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N° 3661

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 juillet 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

sur les actions civilo-militaires

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Guy CHAMBEFORT et Philippe FOLLIOT,

Députés.

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S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 7

I. —  UNE TRADITION FRANÇAISE ET UN SAVOIR-FAIRE RECONNUS 9

A. UNE PRATIQUE ANCIENNE DE L’ARMÉE FRANÇAISE 9

1. Les ACM coloniales : faire accepter les forces pour rester dans la durée 9

2. Les ACM dans l’ère post-coloniale : faire accepter les forces pour des missions circonscrites 13

a) En Afrique 13

b) Dans les Balkans 15

3. Les actions civilo-militaires au cœur du concept d’approche globale 16

a) L’approche globale de l’OTAN 16

b) L’approche globale et les ACM 18

B. LES ACTIONS ACTUELLEMENT MENÉES PAR LA FRANCE 18

1. Les actions menées en Afghanistan 19

a) Les actions diligentées ou coordonnées par le ministère des affaires étrangères et européennes 20

b) L’action des forces 23

c) Les opérations d’information ou opérations d’influence 25

d) L’action du pôle stabilité 25

2. Les actions menées au Tchad 27

C. LE RÔLE PARTICULIER DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES 28

1. Un acteur indispensable 28

2. Au Tchad 29

3. En Afghanistan 30

II. —  L’ORGANISATION ET L’IMPACT DES ACM FRANÇAISES SEMBLENT ENCORE PERFECTIBLES 33

A. UN ENJEU DE COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE 33

1. Le cas français 33

2. La pratique dans les autres pays 34

B. UNE MISE EN œUVRE RENDUE COMPLEXE PAR LA MULTIPLICITÉ DES ACTEURS 36

1. De nombreux pays en présence et des commandements qui cohabitent ou se chevauchent 37

2. Des définitions, des doctrines et des moyens différents 38

a) La disparité des définitions 38

b) La prédominance de la doctrine otanienne 38

c) Des moyens très inégaux 39

d) L’intégration des objectifs des différents intervenants est un défi à relever 41

3. La présence de nombreux organismes ou ONG nationaux et internationaux 42

a) Des difficultés rencontrées pour impliquer les acteurs civils aux ACM 43

b) Les relations des ONG avec les forces françaises 43

c) L’action d’une ONG française en Kapisa et Surobi 44

C. UN PARTENAIRE MAJEUR, L’UNION EUROPÉENNE 45

1. Un acteur nouveau 45

2. Un rôle clef de coordinateur 47

3. Quelques pistes de progrès 47

D. LES RISQUES D’EFFETS PERVERS : LA PERTURBATION DU TISSU SANITAIRE ET SOCIAL ET LA DÉSTABILISATION ECONOMIQUE 48

1. L’enjeu de la perception 48

2. Un risque de clivage entre les bénéficiaires de l’aide et le reste de la population 49

3. Un détournement des compétences locales 49

4. Un risque de saturation financière 50

III. —  DYNAMISER LES ACM POUR EN FAIRE UN OUTIL D’INFLUENCE 51

A. MIEUX COORDONNER L’ACTION DE L’ÉTAT FACE AUX PAYS EN CRISE 51

1. Promouvoir un pilotage politique 51

2. Assouplir les conditions d’emploi des ressources financières 52

B. PROMOUVOIR L’IMPLICATION DES RÉSERVISTES 53

1. L’implication des réservistes est variable selon les pays 53

2. En France, la réserve est fortement sollicitée pour les ACM 54

3. Le déploiement de réservistes accompagne celui de l’armée de terre en OPEX 55

4. L’emploi des réservistes est contraint 55

5. Favoriser l’emploi des réserves dans le cadre des ACM pour améliorer la performance française dans l’après conflit 56

C. PROMOUVOIR LES INTÉRÊTS NATIONAUX 57

1. Bénéficier des dividendes de la paix 57

2. Les ACM, vecteur du rayonnement national 59

CONCLUSION 63

EXAMEN EN COMMISSION 65

ANNEXES 71

AUDITIONS 71

DÉPLACEMENTS 74

LE GROUPEMENT INTERARMEES «ACTIONS CIVILO-MILITAIRES » 78

1. Présentation du GIACM 78

2. Origine par arme des personnels du GIACM 80

3. Carte des déploiements du GIACM 81

CARTE DES IMPLANTATIONS DU SSA 82

EXTRAITS DU RAPPORT GAÏA : PRÉCONISATIONS 83

DÉCLARATION DU SOMMET DE BUCAREST 94

CONCEPT ET DOCTRINE INTERARMÉES DE LA COOPÉRATION CIVILO-MILITAIRE 109

INTRODUCTION

Bien avant l’apparition du concept moderne d’action civilo-militaire (ACM), l’aventure coloniale a contraint l’armée française à adapter ses modes d’intervention afin de durer sur des territoires lointains. Les seules actions cinétiques ne suffisant plus à assurer la victoire militaire et politique, les forces armées ont donc développé des instruments visant l’acceptation de la présence militaire par les populations colonisées. Jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie, des expériences se sont succédées et une doctrine a pris forme ; elles inspirent encore l’action des armées occidentales engagées dans des opérations de contre insurrection.

L’engagement actuel de la France en Afghanistan a remis au goût du jour l’importance des actions civilo-militaires en renforçant considérablement leur rôle tactique. De nouveau confrontées à un conflit insurrectionnel, nos armées y voient un axe d’effort de première importance dont le succès doit contribuer à la stabilité du théâtre et à la sécurité des troupes. Des moyens importants ont donc été consacrés à cette cause, gérée dans un cadre interministériel novateur. Cet engagement est aussi l’épreuve du feu pour le groupement interarmées pour les actions civilo-militaires (GIACM), créé en le 1er juin 2001 et déclaré opérationnel le 26 février 2004, qui fait des ACM une véritable spécialité interarmées.

Compte tenu de ces évolutions majeures, les rapporteurs ont souhaité conduire une mission d’information sur ce sujet près de dix ans après le rapport présenté par le député Robert Gaïa sur le même thème et qui avait préconisé l’amélioration d’une gestion encore trop marginale des ACM (1). Plus récemment, cette question a également été abordée par le préfet Jean Dussourd dans son rapport « Mieux valoriser le volet civil des opérations de maintien de la paix et de gestion de crise », publié le 9 février 2009.

Sans prétendre à l’exhaustivité, les rapporteurs se sont efforcés d’identifier les forces et les faiblesses du dispositif actuel au regard de l’expérience afghane notamment, mais aussi des actions menées sur d’autres théâtres tels que le Tchad. Ils ont également souhaité entendre le point de vue des différentes parties prenantes, qu’il s’agisse des acteurs gouvernementaux, des agences et organisations internationales, des organisations non gouvernementales (ONG) ou encore des autorités des pays hôtes.

Ils saluent les progrès accomplis tout en soulignant la persistance de difficultés, auxquelles un certain nombre de propositions s’efforcent de répondre. Mais, au-delà, ce travail est également un hommage aux nombreux projets conduits à travers le monde par des équipes d’une qualité remarquable. Celles-ci font légitimement la fierté de la France.

I. —  UNE TRADITION FRANÇAISE ET UN SAVOIR-FAIRE RECONNUS

L’expertise française dans le domaine des ACM est ancienne. L’armée a su transformer l’expérience acquise au cours de l’époque coloniale en une expertise qu’elle met aujourd’hui en œuvre sur de nombreux théâtres. Le service de santé des armées (SSA) joue à chaque fois un rôle de première importance.

A. UNE PRATIQUE ANCIENNE DE L’ARMÉE FRANÇAISE

1. Les ACM coloniales : faire accepter les forces pour durer

Les guerres coloniales ont contraint nos armées, et singulièrement l’armée de terre, à intégrer aux opérations un volet civil. Il s’agissait certes de vaincre une adversité sporadique, mais aussi de rester sur le long terme avec des troupes trop peu nombreuses pour véritablement quadriller le territoire.

Assortir la présence des forces armées d’actions améliorant concrètement et rapidement les conditions d’existence des populations correspondait d’ailleurs à la mission civilisatrice que la France revendiquait : l’apport du progrès, notamment médical puis agricole et éducatif, devait légitimer concrètement la présence française et susciter une forme d’adhésion des populations. De plus, développer le territoire occupé c’était aussi discréditer l’adversité, en l’enfermant dans le passé. De fait, la réflexion sur les moyens de conquérir la sécurité en alliant les actions civiles aux militaires a certainement débuté en France au cours du XIXe siècle, parallèlement à la prise de contrôle de territoires arabes.

L’histoire militaire française retient comme fondatrice l’expérience du Maréchal Lyautey. Nommé résident général au Maroc en 1912, il a mis en œuvre une « politique musulmane » visant à appuyer le pouvoir français sur les élites locales. Il s’était fait en cela l’héritier de plusieurs décennies de pratiques, qui s’étaient notamment traduites par l’ouverture de « bureaux arabes » dont l’objet était de mieux connaître les populations locales, de se rapprocher de leurs élites et d’identifier des axes de collaboration. Car, pour Lyautey, « l’adversaire d’aujourd’hui [était] le collaborateur de demain ».

Sa stratégie de pacification des territoires a consisté à mener de front leur conquête et leur contrôle, démarches s’inscrivant dans la durée par l’organisation et la diffusion du progrès. Il a créé dans ce sens le service des affaires indigènes, au sein duquel des officiers, jusqu’à 273 en 1925, ont administré les territoires placés sous protectorat français, le pouvoir du sultan y étant maintenu. Par leur ancrage dans la réalité quotidienne des territoires et la position d’arbitre qu’ils ont occupé sur certaines questions, ces services ont joué un rôle de premier plan dans le renseignement. Les officiers des affaires indigènes ont ainsi bénéficié de stages de formation dispensés par les services de renseignement.

L’expérience des affaires indigènes diffère très certainement des ACM modernes : il ne s’agissait pas d’aménager un pont ou de construire un dispensaire, mais plutôt d’administrer un territoire et de conseiller étroitement le pouvoir en place. Le territoire ainsi organisé et rendu favorable à la présence française pouvait dès lors s’ouvrir à la pénétration « civilisatrice ». L’approche de Lyautey était particulièrement moderne : pour tenir un territoire, il était indispensable de se concilier sa population et donc, dans la mesure du possible, ses élites.

La sécurité, que seule conquiert l’action militaire, ne peut être garantie que par l’action civile, les deux étant intimement liées. C’est bien à ce constat de l’armée de Lyautey que se rallie aujourd’hui l’organisation du traité de l’atlantique nord (OTAN).

Les mouvements indépendantistes qui ont ébranlé l’empire colonial se sont toujours traduits par une politisation accrue de la présence militaire, confrontée le plus souvent à des mouvements insurrectionnels, certainement plus qu’ailleurs lors de la guerre d’Algérie (1956-1962). Colonie revendiquée et donc administrée comme partie intégrante du territoire national, l’Algérie n’était pas un laboratoire privilégié de l’action civilo-militaire. C’est le mouvement de contestation armée de la colonisation qui a conduit le Gouvernement à y envoyer massivement des forces armées pour pallier l’incapacité des forces de police et de gendarmerie à maintenir l’ordre. La présence de soldats en nombre considérable, menant des opérations face une guérilla dissimulée parmi la population, s’y fondant « comme un poisson dans l’eau » a nourri une nouvelle étape dans la réflexion civilo-militaire française, avec la création des sections administratives spécialisées (SAS).

Il s’agissait d’assurer une véritable pacification grâce au ralliement des populations, ou à défaut leur neutralité, en illustrant concrètement ce que le camp défendu par les armées apportait en termes de civilisation. Cela supposait de mieux administrer des zones jusqu’alors à l’écart, mais également de soutenir leur développement.

Concrètement, les SAS constituaient la partie militaire de « communes mixtes », c’est-à-dire administrées à la fois par des civils et des militaires. Dans ces communes, l’officier chef des SAS était assisté d’un adjoint sous-officier ainsi que de trois civils contractuels détachés du bureau des affaires algériennes (un secrétaire, un radio ainsi qu’un comptable). Des corps de supplétifs recrutés localement assuraient la sécurité à la fois des SAS et de leurs activités ainsi que de la commune. Sous l’autorité du préfet, c’est-à-dire sous tutelle civile, la SAS assure des missions militaires, en regroupant les populations isolées, conduit une forme d’administration civile, telle que la mise à jour des listes électorales et encadre des chantiers économiques. Ceux-ci visaient sur le court terme à offrir des emplois rémunérés aux populations et, sur le long terme, à mieux équiper les campagnes pour leur développement. La SAS distribuait par ailleurs des prestations sociales, à destination des chômeurs ou des indigents. Cet ancrage lui permettait de consolider le camp loyaliste parmi la population algérienne et offrait un canal de renseignement d’origine humaine incomparable.

La suppression des communes mixtes en 1956 a vu le pouvoir local être souvent confié à des notables qui se sont volontiers appuyés sur les SAS pour administrer leurs communes. L’utilité des SAS en tant qu’outils d’administration a fait ses preuves, ce qui a rendu d’autant plus regrettable les dérives de certaines sections privilégiant l’action de force au travail civil, au point qu’il leur a été interdit en 1961 de participer à des opérations de guerre.

Preuve de leur succès, les SAS sont passées de 180 en 1956 à près de 700 en 1960, faisant largement appel aux réservistes. Comme le soulignait le rapport du député Robert Gaïa (2), les personnels des SAS ont progressivement constitué un corps à part, à l’état d’esprit relativement autonome. Leur action n’a pas manqué d’efficacité, ainsi que l’ont relevé de nombreux analystes militaires, au premier rang desquels David Galula.

Contre-insurrection de David Galula : un rôle nouveau pour le soldat

Officier de l’armée de terre, David Galula a occupé diverses fonctions lui permettant d’étudier de nombreux mouvements insurrectionnels à la suite de la deuxième guerre mondiale : affecté à la section de liaison française en Extrême-Orient, il a étudié le mouvement maoïste ; observateur des Nations Unies en Grèce il a analysé la déroute de la rébellion marxiste ; enfin, commandant de la 3e compagnie du 45bataillon d’infanterie coloniale, il a mis en œuvre avec succès ses vues sur la contre-insurrection en Grande Kabylie.

Il a tiré de son expérience l’ouvrage Contre-insurrection, théorie et pratique (3) qui analyse la guerre insurrectionnelle et prétend apporter des réponses tactiques et politiques pour la contrecarrer. Ce livre est revenu sur le devant de la scène à la faveur des engagements américains en Irak et en Afghanistan. En particulier, le général d’armée américain David Petraeus a régulièrement souligné son intérêt pour cet ouvrage, indiquant s’inspirer de l’approche civilo-militaire de l’armée française développée lors de la guerre d’Algérie et voyant dans Galula « le Clausewitz de la contre-insurrection ».

Dans son ouvrage, David Galula définit la guerre insurrectionnelle comme un conflit essentiellement politique. Vaincre suppose donc de présenter un projet clair et mobilisateur dans la durée. À côté de l’action cinétique, le camp loyaliste, et notamment son armée, doit maîtriser le renseignement ainsi que la communication qui devient une véritable arme.

Le camp loyaliste dispose d’atouts, tels que la maîtrise de la force aérienne, mais il souffre de son manque de mobilité, des principes exigeants qu’il peut se fixer, de la difficulté à transformer son appareil pour mener une guerre coûteuse face un adversaire dont les actions demandent peu de ressources. Pour y faire face, il doit rendre ses forces mobiles et rechercher le meilleur ancrage possible sur le terrain.

La population est au cœur de ce type de conflit. Selon le mot de Mao, les insurgés s’y meuvent « comme un poisson dans l’eau ». L’enjeu pour les forces loyalistes est donc bien de la protéger de l’insurrection afin d’empêcher cette dernière de s’y terrer.

Au final, Galula souligne que « dans une guerre révolutionnaire, le rôle du soldat est d’aider le gouvernement à gagner le soutien de la population ».

2. Les ACM dans l’ère post-coloniale : faire accepter les forces pour des missions circonscrites

Si à l’époque coloniale les ACM devaient permettre de rester, elles doivent aujourd’hui favoriser l’acceptation de forces déployées pour une durée limitée.

Au lendemain de la décolonisation, l’armée française s’est trouvée engagée sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures (OPEX), assurant des missions très différentes. Certaines d’entre elles ont duré et ont donc été le cadre d’ACM.

a) En Afrique

À l’ère postcoloniale, les ACM mises en œuvre par la France en Afrique n’ont pas vocation à créer de nouveaux liens, qu’ils soient diplomatiques ou économiques, entre les pays africains et le nôtre. Ces liens existent déjà et l’objectif principal des ACM est de les maintenir tout en faisant évoluer leur nature. La France ne cherche pas à pratiquer un néocolonialisme déguisé mais se pose en partenaire économique et social soucieux de favoriser le développement des pays dans lesquels elle intervient.

La mise en œuvre d’ACM sur le continent africain accompagne la présence de forces françaises prépositionnées et stationnées sur ce continent. Implantées localement depuis plusieurs années, ces forces ont déjà noué des contacts avec la population locale. Par ailleurs, leur connaissance de la région leur permet d’avoir une idée précise des besoins les plus immédiats des populations. Ainsi, dans les années 2000, des ACM ont été mises en œuvre dans cinq pays où la France disposait de forces prépositionnées et en stationnement : en Côte-d’Ivoire, à Djibouti, au Gabon, au Sénégal et au Tchad. Le financement de ces missions a été assumé conjointement par l’état-major des armées (EMA) et l’état-major de l’armée de terre (EMAT). En 2000 le budget alloué aux ACM en Afrique s’élevait à près de 183 000 euros. Il a considérablement augmenté depuis lors et s’élève en 2011 à 345 000 euros.

Le tableau ci-après montre la répartition des financements selon leur origine et leur affectation :

Répartition des financements des ACM en Afrique en 2000 et 2011

(en milliers d’euros)

 

Côte-d’Ivoire

Djibouti

Gabon

Sénégal

Tchad

Total

2000

30 490

45 735

30 490

45 735

30 490

182 940

2011

60 000

200 000

35 000

20 000

30 000

345 000

Source : ministère de la défense.

En Côte-d’Ivoire, les Troupes Françaises de Côte-d’Ivoire (TFCI) qui seront remplacées par la Force Licorne en 2002 ont organisé leurs ACM selon les axes suivants : travaux d’infrastructures et de réfection, fourniture de matériel scolaire, aide médicale gratuite à la population, sport et culture, voies de communications, énergie et traitement de l’eau. Ces actions ont été conduites de manière continue lorsqu’elles se déroulaient dans les environs immédiats des bases françaises, de manière ponctuelle lorsqu’elles étaient effectuées dans le cadre de patrouilles faites à l’intérieur des terres.

Les Forces françaises de Djibouti (FFDJ) ont privilégié les domaines de l’éducation, de la santé et du sport. Deux des projets menés sur place ont été financés par l’Union européenne. D’autres ont également été financés parfois intégralement par la Mission de coopération française sur place. Surtout, l’hôpital Bouffard, financé par le service de santé des armées, assure des soins à la fois pour les forces djiboutiennes et leurs familles, mais dispense également des soins gratuits pour la population, ce qui représente, selon les années, respectivement 50 % et 25 % de son activité, soit un soutien indirect à la population civile et militaire de ce pays de plusieurs millions d’euros (le budget annuel de fonctionnement de l’hôpital s’élevant à près de 19 millions d’euros).

Au Gabon le plan d’action des Troupes françaises au Gabon (TFG) donne la priorité aux actions dites de première catégorie c’est-à-dire menées au profit des forces armées déployées sur le théâtre. Ces missions sont conduites au profit de l’environnement civil et sont dans la plupart des cas de nature humanitaire.

Les Forces françaises du Cap Vert (FFCV) prépositionnées au Sénégal ont quant à elles mené un type d’ACM particulier. En effet en 2000 a été déployé sur ce théâtre un détachement provisoire de renfort dans l’hypothèse où la situation rendrait nécessaire l’organisation de l’évacuation des ressortissants français dit plan « Resevac ». La mission était donc de préparer l’environnement civilo-militaire au déclenchement d’une telle opération. Elle a été menée en coopération étroite avec les différents ministères et agences gouvernementales sénégalais. Outre le plan « Resevac » d’autres missions ont été diligentées au profit de la population civile locale comme la réhabilitation du parc national du Niokolo Koba, classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco.

Au Tchad les unités françaises ont réalisé lors de leurs patrouilles en province des microprojets de développement. Certes peu coûteux, ceux-ci ont néanmoins pleinement contribué à l’entretien de bonnes relations avec les autorités locales.

Outre les actions menées par les forces prépositionnées précitées, des ACM ont également été menées en parallèle du dispositif Aramis au Cameroun et de l’exercice RECAMP III en Tanzanie.

Dans tous les cas observés, il est apparu nécessaire de mener les ACM en collaboration avec l’attaché de défense et d’inclure autant que possible dans le dispositif les militaires du pays d’accueil. Les ACM menées en Afrique se sont révélées très utiles voire même indispensables dans certains cas tant pour les forces que pour les populations locales. La réactualisation du Livre blanc prévue pour 2012 devrait rappeler l’importance de l’enjeu représenté par ce continent. La possible redéfinition de l’arc de crise pourrait se traduire par une relance des ACM dans cette région.

b) Dans les Balkans

L’engagement de la France dans les Balkans a permis de mieux structurer la gestion des ACM avec la création d’une cellule d’actions civilo-militaires au sein du centre opérationnel interarmées. L’action de l’armée française – et notamment de nombreux réservistes – a permis d’importantes réalisations en Bosnie : aménagement des aéroports de Sarajevo et Ploce, implantations de structures médicales, soutien aux institutions locales, aux structures d’enseignements, à la création d’un centre culturel, ou encore accompagnement des entreprises françaises désireuses d’investir.

Au Kosovo, près de 120 personnels étaient engagés en 2001 afin de monter des ACM mettant en œuvre un budget de 1,5 million de francs (soit un peu plus de 200 000 euros).

Dans les états-majors multilatéraux, la France a ventilé ses moyens en trois niveaux. Des officiers ont tout d’abord été détachés auprès de l’état-major des ACM de la force des Nations Unies pour le Kosovo (KFOR). Les forces ont également participé à l’unité ACM de la brigade multinationale nord. Elles ont enfin constitué un bureau ACM auprès du général représentant la France au sein de la KFOR.

En ce qui concerne l’environnement des forces, les armées ont institué des centres de coopération civilo-militaires qui ont permis la rencontre et la coordination des forces avec les organisations humanitaires et les autorités locales. Ils ont permis de ressentir l’état d’esprit des populations et de conduire des microprojets en fonction des attentes qu’elles exprimaient.

Au profit des populations civiles, les ACM françaises se sont concentrées sur l’action humanitaire – et notamment médicale – sur le rétablissement d’un minimum de structures administratives ainsi que sur la conduite de projets économiques. Ces actions ont été menées dans un souci constant de coordination avec les alliés et les organisations internationales. Elles l’ont également été dans la perspective de passer le relais, tôt ou tard, aux organisations civiles internationales puis aux autorités élues du Kosovo.

Le rapport de Robert Gaïa (4) a dressé un bilan de l’action au Kosovo en 2001. Il a notamment relevé un manque de réactivité au stade de l’engagement, une difficulté d’adaptation au fonctionnement interallié dans le cadre de l’OTAN, une insuffisance « notoire » de financements interministériels ainsi qu’une « dérive fréquente vers des actions certes généreuses, mais n’intéressant ni les forces, ni les opérateurs français ». Il relevait également des insuffisances dans la capacité à capitaliser l’expérience.

À la suite de ce constat, il a été décidé de détacher les ACM des forces spéciales précisément pour en faire une mission spécialisée sous la responsabilité du groupement interarmées pour les actions civilo-militaires, le GIACM. Celui-ci dispose désormais d’une expertise reconnue à travers le monde. Composé à 70 % de personnels de l’armée de terre, il compte 465 personnels, dont 375 réservistes et 17 % de femmes. Créé le 1er juin 2001 et déclaré opérationnel le 26 février 2004, il assure la mise en œuvre des ACM de l’armée française et dispense des formations spécialisées à l’adresse des militaires français ou étrangers. Il fournit une expertise pour la mise en œuvre des actions décidées par le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), sous l’autorité du chef d’état-major des armées (CEMA). À titre d’illustration, pour la seule année 2009, son personnel a mis en oeuvre 218 projets en Afghanistan, touchant près de 200 000 personnes réparties sur 250 villages. Ces actions ont apporté de l’emploi à près de 7 000 personnes, dans un tiers des cas sur une longue durée. Une description complète du GIACM figure en annexe, ainsi qu’une carte décrivant les théâtres où il est déployé.

3. Les actions civilo-militaires au cœur du concept d’approche globale

a) L’approche globale de l’OTAN

Très à la mode au milieu des années 1990, le concept d’approche globale a réellement émergé avec la crise afghane lorsqu’il est apparu clairement que l’action militaire seule ne réglerait pas le problème dans ce pays. Dès février 2008 la France a demandé à l’OTAN de s’intéresser à une approche globale pour les crises africaines et afghanes. Le principe a été accepté à Bucarest en avril 2008 et mis en place en Afghanistan à l’automne 2009.

Il s’agit d’une vision pragmatique : il est nécessaire d’avoir à disposition des moyens tant civils que militaires, développés et performants, et de coordonner leurs actions pour faire face aux situations de crise actuelles et y apporter une réponse satisfaisante. Il convient donc de créer et développer un cadre dans lequel les acteurs puissent interagir et dialoguer entre eux dans un souci d’efficacité et de rapidité de réaction. Selon le Général Abrial, à la tête du commandement allié pour la transformation : « L’approche globale, c’est un état d’esprit. C’est une méthode, ce n’est pas une mission » (5). C’est pourquoi l’Alliance travaille au développement et au renforcement de ses partenariats avec les organisations internationales dont l’expérience dans des domaines comme la mise en place d’institutions démocratiques, la gouvernance et le développement constitue un excellent complément à ses capacités militaires et ses savoir-faire en termes de sécurisation et de stabilisation de zones de conflit.

Entérinée lors du Sommet de Bucarest en avril 2008, l’élaboration de l’approche globale s’est poursuivie depuis lors ; sa nécessité a encore été réaffirmée lors du Sommet de Lisbonne en novembre 2010. L’expérience acquise sur les théâtres d’opérations extérieurs et particulièrement en Afghanistan et dans les Balkans est de ce point vue déterminante.

L’approche globale de l’OTAN s’articule autour de cinq axes structurants :

- la planification et la conduite des opérations ;

- le retour sur expérience (RETEX), la formation, l’instruction et les exercices ;

- le renforcement de la coopération avec les acteurs extérieurs ;

- les messages destinés au public ;

- la stabilisation et la reconstruction.

L’implication et la participation des moyens civils sont prévues et encouragées à tous les niveaux du processus.

L’Afghanistan est un laboratoire pour la mise en œuvre de cette approche. Un haut représentant civil de l’OTAN a été nommé. Il assure la coordination des moyens civils sur le théâtre, en particulier avec l’ONU et l’Union européenne (UE). Dans les provinces, les équipes de reconstruction provinciales, dite PRT (6), ont permis la mise en œuvre de très nombreuses ACM. Leur mode de fonctionnement, relativement souple, met notamment à égalité civils et militaires dans la direction des actions.

Lors du sommet de Lisbonne, le Conseil Atlantique a entériné la création d’une petite structure de planification civilo-militaire, de taille « appropriée mais modeste », mise en place en février 2011. S’il s’agit d’un progrès, se pose désormais la question du financement des opérations civiles. Les rapporteurs n’ont pas pu obtenir d’éléments sur les budgets de l’Alliance consacrés aux opérations civiles. Il apparaît que le volet civil de l’action de l’OTAN constitue surtout l’ambition de concevoir et de coordonner des actions sous-traitées à d’autres acteurs, au premier rang desquels l’Union européenne.

Une telle ambition pourrait heurter les intérêts des Européens. Les rapporteurs se réjouissent de l’évolution de la doctrine dans le sens d’une meilleure prise en compte des aspects civils, mais considèrent que les Européens doivent conserver le contrôle complet des moyens civils qu’ils déploient, que ce soit au niveau des projets comme de la politique globale conduite sur un théâtre, ce qui suppose de disposer d’une expertise civile et militaire suffisante (cf. supra).

b) L’approche globale et les ACM

La notion d’approche globale vise donc à la résolution d’une crise en recourant à tous les éléments permettant le retour à la stabilité d’un pays. Il importe alors d’agir sur trois leviers de manière cohérente et coordonnée, quelle que soit la phase de la crise : la gouvernance, la sécurité et le développement économique et social. Pour revenir à une situation stable, il faut des actions civiles et militaires. La combinaison des deux est un facteur de réussite de la manœuvre. Le militaire augmente ses chances de succès quand des actions sont menées en faveur des populations civiles.

