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N° 4301

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 février 2012.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

au nom du comité d’évaluation et de contrôle
des politiques publiques sur

l’évaluation de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural

Tome 1 - Rapport

et présenté

par MM. Jérôme BIGNON et Germinal PEIRO,

Députés.

___

Le Groupe de travail du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural est composé, en application de l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, de : MM. Jérôme Bignon, Germinal Peiro, rapporteurs ; ainsi que de Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Jean-Michel Clément, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Claude Flory – remplacé par Mme Arlette Grosskost à compter de novembre 2011, Mme Colette Langlade, MM. Bernard Lesterlin, Alain Marc, Pierre Morel-A-L’Huissier, Francis Saint-Léger et Michel Vergnier.

INTRODUCTION 9

SYNTHÈSE 13

LISTE DES RECOMMANDATIONS 19

NOTE MÉTHODOLOGIQUE 27

A.- PÉRIMÈTRE DE L’ÉVALUATION 27

1.- La définition du monde rural 27

2.- Les autres dimensions de l’évaluation 30

B.– TYPOLOGIE DES TERRITOIRES RURAUX 31

C.- AUDITIONS, DÉPLACEMENTS ET QUESTIONNAIRE 32

D.- ASSISTANCE DES CONSULTANTS EXTÉRIEURS 34

E.- ÉVALUATIONS ET RAPPORTS ANTÉRIEURS 34

F.- OBJECTIFS ET INDICATEURS 39

PREMIÈRE PARTIE : LA NÉCESSITÉ D’UNE POLITIQUE AMBITIEUSE D’AMÉNAGEMEMENT DU TERRITOIRE EN MILIEU RURAL 41

I.- LE PILOTAGE NATIONAL DE CETTE POLITIQUE 41

A.- UNE COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE INSUFFISANTE 41

1.- Le rôle de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar) 41

2.- La coordination entre ministères 44

a) Le document de politique transversale « Aménagement du territoire » 44

b) La coordination interministérielle 45

c) Les Assises des territoires ruraux et le Plan d’action en faveur des territoires ruraux du 11 mai 2010 47

d) L’insuffisance des données statistiques disponibles et la nécessité d’un tableau de bord 50

B.- UNE ARTICULATION PERFECTIBLE AVEC LES POLITIQUES EUROPÉENNES 52

1.- Le développement rural au sein de la politique agricole commune (PAC) 52

a) L’émergence d’une politique européenne de développement rural 52

b) En 2003, une nouvelle réforme de la PAC a conduit à un renforcement de la politique de développement rural 53

c) Depuis 2007, la programmation du 2e pilier de la PAC s’appuie sur un nouvel instrument, le Feader 54

2.- Le développement rural au sein de la politique régionale 57

3.- Quels financements européens après 2013 ? 58

II.- LA GOUVERNANCE LOCALE 59

1.- La nécessité de définir des territoires de projet souples et adaptés aux contextes locaux 60

a) Le besoin de clarification sur l’avenir des pays 60

b) La réforme de la carte intercommunale 64

c) L’action des régions, départements, massifs et parcs naturels 69

2.- Les schémas de cohérence territoriale (Scot) : vers la définition des stratégies territoriales de développement 71

3.- L’importance de l’ingénierie publique 74

a) L’abandon de « l’ingénierie concurrentielle » de l’État et la nécessité pour les territoires de développer une ingénierie publique locale 74

b) L’exemple du canton de Domme 76

III.- LES GRANDES PROBLÉMATIQUES DE LA POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EN MILIEU URBAIN 77

A.- CONNECTER RURAL ET URBAIN 77

B.- LES MODALITÉS DE MISE EN œUVRE DE CETTE POLITIQUE 78

1.- La complémentarité entre zonage prioritaire et appel à projet 78

2.- Un nécessaire effort d’information et de simplification des dispositifs publics 81

C.- LES ENJEUX DE LA MAÎTRISE DU FONCIER 82

DEUXIÈME PARTIE : LE BESOIN DE TRANSVERSALITÉ DANS LES DIFFÉRENTES DIMENSIONS DE LA POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EN MILIEU RURAL 87

I.- L’ACCESSIBILITÉ DES SERVICES PUBLICS ET AU PUBLIC 88

A.- LES DISPOSITIFS COMMUNS À L’ENSEMBLE DES SERVICES PUBLICS ET AU PUBLIC 88

1.- L’offre regroupée de services publics et au public 90

a) Les différentes formes d’offre regroupée de services publics et au public 90

b) L’expérimentation « + de services au public » 93

2.- La Charte des services publics en milieu rural et les commissions départementales de l’organisation et de la modernisation des services publics 96

3.- La révision générale des politiques publiques (RGPP) 97

B.- LA RÉFORME DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L’ÉTAT (RéATE) 99

1.- La réforme a constitué une perte de repères pour les acteurs locaux 99

2.- Les remontées de terrain sont différenciées 104

a) Dans le canton de Domme 104

b) Dans le grand sud-ouest amiénois 104

C.- L’ÉDUCATION 105

1.- La crainte des fermetures de classes et d’écoles 105

2.- Sur le terrain, l’attachement des communes à « leur école » 107

a) Dans le canton de Domme 107

b) Dans le grand sud-ouest amiénois 108

D.- LA GENDARMERIE 109

1.- Brigades et regroupements de brigades 109

2.- Dans le canton de Domme 109

E.- LES TRIBUNAUX : UNE RÉFORME MENÉE SANS CONCERTATION PRÉALABLE SUFFISANTE AVEC LES ÉLUS LOCAUX 110

F.- L’ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES 113

1.- La fusion des trésoreries et des hôtels des impôts 113

2.- Dans les territoires, une réforme génératrice d’inquiétude 115

a) Dans le canton de Domme 115

b) Dans le grand sud-ouest amiénois 116

G.- LA POSTE 116

1.- La garantie prévue dans la loi de 17 000 « points de contact » 116

2.- Dans les territoires visités, un réseau de La Poste qui évolue 118

a) Dans le canton de Domme 118

b) Dans le grand sud-ouest amiénois 119

H.- PÔLE EMPLOI 119

1.- La fusion de l’ANPE et des ASSEDIC est généralement bien acceptée 119

2.- Sur le terrain, l’action de Pôle emploi est sous tension en raison de la montée du chômage 120

a) Dans le pays de la vallée de Montluçon et du Cher 120

b) Dans les communautés de communes du Haut Jura 121

c) Dans le grand sud-ouest amiénois 121

I.- L’ACCÈS À LA CULTURE ET AUX ÉQUIPEMENTS SPORTIFS 122

II.- L’OFFRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX 124

A.- ASSURER UNE OFFRE DE SANTÉ ÉQUILIBRÉE SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE 124

B.- LES SERVICES SOCIAUX SONT COMPLÉMENTAIRES DES SERVICES DE SANTÉ 129

C.- L’OFFRE DE SOINS EST LA PRIORITÉ NUMÉRO UN DES TERRITOIRES RURAUX 133

1.- Dans le pays de la vallée de Montluçon et du Cher 133

2.- Dans le grand sud-ouest amiénois 135

3.- Dans le canton de Domme 137

4.- Dans les communautés de communes du Haut Jura 140

III.- L’ATTRACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ET L’EMPLOI 141

A.- L’IMPORTANCE DU MAINTIEN ET DU DÉVELOPPEMENT D’UNE BASE ÉCONOMIQUE 141

B.- LES DISPOSITIFS PUBLICS SONT NOMBREUX 144

1.- Les zones de revitalisation rurale (ZRR) 144

2.- Les pôles d’excellence rurale (PER) 147

3.- Les grappes d’entreprises 148

4.- La prime d’aménagement du territoire (PAT) 149

a) Un dispositif de droit commun qui concerne aussi les territoires ruraux 149

b) Dans le pays de la vallée de Montluçon et du Cher 150

5. L’action de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) pour les territoires ruraux 150

6.- Les conditions d’intervention du Fisac dans les zones rurales 151

C.- LES EFFORTS DE RÉINDUSTRIALISATION ET DE RELOCALISATION DES ACTIVITÉS INDUSTRIELLES DANS LES TERRITOIRES 153

1.- Dans le pays de la vallée de Montluçon et du Cher 153

2.- Dans les communautés de commune du Haut Jura 154

3.- Dans le grand sud-ouest amiénois 156

IV.- L’AGRICULTURE 157

A.- POUR UNE PLUS GRANDE CONTRIBUTION DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (PAC) AU DÉVELOPPEMENT RURAL 157

B.- LA DIFFICILE RENAISSANCE DES FILIÈRES TERRITORIALISÉES DANS LE CANTON DE DOMME 161

V.- LE TOURISME RURAL 163

A.- « LE TOURISME RURAL EST L’AVENIR DU TOURISME » 163

B.- LE CANTON DE DOMME : LE CAS TYPIQUE D’UNE POPULATION RENOUVELÉE À FORTE COMPOSANTE TOURISTIQUE 167

VI.- LES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES 168

A.- UNE COUVERTURE EN TÉLÉPHONIE MOBILE DU TERRITOIRE QUI RESTE À ACHEVER 169

B.- LE PROGRAMME NATIONAL INTERNET TRÈS HAUT DÉBIT À L’HORIZON 2025 170

VII.- LES TRANSPORTS 174

A.- LES ENJEUX D’UNE OFFRE DE TRANSPORTS ÉQUILIBRÉE SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE 174

1.- Les transports ferroviaires 176

2.- Les liaisons aériennes 178

3.- Le schéma national des infrastructures de transport (Snit) 179

B.- LE DÉSENCLAVEMENT DU PAYS DE LA VALLÉE DE MONTLUÇON ET DU CHER 180

VIII.- LE LOGEMENT 183

A.- UN PARC DE LOGEMENTS VIEILLISSANT EN MILIEU RURAL 183

B.- LA DIFFICULTÉ DU REPÉRAGE DES LOGEMENTS INSALUBRES OU EN SITUATION DE PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE DANS LES TERRITOIRES 186

1.- Dans le grand sud-ouest amiénois 186

2.- Dans les communautés de commune du Haut Jura 188

RÉUNION DU COMITÉ DU 5 MAI 2011 : POINT D’ÉTAPE 191

RÉUNION DU COMITÉ DU 2 FÉVRIER 2012 : EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION 199

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 209

ANNEXE N° 2 : DIAGRAMME DES OBJECTIFS 219

ANNEXE N° 3 : TABLEAUX DES DISPOSITIFS 226

ANNEXE N° 4 : QUESTIONNAIRE ENVOYÉ AUX MINISTÈRES CONTRIBUANT À L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EN MILIEU RURAL 263

Les annexes sont disponibles en version pdf grâce au lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i4301-tI.pdf

INTRODUCTION

Le Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) des politiques publiques a inscrit à son programme de travail, le 21 octobre 2010, l’évaluation de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural, à l’initiative du groupe UMP.

Six commissions permanentes ont désigné les membres du Groupe de travail constitué pour mener cette évaluation(1) : M. Alain Marc (UMP) et Mme Colette Langlade (SRC) pour la commission des Affaires culturelles et de l’éducation ; MM. Francis Saint-Léger (UMP) et Germinal Peiro (SRC) pour la commission des Affaires économiques ; Mme Marie-Christine Dalloz (UMP) et Martine Carrillon-Couvreur (SRC) pour la commission des Affaires sociales ; MM. Jérôme Bignon (UMP) et Bernard Lesterlin (SRC) pour la commission du Développement durable ; M. Jean-Claude Flory (UMP) – remplacé par Mme Arlette Grosskost (UMP) à compter de novembre 2011 – et M. Michel Vergnier (SRC) pour la commission des Finances ; MM. Pierre Morel-A-L’Huissier (UMP) et Jean-Michel Clément (SRC) pour la commission des Lois.

Le 12 janvier 2011, le CEC a désigné comme rapporteurs MM. Jérôme Bignon et Germinal Peiro. Le 5 mai 2011, il a entendu ces derniers présenter un point d’étape de leur travail, validé leur démarche et autorisé le recours à des prestataires extérieurs pour mener deux études sur l’efficacité des dispositifs publics d’aménagement du territoire dans quatre territoires ruraux et sur la gouvernance locale des territoires ruraux ; le compte rendu de cette réunion figure en annexe au présent rapport.

Dans un monde de plus en plus urbanisé, les territoires ruraux constituent une richesse essentielle de notre pays : foncier, patrimoine, culture, mais aussi savoir-faire et intelligences locales. L’image du monde rural est en train de changer avec un regain démographique qui ne se démentit pas depuis les années 1990 et avec la montée en puissance des valeurs écologiques et environnementales. Nos campagnes se situent à mi-chemin entre préservation des traditions et innovations économiques et sociales. Nos territoires sont dynamiques, contrairement à l’image qui est parfois véhiculée.

