les rivages du Sud de l’Europe

Résolution 1805 (2011)1

1.       Les soulèvements qui se sont produits cette année en Tunisie, en Egypte et en Libye ont entraîné des changements politiques aussi importants que courageux aux frontières les plus méridionales de l’Europe. Ces changements ont cependant déclenché une nouvelle vague de départs de gens désespérés fuyant le danger ou la misère et prêts à tout pour traverser la Méditerranée.

2.       Cette année, ce sont déjà plus de 23 000 personnes qui, parties de Tunisie sur des embarcations de fortune, ont débarqué à Lampedusa, une petite île italienne qui, en hiver, compte 5 000 habitants seulement. Dans leur très grande majorité, ces nouveaux arrivants sont des migrants en situation irrégulière fuyant pour des motifs économiques.

3.       Au cours des deux dernières semaines, les premières embarcations ont commencé à arriver de la Libye. Plus d’un millier de personnes ont atteint Malte et près de 900 ont débarqué en Italie. Sans vouloir être alarmiste, il est clair qu’ils pourraient être suivis de beaucoup d’autres, étant donné que 460 000 personnes ont déjà fui la Libye et cherché refuge essentiellement en Tunisie (228 000 personnes) et en Egypte (182 000).

4.       Ils sont des milliers à fuir chaque jour la Libye. Pour l’instant, ce ne sont pas des Libyens mais, pour l’essentiel, des ressortissants de pays en proie à des conflits et qui ont été pris au piège du conflit libyen avant de pouvoir s'enfuir. Bon nombre d'entre eux ne peuvent être rapatriés dans leurs pays d'origine et l'Europe devra trouver une solution pour leur donner asile ou leur procurer une protection internationale. La situation deviendra encore plus complexe si des Libyens, qui ont un besoin criant de protection en raison soit du climat de terreur croissante imposé par le colonel Kadhafi, soit de l’émergence d’une guerre civile, se mettaient à fuir en masse leur pays, ou si le colonel Kadhafi mettait à exécution sa menace d'utiliser la migration irrégulière comme une arme contre l’Europe.

5.       Dans l’intervalle, le nombre des victimes qui perdent la vie en tentant d’atteindre les côtes européennes sur des rafiots surchargés ne cesse d’augmenter, et on compte parmi les bateaux considérés comme perdus en mer des embarcations transportant jusqu'à 335 personnes.

6.       L’Assemblée parlementaire reconnaît que l’une des premières priorités est de répondre aux besoins humanitaires et de mettre en place une protection internationale pour tous ceux qui ont déjà débarqué sur les côtes européennes, essentiellement en Italie et à Malte. Les États membres du Conseil de l’Europe, l’Union européenne, les organisations internationales, la société civile et d’autres, tous doivent aider et doivent faire preuve de solidarité avec les États en première ligne. Cette solidarité et cette volonté de prendre sa part de responsabilité doivent être étendues à la côte d'Afrique du Nord et aux plusieurs milliers de réfugiés et personnes déplacées cherchant des moyens de rentrer chez eux après avoir fui la Libye. Elles devraient également s'étendre aux migrants et réfugiés pris au piège en Libye en attendant de pouvoir fuir le pays.

7.       L’Assemblée note que, s’il y a bien eu une vague d’arrivées, pour l’instant, ce n’est pas le déferlement que l’on pouvait craindre. Il est important de faire cette distinction, car les responsables politiques, les médias et d’autres n'ayant pas précisé ce point, l’opinion publique est très inquiète, ne comprend pas et exige des réponses disproportionnées.

8.       L’Assemblée est consciente de la pression à laquelle sont soumis les pays membres du Conseil de l'Europe se trouvant aux avant-postes; elle salue les efforts qu’ils déploient pour assurer l’assistance humanitaire prévue par les obligations internationales, et les encourage à poursuivre en ce sens. L'Assemblée rappelle les États à leur devoir, au plan international, de ne pas renvoyer des embarcations transportant des gens ayant besoin d’une protection internationale.

9.       L’Assemblée relève que l’impossibilité des autorités italiennes à renvoyer des migrants irréguliers tunisiens les a amenées à leur délivrer des permis de séjour provisoires de six mois. Elle note également que cela risque de créer des tensions supplémentaires entre la France et l’Italie, étant donné que la France a intercepté et renvoyé de nombreux Tunisiens ayant pénétré sur son territoire par sa frontière avec l’Italie.

10.       L’Assemblée estime qu'il n'est jamais trop tôt pour commencer à s'attaquer aux causes à l'origine de cette vague de réfugiés arrivés par la mer. Certaines d’entre elles peuvent être traitées relativement rapidement, d’autres sont plus compliquées et prendront du temps. Toutefois, pour les traiter, il faudra faire preuve de volonté politique, être prêt au compromis et mobiliser de l’argent. Les causes sont claires: les conflits, des situations économiques difficiles, l'absence de tout gouvernement démocratiquement légitimé, de stabilité et d'autorité politiques, ainsi qu’une explosion démographique dans le sud du Bassin méditerranéen.