Composante de l’approche globale, les actions civilo-militaires sont définies comme la « fonction opérationnelle destinée à améliorer l’intégration de la force dans son environnement humain afin de faciliter l’accomplissement de sa mission, le rétablissement d’une situation sécuritaire normale et la gestion de la crise par les autorités civiles (administration, action humanitaire, reprise économique…) » aux termes de l’instruction N° 262 du 3 mars 2005 (PIA 09.100), jointe en annexe. La formalisation et la réalisation de missions ACM identifiées comme telles n’ont véritablement commencé qu’avec l’engagement en Bosnie et la création du bureau du REPFRANCE en 1996. La montée en puissance s’est accélérée à partir de 1999 au Kosovo. Depuis, des éléments ACM sont présents dans les engagements comme l’Afghanistan depuis 2002, le Tchad depuis 2007, le Liban depuis 2006, la Côte-d’Ivoire de 2003 à 2008, pour ne citer que les missions les plus remarquables.

Le concept d’action civilo-militaire n’est pas décliné de la même manière sur tous les théâtres. Chaque opération présente ses propres spécificités, son propre rythme. Le commandant de la force le prend en compte et l’intègre dès le début de la réflexion sur une opération. Il revient au politique de déterminer ce qu’il veut faire et l’état final recherché dès l’envoi de la force. Des états intermédiaires doivent aussi le cas échéant être précisés au niveau opérationnel.

B. LES ACTIONS ACTUELLEMENT MENÉES PAR LA FRANCE

Sans prétendre dresser un bilan exhaustif des actions civilo-militaires conduites par la France ou dans lesquelles elle est partie prenante, l’examen des principaux théâtres, et notamment l’Afghanistan et le Tchad, met en lumière les choix retenus en fonction des buts recherchés et les limites de l’exercice. Le tableau ci-après décrit la variation des crédits, actuellement consacrés aux ACM.

Budgets ACM OPEX du ministère de la défense (1)

(en euros)

Europe

Trident (KOS)

12 000

Sous-total

12 000

Monde

Pamir (Afghanistan)

2 135 600

Daman (Liban)

115 000

Sous-total

2 250 600

Afrique

Licorne (RCI)

60 000

Epervier (Tchad)

30 000

Boali (RCA)

15 000

Golfe de Guinée

15 000

Sous-total

120 000

Total BOP OPEX

2 382 600

(1) Mis à jour le 29 juin 2011.

Source : état-major des armées

Le budget ACM de l’opération PAMIR en Afghanistan (à comparer aux 770 000 euros de 2010) prend cette année en compte non seulement l’activité ACM liée à l’insertion de la force dans son environnement, mais également des projets plus ambitieux de stabilisation ou de développement, dont certains ont été préparés conjointement avec le pôle de stabilité : développement de la filière « pomme-grenade », remise à niveau de l’hôpital de Tagab. S’y ajoute l’électrification du marché et des principaux édifices publics de la ville.

Les rapporteurs n’ont pu recueillir d’éléments sur les ACM menées au Liban bien que celles-ci soient conséquentes : 1 341 projets sont soutenus sur place dont 44 de santé. La mission ACM menée dans le cadre de l’opération DAMAN représente un budget de 115 000 euros pour 2011 et six postes médicaux. Ils ont plus particulièrement étudié celles mises en œuvre sur un théâtre d’engagement marqué, l’Afghanistan, et un théâtre de « présence », le Tchad.

Les chaînes ACM relevant du GIACM agréées par le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) représentent (7) 22 postes pour l’Afghanistan, sept pour le Liban, deux pour le Tchad (8). Celle mise en place en Afghanistan est la plus complète, elle comprend des échelons de commandement, de liaison, de conception, de conduite et d’exécution.

1. Les actions menées en Afghanistan

Sur ce théâtre, certaines dispositions adoptées par la France répondent aux principes de l’approche globale. Les créations de postes de conseiller politique ou de conseiller en développement relèvent de cette logique. Le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) et les forces françaises sont très impliqués.

L’action sur la gouvernance est axée sur l’échelon local. L’objectif est de trouver des fonctionnaires permettant d’administrer les districts et les provinces.

Les ACM font intervenir de nombreux acteurs. Le tableau suivant qui présente l’origine des financements au titre de 2009 illustre cette multiplicité d’intervenants.

Financements CIMIC en 2009 – 4,5 millions d’euros

Source : GIACM.

a) Les actions diligentées ou coordonnées par le ministère des affaires étrangères et européennes

Le MAEE est très impliqué dans les domaines de la gouvernance et de la réconciliation ainsi que dans l’amélioration des conditions sociales et économiques. La structure de mise en œuvre de l’action civile, dirigée par le conseiller politique, s’appuie sur quatre cellules : « contre influence », appui à la gouvernance, promotion politique et réconciliation. L’action civile repose sur une organisation dirigée par le conseiller en développement et comprenant quatre autres cellules : analyse du besoin, mise en œuvre, urgence humanitaire et coordination et finances. Visant à assurer durablement une amélioration des conditions sociales et économiques, l’action civile est appréciée par la population. Recrutés par le ministère de la défense, le conseiller en gouvernance et le conseiller en développement sont placés auprès du commandant de la task force française. Il a été souhaité que leur statut soit équivalent à celui d’un sous-préfet, qu’ils aient même rang que le général commandant la force et lui soient co-localisés. Les rapporteurs ont constaté que tel était bien le cas et s’en félicitent.

La création de la mission AFPAK a représenté un changement majeur. Avant sa mise en place, la France dispersait le peu qu’elle avait et engageait notamment des financements à Kunduz, où les Allemands (9) étaient très présents, et beaucoup moins en Kapisa/Surobi. L’équipe interministérielle placée au sein du MAEE permet maintenant un dialogue permanent sur la stratégie à mettre en œuvre et un suivi au plus près des progrès. La cohérence est forte et autorise le développement d’actions nouvelles. L’aide globale de la France en Afghanistan en 2010 est de 20 millions d’euros ; 14 millions d’euros sont concentrés en Kapisa et Surobi, six sont répartis soit dans l’administration soit dans des projets emblématiques. La task force française a dépensé 615 000 euros (10). Pour mesurer l’importance de l’effort consenti par la France, il convient de comparer la somme engagée à celle dépensée par une équipe de reconstruction provinciale américaine qui travaille dans la zone, en parfaite coordination d’ailleurs, et dispose de 40 millions de dollars. Les rapporteurs se félicitent du recentrage des moyens en Kapisa/Surobi à l’instar de ce qui a été réalisé par les operationnal mentoring and liasion team (OMLT) (11) brigade. Des pays qui à l’instar du Japon ont une logique de bailleurs de fonds contribuent, pour tout ou partie, au financement de certains projets. L’Union européenne intervient aussi dans des cofinancements. Ainsi, elle est partie dans la construction des postes de police au sein desquels œuvrent d’ailleurs des gendarmes.

La zone de Kapisa – Surobi comprend moins de 0,1 % de la population afghane ; l’État y est peu présent, ce qui limite la capacité d’absorption de l’aide. La masse financière dépensée est assez considérable ; il convient de prendre garde à la manière dont elle est injectée. Des actions franco-afghanes seront à mener, sur le principe d’un accompagnement s’inspirant du modèle des OMLT. Une seule ONG française travaille dans la région. Des Belges et des Bangladais sont également présents.

Mieux répartir la charge

Les actions sont poursuivies ou reconduites d’une année sur l’autre. Le projet d’électrification des zones rurales en Kapisa et Surobi a été doté en 2010 de cinq millions d’euros. Au vu des éléments qui leur ont été fournis et compte tenu de l’ampleur du projet, les rapporteurs estiment qu’il serait souhaitable de porter l’aide à 60 ou 80 millions d’euros mais en englobant des financements extérieurs. Ce projet répond à une demande des autorités locales.

=> Les rapporteurs considèrent qu’il convient de diversifier les modes de financement des ACM françaises en faisant notamment appel à la participation des États qui ne sont pas en mesure d’en conduire. Cette réflexion doit être conduite au niveau européen comme au niveau de chacune des coalitions : elle concerne en effet des pays parfois très actifs dans la gestion de crises mais déployant peu de moyens militaires, voire aucun (Japon, pays arabes).

*

Des actions sont initiées dans le domaine du développement agricole, rural et économique. Les trois principaux acteurs sont le service de coopération et d’action culturelle, l’agence française de développement (AFD) et le pôle de stabilité. La cohérence des actions et la concertation des acteurs sont nécessaires. Plutôt que d’éclater les interventions et de n’agir que superficiellement, l’approfondissement d’une action est privilégié avant son extension.

Plus de 35 % du budget – en réalité 40 % en 2010 – sont consacrés à l’agriculture et au développement rural. L’aide est distribuée dans les plus petites communes ayant un conseil démocratiquement élu. Deux actions françaises gérées par l’AFD, le développement de la coopérative horticole et le développement agricole du nord et du nord-est semblent fonctionner de manière satisfaisante.

25 % des moyens sont dédiés à la santé et au développement humain dans lequel interviennent, de manière imbriquée, l’AFD et le MAEE. L’institut médical français pour l’enfant est une réussite. Son extension est envisagée mais la construction d’un centre hospitalier universitaire (CHU) à la française est jugée plus intéressante. Des doutes sont émis quant à la pertinence du projet de santé maternelle dans la province du Badakhchan ou bien sur le développement de filières apicoles dans des régions où nos soldats ne sont pas déployés.

L’éducation, la culture et le patrimoine mobilisent plus de 17 % des moyens. Outre la distribution de bourses, la France mène une action de mentoring auprès de deux lycées, l’un de 4 000 garçons, l’autre de 3 000 filles. Les plus performants d’Afghanistan, ces établissements fonctionnent avec un statut particulier ; les deux proviseurs gèrent le budget de fonctionnement. La volonté de monter une école des mines afin de former des personnes capables d’exploiter les ressources minières et énergétiques du pays est affirmée. L’idée est aussi de former des enseignants en sciences qui eux-mêmes formeront des bacheliers. Le processus de formation sera ainsi enclenché. Le fort rayonnement de l’institut français d’Afghanistan ainsi que celui de la délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA), qui devient prestataire de conseils auprès d’autres nations s’intéressant à l’archéologie, sont soulignés.

Plus de 7 % du budget sont réservés aux actions en faveur de la sécurité, de l’état de droit et de la justice. Des actions de formation de parlementaires, de fonctionnaires sont menées dans le cadre de coopérations parlementaires. Une formation des vices gouverneurs est envisagée ainsi que celle d’un secrétariat général du gouvernement. Une coopération juridique et judiciaire existe. Elle vise à éviter que le seul droit anglo-saxon inspire le droit afghan, notamment dans le domaine commercial.

L’ensemble de ces actions, si elles ne relèvent pas toutes des ACM contribue à favoriser l’acceptation de la présence française.

*

La coopération civilo-militaire est jugée difficile compte tenu de l’absence de visibilité immédiate, de la situation sécuritaire, du manque de personnel et des problèmes de fonctionnement et de communication. Trois difficultés principales sont relevées : la coordination des agendas civil et militaire, les différences de logique entre les opérateurs, les difficultés de communication entre le terrain et Kaboul. La volonté afghane que toute aide passe par le Corps Budgétaire afghan complique également les choses.

b) L’action des forces

Les forces déploient des éléments dédiés aux ACM. Des personnels spécialisés de l’armée de terre sont ainsi intégrés aux états-majors de la force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) à Kaboul et du commandement régional est (RCE) à Bagram. L’état-major de la task force française comprend un bureau G9 (actions civilo-militaires) (12). Chaque groupement tactique interarmes (GTIA) compte un officier ACM armant le poste de chef de section environnement opérationnel. Chaque sous-groupement tactique interarmes est doté d’une équipe ACM d’une douzaine de personnels ; en 2010 elle comptait quatre officiers, trois sous-officiers et quatre militaires du rang. Enfin, un officier ACM arme le poste ès qualités au niveau de l’OMLT.

En 2011, le budget ACM est de l’ordre de quatre millions d’euros, parmi lesquels un million provient du mécénat d’un consortium d’industriels français et est géré par le CPCO ; il serait peut-être préférable que cette gestion soit déconcentrée. Au titre de 2011, 1,05 million d’euros provient du ministère de la défense ; cette contribution progresse de 37 % par rapport à 2010, année pour laquelle elle s’élevait à 770 000 euros ; elle était de 283 000 euros en 2008 et 410 000 euros en 2009. L’effectif est limité à 21 personnes. Le district de Tagab est prioritaire. Le Japon contribue à hauteur d’environ 1 million d’euros. Il se refuse à envoyer des forces mais est prêt à engager des moyens. Il intervient exclusivement dans les domaines de l’éducation primaire, de la santé ou de l’économie, par le biais d’ONG, à hauteur de 100 000 dollars maximum et la réalisation du projet doit intervenir dans un délai d’un an. L’aide du Japon est parfois difficile à intégrer car la responsabilité de la France se trouve limitée à la maîtrise d’ouvrage avec un accès limité au chantier (dans le cas de construction de structures scolaires par exemple) et le champ d’action est restreint.

Le dispositif ACM accompagne chaque sortie de la force. Ce mode d’accompagnement du plan d’action est cité en exemple par les Américains. Diverses actions ont été présentées aux rapporteurs en les distinguant selon le mode de financement (13). La présence de personnel féminin est indispensable, seules les femmes ayant accès aux femmes. En leur absence au sein des équipes ACM, il est fait appel autant que de besoin à celles présentes dans les bases avancées opérationnelles ou les postes de combat avancés. Elles sont systématiquement sollicitées pour l’aide médicale à la population (AMP).

*

La dimension ACM est prise en compte dans le domaine du tutorat. Un lieutenant-colonel est désigné comme mentor ACM de la 3e brigade de l’armée nationale afghane (ANA) tutorée par des équipes françaises. Le contingentement ethnique s’imposant jusqu’au niveau bataillon, les soldats de l’ANA ne servent pas forcément dans leur région d’origine et ils doivent aussi se faire accepter. L’ACM est adaptée à la mentalité afghane pour que les opérations d’influence et de coopération civilo-militaire soient réalisées par des Afghans pour des Afghans. Elles se distinguent dans leur nature des actions en appui de nos forces. Dans le cadre des ACM, les soldats afghans peuvent distribuer des corans, ce que ne peuvent faire des soldats de la coalition, cette action risquant d’être interprétée comme une tentative d’acheter le bénéficiaire. Au sein de l’ANA, le n° 3 du bataillon est d’ailleurs l’officier religieux, responsable des ACM. Il ne peut prétendre au commandement du bataillon.

Un projet de stockage de fruits est en cours de développement. Un officier religieux est intégré à la démarche pour aider à la mener à bien en indiquant les contacts utiles et en ajustant le processus à la mentalité afghane.

À l’instar de ce qui est préconisé de manière globale dans le précédent encadré, il serait souhaitable de conduire une politique visant à faire prendre en compte une zone géographique par l’ANA. Cela nécessiterait de disposer de moyens plus importants. Le coût estimé indiqué aux rapporteurs est d’environ 1 500 euros par mois.

=> Les rapporteurs préconisent de former l’ANA aux ACM dans le cadre du transfert de responsabilité en matière de sécurité.

ACM et coopération décentralisée

Suite au choc émotionnel suscité par les dix morts de la vallée d’Uzbeen au mois d’août 2008 dont huit étaient issus du 8e PRIMA de Castres et sur la base d’échanges entre le chef de corps du régiment, le colonel Jacques Aragones, et le député de la circonscription, M. Philippe Folliot, une opération originale de coopération décentralisée en vue de financement d’ACM menée par le régiment a été montée en liaison avec la ville de Castres et l’association des maires du Tarn.

Ainsi, plusieurs dizaines de milliers d’euros ont été récoltés et reversés via un compte spécial au GIACM pour le financement d’opérations spécifiques, d’aides pastorales telles que l’électrification partielle de villages, de mesures de protection passive de ponts et de routes pour lutter contre les engins explosifs improvisés. Cette action, en complément de celle dite des « rubans jaunes » à l’initiative des épouses des militaires du régiment qui a permis de récolter des fonds pour améliorer le confort sur base, a été un lien fort entre la ville et son régiment, une aide ponctuelle très appréciée par « le 8 ». La capacité à pouvoir débloquer avec plus de rapidité et plus de souplesse des moyens en faveur des populations civiles permettant l’accompagnement des forces sur le terrain a été jugée essentielle.

c) Les opérations d’information ou opérations d’influence

Les opérations d’information ou d’influence ont pour objectif de rallier la population à l’action menée, de jouer sur la compréhension. Elles visent à appuyer les forces de sécurité, isoler les insurgés, contrer leur propagande et amplifier les dissensions entre eux, démontrer à la population que les opérations sont menées à son profit et participer à la sécurité de ces opérations. Les moyens d’action sont nombreux et variés.

Début 2011, en Afghanistan, une radio d’information a été montée, couvrant environ les ¾ de la zone d’action de la force française. Des postes permettant de la recevoir ont été distribués. L’accent a été mis sur la délivrance par cette radio de messages toujours exacts et sur la primauté de la diffusion de ces informations sur ces ondes.

Il est difficile de mesurer l’efficacité, la performance de ces opérations. Mais la population commence à nouer des liens de confiance avec les forces et les ONG font des efforts vers la population afghane.

d) L’action du pôle stabilité

Élément de liaison vers l’ambassade et les partenaires internationaux, la division stabilité établit les contacts auprès des différents acteurs pour collecter les informations nécessaires, formaliser les projets et examiner de quelle manière la FIAS peut intervenir, en soutien ou en financement, dans ces programmes.

L’action de la France est modeste mais de qualité ; si elle n’est pas très visible, elle jouit d’une excellente image. Elle s’investit dans la gouvernance et déploie à cet effet des équipes compétentes dans l’élaboration des règles de droit, en matière foncière et des programmes de gouvernance locale. Cette dernière est bien intégrée dans le plan de campagne. Toutefois, la programmation s’inscrivant au-delà de 2014, une tendance à l’étiolement est constatée. L’état afghan est très centralisé et demande beaucoup de garanties pour accepter des transferts vers les provinces. Les contrôles sont impossibles dans le cadre de transferts des provinces vers les districts : le formalisme est inexistant et tout se règle en numéraire. Il est en outre difficile d’avoir des gouverneurs « irréprochables ». La France investit 1,5 million d’euros dans la gouvernance des districts mais elle ne peut être certaine du bon emploi des fonds compte tenu de la difficulté à établir une traçabilité. Notre pays aurait peut-être dû s’écarter de programmes trop marqués FIAS mais en qualité de membre du conseil de sécurité de l’ONU il ne peut s’affranchir de certains engagements.

Concentrer les moyens pour mieux défendre nos intérêts à long terme

Le retour sur investissement de l’aide dépensée en Afghanistan est jugé faible. Mais les diplomates estiment indispensable de maintenir une présence de coopération à Kaboul dans le domaine du développement. En dehors des crédits dévolus aux ACM, les 16 millions d’euros d’aide au développement française doivent se concentrer sur quelques projets clairement identifiés, facteur de rayonnement, notamment à Kaboul. Ainsi, les rapporteurs estiment indispensable de poursuivre l’action en faveur des deux lycées et du centre culturel. C’est l’avenir qui se construit dans ces établissements. La transformation de l’hôpital mère – enfant en CHU afghan est très pertinente. Il en est de même de la formation des gouverneurs.

Il importe en outre d’être présent sur le théâtre compte tenu, en particulier, des informations sur l’exploitation des ressources minières. Très performante pour défendre ses intérêts et s’engager dans les processus de reconstruction post-crise – elle en a fait la preuve ailleurs, la Chine s’est déjà montrée intéressée par l’exploitation des ressources minières afghanes. Ses compétences dans le domaine minier et sa capacité à s’investir dans la phase 3 d’une crise invitent à rester vigilant pour que la France participe à la reprise économique après avoir contribué à la sécurisation et à la stabilisation du pays.

2. Les actions menées au Tchad

Que ce soit dans le cadre de la mission EPERVIER, d’EUFOR Tchad ou de la mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad (MINURCAT), l’armée française contribue à améliorer directement et visiblement le quotidien des populations en participant au maintien d’un environnement sécurisé. La stabilité permet aux organisations internationales et aux ONG d’intervenir pour le soutien des populations et le développement local. C’est en particulier le cas à Abéché et dans sa région. La mobilisation de la communauté internationale, coordonnée par les Nations Unies dans le cadre de la MINURCAT, et des ONG a permis l’afflux d’une aide importante au profit des 240 000 réfugiés et des 170 000 déplacés. Cette action a été rendue possible grâce à la sécurisation de la région assurée essentiellement par l’investissement militaire français. L’Unicef, le programme alimentaire mondial, le haut commissariat aux réfugiés, comme l’ensemble des organismes intervenants expriment leur grande satisfaction et soulignent l’excellence de la collaboration avec l’armée française.

Le soutien logistique apporté à différentes actions est également très apprécié et contribue à l’acceptation de l’action des forces armées françaises par la population. Le centre culturel bénéficie ainsi de transport de fret ou encore d’aide à la mise en place de manifestations. Nos militaires ont aussi construit certains bâtiments de l’orphelinat de Béthanie géré par une ONG française. Les éléments français au Tchad (EFT) participent pleinement à la vie de cet orphelinat : tous les trimestres, la base de Kosseï lui offre 5 000 litres de gasoil afin de faire fonctionner le groupe électrogène. Il s’agit d’une dotation importante, le groupe électrogène permettant d’alimenter tout le centre en eau et en électricité (14). Dans la région d’Abéché, l’armée a noué un partenariat avec l’association Pays de Vannes – Abéché, association d’anciens militaires déployés au Tchad souhaitant soutenir deux bibliothèques, un orphelinat, ainsi qu’un dispensaire. Cette association a également pu conduire différents projets grâce au concours de l’armée : le forage de puits à Katafa en 2009, à Facha en 2010 et à Abougoudam en 2011 ; l’approvisionnement en médicaments et fournitures médicales pour le dispensaire Louis Pasteur trois à quatre fois par an ; la mise à disposition de livres de français, de mathématiques, de géographie ainsi que des romans à la bibliothèque Vannes-Abéché ; enfin, la fourniture de vêtements ou encore de matériels scolaires. L’équipe ACM prépare ces actions en organisant en amont en France des collectes de fournitures, de matériels hospitaliers, de livres et de vêtements. Cet apport complémentaire permet de favoriser l’acceptation des EFT dans leur zone d’implantation durant les quatre mois de leur mandat. Des protocoles sont mis en place par l’équipe ACM afin de soutenir en carburant l’association des anciens combattants, une congrégation religieuse (15) et le curé de la paroisse d’Abéché.

C. LE RÔLE PARTICULIER DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES

Le service de santé des armées (SSA) fait pleinement partie de tous les contingents déployés en OPEX (cf. carte en annexe). La France a fait le choix de conserver une médecine militaire intégrée capable de prodiguer des soins sur les théâtres d’opérations. Ce concept de médecine militaire de l’avant est essentiel dans toute opération et contribue grandement au moral des soldats.

Les moyens médicaux déployés sur les bases ou postes avancés sont ainsi dimensionnés pour répondre à des besoins très variés mais irréguliers : les opérations de combat qui génèrent des pics d’activité ne sont évidemment pas permanentes. Les périodes d’activité plus basses permettent aux équipes du SSA de consacrer une partie de leur temps à l’aide médicale aux populations (AMP), ce que les rapporteurs ont pu constater au Tchad et en Afghanistan.

1. Un acteur indispensable

L’AMP est certainement la première et la principale action civilo-militaire. Il s’agit d’une assistance médicale gratuite dispensée à des populations qui se trouvent généralement dans des zones démunies sur le plan sanitaire. L’action du SSA touche ainsi directement les personnes, sans distinction d’âge ou de sexe. Cela crée une relation directe avec les populations locales dans leur ensemble. L’AMP est généralement le seul contact des forces armées avec les femmes et permet une véritable insertion dans le tissu local. Le SSA veille en effet à établir des partenariats avec les acteurs sanitaires sur place. En particulier, ses personnels reçoivent des patients envoyés par les médecins de la région. Ils leur proposent également des formations et peuvent pratiquer des actes conjointement. L’action du SSA a généralement lieu sur les bases et est complétée grâce à des unités de soin mobiles qui circulent régulièrement pour se rendre dans des zones plus éloignées.

Autre atout non négligeable : il permet de toucher directement les élites dans des zones où le SSA propose la meilleure offre sanitaire. Il s’agit d’un avantage régulièrement souligné, notamment en Afrique où les structures traditionnelles conservent une grande influence. Leur permettre de se soigner illustre l’intérêt de la présence française, sans que les armées puissent être soupçonnées de prendre un parti plutôt qu’un autre.

Des moyens importants

Le SSA consacre d’importantes ressources à son action en faveur des populations. Dans son avis budgétaire pour 2010, le député Philippe Nauche relevait que selon un bilan proposé par la direction du SSA, « près de 53 % des activités du service en théâtre extérieur sont consacrées à l’AMP. Ces actions sont mises en œuvre avec le souci de servir les populations sans pour autant déséquilibrer le tissu sanitaire local. Cela demande une expertise et un doigté dont le SSA fait la meilleure des démonstrations. Le coût s’élève à 2,5 millions d’euros par an (hors rémunérations et charges sociales). Il s’agit finalement d’un prix peu élevé pour des actions ayant un impact considérable. » (16).

Ces crédits sont prélevés sur le seul budget du SSA. Cela peut sembler injuste, dans la mesure où les autres ACM sont financées sur des lignes spécifiques. À l’heure où les crédits du SSA sont particulièrement contraints, les rapporteurs souhaitent qu’une réflexion soit engagée pour mieux prendre en charge au niveau interministériel le coût de ces ACM.

Le personnel du SSA fait preuve de qualités de contact reconnues avec les populations des théâtres. Cette ressource est particulièrement précieuse : outre leur savoir être, le fait de disposer d’un personnel divers est un atout indéniable. Dans de nombreux pays, il est peu concevable qu’une femme soit examinée par des hommes et inversement. Cela doit entrer en compte dans la composition des équipes projetées mais aussi dans le recrutement : certaines professions attirent davantage les candidates que les hommes et, une fois recrutés, les personnels n’ont pas toujours la même aptitude à la projection en théâtre extérieur.

Au-delà, le rôle des équipes vétérinaires du SSA ne doit pas être négligé. Leur action permet de soutenir des petits élevages de subsistance et, grâce au développement économique, d’illustrer l’utilité concrète de notre présence militaire. Il faut également relever que les vétérinaires entrent dans les villages et y assurent une présence. En outre, la bonne tenue des élevages est aussi un gage de sécurité sanitaire pour les populations. Il est d’autant plus regrettable de constater les restrictions pesant sur ce corps. À ce jour, seuls cinq vétérinaires sont déployés sur des théâtres d’opérations : en Afghanistan où il est accompagné d’un technicien vétérinaire, au Tchad, en Côté d’Ivoire, au Kosovo et au Liban.

2. Au Tchad

La santé est le principal axe sur lequel se concentrent les ACM françaises au Tchad. Les rapporteurs ont pu constater à quel point l’AMP ouvre notre base aérienne 172 Adji Kosseï de N’Djaména sur la population et montre les effets bénéfiques de notre présence militaire. Les personnels du service de santé des armées accueillent quotidiennement des patients tchadiens envoyés ou non par leur médecin pour se faire soigner sur l’antenne chirurgicale de la base. Cet hôpital compte parmi les mieux équipés du pays, ce qui, outre le vecteur de prestige, constitue un levier d’influence considérable.

La France détache également trois coopérants dans l’hôpital d’instruction militaire de N’Djaména, et contribue à la formation de certains de leurs médecins militaires. Les rapporteurs ont constaté l’état déplorable de la structure qui rend d’autant plus utile la coopération avec les forces françaises.

L’armée apporte un soutien logistique à l’orphelinat Béthanie, géré par une ONG française, l’association Betsaleel. Les soldats français y ont notamment construit certains bâtiments, dont une salle d’attente.

À Abéché l’aide médicale à la population se matérialise d’abord par l’ouverture quotidienne des infrastructures du SSA sur le camp. Cette offre est complétée par le passage régulier d’une équipe médicale dans les villages Ainsi, du 25 avril au 19 juin 2011, les personnels du SSA déployés au Tchad ont réalisé plus de 165 consultations et pratiqué près d’une centaine d’interventions chirurgicales.

3. En Afghanistan

L’hôpital rôle 3 KAIA de Kaboul est un établissement de l’OTAN confié à la France. Celle-ci est reconduite tous les ans dans cette mission. Il compte 110 personnels, parmi lesquels 85 Français. Dans le cadre d’une coopération européenne, des personnels bulgares travaillent aussi au sein de cet hôpital. Il agit en soutien des forces ainsi qu’au profit des ambassades et des ONG. Il compte des équipes chirurgicales dans les spécialités suivantes : orthopédie, chirurgie viscérale, neurochirurgie, ophtalmologie.