De nouvelles populations rurales sont issues d’un transfert en provenance des villes. La sociologie du milieu rural s’en trouve affectée. Sa population n’est plus homogène. On note une explosion de la mobilité avec les trajets ville campagne pour se rendre sur son lieu de travail. La convergence des modes de vie urbains et ruraux se traduit par des besoins de services accrus. Les mutations du monde rural sont considérables : sociétales, économiques et institutionnelles. Une nouvelle donne s’impose pour l’aménagement du territoire en milieu rural : accompagner les mutations plus que contenir le déclin.

Au-delà des divergences politiques, les deux rapporteurs partagent la même passion du rural, du territoire, l’un et l’autre étant élus locaux depuis une trentaine d’années. Chargés en janvier 2011 par le Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) des politiques publiques de l’Assemblée nationale de l’évaluation des « politiques publiques d’aménagement du territoire en milieu rural », les deux rapporteurs ont travaillé ensemble tout au long des douze derniers mois. Les politiques de développement rural s’étalent sur des décennies, au-delà des changements de Gouvernement intervenus sur la période. Les deux rapporteurs marquent tous deux le même attachement aux hommes, aux traditions, à l’identité rurale : terroirs, pays, langues.

Force est de constater le sentiment largement répandu d’abandon du monde rural par l’État : réorganisation des services publics (éducation, justice, gendarmerie, services déconcentrés de l’État…) et des services au public, raréfaction de l’offre de soins (hôpitaux, médecins et professions paramédicales), enclavement des territoires loin des grandes infrastructures de transport, retard dans l’équipement en communications électroniques (téléphonie mobile et internet), inquiétudes sur l’avenir de la PAC, désindustrialisation, logements insalubres ou inadaptés… Sans avoir la prétention de trancher le débat, le présent rapport tente de dresser un état des lieux sur ces différents sujets.

Tout au long de ces 12 mois de travail, les rapporteurs ont successivement envoyé un questionnaire aux 10 ministères concernés par l’aménagement du territoire en milieu rural, procédé à 13 auditions à Paris essentiellement sous forme de tables ronde des principales parties prenantes et visité 4 territoires ruraux (chronologiquement canton de Domme, grand sud-ouest amiénois, communautés de communes du Haut Jura et pays de la vallée de Montluçon et du Cher), choisis pour représenter une typologie simple des grandes familles de territoires. Deux études ont été confiées à des consultants extérieurs, le consortium Kurt Salmon – Edater, après une procédure d’appel d’offre (au titre de l’accord-cadre dont bénéficie le CEC), sur les dispositifs publics d’aménagement du territoire en milieu rural dans les 4 territoires ci-dessus mentionnés et sur la gouvernance locale des territoires ruraux.

Les rapporteurs notent au préalable que l’utilité et la nécessité d’une politique d’aménagement du territoire ne sont pas remises en cause en France. L’État joue ainsi son rôle de gardien de l’égalité républicaine sur l’ensemble du territoire national, de l’équilibre du développement des différents territoires et de péréquation financière. Son rôle n’a pas été remis en cause par les deux vagues de décentralisation. Les rapporteurs et les consultants ont constaté une attente forte des acteurs des territoires ruraux pour le maintien des ressources et des services de l’État (capacité financière et accompagnement).

Les rapporteurs ont souhaité poser une question centrale à leur évaluation : quels leviers de développement pour les territoires ruraux ? Cette question renvoie à une autre : quel projet de territoire ? En la matière, une certitude se fait jour, confirmée par le travail des rapporteurs et des consultants : le développement des territoires dépend de l’implication des acteurs présents, au premier rang desquels les élus.

Après une note méthodologique, le présent rapport examinera dans une première partie les questions horizontales (pilotage, gouvernance et grandes problématiques) et dans une deuxième partie les aspects thématiques (services publics et au public, offre de santé et de services sociaux, attractivité économique et emploi, agriculture, tourisme rural, communications électroniques, transports et logement).

SYNTHÈSE

Dans un monde de plus en plus urbanisé, les territoires ruraux constituent une richesse essentielle de notre pays : foncier, patrimoine, culture, mais aussi savoir-faire et intelligences locales. L’image du monde rural change avec un regain démographique qui ne se démentit pas depuis les années quatre-vingt-dix et avec la montée en puissance des valeurs environnementales. De nouvelles populations rurales sont issues d’un transfert en provenance des villes. La sociologie du milieu rural s’en trouve profondément affectée.

Au-delà des divergences politiques, les deux rapporteurs partagent la même passion du rural, du territoire, l’un et l’autre étant élus locaux depuis une trentaine d’années. Ils marquent tous deux le même attachement aux hommes, aux traditions, à l’identité rurale : terroirs, pays, langues. L’utilité et la nécessité d’une politique d’aménagement du territoire ne sont pas remises en cause en France. L’État joue ainsi son rôle de gardien de l’égalité républicaine sur l’ensemble du territoire national, de l’équilibre du développement en ses différents endroits et de péréquation financière.

Force est de constater le sentiment largement répandu d’abandon du monde rural par l’État : réorganisation des services publics et au public, raréfaction de l’offre de soins, enclavement des territoires, retard dans l’équipement en communications électroniques, inquiétudes sur l’avenir de la politique agricole commune (PAC), désindustrialisation, logements insalubres ou inadaptés… Le présent rapport tente de dresser un état des lieux et avance des recommandations.

Tout au long de ces douze mois de travail, les rapporteurs ont successivement : effectué un bilan critique des évaluations antérieures ; recensé les objectifs de cette politique publique ; envoyé un questionnaire aux dix ministères concernés sur les dispositifs publics qu’ils mettent en œuvre ; procédé à treize auditions sous forme de tables rondes à Paris ; et visité quatre territoires ruraux choisis en raison de leur profil et de leurs spécificités contrastées. Deux études ont été confiées à des consultants extérieurs, le consortium Kurt Salmon – Edater, après une procédure d’appel d’offre.

L’évaluation réalisée concerne tous les dispositifs de l’État en matière d’aménagement du territoire en milieu rural : services publics et au public, services sociaux et de santé, soutien aux activités économiques (agriculture, industrie, services), transports, communications électroniques et logement. Ces politiques nécessitent une action coordonnée de plusieurs ministères. La Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar), placée sous l’autorité du Premier ministre, est chargée d’assurer cette coordination interministérielle, notamment en assurant le secrétariat du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire et d’attractivité régionale (CIADT).

Les rapporteurs s’interrogent sur la raison qui a conduit à confier l’aménagement du territoire au ministre de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité, M. Bruno Lemaire, alors qu’en 2009 et 2010 il était confié à un ministre de l'Espace rural et de l'aménagement du territoire, M. Michel Mercier. Ils souhaitent que l’aménagement du territoire soit à nouveau confié à un ministère de plein exercice directement rattaché au Premier ministre. Il s’agit ainsi d’assurer le caractère réellement interministériel de l’aménagement du territoire, sa dilution dans le domaine de compétence de tel ou tel ministère ne pouvant au contraire que l’affaiblir. Le rapport recommande la création d’un mécanisme de suivi avec tableau de bord permettant une mesure et une évaluation des effets des dispositifs de l’État en matière d’aménagement du territoire en milieu rural.

Les deux structures territoriales les plus actives en milieu rural sont en profonde évolution : intercommunalités et pays. L’étude des consultants conclut qu’il n’y a pas de taille idéale pour un territoire de projet, ni en surface, ni en population. Elle montre la nécessité de définir des territoires de projet souples et adaptés aux contextes locaux. La réforme de la carte intercommunale traduit une montée en puissance des regroupements de communes, avec l’élaboration de schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI). Le délai imparti à la réforme, un temps calé sur le calendrier électoral, était trop court. Il convient d’appuyer le développement préalable d’une identité et d’une culture communes de la population et des acteurs locaux. Le rôle des pays, qui ne disparaissent pas mais dont le statut législatif a été supprimé, reste à clarifier. L’étude des consultants montre l’apport des pays au niveau du rapprochement et de la mobilisation des acteurs locaux. Les intercommunalités en cours de regroupement, appelées à prendre le relais, sont perçues par les élus locaux comme des structures administratives de gestion ; ce transfert ne semble possible qu’à la condition d’une évolution culturelle significative.

La décision prise en avril 2008 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) de renoncer à la mission d’ingénierie publique de l’État en direction des collectivités territoriales a été souvent perçue par les élus locaux comme un abandon par l’État. Les collectivités ont perdu les repères qu’elles avaient avec les anciennes directions départementales et régionales. Le rapport montre l’importance de l’ingénierie publique pour la définition d’une stratégie de territoire, avec en particulier la réponse aux procédures d’appels à projet et l’élaboration d’un schéma de cohérence territoriale (Scot).

Les dernières années ont vu une profonde réforme des administrations territoriales de l’État : réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE), réforme de la carte judiciaire, fusion des réseaux du Trésor et de la comptabilité publique, avec une réduction des effectifs selon la règle du non remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Le ressenti immédiat de nombre d’élus, comme de nos concitoyens, est celui d’un recul du service public. Pourtant personne ne nie la nécessité d’une modernisation de nos administrations, qui doivent s’adapter aux mutations de notre société, dans le contexte tendu des finances publiques. D’ores et déjà la RéATE a entraîné une meilleure coordination interministérielle dans les nouvelles directions départementales et régionales. Les rapporteurs estiment qu’il faut définir une masse critique de services de l’État présents sur tous les territoires, constituée autour des grandes fonctions comme la sécurité, l’éducation et la justice.

Dans l’éducation, la crainte est réelle concernant les fermetures de classes et d’écoles, avec les regroupements pédagogiques. Les regroupements de brigades dans la gendarmerie sont mieux acceptés. Dans le contexte de réduction des effectifs, les gendarmes se recentrent sur leur cœur de métier. La reforme de la carte judiciaire a donné le sentiment général d’avoir été menée sans concertation préalable suffisante avec les élus locaux, contrairement à ce qu’affirme le ministère de la Justice. Certains ruraux renoncent à recourir à la justice, y compris en matière pénale, car le tribunal est devenu trop lointain. Le ministère de la Justice met en place des solutions alternatives de proximité (maisons de la justice et du droit, points d’accès au droit, audiences foraines…) ou dématérialisées.

La création de la direction générale des finances publiques (DGFiP) a permis de regrouper les réseaux de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) et de la direction générale des impôts (DGI). Le ministère du Budget estime qu’il n’y a pas eu de programmation de fermeture des petites trésoreries, mais plutôt un étiolement dû au défaut d’attractivité auprès des agents. Il reste que depuis 2004 les fermetures ont été très nombreuses et qu’elles peuvent poser des problèmes d’accessibilité dans certaines zones rurales. Le ministère indique que la réforme s’est effectuée à missions constantes pour les collectivités locales, mais certains élus craignent une diminution de l’ingénierie financière qui leur est ainsi fournie.

Tout en faisant évoluer son réseau vers de nouvelles formes, La Poste conserve 17 000 points de contacts sur l’ensemble du territoire. La fusion de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et des associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assedic) est généralement bien acceptée. Sur le terrain, l’action de Pôle emploi est cependant sous tension en raison de la montée du chômage.

Face aux problèmes croissants de démographie médicale, la question de l’accès aux soins apparaît comme la première attente des habitants des territoires ruraux. Pour enrailler le mouvement de désertification médicale, différents types d’aides financières ou dispositifs incitatifs ont été mis en place et le numerus clausus a été augmenté. La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « HPST ») comporte plusieurs dispositions visant à corriger les déséquilibres territoriaux dans la répartition des professionnels de santé, au premier rang desquels la création des Agences régionales de santé (ARS). Les rapporteurs ont fait le constat que l’exercice de la médecine de façon isolée n’était plus adapté aux conditions prévalant dans les territoires ruraux. L’exercice pluridisciplinaire et regroupé des professionnels de santé doit être recherché. Il existe un continuum entre santé et social : face au coût et aux inconvénients du placement en maison spécialisée, il convient de favoriser le maintien à domicile, notamment des personnes âgées.

La préservation et le développement d’une base économique équilibrée constituent une condition nécessaire au maintien de l’emploi, et donc à une évolution démographique favorable dans les territoires ruraux. Les territoires ruraux disposent d’un potentiel économique diversifié très important. Il faut considérer les zones rurales dans le débat actuel visant à favoriser la relocalisation de la production et la réindustrialisation. Les dispositifs publics sont nombreux : zones de revitalisation rurale (ZRR), pôles d’excellence rurale (PER), grappes d’entreprises, prime à l’aménagement du territoire (Pat), Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac)… Or les dispositifs d’exonération de charges sociales et fiscales dans les ZRR ne sont ni mesurés ni évalués. Le rapport recommande de définir dans chaque territoire une stratégie de développement économique reposant sur un diagnostic partagé entre les directions régionales des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) et les collectivités territoriales, en partenariat avec les milieux économiques eux-mêmes.