11.       L’Europe devra investir massivement dans ces pays d’un point de vue économique et démocratique. En outre, il faudra négocier sur des questions difficiles telles que le retour des ressortissants vers leur pays et les opportunités de migration par des voies légales. Si l’Europe ne fait pas assez, elle risque d'avoir pour voisins des pays d’Afrique du Nord dont les populations vivent dans les conflits et la pauvreté, dont la jeunesse n’a aucune perspective, et ceci aura des conséquences majeures en termes de migration irrégulière.

12.       L’Assemblée, reconnaissant que les événements en Afrique du Nord concernent tous les États membres du Conseil de l’Europe, invite donc ceux-ci:

      12.1.       à prendre conscience que l’arrivée sur les rivages du Sud de l'Europe d’un grand nombre de migrants en situation irrégulière relève de la responsabilité de tous les États européens et exige une solution qui tienne compte de la nécessité de partager cette responsabilité collectivement. L’Assemblée rappelle aux États membres les appels répétés qu’a lancés le Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe pour qu’ils prennent effectivement leur part de responsabilité ;

12.2.       à apporter d’urgence une aide et une assistance humanitaires à tous ceux qui arrivent sur les côtes méridionales de l’Europe et se présentent à d’autres frontières, notamment par la mise à disposition de logements, d’un accueil et de soins de santé adéquats, comme l’Assemblée l’avait déjà rappelé dans sa Résolution 1637 (2008) sur les «boat people» de l’Europe: arrivée par mer en Europe du Sud de flux migratoires mixtes;1

12.3.       à éviter la rétention administrative automatique, qui ne doit être utilisée que lorsqu’il n’existe pas d’autre alternative raisonnable et en veillant à ce qu’elle soit exercée dans des conditions respectant les normes minimales des Droits de l’homme, comme l'Assemblée l'indiquait dans sa Résolution 1707 (2010) sur la rétention administrative des demandeurs d'asile et des migrants en situation irrégulière en Europe; 1

12.4.       à veiller à ce que les personnes vulnérables, notamment les femmes et les enfants, les victimes de torture, les victimes de la traite et les personnes âgées, ne soient pas détenues et reçoivent des soins et une assistance appropriés; 1

12.5.       à garantir le droit d’asile et le droit à ne pas être refoulé, notamment:1

12.5.1.       en veillant à ce que les États acceptent sur leur territoire les personnes nécessitant une protection internationale;

12.5.2.       en assurant la qualité et la cohérence des décisions concernant les demandes d’asile, conformément à la Résolution 1695 (2009) de l’Assemblée intitulée «Améliorer la qualité et de cohérence des décisions en matière d’asile dans les États membres du Conseil de l’Europe»;

12.6.       à veiller à ce que le tri des arrivées et le traitement des dossiers de demande d’asile se fassent rapidement, mais sans sacrifier l'équité à la rapidité;

12.7.       à donner son plein appui au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et à d’autres organisations internationales et nationales assurant une assistance humanitaire et autre, tant en Afrique du Nord que dans les pays d’arrivée en Europe, et à participer généreusement aux programmes de réinstallation des réfugiés bloqués dans les pays d’Afrique du Nord;

12.8.       à faire preuve de solidarité dans les difficultés qui se posent, et notamment à prendre leur part de responsabilité avec les États exposés en première ligne, en particulier: 1

12.8.1.       en accordant davantage de soutien à l’Agence pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l’Union européenne (Frontex) et au Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) récemment établi, et en encourageant l’utilisation accrue de financement de l'Union européenne disponible par le biais du Fonds pour les frontières extérieures, du Fonds européen pour le retour, du Fonds européen pour les réfugiés et du Fonds européen d’intégration;

12.8.2.       en examinant la possibilité de prendre des engagements pour la réinstallation de ceux, arrivés dans des pays européens, qui ont besoin d'une protection internationale et la possibilité de suspendre l’application des Règlements de Dublin ou en envisageant les autres modalités de partage des responsabilités prévus par les mécanismes existants, comme la clause de solidarité de l'article 3(2) du Règlement de Dublin et la clause humanitaire de son article 15;

12.8.3.       en travaillant de manière concertée, notamment avec l’Union européenne, sur la question des retours volontaires et forcés, en prenant en compte les nécessaires protections des Droits de l’homme lorsque des accords de réadmission sont invoqués, conformément à la Résolution 1741 (2010) de l’Assemblée sur les accords de réadmission, un mécanisme de renvoi des migrants en situation irrégulière;

12.8.4.       en prenant conscience de la situation particulièrement difficile dans laquelle se trouve Malte, compte tenu de la taille de son territoire, de la forte densité de sa population et de ses moyens humains et matériels limités, pour s’engager à réinstaller ceux qui ont besoin d’une protection internationale.