L’hôpital pratique l’aide médicale à la population. Cette activité est une spécificité française. L’OTAN laisse faire mais n’adhère pas pleinement à la démarche. Cette activité représente environ 40 % des consultations et 50 % des hospitalisations (17).

Le rôle du SSA impacte la manœuvre

Les forces ont signalé aux rapporteurs avoir eu à plusieurs reprises communication d’informations par des personnes ayant bénéficié de l’AMP ou par leur entourage. Ces informations faisaient état de lieux ou d’itinéraires à éviter – et par là il faut comprendre que des engins explosifs improvisés étaient présents – ou d’endroits que les forces pourraient utilement visiter – et dans ces cas ce sont des caches d’armes ou d’explosifs qui ont pu être découvertes.

Lors de la visite de l’hôpital rôle 3, l’un des rapporteurs a pu s’entretenir avec des blessés soignés par des personnels du SSA. Ces hommes ont donné l’impression d’être reconnaissants des soins reçus, certains affichant même une attitude pro-française.

La situation sanitaire à Kaboul est préoccupante. Seuls le rôle 3 et l’hôpital français sont de bon niveau. Dans ce dernier, la direction est pakistanaise mais le directeur médical est français.

=> Préconisation des rapporteurs : prendre en charge au niveau ministériel voire interministériel le coût des ACM conduites par le SSA.

II. —  L’ORGANISATION ET L’IMPACT DES ACM FRANÇAISES SEMBLENT ENCORE PERFECTIBLES

A. UN ENJEU DE COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE

1. Le cas français

Au cours de leurs auditions et déplacements, les rapporteurs ont relevé que la finalité des actions civilo-militaires pouvait varier selon les interlocuteurs. Cela emporte des conséquences sur l’autonomie des forces armées pour les conduire et, plus généralement, sur la nature civile ou militaire du pilotage qu’elles nécessitent.

Fondamentalement, les ACM relèvent des forces armées, dont elles appuient les opérations. Elles s’inscrivent cependant dans le cadre plus général de l’action extérieure de l’État, à laquelle participent différentes administrations.

Le MAEE coordonne l’action de l’État à l’étranger, à l’exception des opérations militaires, dont le commandement est confié par le chef des armées au chef d’état-major des armées. Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie a notamment la charge de la politique financière et commerciale de la France. Il assure avec le MAEE la tutelle sur l’Agence française de développement (AFD).

Comme le préconisait le rapport Gaïa (18), pour être efficaces, les ACM doivent être coordonnées avec les autres instruments de l’action extérieure de l’État. Or, il existe nécessairement un clivage entre certains acteurs pour lesquels le développement est un but, les professionnels du développement, et ceux, tels que les militaires mettant en œuvre des ACM, qui y voient un moyen. Cela induit une conception différente des objectifs, de la temporalité et de la géographie de l’aide.

La mise en place d’ACM mobilise des crédits pour mener des actions à effet rapide, concentrées dans la zone d’opération, sous un commandement militaire. Le développement favorise une politique plus globale, s’inscrit dans le long terme, et peut sélectionner les zones d’investissement selon des critères différents de la seule géographie des opérations.

Dès 2001, le rapport Gaïa relevait les difficultés qu’il y avait à mettre en cohérence l’action de ces différentes parties prenantes. Ce constat qui valait à une époque où les montants en jeu étaient relativement faibles est devenu plus criant avec l’engagement dans le conflit afghan.

La dispersion des moyens et les divergences administratives ont convaincu le parlement de la nécessité d’organiser la communication entre ces acteurs. Chargé d’une mission d’information sur l’évaluation de l’opération militaire française en Afghanistan pour le compte de la commission de la défense, Pierre Lellouche avait préconisé au début de l’année 2009 de créer une cellule interministérielle dédiée à l’action en Afghanistan et au Pakistan. Il s’agissait de s’inspirer de l’organisation retenue par certains de nos alliés, notamment britanniques, en regroupant physiquement les personnels en charge de ces dossiers aux ministères de la défense et des affaires étrangères, ainsi que de l’AFD et de tout autre ministère particulièrement investi dans ce pays (intérieur, agriculture). La direction de la cellule AFPAK située au MAEE, a été confiée à M. Pierre Lellouche puis à M. Thierry Mariani (19). Cela lui a conféré une dimension politique, majeure pour faire converger des administrations qui n’échangeaient que périodiquement sur ces sujets. Dans une même entité, l’ensemble de l’action de l’État vis-à-vis de ces deux pays est ainsi géré, coordonné et piloté, ce qui inclut en l’occurrence les ACM, véritablement mises en harmonie avec la politique de développement.

Le fonctionnement de cette cellule semble avoir donné satisfaction. Le pilotage politique a permis de multiplier les moyens consacrés à l’Afghanistan et de les réorienter prioritairement vers les zones d’opération de nos forces. En outre, elle a permis de donner une véritable visibilité à la problématique afghane et a favorisé le dialogue entre les différentes administrations. Il s’agit d’une expérience riche, qui pourra servir de matrice pour optimiser l’organisation future des interventions françaises en opérations extérieures.

2. La pratique dans les autres pays

Le pouvoir politique est d’une manière ou d’une autre impliqué dans la prise de décision relative aux ACM. Dans la très grande majorité des cas observés, il est à l’origine de la décision de mise en œuvre des ACM. Ce peut être par l’intermédiaire du chef de l’État ou du chef du Gouvernement comme c’est le cas en Australie, en Pologne et en Estonie. Cette décision résulte bien souvent de divers consultations et avis pris auprès des acteurs gouvernementaux (ministère des affaires étrangères, agence pour le développement, etc.) et parfois également militaires. Au Luxembourg le processus de décisions implique aussi les commissions parlementaires compétentes ; il en va de même en Estonie.

Si la décision de mise en œuvre est majoritairement une décision politique, la planification opérationnelle est ensuite laissée aux autorités militaires, le pouvoir politique gardant néanmoins un droit de regard sur le déroulement des opérations et la réalisation des objectifs initialement fixés.

Concernant le déroulement des ACM, les exemples de structures dédiées créées à l’échelle interministérielle sont relativement rares. Il convient toutefois de citer le cas de l’Allemagne qui a mis sur pied un cercle interministériel de prévention civile des crises réunissant le cas échéant les secrétaires d’État concernés. Hors période de crise une concertation hebdomadaire des chefs de bureau est maintenue. Au Canada une coordination ad hoc est mise en place pour assurer une approche gouvernementale d’ensemble qui inclut les ministères et l’agence canadienne du développement international. Dans la plupart des pays cependant la coopération interministérielle, le plus souvent entre le ministère de la défense et celui des affaires étrangères, se fait de manière informelle.

Les ACM menées en Colombie

Les rapporteurs tiennent à souligner la spécificité de la pratique colombienne en matière d’ACM.

Les premières ACM ont été mises en place en Colombie dans les années 1960. À l’origine ces actions ne constituaient d’ailleurs que des initiatives isolées qui ne découlaient pas d’une politique étatique et ne faisaient l’objet d’aucune coordination interministérielle. Les choses ont considérablement évolué depuis lors. Un comité d’actions civilo-militaires dédié a été institué en 1963 et plus récemment, en 2002, c’est une loi sur l’action intégrale qui a été adoptée. Le particularisme du cas colombien tient au fait que contrairement à la très grande majorité des autres pays qui mettent en œuvre des ACM, celles-ci ont vocation à n’être déployées que sur le territoire national avec pour objectif premier et commun à toutes de permettre au pouvoir étatique central de reprendre le contrôle des zones tombées sous la coupe des forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et des narco-trafiquants.

Ces ACM d’un type particulier sont donc utilisées par l’État colombien pour reprendre pied et assurer la pérennité de son autorité sur son propre territoire. Une fois les zones d’interventions stratégiques identifiées par le commandement militaire, la mise en œuvre des ACM est assurée au niveau régional par les représentants étatiques locaux qui assurent la coordination des missions dont le commandement est confié aux autorités militaires présentes sur place. Le succès des ACM colombiennes repose en grande partie sur l’implication des autorités civiles, d’ONG et de la population locales, très sollicitées. Autre facteur déterminant, le soutien apporté aux ACM par l’unité médicale militaire qui permet de répondre aux besoins des populations en attendant la mise en place de structures médicales définitives. Il est possible d’établir un parallèle avec les ACM mises en œuvre par la France et le rôle crucial tenu par le SSA dont l’action à destination des populations locales a des conséquences directes sur l’acceptation de la présence française sur les théâtres d’opérations et les perspectives de réussite de la mission.

La Colombie a rédigé sa propre doctrine ACM qui définit celles-ci comme des actions mises en œuvre par une ou des unités militaires avec le soutien des autorités civiles et des populations locales qui cherchent à satisfaire les besoins des habitants et contribuent au développement local, régional ou national. La doctrine met en avant l’orientation spéciale des ACM vers les populations ayant souffert des guérillas et des activités liées au trafic de drogue.

Les ACM s’inscrivent donc pleinement dans la politique intérieure menée par l’État colombien et participent à la réalisation des objectifs suivants :

– consolider le contrôle territorial et rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national ;

– créer au moyen de l’utilisation légitime de la force et grâce à la politique sociale les conditions de sécurité et bien-être social pour faire pression sur les groupes armés illégaux afin qu’ils participent à une véritable négociation politique ou démobilisent ;

– œuvrer à l’éradication du narcotrafic ;

– créer des forces de l’ordre modernes avec des hauts standards d’éthique et de morale qui inspirent confiance à la population ;

– développer la doctrine de l’action intégrale.

Si le commandement opérationnel est confié aux militaires d’active secondés par des militaires issus de la réserve active (20), les acteurs civils, autorités civiles locales, ONG et individus, sont une composante essentielle du dispositif ACM tel qu’il est mis en œuvre par le Gouvernement colombien. Grâce à cette intégration des civils au dispositif, les ACM bénéficient d’une image très positive et sont bien acceptées par la population.

Soutenues – notamment financièrement – par les États-Unis, les ACM menées par la Colombie le sont également par la communauté internationale qui y contribue par des envois de matériel médical : kits de premiers secours, médicaments, etc.

Les rapporteurs regrettent de n’avoir pas pu se rendre sur place pour étudier plus avant les spécificités de ces ACM.

B. UNE MISE EN œUVRE RENDUE COMPLEXE PAR LA MULTIPLICITÉ DES ACTEURS

Deux cas sont à distinguer : ceux où la France exerce une action de présence (forces prépositionnées) et ceux où son action s’inscrit dans le cadre d’un conflit armé ouvert. Dans le premier cas, elle a la maîtrise de ses interventions, des domaines et des modalités d’action. Dans le second cas, elle peut agir seule ou contribuer à des actions collectives et se retrouve en situation de concurrence.

1. De nombreux pays en présence et des commandements qui cohabitent ou se chevauchent

L’engagement se fait le plus souvent dans un cadre interalliés ou en appui d’autres forces. L’exemple le plus marquant est celui de l’Afghanistan où quatre bannières flottent sur l’intervention : celles de l’ONU, de l’Union européenne, de l’OTAN et des États-Unis.

Les rapporteurs ont constaté au Tchad que l’action des Nations Unies ou de l’Union européenne se caractérise généralement par une temporalité différente de celle de l’armée française. L’Union européenne puis l’ONU se sont rapidement repliées, tandis que l’armée française a toujours inscrit son action dans la durée. De même, la population visée n’est pas la même : les efforts de la communauté internationale se sont volontiers concentrés sur les déplacés et réfugiés, tandis que l’armée française s’intéressait aux populations locales, les « oubliés » de la générosité internationale.

Ils observent également que pour la grande majorité des pays étudiés (Australie, Allemagne, Autriche, Canada, Chypre, Hongrie, Italie, Lituanie, Luxembourg, Pologne, Roumanie, République tchèque) les ACM sont pensées pour être utilisées à la fois à l’échelle internationale dans le cadre d’OPEX et sur le territoire national. Dans leur dimension internationale, les ACM interviennent le plus souvent au sein des coalitions multinationales formées sur le terrain considéré. Les exemples les plus probants de ce cas de figure sont les missions déployées :

- en Afghanistan au sein de la FIAS ;

- la KFOR au Kosovo ;

- en Bosnie-Herzégovine ;

- la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL).

Employées au niveau national les ACM répondent le plus souvent à une situation de crise comme une catastrophe naturelle. Certains pays ont d’ailleurs fait le choix de limiter le champ d’action des ACM au seul cadre national. C’est le cas du Japon où les ACM se déroulent sur le territoire ou dans les eaux territoriales, la constitution japonaise interdisant toute projection de forces à l’étranger. Selon l’article 9 de la constitution japonaise, l’armée japonaise n’est d’ailleurs conçue que comme une force d’autodéfense au sens strict du terme (21). Cela n’empêche toutefois pas le Japon de s’investir dans des ACM en qualité de contributeurs financiers. Il soutient de cette manière des ACM françaises en Afghanistan (cf. supra).

L’autre pays à avoir fait ce choix est la Colombie. Comme expliqué précédemment, compte tenu du contexte national troublé, les ACM ont pour objectif de permettre la stabilisation des zones tenues par les forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et les narcotrafiquants afin de rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national.

Certains pays ont quant à eux fait le choix de réserver le recours aux ACM aux OPEX. Il s’agit de l’Espagne, de l’Estonie et de la Finlande. La logique à laquelle répondent les ACM organisées par ces trois pays est donc exclusivement tournée vers l’international et le soutien aux forces déployées sur les théâtres.

2. Des définitions, des doctrines et des moyens différents

a) La disparité des définitions

On peut constater selon le pays concerné une grande disparité dans la définition des ACM même si des caractéristiques communes peuvent être identifiées.

Tout d’abord certains pays, dont l’Australie, établissent une distinction nette entre les ACM et la coopération mise en place entre le commandement militaire et les acteurs civils, abrégée sous l’appellation CIMIC. Néanmoins pour la très grande majorité des pays, ACM et CIMIC sont deux appellations différentes pour désigner une seule et même démarche qui se fonde sur une coopération entre les milieux militaires et civils. Les acteurs civils mentionnés peuvent selon les cas désigner des agences gouvernementales, des ONG et/ou des organisations internationales. Les populations locales peuvent également être directement impliquées dans les ACM comme c’est le cas en Colombie, en Espagne ou en République tchèque.

b) La prédominance de la doctrine otanienne

De nombreux pays ont fait leur la doctrine de l’OTAN relative aux ACM en reprenant les concepts exposés dans le document AJP-09, publié par l’Alliance en juillet 2003, ou s’en sont largement inspirés pour rédiger une doctrine nationale. C’est le cas de l’Autriche, de la Grèce, de l’Italie, de la Lituanie, des Pays-Bas, de la Pologne, de la Roumanie, de la Slovaquie, de la Slovénie et de la République tchèque. À noter que l’Autriche et la Grèce ont adjoint aux concepts définis par l’OTAN ceux définis par l’Union européenne relatifs à la CIMIC. L’Espagne a annoncé son intention de faire de même.

Il convient de remarquer qu’en raison du caractère relativement récent des ACM, plusieurs pays sont en train de rédiger leur doctrine, de la soumettre à une phase de rodage avant l’adoption définitive. Certains ne s’en sont pas encore dotés. L’Australie, le Danemark, les Émirats Arabes Unis, l’Espagne, la Finlande, la Hongrie, l’Italie, le Japon, le Portugal se trouvent dans ces cas.

Tous les États ne sont pas organisés de la même manière. Les Britanniques ont créé la « Stabilisation Unit » basée sur le pragmatisme : puisqu’il y a engagement, il faut agir et ce sur les trois piliers de l’approche globale. Les États-Unis ont quant à eux développé une approche baptisée : « whole of government ». D’une part, une coordination interministérielle et inter agences est mise en place. D’autre part, un vivier de civils ayant des compétences qui leur permettent de contribuer aux opérations de stabilisation est créé. Enfin, l’Allemagne, le Canada et le Danemark conduisent également une réflexion dans ce domaine.

c) Des moyens très inégaux

Les moyens mis à disposition des forces pour mener des ACM varient très fortement d’un pays à l’autre. Au-delà des divergences marquées, quelques caractéristiques communes sont néanmoins observables.

Tout d’abord, il ressort dans la très grande majorité des pays consultés par les rapporteurs qu’ils ne disposent pas d’un budget propre aux ACM. Parmi les pays concernés peuvent être cités l’Australie, l’Autriche, le Canada, la Colombie, l’Estonie, le Japon, le Luxembourg, la Roumanie, la Slovaquie ou encore la République tchèque. La mise en place des missions ne donne donc pas lieu à la planification d’un budget en amont ni à la création d’une ligne budgétaire spécifique et indépendante. Les ressources financières allouées aux ACM sont alors le plus souvent prélevées sur le budget du ministère de la défense, le cas échéant sur les fonds alloués aux OPEX en cas de projection. Selon les cas, des financements complémentaires peuvent également être apportés par le ministère des affaires étrangères, les agences gouvernementales en charge du développement, plus ponctuellement par des ONG ou associations locales voire des donateurs privés. Si l’ACM intervient sur le territoire national dans le cadre d’une mission de gestion de crise, suite à une catastrophe naturelle par exemple, les fonds peuvent alors provenir du budget de l’État au travers d’un fonds exceptionnel.

Les rapporteurs ont observé de grands écarts entre les moyens mis en œuvre par les partenaires de la France, disparités qu’il convient d’examiner à l’aune des moyens réels de chacun de ces pays. Le tableau ci-après retrace ces contrastes.

Budget et effectifs mobilisés pour les ACM de partenaires européens de la France

Pays

Année

Budget

(en millions d’euros)

Effectifs déployés

(tous théâtres confondus)

Allemagne

2010

230,00

72 personnes

2011

430,00

Danemark

Depuis 2008

160,00

30 personnes

Espagne

2010

1,26

27 personnes

Finlande

2010

0,65

10 personnes

Italie

2010

51,00

 

Pologne

2010

5,40

41 personnes

Slovénie

2010

1,00

51 personnes

Source : MAEE.

Les rapporteurs relèvent que certains pays ont constitué des structures et des unités militaires spécialement formées aux ACM : l’escadron du 21e Régiment de construction (Australie), le CIMIC Bataillon 100 (Allemagne), bataillons, compagnies et divisions ACM ainsi qu’une cellule état-major dédiée et le centre de formation ACM au sein de l’École de guerre de l’armée de terre (Espagne), une compagnie entraînée dans le cadre CIMIC OTAN (Grèce), le 1er Bataillon ACM et des experts en poste dans les états-majors (Roumanie), le 103e centre pour les ACM et les opérations psychologiques (CIMIC-PSYOPS) (République tchèque).

En outre un centre d’excellence CIMIC rattaché à l’OTAN a été créé aux Pays-Bas, nation cadre de ce projet.

Le centre d’excellence sur les actions civilo-militaires de l’OTAN

Le CIMIC Group North a été créé en 2001 pour répondre à une demande du Conseil Atlantique et rassemblait l’Allemagne, le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne et la République tchèque. Entré en action en 2003, il a ouvert la voie à la création du Centre d’excellence sur les actions civilo-militaires en novembre 2005.

Le Civil-Military Co-operation Centre of Excellence (CCOE) est l’un des centres de recherche multinational accrédités par l’OTAN depuis le 31 juillet 2007. À l’heure actuelle, les pays contributeurs au centre d’excellence ACM sont : L’Allemagne, le Danemark, la Hongrie, le Lettonie, les Pays-Bas, la Pologne et la Slovénie. Le CCOE est commandé depuis le 18 juin 2009 par le colonel allemand Hand Jürgen Kasselmann.

Ce centre a pour objectif de participer pleinement à la réflexion, l’élaboration et l’ajustement de la doctrine sur les ACM qui s’intègre dans l’approche globale de l’Alliance. Il entre également dans ses attributions de faire des propositions innovantes visant à augmenter l’efficacité des actions menées par les forces sur les théâtres. Outre le développement de la doctrine et son expérimentation, le travail fourni par le centre d’excellence est principalement tourné vers l’éducation et la formation afin de promouvoir l’interopérabilité et participer au développement des capacités otaniennes.

d) L’intégration des objectifs des différents intervenants est un défi à relever

Si les objectifs assignés aux ACM diffèrent selon les pays, plusieurs points communs peuvent néanmoins être relevés :

- le souci d’œuvrer au maintien et au développement des interactions et coopérations entre acteurs militaires et acteurs civils, gouvernementaux ou non, particulièrement pour la planification et la gestion du déroulement des opérations ;

- les ACM ont pour but d’aboutir à la stabilisation de la région dans laquelle elles sont déployées, après que celle-ci a été sécurisée par les forces armées, les phases à dominante militaire étant généralement différenciées des phases à dominante civile ;

- les actions doivent permettre le développement économique, social et sanitaire de la région et garantir des retombées positives pour les populations locales.

Lorsqu’elles se déroulent sur des théâtres d’opérations où sont engagées des coalitions placées sous un mandat des Nations Unies ou de l’OTAN, les ACM nationales sont menées en coordination avec les missions et les forces précitées. Bon nombre de pays ne recourent aux ACM que pour soutenir les OPEX et ne développent pas d’ACM à dimension internationale de manière autonome.

Certains pays développent, en plus de la coordination instaurée avec les forces onusiennes et otaniennes, des partenariats bi- ou multinationaux. Il s’agit d’étendre le champ d’action et les moyens à disposition pour atteindre plus rapidement les objectifs définis conjointement ou permettre la réalisation de plans de développement plus ambitieux. Plusieurs pays ont ainsi développé des partenariats avec la France : l’Australie au travers des accords FRANZ, l’Allemagne, l’Autriche, le Canada et la Pologne notamment sur le théâtre afghan, le Danemark au sein de la KFOR ou encore le Luxembourg dont les ressources sont trop limitées pour lui permettre de mettre sur pied une mission autonome. Il faut également compter avec les coopérations informelles qui s’établissent de fait entre les forces déployées sur les théâtres, particulièrement au sein de la FIAS et de la KFOR.

Il s’est également créé un groupe ACM multinational auquel appartiennent notamment la Grèce, la Hongrie, l’Italie, le Portugal et la Slovénie. Intégré aux structures de l’Alliance atlantique ce groupe est devenu le CIMIC Group South de l’OTAN.

Dans le cadre d’une coalition, il convient de déterminer quels sont les objectifs communs. Les efforts de coordination entre les forces armées, les organisations internationales, les ONG, ainsi que les associations locales permettent de donner une cohérence globale aux efforts des uns et des autres. L’importance du nombre d’intervenants complique cette démarche ; les synergies se développent d’autant plus facilement que les parties sont peu nombreuses mais sont d’autant plus essentielles à mesure que le nombre d’acteurs impliqués augmente.

3. La présence de nombreux organismes ou ONG nationaux et internationaux

La principale difficulté rencontrée dans le cadre des ACM est d’obtenir l’acceptation des civils de travailler avec des militaires. C’est en particulier le cas avec les ONG. Cette situation qui concerne notamment la France n’est pas forcément avérée dans tous les pays étrangers et la situation varie selon les organismes.

La question de la légitimité, de la représentativité des ONG doit être posée, tant en ce qui concerne leur action que leurs revendications : elles ne représentent qu’elles-mêmes et leurs mandants quand les Gouvernements et les armées sont l’émanation du peuple. Toutes les organisations ne doivent pas être considérées de la même manière, compte tenu de leur grande diversité. Avec les organisations réputées sérieuses, des relations fructueuses peuvent s’établir et la coordination est possible. Aucun problème n’est signalé avec le comité international de la Croix-Rouge (CICR) ou l’Ordre de Malte. L’existence de réseaux informels avec le CICR a été signalée aux rapporteurs.

a) Des difficultés rencontrées pour impliquer les acteurs civils aux ACM

Il existe de grandes différences d’un pays à l’autre quant au degré d’implication des acteurs civils de type ONG ou organisations internationales au sein des ACM. Trois tendances peuvent toutefois être dégagées.

D’un côté, pour certains l’indépendance des acteurs civils est difficilement conciliable avec les objectifs et impératifs militaires de la mission : difficultés portées à l’attention des rapporteurs dans le cas de l’Italie ; voire même le refus de la part des ONG d’être intégrées au sein de ces missions comme c’est le cas en Estonie.

À l’opposé, d’autres pays mettent en avant le caractère essentiel de la coopération avec les ONG et les organisations internationales. Le Canada, la Hongrie et le Portugal insistent particulièrement sur le rôle joué par les acteurs civils. Ceux-ci sont associés aux missions de manière systématique depuis l’identification des priorités d’action, jusqu’à l’établissement des plans de financement et la mise en œuvre concrète de la mission. Ce haut degré d’intégration des acteurs civils permet le développement de synergies entre les différentes composantes civiles et militaires de l’ACM.

À mi-chemin entre ces deux positions antagonistes se trouve une posture intermédiaire : les acteurs civils sont associés aux missions selon la nature du projet. Ce type de coopération, que certains pays décrivent d’ailleurs plus comme des interactions se déroulant sur le mode d’une simple coordination que d’une réelle coopération, est donc ponctuel et nettement moins poussé que les partenariats mis en place dans les pays cités plus haut. Parmi les tenants de cette position se retrouvent notamment l’Australie, l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la Grèce et la Roumanie.

b) Les relations des ONG avec les forces françaises

Les rapporteurs ont identifié trois situations dans lesquelles des ONG pourraient être amenées à intervenir aux côtés des forces armées : une catastrophe humanitaire, une situation de conflit et, enfin, une situation post-conflit. L’action des ONG obéit cependant à trois principes :

- l’acceptabilité de la présence ;

- la neutralité et l’indépendance, pas nécessairement financière mais dans le choix et le lieu de l’action ;

- l’impartialité : non-discrimination, proportionnalité (l’action doit correspondre aux besoins).

Réticentes à agir aux côtés des militaires dans des situations de conflits, les possibilités de collaboration sont plus importantes dans le cas de catastrophes naturelles, sous réserve qu’il s’agisse d’appui aux moyens de secours sans assujettissement des humanitaires au commandement militaire, ou d’optimiser l’utilisation des moyens logistiques. De manière générale, les ONG tendent à considérer que les militaires doivent concentrer leurs efforts sur les questions militaires, l’humanitaire relevant des ONG. Pour elles, l’objectif humanitaire ne doit être soumis à aucun autre objectif.

Les ONG tiennent à leur indépendance, leur neutralité. Apparaître aux côtés des militaires est pour certaines d’entre elles rentrer dans une logique gouvernementale. L’armée étant une force de sécurité ou l’une des parties du conflit, il importe de ne pas créer de confusion en étant associé à l’action militaire. Les ONG ne veulent pas être liées aux militaires pour limiter le risque que les opposants ne s’attaquent à elles. Elles craignent également que l’action menée soit prise pour cible. Elles considèrent qu’il est choquant et dangereux de dire que « les ONG complètent l’action militaire ». Dans cet esprit elles refusent les aides financières relevant des ACM et regrettent que des fonds leur soient transmis via les militaires. Elles se disent aussi gênées par l’expression militaire de « gagner les cœurs » sous-entendant que les forces ne sont pas acceptées a priori et sont considérées comme forces d’occupation. D’autres ONG – c’est le cas d’électriciens sans frontières – ne refusent pas les liens avec les militaires, en particulier dans des situations de post-crise comme en Haïti ; elles bénéficient de services comme des transports de personnels, de matériels, des soutiens logistiques. L’échange d’informations entre civils et militaires permet une meilleure appréhension de la situation.

Une ONG intervenant en Afghanistan estime que l’instabilité persistante résulte d’un manque d’implication des civils. L’action est à la fois insuffisante et mal coordonnée, donnant aux Afghans l’impression d’un décalage entre les engagements de la communauté internationale et la réalité. Elle souhaite que les militaires se tournent vers les civils lorsqu’ils constatent une carence et trouve malsain que ces actions civiles soient prises en charge par les militaires eux-mêmes. Les ONG estiment que pour obtenir la confiance des populations auprès desquelles elles interviennent leur neutralité et la volonté d’inscrire l’action dans le long terme sont nécessaires. L’action militaire (de courte durée) ne doit pas se confondre avec l’action civile (de longue durée) sauf en cas de situation d’urgence particulière (catastrophe naturelle).