Comment faire pour que les retours en France de 10 milliards d’euros au titre de la politique agricole commune (Pac) bénéficient mieux aux exploitations et à l’emploi agricoles ? Les solutions passent notamment par le développement de filières à valeur ajoutée, de circuits courts et d’une meilleure rémunération des services environnementaux rendus par les agriculteurs. Le rapport recommande en outre une action forte pour la préservation du foncier, pour lutter contre l’artificialisation des terres.

Les espaces ruraux français disposent d’un potentiel touristique très riche. Le constat généralement établi montre que 80 % de la population fréquente de façon touristique 20 % seulement du territoire (littoral, montagne, stations touristiques classées…), alors que 70 % du territoire national est rural. Il s’en suit une saturation des zones touristiques, avec des conséquences négatives en termes de développement durable, et une paupérisation des territoires ruraux environnants. Il s’agit donc de mieux organiser et renforcer les capillarités entre les zones touristiques et leur arrière pays rural, dans un contexte où tout le monde est gagnant : désengorgement des stations et développement des zones rurales.

Dans le monde rural, les communications électroniques sont devenues des services de première nécessité. La localisation d’activités économiques ou l’établissement de résidences de particuliers en dépend souvent. La couverture du territoire en téléphonie mobile de 2e génération reste encore à achever. L’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (Arcep) demande que les opérateurs couvrent en téléphonie mobile de 4e génération simultanément les zones denses, où ils ont tendance à aller en priorité, et les zones rurales. La France est le pays au monde où l’accès à l’Internet haut débit a été le plus précoce, le plus généralisé et au moindre coût pour l’usager. Le passage à l’Internet très haut débit s’avère plus complexe. Les opérateurs commenceront sans doute par câbler les territoires les plus denses, là où le retour sur investissement sera le plus rapide. Une action coordonnée des opérateurs privés, des collectivités territoriales et de l’État sera nécessaire. L’objectif de couvrir la France entière en 2025 représente un investissement global estimé à 23,5 milliards d’euros. Les 2 premiers milliards du fonds constitué à cet effet devront être complétés. Le sénateur Hervé Maurey propose un financement au travers d’une contribution sur les abonnements d’accès Internet fixe et téléphonie mobile et d’une taxe sur les produits électroniques grand public (téléviseurs et consoles de jeux).

Le maintien d’une desserte de transports de qualité représente un enjeu prioritaire pour les territoires ruraux, compte tenu de ses répercussions multiples sur l’attractivité et le dynamisme résidentiel et économique de ces territoires. L’enjeu porte sur les liaisons ferroviaires, sur l’amélioration de certaines liaisons routières ou autoroutières et sur les liaisons aériennes internes. Il s’agit de désenclaver les territoires qui le sont encore. En outre les habitants des territoires ruraux ont de plus en plus besoin d’une offre de transport multimodale adaptée à la fois à l’évolution des modes de vie et aux spécificités des zones rurales, qui combine transports individuels et transports collectifs. Le maintien et l’entretien des trains d’équilibre du territoire (TET) et des trains express régionaux (TER) ne doivent pas être délaissés au profit du développement des seules lignes à grande vitesse (LGV). L’effort de solidarité effectué par l’État pour le financement des lignes aériennes d’aménagement du territoire (LAT) doit être maintenu. Le schéma national des infrastructures de transport (Snit), en cours d’élaboration, constitue un effort de planification pluriannuelle des investissements publics en matière de transports.

Le parc de logements en milieu rural est plus vétuste, largement individuel et plus inconfortable qu’en milieu urbain. Il nécessite des travaux qui peuvent parfois se révéler incompatibles avec le niveau de revenus souvent faible des habitants des territoires ruraux, ce qui peut entraîner une difficulté pour les propriétaires occupants à se maintenir à domicile. La première caractéristique des logements ruraux est la prédominance des propriétaires occupants (70 % des ménages en zone rurale). On constate un déficit de logements sociaux locatifs en milieu rural : 7 % seulement des logements sont des logements HLM, contre 20 % en milieu urbain. Les rapporteurs confortent la réorientation de l’action de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) vers la lutte contre le logement insalubre et la précarité énergétique et l’adaptation des logements à la dépendance. Ils soutiennent également les efforts de l’Agence en faveur d’un meilleur repérage des situations les plus difficiles. Enfin, il convient d’insister sur la nécessaire cohérence entre la localisation des nouvelles zones résidentielles et les modalités de transports et l’offre de services correspondantes.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 sur l’aménagement du territoire :

– Maintenir une politique d’aménagement du territoire ambitieuse, qui fasse partie intégrante du pacte républicain.

– Soutenir le développement équilibré des villes et des campagnes, dans un contexte où les zones rurales sont non pas en déclin mais en mutation, en situation de regain démographique et riches de leur patrimoine naturel, historique et culturel, ainsi que de leur capacité d’innovation.

Recommandation n° 2 sur la coordination interministérielle :

– Améliorer la coordination interministérielle des politiques d’aménagement du territoire en milieu rural ; rattacher l’aménagement du territoire à un ministre de plein exercice dépendant directement du Premier ministre, pour s’assurer que les politiques de développement rural couvrent tous les secteurs économiques ; renforcer le rôle de la Datar ; restructurer le document de politique transversale « Aménagement du territoire » pour bâtir de nouveaux indicateurs synthétiques, renforcer son intérêt stratégique et constituer ainsi un outil de pilotage de cette politique.

– Pallier l’insuffisance des données financières sur les dispositifs d’État affectés aux territoires ruraux ; créer un dispositif de suivi avec tableau de bord permettant une mesure et une évaluation des effets de ces dispositifs.

– Organiser une concertation régulière des principaux intervenants sur le monde rural, par exemple en réunissant annuellement la Conférence de la ruralité.

– Concevoir l’attractivité des territoires ruraux de manière transverse en intégrant toutes ses dimensions (activités économiques, services publics et au public, offre de santé et de services sociaux, infrastructures de transports et de communications électroniques, logement…).

Recommandation n° 3 sur les fonds européens :

– Veiller, dans la prochaine programmation budgétaire européenne 2013-2020, à ce que les actions financées par le Feader bénéficient, au-delà des activités agricoles, à l’ensemble du monde rural.

– Mieux intégrer dans cette nouvelle programmation les orientations stratégiques françaises relatives au Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), au Fonds européen pour la pêche (Fep) et aux fonds structurels (Fonds européen de développement régional - Feder, et Fonds social européen - FSE).

Recommandation n° 4 sur les pays :

– Clarifier l’avenir des pays, après la suppression de leur fondement législatif dans la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, afin d’éviter de porter un coup d’arrêt brutal aux dynamiques créées par les pays, dans un contexte où les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne sont pas encore structurés pour l’animation de projet et la participation de la société civile.

Recommandation n° 5 sur les intercommunalités :

– Réaffirmer la nécessité d’une réforme de l’intercommunalité, mais dans le respect de la concertation, de la volonté de « vivre ensemble » des collectivités ; souligner que ces regroupements doivent résulter d’un rapprochement progressif et s’ancrer dans la durée pour créer une dynamique.

– Favoriser la constitution de territoires porteurs d’une « identité propre » partagée, avec l’émergence d’un sentiment d’adhésion et d’appartenance fondé sur des données historiques, géographiques, culturelles, sociales ou économiques.

– Souligner la nécessité de l’implication des « parties prenantes » par l’équivalent d’un conseil de développement, dont la pérennité serait assurée au-delà des renouvellements de personnes.

– Souhaiter l’émergence de « territoires de projet » organisés de façon souple à l’échelle de bassins de vie, sans référence à une « taille critique » définie de manière normée, mais avec une dimension déterminée de façon ad hoc selon des modalités d’organisation adaptées à la diversité des situations locales et des thématiques d’intervention.

– Insister sur la nécessité d’un portage politique des nouvelles entités, avec une stratégie de développement pertinente de long terme et tissant les liens porteurs d’une « vision partagée » pour le territoire.

– Encourager la coopération entre territoires, complémentaire des fusions en cours, avec des mises en réseau, même sur des territoires non contigus, par exemple sur des filières économiques, et avec une mise en commun de l’ingénierie publique locale.

Recommandation n° 6 sur les structures supérieures de gouvernance locale :

– Reconnaître le rôle des structures supérieures de gouvernance locale (départements, régions, massifs et parcs naturels) pour assurer une plus grande solidarité financière, pour planifier et pour apporter un appui en termes de ressources humaines en ingénierie publique.

Recommandation n° 7 sur les schémas de cohérence territoriale (Scot) :

– Généraliser rapidement l’élaboration de Scot, porteurs d’une stratégie territoriale globale de développement (urbanisme, mobilité, logement, « agenda 21 »).

– Articuler leur périmètre avec les territoires de projet présents sur la même zone géographique.

– Inciter les communes à transférer aux intercommunalités les pouvoirs de décision en matière d’urbanisme et à se doter de documents d’urbanisme.

Recommandation n° 8 sur l’ingénierie publique locale :

– Réorienter les ressources des communes et de leurs groupements vers l’ingénierie publique locale (ressources humaines et compétences), en raison de l’importance du facteur humain dans le développement des territoires.

– Mettre en commun ces ressources à l’échelle du territoire ou par une coopération entre plusieurs territoires en fonction de leurs tailles.

Recommandation n° 9 sur les liens entre villes et campagnes :

– Concevoir l’aménagement du territoire de façon globale en prenant en compte les liens entre villes et campagnes, dans une logique accentuée de complémentarité et de continuité ; souligner à cet égard l’importance des villes petites et moyennes pour le développement des campagnes environnantes.

– Éviter une concentration excessive de l’action publique, des activités économiques et des constructions de logements dans les grandes métropoles.

Recommandation n° 10 sur les modalités de mise en œuvre de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural :

– Assurer une complémentarité entre les dispositifs prioritaires (zonages) et les procédures sélectives (appels à projet).

– Maintenir au-delà de 2013 le zonage des aides à finalité régionale (AFR).

– Assurer une révision régulière des zonages (zones de revitalisation rurales – ZRR et zones d’aides à finalité régionales – AFR).

Recommandation n° 11 sur l’information relative aux dispositifs publics et leur simplification :

– Renforcer l’information et la communication sur les dispositifs de l’État, avec une animation par les préfectures, par exemple par une mise en réseau des développeurs économiques des collectivités territoriales par les unités territoriales des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

– Simplifier les procédures d’accès aux dispositifs publics, souvent complexes et empilés, notamment dans les domaines où coexistent des dispositifs de droit commun et des dispositifs spécifiques aux territoires ruraux.

Recommandation n° 12 sur la maîtrise du foncier :

– Assurer la maîtrise du foncier, contre le « mitage » et l’artificialisation des terres, afin de préserver les paysages du milieu naturel, les terres agricoles et le patrimoine historique et culturel.

– Évaluer avant la fin de l’année 2013 l’efficacité des dispositions de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche (« LMAP ») relatives à la protection du foncier agricole.

Recommandation n° 13 sur les services publics et au public :

– Maintenir un socle de services publics sur l’ensemble du territoire ; respecter la charte des services publics en milieu rural de 2006 pour la concertation et la consultation des élus avant toute décision de modification d’implantation ; favoriser les regroupements d’offre de services publics et au public.

– Réaffirmer le rôle de la Datar dans l’évaluation des conséquences de la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) sur l’aménagement du territoire, en particulier l’accessibilité aux services publics (temps d’accès, distance géographique, regroupement des points d’accès et accès à distance…) ; prendre en compte une vision territoriale des restructurations administratives basée sur un diagnostic local, pour éviter un empilement de logiques sectorielles.

– Assurer le respect de la directive nationale d’orientation (DNO) du ministère de l’Intérieur prévoyant de mettre les sous-préfectures au service des collectivités, pour compenser l’abandon de l’ingénierie publique concurrentielle décidée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ; maintenir une coordination interministérielle de proximité au niveau des sous-préfets.

– Veiller à procéder à une profonde mutation professionnelle des personnels des services déconcentrés de l’État pour accomplir les nouvelles tâches qui leur sont dévolues dans le cadre de la réforme ; maintenir l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (Atesat) pour les intercommunalités à taille réduite.

– Faire un effort de lisibilité et de visibilité des nouvelles directions départementales et régionales interministérielles, à destination des collectivités territoriales, des acteurs économiques et sociaux et des citoyens.