13.       L’Assemblée, prenant en compte le fait qu’il est nécessaire de s’attaquer aussitôt que possible aux causes premières de ces arrivées massives de migrants irréguliers, de demandeurs d’asile et de réfugiés, invite instamment les États membres:

13.1.       à soutenir la réforme économique, sociale, démocratique et juridique et le développement en Tunisie et en Egypte et, le cas échéant, en Libye; 1

13.2.       à mettre en place des voies légales de migration (par exemple pour des travaux saisonniers, pour la migration circulaire et d’autres formes de migration) pour les gens en provenance des pays concernés, afin de réduire la pression de la migration irrégulière ainsi que comme soutien à ces pays; 1

13.3.       à se tenir prêts à apporter une assistance substantielle à la Libye pour stabiliser le pays dès que ce dernier sera sorti du conflit qu’il traverse actuellement.1

14.       En cas d'exode massif de réfugiés libyens dû à un climat de terreur croissante imposé par le colonel Kadhafi ou à l'émergence d'une guerre civile, l'Assemblée encourage les États membres de l'Union européenne à envisager d'appliquer la directive temporaire de protection (Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil). A ce stade, il est important de garantir qu'aucun État n'envisage le rapatriement de Libyens, et qu'au moins une certaine forme de protection temporaire soit offerte à ces derniers dans la pratique.

15.       L'Assemblée rappelle aux États membres les possibilités de financement qu'offre la Banque de développement du Conseil de l'Europe et les encourage à présenter des projets pour l’obtention de prêts en vue de contribuer à créer des structures d'accueil et des infrastructures adéquates afin de répondre aux besoins de ces personnes vulnérables.

1 Discussion par l’Assemblée le 14 avril 2011 (16e séance) (voir Doc. 12581, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: Mme Strik). Texte adopté par l’Assemblée le 14 avril 2011 (16e séance).

Voir également Recommandation 1967 (2011).

Annexe 3
Renforcer les mécanismes de prévention de la torture en Europe

Résolution 1808 (2011)1

1.       L’Assemblée parlementaire, rappelant sa Résolution 1248 (2001) «Comité européen pour la prévention de la torture (CPT): composition» et sa Résolution 1540 (2007) «Améliorer les procédures de sélection des membres du CPT», souligne l’importance primordiale parmi les droits fondamentaux de l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants (Article 3 de la Convention européenne des Droits de l’homme (STE n° 5)).

2.       Elle félicite le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) de son action de grande qualité portée par un engagement sans faille, depuis plus de vingt ans. Le CPT constitue l’un des succès les plus importants du Conseil de l’Europe.

3.       Pour mener à bien leur tâche difficile, les membres du CPT doivent posséder d’importantes qualifications professionnelles et qualités personnelles. L’élection des membres du CPT par l’Assemblée leur conférerait une légitimité démocratique et une autorité accrues et aurait comme conséquence que l’évaluation des candidats figurant sur les listes transmises par les délégations nationales se ferait désormais au sein du même organe que le choix final.

4.       En attendant, il y a lieu d’améliorer encore les procédures de présélection de candidats au niveau national, suivant les indications contenues dans la Résolution 1540 (2007). En outre, l'Assemblée fournira au Comité des Ministres, si nécessaire, les raisons de sa recommandation. S'il est estimé qu'un candidat ou une candidate présente un conflit d'intérêt potentiel, la personne concernée sera obligée de s'engager par écrit à quitter les fonctions pouvant donner lieu à un tel conflit en cas d'élection.

5.       Les déclarations publiques adoptées par le CPT à la majorité des deux tiers, en cas de manque de coopération de la part des autorités d’un État partie, revêtent une importance toute particulière, du fait de leur caractère exceptionnel. Ces rares cris d’alarme devraient systématiquement susciter un débat au sein du Comité des Ministres et du parlement national concerné. La sous-commission des Droits de l’homme de l'Assemblée est également invitée à engager un dialogue avec la délégation nationale concernée et à saisir si nécessaire la commission des questions juridiques et des Droits de l’homme.

6.       Le principe de la confidentialité du travail du CPT facilite la coopération étroite du CPT avec les autorités nationales. Toutefois les rapports finaux suivant les visites du CPT gagnerait à être publiés rapidement et de façon systématique, en même temps que les commentaires des autorités. La quasi-totalité des États Parties demandent la publication de ces informations dans des délais qui varient, mais cette publication permet d’engager un débat public sur les problèmes constatés et les moyens de les résoudre. Seule la Fédération de Russie se montre encore réticente.