Une ONG a confié aux rapporteurs la difficulté de trouver un responsable de la coordination avec la société civile dans les forces armées, d’identifier un interlocuteur ; l’interface avec l’armée française a été qualifiée de difficile.

c) L’action d’une ONG française en Kapisa et Surobi

Une seule ONG française intervient en Kapisa et Surobi. Les priorités d’AF développement et de son Président Yves Faivre sont les zones rurales, la maîtrise de l’eau (irrigation et protection des sols contre l’érosion) et de l’agriculture. L’association est financée par quelques dons privés tels l’US Aid et grâce au soutien d’agences des Nations Unies. Elle bénéficie également de financements français depuis quelque temps. L’association estime que depuis le lancement des projets AFPAK, de bonnes relations se sont nouées avec les habitants de la vallée d’Uzbeen. Ces projets représentent 50 % de l’activité de l’association. Depuis 2002, la neutralité, la fiabilité, la correction des militaires sont très appréciées et des projets communs sont développés.

Les ACM sont jugées utiles et nécessaires. Les méthodes et les projets ont beaucoup évolué depuis 2002. Aujourd’hui, AF développement et les équipes ACM conduisent des projets similaires tels que la réhabilitation de karèzes (22). Les ACM permettent d’entamer le dialogue avec la population locale, ce qui permet par exemple d’affiner un programme d’aide agricole.

Selon son président : « Les ACM permettent que la force soit tolérée. La meilleure connaissance possible de la population locale est essentielle. Il est important de connaître et reconnaître, d’être connu et reconnu : quand un militaire ACM revient sur le secteur, il connaît et est connu ; et plus on se connaît, moins la tentation est grande de tendre une embuscade… ».

L’un des rapporteurs a pu s’entretenir avec M. Faivre. Il a apprécié ses connaissances linguistiques ainsi que la parfaite intégration sur le terrain de cette personne présente en Afghanistan depuis près de 20 ans, y compris à l’époque talibane. Cette connaissance approfondie du terrain est un gage incontestable de réussite.

C. UN PARTENAIRE MAJEUR, L’UNION EUROPÉENNE

L’importance acquise par l’Union européenne en tant que bailleur de fonds et de coordinateur des moyens des États membres en fait un partenaire incontournable dans le domaine civil.

1. Un acteur nouveau

L’UE est un acteur encore nouveau sur les théâtres en crise. Pour autant, elle est devenue un partenaire majeur de nos ACM, tant du fait de ses importantes ressources financières que par sa capacité à coordonner les moyens des États membres.

L’Union ne disposant pas de forces armées propres, elle ne développe pas d’ACM en tant que telles. Elle se concentre sur l’action civile, au point d’être très souvent le premier pourvoyeur d’aide sur les théâtres en crise. Elle l’a notamment été en Haïti, où ses investissements ont accompagné la présence militaire de certains États membres (France, Italie, Espagne). Elle s’est spécialisée dans le soutien à la gouvernance, en assurant notamment la formation de forces de police (Kosovo, Afghanistan, ou encore Somalie). D’importants moyens ont également été consacrés à l’Afrique en soutien d’opérations militaires, telles que les opérations Artémis en République démocratique du Congo ou EUFOR Tchad.

EULEX, mission européenne de renforcement
des capacités judiciaires et de police

Déployée au Kosovo depuis 2008 à la suite de la proclamation d’indépendance de ce pays, EULEX est une mission menée par l’Union européenne. EULEX, dont les effectifs s’élèvent à l’heure actuelle à 3 200 personnes environ, a pour mission d’établir et de renforcer l’État de droit dans le domaine de la police, des douanes et de la justice kosovardes. Elle a pris la succession de la mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK).

Il s’agit de la mission civile la plus importante de l’Union européenne actuellement en cours, qui en fait un acteur reconnu dans le soutien à la gouvernance. Financée sur le budget communautaire les fonds alloués à son fonctionnement s’élevaient à 60 millions d’euros pour l’année 2010.

Lors de son déplacement sur le théâtre, Philippe Folliot a pu constater l’intérêt de cette mission, la force de l’engagement français ainsi que l’ampleur du travail accompli par nos forces depuis son lancement.

La mission EULEX présente un caractère novateur, s’intégrant pleinement dans opération de maintien de la paix (OMP) dite de troisième génération, qui désigne les OMP les plus récentes, qui incluent un volet reconstruction et promotion de l’État de droit. EULEX se situe ainsi à la jonction des ACM et des OMP, et la gouvernance constitue certainement d’un domaine d’avenir pour nos ACM.

Dans tous les cas, l’UE mobilise d’abord des moyens propres. Il s’agit essentiellement de ressources financières, qui lui permettent d’agir en son nom propre par le recrutement d’experts ainsi que de formateurs mais aussi et surtout par la contractualisation avec de nombreuses agences ou ONG. Ce mode de fonctionnement présente l’avantage de permettre à l’Union d’agir et de mobiliser des moyens adaptés aux missions sans dépendre des administrations des États membres. Mais il présente l’inconvénient d’une dispersion des moyens, les sous-traitants s’organisant souvent en cascade, ainsi que d’un risque de déconnexion de la réalité du terrain.

Selon les interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs à Bruxelles, la doctrine de l’UE semble évoluer dans le sens d’une plus grande ouverture aux partenaires extérieurs, y compris les forces armées des États-membres. Il s’agit d’une évolution positive dans la mesure où l’UE sera conduite à financer plus volontiers des projets proposés dans le cadre d’ACM, pourvu que les objectifs concordent avec le mandat de l’Union. Déjà, les rapporteurs relèvent ainsi que l’Union a contribué à hauteur de 80 % au financement d’un poste de police en Afghanistan, encadré par l’armée française qui a pris en charge les 20 % restants).

2. Un rôle clef de coordinateur

L’Union européenne joue également un rôle de coordination des États membres. Il s’agit essentiellement de planifier la réponse de l’Union à une crise où les États membres pourraient déployer des forces armées, en recensant et en harmonisant les moyens civils et militaires qu’ils accepteraient de mobiliser. Ce rôle s’est trouvé renforcé à la suite du traumatisme des Balkans, où l’Union s’est trouvée relativement absente et peu visible. Ce système a l’avantage de la souplesse, mais il repose exclusivement sur la bonne volonté des États-membres. La France est à cet égard l’un des membres les plus actifs. C’est à sa demande que l’état-major de l’Union européenne a été mobilisé pour planifier et coordonner la réponse européenne à la crise haïtienne, avec un succès réel.

Il s’agit aussi de coordonner au mieux les moyens mobilisés par les États-membres avec les différentes structures communautaires (administrations de la commission, instruments financiers, structures de planification et de commandement militaire, etc.). C’est l’une des principales missions dévolue au secrétariat général pour l’action extérieure (SGAE) de l’Union. Créé par le traité de Lisbonne et officiellement en place depuis le 1er janvier de cette année, il s’agit de facto du ministère des affaires étrangères de l’Union. Il doit à terme rassembler près de 4 000 diplomates et regroupe notamment d’anciennes structures de planification et de coordination, telles que la direction de la planification et de la gestion de crises, ou encore le centre de planification civile.

3. Quelques pistes de progrès

Dans l’ensemble, les rapporteurs se réjouissent de l’affirmation de l’Union européenne comme acteur majeur de la gestion de crises et partenaires de nos ACM. Ils relèvent cependant certains points de vigilance.

- L’Union européenne doit s’affirmer en tant que partenaire éventuel de l’OTAN, et non comme son simple bailleur de fonds. Sa dépendance à l’égard des structures de planification et de commandement de l’OTAN pourrait en effet la conduire à s’en remettre à l’Alliance Atlantique pour la supervision d’ensemble des actions sur les théâtres difficiles. Or, l’UE n’a pas vocation à financer une politique décidée par nombre d’États extérieurs à l’Union. Il est donc essentiel de renforcer ces capacités du côté de l’UE.

- L’Union doit renforcer la visibilité de son action : il est regrettable que sur un théâtre tel qu’Haïti, elle ait mobilisé à elle seule près de 60 % de l’aide civile, alors que les médias internationaux donnaient le sentiment d’une prédominance de l’effort américain. Ce travail doit être conduit là où l’Union agit en son nom propre, sans préjudice de l’effort de communication entourant les ACM proprement dites, effort par essence national.

- L’Union peine à recruter des experts civils, notamment dans les domaines de la gouvernance, tels que des magistrats. Cette situation est regrettable. La France doit favoriser la mobilité de ses personnels. Pour un faible coût, elle assure à la fois une mission de sortie de crise et diffuse sa culture, par exemple juridique. Cela peut être d’un intérêt précieux, notamment pour la diffusion de nos intérêts économiques.

- Une réflexion doit être engagée sur la répartition de la charge liée aux opérations civiles accompagnant le déploiement de troupes sous mandat européen. L’opération EUFOR Tchad illustre bien le fait que l’effort de l’Union repose sur le volontariat des États membres : l’essentiel de l’effort a été supporté, en l’occurrence, par la France. Un système de mutualisation des coûts doit être envisagé : il n’est pas normal que certains États supportent seuls l’essentiel des coûts militaire et financier d’opérations conduites sous bannière européenne. La France, qui assure régulièrement le rôle de nation cadre dans la conduite des opérations, doit pousser cette réflexion.

L’Union européenne ne doit plus hésiter à affirmer qu’elle a des intérêts et à les défendre. La conduite de l’action humanitaire n’interdit pas de tenir compte des intérêts des entreprises européennes, au même titre que l’action menée par ses principaux partenaires. L’Union doit, dans son action civile, faire une priorité de la promotion des intérêts économiques européens, et les entreprises et ONG de l’Union doivent bénéficier en premier lieu des fonds qu’elle alloue.

D. LES RISQUES D’EFFETS PERVERS : LA PERTURBATION DU TISSU SANITAIRE ET SOCIAL ET LA DÉSTABILISATION ECONOMIQUE

La mise en œuvre d’ACM, comme d’ailleurs l’action d’ONG, est susceptible de modifier l’équilibre sanitaire, social, économique de la région bénéficiaire.

1. L’enjeu de la perception

Par ailleurs, chaque pays intervenant en Afghanistan a une méthode d’action qui lui est propre. Or celles-ci sont analysées : les populations font la distinction entre les styles d’intervention des différentes puissances participant à l’action militaire et aux ACM. Certaines ONG souhaitent que la « nationalisation » des espaces d’intervention s’atténue, que des organisations non françaises puissent intervenir en Kapisa par exemple, pour que chaque zone n’apparaisse pas comme le fief d’une puissance. Une ONG a signalé que des distributions massives sécurisées peuvent générer des problèmes alors que de petites distributions non sécurisées se passent généralement sans encombres.

Globaliser l’aide civile et la déconnecter de la présence militaire peut donc présenter certains avantages pour l’aide au développement. Mais cet objectif contredit l’intérêt des ACM qui est de communiquer autour de l’action de forces armées nationales. Il s’agit donc de promouvoir la coordination des moyens plutôt que leur globalisation.

De même, nos ACM touchant souvent le domaine humanitaire, elles doivent se positionner dans un environnement médiatique particulier : chaque pays s’efforce de déployer des efforts au moins comparables à ceux de ses voisins, afin de ne pas paraître en reste. Cela peut entraîner une concurrence malsaine se traduisant par un déversement de moyens parfois aveugles et déconnectés des capacités d’absorption du terrain. Le pilotage politique des ACM doit donc se concentrer sur l’effet final recherché du point de vue militaire, quels que soient les enjeux de prestiges. Trop nombreux sont les exemples d’une mauvaise allocation des ressources destinées aux théâtres en crise.

2. Un risque de clivage entre les bénéficiaires de l’aide et le reste de la population

Au Tchad, le Gouverneur de la province d’Abéché a souligné le contraste entre les conditions de vie de la population locale, qui demeuraient particulièrement difficiles, et celles qui prévalent dans les camps de réfugiés et de déplacés, bien meilleures : accès à l’eau, à l’éducation, aux soins, fourniture de denrées alimentaires.

Cette situation était d’autant plus frustrante pour les locaux que l’installation massive d’une nouvelle population entraîne des déséquilibres économiques et écologiques (avec, par exemple, une forte pression sur les ressources en eau). De fait, les autorités tchadiennes étaient initialement réticentes envers l’opération EUFOR Tchad, craignant un afflux massif de réfugiés, risquant de se fixer sur le territoire tchadien. L’action de la communauté internationale, particulièrement déséquilibrée, a en partie confirmé cette crainte.

Avec la stabilisation de la région, les autorités souhaitent désormais favoriser le retour de ces populations. Dans le cas des déplacés, il est notamment envisagé de mettre en place un soutien permettant de développer des cultures vivrières. Cela se traduit en particulier par la distribution de semences et des formations dispensées à ces populations.

3. Un détournement des compétences locales

La présence des ONG crée également des demandes de main-d’œuvre qui détournent les personnels qualifiés de structures locales. La mise en œuvre d’ACM en soutien de l’action de la force est aussi susceptible de perturber les équilibres locaux. Il convient de veiller à ne pas appauvrir l’économie locale par le recrutement des populations avoisinantes, ou la modification brutale et non contrôlée du tissu économique.

Au même titre, les ACM peuvent exercer une certaine attraction sur les ressources humaines, au même titre d’ailleurs que l’action des Nations Unies. Il a été indiqué aux rapporteurs que les salaires versés aux populations locales dont l’activité s’inscrit dans une ACM sont en général plus élevés que ceux versés par une ONG. Une ACM peut aussi se déployer plus rapidement. Il risque d’y avoir un effet de distorsion et de perturbation de l’économie locale.

4. Un risque de saturation financière

Les « listes de courses » que sollicitent les Américains, qui ont des moyens conséquents, en Afghanistan, sont considérées comme exagérées. Elles favorisent une distorsion entre les différents intervenants. L’aide peut être si importante qu’elle sature la région bénéficiaire et ne peut être absorbée.

Il a plusieurs fois été fait état aux rapporteurs de situations d’engorgement financier de certaines zones où les États-Unis dispensaient une aide si généreuse qu’elle ne pouvait être absorbée en totalité. Cette saturation laisse d’autant plus perplexe que d’après les éléments recueillis, seule une infime partie de la manne financière américaine est réellement distribuée. En effet, les États-Unis consacrent 850 millions de dollars aux ACM en Afghanistan or selon des études communiquées aux rapporteurs les ¾ de l’aide repartiraient sous une forme ou une autre aux États-Unis ; sur les 25 % restants, seuls 10 % seraient réellement investis sur place soit 21,25 millions de dollars sur les 850 originellement alloués.

III. —  DYNAMISER LES ACM POUR EN FAIRE UN OUTIL D’INFLUENCE

L’intérêt des ACM est aujourd’hui acquis, au même titre que l’expertise française. Il faut donc tirer les leçons des forces et des faiblesses du dispositif actuel pour faire de cet outil un véritable instrument de rayonnement. Celui-ci doit s’inscrire dans un cadre interministériel le plus efficace possible. Il peut s’appuyer sur la réserve, qui offre un vivier de compétences et constitue par essence un lien entre le civil et le militaire. Les actions doivent être conduites dans le souci constant d’en faire un instrument de rayonnement sur le long terme, économique aussi bien que politique.

A. MIEUX COORDONNER L’ACTION DE L’ÉTAT FACE AUX PAYS EN CRISE

L’efficacité de la réponse française aux crises commande une coordination optimale des moyens de l’État. L’engagement en Afghanistan a permis des progrès qu’il faut aujourd’hui poursuivre.

1. Promouvoir un pilotage politique

L’essoufflement de la cellule AFPAK est regrettable : M. Mariani n’a pas véritablement été remplacé et les effectifs ont décru. Cela s’explique certainement par le désengagement de nos autorités vis-à-vis de cette région, concrétisé par l’annonce d’un retrait progressif de nos troupes. Il s’explique aussi certainement par les carences des cultures interministérielles dans notre pays.

Les ACM posent la question du pilotage. Les rapporteurs considèrent que, pour déterminer le pilote de l’action civile de théâtre, il convient de séquencer le contexte dans lequel elle intervient, selon le degré de dangerosité. Les premiers temps de l’intervention sont généralement caractérisés par un haut niveau de danger qui impose naturellement un leadership militaire. La phase de stabilité, post-conflit, relègue l’action militaire au second plan et confère aux administrations civiles la conduite des opérations, en partenariat avec des autorités locales elles-mêmes généralement civiles. Reste entre ces deux phases une période de transition, caractérisée par un danger important, mais où l’action cinétique est devenue exceptionnelle. Celle-ci suppose, en toute logique, une codirection civilo-militaire.

Ce schéma repose sur la logique et semble le plus efficace, même si, dans les faits, il paraît difficile de déterminer précisément le passage d’une phase à l’autre. D’autant que, sur le terrain, d’une vallée à l’autre, la situation peut se révéler non seulement variable, mais aussi réversible. D’où la nécessité de structures de concertation permettant un véritable pilotage politique.

De ce point de vue, le schéma retenu pour le pôle de stabilité en Kapisa a paru bien fonctionner, avec une coordination assurée par un civil inséré sur les bases avancées opérationnelles. De même, la cellule AFPAK a révélé l’intérêt d’une collaboration interministérielle dans la durée. Cela a motivé la création d’un groupe de travail, dit « Task force », interministériel de gestion de crises. Il s’agit de réunir des représentants des ministères concernés par des théâtres dépassant les seules OPEX, ce qui va bien au-delà des seules ACM.

Les rapporteurs se réjouissent de ces avancées administratives, mais estiment qu’il convient d’aller plus loin dans la coordination des moyens nationaux. Ils considèrent en premier lieu qu’il faut rapprocher ce groupe de travail de la cellule de crises du MAEE afin d’appréhender plus globalement les théâtres en crise et en sortie de crise.

=> Il serait utile de constituer une entité interministérielle chargée d’anticiper des crises, de gérer l’intervention de la France et d’assurer le suivi en sortie de crise. Y convergerait l’ensemble des moyens extérieurs de l’État, sur le modèle de la cellule AFPAK, en y ajoutant notamment une composante renseignement.

L’objectif est bien de connaître avant tout engagement quel sera le volet civil de l’intervention. Aussi, cette structure pourrait recenser à l’avance les moyens potentiels de chacun des acteurs ministériels, l’impact de l’intervention sur les populations civiles, mais également la façon dont, à travers les ACM, la France pourrait positionner ses intérêts économiques en « prenant pied » sur certains marchés stratégiques sur lesquels il existe une offre nationale (eau, électricité, transformation agricole, etc.).

2. Assouplir les conditions d’emploi des ressources financières

Ce travail de mise en cohérence des moyens de l’État permettrait un véritable pilotage politique des moyens dans une perspective de long terme. Compte tenu des enjeux, cette structure aurait bien évidemment vocation à régulièrement rendre compte devant le Parlement de ses orientations générales ainsi que des actions mises en œuvre.

Parallèlement, il faudra améliorer les outils de mesure de l’impact des ACM. Cela semble d’autant plus utile que leur gestion fera désormais intervenir un nombre important d’acteur en dehors du seul ministère de la défense ou même du Gouvernement français : Union européenne, banque mondiale, Gouvernements partenaires (Japon ou Émirats arabes unis dans le cas afghan) ou encore collectivités territoriales.

=> À cet égard, les rapporteurs soutiennent la création d’un fonds de financement des ACM, qui permettrait de rassembler les contributions interministérielles, aussi bien que celles de pays partenaires, de collectivités, de fondations, entreprises, ou encore, simplement, les dons privés. Ces derniers visent généralement des projets précis, par exemple la construction d’écoles en Afghanistan, et se heurtent encore à des processus bureaucratiques décourageants. La création d’un fonds de financement des ACM simplifierait considérablement la gestion et encouragerait les initiatives.

Sur le terrain, les ambassades permettent une mise en cohérence des moyens financiers alloués par l’État. Là encore un « modèle afghan » semble s’être dessiné. S’il est encore tôt pour tirer des enseignements du fonctionnement du pôle stabilité de Kapisa, on peut d’ores et déjà considérer qu’il s’agit d’un succès en termes de compréhension mutuelle et de bonne collaboration entre les ministères de la défense et des affaires étrangères. Les rapporteurs regrettent toutefois la divergence persistante entre le temps des ACM, qui nécessite un décaissement rapide et une grande réactivité, et le temps administratif de l’aide au développement. En Surobi-Kapisa, le haut représentant civil leur a fait part des rigidités auxquelles il doit faire face pour l’engagement des crédits. Si des procédures permettant l’exercice d’un contrôle sur les dépenses sont nécessaires, elles ne doivent pas se traduire par un manque d’efficacité opérationnelle en pénalisant l’organisation et le déroulement des ACM. En particulier, le dispositif semble souffrir des difficultés qu’a l’AFD à adapter ses procédures de versement de fonds aux besoins du pôle. Cette situation est particulièrement regrettable car pour des raisons relevant de la seule bureaucratie, il semble bien que les responsables des ACM voient parfois leur crédibilité mise en cause, faute de pouvoir assurer rapidement les engagements pris en partenariat avec les autorités locales.

=> Les rapporteurs souhaitent qu’a minima une trésorerie d’avance soit mise à disposition du pôle pour engager ses actions à effets rapides. Il faudra ensuite tirer un bilan de cette expérience pour envisager de la systématiser sur les nouveaux théâtres.

B. PROMOUVOIR L’IMPLICATION DES RÉSERVISTES

La pleine réussite des ACM dans le temps suppose une coopération optimale entre civils et militaires. Mobiliser la réserve y apporte une réponse, y compris pour préparer la sortie de crise et l’implantation de nos entreprises.

1. L’implication des réservistes est variable selon les pays

Le statut des réservistes est variable d’une armée à l’autre. L’implication de ceux-ci dans les ACM est donc fonction de la place qu’ils tiennent dans leur armée d’appartenance et du champ d’action qui leur est accessible parmi le panel des activités du militaire de carrière.

Dans certains pays ils n’ont pas la possibilité de partir en OPEX et sont donc inéligibles pour participer aux ACM dès que celles-ci sont déployées à l’international. Cette règle est notamment en vigueur en Espagne, en Grèce, en Hongrie, aux Pays-Bas, en Pologne, au Portugal, en Roumanie et en Slovaquie. Les ACM mises en œuvre par ces pays ne comptent donc que des militaires d’active.

Dans d’autres pays au contraire la primauté est accordée aux réservistes dont les qualifications et spécialités les placent au rang d’experts. Ils sont alors recrutés spécifiquement pour leurs compétences individuelles afin de maximiser les expertises rassemblées pour que la mission soit un succès. Dans les pays ayant adopté cette logique les réservistes sont largement majoritaires au sein du personnel ACM. Peuvent ainsi être cités en exemple l’Australie, l’Allemagne et l’Italie. Dans le cas des Pays-Bas, la prépondérance des réservistes dans la composition des ACM ne vaut que pour les missions se déroulant sur le territoire national.

D’autres pays affichent des positions moins marquées avec un mélange de militaires de carrière et de réservistes, les rôles étant répartis au cas par cas selon la mission et les compétences individuelles de chacun.

2. En France, la réserve est fortement sollicitée pour les ACM

Les réservistes sont déjà présents dans le processus ACM. Premier concerné, le GIACM : la réserve représente environ les trois quarts de son effectif. 60 % d’entre eux sont d’anciens militaires d’active, 40 % viennent du monde civil. Le tableau ci-après retrace les effectifs réalisés 2010 (281 militaires) et montre la part importante occupée par la réserve (23).

Part de la réserve dans les effectifs du giacm

 

Terre

Mer

Air

Autres :

services (1), gendarmerie

Active (96 militaires)

74

9

10

3

Réserve (185 militaires)

125

16

16

28

(1) Service de santé des armées (SSA) et service des essences des armées (SEA).

Source : ministère de la défense.

Comme les personnels d’active, les réservistes sont employés dans deux types de missions : en renfort ou en remplacement de militaires d’active projetés en OPEX, d’une part, engagés eux-mêmes en OPEX dans un poste ACM sur tous les théâtres où le GIACM est présent – en Afghanistan, au Liban et auparavant en Côte-d’Ivoire et au Kosovo – d’autre part. Il existe en outre un vivier d’experts dans différents domaines : agriculture, économie, génie électrique, traitement de l’eau, susceptibles d’être projetés dans leur spécialité. Il y avait en 2010 un conseiller économique à l’ambassade au Liban, ainsi qu’au Kosovo jusqu’au 31 janvier 2010. L’emploi de ces experts est toutefois peu courant voire rare même si les ministères des affaires étrangères et de la défense ont récemment décidé de se concerter pour relancer cette filière en Afghanistan : le processus de recrutement d’un expert agricole et d’un expert en génie électrique était en cours lorsque les rapporteurs ont commencé leurs travaux en 2010.

3. Le déploiement de réservistes accompagne celui de l’armée de terre en OPEX

L’armée de terre déploie des réservistes dans le cadre de ses ACM. Le tableau ci-après retrace l’évolution de l’emploi des personnels de réserve par théâtre, par force armée et par grade.

Évolution de la répartition
des réservistes ACM en OPEX

 

2009

2010

2011

Théâtre

Tchad

2

   

Haïti

 

1

 

Liban

5

5

6

Kosovo

4

   

Afghanistan

9

10

7

Force

Terre

10

14

8

Air

5

1

2

Marine

3

1

3

Gendarmerie

2

   

Grade

Militaire du rang

   

3

Sous-officier

2

2

2

Officier subalterne

11

8

4

Officier supérieur

7

6

4

Total

20

16

13

Source : état-major de l’armée de terre.

Ce tableau met en évidence une diminution marquée du nombre de réservistes engagés en OPEX. Le retrait de certains théâtres explique cet étiolement. Les rapporteurs regrettent qu’il ne soit pas tiré profit des effectifs gagnés pour renforcer les dispositifs ACM aux côtés des forces toujours en opérations. L’effort devrait être porté sur le déploiement de réservistes dont les compétences pourraient en plus être utilisées pour préparer le maintien de la présence française non pas à travers ses forces – le retrait de celles-ci étant annoncé – mais par sa contribution à l’effort de reconstruction et de développement.

4. L’emploi des réservistes est contraint

Les facteurs limitant l’utilisation de réservistes en OPEX (24) sont connus :

- l’exigence des OPEX impose qu’à mission identique, la formation soit également identique entre l’active et la réserve. Cet impératif sur des théâtres présentant des risques élevés oblige les réservistes à étaler dans le temps une formation spécifique qui peut déjà être longue en elle-même ;

- les contraintes des employeurs civils : comment une entreprise peut-elle accepter l’absence de l’un de ses employés ou de l’un de ses cadres pendant de nombreux mois (pour l’Afghanistan il s’agit de six mois de préparation, puis six mois de projection), dans un contexte industriel et commercial de plus en plus difficile ?

S’agissant des opérations intérieures (OPINT), la question se pose en des termes totalement différents : lors d’une catastrophe naturelle, les entreprises de la région concernée s’opposent beaucoup moins au départ de leurs réservistes. D’une part, elles bénéficient de l’action des armées pour favoriser le retour à la normalité – réouverture d’axes de circulation, rétablissement des circuits énergétiques, aides directes aux populations, par exemple – et limitent ainsi le risque de mettre certains personnels dans la situation difficile du chômage technique. D’autre part, le rôle « social » est nettement plus perceptible par les habitants de la région et il serait délicat pour une entreprise de s’opposer à fournir une contribution à la solidarité.

La réglementation sur le temps de projection des réservistes est une limite à leur emploi : la durée annuelle de service est limitée à 150 jours maximum (25). Compte tenu du temps de préparation et des permissions au retour de mission, elle ne permet pas de projeter un réserviste pour une mission ACM de six mois – durée de projection en Afghanistan – en dehors de la période à cheval sur deux années permettant de faire se succéder deux périodes de 150 jours.

5. Favoriser l’emploi des réserves dans le cadre des ACM pour améliorer la performance française dans l’après conflit 

Compte tenu des contraintes présentées supra, il est plus compliqué d’engager des réservistes dans des crises que dans le cadre de processus prévisibles. Pourtant, un recours plus fréquent aux experts est souhaitable. Ceux-ci, lorsqu’ils sont disponibles, détiennent des compétences que les militaires d’active ou les réservistes issus de l’active ne détiennent que rarement. Il faut fidéliser ce petit vivier, sous peine de le voir disparaître, et favoriser son emploi.

Face aux difficultés de disponibilité dans le temps des réservistes, la seule réponse semble être une évolution de la législation concernant les relations entre la défense et les entreprises afin que le réserviste puisse être ponctuellement utilisé en OPEX sur un semestre sans être pénalisé dans sa vie professionnelle. À défaut, l’engagement de personnels sous engagement à servir dans la réserve (ESR) à l’étranger ne peut être que marginal. Or, pour projeter des personnels ne relevant pas de l’active au moment d’une crise, il est utile que les personnes concernées aient un statut de réserviste ; à défaut il faudra trouver une réponse administrative adéquate.

La principale difficulté réside dans la détermination de l’organisme payeur. L’emploi pour de courte durée ne pose pas de problème mais il est nécessaire d’intéresser les entreprises à une période d’apprentissage du terrain qui leur permet de mieux préparer leurs dossiers. Ce sont elles qui restent sur le terrain, qui connaissent l’environnement, qui répondent le mieux aux appels d’offres dans la phase de reconstruction.