Recommandation n° 14 sur l’offre de soins et de services sociaux :

– Assurer les conditions d’une offre de santé équilibrée sur l’ensemble du territoire (hôpitaux, médecins et professions paramédicales), dans le contexte d’une évolution démographique défavorable des praticiens dans les zones rurales ; considérer que les agences régionales de santé (ARS), chargées de l’organisation de l’offre de soins en fonction des besoins de la population, ont une responsabilité particulière en la matière et doivent en rendre compte au Parlement.

– Favoriser la mise en réseau de tous les acteurs de santé sur chaque territoire ; prévoir pour ce faire une animation par un ou des élus permettant d’intégrer un volet santé dans chaque projet de territoire, en utilisant tous les outils disponibles ; soutenir les actions favorisant l’exercice regroupé des professionnels de santé, par exemple les maisons de santé pluriprofessionnelles, afin notamment de répondre à l’isolement des médecins de campagne.

– Établir dans les projets de santé de territoire un lien nécessaire avec les services médico-sociaux ou sociaux (structures d’accueil de personnes âgées médicalisées ou non, services aidant au maintien à domicile et autres services à la personne…).

- Conclure des contrats locaux de santé (CLS) dans l’ensemble du territoire national avant la fin de l’année 2015.

Recommandation n° 15 sur l’attractivité économique et l’emploi :

– Définir dans chaque territoire une stratégie de développement économique reposant sur un diagnostic partagé entre les directions régionales des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), les régions, les départements et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en partenariat avec les milieux économiques eux-mêmes.

– Porter un effort particulier au maintien et au développement en milieu rural des filières artisanales et industrielles, traditionnelles ou nouvelles.

– Développer et rendre plus visibles les labels d’origine française ou régionale pour les produits industriels.

– Développer le secteur des services à la personne dans le cadre d’une « économie résidentielle » reposant sur le regain démographique des zones rurales.

Recommandation n° 16 sur l’agriculture :

– Renforcer et réorienter la contribution de l’agriculture vers le développement des territoires ruraux ; favoriser la réappropriation par les agriculteurs de leur responsabilité historique de promoteurs et gestionnaires de l’identité rurale ; maintenir et développer, à côté d’une agriculture industrialisée compétitive correspondant à la vocation exportatrice de la France, des filières territorialisées avec des productions de qualité, des niches à valeur ajoutée, des circuits courts et des activités de transformation sur place.

– Maintenir après 2013 une politique agricole commune (PAC) forte en soutenant et réorientant sa contribution vers le développement des territoires ruraux.

– Mieux rémunérer les services environnementaux rendus par les agriculteurs.

Recommandation n° 17 sur le tourisme rural :

– Favoriser le développement de toutes les formes de tourisme rural (pédestre, équestre, cycliste, nautique, œnologique, gastronomique, à la ferme, gîtes ruraux…) en soulignant l’importance du tourisme rural pour limiter l’engorgement des stations touristiques sur le littoral, dans les zones de montagne et dans les sites remarquables.

– Développer la visibilité et la lisibilité de l’offre française de tourisme rural, par une mise en réseau des acteurs et une politique de labels adaptée ; atteindre une taille critique permettant, dans chaque territoire, de mettre en commun les équipements et les moyens et de définir une stratégie touristique attractive, avec l’appui d’Atout France et des autres partenaires associatifs ou privés.

Recommandation n° 18 sur les communications électroniques :

– S’assurer tout au long des processus de déploiement de la téléphonie mobile (jusqu’à la quatrième génération) et de l’internet haut et très haut débit (fibre optique) d’un équilibre entre zones denses et peu denses sur l’ensemble du territoire national.

– Prévoir le financement du déploiement de la fibre optique pour l’ensemble de la population française, par exemple au moyen des contributions proposées par le sénateur Hervé Maurey.

– Utiliser les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) pour favoriser dans les zones rurales le développement du télétravail, de la télémédecine ou des différentes formes d’enseignement à distance.

Recommandation n° 19 sur les transports :

– Développer les infrastructures de transport et des services de transports en commun (ferroviaire, aérien et routier) pour la desserte des territoires ruraux ; assurer dans le schéma national des infrastructures de transport (Snit) en cours d’élaboration un développement équilibré des transports dans les territoires urbains et ruraux, notamment pour les plus enclavés d’entre eux.

– Assurer une meilleure coordination des différentes autorités organisatrices de transports (AOT) que sont les régions, les départements et les communes et leurs regroupements, afin de disposer sur les territoires d’une offre de transport cohérente.

– Favoriser le développement des transports innovants sous toutes leurs formes (transport à la demande, intermodalité, covoiturage…).

Recommandation n° 20 sur le logement :

– Réorienter la politique de rénovation de l’habitat vers la lutte contre le logement insalubre et la précarité énergétique et vers l’adaptation des logements à la dépendance ; intensifier en la matière les efforts de repérage entrepris par tous les acteurs pouvant y contribuer (travailleurs sociaux, professionnels de santé, aides ménagères…).

– Développer le logement social locatif en zone rurale, trop souvent délaissé au profit des grandes agglomérations.

– Assurer la cohérence des différentes planifications des sols (urbanisme, transports, services publics…), notamment les schémas de cohérence territoriale (Scot), lors du choix d’implantation des nouvelles zones résidentielles.

– Introduire un élément de souplesse dans les politiques de l’État en matière de logement, par trop standardisées, en particulier dans la délimitation des zonages.

NOTE MÉTHODOLOGIQUE

A.- PÉRIMÈTRE DE L’ÉVALUATION

1.- La définition du monde rural

Le monde rural n’est plus caractérisé depuis longtemps uniquement par l’activité agricole. Il est défini essentiellement par un espace de faible densité démographique, à la différence des zones urbaines. Il n’existe pas de définition internationale du rural. L’OCDE et Eurostat ont des définitions distinctes, reposant cependant toutes deux en grande partie sur la notion de densité.

L’Insee a élaboré trois zonages du territoire national qui sont utilisés individuellement ou conjointement, en fonction du contexte d’analyse :

– le découpage en « unités urbaines » et « communes rurales ». Une unité urbaine est définie par le critère morphologique de la continuité du tissu bâti (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) et comptant au moins 2 000 habitants. Les « communes rurales » sont celles n’appartenant pas à une unité urbaine (ensemble de communes urbaines). Ces seuils (200 mètres, 2 000 habitants) sont conformes aux recommandations de la conférence des statisticiens européens de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies.

– les « aires urbaines » reposent sur un découpage fonctionnel permettant d’obtenir une vision des aires d’influence des villes (au sens des unités urbaines) au-delà de leurs limites physiques définies par la continuité du bâti. Une aire urbaine est composée d’un pôle, ville concentrant au moins 1 500 habitants, et le plus souvent d’une couronne, dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans les commune attirées par celui-ci.

– les « bassins de vie », qui reposent sur le critère de l’accès à un certain nombre de services, et qui constituent le plus petit territoire au sein duquel les habitants ont accès à la fois aux équipements et à l'emploi.

Ces découpages sont anciens et reposaient, jusqu’au milieu de cette année, sur les données du recensement de 1999. Les deux premiers découpages (unités urbaines et aires urbaines) du territoire national ont été redéfinis en 2011(2). L’Insee annonce un nouveau découpage des bassins de vie au cours du premier semestre 2012. Les trois découpages reposent ou reposeront sur le recensement de 2008.

Ÿ Le découpage en « unités urbaines » et « commune rurale »

En 10 ans, la superficie de l’espace urbain en métropole a progressé de 19 %. Les villes occupent désormais 22 % du territoire et abritent 48 millions d’habitants, soit 78 % de la population. Les communes rurales représentent, a contrario, 78 % du territoire et 22 % de la population. L’urbanisation progresse surtout le long des littoraux atlantique et méditerranéen mais aussi dans les régions alpines. C’est à la campagne que la croissance démographique est la plus importante. Elle est aussi plus forte dans les petites villes que dans les grandes. Entre 1999 et 2010, la population urbaine a augmenté de 4,6 %, la population rurale de 9 %. L’espace rural conserve son dynamisme observé déjà depuis la fin des années 1970 : il y a plus d’arrivées que de départs (solde migratoire) et désormais plus de naissances que de décès (solde naturel), ce qui n’était pas le cas durant la décennie 1990. En revanche, en termes de nombre de communes, parmi les 36 570 communes métropolitaines, 7 227 sont urbaines en 2010 ; 1 368 communes rurales en 1999 sont devenues urbaines et seulement 100 communes urbaines sont redevenues rurales.

Ÿ Le nouveau « zonage en aires urbaines »

Ce nouveau zonage ne distingue plus, comme auparavant, les « aires urbaines » de « l’espace à dominante rurale ». Dans ce nouveau découpage, les communes sont regroupées en quatre types : espace des grandes aires urbaines (unités urbaines de plus de 10 000 emplois) ; espace des aires urbaines moyennes (de 5 000 à 10 000 emplois) et petites (de 1 500 à 5 000 emplois) ; autres communes multipolarisées (communes sous l’influence de plusieurs aires urbaines) ; communes isolées hors influence des pôles (unités urbaines).

Au total, selon cette définition, 61 millions de personnes, représentant 95 % de la population, vivent sous l’influence des villes. Pour l’essentiel il s’agit de personnes résidant dans des zones d’échanges intensifs entre les lieux de domicile et de travail. 85 % de la population réside dans des aires urbaines ; 10 % réside dans des communes sous l’influence de plusieurs aires urbaines sans qu’aucune ne prédomine ; hors influence des villes, on trouve 5 % de la population dans 7 400 communes rurales ou petites villes. L’Insee estime qu’il n’y a plus grand sens à définir une espace fonctionnel rural pour ces communes isolées. Par contre on trouve des « communes rurales » dans toutes les « aires urbaines », dans des proportions très variables : elles sont très majoritairement dans les zones d’influence des villes petites et moyennes.

Ÿ Les « bassins de vie »

L’Insee a découpé le territoire de la France métropolitaine en 1 745 « bassins de vie des bourgs et des petites villes » et 171 agglomérations de plus de 30 000 habitants. Les bassins de vie regroupent 21,2 millions d’habitants, soit 36 % de la population métropolitaine. Ils excluent, par construction, les grandes agglomérations urbaines. En milieu urbain dense, il n’a pas été possible pour l’Insee de distinguer des territoires bien séparés. C’est notamment le cas pour les grandes agglomérations et leur périphérie immédiate ; les 171 agglomérations de plus de 30 000 habitants, représentant les deux tiers de la population française (37,3 millions d’habitants) n’ont pas été partitionnées. Il est cependant clair que la totalité de l’unité urbaine de Paris, ou celle de Lyon, n’appartient pas en réalité à un seul bassin de vie.

Le territoire de la France métropolitaine, en dehors des grandes agglomérations, a été divisé en 1 745 « bassins de vie » des bourgs et des petites villes. Ce découpage a été réalisé pour faciliter la compréhension de la structuration du territoire. Le bassin de vie est le plus petit territoire dans lequel les habitants ont accès à la fois aux équipements de la vie courante et à l'emploi.

Pour l’Insee, les services et équipements de la vie courante servant à définir les bassins de vie comportent quatre catégories :

– équipements concurrentiels : hypermarché et supermarché, grande surface non alimentaire, magasins (vêtements, chaussures, électroménager, meubles), librairie, droguerie, marché de détail, banque, vétérinaire ;

– équipements non concurrentiels : gendarmerie, perception, notaire, Pôle Emploi, maison de retraite, bureau de poste, crèche ou halte-garderie, installation sportive, piscine, école de musique, cinéma ;

– équipements de santé : médecin, infirmier, pharmacie, masseur-kinésithérapeute, dentiste, ambulance, maternité, urgences, hôpital de court, moyen et long séjour ;

– équipements d'éducation : collège, lycée général et/ou technologique, lycée professionnel.

Certains bassins de vie sont qualifiés de « dépendants » car ils ne comportent pas un nombre suffisant d’équipements ou d’emplois pour répondre aux besoins de leurs habitants. Leur grande majorité ont un pôle de nature périurbaine, ils sont dépendants des grandes agglomérations dont ils sont proches pour l’emploi et les services à la population. Les bassins de vie appuyés sur les petites villes les plus peuplées sont de fait les plus autonomes. C’est également le cas lorsque ces petites villes ou bassins sont immergés en plein milieu rural, comme par exemple dans la diagonale intérieure du pays. Alors, les bassins de vie sont parfois vastes et l’accès aux équipements est plus difficile.

L’Insee travaille actuellement sur un découpage en bassins de vie de l’ensemble du territoire national ; une des pistes de réflexion pourrait consister à distinguer des bassins de vie urbains et ruraux en fonction de leur densité de population.

• Les « aménités » rurales

Les aménités (amenities) rurales sont une notion de l’OCDE apparue à la fin des années 1990(3). Elles correspondent aux éléments de culture et naturels qui font partie du patrimoine et qui sont susceptibles d’attirer les populations.