7.       L’Assemblée regrette que le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT) n’ait pas encore été ratifié par tous les États membres du Conseil de l’Europe, et que tous États membres qui l'on ratifié n'aient pas encore mis en œuvre les mécanismes nationaux de prévention (MNP) prévus par cet instrument.

8.       Les mécanismes nationaux de prévention constituent une innovation importante dans le sens de la subsidiarité. Ils devraient être pleinement indépendants et bénéficier des ressources suffisantes, y compris en termes d’expertise juridique, médicale et autre, indispensables aux tâches de prévention et de contrôle sur le terrain.

9.       L’Assemblée se félicite des efforts entrepris au sein du Conseil de l’Europe en vue de créer des synergies entre le CPT, d’un côté, et les mécanismes prévus par l’OPCAT, de l’autre, et de partager leurs expériences en la matière.

10.       Une approche similaire, évitant des doubles emplois et le gaspillage de ressources limitées, s’impose également dans les relations entre le CPT et l’Union européenne en ce qui concerne les actions envisagées par celle-ci pour l’amélioration des conditions de détention dans ses États membres.

11.       L’Assemblée invite donc:

11.1. les États membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait à signer et ratifier l’OPCAT et à désigner un mécanisme national de prévention indépendant et doté de ressources suffisantes dans les meilleurs délais;

11.2. les États parties à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE No. 126):

11.2.1.        à modifier ladite Convention à travers le Comité des Ministres pour permettre:1

11.2.1.1.        l’élection des membres du CPT par l’Assemblée parlementaire;

11.2.1.2.        la publication automatique des rapports de visite, ainsi que des commentaires des parties concernées, en prévoyant la possibilité pour chaque partie de demander un report de publication, allant jusqu’à six mois suivant la transmission;

11.2.2.       à faire une demande générale de publication des futurs rapports de visite du CPT dès que possible suivant leur transmission, sauf dans les cas particuliers où la Partie concernée formulera une objection;1

11.3.       les délégations nationales à l’Assemblée à rendre les procédures de sélection des candidats au CPT plus transparentes et mieux adaptées aux besoins du CPT, suivant les indications fournies par la Résolution 1540 (2007);

11.4.       les parlements des États Parties à la Convention concernés à interpeller leurs gouvernements par rapport aux déclarations publiques adoptées par le CPT en vertu de l’article 10 de la Convention en cas de manque de coopération ou de refus d’améliorer la situation à la lumière des recommandations du CPT;

11.5.       le Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l'Europe à s’informer des suites données aux constatations du CPT à l’occasion des visites du Commissaire dans l’État concerné, et à réserver un suivi vigilent aux déclarations publiques du CPT;

11.6.       le CPT à continuer sa coopération basée sur la recherche de synergies et l’échange d’expériences avec les mécanismes prévus par l’OPCAT, et notamment l’assistance au développement de mécanismes nationaux de prévention;

11.7.       les institutions compétentes de l’Union européenne à se référer à l’acquis du CPT et à utiliser son savoir-faire en vue de créer des synergies et d’éviter des double-emplois dans le cadre du développement de leurs actions visant à améliorer les conditions de détention dans les États membres de l’Union européenne.

1 Discussion par l’Assemblée le 14 avril 2011 (17e séance) (voir Doc. 12551, rapport de la commission des questions juridiques et des Droits de l’homme, rapporteur: M. Gardetto). Texte adopté par l’Assemblée le 14 avril 2011 (17e séance).

Voir également la Recommandation 1968 (2011).

Annexe 4
La peine de mort dans les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe – une violation des Droits de l’homme

Résolution 1807 (2011)1

1.       L’Assemblée parlementaire réitère son opposition de principe à la peine de mort en toutes circonstances. Elle est fière d'avoir contribué avec succès à éradiquer ce châtiment inhumain et dégradant dans presque toute l'Europe, en ayant fait de l'abolition de la peine de mort une condition d’adhésion au Conseil de l'Europe.

2.       L'expérience européenne a montré de façon incontestable que la peine de mort n'est pas nécessaire pour enrayer les crimes violents et que les dirigeants politiques ayant ouvert la voie à l'abolition n'ont pas eu à subir de réactions hostiles de la part de l'opinion publique.

3.       L'Assemblée exhorte les États-Unis d'Amérique et le Japon, en tant qu'États observateurs, et le Bélarus, qui aspire à devenir membre du Conseil de l'Europe, à se joindre au consensus croissant des pays démocratiques qui protègent les Droits de l’homme et la dignité humaine en abolissant la peine de mort.