Le statut d’entreprise « partenaire de la défense nationale » est une bonne chose. Une réflexion doit s’engager pour améliorer les synergies dans un intérêt mutuel bien compris. Les rapporteurs auraient souhaité aborder ce thème avec les représentants des entreprises et regrettent que le MEDEF n’ait pas donné suite à leurs invitations.

=> Les rapporteurs préconisent une plus forte mobilisation des réservistes issus notamment du secteur privé.

C. PROMOUVOIR LES INTÉRÊTS NATIONAUX

La multiplication des engagements dans des conflits asymétriques laisse penser que la France sera de plus en plus conduite à mettre en œuvre des ACM. Cette certitude, combinée au retour d’expérience des théâtres passés et en cours, incite plus que jamais à les inscrire dans une stratégie d’influence. Il s’agit d’abord de promouvoir nos intérêts économiques mais également de soutenir le rayonnement politique de notre pays.

1. Bénéficier des dividendes de la paix

La France n’est pas performante pour conquérir des contrats post-crises. Les rapporteurs déplorent son impuissance à poursuivre l’action après la phase militaire.

Les leçons n’ont pas été tirées de l’exemple du Kosovo. Sur ce théâtre, une compagnie de génie de combat a été déployée dans un premier temps. La mission a ensuite évolué et le dispositif s’est transformé en une compagnie de génie en partie combat et en partie travaux. Sur l’ensemble du mandat, environ 20 000 euros ont été dépensés. Des travaux ont d’ailleurs été conduits en incitant notamment l’OTAN à mettre des moyens dans les zones relevant de sa compétence. Les opportunités étaient très importantes, par exemple dans le domaine du traitement des eaux ou de l’exploitation du zinc – en particulier les usinages tertiaires comme la galvanisation – ou encore les infrastructures. Or, les entreprises ont montré une très grande timidité. Les Allemands se sont engouffrés sur le marché, d’autant que leur implication constituait un moyen de lutter contre l’immigration liée au conflit. Une offre de partenariat entre l’école des mines d’Alès et l’école de Mitrovica a également été présentée. Mais l’école d’Alès n’a semble-t-il jamais répondu aux mails de sollicitation. En revanche, suite à d’autres initiatives un jumelage entre des écoles de Nîmes et des écoles kosovardes a bien fonctionné et s’est traduit notamment par des envois de matériels (livres, ordinateurs).

Des entreprises peu présentes

En Afghanistan les rapporteurs constatent également que la mission économique rencontre les plus grandes difficultés à motiver nos entreprises pour répondre aux appels d’offres français, afghans ou internationaux, pourtant nombreux et souvent très attrayants. Le risque est grand de constater qu’à nouveau notre pays paiera le prix du sang pour assumer ses obligations de membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, sans que ses entreprises participent à la reconstruction, au contraire de celles issues d’autres pays moins engagés dans les opérations de combat (Allemagne) voire pas du tout (Chine).

Force est de constater que les entreprises françaises font preuve d’une grande frilosité et se montrent beaucoup moins aventureuses que leurs homologues étrangers.

Au Kosovo, où l’armée la charge d’un secteur particulièrement, aucun groupe français ne s’est positionné sur le créneau de la téléphonie mobile alors même que ce marché y est en pleine expansion. Certaines entreprises françaises semblent négliger ce type de micro marché pour s’orienter vers des marchés déjà saturés.

Les contacts sont cependant permanents avec des représentants des entreprises et le MEDEF. Les efforts pour ouvrir les marchés de la reconstruction post-conflit aux entreprises françaises sont pourtant indispensables. Des entreprises soutiennent toutefois des ONG.

La réticence des entreprises s’explique notamment par la peur d’une instabilité juridique et par l’incertitude pesant sur le retour possible sur investissements. Les questions liées à la sécurité les préoccupent, ainsi que la lourdeur des procédures ; celles de réponse aux appels d’offres multilatéraux sont jugées trop complexes. Des actions sont pourtant menées pour informer le MEDEF des potentialités et promouvoir les intérêts économiques de la France.

Ainsi les rapporteurs constatent que la mission de préservation des intérêts nationaux, objet du 4e point de la doctrine ACM, est peu développée, notamment en raison des limites capacitaires de la chaîne ACM et du peu d’appétence des entreprises françaises, en particulier sur les théâtres très risqués comme l’Afghanistan. Les actions conduites dans le cadre ACM doivent favoriser le relais vers les entreprises civiles (26). Le CPCO et le GIACM conduisent une réflexion pour relancer cette fonction. Des propositions du GIACM à ce sujet sont en cours d’évaluation par l’EMA/CPCO.

Les rapporteurs approuvent les propositions du GIACM. Celles-ci visent à :

- organiser la participation d’intervenants du monde de l’entreprise aux stages de formation du GIACM ;

- formaliser la relation avec les organisations patronales et professionnelles avec la désignation d’un point de contact opérationnel auprès d’elles ;

- établir un guide sur le mode opératoire des entreprises intéressées par la coopération civilo-militaire. Le cadre juridique existe déjà puisqu’il s’agit de l’un des quatre objectifs fixés par le PIA 09.100. Il existe en outre des protocoles de partenariat entre le ministère de la défense et le président du MEDEF du 7 avril 1988 ainsi qu’une déclinaison régionale entre le Gouverneur militaire de Lyon et le président du MEDEF Rhône-Alpes du 27 avril 2009.

Les rapporteurs saluent le dynamisme du GIACM sur cette question. Ils relèvent notamment la création d’un poste de chargé de mission « Promotion des intérêts nationaux » en son sein ainsi que la création d’un groupe de travail composé d’officiers d’active et de réserve. Il s’agit en particulier de réfléchir à un meilleur accompagnement des entreprises françaises désirant prendre pied sur les terrains où le groupement est déployé. Fin 2010, une expérimentation a été initiée au Liban avec la nomination d’un chargé de mission auprès de l’ambassade de France chargé de conduire des projets ACM d’exploitation des masses d’eau. Coordonnée avec l’Union pour la Méditerranée, ce projet pourrait déboucher sur un projet industriel futur.

=> Les rapporteurs considèrent que la promotion de nos intérêts économiques doit devenir une priorité.

2. Les ACM, vecteur du rayonnement national

Les ACM doivent également porter le rayonnement politique de la France. Cet objectif doit être intégré dans l’action des différents acteurs concourant à leur mise en œuvre. Cette stratégie de rayonnement concerne touts les acteurs.

- Le GIACM assure des actions de formation. Parmi les opérations récentes, on relève la formation de forces spéciales, par exemple en Jordanie. Des projets existent également s’agissant de la Hongrie ou encore de la Bosnie. Le savoir-faire du GIACM dans ce domaine est largement reconnu dans le monde et sa diffusion doit être encouragée.

- Une véritable politique d’expertise doit être menée. La France doit répondre aux besoins des Nations unies ou de l’Union européenne par la mise à disposition d’experts. Ceux-ci sont généralement indemnisés par l’organisme recruteur. Il s’agit donc essentiellement de permettre leur mobilité sur le plan administratif, notamment en valorisant dans leurs carrières ce type d’expérience.

- Le rôle du SSA doit être conforté en tant que levier d’influence partout où il est déployé. Son action permet sur tous les théâtres de s’assurer du soutien des élites locales, souvent très dépendantes des moyens militaires alliés pour leur santé. Il paraît utile de suivre de près les patients exerçant des responsabilités ainsi que leur famille, compte tenu de l’influence qu’ils peuvent avoir sur l’opinion publique locale. Il s’agit de relais non négligeables dans toutes les sphères : politiques, religieuses ou encore économiques. L’investissement dans les ACM du SSA doit donc être sanctuarisé.

- La communication autour des ACM françaises doit être renforcée. Il faudrait notamment intégrer les rémunération et charges sociales des personnels concourrant à leur mise en œuvre dans le calcul de l’effort financier.

- Les moyens dévolus aux actions d’influence doivent être consolidés. Une unité psychologique permet par ailleurs d’agir sur l’information circulant au sujet des troupes, afin notamment de contrecarrer les rumeurs infondées. Au même titre que les ACM, les opérations psychologiques doivent relever à terme du groupe Opérations et informations. Les rapporteurs souhaitent que l’unité comprenne à terme une cellule communication opérationnelle, les actions directes (forces spéciales), ainsi que des moyens de guerre électronique.

- Sur le terrain, il convient de favoriser les contacts entre tous les acteurs, par exemple en animant des réseaux locaux d’expatriés. Militaires, diplomates, membres d’ONG, fonctionnaires internationaux ou encore employés d’entreprises doivent se rencontrer, de manière plus ou moins formelle au niveau des théâtres. Tout en respectant le rôle et les convictions de chacun, il s’agit simplement de favoriser la compréhension mutuelle par le dialogue. L’échange d’informations est en effet dans l’intérêt de chacun, que cela concerne la situation sécuritaire ou bien les besoins et projets d’investissements.

Tous les leviers de pénétration du théâtre doivent participer à l’effort de renseignement. Ce travail de compilation et d’analyse des informations relatives au théâtre est indispensable à la conduite des opérations, à la planification des actions futures, mais aussi à la préparation du départ. Les intérêts français, politique comme économique, doivent demeurer durablement ancrés dans les zones de déploiement de nos troupes et notamment après leur départ.

Au final, concevoir une stratégie d’influence consiste donc à articuler pragmatiquement tous les moyens à disposition. Les ACM d’aujourd’hui visent non plus à permettre aux armées de rester sur un territoire mais bien à la France de mettre fin à des situations de guerre sans craindre de participer également à la paix.

Douze propositions pour renforcer nos ACM

Au terme de leurs travaux, les rapporteurs proposent les pistes suivantes pour optimiser notre dispositif ACM :

1. Améliorer la coordination interministérielle, en s’inspirant du modèle de la cellule AFPAK. Les nouveaux engagements majeurs de la France devront être conduits de la sorte, avec une véritable anticipation du volet civil de l’intervention et suivi post-crise dans la durée.

2. Assouplir les modes de financement des ACM par la création d’un fonds spécifique et permanent permettant notamment les contributions extérieures. Un tels fonds permettrait une gestion la plus réactive possible des crédits dévolus aux ACM.

3. Permettre un décaissement des crédits AFD plus adaptés au temps des ACM. L’idéal serait de mettre en place un système d’avance de trésorerie.

4. Compenser l’investissement financier du SSA dans les ACM. Au même titre qu’il existe des lignes spécifiques de financement des ACM, celui de l’aide médicale aux populations doit faire l’objet d’une prise en charge au niveau ministériel, voire interministériel, compte tenu du domaine touché. La mise en place du fonds précité en faciliterait la gestion.

5. Poursuivre la mobilisation de la réserve qui bénéficie aussi bien aux forces armées qu’aux structures d’origine des réservistes.

6. Favoriser l’implantation de nos entreprises sur les théâtres d’opération grâce à un véritable accompagnement et un suivi dans la durée par les experts du GIACM.

7. Améliorer la communication autour de nos ACM, y compris en comptabilisant l’investissement humain qu’elles représentent. Cela traduirait plus fidèlement l’effort réel consenti par les Nation et ses forces armées.

8. Renforcer les activités de coopération internationale du GIACM. Elle diffuse la doctrine française et permet d’entretenir des relais ouverts aux vues françaises parmi les armées amies.

9. Initier la formation aux ACM des forces armées locales, en particulier de l’armée nationale afghane. Cela s’inscrirait dans un schéma dans la perspective de leur passer le relais.

10. Demander une meilleure répartition des charges, financières, matérielles et humaines, lors de la participation de la France à des opérations de l’Union européenne.

11. Favoriser la participation d’experts français aux opérations financés par l’Union ou par d’autres organisations internationales.

12. Impliquer les auditeurs de l’Institut des hautes études de la défense nationale dans la promotion de nos intérêts économiques. Cette proposition est issue des débats ayant suivi la présentation du rapport devant la commission de la défense.

CONCLUSION

Dix années après le rapport publié par Robert Gaïa (27) sur les actions civilo-militaires, les rapporteurs ont souhaité faire le point sur la transformation des ACM conduites par les armées.

Ils ont constaté une professionnalisation de cette activité, que caractérise notamment la création du GIACM. La rencontre de ces personnels, à Lyon où siège le groupement, ainsi que sur les théâtres d’opérations leur a permis de relever leur excellence comme leur motivation exemplaire. En outre, des progrès, notoires mais devant être approfondis, sont intervenus dans la coordination interministérielle, qu’illustre la cellule AFPAK. Il s’agit de réussites qui répondent à des faiblesses identifiées par le rapport Gaïa.

Sur le terrain, les travaux menés par les armées sont généralement de grande qualité. La construction d’école, l’animation d’une radio ou encore le forage de puits permettent de toucher les populations et d’illustrer les bonnes dispositions de la force. Le service de santé des armées joue un rôle clé dans le dispositif : l’aide médicale aux populations concrétise la tradition humaniste de notre pays.

Plusieurs axes de progrès émergent cependant. La coordination interministérielle reste perfectible. Il importe aujourd’hui de tirer les enseignements de la cellule AFPAK en étendant ce mode de fonctionnement aux principaux théâtres sur lesquelles nos armées sont déployées. Il faut pousser davantage cette logique en incluant la promotion de nos intérêts économiques parmi les priorités de l’action interministérielle. En particulier, celle-ci devra concevoir et financer ces actions en tenant le plus grand compte des débouchées qu’elles ouvriraient pour nos entreprises.

Le mode de financement des ACM pourrait être amélioré par la création d’un fonds permettant de recueillir toutes les contributions possibles, y compris venant de collectivités, de fondations, d’États partenaires ou encore de donateurs privés. À cet égard, les rapporteurs étudieront avec intérêt les conclusions du rapport que la Cour des comptes devrait bientôt publier sur ce sujet.

Enfin, les ACM sont également un champ privilégié de valorisation de la réserve. Sous réserve d’une motivation réelle des différents acteurs, elle permet un enrichissement croisé des armées et des entreprises.

D’une façon générale, l’évolution des conflits moderne semble donner raison à l’armée française qui a su conserver son aptitude à administrer, à soigner et à développer. À l’heure où nos alliés prennent pleinement conscience de l’intérêt des ACM, il importe de transformer cet outil remarquable en un véritable levier d’influence pour la France. La bonne articulation des ACM est un défi qui concerne l’ensemble de la communauté nationale.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur les actions civilo-militaires au cours de sa réunion du mardi 12 juillet 2011.

Un débat suit l’exposé des rapporteurs.

M. Michel Grall. Il faut distinguer les actions civilo-militaires selon qu’elles interviennent suite à une catastrophe naturelle, dans le cadre d’un conflit national – et, dans ce cas, nous ne sommes pas concernés – ou dans le cadre d’un conflit international. Existe-t-il une définition de la doctrine française en matière d’actions civilo-militaires ? En effet, il faut pouvoir gérer les relations avec de nombreux financeurs. Par ailleurs, est-ce que la France définit des zones où l’investissement doit être prioritaire ?

M. Philippe Folliot, rapporteur. La France a élaboré une doctrine en matière d’actions civilo-militaires, qui est définie dans l’instruction du 3 mars 2005 intitulée « concept et doctrine interarmées de la coopération civilo-militare ». Les choses ont grandement évolué avec notre engagement en Afghanistan, notamment après 2008. Lors d’un déplacement de la commission de la défense avec le président Guy Teissier, nous y avions constaté que les actions civilo-militaires étaient trop diffuses. Depuis 2008, la France a la responsabilité d’une zone déterminée en Kapisa et en Surobi, ce qui a nécessité un redéploiement des actions civilo-militaires sur cette zone. Les moyens manquaient au début, ce qui explique en partie pourquoi des collectivités territoriales comme Castres se sont impliquées. Avec la mise en place de l’AFPAK, les financements ont connu une sensible augmentation et les objectifs ont été revus de manière ambitieuse.

Je voudrais ici souligner l’action remarquable de l’ONG « AF développement », dont le directeur Yves Faivre apporte beaucoup par son rôle d’interface entre la population civile et les forces militaires.

Le rôle du service de santé des armées est également crucial. Au cours de ma visite à l’hôpital Rôle 3 de Kaboul, dont le personnel est essentiellement composé de membres du service de santé des armées français, j’ai rencontré des patients qui ont exprimé une grande reconnaissance envers la France.

Par ailleurs, des membres du 8e RPIMA m’ont indiqué que des renseignements leur permettant par exemple d’éviter des engins explosifs improvisés étaient parfois fournis par des personnes dont un membre de leur entourage avait bénéficié de l’AMP. Certes, il arrive que des personnes soignées dans le cadre de l’AMP appartiennent au camp d’en face, mais il s’agit d’une minorité.

M. Guy Chambefort, rapporteur. Notre rapport donne une définition de l’action civilo-militaire. Il s’agit de la « fonction opérationnelle destinée à améliorer l’intégration de la force dans son environnement humain afin de faciliter l’accomplissement de sa mission, le rétablissement d’une situation sécuritaire normale et la gestion de la crise par les autorités civiles (administration, action humanitaire, reprise économique…) ».

Par ailleurs, je tiens à souligner que la France a davantage défini l’approche globale que l’Union européenne.

Mme Françoise Hostalier. Chaque théâtre est différent. S’il est relativement aisé de mettre en œuvre des actions civilo-militaires au Tchad, il n’en va pas de même en Afghanistan. Je souhaiterais connaître votre avis sur le lien entre les ACM, les ONG et les actions purement civiles. Il n’est en effet pas évident pour les ONG de se présenter sur un théâtre d’opérations aux côtés des militaires. Par ailleurs, comment arrive-t-on à transférer la direction des affaires aux civils après l’intervention ?

Enfin, je tiens à souligner le manque de coordination des actions françaises. La France n’a pas de représentant qui aurait pour tâche de définir et de défendre ses intérêts dans ce domaine. Elle ne tire donc qu’un faible bénéfice de ses actions.

M. Philippe Folliot, rapporteur. Les actions civilo-militaires pouvaient avoir des effets pervers. Par exemple, au Tchad, les personnes déplacées qui sont installées dans des camps bénéficient d’une sécurité, d’un accès à l’eau, à la nourriture, à l’éducation, dont ne jouit pas le reste de la population. Aujourd’hui, la situation s’est stabilisée au Darfour mais les populations viennent s’installer de manière durable dans les camps.

En Afghanistan, les États-Unis déversent des flux financiers importants à certains endroits, ce qui déstabilise la société afghane traditionnelle.

Certaines ONG souhaitent que ce qui relève du domaine militaire soit clairement séparé de ce qui relève du domaine civil. Il existe trois phases distinctes dans le temps. La première relève du militaire. La seconde voit se conjuguer actions civiles et militaires. La troisième correspond à la sortie de crise, au cours de laquelle des aides à la reconstruction de l’État sont apportées. Chacun trouve sa place dans cette évolution, mais à des moments différents. Certaines ONG participent à la deuxième et à la troisième phase, d’autres uniquement à la troisième. Mais, même chez celles-ci, on constate un grand respect pour les actions que mènent les militaires. L’opposition entre ces deux mondes n’est pas aussi forte que ce que l’on aurait pu imaginer.

M. Guy Chambefort, rapporteur. Aucune situation n’est comparable à une autre. Cependant, depuis le rapport de Robert Gaïa, la coordination entre les acteurs a progressé, notamment entre le ministère des affaires étrangères et celui de la défense. L’agencement des actions françaises avec celles d’autres États peut poser problème. En Haïti, l’Union européenne a apporté une aide financière importante mais son image n’a pas bénéficié de l’intervention, passée largement inaperçue.

M. Patrick Beaudouin. Je crois que le rapport de nos collègues apporte des éclairages précieux et propose des pistes d’amélioration utiles pour pallier les carences actuelles. Vous avez évoqué la faiblesse de la coordination interministérielle ; le préfet Dussourd a pourtant été chargé d’une mission sur le renforcement de la politique française en matière d’actions civilo-militaires. Avez-vous travaillé avec lui ou eu des échanges avec son équipe ?

En ce qui concerne les différentes phases d’intervention, je suis frappé par la faible présence des entreprises françaises lors des sorties de crise. C’est sans doute une culture à développer avec le soutien actif des organisations professionnelles. Lors du débat sur la proposition de loi relative aux réserves que nous avons adoptée hier, nous avons évoqué la création d’un label « défense ». Ne pourrait-il pas s’insérer dans une démarche plus globale pour renforcer notre action dans ce domaine ?

M. Guy Chambefort, rapporteur. Nous avons effectivement eu des échanges avec les collaborateurs du préfet Dussourd. Comme je l’indiquais, la mission qui lui a été confiée montre que des progrès ont été accomplis sur ce dossier.

M. Philippe Folliot, rapporteur. Nous avons écrit au MEDEF pour évoquer les actions civilo-militaires. Malgré nos relances, nos demandes sont restées sans réponse, ce qui marque un certain désintérêt pour le sujet. Je suis frappé de constater que nos forces assurent la partie la plus difficile et que ce sont des entreprises d’autres pays qui en tirent ensuite les bénéfices. Une fois la zone pacifiée, ce sont elles qui signent les contrats.

La réserve peut certainement être un levier d’influence et d’action. Les réservistes qui ont travaillé, en tant que militaires, avec les populations locales peuvent plus facilement revenir quelques mois après en tant que civils pour proposer des contrats. Le contact ayant été noué très tôt, les relations commerciales ultérieures s’en trouvent facilitées. La plupart de nos partenaires appliquent cette politique, pourquoi ne le ferions-nous pas ?

Je crois qu’il faut analyser les théâtres séparément pour tenir compte de leurs spécificités. Pour l’Afghanistan, je suis inquiet des conditions de déroulement de la reconstruction. Il y a par exemple un risque fort que des entreprises chinoises s’accaparent les ressources minières du pays alors même que ce pays ne participe à la coalition. La France a pourtant des atouts majeurs sur ce théâtre. Je pense notamment au lycée français, au domaine archéologique, au centre culturel de Kaboul ou à l’hôpital mère-enfant. Nous devons capitaliser sur ces secteurs où notre savoir-faire est identifié et reconnu. De surcroît, il s’agit d’activités qui intéressent directement les futurs expatriés.

Mme François Hostalier. C’est d’autant plus important qu’il s’agit des fondamentaux de la société.

M. Philippe Folliot, rapporteur. Les opportunités existent mais souffrent d’un déficit culturel pour aboutir.

Au Kosovo, tous les opérateurs européens de téléphonie mobile sont présents, à l’exception des Français. Je ne comprends pas que nous soyons absents alors même que nous assurions la sécurisation de la zone de Mitrovica, particulièrement dangereuse. Nos groupes préfèrent racheter, parfois fort cher, des filiales dans des pays stabilisés plutôt que d’investir dans des pays en sortie de crise à croissance forte. Cette position est très dommageable et je la regrette beaucoup.

M. Jean-Claude Viollet. Je constate malheureusement que le thème des actions civilo-militaires revient régulièrement dans nos débats sans que j’observe de réel progrès sur le volet promotion de nos intérêts économiques. Nous faisons toujours le même constat : nous nous investissons militairement mais sur le plan économique, nous ne retirons jamais les dividendes de notre action, contrairement à nos partenaires. Nous avons raté des opportunités au Kosovo et en Afghanistan. Il en sera certainement de même en Libye. Il ne s’agit pas d’un modèle anglo-saxon puisque les Allemands sont très présents économiquement même si leurs forces n’interviennent pas. Nous disposons pourtant des organisations adéquates, à commencer par les groupements professionnels ou les chambres de commerce et d’industrie : elles sont parfaitement armées pour promouvoir nos intérêts économiques. Pourquoi avons-nous si peur du risque, contrairement à nos partenaires ? Nous ne pouvons pas continuer sur cette voie. Il faut une impulsion politique forte pour changer de cap !

Nos compétences sont mondialement reconnues dans le domaine de l’eau, de la gestion des déchets… Mais nos entreprises ne sont pas présentes sur ces nouveaux marchés. Le rapporteur évoquait les domaines sociaux et culturels : il est crucial que nous soyons présents sur ces secteurs car ils constituent un préalable indispensable à une coopération future. Sans eux, nous nous fermons définitivement des portes. À Djibouti, le maintien de l’hôpital Bouffard contribue par exemple au rayonnement de la France mais aussi à l’exportation d’un certain modèle de santé. Il participe directement à la valorisation et la défense de nos intérêts dans la zone.

Le rapport de nos collègues est très positif et marque une nouvelle étape dans la prise de conscience. Je regrette simplement que depuis 15 ans nous n’ayons pas mieux travaillé sur ce thème quand tous nos partenaires progressaient. L’Union européenne elle-même a avancé, même si elle ne retire pas toujours le bénéfice de ses efforts.

Nos opérations extérieures sont financées pour partie grâce à la réserve interministérielle de précaution. Il me semblerait logique que l’activité économique permise par notre engagement militaire contribue à renflouer cette ligne budgétaire. Ce serait une sorte de retour sur investissement parfaitement compréhensible.

Nous pouvons progresser facilement dans ce domaine sans renier nos valeurs ni nos modes d’action militaires ou économiques. Quoi qu’il en soit, nous devons rapidement changer la donne actuelle.

M. Philippe Folliot, rapporteur. Nous ne pouvons que partager votre analyse. Je crois que le rapport constituera une nouvelle étape, même si je doute qu’il suffise à impulser une nouvelle politique. En revanche, il serait inacceptable que les opérateurs privés viennent se plaindre de la faiblesse de l’action de la France alors qu’ils n’ont qu’à agir et à se saisir des outils existants.

M. Yves Fromion. L’institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) accueille chaque année des chefs d’entreprise et des responsables économiques. Ne pourraient-ils pas servir de relais ? Sans leur imposer un retour sur investissement, il me semblerait normal qu’en échange de cette formation, ils s’engagent à promouvoir les intérêts économiques de la France, notamment dans les pays en sortie de crise.

M. Guy Chambefort, rapporteur. Je souscris à votre proposition mais cela me semble difficile à imposer. Je crois hélas que le problème n’est pas spécifique aux ACM : les entreprises françaises sont culturellement frileuses. Dans le rapport, nous proposons de faciliter l’emploi de cadres dans les réserves ; encore faut-il que l’entreprise accepte de les libérer. Le problème est bien culturel : nos entreprises ont une vision de court terme et je crois qu’elles ne veulent pas s’impliquer dans ce dossier, quand bien même elles en auraient les moyens.

M. Patrick Beaudouin. Je propose que votre rapport d’information serve de base à un colloque que nous pourrions organiser à l’Assemblée nationale. Nous pourrions y associer l’IHEDN et inviter les grandes fédérations professionnelles.

M. Michel Voisin. Il me semble qu’il faut être plus large dans l’utilisation des réserves : nombre d’artisans ou de commerçants peuvent apporter un savoir-faire précieux à l’image d’un spécialiste de la climatisation qui est intervenu très régulièrement sur des théâtres d’opérations pour assurer le soutien logistique de toute la climatisation.

Les entreprises sont souvent intéressées par l’activité d’influence que représentent les réserves mais beaucoup moins par l’aspect opérationnel. Une PME ne peut absolument pas se passer d’un de ses cadres pendant quatre à cinq semaines, sauf à désorganiser complètement ses structures. Seule la gendarmerie parvient à mobiliser des réservistes de tous horizons grâce aux activités locales qu’elle propose. Pour le reste, seuls des réservistes exerçant des professions libérales peuvent se libérer suffisamment longtemps. Si nous voulons nous appuyer sur la réserve, il va falloir trouver des éléments incitatifs nouveaux, faute de quoi la ressource va se tarir.

M. Philippe Folliot, rapporteur. Je souscris à la proposition de notre collègue Patrick Beaudouin. L’organisation d’un colloque permettrait certainement de faire avancer le dossier.

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La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport de la mission d’information en vue de sa publication.