Définition des aménités rurales (OCDE)

Les zones rurales sont riches d’aménités les plus diverses : sites naturels vierges, paysages soigneusement aménagés, monuments historiques, traditions culturelles vivantes, etc. Ces aménités font l’objet d’une demande croissante liée à l’élévation du niveau de vie des citadins qui consacrent plus de temps et d’argent à profiter de la campagne. Cet intérêt grandissant pour la nature et le patrimoine culturel offre de nouvelles opportunités économiques aux zones rurales, dont l’économie est souvent en retard sur celle des villes.

Le terme d’aménité rurale recouvre une large gamme de structures uniques, naturelles ou construites par l’homme en zone rurale, telles que la flore et la faune, les paysages cultivés, le patrimoine historique, voire les traditions culturelles. Les aménités se distinguent des caractéristiques plus ordinaires de la campagne car elles sont reconnues comme précieuses ou, en termes économiques, exploitables. Il s’agirait alors de lieux et de traditions dont certains individus, ou la société dans son ensemble, peuvent tirer une utilité. La valeur ou l’utilité constitue un facteur capital, qui permet de considérer l’aménité rurale comme une ressource importante pour le développement économique.

2.- Les autres dimensions de l’évaluation

L’évaluation réalisée au titre du présent rapport concerne tous les dispositifs de l’État en matière d’aménagement du territoire en milieu rural. Elle inclut aussi l’articulation avec les dispositifs mis en place par l’Union européenne et les collectivités territoriales.

L’évaluation vise tous les aspects du monde rural : services publics et services au public, services sociaux et de santé, soutien aux activités économiques (agriculture, industrie, services – notamment le tourisme rural), transports, NTIC, transports, logements. La politique agricole commune (PAC), essentielle aux territoires ruraux, nécessiterait une évaluation spécifique et ses mécanismes n’ont pas été approfondis dans le cadre de la présente évaluation.

La période d’évaluation correspond aux six dernières années pleines (2005 – 2010), c'est-à-dire depuis la loi « LDTR » du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, qui avait elle-même été précédée d’un vaste exercice d’évaluation, étalé sur plus de deux ans, réalisé par le Commissariat général au plan (CGP) et ayant donné lieu à une publication globale en 2003. En cas de données non disponibles ou de nécessité de recul plus important, l’évaluation portera sur la période des dix dernières années.

B.– TYPOLOGIE DES TERRITOIRES RURAUX

Les territoires ruraux français présente une grande diversité, qui suscite des problématiques différentes et entraîne des actions différentiées.

La Société d’études géographique, économique et sociologique appliquée (Segesa) a proposé une typologie des zones rurales en six catégories dans le cadre de l’évaluation précitée du Commissariat général au Plan (CGP) de 2003.

Typologie combinant des critères démographiques et d'activité (Segesa) (4)

Afin de traduire la diversité des espaces ruraux dont la prise en compte constitue une préoccupation croissante des dispositifs de développement, la typologie cantonale de la Segesa, spécialement construite pour l’évaluation du Commissariat général au Plan (CGP) de 2003, a identifié six groupes caractéristiques des espaces ruraux français.

– cantons de l'espace rural intermédiaire à agriculture significative : ce groupe de cantons est le plus important en nombre (741 cantons). Sa caractéristique est liée à la diversité des activités économiques marquées par une présence significative à la fois des ouvriers (36 %) et des agriculteurs (15,4 %), et un taux d'activité féminin élevé. Le chômage y est inférieur à la moyenne de l'ensemble des groupes. Presque tous les critères d'évolution sont proches de ceux de la moyenne des groupes.

– cantons périurbains résidentiels : ce groupe de 419 cantons, présents en périphérie de toutes les grandes villes françaises, se distingue avant tout par un taux très élevé d'actifs travaillant hors de leur commune de résidence (près de 70 %) et de ménages disposant d'une voiture. Le niveau du chômage inférieur à la moyenne et un taux d'activité des femmes supérieur traduisent une situation de l'emploi assez favorable. Dans ces cantons, les logements sont de construction récente et rarement vacants. L'emploi agricole qui représente encore 6 % des ménages régresse plus qu'ailleurs. Une densité de 126 habitants par kilomètre carré laisse de la place aux espaces naturels et agricoles.

– cantons ruraux périurbains de grandes exploitations céréalières : fortement spécialisés dans les activités céréalières et les grandes cultures, ces 146 cantons où la marge brute standard par exploitation (qui mesure la dimension économique des exploitations) est 3,5 fois supérieure à la moyenne nationale, ces cantons sont principalement situés au nord-est de l'Hexagone en particulier en Île-de-France, avec quelques noyaux plus dispersés dans le Berry et les Landes. Les agriculteurs ne représentent que 8 % des actifs dans ces campagnes plutôt ouvrières, très faiblement touristiques. La population est en forte progression. La démographie agricole évolue moins défavorablement qu'ailleurs.

– cantons ruraux ouvriers : ces 348 cantons ruraux où la densité moyenne ne dépasse pas 70 habitants par kilomètre carré sont d'abord caractérisés par la présence de 43 % d'ouvriers dans la population active. Ils sont cinq fois plus nombreux que les agriculteurs. Les structures démographiques sont plutôt favorables mais les indices économiques traduisent une situation de crise : chômage, faible renouvellement du parc immobilier et équipement indigent des ménages. La population stagne, bien que la montée du chômage soit moindre qu'ailleurs. Une part importante de ces cantons est localisée dans la France rurale de l'Est.

– cantons ruraux à population renouvelée et ancrée à forte composante touristique : dans ces 273 cantons, les résidences secondaires sont nombreuses et le parc de logements se renouvelle bien. La part des étrangers est nettement supérieure à la moyenne des 2 726 cantons étudiés. Une forte attractivité et l'importance de la progression de l'emploi féminin caractérisent ces cantons où l'agriculture occupe 13 % des actifs. La localisation de ces cantons, principalement dans l'arrière-pays méditerranéen, explique cette attraction en dépit de facteurs structurels peu favorables que constituent une densité démographique plutôt faible, le vieillissement, la faible natalité, le taux de chômage le plus élevé de tous les groupes. 60 % des actifs ont leur emploi dans leur commune de résidence, principalement dans des activités tertiaires.

– cantons agricoles vieillis et peu denses : ce groupe de 517 cantons de faible densité (20 hab./km2) se caractérise d'abord par un taux d'exploitants agricoles de 29 % supérieur à la part des ouvriers et atteignant plus du double de la moyenne observée dans l'ensemble des cantons étudiés. L'emploi dépend essentiellement des activités locales. Le parc immobilier ne se renouvelle pas. Pour l'essentiel, ces cantons sont localisés dans le Massif central, le Gers, et les plateaux bourguignons. La démographie de ces territoires particulièrement dégradée, marquée par le vieillissement (13 % de la population totale atteint plus de 75 ans) et par un faible taux de natalité, continue à décliner(5).

La Datar prépare actuellement une nouvelle typologie des territoires ruraux. Un appel d’offre a été lancé à l’été 2010. Le marché a été attribué en novembre 2010 à un consortium de laboratoires universitaires coordonné par le Cesaer, laboratoire de l’Inra Dijon. Depuis les travaux sont en cours, le comité de pilotage ouvert aux autres ministères, aux associations d’élus et à l’OCDE s’est déjà réuni à trois reprises. Les travaux ont été achevés durant l’été 2011 et ont fait l’objet d’une première diffusion orale à l’automne 2011, dans l’attente d’une très prochaine publication écrite.

C.- AUDITIONS, DÉPLACEMENTS ET QUESTIONNAIRE

Un questionnaire a été envoyé par les rapporteurs à 10 ministères pour les interroger sur les dispositifs de l’État en faveur de l’aménagement du territoire en milieu rural : Culture, Enseignement supérieur et recherche, Économie, Jeunesse et sports, Intérieur, Travail et santé, Solidarités, Écologie, Défense et Agriculture (6). Des réponses détaillées ont été reçues de tous les ministères sauf celui chargé des solidarités ; elles sont exploitées dans le présent rapport (7). Le ministère du Travail et de la santé n’a répondu que sur la partie travail, oubliant la question de l’offre de santé sur l’ensemble du territoire, pourtant majeure. Le ministère de l’Écologie n’a répondu que sur la partie environnementale, au détriment des domaines des transports et du logement. Les rapporteurs regrettent que ces absences de réponse ne permettent pas au CEC de remplir convenablement la mission dévolue au Parlement par la réforme constitutionnelle de 2008 en matière d’évaluation des politiques publiques. Les dispositifs mis en œuvre par l’État peuvent ainsi être rapprochés des objectifs assignés aux politiques d’aménagement du territoire en milieu rural (8).

Le Groupe de travail du CEC sur l’aménagement du territoire en milieu rural a procédé à 13 auditions à Paris au cours du premier semestre 2011, chronologiquement : une audition individuelle du délégué à l’aménagement du territoire et 12 tables rondes thématiques (attractivité économique, NTIC, services publics en deux réunions, services au public, services sociaux et de santé, La Poste, tourisme rural, agriculture, transports, logement et gouvernance locale) (9).

Afin de croiser les informations recueillies à Paris avec les données de terrain, quatre déplacements ont été effectués dans des territoires ruraux, appartenant à différentes catégories de la typologie Segesa ci-dessus décrite :

– pays de la vallée de Montluçon et du Cher dans l’Allier (cinq communautés de communes) : zone agricole vieillie et peu dense ; en déprise démographique (l’Allier perd de la population) et économique (fermetures d’activités industrielles métallurgiques et charbonnières), problématique de la démographie médicale, hôpital de proximité, désenclavement routier et ferroviaire, accessibilité des services publics ;

– canton de Domme (Dordogne) : zone rurale à population renouvelée et ancrée à forte composante touristique marquée par le maintien et renouveau d’une activité agricole traditionnelle (noix, vigne, truffe…) ; problématique de l’accessibilité des services publics ; carte intercommunale ;

– grand sud ouest amiénois (trois communautés de communes dans la Somme) : zone périurbaine résidentielle d’Amiens ; démographie médicale, prédominance d’ouvriers ruraux ; réponse de plus en plus inadaptée aux défis scolaires ; dispersion d’une population peu dense ;

– deux communautés de communes du Haut Jura (Morez et Champagnole) : zone rurale ouvrière, filières industrielles traditionnelles, démographie médicale, hôpital de proximité, accueil des personnes âgées, accessibilité des services publics, enclavement (loin des grandes infrastructures de transport).

La liste des personnes rencontrées lors de ces déplacements est publiée en annexe n° 1 au présent rapport. Les rapporteurs ont noté au cours de ces déplacements beaucoup de maturité, avec des échanges approfondis et des dialogues sans drames : les personnes rencontrées étaient très mobilisées et heureuses de cet échange de vues. Ils ont également noté un besoin de transversalité, des personnes invitées le matin seulement étant par exemple restées toute la journée, en évitant ainsi une succession de monologues.

D.- ASSISTANCE DES CONSULTANTS EXTÉRIEURS

Faisant usage de l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, les rapporteurs ont confié, après procédure d’appel d’offres au titre de l’accord-cadre dont bénéficie le CEC, deux études au consortium formé par les cabinets Edater et Kurt Salmon, avec l’expertise en sous-traitance de M. Jean-Jacques Bontron.

L’étude du lot A a eu pour objet d’identifier les principaux dispositifs d’intervention de l’État et d’analyser leurs effets sur les quatre territoires proposés, en mettant en évidence les leviers de développement des territoires ruraux. Sa méthodologie repose essentiellement sur des analyses documentaires et statistiques, avec quatre études de cas sur des terrains représentatifs de la diversité rurale, des entretiens individuels avec des acteurs clés, des débats en groupe et une synthèse des apports et mise en prospective avec les évaluations nationales.

L’étude du lot B visait à réaliser un bilan des différents types de gouvernance et d’organisation territoriale, et a conduit une analyse spécifique sur les schémas de cohérence territoriale (Scot) et examiné le rôle des ressources humaines et des capacités d’ingénierie des principales structures en charge du développement des territoires ruraux. Sa méthodologie a comporté une synthèse bibliographique, une enquête nationale (pays, parcs naturels régionaux (PNR), établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), régions, départements, État), six études de cas (entretiens locaux avec quelques acteurs clefs), des entretiens nationaux et une synthèse.

Chacune des deux études a donné lieu à des recommandations, formulées sous l’entière responsabilité des consultants et qui ne reflètent pas nécessairement les vues des rapporteurs. Elles sont publiées dans le tome II du présent rapport.