4.       S'agissant des États-Unis d'Amérique, l’Assemblée:

4.1.       félicite les États américains qui ont récemment aboli la peine de mort (en particulier le Nouveau-Mexique, le New Jersey et l'État de New York) et invite les autres États, ainsi que l'État fédéral, à suivre leur exemple;

4.2.       regrette que l'application arbitraire et discriminatoire de la peine de mort aux États-Unis et les scandales publics entourant les différentes méthodes d'exécution en usage (injection létale, chaise électrique, peloton d'exécution) aient entaché la réputation de ce pays, sur lequel comptent ses amis pour être un modèle pour les Droits de l’homme;

4.3.       estime que, plus particulièrement en ces temps de restrictions budgétaires, les ressources limitées seraient mieux utilisées pour améliorer la prévention de la criminalité et accroître le taux d’élucidation des crimes graves plutôt que pour mener de longues batailles juridiques en vue de mettre à mort les auteurs de crimes.

5.       De même, dans l’affaire Avena (Mexique c. États-Unis d’Amérique) de la Cour internationale de justice, l'Assemblée demande instamment:

5.1.       que le législateur fédéral promulgue une législation autorisant les ressortissants mexicains condamnés à mort sans avoir pu bénéficier de l'assistance consulaire prévue par la Convention de Vienne sur les relations consulaires à être rejugés suivant les procédures adéquates;

5.2.       que toutes les autorités judiciaires des États-Unis aient la possibilité de garantir qu'à l'avenir tout ressortissant étranger risquant la peine de mort bénéficie d'une assistance consulaire appropriée, conformément aux obligations internationales des États-Unis en vertu de la Convention de Vienne.

6.       S'agissant du Japon, l'Assemblée:

6.1.       se déclare extrêmement déçue de l'occasion manquée de la présence dans les récents gouvernements de ministres de la justice ouvertement abolitionnistes. Des moratoires de fait ont malheureusement été suivis d'une poursuite de la pratique atroce d'exécutions effectuées dans le plus grand secret et prenant les condamnés à mort et leurs familles par surprise;

6.2.       espère que la récente introduction du système des juges non professionnels au Japon contribuera à accroître la sensibilisation de la population à la fois à la cruauté du système de la peine de mort et à sa faillibilité, promouvant ainsi son abolition éventuelle.

7.       S'agissant du Bélarus, l'Assemblée, rappelant ses Résolutions 1671 (2009) et 1727 (2010):

7.1.       condamne vivement la poursuite des exécutions depuis 2008, qui ont causé beaucoup de tort à la crédibilité de la demande du Bélarus de se rapprocher de la famille des États européens démocratiques qui protègent les Droits de l’homme et la dignité humaine;

7.2.       exhorte les autorités compétentes à déclarer un moratoire sur les exécutions sans autre délai et à prendre les mesures nécessaires pour abolir la peine de mort en droit.

1 Discussion par l’Assemblée le 14 avril 2011 (17e séance) (voir Doc. 12456, rapport de la commission des questions juridiques et des Droits de l’homme, rapporteur: Mme Wohlwend). Texte adopté par l’Assemblée le 14 avril 2011 (17e séance).

Annexe 5
Education contre la violence à l'école

Recommandation 1965 (2011)1

1.       Rappelant sa Résolution 1803 (2011) sur l’éducation contre la violence à l’école, l’Assemblée parlementaire considère que la violence à l’école est une violation des droits de l’enfant. Il est nécessaire d’améliorer la conception des politiques concernant l’éducation contre la violence à l’école et de mieux soutenir la mise en œuvre des politiques nationales visant à neutraliser toute forme de violence à l’encontre des enfants et des adolescents.

2.       L’Assemblée estime que, pour créer des synergies propres à renforcer l’incidence des politiques nationales traitant de cette question complexe, une plus grande coopération s’impose au niveau européen et que, à cet égard, le Conseil de l’Europe doit jouer un rôle plus actif.

3.       En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:

3.1.       de soumettre la Résolution 1803 (2011) aux ministères compétents des États membres, en les appelant à prendre en compte les lignes directrices qu'elle contient et à les communiquer à toutes leurs institutions d’enseignement;

3.2.       d’inviter, par le biais des ministres de l’éducation des États membres, la prochaine Conférence permanente des ministres européens de l’Education à élaborer, en étroite coopération avec le comité directeur compétent du Conseil de l’Europe, des politiques éducatives globales et proactives contre la violence à l’école et dans la société en général;

3.3.       d’aider les États membres situés dans des zones de conflit ou de post-conflit à élaborer des projets scolaires pratiques contre la violence à l’école, au sein de la famille, dans la société et entre les nations;

3.4.       d’aider les États membres à promouvoir une culture de la démocratie et des Droits de l’homme à l’école en conformité avec la Charte du Conseil de l’Europe sur l'éducation à la citoyenneté démocratique et l'éducation aux Droits de l’homme, adoptée dans le cadre de la Recommandation du Comité des Ministres CM/Rec(2010)7;