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ANNEXES

AUDITIONS

Ministère de la défense :

o Amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées

o Médecin général Gérard Nedellec, directeur du service de santé des armées

o Général Bertrand Clément-Bollée, général de division, sous-chef d’état-major emploi soutien, état-major de l’armée de terre

o Général de division Didier Castres, chef du centre de planification et de conduite des opérations, état-major des armées

o Commandant Franck Piffer, chef de la cellule ACM du chef du centre de planification et de conduite des opérations, état-major des armées

o M. Jean-Marie Magnien, conseiller diplomatique du chef d’état-major des armées

o Capitaine de vaisseau Christophe Suard, sous-directeur expérimentations du Centre Interarmées de Concepts, de Doctrines et d’Expérimentations

Ministère des affaires étrangères et européennes :

o Mme Véronique Bujon-Barre, directrice générale des affaires politiques

o Mme Laurence Païs, directrice de la coopération de sécurité et de défense

o Mme Jasmine Zerinini, directrice de la cellule Afghanistan/Pakistan

o Mme Dara Sin, centre de crise, coordination de la Task force de gestion de crise

o M. Marc Giacomini, direction des Nations Unies, des organisations internationales, des droits de l’homme et de la francophonie

o Mme Muriel Domenach, direction des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement)

o Mme Pauline Carmona, direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats

Tour de table avec des ONG participant ou refusant de participer à des ACM :

o M. Pierre Lafrance, ambassadeur de France, président de Madera

o M. David Crépy, membre du conseil d’administration de Scouts et guides de France, accompagné de M. Frédéric Amiel, chargé de mission

o M. Thomas Gonnet, directeur des opérations d’Action contre la faim, accompagné de M. Frédéric Bardou, responsable sécurité

o M. Hervé Gouyet, Electriciens sans frontières

o M. Etienne Gille, président de l’Afrane, amitié franco-afghane

o Mme Laurence Ravinet, responsable administrative et financière et coordinatrice de projets pour SOS Enfants sans frontières

o M. Rachid Lahlou, président du Secours islamique de France, accompagné de Mme Anne Henry

DÉPLACEMENTS

Les rapporteurs tiennent également à remercier les services du MAEE ainsi que de la direction du renseignement militaire pour avoir faciliter leurs déplacements à l’étranger et fourni de précieuses informations sur les pratiques des autres pays.

Déplacement de M. Philippe Folliot en Afghanistan :

1. Personnalités militaires :

o Général de corps d’armée Fugier, chef d’état-major de la FIAS

o Général de brigade Jean François Hogard, Commandant de la Task Force Lafayette

o Colonel Moores, commandant des éléments français de l’opération Pamir

o Le chef de corps du GTIA Allobroges et deux officiers originaires du Tarn

o Capitaine de vaisseau Galliou, chef de la cellule développement économique/agriculture, au sein du PC de la FIAS

o Lieutenant Colonel Constantin, accompagnateur pour la durée du déplacement

o Lieutenant-colonel Herbe, officier CIMIC OMLT

2. Personnalités civiles :

o M. Frédéric Journès, premier conseiller et chargé de mission de l’ambassade de France

o M. Larrieu, conseiller en coopération et action culturelle auprès de l’Ambassade

o M. Pierre Seillan, chef du pôle de stabilité, rattaché à la Task Force Lafayette

o M. le gouverneur et le chef de la police de Mollah Bachro

o M. le directeur de l’hôpital militaire KAIA

o M. Gricourt, chef de la cellule gouvernance/gouvernance locale, au sein du PC de la FIAS

o M. Philippe Marquis, directeur de la Délégation Archéologique Française en Afghanistan

o M. Yves Faivre, directeur de l’association AF développement

o M. Noël Monceaux, entrepreneur civil, chantier d’adduction d’eau

Déplacement au Tchad :

1. Personnalités militaires :

o Colonel Bruno Maigret, COMELEF EPERVIER

o Colonel Ange-Antoine Leccia, attaché de défense au Tchad

o Médecin-chef Song Yang-Crosson, coopérant militaire de l’hôpital militaire d’instruction de l’armée nationale tchadienne

o Commandant Jean-Christian Duquesnoy, coopérant militaire, chef de projet reconversion (centre militaire d’instruction agricole de Koundoul)

o Capitaine Thomas Tesfourneaux et caporal-chef José Perez, responsables ACM à Abéché

o Responsables du foyer du combattant

2. Personnalités civiles :

o M. Bruno Foucher, ambassadeur de France au Tchad

o M. Julien Cats, deuxième conseiller à l’Ambassade

o Mme Rima Salah, représentante spéciale adjointe du Secrétaire général des Nations Unies

o M. Ahmat Dari, Gouverneur d’Abéché

o M. Pierre-Claver Nzeyimana, chef de l’unité justice de la MINURCAT ;

o Mme Noelia Cornejo, chef de l’unité de déminage de la MINURCAT

o M. Innocent Zahinda, chef de l’unité droits de l’Homme de la MINURCAT

o M. Jean-Marie Haye, directeur du centre culturel français (CCF)

o M. Erwan Rumen, officier de sécurité du programme alimentaire mondial

o Mlle Ketsia Bonnaz, directrice de l’orphelinat Béthanie à N’Djamena

Déplacement de M. Guy Chambefort à Bruxelles :

Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

o M. Guillaume de la Brosse, conseiller

o Général Ton Van Osch, directeur général de l’état-major de l’Union européenne

o M. Daniel O’Sullivan, directeur général administratif du Service européen d’action extérieure

o M. Miozzo, coordinateur de l’Union européenne pour la réponse aux catastrophes

o Mme Claude-France Arnould, directrice de l’Agence européenne de défense

o M. Jean-Louis Falconi, Ambassadeur, représentant au Comité Politique et de Sécurité

OTAN

o M. Martin Howard, secrétaire général adjoint pour les opérations

o Mme Mariot Leslie, Ambassadeur, représentant permanent du Royaume-Uni

o Mme Pascale Andréani, Ambassadeur, représentant permanent de la France

o M. Marc Abensour, représentant permanent adjoint de la France

o M. Florian Escudié, conseiller opérations

Déplacement au GIACM à Lyon :

o M. le colonel Thomas Toussaint, commandant le GIACM

o Le personnel du GIACM

LE GROUPEMENT INTERARMEES «ACTIONS CIVILO-MILITAIRES »

1. Présentation du GIACM

Créé le 1er juillet 2001, le groupement interarmées «actions civilo-militaires » (GIACM), a été déclaré opérationnel le 26 février 2004. Organisme à vocation interarmées, il relève :

- du chef d’état-major des armées, dans le domaine de l’emploi ;

- du chef d’état-major de l’armée de terre, dans le domaine organique.

La vocation fondamentale du GIACM est de conférer aux forces armées la double capacité d’armement et d’expertise à tout ce qui concourt à la préparation, à la planification et à la mise en œuvre de la coopération civilo-militaire. A ce titre :

- il est l’outil d’expertise et de mise en œuvre de la CIMIC en interarmées ;

- il participe à la formation CIMIC en national et international, ainsi qu’à l’entraînement opérationnel des unités ;

- il contribue au retour d’expérience et au suivi des ressources CIMIC.

En droits ouverts, il dispose de 542 personnes en provenance des différentes armées réparties ainsi :

- un noyau permanent d’active : 96 ;

- un complément opérationnel d’active : 96 ;

- un complément de réserve : 350.

Cadre général

Missions prioritaires

La décision n° 1240/DEF/EMA/EMP.4 du 1er juin 2001 énumère les missions dévolues au GIACM. Trois d’entre elles revêtent une importance particulière, car elles définissent l’emploi opérationnel du groupement. Elles consistent à :

- constituer, renforcer et mettre en œuvre, au sein des états-majors de planification et de conduite, et des unités projetées, les dispositifs CIMIC de circonstance décidés par ÎTEMA ;

- participer à l’expertise de théâtre ;

- fournir aux armées un appui en matière de formation CIMIC.

Mission complémentaire

La préparation à l’engagement conditionne l’efficacité opérationnelle du groupement et mérite à ce titre un effort particulier. Elle porte sur la mise en condition opérationnelle, individuelle et collective, ainsi que sur l’entraînement du personnel.

Missions secondaires

Ces missions ont pour but de maintenir la parfaite adéquation entre le besoin des forces projetées et la doctrine d’emploi des forces en ce qui concerne la coopération civilo-militaire. Elles sont assurées dans la mesure des moyens laissés disponibles par les missions prioritaires précédentes et consistent à :

- participer à l’entraînement et à l’animation de la chaîne CIMIC dans les exercices ;

- contribuer au processus du retour d’expérience pour améliorer la préparation et la mise en œuvre de la fonction opérationnelle CIMIC ;

- fournir une expertise facilitant, au niveau des forces armées, le suivi et la conservation de la ressource en personnel militaire expérimenté dans la fonction CIMIC, d’active et de réserve.

Structure du GIACM Organigramme

Composition

Le GIACM comprend quatre ensembles :

- le détachement «état-major » rassemble les fonctions d’administration et de soutien d’une unité opérationnelle et un bureau «opérations et instruction » ;

- le détachement de mise en œuvre «ACM 1 » dispose, outre les éléments de commandement, d’une cellule d’expertise spécifique (analyse et synthèse, droit international, finances, ...) et de deux sections de mise en œuvre projetables indépendamment, en moins de quatre jours ;

- le détachement de mise en œuvre «ACM 2 », similaire en fonction et structure à l’ACM 1, est constitué principalement à partir d’un complément d’active et d’un complément de réserve, il peut être projeté sur un théâtre majeur en 45 jours ;

- le vivier d’experts et de spécialistes constitue le dernier ensemble, à partir des armées, de la réserve et du monde civil (article 9 de la loi sur la réserve), il peut couvrir un large besoin en expertises.

2. Origine par arme des personnels du GIACM

Participation des armées et services aux effectifs du giacm (1)

(1) 10 % de femmes.

Source : GIACM

3. Carte des déploiements du GIACM

Déploiements du giacm en 2011

Source : GIACM.

CARTE DES IMPLANTATIONS DU SSA


EXTRAITS DU RAPPORT N° 3167 DE M. ROBERT GAÏA : PRÉCONISATIONS

En 2000, devant le peu de retombées obtenues en Bosnie-Herzégovine et les difficultés organisationnelles rencontrées au Kosovo, la Mission interministérielle pour l’Europe du Sud-est (MIESE) conduite par Roger Fauroux a proposé de réformer la gestion civile des crises de notre pays. A l’exception du ministère de la Défense, du cabinet du ministre des Affaires étrangères et du Secrétariat général pour la défense nationale (SGDN) favorables à ce projet, les administrations en ont bloqué la mise en œuvre. Le ministère qui s’y est le plus opposé est celui qui n’est pas présent sur le terrain : le ministère de l’Économie et des finances. Mais l’administration du ministère des Affaires étrangères ne semble pas s’être suffisamment investie alors que la gestion des crises devrait en toute logique être une de ses priorités.

S’appuyant sur certaines mesures préconisées par Roger Fauroux mais en allant au-delà, votre rapporteur propose de réformer en profondeur la stratégie de notre pays en matière de gestion civile des crises et de rendre plus efficaces les outils dont il dispose.

Les dix mesures que je propose sont destinées d’abord à rendre nos procédures de gestion de crise plus lisibles et plus démocratiques ; pour améliorer l’efficacité de nos actions, je préconise ensuite une réorganisation administrative permettant la mise en place d’une structure de pilotage interministérielle, d’une coordination politique au plus haut niveau et d’une agence opérationnelle ; enfin, je souhaite renforcer le caractère opérationnel de nos actions par l’adoption d’un cadre d’emploi civil qui fait pour l’instant défaut et qui doit contribuer à faire évoluer les mentalités concernant l’action de nos agents à l’étranger.

1. La nécessité démocratique d’identifier en loi de finances initiale les crédits affectés aux actions civilo-militaires

Le respect des procédures démocratiques suppose que le budget que la Nation consent à ses forces armées soit voté a priori par le parlement. Or cette règle est méconnue au moins à deux reprises : pour les opérations extérieures (opex) et pour les actions civilo-militaires qui font traditionnellement l’objet de régularisations en loi de finances rectificative. Par ailleurs, les crédits consacrés aux ACM ne sont pas regroupés en un article budgétaire clairement identifiable mais sont disséminés et, comme pour les opex, proviennent de fonds originellement affectés sur d’autres chapitres.

Par une observation adoptée à l’unanimité à l’occasion de l’examen de la dernière loi de finances rectificative, la Commission de la défense de l’Assemblée nationale a souhaité que les lois de finances initiales intègrent désormais « au titre III du budget du ministère de la défense un chapitre spécialement consacré aux dépenses occasionnées par les opérations extérieures ». En effet, dans la mesure où nos armées sont désormais organisées autour du concept de projection, ne pas prévoir de discussion budgétaire sur leurs opérations extérieures paraît de moins en moins compatible avec les prérogatives du Parlement en matière d’autorisation préalable de la dépense publique. Une difficulté de l’exercice tient certes au caractère imprévisible de certaines opérations. Le calcul des montants moyens consacrés aux opex lors des années précédentes pourrait servir de base de départ, sachant qu’un certain nombre d’opérations (Bosnie-Herzégovine, Kosovo...) sont reconduites d’une année sur l’autre.

Selon les mêmes principes, votre rapporteur considère que les crédits du ministère de la Défense consacrés aux actions menées par les armées au profit des populations civiles devraient être regroupés sur un article budgétaire présenté en loi de finances initiale, les actions les plus importantes devant faire l’objet d’une ligne spécifique. Ainsi discuté et voté par le Parlement, le budget de l’action civile des militaires serait bien mieux connu, trouverait une légitimation encore plus grande et le travail des armées sur le terrain en sortirait renforcé.

Comme pour les opérations extérieures, le budget d’un certain nombre d’actions civilo-militaires serait aisé à déterminer dans la mesure où les ACM accompagnent généralement une présence militaire française inscrite dans la durée, comme c’est le cas pour les pays africains qui accueillent des troupes prépositionnées ou encore pour la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo. Un montant moyen, calculé en fonction des crédits dépensés les années précédentes pourrait être affecté aux ACM impromptues survenant dans le cadre d’une opération extérieure elle aussi décidée dans l’urgence.

La régularisation postérieure de crédits consommés en ACM dans le cadre d’une opération extérieure totalement imprévisible n’est pas choquante alors que la régularisation systématique des crédits consentis de manière régulière aux ACM qui se renouvellent et s’inscrivent dans la durée n’est plus admissible sur le plan des principes démocratiques. Voter les crédits des actions civilo-militaires menées par les militaires est aussi un moyen d’ouvrir un débat parlementaire impliquant les opinions publiques sur le rôle et les missions des armées françaises à l’étranger et de mieux faire connaître l’aspect civil de leur action. Et le récent sondage réalisé par la Commission de la défense à l’initiative de son Président Paul Quilès a montré que nos compatriotes, dans une large proportion, avaient une bonne opinion des armées, approuvaient les engagements extérieurs de la France et souhaitaient renforcer le rôle du Parlement dans ce domaine.

Le Haut Conseil de la Coopération internationale (HCCI) recommande lui aussi de « favoriser l’adhésion de l’opinion publique, d’ores et déjà partie prenante dans le processus de décision en matière de crise ». En plein accord avec l’analyse de votre rapporteur, le HCCI « souligne l’opportunité de voir figurer en loi de finances initiale une enveloppe budgétaire générale consacrée aussi bien à d’éventuelles opérations extérieures qu’à l’assistance d’urgence ».

C’est aussi un moyen de valoriser l’action de notre pays à l’étranger dans la mesure où les lois de finances initiales fait l’objet de plus larges débats que les lois de finances rectificatives.

Au-delà des sommes que les militaires consacrent annuellement aux actions civilo-militaires, je considère essentiel pour une meilleure lecture de l’action de la France que les crédits dégagés par le budget général de l’État pour la gestion civile des crises soient clairement identifiés sur un chapitre budgétaire qui pourrait, par exemple, être inscrit au budget des charges communes. Une telle mesure donnerait un aperçu clair et lisible de l’effort annuellement consenti par le pays dans ce domaine. L’évolution des crises pourrait évidemment amener à modifier en cours d’exercice le montant de ces crédits mais leur présentation en loi de finances initiale aurait l’avantage de leur conférer une légitimité législative indéniable.

2. Développer une structure de pilotage interministérielle

Une structure de pilotage interministérielle reste à mettre en place, afin de coordonner l’action des principaux ministères concernés, à savoir principalement les ministères des Affaires étrangères, de la Défense, des Finances et de l’Intérieur. En effet, la politique extérieure de la France ne peut continuer à se limiter, comme c’est actuellement le cas, à une juxtaposition de décisions et d’actes individuels. Un contrôle politique fort doit être mis en place.

Si le rôle primordial du ministère des Affaires étrangères pour ce qui concerne la conduite de la politique extérieure de la France n’est évidemment remis en cause par personne, un niveau de centralisation interministériel destiné à coordonner l’action des administrations, est devenu indispensable. Reviendrait donc à cette structure la charge de veiller à la coordination horizontale des actions à chaque niveau (terrain, théâtre, national, européen, multilatéral) entre les forces et les intervenants civils publics et privés.

Cette structure aurait en outre pour autre mission l’approbation de programmes d’ensemble, de crédits appropriés, de contrôle... Elle devrait développer une capacité d’alerte, diffuser l’information, décider de la prise en compte ou non d’une crise, du niveau d’engagement du pays, des objectifs à atteindre et de la date de clôture du dossier.

Elle aurait évidemment pour tâche de promouvoir la présence française dans la phase de reconstruction économique et le rétablissement de l’État de droit.

Les moyens nécessaires (en personnels, en communications, en crédits d’urgence ...) doivent pouvoir être mobilisés rapidement et sans justification a priori, dans le cadre d’un programme global validé. La souplesse et l’adaptabilité doivent devenir prioritaires afin d’éviter les mesquineries et contrôles tatillons évoqués plus haut. Le contrôle financier de l’administration reste bien entendu indispensable mais doit être mené par des fonctionnaires ayant eux même une expérience de la gestion de crise.

Conformément aux souhaits de Roger Fauroux et en raison de son rôle de coordination en matière de défense, c’est le Secrétariat général pour la défense nationale (SGDN) qui semble le plus apte, en l’état actuel, à assurer le secrétariat de cette mission de centralisation et de coordination de l’action des différents ministères compétents dans la gestion civile des crises.

Par ailleurs, cette structure interministérielle pourrait associer les laboratoires de recherche et les universités dont certaines multiplient les diplômes qui concernent de près ou de loin les crises internationales sous l’angle politique, humanitaire, juridique... Le même raisonnement s’applique à la réflexion développée par les ONG, voire par les entreprises sur l’intelligence économique et les stratégies à l’international.

3. Instaurer une responsabilité politique au plus haut niveau

La conduite d’une réelle politique interministérielle nécessite une implication politique de haut niveau : la stratégie et les décisions politiques doivent arriver directement de Matignon, en collaboration étroite et directe avec les ministres ou directeurs de cabinet des principaux ministères régaliens concernés (Affaires étrangères, Défense, Finances, Intérieur...).

Un officier ayant l’expérience des Balkans et considéré comme l’un des pères des ACM françaises modernes m’a confié qu’il serait « totalement illusoire de mener des actions civilo-militaires sans disposer d’une cellule interministérielle ayant la caution du chef des armées, située au plus haut niveau du Gouvernement, en liaison avec un système d’intelligence économique ». Les nombreux témoignages que j’ai pu recueillir par ailleurs et les faits que j’ai observés sur le terrain vont dans le même sens. Le président du comité de liaison Défense du Medef insiste lui aussi sur la nécessité de disposer « d’une autorité désignée par le Premier ministre avec un mandat permanent. (...) Avoir un représentant du Premier ministre pour coordonner ce type d’opérations éminemment politiques est une bonne idée, attendue et demandée par tous les opérateurs depuis 1994 ».

C’est pourquoi j’estime nécessaire de confier, auprès du Premier ministre et au plus haut niveau, à une personnalité qui doit avoir une envergure politique suffisante pour être entendue par les directeurs de cabinet des différents ministères concernés, la charge d’orienter et de coordonner les différentes administrations concernées mais aussi d’informer et d’encourager les entrepreneurs qui ne s’investissent, l’expérience l’a prouvé, que lorsqu’un signal politique clair et fort est donné.

Cette fonction doit être remplie par le directeur de cabinet ou le directeur de cabinet adjoint du Premier ministre, chargé de mettre en oeuvre la politique du chef du gouvernement dans ce domaine. A défaut, elle pourrait être confiée à un délégué interministériel chargé de superviser la gestion civile des crises.

4. Mettre en place une agence opérationnelle dotée de moyens financiers

Tous les grands pays présents sur les théâtres d’opérations extérieurs et menant des actions civilo-militaires se sont dotés d’agences gouvernementales jouant à la fois un rôle de banquier mais aussi de structure opérationnelle. L’administration la plus souvent citée et qui semble la plus efficace est le ministère britannique du développement DFID. Mais les agences allemandes (GTZ et THW), américaine (USAID) ou scandinaves (SIDA, DANIDA), pour ne citer que ces quelques pays, donnent aux autorités et ONG de leurs pays respectifs les possibilités de mener à bien les actions souhaitées.

Ces agences, confortablement dotées par leur gouvernement respectifs, jouent un rôle de banquier d’autant plus intéressant qu’elles peuvent recevoir des financements internationaux (ONU, OSCE, UE...) dont ne peuvent juridiquement pas bénéficier les États donateurs. Par ailleurs, leur dotation initiale leur permet de bénéficier plus facilement de financements conjoints, alors qu’une structure non dotée a le plus grand mal à obtenir d’un organisme international un budget permettant de financer la totalité d’une opération.

Représentation schématique
des structures proposées
pour la gestion civile des crises

Premier ministre

graphique

Ministère de l’intérieur

graphique

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur estime indispensable de mettre sur pied un organisme opérationnel inspiré du DFID britannique et doté d’un budget minimal d’environ 200 millions de francs par an.

Par analogie avec ce que font les Britanniques et les Allemands, la mission Fauroux préconisait une dotation équivalente à trois mois de fonctionnement en situation de crise, soit environ 300 millions de francs, ces moyens pouvant être abondés en fonction des marchés obtenus de l’Union européenne, de la Banque mondiale ou de ministères techniques français.

Les microprojets qui sont bien souvent le quotidien des actions civilo-militaires pourraient trouver plus facilement des cofinancements dans la mesure où ils seraient déjà soutenus par une agence nationale reconnue.

Par ailleurs, en recueillant des cofinancements européens ou internationaux pour mener à bien ses actions de développement, cette agence prouverait à bien des administrations qu’une partie des sommes que la France verse à l’Union européenne ou à l’ONU, par exemple, peuvent servir à financer son action internationale.

Cette agence aurait notamment pour mission d’assurer un tuilage et d’organiser une transition entre la phase d’urgence pendant laquelle les forces armées et leurs actions civilo-militaires ont pour mission de sécuriser l’environnement et les phases de reconstruction puis de développement qui doivent s’inscrire dans la durée, sortir de l’actuel bricolage et être confiées à des acteurs civils chargés du développement et de la coopération internationale. Elle pourrait également ouvrir les projets aux collectivités locales dont certaines sont déjà intéressées par l’action humanitaire, la coopération ou la reconstruction.

S’inspirant de ce que font les agences anglo-saxonnes, elle aurait pour mission de sous-traiter certaines opérations aux ONG, de recruter les experts appropriés auprès des entreprises françaises, parmi les juristes, universitaires... et de les gérer. Elle devrait organiser la coordination et l’information des différents acteurs français aussi bien sur le terrain qu’à Paris.

Cette structure permettrait d’obtenir la gestion et donc le financement de programmes de la Banque mondiale et de l’Union européenne (comme le font actuellement le DFID, GTZ, USAID, SIDA...) et de récupérer ainsi une partie des fonds versés de manière multilatérale. Elle favoriserait également l’insertion de Français dans les instances multilatérales, la reconnaissance de l’action de la France qui serait davantage visible sur le terrain et créerait un climat favorable à l’investissement de nos entreprises.

Le Haut conseil à la coopération internationale, le Medef, le ministre de la Défense et le Secrétariat général à la défense nationale se sont prononcés en faveur d’une telle évolution.

Devant les difficultés et les réticences, notamment du ministère de l’Économie et des finances, soulevées par l’idée de créer de toutes pièces une agence, je suggère d’utiliser l’Agence française de développement (AFD) dans le rôle d’outil opérationnel de gestion de crises. L’AFD est une institution financière solide, bénéficiant d’une longue expérience dans le financement de projets dans les pays en développement. Cette activité représente environ 80 % de ses engagements qui sont souvent réalisés en cofinancement avec d’autres bailleurs de fonds. Le cofinancement est pratiqué par de nombreuses agences étrangères car il permet de monter des projets d’envergure en mutualisant les risques.

Une telle réforme sous-entend un certain nombre de changements que l’agence a d’ailleurs commencé à opérer : diversification géographique (mais elle n’est pas encore présente en Bosnie-Herzégovine, par exemple) et abandon d’une politique exclusivement tournée vers les anciens « pays du champ », évolution des statuts qui cantonnent aujourd’hui l’AFD dans un rôle essentiellement d’établissement financier, aspect qui reste nécessaire mais doit être élargi à celui d’outil opérationnel, ce qui suppose également une évolution parallèle des mentalités et des habitudes de travail. Actuellement, l’AFD remplit parfaitement son rôle de banquier et d’institution de recherche de crédits pour cofinancer les projets en matière de développement. Mais une fonction opérationnelle reste à développer.

5. Assouplir l’emploi des instruments de la coopération

Actuellement, la coopération française ne peut utiliser les mêmes outils selon qu’elle travaille dans la Zone de solidarité prioritaire (ZSP) ou en dehors. En particulier, elle ne peut avoir accès au Fonds de solidarité prioritaire (FSP). Son action est donc pénalisée lorsqu’elle travaille hors de cette zone. La première réaction serait d’étendre le périmètre de la zone spéciale de développement à toutes les régions en crise, afin de pouvoir utiliser le FSP plus souplement. C’est d’ailleurs ce qui a été fait pour la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo. Mais ce fonds n’étant pas extensible, cela revient à créer des charges nouvelles et conduit à réduire en contrepartie des actions menées dans des pays où notre coopération est traditionnelle, en particulier en Afrique.

Mais la Coopération ne peut actuellement pas utiliser les outils du Fonds de solidarité prioritaire pour Timor ou la Sierra Leone. Et que ce passerait-il si nous devions intervenir demain dans un pays hors ZSP ? Il s’agit d’une préoccupation qui est également abordée dans les groupes de travail de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel (CNEMA).

C’est pourquoi, en accord avec le ministre délégué à la Coopération et à la francophonie, Charles Josselin, je propose plutôt de rendre possible, en cas de crise grave, l’utilisation des outils habituellement réservés aux pays anciennement dits « du champ » à d’autres qui ne sont pas classés en zone ZSP, pour un temps évidement limité. L’objectif est de faire en sorte que l’utilisation des crédits du FSP ne se fasse pas au détriment des anciens pays du champ, ce qui suppose que le fonds en question soit complété par d’autres crédits.

6. Créer un cadre d’emploi souple pour nos expatriés

L’agence mise sur pied doit fournir un cadre d’emploi souple aux fonctionnaires appelés à servir leur pays à l’étranger dans le cadre de missions relevant de la gestion civile de crises. Les crédits dont elle sera dotée lui permettront de disposer d’un certain nombre de postes d’agents publics prêts à partir à l’étranger avec un préavis des plus brefs. En l’absence de crise, ces postes seraient affectés en surnombre auprès des ministères d’origine mais seraient récupérables à tout moment par l’AFD, en tant que de besoin. Cette disposition pourrait concerner quelques dizaines de postes, au maximum une centaine, répartis dans les ministères dont les experts sont recherchés pour gérer les crises sur le plan civil : justice (magistrats, greffiers), intérieur (policiers, sécurité civile, administrateurs territoriaux...), santé (médecins, directeurs d’hôpitaux...), agriculture, éducation nationale, transport, énergie...

Ces postes seront indépendants d’un fichier d’experts projetables qui pourraient contenir plusieurs centaines de noms de spécialistes, conformément au vivier préconisé par Roger Fauroux.

Ce cadre d’emploi rassemblerait, en quelque sorte, un corps de « réservistes civils » mobilisables en quelques jours en cas de besoin sans qu’il soit nécessaire de passer par les procédures classiques nécessitant appel d’offres et passage en commission mixte paritaire. L’objectif est de créer une sorte de « Samu diplomatique », ce que les anglo-saxons appelleraient une « task force » polyvalente qui pourrait être déployée de manière rapide et coordonnée. Le cabinet du ministre de la Fonction publique mène actuellement une réflexion sur ce sujet.

Obtenir le détachement ou la mise à disposition d’un fonctionnaire par un ministère représente toujours certaines difficultés. Dans la mesure où un contingent déterminé d’agents serait affecté en surnombre dans ce but, les responsables en ressources humaines des différentes administrations n’auraient plus le pouvoir de retarder ou de refuser le départ en mission de ces personnels. De retour de leur mission, les agents retrouveraient une affectation dans leur ministère d’origine sur leur contingent de postes en surnombre.

On objectera que le caractère d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) de l’Agence française de développement est un frein pour les mises à disposition de personnel. Une évolution du statut de l’AFD devra donc intervenir afin de rendre possible ce qui ne l’est pas, éventuellement au travers d’une sous-structure à régime administratif. Pourquoi ce qui est possible avec le DFID ou la GTZ ne le serait pas avec l’AFD ? L’instrument doit être conçu en fonction de la politique que la France entend mener et non l’inverse, ce qui semble plutôt le cas aujourd’hui.