E.- ÉVALUATIONS ET RAPPORTS ANTÉRIEURS

De nombreuses évaluations sont déjà intervenues sur les politiques de développement rural. Une sélection des principales est proposée ci-dessous.

• Évaluations proprement dites

– Évaluation des politiques de développement rural : rapport de l’instance d’évaluation du Commissariat général au plan (CGP) (juin 2003).

– Bilan et principaux enseignements de la mise en œuvre de la loi relative au développement des territoires ruraux (« LDTR ») du 23 février 2005 : rapport conjoint du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) (novembre 2009).

– Bilan de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne : rapport de l’IGF, du CGEDD, du CGAAER et de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports (octobre 2010).

– Évaluation des mesures en faveur des zones de revitalisation rurale (ZRR) : rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), du CGAAER, du CGEDD et de l’inspection générale des finances (IGF) (novembre 2009).

– Analyse territoriale des impacts du classement en zone de revitalisation rurale (ZRR) : rapport du cabinet Edater (novembre 2009).

– L'impact d'exonérations fiscales sur la création d'établissements et l'emploi en France rurale - une approche par discontinuité de la régression : École d’économie de Paris, Adrien Lorenceau (working paper n° 2009 - 54).

– Bilan de l’appel à projets relatif aux pôles d’excellence rurale (PER) : rapport du CGAAER et rapport d’Edater (décembre 2008).

– Facteurs de localisation et gouvernance des pôles d'excellence rurale (PER) : Cesaer, UMR Inra - AgroSup Dijon (Enesad) en collaboration avec Epices (mai 2009).

– Évaluation de la prime d'aménagement du territoire (PAT), étude du cabinet Katalyse pour la Datar (février 2006)

– Pauvreté, précarité, solidarité en milieu rural : rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et du CGAAER (septembre 2009).

– Pauvreté et exclusion sociale dans les zones rurales : Commission européenne (septembre 2008).

– Étude des formes de mutualisation des services publics dans le cadre des maisons de services publics et assimilées en milieu rural : rapport de la Diact et du cabinet PLC-Demeter (février 2006).

– Rapport sur les « Relais Services Publics » en milieu rural : Inspection générale de l’administration - IGA (février 2006).

– Services à la demande et transports innovants en milieu rural - de l’inventaire a la valorisation des expériences : Datar (novembre 2004).

– Favoriser l’accès aux transports en zones rurales - promouvoir un chèque transport : Igas et Conseil général des ponts et chaussées (octobre 2004).

– Évaluation des démarches contractuelles de pays : rapport du Conseil général du génie rural, des eaux et des forêts (février 2006).

– Protéger les espaces agricoles et naturels face à l’étalement urbain : rapport CGAAER et du CGEDD (mai 2009).

– Appui méthodologique à l’évaluation du développement des zones rurales : rapport du ministère de l’Agriculture et du cabinet Cesaer (février 2006).

– Inventaire et classification des politiques régionales et départementales de développement rural : rapport conjoint de l’Inra, de l’Ensead et du Cemagref (juillet 2001).

– Rapport de mission ruralité en Europe - Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande et Royaume-Uni : parlementaires et personnalités qualifiées (octobre 2006).

– Analyse de la contribution des programmes opérationnels Feder 2007-2013 au développement des territoires ruraux : étude des cabinets Edater et Segesa (octobre 2010).

– Évaluation à mi-parcours du programme de développement rural hexagonal (PDRH) : ministère de l’Agriculture (juin 2011).

– Analyse du dispositif de sélection des groupements d’action locale (GAL) LEADER+ (10) au regard de la mise en œuvre de leur programme : Segesa (2008).

– Documents issus des assises de territoires ruraux menées fin 2009 et début 2010 (expression des besoins, état des lieux, diagnostic…).

• Rapports parlementaires et propositions de loi

– Rapport d’information (n° 2942) présenté par M. Yves Coussain, député, au nom de la commission des Affaires économiques, sur la mise en application de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux (LDTR) (mars 2006).

– Rapport d’information (n° 4029) présenté le 6 décembre 2011 par Mmes Laure de La Raudière et Corinne Erhel, députées, au nom de la commission des Affaires économiques, sur l’application de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique.

– Rapport d’information (n° 348 – 2010/2011) présenté le 9 mars 2011 par M. Bruno Sido, sénateur, au nom de la commission de l’Économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur la couverture du territoire en téléphonie mobile.

– Rapport d'information (n° 1132) déposé par M. Marc Bernier, député, au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, en conclusion des travaux d'une mission d'information, sur l'offre de soins sur l'ensemble du territoire (30 septembre 2008).

– Rapport d’information (n° 545 / 2008-2009) présenté par M. Jean-Marc Juilhard au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat, sur l’accueil des jeunes enfants en milieu rural (juillet 2009).

– Rapport d’information (n° 557 – 2009/2010) présenté le 15 juin 2010 par M. Yves Daudigny, sénateur, au nom de la délégation aux collectivité territoriales et à la décentralisation, sur les collectivités territoriales : moteurs de l’ingénierie publique.

– Rapport d’information (n° 666 – 2010/2011) présenté le 22 juin 2011 par M. Dominique Legge, sénateur, au nom de la mission commune d’information, sur les conséquences de la RGPP pour les collectivités territoriales et les services publics locaux.

– Rapport d’information (n° 665 – 2010/2011) présenté le 22 juin 2011 par M. Claude Belot, Mme Jacqueline Gourault et M. Dominique Braye, sénateurs, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sur l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI).

– Rapport d’information (n° 730 – 2010/2011) présenté le 6 juillet 2011 par M. Hervé Maurey, sénateur, au nom de la commission de l’Économie du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur la couverture numérique du territoire.

– Rapport d’information (n° 3610) présenté le 29 juin 2011 par MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard et Philippe Armand Martin, députés, au nom de la commission des Affaires européennes, sur l’avenir de la politique agricole commune (PAC) après 2013.

– Rapport d’information (n° 468 – 2007-2008) présenté le 15 juillet 2008 par MM. Jean François-Poncet et Claude Belot, sénateurs, au nom de la délégation à l’aménagement du territoire, sur le nouvel espace rural français.

– Rapport d’information (n° 622 – 2008/2009) présenté le 16 septembre 2009 par M. Rémy Pointreau, sénateur, au nom du groupe de travail de la commission de l’Économie du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur les pôles d’excellence rurale (PER).

– Rapport d’information (n° 600 – 2008/2009) présenté en juin 2011 par Mme Marie-Thérèse Bruguière, au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, et intitulé « Santé et territoires, à la recherche de l’équilibre ».

– Rapport d’information (n° 1205) présenté le 21 octobre 2008 par M. Philippe Boënnec au nom de la Délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire de l’Assemblée nationale, sur la permanence des soins.

- Rapport d’information (n° 3450) présenté le 18 mai 2011 par M. Hervé Mariton, député, au nom de la commission des Finances, sur le schéma national d’infrastructures de transport (Snit).

– Rapport spécial (n° 3805 annexe 31) présenté le 12 octobre 2011 par Mme Arlette Grosskost, députée, au nom de la commission des Finances, sur le projet de loi de finances pour 2012 – mission « Politique des territoires ».

– Rapport spécial (n° 107 – 2011/2012 annexe 19) de Mme Frédérique Espagnac, fait au nom de la commission des Finances, déposé le 17 novembre 2011.

– Avis (n° 3812 tome VI) de M. Jacques Le Nay, député, fait au nom de la commission du Développement durable, déposé le 12 octobre 2011.

– Avis (n° 111 – 2011/2012 tome V) de MM. Ronan Dantec et Rémy Pointereau, sénateurs, fait au nom de la commission de l'Économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, déposé le 17 novembre 2011.

– Proposition de loi (n° 3158) déposée le 9 février 2011 par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe SRC, députés, visant à l’instauration d’un bouclier rural au service des territoires d’avenir.

– Rapport (n° 3245) présenté le 15 mars 2011 par M. Germinal Peiro, député, au nom de la commission du Développement durable, sur la proposition de loi relative à l’instauration d’un bouclier rural au service des territoires d’avenir.

– Proposition de loi (n° 3175) déposée le 15 février 2011 par M. Pierre Morel-A-L'huissier et plusieurs de ses collègues, députés, tendant à mettre en place un Plan Marshall pour la ruralité.

• Travaux de prospective

– Territoires 2040 : l’urbain métropolisé ; les systèmes métropolitains intégrés ; les portes d’entrée de la France et les systèmes territoriaux des flux ; territoires industriels ; villes intermédiaires et leurs espaces de proximité ; les territoires à base économique résidentielle et touristique ; les espaces de faible densité – Datar (2010 et 2011).

– Territoires 2030 : pôles et métropoles ; changement climatique, énergie et développement durable des territoires ; prospective des territoires ; prospective urbaine et politique de la ville – Datar (2005 à 2008).

– Les nouvelles ruralités en France à l’horizon 2030 – Institut national de la recherche agronomique - Inra (juillet 2008).

F.- OBJECTIFS ET INDICATEURS

Toute évaluation d’une politique publique se mesure à l’aune des objectifs et indicateurs définis pour cette politique. Malheureusement il est loin d’être systématique pour le Gouvernement, en France, de définir au préalable ces objectifs et indicateurs.

Dans la contribution écrite envoyée par le délégué de la Datar à l’occasion de son audition par le groupe de travail du CEC, la finalité principale de la politique d’aménagement du territoire est la réduction des déséquilibres de développement entre territoires. Cette notion de déséquilibres de développement renvoie aux composantes démographiques, économiques, sociales, environnementales…

L’analyse des situations territoriales, qui est l’une des compétences de la Datar, met en évidence les réalités suivantes :

– les disparités peuvent être plus fortes entre deux territoires ruraux qu’entre un territoire rural et un territoire urbain,

– la situation des espaces ruraux est fortement corrélée à celle des villes qu’ils entourent.

Ces constats conduisent à appréhender la politique d’aménagement du territoire de façon globale, sans pour autant nier l’existence de besoins spécifiques aux territoires ruraux.

Cette finalité se décline en plusieurs objectifs stratégiques :

– désenclaver les espaces ruraux,

– aider les territoires ruraux à surmonter les mutations économiques auxquels ils sont confrontés,

– améliorer leur degré d’organisation pour renforcer leur capacité d’agir,

– favoriser leur développement endogène, en les aidant à valoriser leurs atouts et potentialités,

– renforcer l’attractivité des territoires auprès des populations et des entreprises,

– promouvoir un modèle durable de développement des territoires ruraux,

– stimuler leur capacité d’innovation.

Pour aller plus loin, les rapporteurs ont reconstitué a posteriori les objectifs de cette politique publique. Trois diagrammes d’objectifs ont été reconstitués a posteriori à partir :

– de l’audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, par la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale le 8 mars 2011 ;

– du Plan d’action pour les territoires ruraux adopté le 11 mai 2010 par le comité interministériel de l’aménagement et la compétitivité des territoires (CIACT) ;

– de la loi de développement des territoires ruraux (LDTR) de 2005.

Enfin les documents budgétaires déposés en annexe au projet de loi de finances pour 2012 mentionnent les indicateurs de performance suivants ayant trait, principalement ou non, aux territoires ruraux :

– Taux de réalisation des objectifs de création d’emplois effectivement créés par les bénéficiaires de la prime d’aménagement du territoire (PAT) (rapport entre les emplois effectivement créés ou maintenus et les créations ou les maintiens d’emplois prévus) ;

– Pourcentage de dossiers de demande de la PAT pour lesquels le délai d’instruction est inférieur à 90 jours ;

– Taux de renouvellement des chefs d’exploitation agricole (nombre d’installations aidées rapporté au nombre de départs) ;

– Nombre de conventions passées par les établissements d’enseignement agricole pour l’animation des territoires et le développement rural (nombre de conventions avec des partenaires extérieurs) ;

– Écart entre le taux de création d’entreprises dans les zones prioritaires d’aménagement du territoire par rapport à la moyenne nationale (zonages des aires à finalité régionale - AFR et zones de revitalisation rurale - ZRR) ;

– Effort de développement de l’éducation artistique et culturelle dans les territoires (zones d’éducation prioritaire (ZEP), lycées professionnels, zones rurales isolées) ;

– Pourcentage de projets bénéficiant d’un taux de subvention compris entre 25 % et 30 % (dotation globale d’équipement - DGE et dotation de développement rural - DDR) ;

– Nombre d'emplois directs créés et maintenus chez les maîtres d'ouvrage d'un pôle d'excellence rurale (PER).