3.5.       de mettre en place une coopération plus étroite avec le Réseau européen des médiateurs pour enfants (ENOC) et son secrétariat à Strasbourg, et leur apporter un soutien direct;

3.6.       d’établir une coopération directe avec la Commission européenne en ce qui concerne ses travaux sur une stratégie de l’Union européenne pour les droits de l’enfant, et s’efforcer d’étendre ces efforts à tous les États membres du Conseil de l’Europe;

3.7.       de coopérer avec la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants et, dans ce domaine, mieux coordonner l’action européenne régionale;

3.8.       de lancer, par le biais de ses ministres compétents, des plans d’action nationaux contre la violence dans les nouveaux médias, si possible en partenariat avec des agences et des organisations de protection de l’enfance ainsi qu’avec des sociétés de communication et de l'Internet.

1 Discussion par l’Assemblée le 13 avril 2011 (15e séance) (voir Doc. 12513, rapport de la commission de la culture, de la science et de l'éducation, rapporteur: M. Flego). Texte adopté par l’Assemblée le 13 avril 2011 (15e séance).

Annexe 6
Présentation du rapport au Premier Ministre du Sénateur Denis Badré

Paris, le 7 avril 2011

Le Sénateur Denis Badré présente 47 propositions destinées à renforcer la visibilité du Conseil de l’Europe et renforcer sa coopération avec l’Union européenne.

Dans un rapport remis au Premier ministre et présenté devant la commission des affaires européennes du Sénat le 7 avril, le Sénateur Denis Badré (UC – Hauts de Seine), membre de la délégation française auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, insiste sur la nécessité de renforcer les liens entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, comme le permet l’accord de coopération signé par les deux organisations le 15 juillet 2008.

Il paraît ainsi indispensable de préciser le rôle de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, d’en évaluer avec précision l’efficacité et de la mettre à la disposition du Conseil de l’Europe.

Sujet emblématique, l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des Droits de l’homme mérite, pour sa part, d’être traitée sans précipitation. Un nombre non négligeable de modalités pratiques demeurent, en effet, à préciser.

Enfin, la politique de voisinage de l’Union européenne doit mieux prendre en compte les travaux du Conseil de l’Europe avec les pays des régions concernées. Ceci vaut pour le « Partenariat oriental » comme pour « l’Union pour la Méditerranée ». A cet égard, la formule du « Partenariat pour la Démocratie » comme les travaux de la Commission de Venise peuvent aujourd’hui s’avérer très utiles pour accompagner les démarches engagées, par exemple, en Tunisie et en Égypte.

Le Sénateur, formule, par ailleurs, plusieurs propositions visant à poursuivre la réforme du Conseil de l’Europe entreprise depuis quelques mois, qui devrait renforcer la visibilité de l’organisation.

Le rapporteur préconise, enfin, un certain nombre de mesures devant permettre au pouvoir exécutif comme au Parlement de s’impliquer de façon plus conséquente au sein des instances du Conseil de l’Europe.

Annexe 7
Les 47 propositions de M. Badré

LES 47 PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR

Au terme de sa réflexion, le rapporteur formule 47 propositions, qui invitent les pouvoirs publics français :

- à entreprendre des actions visant à s’investir davantage dans les activités du Conseil de l’Europe ;

- et à défendre des positions fortes dans les instances du Conseil de l’Europe et, le cas échéant, de l’Union européenne.

Ainsi, le rapporteur :

Sur la réforme du Conseil de l’Europe

1. Approuve les grandes orientations de la réforme du Conseil de l’Europe, initiée par son Secrétaire général, qui vise à recentrer l’Organisation sur son « coeur de métier » et qui passe par une redéfinition de son programme d’activités ;

2. Souhaite que la France apporte clairement son soutien à cette réforme du Conseil ;

3. Considère que cette réforme de nature politique doit trouver un prolongement au niveau du Comité des ministres, dont le rôle d’orientation stratégique doit être revalorisé, et les méthodes de travail réformées, de manière à doter le Conseil de l’Europe d’un pilotage vraiment politique ;

4. Propose que le gouvernement français prenne l’initiative de réunir un Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe, dans les années qui viennent, par exemple en 2012 ou 2013, afin de dresser un bilan de la réforme de l’Organisation et de tracer de nouvelles perspectives pour le Conseil de l’Europe réformé ;

Sur l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

- Propose, pour revaloriser les travaux des membres de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe au sein du Parlement, de :

5. Tenir un débat annuel en séance publique, dans nos deux assemblées sur les activités de la France au sein du Conseil de l’Europe ;

6. Faire présenter par un membre de la délégation française, après chaque partie de session de l’Assemblée parlementaire, une communication sur les points saillants de cette partie de session devant la commission des affaires européennes et/ou la commission des affaires étrangères de chacune des deux assemblées ;