Une telle organisation permettrait par ailleurs à notre pays de mettre à disposition d’organismes internationaux des experts civils issus des ministères compétents ou du secteur privé et de cesser de compter quasi exclusivement sur les réservistes fournis par les armées dont la mission essentielle n’est pas de pallier les carences du secteur civil.

L’agence en charge de la gestion civile des crises et de l’aide au développement serait évidemment tenue de gérer et de « faire vivre » un fichier d’agents publics, mais aussi de civils appartenant au secteur privé, voire encore de jeunes retraités de la même manière que les armées gèrent leurs fichiers de réservistes. La réserve militaire donne à peu près satisfaction ; nous avons également besoin d’une réserve civile.

7. Rendre l’international bénéfique aux carrières des agents publics

Votre rapporteur sait qu’une réflexion a été engagée sur ce sujet au ministère de la Fonction publique. Ce travail doit se poursuivre de manière à rendre les expériences en milieu international bénéfiques aux carrières des agents. Un système de bonification (gains indiciaires, progression d’échelon ?) reste à trouver afin que les agents publics ne soient plus systématiquement pénalisés à leur retour sur le plan de leur carrière comme c’est actuellement le cas.

Poussant plus loin la réflexion, on peut se demander dans quelle mesure un emploi en organisme ou milieu international ne pourrait pas devenir un passage obligé dans une carrière avant d’atteindre les postes à responsabilité, notamment celui de directeur des ressources humaines. Là encore, le ministère de la Défense semble tracer la voie aux civils : désormais, les officiers qui ont les perspectives de carrière les plus prometteuses sont ceux ayant travaillé, d’une part, en interarmées et, d’autre part, en international au sein de l’Otan, de l’OSCE, de l’Union européenne ou dans le cadre de missions onusiennes (SFOR, KFOR...). Pour ceux qui restent dans un cadre strictement français, les perspectives d’avancement se réduisent.

De la même manière, le retour dans leur administration d’origine des expatriés ayant acquis une expérience en milieu international ne doit pas s’organiser en fonction des postes laissés libres par ceux de leurs collègues qui sont restés en France, mais avec le souci de tirer le meilleur profit de leur enrichissement intellectuel.

8. Animer le réseau des Français employés dans des organismes internationaux

Cette proposition s’adresse évidemment davantage au ministère des Affaires étrangères. L’expérience montre que nos compatriotes insérés dans des organismes internationaux sont trop souvent livrés à eux-mêmes. Un recensement, un annuaire, un bulletin de liaison me semblent être des outils minimaux indispensables pour tisser un réseau, pour que nos compatriotes cessent de se considérer oubliés et pour développer, ou au moins conserver, en eux un sentiment de double fidélité, à l’égard de leur employeur mais aussi de la France, comme le font les autres pays.

Votre rapporteur considère qu’il serait nécessaire, afin de les sensibiliser sur l’importance de leur tâche et de leur témoigner le soutien de la Nation qu’ils représentent à l’étranger, de les réunir une fois par an comme cela est déjà le cas pour les ambassadeurs.

9. Valoriser systématiquement l’action de la France

D’une manière générale, l’action menée par nos concitoyens à l’étranger, civils ou militaires, n’est pas suffisamment mise en valeur, surtout en comparaison de la politique d’affichage menée par nos alliés.

Votre rapporteur propose donc la création d’une charte graphique, d’un logo aux couleurs tricolores qui devra être appliqué sur toutes les réalisations civiles ou militaires concourant à la gestion civile des crises et dont l’objet sera de rappeler la contribution humaine et financière de notre nation à la résolution pacifique des crises ou au développement.

10. Encourager la création d’une fondation d’entreprises

Enfin, votre rapporteur ne peut que suggérer, car en ce domaine le pouvoir législatif n’a pas de compétence, aux entreprises de se regrouper et de créer une fondation qui se consacrerait à la coopération et au développement, tout en centralisant les informations relatives à l’activité économique, aux besoins, aux grands programmes d’infrastructures, aux appels d’offres en cours d’élaboration...

Une telle structure fait actuellement défaut à nos entreprises. L’activité internationale du Medef ou de la CGPME est largement insuffisante pour permettre aux sociétés françaises de disposer des informations nécessaires pour investir dans les pays en sortie de crise, alors même que des financements multilatéraux sûrs sont disponibles. La mission Fauroux, vers laquelle le Medef international renvoyait les demandes qu’elle recevait, a pallié en son temps l’indigence des moyens patronaux.

Face à ce manque, certaines parmi les plus grandes entreprises françaises ont créé leur propre fondation. Mais cette possibilité est évidemment fermée aux PME dont les moyens sont par nature limités mais qui ont pourtant leur place dans les pays en sortie de crise et dont on a, malheureusement, pu mesurer l’absence.

L’existence d’une telle fondation permettrait en outre de résoudre les problèmes déontologiques qui se posent aux agents publics dans le cadre de la diffusion de l’information. Il ne s’agirait alors pas d’aider une entreprise plutôt qu’une autre, mais de s’appuyer sur une structure globale, forcément légère, qui aurait ensuite pour mission de transmettre l’information à ses adhérents via des réseaux Internet ou Intranet.

DÉCLARATION DU SOMMET DE BUCAREST

Publiée par les chefs d’État et de gouvernement participant à la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord tenue à Bucarest le 3 avril 2008.

1. Nous, chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Alliance atlantique, nous sommes réunis aujourd’hui pour élargir notre Alliance et renforcer encore notre capacité à faire face aux menaces existantes et émergentes pour la sécurité au XXIe siècle. Nous avons fait le point des progrès importants réalisés ces dernières années dans la transformation de l’OTAN, étant entendu qu’il s’agit là d’un processus qui doit se poursuivre. Conscients que le lien transatlantique conserve toute sa valeur, à l’instar de l’OTAN, qui reste le forum essentiel de consultations sur la sécurité entre l’Europe et l’Amérique du Nord, nous avons réaffirmé notre solidarité, notre cohésion, ainsi que notre attachement à la vision et aux valeurs démocratiques communes énoncées dans le Traité de Washington. Le principe de l’indivisibilité de la sécurité des Alliés est fondamental. Une solide défense collective de la population, du territoire et des forces de nos pays constitue la finalité première de notre Alliance et demeure la tâche la plus importante qui nous incombe en matière de sécurité. Nous réaffirmons notre foi dans les buts et les principes de la Charte des Nations Unies.

2. Aujourd’hui, nous avons décidé d’inviter l’Albanie et la Croatie à engager des pourparlers en vue de leur adhésion à notre Alliance. Nous adressons à ces pays nos félicitations pour ce résultat historique, qui vient couronner des années de travail intense et récompenser l’attachement manifesté à l’égard de notre sécurité commune et des valeurs qui sont celles de tous les pays de l’OTAN. L’adhésion de ces nouveaux membres renforcera la sécurité pour tous dans la zone euro-atlantique et permettra de nous rapprocher de notre objectif d’une Europe entière, libre et en paix.

3. Nous nous réjouissons à la perspective du sommet du 60e anniversaire, en 2009, qui viendra souligner que le lien transatlantique conserve toute son importance. Nous poursuivons la transformation de notre Alliance en admettant de nouveaux membres, en apportant de meilleures réponses aux défis de sécurité, compte tenu des enseignements tirés, en la dotant de capacités plus déployables et en nouant de nouvelles relations avec nos partenaires. Le sommet sera l’occasion de préciser davantage et de renforcer la vision que l’Alliance a de son rôle s’agissant de relever les défis du XXIe siècle, en constante évolution, de maintenir sa capacité à accomplir toute la gamme de ses missions, et d’assurer collectivement la défense de la sécurité dans nos pays tout en contribuant à la stabilité en dehors de nos frontières. En conséquence, nous demandons au Conseil en session permanente d’élaborer, en vue de son adoption à ce sommet, une déclaration sur la sécurité de l’Alliance définissant plus avant le contexte dans lequel s’inscrira cette tâche importante.

4. Nous avons accueilli à Bucarest un certain nombre de nos partenaires, ainsi que M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, et de hauts responsables d’autres organisations internationales. Nombre des défis de sécurité d’aujourd’hui ne sauraient être vaincus par l’OTAN à elle seule. Le meilleur moyen d’y parvenir est de recourir à un vaste partenariat avec la communauté internationale au sens large, dans le cadre d’une approche véritablement globale, dans un même esprit d’ouverture et de coopération, et avec une détermination partagée par tous. Nous sommes résolus à promouvoir ensemble la paix et la stabilité, et à relever les défis mondiaux, qui, de plus en plus, pèsent sur la sécurité de tous nos pays.

5. Le succès de cet effort commun dépend en grande partie de l’engagement de chacun. Nous rendons hommage au professionnalisme et à la bravoure des femmes et des hommes, de pays de l’Alliance et d’autres pays, qui sont plus de soixante mille à participer aux missions et aux opérations de l’OTAN. Nous exprimons notre profonde sympathie aux familles et aux proches de ceux qui ont perdu la vie ou ont été blessés en service. Leur sacrifice ne sera pas vain.

6. La sécurité euro-atlantique et, plus largement, la sécurité internationale sont étroitement liées à l’avenir de l’Afghanistan, qui doit être un État pacifique, démocratique, respectueux des droits de l’homme et libéré de la menace du terrorisme. C’est pourquoi la mission de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), que nous menons sous mandat de l’ONU et à laquelle contribuent actuellement 40 pays, est notre première priorité. Aux côtés des Afghans, nous avons accompli des progrès importants, mais nous sommes conscients que les défis qui subsistent exigent des efforts supplémentaires. Nous ne permettrons pas, et nos partenaires afghans ne permettront pas non plus, que les extrémistes et les terroristes reprennent le contrôle de l’Afghanistan ou s’en servent comme base pour le terrorisme qui menace la population de tous nos pays. Nous allons publier avec nos partenaires de la FIAS, et avec le concours du président Karzaï, une déclaration sur l’Afghanistan. Cette déclaration énonce une vision claire, fondée sur quatre principes : un engagement ferme et commun, qui s’inscrive dans la durée ; le soutien au renforcement du leadership des Afghans et de la prise de responsabilité par ces derniers ; une approche globale de la communauté internationale, conjuguant efforts civils et militaires, ainsi qu’une coopération et un engagement accrus avec les pays voisins de l’Afghanistan, en particulier le Pakistan. Nous nous réjouissons de ce que des Alliés et des partenaires aient annoncé de nouvelles contributions de forces et d’autres formes de soutien, témoignage supplémentaire de notre détermination, et nous espérons que d’autres contributions suivront. Nous nous félicitons par ailleurs de la nomination de M. Kai Eide, représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour l’Afghanistan et chef de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), qui donnera un élan supplémentaire et une plus grande cohérence aux efforts de la communauté internationale. Nous nous félicitons de la tenue prochaine de la Conférence de Paris, qui sera l’occasion de faire le point sur l’avancement des efforts internationaux pour la mise en œuvre du Pacte pour l’Afghanistan, et de les renforcer.

7. Notre engagement en faveur de la sécurité et de la stabilité de toute la région des Balkans reste constant. Nous saluons la rapidité, l’impartialité et l’efficacité de la KFOR face aux actes de violence, et nous déplorons toutes les attaques visant la KFOR, dirigée par l’OTAN sous mandat de l’ONU, et les autres présences internationales au Kosovo. Nous réaffirmons qu’en vertu de la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU et à moins que ce dernier n’en décide autrement, la KFOR restera sur place afin de garantir un environnement sûr et sécurisé, y compris la liberté de mouvement, pour l’ensemble de la population du Kosovo.

8. Au Kosovo, l’OTAN et la KFOR continueront de travailler avec les autorités, et, dans le cadre de son mandat opérationnel, la KFOR coopèrera avec les Nations Unies, l’Union européenne et d’autres acteurs internationaux, lorsqu’il y a lieu, et leur prêtera assistance, pour aider à l’établissement d’un Kosovo stable, démocratique, multiethnique et pacifique. Nous soutenons l’action que mène l’ONU pour faire respecter l’état de droit et appelons toutes les parties à prendre des mesures fermes en vue de prévenir et de condamner les violences au Kosovo. L’OTAN et la KFOR se félicitent de la retenue dont ont fait preuve jusqu’ici les autorités au Kosovo. Nous comptons bien voir se poursuivre la pleine mise en œuvre de leurs engagements à l’égard des normes, en particulier celles qui ont trait à l’état de droit ou qui concernent la protection des minorités et des communautés ethniques ainsi que la protection des sites historiques et religieux, de même qu’en matière de lutte contre la criminalité et la corruption.

9. L’OTAN se tient prête à jouer son rôle dans l’application de futures dispositions de sécurité. Rappelant la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU, nous prenons note de la nécessité de maintenir dans tout le Kosovo des présences internationales dont les efforts contribuent à la liberté de mouvement et à la circulation des personnes et des biens, notamment par la surveillance des frontières. Nous appelons tous les acteurs de la région à travailler de manière constructive et à éviter toute action ou déclaration susceptible de compromettre la sécurité au Kosovo ou ailleurs dans la région. La KFOR continuera de mener un dialogue étroit sur la sécurité avec toutes les parties.

10. L’environnement informationnel d’aujourd’hui, en particulier pour ce qui est de nos opérations en Afghanistan et au Kosovo, met en relief le besoin d’une communication appropriée, souple, précise et menée en temps opportun avec les publics locaux et internationaux s’agissant des politiques de l’OTAN et de son engagement dans des opérations internationales. Nous nous félicitons des progrès accomplis dans le renforcement de la capacité de communication stratégique de l’OTAN, qu’illustre bien le Centre d’opérations médias de réaction rapide. Nous saluons également le lancement, à notre sommet, d’une chaîne de télévision OTAN sur Internet, qui diffusera régulièrement des bulletins d’information ainsi que des reportages vidéo, réalisés notamment dans les différentes régions de l’Afghanistan. Nous soulignons notre détermination à soutenir de nouvelles améliorations dans notre communication stratégique d’ici au sommet de 2009.

11. L’expérience en Afghanistan et dans les Balkans montre que la communauté internationale doit agir en collaboration plus étroite et adopter une approche globale pour affronter avec succès les défis de sécurité d’aujourd’hui et de demain. La mise en œuvre efficace d’une approche globale exige que tous les acteurs importants y coopèrent et y contribuent, de même que les organisations non gouvernementales et les instances locales compétentes. À cette fin, il est essentiel que tous les grands acteurs internationaux agissent de manière coordonnée et fassent usage d’une vaste gamme d’instruments civils et militaires dans un effort concerté qui tienne compte de leurs mandats et de leurs atouts respectifs. Nous avons entériné un plan d’action comprenant une série de propositions pragmatiques pour le développement et la mise en œuvre de la contribution de l’OTAN à une approche globale. Ces propositions ont pour but une application plus cohérente des instruments de gestion des crises propres à l’OTAN et un renforcement de la coopération pratique à tous les niveaux avec d’autres acteurs, chaque fois qu’il y aura lieu, y compris des dispositions concernant le soutien à la stabilisation et à la reconstruction. Ces propositions ont trait à des domaines tels que la planification et la conduite des opérations, la formation et l’entraînement, et le renforcement de la coopération avec des acteurs extérieurs. Nous chargeons le Conseil en session permanente de procéder à la mise en œuvre de ce plan d’action à titre prioritaire et de le garder continuellement à l’examen en tenant compte de tous les développements en la matière ainsi que des enseignements tirés.

12. Nous saluons la coopération établie depuis plus d’une décennie entre l’Organisation des Nations Unies et l’OTAN à l’appui de l’action que mènent les Nations Unies pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Nous avons développé la coopération opérationnelle pour ce qui est du maintien de la paix grâce aux opérations dirigées par l’OTAN sous mandat de l’ONU dans les Balkans et en Afghanistan. Ces expériences partagées ont montré la valeur d’une coordination efficace et rationnelle entre les deux organisations. Une coopération plus poussée contribuera de manière importante à la réponse de la communauté internationale aux menaces et aux défis auxquels elle est appelée à faire face. Comme énoncé dans le Traité de Washington, l’OTAN réaffirme sa foi dans les buts et les principes de la Charte des Nations Unies, y compris l’exercice du droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de cette charte. La responsabilité primordiale du maintien de la paix et de la sécurité internationales appartient au Conseil de sécurité de l’ONU.

13. L’OTAN apporte également sa contribution à l’application par les pays de la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l’ONU et des résolutions connexes dans la lutte contre le terrorisme, et elle œuvre en faveur de la non-prolifération des armes de destruction massive en apportant sa contribution à l’application par les pays de la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l’ONU.

14. Les relations OTAN-UE couvrent un large éventail de questions d’intérêt commun liées à la sécurité, à la défense et à la gestion des crises, dont la lutte contre le terrorisme, le développement de capacités militaires cohérentes se renforçant mutuellement et les plans civils d’urgence. Le succès de notre coopération dans les Balkans occidentaux, y compris dans le cadre de l’opération Althea de l’UE en vertu des arrangements Berlin Plus, contribue à la paix et à la sécurité dans la région. En vertu des valeurs et des intérêts stratégiques qu’elles ont en commun, l’OTAN et l’UE travaillent côte à côte dans le cadre d’opérations majeures de gestion des crises, et elles continueront de le faire. Nous reconnaissons la valeur qu’apporte une défense européenne plus forte et plus performante, offrant des capacités pour relever les défis communs auxquels tant l’OTAN que l’UE sont confrontées. Nous soutenons donc les efforts déployés en ce sens et se renforçant mutuellement. Afin de réussir dans ces entreprises de coopération et dans celles qui suivront, il faudra un engagement accru pour garantir des méthodes de collaboration efficaces. Nous sommes dès lors résolus à apporter des améliorations au partenariat stratégique OTAN-UE, comme convenu par nos deux organisations, à parvenir à une coopération plus étroite et à une efficacité plus grande, et à éviter les doubles emplois inutiles, dans un esprit de transparence et dans le respect de l’autonomie des deux organisations. Plus forte, l’Union européenne contribuera davantage à notre sécurité commune.

15. Nous condamnons avec la plus grande fermeté tous les actes de terrorisme, quelles qu’en soient les motivations ou les manifestations. Nos pays restent déterminés à combattre ce fléau, individuellement et collectivement, aussi longtemps qu’il le faudra, dans le respect du droit international et des principes des Nations Unies. Les terroristes emploient divers types d’armes conventionnelles et de tactiques, y compris des tactiques asymétriques, et ils pourraient chercher à utiliser des armes de destruction massive (ADM) pour menacer la paix et la sécurité internationales. Nous attachons une grande importance à la protection de la population, du territoire, des infrastructures et des forces de nos pays contre les conséquences des attentats terroristes. Nous continuerons à élaborer des politiques de prévention de la prolifération et de contre-prolifération, et à contribuer à de telles politiques, en vue d’empêcher les terroristes de se procurer et d’utiliser des ADM. Nous poursuivrons également nos efforts à l’appui de notre programme de travail visant le développement de moyens évolués pour contribuer à la défense contre les attentats terroristes, notamment en continuant de développer de nouvelles technologies. Nous restons attachés au renforcement de la capacité de l’Alliance à partager les informations et le renseignement sur le terrorisme, en particulier pour les besoins des opérations de l’OTAN. Notre Alliance apporte une dimension transatlantique indispensable à la réponse au terrorisme, et nos pays continueront de contribuer à la pleine application de la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l’ONU et des résolutions connexes, en particulier la résolution 1540, ainsi qu’aux efforts déployés plus largement par la communauté internationale dans ce domaine. Le dialogue et la coopération avec d’autres organisations internationales, lorsqu’il y a lieu, et avec nos partenaires, sont essentiels, et nous nous félicitons des efforts visant à donner un nouvel élan à la mise en œuvre du plan d’action du Partenariat contre le terrorisme. Nous confirmons notre attachement à l’opération Active Endeavour, notre opération maritime en Méditerranée, qui continue d’apporter une contribution importante à la lutte contre le terrorisme.

16. Nous restons profondément préoccupés par les actes de violence et les atrocités qui continuent d’être perpétrés au Darfour, et nous appelons toutes les parties à cesser les hostilités. L’OTAN reste disposée, après avoir mené des consultations avec l’ONU et l’Union africaine (UA) et obtenu leur accord, à soutenir leurs efforts de maintien de la paix dans la région. À la demande de l’Union africaine, l’OTAN a accepté d’apporter son soutien à la mission de l’UA en Somalie, et nous sommes prêts à prendre en considération d’autres demandes de soutien pour cette mission. Nous nous félicitons de voir s’exercer, en illustration de notre approche globale, la coopération directe entre l’OTAN et l’UA, comme en témoignent le soutien apporté jusqu’à récemment à la mission de l’UA au Soudan ainsi que le soutien actuellement fourni à la Force africaine en attente. L’OTAN salue l’opération EUFOR Tchad / République centrafricaine menée par l’Union européenne, ainsi que la contribution de l’UE à la stabilité et à la sécurité dans la région.

17. Nous réaffirmons l’engagement de l’Alliance à apporter son soutien au gouvernement et au peuple iraquiens, et à aider au développement des forces de sécurité iraquiennes. Nous avons répondu positivement à la requête du Premier ministre iraquien, M. al-Maliki, qui souhaitait voir la Mission OTAN de formation - Iraq (NTM-I) prolongée jusqu’à la fin de 2009. En outre, nous envisageons favorablement la demande formulée par le gouvernement iraquien en vue d’un renforcement de la NTM-I dans des domaines tels que l’entraînement des cadres des forces navales et des forces aériennes, la formation de la police, la sécurité des frontières, la lutte contre le terrorisme, la réforme de la défense, l’établissement d’institutions de défense, ainsi que la traçabilité des armes légères et de petit calibre. La NTM-I continue d’apporter une contribution importante aux efforts internationaux visant à former et à équiper les forces de sécurité iraquiennes, et à ce jour, elle a assuré la formation de plus de 10 000 membres de ces forces. En complément de ces efforts, l’OTAN a également approuvé des propositions relatives à un cadre de coopération structuré afin de développer sa relation à long terme avec l’Iraq et de continuer à développer les capacités nécessaires à ce pays pour faire face aux menaces et aux défis communs.

18. Le processus d’élargissement en cours à l’OTAN est une réussite historique, qui a permis de faire avancer la stabilité et la coopération, et de nous rapprocher de notre but commun, d’une Europe entière et libre, unie dans la paix, dans la démocratie et par des valeurs communes. Conformément à l’article 10 du traité de Washington, la porte de l’OTAN restera ouverte aux démocraties européennes désireuses et capables d’assumer les responsabilités et les obligations liées au statut de membre. Nous rappelons que les décisions concernant l’élargissement sont du seul ressort de l’OTAN.

19. L’invitation que nous lançons à l’Albanie et à la Croatie d’engager des pourparlers en vue de leur adhésion à notre Alliance marque le début d’un nouveau chapitre pour les Balkans occidentaux et ouvre la voie à un avenir qui verra la pleine intégration dans les institutions euro-atlantiques d’une région stable, en mesure d’apporter une contribution majeure à la sécurité internationale.

20. Nous reconnaissons le travail important accompli par l’ex-République yougoslave de Macédoine1 et l’engagement dont elle fait preuve à l’égard des valeurs de l’OTAN et des opérations de l’Alliance. Nous saluons les efforts mis en oeuvre par ce pays pour instaurer une société multiethnique. Dans le cadre des Nations Unies, de nombreux acteurs se sont employés activement au règlement de la question du nom, mais l’Alliance a noté avec regret que ces pourparlers n’avaient pas abouti. C’est pourquoi nous sommes convenus qu’une invitation serait faite à l’ex-République yougoslave de Macédoine dès qu’une solution mutuellement acceptable aura été trouvée à la question du nom. Nous souhaitons vivement voir les négociations reprendre sans délai et comptons bien qu’elles seront menées à bonne fin dès que possible.

21. Avec l’adhésion de l’Albanie et de la Croatie, l’Alliance sera mieux à même de faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain. Ces pays ont fait la preuve de leur ferme attachement aux principes fondamentaux énoncés dans le Traité de Washington, ainsi que de leur capacité et de leur volonté de préserver la liberté et nos valeurs communes en contribuant à la défense collective de l’Alliance et à toute la gamme de ses missions.

22. Nous allons engager immédiatement des pourparlers avec ces pays en vue de la signature des protocoles d’accession d’ici à la fin du mois de juillet 2008 et de l’achèvement sans délai du processus de ratification. Durant la période qui précédera leur adhésion, l’OTAN associera à ses activités, dans toute la mesure du possible, les pays invités, et elle continuera de leur fournir soutien et assistance, notamment au travers du plan d’action pour l’adhésion (MAP). Nous attendons avec intérêt les calendriers de réforme des pays invités, qui détermineront les nouveaux progrès à accomplir par ces pays, avant et après l’adhésion, en vue d’accroître leur contribution à l’Alliance.

23. L’OTAN se félicite des aspirations euro-atlantiques de l’Ukraine et de la Géorgie, qui souhaitent adhérer à l’Alliance. Aujourd’hui, nous avons décidé que ces pays deviendraient membres de l’OTAN. Ils ont l’un et l’autre apporté de précieuses contributions aux opérations de l’Alliance. Nous nous félicitons des réformes démocratiques menées en Ukraine et en Géorgie, et nous attendons avec intérêt la tenue, en mai, d’élections législatives libres et régulières en Géorgie. Le MAP représente, pour ces deux pays, la prochaine étape sur la voie qui les mènera directement à l’adhésion. Nous déclarons aujourd’hui que nous soutenons la candidature de ces pays au MAP. Nous allons maintenant entrer dans une période de collaboration intensive avec l’un et l’autre à un niveau politique élevé afin de résoudre les questions en suspens pour ce qui est de leur candidature au MAP. Nous avons demandé aux ministres des Affaires étrangères de faire, à leur réunion de décembre 2008, une première évaluation des progrès accomplis. Les ministres des Affaires étrangères sont habilités à prendre une décision sur la candidature au MAP de l’Ukraine et de la Géorgie.

24. Nous restons attachés à la région stratégiquement importante que sont les Balkans, où l’intégration euro-atlantique, fondée sur les valeurs démocratiques et la coopération régionale, reste nécessaire à l’instauration d’une paix et d’une stabilité durables. Nous nous félicitons des progrès réalisés depuis le sommet de Riga dans le développement de notre coopération avec la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Serbie. Nous encourageons chacun de ces trois pays à mettre pleinement à profit les possibilités qu’offre le Partenariat euro-atlantique en matière de dialogue, de réforme et de coopération, et nous avons chargé le Conseil en session permanente de garder à l’examen le développement des relations avec chacun de ces Partenaires.

25. Nous saluons la décision prise par la Bosnie-Herzégovine et par le Monténégro d’établir avec l’OTAN un plan d’action individuel pour le Partenariat (IPAP). Nous attendons avec intérêt des plans d’action ambitieux et concrets, qui permettront à ces pays de progresser dans leurs aspirations euro-atlantiques, et nous nous engageons à les aider l’un et l’autre dans les efforts de réforme qu’ils mèneront en ce sens. Soucieux d’encourager et de guider la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro dans cette démarche, nous avons décidé de les inviter à entamer un Dialogue intensifié sur toute la gamme des questions politiques, militaires, financières et de sécurité liées à leurs aspirations à l’adhésion, sans préjudice de toute décision que pourrait prendre l’Alliance.

26. Nous nous tenons prêts à développer avec la Serbie une relation à la fois ambitieuse et substantielle, en faisant pleinement usage de son statut de membre du Partenariat pour la paix, en vue de permettre à ce pays de progresser encore sur la voie de l’intégration dans la communauté euro-atlantique. Nous réaffirmons notre volonté d’approfondir notre coopération avec la Serbie, notamment au travers de l’élaboration d’un IPAP, et nous examinerons, à sa demande, la possibilité d’instaurer un Dialogue intensifié.

27. Nous attendons de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine qu’elles coopèrent pleinement avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, et nous suivrons de près les efforts que chacune d’elles déploiera à cet égard.