PREMIÈRE PARTIE : LA NÉCESSITÉ D’UNE POLITIQUE AMBITIEUSE D’AMÉNAGEMEMENT DU TERRITOIRE EN MILIEU RURAL

Les rapporteurs notent au préalable que l’utilité et la nécessité d’une politique d’aménagement du territoire ne sont pas remises en cause en France. L’État joue ainsi son rôle de gardien de l’égalité républicaine sur l’ensemble du territoire national, de l’équilibre du développement des différents territoires et de péréquation financière. Son rôle n’a pas été remis en cause par les deux vagues de décentralisation. Les rapporteurs et les consultants ont constaté une attente forte des acteurs des territoires ruraux pour le maintien des ressources et des services de l’État (capacité financière et accompagnement).

Recommandation n° 1 sur l’aménagement du territoire :

– Maintenir une politique d’aménagement du territoire ambitieuse, qui fasse partie intégrante du pacte républicain.

– Soutenir le développement équilibré des villes et des campagnes, dans un contexte où les zones rurales sont non pas en déclin mais en mutation, en situation de regain démographique et riches de leur patrimoine naturel, historique et culturel, ainsi que de leur capacité d’innovation.

I.- LE PILOTAGE NATIONAL DE CETTE POLITIQUE

A.- UNE COORDINATION INTERMINISTÉRIELLE INSUFFISANTE

1.- Le rôle de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar)

Dans le décret du 14 décembre 2009, « la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar), placée sous l’autorité du Premier ministre, est chargée de préparer les orientations et de mettre en œuvre la politique nationale d’aménagement et de développement du territoire.

Dans ces domaines, elle assure au niveau national la coordination interministérielle ; elle est en outre chargée de l’observation, de l’étude, de la prospective, du suivi et de l’évaluation.

Elle prépare les actions et programmes destinés à renforcer l’attractivité économique, la cohésion et la compétitivité des territoires, à accompagner les mutations économiques, à améliorer l’accessibilité et à promouvoir un aménagement durable, équilibré et cohérent des territoires ruraux et urbains. (…)

Dans le respect des attributions des représentants de l’État territorialement compétents, elle assure la coordination et le suivi des politiques d’implantation territoriale des administrations et établissements publics de l’État sous l’autorité de leur tutelle. »

En outre, le Conseil des ministres du 5 janvier 2011, traitant de la « rationalisation des implantations des services publics », a chargé la Datar « d’assurer un suivi interministériel des conséquences territoriales des différentes réorganisations en cours et d’identifier les territoires cumulant les restructurations sectorielles. » Lors de son audition par le Groupe de travail du CEC, le délégué de la Datar indiquait que ce travail ne faisait que débuter et ne pourra être mené à bien qu’avec le concours des ministères sectoriels concernés, dont il attendait les contributions. L’objectif est d’évaluer l’impact sur chaque territoire concerné du départ de personnels – salariés et leurs familles – consécutif aux restructurations.

La mission budgétaire « Politique des territoires », dotée de 336,5 millions d’euros en crédits de paiement en 2012, comprend deux programmes dont le plus important, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » (300,5 millions d’euros en crédits de paiement), est géré par la Datar sous l’autorité du ministre de l’Agriculture. Ce programme comporte trois actions : attractivité économique et compétitivité des territoires, développement solidaire et équilibré des territoires et instrument de pilotage et d’étude. Le programme « Interventions territoriales de l’État (Pite) » comporte les crédits nécessaires à la mise en œuvre par les préfets de quatre plans gouvernementaux présentant un enjeu territorial majeur.

La Datar assure le secrétariat du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire et d’attractivité régionale (CIADT), présidé par le Premier ministre, qui décide des orientations de la politique nationale d’aménagement du territoire. Sa dernière réunion date du 11 mai 2010, et a été en grande partie consacrée à définir un plan d’action pour les territoires ruraux.

Le rôle d'administration interministérielle et de mission de la Datar lui impose de mener de front la réflexion prospective, la préparation de la prise de décisions gouvernementales, la mise en place des actions qui en découlent et, dans certains cas, leur évaluation dans les domaines suivants : aménagement numérique du territoire, contrats de projet État-régions (CPER), développement, mutations économiques et attractivité des territoires, territoires ruraux, montagne, littoral, politiques urbaines, transports, enseignement supérieur et recherche, santé, développement durable et politique européenne.

La Datar dispose en son sein d’un Observatoire des territoires, qui recueille et publie 400 indicateurs disponibles sur cartographie active pour l’ensemble des bassins de vie : accessibilité aux services de santé, équipement sportifs, densité médicale, part des infirmiers de plus de 55 ans, part de la population couverte par le haut débit, zonages prioritaires… L'Observatoire a été créé en 2004 pour rassembler, analyser et diffuser les études et les données relatives aux dynamiques et disparités territoriales ainsi qu'aux politiques menées dans le champ de l'aménagement et du développement des territoires. Le décret du 26 juillet 2011 a reconduit l'Observatoire pour six ans. Son site internet est une mine d’information pour les élus, les collectivités territoriales et les administrations, mais aussi les experts, chercheurs et étudiants dans le domaine de l’aménagement du territoire(11).

La Datar mène enfin des travaux de prospective afin de déceler les dynamiques territoriales à l'œuvre ou en émergence, d'en mieux comprendre et faire partager les enjeux, dans le but d'anticiper les futures politiques publiques à conduire. Il s'agit là d'une des missions majeures de la Datar qui se concrétise à travers la démarche « Territoires 2040, aménager le changement ». Engagée à l'automne 2009, celle-ci projette de concevoir les avenirs possibles de la France et de ses territoires et d'esquisser les politiques d'aménagement les plus adaptées aux enjeux économiques, technologiques, sociaux et environnementaux de demain. En impliquant des acteurs de toutes disciplines (démographes, géographes, économistes, politologues, sociologues, etc.) de légitimités diverses (Europe, État, collectivités, société civile, etc.) autour de préoccupations d'avenir donc déconnectées des enjeux de court terme, la prospective possède cette capacité à capter des idées-forces utiles pour tous les territoires. La démarche « Territoires 2040 » répond ainsi à un objectif de construction mais aussi de diffusion de connaissances.

Les rapporteurs saluent l’action de la Datar en matière d’aménagement des territoires ruraux. Le CIADT du 11 mai 2010 lui a été consacré, avec la définition d’un plan d’action en leur faveur. Comme ils le préciseront au fil du présent rapport, ils notent cependant que les réalités de terrain diffèrent souvent de la façon dont les choses sont vues de Paris. La Datar est souvent perçue, ainsi d’ailleurs que les autres administrations parisiennes, comme étant loin des problèmes concrets et pratiques des territoires ruraux : comportements des ruraux très différents des urbains, importance des traditions et de l’histoire… Il reste néanmoins que l’action de la Datar est nécessaire à la coordination interministérielle de la politique d’aménagement du territoire et que son rôle doit être renforcé.

Les rapporteurs s’interrogent sur la raison qui a conduit à confier l’aménagement du territoire au ministre de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité, chargé par ailleurs de l’aménagement du territoire, M. Bruno Lemaire, alors qu’en 2009 et 2010 il était confié à un ministre de l'Espace rural et de l'aménagement du territoire, M. Michel Mercier. Même si son importance pour les territoires va au-delà des statistiques, l’agriculture représente aujourd’hui moins de 2 % de l’activité économique nationale(12). Surtout, comme on le verra dans la partie consacrée aux fonds européens, le rattachement des politiques de développement rural au ministère de l’Agriculture porte le risque de concentrer les actions et les moyens sur la seule activité agricole et sur les seuls agriculteurs. Or le monde rural est aussi composé d’industries (les ouvriers étant même la catégorie socioprofessionnelle majoritaire en milieu rural) et surtout de services (artisans…), avec une forte présence de l’activité du bâtiment. Ce rattachement de l’aménagement du territoire au ministre de l’Agriculture donne à cette politique une dominante agricole qui, certes, correspond encore à l’identité de nos campagnes, mais correspond de moins en moins aux réalités économiques.

Il est en outre étonnant que le décret précité relatif à la Datar dispose que la Datar « est placée sous l’autorité du Premier ministre », alors que le ministre de l’Agriculture est expressément chargé de l’aménagement du territoire dans son titre même et que son décret d’attribution dispose que « pour l'exercice de ses attributions dans le domaine des affaires rurales et en matière d'aménagement et de développement du territoire, il dispose de la Datar »(13). Certes, le décret nouveau modifie implicitement le droit en vigueur.

Les rapporteurs souhaitent en conséquence que l’aménagement du territoire soit à nouveau confié à un ministère de plein exercice, qui soit lui-même directement rattaché au Premier ministre. Il s’agit ainsi d’assurer le caractère réellement interministériel de l’aménagement du territoire, sa dilution dans le domaine de compétence de tel ou tel ministère ne pouvant au contraire que l’affaiblir.

2.- La coordination entre ministères

Le constat des rapporteurs, tout au long de leur étude, a été que l’attractivité d’un territoire est appréciée globalement. « Tout se tient », telle est l’expression entendue très souvent : infrastructures (transports, communications électroniques), activités économiques (agriculture, industrie et services), main d’œuvre, cadre et qualité de vie, services publics et au public, logement… La coordination interministérielle des politiques menée en la matière est donc une absolue nécessité.

a) Le document de politique transversale « Aménagement du territoire »

La politique d’aménagement du territoire en milieu rural est, selon le document de politique transversale (DPT) « Aménagement du territoire » annexé chaque année au projet de loi de finances, portée par 35 programmes budgétaires relevant de 16 missions et 11 ministères. Le DPT traduit la volonté de disposer d’un outil permettant une vision consolidée des efforts budgétaires consentis en faveur de l’aménagement du territoire. Il a été construit à partir de l’ensemble des programmes budgétaires mobilisés dans le financement des contrats de projets État-région (CPER).

Cette annexe « orange » a deux objets : d’une part, offrir un aperçu complet de l’effort budgétaire de l’État en faveur d’une politique à caractère interministériel et, d’autre part, traduire la coordination de cette politique par son ministère chef de file (dans le cas présent, le ministère en charge de l’aménagement du territoire et la Datar). En 2012, le DPT prévoit des crédits de l’État engagés au titre de politiques ayant trait à l’aménagement du territoire à hauteur de 5,4 milliards d’euros en crédits de paiement.

Mme Arlette Grosskost, rapporteure spéciale de la mission « Politique des territoires » de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, indiquait en octobre dernier(14) que, dans le cadre du règlement de l’exécution budgétaire 2010, la Cour des comptes s’était montrée assez critique quant à la conception actuelle du document qui, selon elle, se limite à un catalogue exhaustif des données figurant dans les différents projets annuels de performances, permettant certes de donner une vision consolidée des actions menées, mais sans apporter d’informations nouvelles.

La direction du Budget a souligné, auprès de la rapporteure spéciale, le travail restant à faire quant à la définition du volume des crédits concourant à l’aménagement du territoire, actuellement variable selon l’appréciation des ministères et les exercices budgétaires sans que la visibilité nécessaire sur cette estimation soit apportée. Une réflexion sur un cadrage commun est engagée pour améliorer la présentation du document dès 2013. La rapporteure spéciale soutient l’idée de la nécessité de bâtir de nouveaux indicateurs synthétiques pour renforcer l’intérêt stratégique du document.

Lors de son audition par la rapporteure spéciale, le délégué de la Datar a rappelé que le document actuel a été conçu autour de la problématique de la réalisation des contrats de projets. Conscient que cet axe est trop restrictif pour permettre une lecture satisfaisante de la mise en œuvre de la politique d’aménagement du territoire, il indique qu’un important travail de concertation avec les ministères contributeurs a été programmé, pour aboutir à la présentation d’un document amélioré l’an prochain.

Les rapporteurs du CEC se joignent à la rapporteure spéciale de la commission des Finances pour souhaiter une amélioration sensible du document, afin de mieux informer le Parlement sur les crédits engagés et pour servir réellement d’outil de pilotage de cette politique.

b) La coordination interministérielle

La variété des sujets s’explique par la diversité des composantes d’une politique d’aménagement du territoire, qui doit répondre à une multiplicité d’enjeux : désenclavement et équipement des territoires, accompagnement des initiatives économiques et de l’innovation, soutien à la qualité de vie dans les territoires, etc.

Le délégué de la Datar a indiqué, lors de son audition par le Groupe de travail du CEC, que les mécanismes de coordination entre les ministères sont de plusieurs natures. Au niveau national, le travail interministériel est régulier, soit dans le cadre d’échanges techniques, soit dans le cadre plus formel des réunions interministérielles présidées par les services du Premier ministre. Les comités interministériels d’aménagement et de développement du territoire et d’attractivité régionale (CIADT), présidés par le Premier ministre et dont la Datar a pour mission d’assurer le secrétariat, permettent d’aborder les sujets de façon très transversale et de prendre des décisions qui articulent les dispositifs sectoriels portés par les ministères. Les CPER et les programmes opérationnels européens sont les principaux outils de coordination stratégique et opérationnelle.