7. Développer les relations entre les commissions législatives du Parlement et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, par la présentation des travaux de celle-ci par un membre de la délégation française devant ces commissions, en fonction du sujet ;

8. Faire figurer sur la notice des députés et sénateurs membres de la délégation à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, sur le site Internet de chacune des deux assemblées, des informations relatives à leurs activités au sein de l’Assemblée parlementaire (rapports, propositions de résolutions ou recommandations, déclarations écrites, etc.) ;

9. Estime nécessaire que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe organise systématiquement des réunions d’information et de formation sur les activités du Conseil de l’Europe en faveur des nouveaux membres des délégations qui viennent d’être renouvelées ;

- Juge indispensable la réforme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le rapporteur proposant à cet effet :

10. D’instituer un mécanisme de recevabilité permettant d’écarter les propositions de résolutions ou de recommandations ne relevant manifestement pas du « coeur de métier » du Conseil de l’Europe de telle sorte que ces textes ne puissent donner lieu à l’établissement d’un rapport ;

11. De mettre en place une procédure de suivi des résolutions et recommandations adoptées par l’Assemblée parlementaire, comportant deux volets, l’un en commission, l’autre en séance plénière (procédure de « questions cribles ») ;

12. De procéder à des réformes de structures telles que l’allégement de l’ordre du jour des parties de session de l’Assemblée parlementaire, la hiérarchisation des questions abordées, le choix d’un thème structurant chaque partie de session, la réduction du nombre de commissions ou encore l’amélioration de la transparence du fonctionnement de certains organes de l’Assemblée parlementaire, comme sa sous-commission pour l’élection des juges à la Cour européenne des Droits de l’homme, etc., ces différentes réformes devant s’inscrire dans un contexte de réaffirmation du pouvoir politique sur le Secrétariat de l’Assemblée parlementaire ;

13. Invite l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement européen à structurer davantage leur dialogue, en le fondant en priorité sur une approche thématique ;

Sur le rôle de la France au sein du Conseil de l’Europe

14. Considère indispensable de rehausser les dossiers traités au Conseil de l’Europe dans la hiérarchie de l’agenda politique des gouvernements français ;

15. Invite les ministres français concernés à participer plus régulièrement et plus activement aux réunions du Comité des ministres ;

16. Insiste pour que le Président de la République et le Premier ministre reçoivent en visite officielle le Secrétaire général du Conseil de l’Europe dans les meilleurs délais ;

17. Insiste pour que des responsables politiques français de haut rang se rendent régulièrement à Strasbourg et interviennent devant l’APCE ;

- Suggère d’améliorer la coordination interministérielle des dossiers traités au Conseil de l’Europe de manière à la rendre plus systématique et plus rigoureuse.

À ce titre, le rapporteur propose que :

18. Soit définie une position interministérielle préalable sur chacun de ces dossiers, par exemple avant les réunions du Comité des ministres ;

19. Soit mise en place une véritable communication entre les ministères et entre les services d’un même ministère sur les dossiers traités au Conseil de l’Europe afin de faire circuler l’information et d’éviter l’existence de doublons ;

20. Le ministère des affaires étrangères et européennes élabore un rapport annuel sur les activités de la France au sein du Conseil de l’Europe ;

21. Soit améliorée la coordination entre les services compétents du ministère des affaires étrangères et européennes et le SGAE sur les dossiers relevant des compétences de l’Union européenne et abordés au sein du Conseil de l’Europe, de manière à assurer la cohérence de la politique européenne de la France ;

22. Le ministère de la justice soit davantage associé à la coordination interministérielle des dossiers traités au Conseil de l’Europe ;

23. Soit entamée une réflexion pour confier au SGAE la coordination interministérielle de ces dossiers et une responsabilité de suivi de l’activité du Conseil de l’Europe, en lui allouant les moyens nécessaires à cette nouvelle mission ;

24. Insiste sur la nécessité de nommer à Strasbourg des ambassadeurs de grande qualité ;

25. Considère que le ministère des affaires étrangères et européennes doit poursuivre en l’améliorant, notamment en assurant sa pérennité dans le temps, la procédure mise en place pour mieux informer la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur les principaux sujets inscrits à l’ordre du jour de chacune des parties de session de celle-ci ;

26. Juge urgent que la France veille à maintenir son influence au Conseil de l’Europe, en particulier en préparant, par une diplomatie active, la succession des personnalités occupant les plus hautes fonctions dans le système institutionnel du Conseil ;

Sur les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne

27. Propose d’instaurer entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne un système d’alerte précoce et d’échange d’informations mutuel lorsque sont prises des initiatives pour créer des normes juridiques nouvelles, afin d’organiser l’acquis normatif de chacune des deux organisations ;