28. Nous rappelons que le partenariat OTAN-Russie a été conçu comme un élément stratégique pour ce qui est de promouvoir la sécurité dans la région euro-atlantique, sur la base de principes, de valeurs et d’engagements fondamentaux parmi lesquels figurent la démocratie, les libertés civiles et le pluralisme politique. Depuis plus de dix ans que ce partenariat existe, nous avons instauré un dialogue politique et entrepris des projets concrets sur un large éventail de questions de sécurité internationale dans lesquelles nous avons des intérêts et des objectifs communs. Si nous avons des inquiétudes quant aux déclarations et aux actions récentes de la Russie sur de grandes questions de sécurité suscitant de part et d’autre des préoccupations, telles que le Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (FCE), nous nous tenons néanmoins prêts à continuer de travailler avec elle en tant que partenaires égaux dans des domaines d’intérêt commun, comme le prévoient la Déclaration de Rome et l’Acte fondateur. Il nous faut poursuivre nos efforts communs dans les domaines de la lutte contre le terrorisme et de la non-prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. Nous exhortons la Russie à donner suite aux importantes offres de coopération qui lui ont été faites. Nous estimons que les discussions bilatérales États-Unis–Russie portant, entre autres, sur la défense antimissile et les FCE, peuvent apporter une contribution importante dans ce domaine. Nous estimons en outre que le potentiel que renferme le Conseil OTAN-Russie n’est pas pleinement exploité, et nous restons prêts à définir et à mettre à profit les possibilités d’actions conjointes, à 27, tout en rappelant le principe selon lequel l’OTAN et la Russie prennent leurs décisions et agissent de manière indépendante. Nous réaffirmons à la Russie que la politique de la porte ouverte adoptée par l’OTAN et les efforts que cette dernière mène actuellement, de même que ceux qu’elle pourrait mener à l’avenir, en matière de défense antimissile, ont pour but de mieux répondre aux défis de sécurité auxquels nous sommes tous confrontés, et nous rappelons que, loin de faire peser une menace sur notre relation, cette politique et ces efforts offrent des possibilités d’approfondir la coopération et d’accroître la stabilité.

29. Nous prenons note de la ratification par la Russie de la Convention sur le statut des forces applicable au Partenariat pour la paix, et nous espérons qu’elle facilitera la poursuite de la coopération pratique. Nous apprécions que la Russie soit disposée à apporter son soutien à la mission de la FIAS dirigée par l’OTAN en Afghanistan en facilitant le transit par le territoire russe. Nous souhaiterions voir s’approfondir la coopération entre l’OTAN et la Russie à l’appui du gouvernement afghan, et ce avec l’accord de celui-ci, et nous espérons pouvoir mettre à profit le solide travail déjà accompli en matière de formation des officiers chargés de la lutte antidrogue en Afghanistan et en Asie centrale. La collaboration qui se poursuit au titre de notre initiative sur l’espace aérien en coopération et le soutien que la Russie apporte à l’opération Active Endeavour en Méditerranée contribuent à notre lutte commune contre le terrorisme. Nous nous félicitons également de notre coopération pour ce qui est de l’interopérabilité militaire, de la défense contre les missiles de théâtre, de la recherche et du sauvetage en mer, ainsi que des plans civils d’urgence.

30. Nous réaffirmons que la politique d’ouverture de l’OTAN, fondée sur les partenariats, le dialogue et la coopération, est un élément essentiel à la réalisation de l’objectif et des tâches de l’Alliance. Les partenariats de l’Alliance à travers le monde, dont l’utilité ne se dément pas, contribuent à la stabilité et à la sécurité dans la région euro-atlantique et au-delà. Dans cet esprit, nous nous félicitons des progrès accomplis depuis notre dernier sommet, tenu à Riga, s’agissant de renforcer la politique de partenariats et de coopération qui est celle de l’OTAN, et nous réaffirmons notre engagement à entreprendre de nouveaux efforts en ce sens.

31. Nous attachons une grande importance aux contributions que nos partenaires apportent aux missions et aux opérations menées par l’OTAN. Dix-sept pays extérieurs à l’Alliance fournissent des forces pour nos opérations et nos missions, et de nombreux autres pays offrent un soutien sous différentes formes. Nous continuerons de nous employer à favoriser une plus grande interopérabilité entre nos forces et celles des pays partenaires, à accroître encore le partage des informations et les consultations avec les pays contribuant aux opérations dirigées par l’OTAN, ainsi qu’à fournir aux pays partenaires des avis et une assistance concernant les aspects de la réforme liés à la défense et à la sécurité.

32. Nous sommes heureux d’accueillir nos Partenaires euro-atlantiques au sommet de Bucarest et réaffirmons que le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) et le programme du Partenariat pour la paix (PPP) conservent toute leur valeur. Nous restons attachés à ce que ces structures soient le cadre de discussions politiques de fond et d’une coopération efficace. Nous nous félicitons du retour de Malte au sein du PPP, et nous nous réjouissons à la perspective de voir ce pays participer activement au CPEA. Nous sommes satisfaits du renforcement du dialogue politique que permet le Forum du CPEA sur la sécurité. Nous accorderons la priorité à plusieurs nouvelles initiatives concrètes concernant, entre autres, le développement de l’intégrité dans les institutions de défense, ou encore le rôle important des femmes dans le règlement des conflits, tel que le décrit la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU. Nous saluons le travail du Centre euro-atlantique de coordination des réactions en cas de catastrophe, qui, à diverses reprises au cours des dix dernières années, a assuré avec succès la coordination des contributions apportées par les pays de l’OTAN et par les pays partenaires aux opérations de secours en cas de catastrophe. Nous continuerons de faire pleinement usage des fonds d’affectation spéciale OTAN/PPP et de les étendre à d’autres pays partenaires. Nous apprécions et continuerons de soutenir l’engagement de tous les Partenaires intéressés de la zone euro-atlantique dans des programmes destinés à appuyer les réformes dans le domaine de la défense et dans des domaines plus larges, y compris le plan d’action individuel pour le Partenariat. Rappelant la décision prise au sommet d’Istanbul, nous sommes résolus à collaborer avec nos Partenaires des régions stratégiquement importantes que sont le Caucase et l’Asie centrale, notamment en renforçant les arrangements de liaison dans ces régions, et nous poursuivrons le dialogue sur l’Afghanistan avec nos Partenaires d’Asie centrale. Nous apprécions les contributions importantes fournies par nos Partenaires du CPEA aux opérations de l’Alliance, et nous nous réjouissons à la perspective de travailler avec ces pays afin de relever les défis de sécurité du XXIe siècle.

33. Nous prenons note avec satisfaction des progrès importants accomplis dans le cadre du Dialogue méditerranéen depuis les sommets d’Istanbul et de Riga. Les consultations politiques avec nos partenaires du Dialogue méditerranéen ont gagné à la fois en fréquence et en substance, et la réunion qu’ont tenue en décembre dernier les ministres des Affaires étrangères de nos pays et des sept pays du Dialogue méditerranéen a contribué à l’approfondissement de notre partenariat. Nous comptons donc poursuivre dans cette voie par le renforcement, sur base volontaire, de nos arrangements de liaison avec les pays de la région. Notre coopération pratique s’est développée dans plusieurs domaines, et de nouvelles possibilités ont été créées, notamment en matière de formation et d’entraînement. Nous nous félicitons des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’initiative OTAN de coopération en matière de formation, dans un esprit de coappropriation et dans la perspective du lancement du cours OTAN de coopération régionale au Collège de défense de l’OTAN, où deux cours pilotes se sont déroulés avec succès. Nous engageons nos partenaires du Dialogue méditerranéen à collaborer avec nous en vue de développer encore cette initiative. L’adoption de programmes de coopération individuels avec l’Égypte et Israël contribuera à l’établissement d’une coopération durable, structurée et efficace avec ces pays. Nous encourageons nos autres partenaires du Dialogue méditerranéen à élaborer à leur tour, dans un avenir proche, un programme de coopération individuel. Nous nous réjouissons de la mise en œuvre du tout premier projet mené au titre d’un fonds d’affectation spéciale dans le cadre du Dialogue méditerranéen, projet destiné à aider la Jordanie à procéder à la neutralisation des explosifs et des munitions, ainsi que du lancement de l’étude de faisabilité d’un fonds d’affectation spéciale visant à aider la Mauritanie dans la neutralisation des munitions. Nous remercions nos partenaires du Dialogue méditerranéen pour les diverses contributions qu’ils apportent à nos opérations et à nos missions.

34. Nous nous réjouissons de la suite donnée par quatre pays de la région du Golfe à l’offre de coopération que nous avons faite dans le cadre de l’Initiative de coopération d’Istanbul (ICI), et nous encourageons les autres pays de la région à saisir cette offre. À cette fin, nous prévoyons le développement, sur base volontaire, de nos arrangements de liaison avec les pays de la région. Nous sommes satisfaits de voir ces pays manifester un intérêt accru pour les activités de formation et d’entraînement de l’OTAN et y participer davantage, et nous sommes prêts à renforcer notre coopération dans ce domaine comme dans d’autres. Nous nous félicitons des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’initiative OTAN de coopération en matière de formation, dans un esprit de coappropriation et dans la perspective du lancement du cours OTAN de coopération régionale au Collège de défense de l’OTAN, où deux cours pilotes se sont déroulés avec succès. Nous engageons nos partenaires de l’ICI à collaborer avec nous en vue de développer encore cette initiative. Nous les encourageons à établir un programme de coopération individuel en vue de mieux structurer notre coopération. Nous apprécions vivement le soutien apporté par nos partenaires de l’ICI aux opérations et aux missions que mène l’Alliance.

35. L’Alliance attache un grand prix aux relations diverses qu’elle développe avec d’autres partenaires dans le monde. Les objectifs que nous poursuivons dans ces relations sont notamment le soutien des opérations, la coopération en matière de sécurité, et le rapprochement des positions au service d’intérêts de sécurité et de valeurs démocratiques partagés. Nous avons accompli des progrès substantiels dans l’instauration d’un dialogue politique et dans l’établissement de paquets individuels et adaptés d’activités en coopération avec un certain nombre de ces pays. Nous nous réjouissons en particulier de la contribution importante qu’apportent l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et Singapour aux efforts menés sous la direction de l’OTAN en Afghanistan. Nous nous réjouissons également des contributions appréciables de la République de Corée aux efforts de soutien de la mission dirigée par l’OTAN en Afghanistan. Reconnaissant que ces pays recherchent chacun un degré différent de relation avec l’OTAN, et que d’autres pays pourraient à leur tour souhaiter engager avec elle un dialogue et une coopération, nous réaffirmons que nous sommes à la fois désireux de développer les relations individuelles existantes et disposés à en établir de nouvelles, sous réserve de l’approbation du Conseil de l’Atlantique Nord, à un rythme qui respecte les intérêts de chaque partie.

36. Nous réaffirmons que la région de la mer Noire demeure importante pour la sécurité euro-atlantique. À cet égard, nous nous félicitons des progrès réalisés dans le renforcement de l’appropriation régionale, grâce à l’usage efficace des initiatives et des mécanismes existants. L’Alliance continuera d’apporter, comme il conviendra, un soutien à ces efforts, en fonction des priorités régionales et suivant les principes de transparence, de complémentarité et d’inclusivité, afin de développer le dialogue et la coopération avec les États de la mer Noire et entre eux.

37. La prolifération des missiles balistiques représente une menace croissante pour les forces, le territoire, et la population des pays de l’Alliance. La défense antimissile s’inscrit dans le cadre d’une réponse plus large visant à contrer cette menace. Nous reconnaissons donc la contribution substantielle que le projet d’implantation en Europe de moyens de défense antimissile des États-Unis apporte à la protection des Alliés contre les missiles balistiques à longue portée. Nous analysons actuellement les moyens d’associer cette capacité aux efforts en cours à l’OTAN en matière de défense antimissile de manière à ce qu’elle puisse être intégrée dans toute architecture future de défense antimissile à l’échelle de l’OTAN. Soucieux de respecter le principe de l’indivisibilité de la sécurité des Alliés, ainsi que la solidarité au sein de l’OTAN, nous chargeons le Conseil en session permanente de définir des options pour une architecture globale de défense antimissile visant à étendre la couverture au territoire et à la population de tous les pays de l’Alliance non couverts par le système des États-Unis ; ces options, destinées à préparer toute décision politique qui pourrait être prise à l’avenir, seront examinées à notre sommet de 2009.

38. Nous nous félicitons également des travaux déjà entrepris en vue de renforcer la coopération OTAN-Russie dans le domaine de la défense antimissile. Nous sommes déterminés à assurer la plus grande transparence et à mettre en place des mesures de confiance réciproques afin de répondre à toute préoccupation éventuelle. Nous encourageons la Fédération de Russie à mettre à profit les propositions de coopération en matière de défense antimissile formulées par les États-Unis, et nous sommes prêts à étudier les possibilités de relier les systèmes de défense antimissile des États-Unis, de l’OTAN et de la Russie en temps opportun.

39. Nous réaffirmons que la maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération continueront d’apporter une contribution importante à la paix, à la sécurité et à la stabilité, et plus particulièrement à la prévention de la dissémination et de l’emploi d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs. Nous avons pris note du rapport élaboré à notre intention sur la mise en valeur du rôle de l’OTAN dans ce domaine. Dans le cadre d’une réponse plus large aux questions de sécurité, l’OTAN doit continuer de contribuer aux efforts internationaux en matière de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération, et nous chargeons le Conseil en session permanente de suivre activement ces questions.

40. L’Alliance a considérablement réduit ses forces conventionnelles depuis l’époque de la Guerre froide, et elle a réduit de plus de 90 % le nombre d’armes nucléaires affectées à l’OTAN. Les Alliés ont également réduit leurs arsenaux nucléaires. La France n’a plus que deux types de systèmes nucléaires, et elle a diminué de plus de moitié le nombre de ses vecteurs nucléaires ; elle a aussi annoncé qu’elle allait ramener à moins de 300 le nombre de ses têtes nucléaires, et qu’elle n’aurait aucune autre arme que celles de ses stocks opérationnels. Le Royaume-Uni n’a plus qu’un seul système nucléaire, il a réduit de 75 % la puissance explosive de son stock d’armes nucléaires, et il a ramené à moins de 160 le nombre de ses têtes nucléaires disponibles opérationnellement. Les États-Unis ont, quant à eux, ramené leur stock d’armes nucléaires à moins de 25 % de ce qu’il était au plus fort de la Guerre froide, et ils ont diminué de près de 90 % le nombre d’armes nucléaires tactiques affectées à l’OTAN.

41. Nous restons profondément préoccupés par les risques de prolifération que représentent les programmes de l’Iran dans les domaines du nucléaire et des missiles balistiques. Nous appelons ce pays à se conformer pleinement aux résolutions 1696, 1737, 1747 et 1803 du Conseil de sécurité de l’ONU. Nous sommes en outre profondément préoccupés par les activités de prolifération auxquelles se livre la République populaire démocratique de Corée, et nous appelons ce pays à se conformer pleinement à la résolution 1718 du Conseil de sécurité de l’ONU. Les Alliés réaffirment leur soutien aux accords multilatéraux de non-prolifération en vigueur, tel que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, et ils appellent au respect universel de ce traité, à l’adhésion universelle au protocole additionnel à l’accord de garanties de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), et au plein respect de la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l’ONU. Les Alliés sont convenus de redoubler leurs efforts en vue de la pleine application des accords de non-prolifération et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, auxquels ils réaffirment leur soutien et par lesquels ils sont liés.

42. Nous souscrivons pleinement à la déclaration du Conseil de l’Atlantique Nord du 28 mars 2008 et réaffirmons l’attachement de l’Alliance au régime du Traité FCE, exprimé dans la position de l’Alliance décrite au paragraphe 42 de la déclaration diffusée en 2006 à l’issue du sommet de Riga, dans la déclaration finale des Alliés à la conférence extraordinaire des États parties au Traité FCE tenue à Vienne et dans d’autres déclarations de l’Alliance reflétant les développements intervenus depuis lors. Nous attachons le plus grand prix au régime du Traité FCE et à tous ses éléments, et nous soulignons l’importance stratégique du Traité FCE, notamment de son régime des flancs, en tant que pierre angulaire de la sécurité euro-atlantique. Nous sommes vivement préoccupés par le fait que la Fédération de Russie ait maintenu la « suspension » unilatérale des obligations juridiques qui sont les siennes au titre du Traité FCE. Cette action ne sert pas notre objectif commun consistant à préserver la viabilité à long terme du régime FCE, et nous appelons instamment la Fédération de Russie à reprendre l’application du Traité. La situation actuelle, qui voit des Alliés parties au Traité FCE en appliquer les dispositions, alors que la Russie ne les applique pas, ne peut se prolonger indéfiniment. Nous avons avancé un ensemble de propositions constructives et tournées vers l’avenir, qui portent sur des actions parallèles relatives à des questions clés, notamment sur des mesures qui seraient prises par les Alliés sur la ratification du Traité FCE adapté et par la Fédération de Russie sur les engagements restant à remplir concernant la Géorgie et la République de Moldova. Nous pensons que ces propositions répondent à toutes les préoccupations exprimées par la Russie. Nous encourageons les autorités russes à travailler en coopération avec nous, et avec les autres États parties au Traité FCE concernés, pour parvenir à un accord sur la base du plan d’actions parallèles proposé afin qu’ensemble nous puissions préserver les avantages de ce régime historique.

43. Nous sommes préoccupés par la persistance de conflits régionaux dans le Sud-Caucase et en République de Moldova. Nos pays appuient l’intégrité territoriale, l’indépendance et la souveraineté de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, de la Géorgie et de la République de Moldova. Nous continuerons de soutenir les efforts visant à parvenir à un règlement pacifique de ces conflits régionaux, compte tenu de ces principes.

44. Nous avons déjà bien avancé dans nos travaux visant à transformer nos forces et nos capacités suivant nos objectifs politiques, en particulier les priorités énoncées dans la directive politique globale, et suivant notre expérience opérationnelle. Nous poursuivrons ce processus pour faire en sorte que l’Alliance reste à même d’assumer ses engagements opérationnels et de mener à bien toute la gamme de ses missions. Nos opérations mettent en évidence la nécessité de développer et d’aligner des forces modernes, interopérables, souples et soutenables. Ces forces doivent être capables de conduire, sur décision du Conseil, des opérations de défense collective et de réponse aux crises sur le territoire de l’Alliance et au-delà, à sa périphérie et à distance stratégique, avec un soutien faible ou nul de la part du pays hôte. Nous veillerons aussi à disposer des capacités adéquates pour pouvoir faire face à l’évolution des défis de sécurité du XXIe siècle et, dans cette optique, nous procéderons aux transformations, aux adaptations et aux réformes nécessaires.

45. La transformation est un processus de longue durée qui exige une attention constante et active. Nous soutenons par conséquent les travaux de nos ministres de la Défense, qui supervisent la gestion des aspects de la transformation relatifs à la défense pour faire en sorte que l’OTAN demeure efficace et efficiente, en particulier en poursuivant les efforts engagés dans divers domaines, mentionnés ci-après.

o Nous devons veiller à mettre à disposition les forces requises pour nos opérations et autres engagements. À cette fin, nous poursuivrons les efforts qui doivent nous permettre de déployer et soutenir davantage de forces. Nous sommes résolus à appuyer la Force de réaction de l’OTAN en mettant à sa disposition les forces nécessaires, et à améliorer la disponibilité des forces de réserve stratégiques et opérationnelles pour nos opérations. Nous chercherons à obtenir dans nos pays un plus grand soutien à l’égard de nos opérations, y compris en adoptant de meilleures stratégies de diplomatie publique.

o Nous poursuivrons le développement des capacités requises pour mener à bien toute la gamme de nos missions et pour remédier à certaines insuffisances spécifiques. Nous nous emploierons particulièrement à améliorer le transport stratégique et le transport aérien intrathéâtre, notamment en ce qui concerne la fourniture d’hélicoptères aptes à la mission, et nous saluons les initiatives nationales appuyant ces travaux ; nous nous attacherons aussi à la question de la logistique multinationale. Nous accroîtrons encore la supériorité informationnelle par des capacités en réseau, y compris un système intégré de commandement et de contrôle aériens, par une meilleure connaissance de la situation maritime et par la mise sur pied, dans les délais, de la capacité alliée de surveillance terrestre. Nous continuerons d’accroître la capacité et l’interopérabilité de nos forces d’opérations spéciales. Nous appuyant sur les processus de planification de défense, nous intensifierons nos efforts en vue de mettre sur pied et de déployer les capacités et les forces appropriées, dont l’interopérabilité et la normalisation seront aussi poussées que possible. Notre action sera renforcée par l’amélioration de la coopération transatlantique s’agissant des industries de défense.

o Nous sommes déterminés à développer des politiques et des capacités permettant de faire face aux menaces et aux défis nouveaux. Il s’agit notamment d’élaborer une politique globale pour prévenir la prolifération des armes de destruction massive (ADM) et se défendre contre les menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires.

o Nous poursuivons l’adaptation et la réforme des structures et des processus de l’Alliance. Dans ce contexte, nous réexaminons le tableau d’effectifs du temps de paix de la structure de commandement de l’OTAN pour rendre cette structure plus légère, plus efficace et plus efficiente ; et nous réformons les processus de planification de défense afin de faciliter la fourniture en temps voulu des capacités visées par la directive politique globale.

46. Cette transformation n’est possible que si l’on y consacre des ressources suffisantes, assorties de priorités adéquates. Nous entendons continuer de fournir, individuellement et collectivement, les ressources nécessaires pour permettre à notre Alliance d’accomplir les tâches que nous lui assignons. Ainsi, nous encourageons les pays dont les dépenses de défense sont en diminution à mettre fin à cette situation et à s’efforcer d’accroître leurs dépenses de défense en termes réels.

47. L’OTAN reste déterminée à renforcer la protection de ses systèmes informatiques clés contre les cyberattaques. Nous avons récemment adopté une politique sur la cyberdéfense, et nous définissons les structures et les autorités pour son application. Notre politique sur la cyberdéfense souligne la nécessité pour l’OTAN et pour les pays de protéger les systèmes d’information clés conformément à leurs responsabilités respectives, de mettre en commun les meilleures pratiques, et de mettre en place une capacité visant à aider, sur demande, les pays de l’Alliance à contrer les cyberattaques. Nous comptons bien poursuivre le développement des capacités de l’OTAN en matière de cyberdéfense et renforcer les liaisons entre l’OTAN et les autorités nationales.

48. Nous avons pris note du rapport intitulé « Rôle de l’OTAN en matière de sécurité énergétique », qui a été élaboré suite au mandat donné au sommet de Riga. Les Alliés ont établi les principes qui régiront l’approche de l’OTAN dans ce domaine, et ils ont exposé des options et formulé des recommandations pour la poursuite des activités. Sur la base de ces principes, l’OTAN travaillera dans les domaines suivants : fusion et partage des informations et du renseignement, projection de la stabilité, promotion de la coopération internationale et régionale, soutien à la gestion des conséquences, et soutien à la protection des infrastructures énergétiques essentielles. L’Alliance continuera de mener des consultations sur les risques les plus immédiats en matière de sécurité énergétique. Nous veillerons à ce que les actions de l’OTAN apportent une valeur ajoutée et à ce qu’elles s’intègrent, en pleine coordination avec elles, dans celles de la communauté internationale, qui compte un certain nombre d’organisations spécialisées dans la sécurité énergétique. Nous avons chargé le Conseil en session permanente d’élaborer un rapport de synthèse sur les progrès accomplis dans le domaine de la sécurité énergétique, que nous examinerons au sommet de 2009.

49. Au cours des vingt dernières années, la complexité des exigences auxquelles est soumise notre Alliance a augmenté à mesure qu’évoluait l’environnement de sécurité et tandis que s’accroissaient la portée de nos missions et de nos opérations, comme le nombre de nos membres. Cela implique une adaptation et une réforme constantes des structures et des processus du siège de l’OTAN. Nous prenons note des progrès accomplis à cet égard dans le cadre de la transformation générale de l’OTAN, mais il faut aller plus loin, notamment pour tirer pleinement parti du déménagement vers un nouveau Siège. Dans l’examen des domaines où il nous faut apporter des changements, nous devons davantage mettre à profit les enseignements tirés de notre expérience s’agissant de remplir nos fonctions essentielles, et notamment de répondre aux besoins liés aux opérations, au développement des capacités, au partenariat et à la communication stratégique. Dans le prolongement des travaux menés par nos ministres de la Défense pour faire progresser le volet défense de la transformation, les Alliés devront aussi étudier les moyens de parvenir à une rapidité et à une cohérence maximales dans la transmission de solides avis politiques, militaires et en matière de ressources à l’appui de notre prise de décision par consensus, ainsi que les moyens d’accroître notre réactivité aux besoins opérationnels tributaires du facteur temps, y compris ceux des commandants de l’OTAN. Nous avons demandé au Secrétaire général de définir la voie à suivre pour atteindre ces objectifs à temps pour le sommet de 2009.

50. Nous exprimons notre sincère gratitude au gouvernement roumain pour sa gracieuse hospitalité. La ville de Bucarest a accueilli le plus grand sommet jamais tenu par l’OTAN, témoignage de la détermination de l’Alliance à collaborer étroitement avec la communauté internationale et de sa contribution unique s’agissant de promouvoir la sécurité et la stabilité dans un environnement stratégique en mutation rapide. À notre réunion, nous avons pris des décisions et donné de nouvelles orientations en vue de la poursuite de l’adaptation de l’OTAN à cet environnement par ses missions et ses opérations, par la modernisation de ses structures et de ses capacités, par le resserrement des liens avec d’autres pays et d’autres organisations, ainsi que par le maintien de son ouverture à l’adhésion de nouveaux États. Nous avons renforcé notre dialogue et notre coopération avec les pays et les organisations qui sont essentiels à notre sécurité. Nous nous réunirons de nouveau l’année prochaine à Strasbourg et à Kehl pour célébrer le 60e anniversaire de l’OTAN, pour faire le point sur son adaptation, et pour continuer de tracer la voie de la modernisation de notre Alliance en vue de relever les défis de sécurité du XXIe siècle.

 

1. La Turquie reconnaît la République de Macédoine sous son nom constitutionnel.

CONCEPT ET DOCTRINE INTERARMÉES DE LA COOPÉRATION CIVILO-MILITAIRE

1 () Rapport d’information n° 3167 de M. Robert Gaïa pour la commission de la défense nationale et des forces armées, déposé le 20 juin 2001. On trouvera l’ensemble de ses préconisations en annexe.

2 () Rapport d’information n° 3167 de M. Robert Gaïa, op. cit.

3 () Les éditions Economica ont publié en 2008 une traduction française préfacée par le général Petraeus de l’ouvrage original de 1963 intitulé Counterinsurgency Warfare : Theory and Practice.

4 () Rapport d’information n° 3167 de M. Robert Gaïa, op. cit.

5 () Extrait de l’entretien accordé par le Général Abrial à la revue Europe Diplomatie & Défense, n° 347, 16 septembre 2010.

6 () De l’anglais Provincial Reconstruction Team.

7 () Chiffres 2010.

8 () Le GIACM n’est pas le seul pourvoyeur : il peut être fait appel autant que de besoin aux ressources internes aux armées compétentes dans le domaine de l’ACM.

9 () Il y avait initialement un rapport 100 entre ce dont la France disposait et les moyens allemands.

10 () Montants indiqués par les représentants du ministère des affaires étrangères et européennes lors de leur audition.

11 () Les OMLT sont les équipes de formation de l’armée afghane déployées par la coalition.

12 () Celui de la TF Lafayette comptait cinq officiers et un sous-officier.

13 () Grâce au budget alloué par le ministère de la défense sont financés des programmes de gestion de l’eau, en faveur de l’éducation, de l’agriculture ou encore de l’activité artisanale. Les financements AFPAK sont utilisés pour entretenir les bassins versants, les karèzes ou encore forer des puits.

14 () S’ajoutent différents dons de matériels pour une valeur approximative de 800 euros.

15 () La congrégation de sœurs libanaises des Saints Cœurs tient un atelier textile employant des jeunes filles victimes de traumatismes.

16 () Avis budgétaire n° 1972 du 14 octobre 2009 – Tome III – Soutien et logistique inter-armées (M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis).

17 () L’hôpital pratique environ 1 000 consultations par mois (dont 50 % au profit des forces et 40 % au titre de l’AMP) et 150 hospitalisations (dont 40 % pour les forces et 50 % pour l’AMP).

18 () Rapport d’information n° 3167 de M. Robert Gaïa, op. cit.

19 () Compte rendu par M. Pierre Lellouche de son déplacement en Afghanistan dans le cadre de la mission d’information et d’évaluation de l’opération militaire française en Afghanistan, du 8 au 15 février 2009, et de ses prolongements comme représentant spécial de la France pour l’Afghanistan et le Pakistan, du 20 mai 2009.

20 () La réserve active colombienne correspond en France à la réserve opérationnelle.

21 () Article 9. Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l’ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux.

Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l’État ne sera pas reconnu.

22 () Systèmes d’irrigation afghans.

23 () Sur ce sujet, on trouvera en complément un diagramme en annexe.

24 () Au 1er juillet 2010, 114 réservistes étaient projetés en OPEX.

25 () Cette durée peut exceptionnellement être portée à 210 jours.

26 () L’ACM est une aide à l’insertion de la force militaire dans le pays – surtout après une phase d’entrée en premier – et ne vise pas à se substituer aux actions civiles dans le domaine du développement.

27 () Rapport d’information n° 3167 de M. Robert Gaïa, op. cit.


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