28. Considère que le recours par l’Union européenne aux travaux de suivi du Conseil de l’Europe doit se généraliser, ce qui amènera d’ailleurs à rationaliser ces activités de monitoring ;

29. Estime que le Commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe et l’Union européenne doivent renforcer leurs relations et travailler davantage ensemble ;

30. Propose que l’Union pour la Méditerranée confie les questions touchant à la démocratie et aux Droits de l’homme au Conseil de l’Europe ;

31. Est d’avis que, pour le Partenariat oriental, l’Union européenne s’appuie sur l’expertise du Conseil de l’Europe dans les États concernés pour y conduire ses propres réformes ;

32. Considère que, dans ces deux cas, les possibilités offertes par la diplomatie parlementaire et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe doivent être largement utilisées, en soulignant en particulier le grand intérêt du récent statut de « partenaire pour la démocratie » proposé par l’Assemblée parlementaire ;

33. Propose qu’à titre d’exemple, les positions prises par l’Assemblée parlementaire au cours de la semaine du 24 au 28 janvier 2011 sur la situation en Tunisie, sur la situation en Biélorussie au lendemain de l’élection présidentielle et sur les violences à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient soient très rapidement examinées par le Comité des ministres afin que des suites concrètes puissent leur être données ;

Sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des Droits de l’homme

34. Estime que les négociations en vue de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des Droits de l’homme doivent éviter toute précipitation, toutes les questions qui se posent devant être complètement traitées ;

35. Propose que les actes de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) soient explicitement exclus du champ d’application de l’accord d’adhésion ;

36. Est d’avis que l’Union européenne ne puisse adhérer qu’aux protocoles à la Convention européenne des Droits de l’homme ratifiés par tous ses États membres, et après accord de tous ses États membres pour les autres protocoles ;

37. Considère que le juge à la Cour européenne des Droits de l’homme représentant l’Union européenne doit être un juge permanent à temps plein, comme les autres, et non un juge ad hoc ;

38. Propose que, l’Union européenne n’étant pas membre du Conseil de l’Europe, une délégation du Parlement européen auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe soit appelée à élire l’ensemble des juges à la Cour européenne des Droits de l’homme, au moyen d’un système de consultation, prenant la forme d’un vote électronique à distance ;

39. Propose que l’Union européenne, à travers la Commission européenne, puisse être autorisée à participer, avec un droit de vote, aux réunions du Comité des ministres du Conseil de l’Europe lorsqu’il exerce ses fonctions d’organe de contrôle de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des Droits de l’homme ;

40. Est d’avis que le mécanisme du co-défendeur devant la Cour européenne des Droits de l’homme doit être écarté au profit de celui de la tierce intervention permettant à l’Union européenne de venir en soutien d’un État membre ;

41. Propose que l’accord d’adhésion précise que, dans toutes les instances mettant en cause le droit de l’Union européenne, la Cour européenne des Droits de l’homme devrait, par la voie d’un mécanisme de renvoi préjudiciel, saisir la Cour de justice de l’Union européenne dès lors que le litige appellerait l’interprétation du droit de l’Union ;

42. Estime que le projet d’accord d’adhésion devrait être soumis pour avis à la Cour de justice de l’Union européenne ;

43. Considère que la question de l’adhésion de l’Union européenne au Conseil de l’Europe est sous-jacente et qu’il convient donc de traiter celle de l’adhésion à la Convention européenne des Droits de l’homme dans cette perspective ;

Sur l’avenir de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne

44. Propose de mieux organiser la complémentarité des activités de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, en vérifiant très régulièrement que les engagements pris dans l’accord de coopération du 15 juillet 2008 sont scrupuleusement respectés ;

45. Estime que l’Agence des droits fondamentaux et le Conseil de l’Europe doivent développer des synergies dans plusieurs domaines de manière à assurer la complémentarité de leurs travaux. Leur coopération doit être fondée sur des objectifs qui se renforcent mutuellement, une mutualisation des ressources et l’élaboration de programmes communs intégrés dans des domaines spécifiques d’intérêt commun ;

46. Considère que l’Agence des droits fondamentaux doit coopérer avec l’ensemble des organes du Conseil de l’Europe (Comité des ministres, Commissaire aux Droits de l’homme, Cour européenne des Droits de l’homme et Assemblée parlementaire), sur la base d’une institutionnalisation de ses contacts avec eux ;

47. Estime que les conclusions de l’évaluation indépendante de l’Agence des droits fondamentaux et de ses activités, qui doit être menée au cours de l’année 2011, seront déterminantes pour décider du maintien, moyennant, le cas échéant, réorientations ou recadrages, ou de la suppression de l’Agence.

____________

1 Cf. par exemple « Chypre en Europe » de Jean-François Drevet – l’Harmattan, page 109


© Assemblée nationale