Au niveau régional, la coordination relève de la compétence du préfet de région assisté par le secrétaire général aux affaires régionales (SGAR). Aux termes du décret du 14 décembre 2009, la Datar « coordonne les politiques d'aménagement du territoire mises en œuvre par les préfets de région assistés par les secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) ». La Datar organise ainsi tous les mois une réunion des SGAR qui permet d’assurer la coordination des politiques mises en œuvre en région. Elle assure le suivi de la mise en œuvre des CPER et des programmes opérationnels (PO). À l’échelle interrégionale des massifs de montagne, la Datar coordonne l’action des commissariats en charge de l’animation des comités de massif. Les commissaires sont réunis à la Datar à la même fréquence que les SGAR.

La réalité de la coordination interministérielle en matière d’aménagement du territoire en milieu rural est cependant questionnée. Ainsi M. Jean Lardin, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA), lors de son audition par le Groupe de travail du CEC le 3 mai 2011, déclarait qu’« il est également souhaitable d’améliorer l’articulation des politiques entre elles en supprimant les "silos". Localement, la cohérence n’est pas évidente et nous sommes prêts à travailler collectivement pour l’améliorer. »

Les consultants missionnés par les rapporteurs, dans leur étude sur le lot A, ont préconisé une meilleure articulation tant en amont de la définition des programmes que dans le quotidien de la mise en œuvre. Ils ont noté que la coordination reposait essentiellement sur le volontarisme des services techniques. Pour eux, l’articulation est insuffisante avec les politiques urbaines et les grands enjeux de l’aménagement du territoire. Une meilleure prise en compte des nouvelles dynamiques rurales est attendue. Les consultants estiment qu’il faut concevoir des stratégies plus partagées entre villes et campagnes, avec la nécessité d’une gestion plus intégrée en matière d’aménagement du territoire.

Les rapporteurs notent également que la rotation des préfets, dont la durée d’affectation sur un poste se situe en moyenne entre 2 et 3 ans, ne favorise par leur appropriation des dossiers sur le territoire considéré.

L’insuffisance de la coordination interministérielle se manifeste notamment par l’absence de réunion de la « conférence annuelle de la ruralité », instituée par la loi de développement des territoires ruraux (« LDTR ») du 23 février 2005. Cette conférence de la ruralité s’est réunie seulement deux fois, le 7 mars 2006 et le 20 février 2007. La première réunion a été une réunion d’installation. Avant la deuxième réunion, chaque section (développement des activités économiques, services au public et gestion du foncier et de l’espace naturel) ne s’était réunie qu’une seule fois. La Datar n’est pas en charge de son animation, confiée à la direction générale des politiques agricoles, agroalimentaires et territoriales (DGPAAT) du ministère de l’Agriculture. Le rapport des corps d’inspection de novembre 2009 sur la mise en œuvre de la loi « LDTR » estimait que cette conférence « peut être un instrument très utile de mobilisation et d’animation en faveur du monde rural. Elle peut en outre être un support de concertation et de préparation des politiques nationales, notamment s’agissant de la préparation des CIADT, même s’il n’ont pas nécessairement un rythme annuel ».(15) Au cours de ses deux réunions, la conférence s’est cependant révélée davantage un forum de discussions entre élus qu’une commission de suivi de la loi ou encore une force de propositions concrètes sur l’espace rural.

Les Assises des territoires ruraux réunies par le ministre Michel Mercier entre octobre 2009 et janvier 2010 ne sont-elles pas le signe qu’une telle consultation large mériterait d’être rendue régulière ? Ces Assises des territoires ont permis d’impliquer plus de participants et ont abouti à des décisions. Elles ont permis de mettre en avant les attentes des acteurs des territoires ruraux.

c) Les Assises des territoires ruraux et le Plan d’action en faveur des territoires ruraux du 11 mai 2010

Les demandes qui ont émergé des débats des Assises des territoires ruraux (tenues fin 2009 et début 2010) portaient essentiellement sur :

– la couverture totale pour la téléphonie mobile, le haut débit et le très haut débit ;

– une organisation de services au public de qualité et accessibles – la mutualisation des services apparaissent comme une solution envisageable ; la palette des services visés couvre les services publics mais aussi le secteur privé et le secteur associatif ; la santé apparaît comme une préoccupation constante quel que soit le territoire.

Ces premiers éléments permettent de constater que les attentes des populations rurales ne sont pas fondamentalement différentes de celles des habitants des villes.

On note cependant quelques préoccupations spécifiques au monde rural :

– améliorer la mobilité des personnes, que ce soit par le biais de grandes infrastructures ou la mise en place de modes d’organisation « public-privé » plus souples (transport à la demande, covoiturage) ;

– mener des actions volontaires contre la disparition des surfaces agricoles au profit des autres usages ;

– prendre en compte les problématiques spécifiques aux espaces périurbains ;

– aider les entreprises agricoles dans leur information, leur installation, leur transmission, les services qui leur sont offerts ;

– soutenir la transition vers l’« économie verte » ;

– valoriser le potentiel naturel et culturel des territoires ruraux, y compris les savoir-faire artisanaux ;

– trouver le niveau de gouvernance adapté aux projets y compris, dans certains cas, un niveau supra-intercommunalité.

Le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 11 mai 2010 a adopté un Plan d’action en faveur des territoires ruraux.

À la suite des annonces du Président de la République lors de la conclusion des Assises à Morée (Loir-et-Cher), le 9 février 2010, le CIADT a présenté un plan d’ensemble de mesures en faveur des territoires ruraux. Ce plan englobe les différents aspects de la vie sociale et économique pour renforcer l’attractivité des territoires. Il a vocation à apporter des réponses à l’ensemble des acteurs de l’espace rural, chefs d’entreprises, agriculteurs, familles, élus, personnes âgées. Il tend à assurer une meilleure accessibilité géographique et numérique des territoires ruraux et conditionne leur développement économique, ainsi que l’amélioration de la vie quotidienne de leurs habitants. Les mesures spécifiques permettant d’aider au montage de projets et de mieux prendre en compte leurs caractéristiques devraient favoriser une meilleure gouvernance de ces territoires par les acteurs locaux.

Pour améliorer l’organisation et la gouvernance, le plan propose une meilleure diffusion des informations à destination des élus et des collectivités, ainsi qu’un soutien logistique à l’élaboration de projets pour les territoires. Il défend une meilleure prise en compte par les politiques publiques de la dimension rurale.

PLAN D’ACTION EN FAVEUR DES TERRITOIRES RURAUX

– Pour assurer une meilleure accessibilité :

Les mesures présentées visent à maintenir et à renforcer la continuité entre les territoires ruraux et les territoires urbains, en assurant la mobilité de leurs habitants et en leur offrant les moyens de communication les plus performants : haut et très haut débit, téléphonie mobile, transports ferroviaires et routiers, modes de transports innovants.

1. Améliorer la couverture des territoires ruraux en téléphonie mobile et en haut débit.

2. Déployer le très haut débit sur l’ensemble du territoire à partir de 2010.

3. Assurer une desserte de qualité des territoires ruraux et améliorer l’offre de mobilité.

– Pour favoriser le développement économique :

L’attractivité appelle aussi un cadre favorable au développement économique. La richesse et la diversité des territoires ruraux requièrent une meilleure valorisation de leurs atouts : ressources agricole et forestière, produits de la chasse, patrimoine culturel et paysager. Tous les acteurs, État, collectivités locales, mais aussi partenaires privés, doivent participer à cette promotion économique et touristique du monde rural.

1. Favoriser le développement des entreprises et de l’emploi.

2. Favoriser la commercialisation en circuits courts des produits issus de l’agriculture et de la chasse.

3. Valoriser les ressources forestières.

4. Développer le tourisme dans les territoires ruraux.

– Pour améliorer la vie quotidienne des populations :

Il s’agit de garantir un socle de services essentiels à la population et adaptés aux nouveaux modes de vie des ruraux similaires à ceux des urbains. Cela concerne en tout premier lieu la santé, ainsi que les services à la petite enfance et aux personnes âgées et les commerces. L’offre culturelle et les équipements sportifs sont également ciblés.

1. Améliorer l’offre de soins dans les territoires ruraux.

2. Améliorer l’accès à un socle de services essentiels à la population.

3. Développer les modes d’accueil et de garde adaptés pour la petite enfance, favoriser la qualité de vie des aînés dans les territoires ruraux, améliorer la qualité des logements.

4. Adapter les bourgs ruraux aux enjeux du développement durable.

5. Maintenir un réseau de proximité : distributeurs automatiques de billets et commerces.

6. Développer l’offre culturelle et améliorer les équipements sportifs dans les territoires ruraux.

– Pour améliorer l’organisation et la gouvernance :

Le plan propose une meilleure diffusion des informations à destination des élus et des collectivités, ainsi qu’un soutien logistique à l’élaboration de projets pour les territoires. Il défend une meilleure prise en compte par les politiques publiques de la dimension rurale.

1. Accompagner les projets dans les territoires ruraux.

2. Prendre en compte la dimension rurale dans les politiques publiques.

d) L’insuffisance des données statistiques disponibles et la nécessité d’un tableau de bord

Les rapporteurs ont été surpris d’apprendre, lors de l’audition du délégué de la Datar par le Groupe de travail du CEC, qu’il n’existait pas au niveau de la Datar de tableau de bord des dispositifs de l’État en matière d’aménagement du territoire (liste des dispositifs, description, financements, objectifs et indicateurs, évaluations). Le rapport de l’instance d’évaluation du Commissariat général au plan (CGP) de 2003 avait tenté un recensement des « dispositifs de développement durable (mesures incitatives et fiscales, programmes, fonds, dotations) » ; il en avait recensé 57. Ce rapport calculait que l’« agriculture et la sylviculture » concentraient 44 % des crédits, les « projets des collectivités locales » 27 %, les « services aux particuliers et cadre de vie » 19 %, l’« environnement » 4 %, ex aequo avec les « activités marchandes des secteurs secondaires et tertiaires », enfin les « mesures agro-environnementales » 2 %.

Comme indiqué dans la note méthodologique présentée au préalable, les rapporteurs ont envoyé un questionnaire aux 10 ministres qui contribuent à la politique d’aménagement du territoire en milieu rural : Agriculture, Économie, Intérieur, Sports, Enseignement supérieur et recherche, Défense, Travail et santé, Solidarités, Écologie, Culture (16). Ils ont reçu des réponses de tous les ministères sauf celui chargé des Solidarités. Des réponses partielles ont été reçues de deux ministères : Travail et santé (uniquement sur la partie travail) et Écologie (uniquement sur les questions environnementales). Une exploitation des réponses au questionnaire est présentée sous forme de tableaux en annexe n° 3 du présent rapport. En l’absence de réponse au questionnaire du ministère concerné, les tableaux relatifs aux dispositifs de santé ont été réalisés directement par les rapporteurs, à partir de sources publiques (lois, rapports parlementaires…). Il en est de même des dispositifs relatifs aux transports et au logement.

En matière de connaissance du monde rural, une initiative intéressante est constituée par la création de l’Observatoire du développement rural.

L’Observatoire du développement rural

L’Observatoire du développement rural (ODR) est un site collaboratif créé par l'Inra. L'Observatoire rassemble des bases de données se rapportant aux mesures de politiques agricoles et agro-environnementales, aux activités agricoles et, plus généralement, au développement rural. Les partenaires de l'ODR sont responsables de différents programmes ouverts soit aux seuls membres accrédités soit plus largement. Ces programmes sont regroupés en réseaux. La plateforme ODRi permet de stocker de façon indépendante différentes bases de données appartenant à plusieurs fournisseurs. Ces bases de données sont mises à disposition de différents utilisateurs titulaires selon des modalités et des conditions fixées par des conventions avec chaque fournisseur de données. Elles permettent de créer des indicateurs, qui ensuite peuvent être publiés sous la forme de produits aisément consultables. Les tableaux et cartes sont dynamiques (ajustables sur différents types de territoire) et exportables (selon les droits des utilisateurs).

L'ODR héberge l'Observatoire des programmes communautaires de développement rural créé par une convention entre le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (Cnasea), aujourd'hui ASP (Agence de services et paiement), l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et le Ministère de l'Agriculture. Cet Observatoire a pour objectifs de contribuer à « la préparation, au suivi et à l'évaluation en France des politiques communautaires du développement rural » et plus particulièrement des mesures financées par les règlements de développement rural (RDR) de 1999 (programmation 2000-2006) et de 2005 (programmation 2007-2013) et « de constituer un outil coopératif pour la recherche en sciences sociales sur les politiques agricoles, le développement rural et l'agro-environnement. »

L'ODR héberge également un Observatoire de l'emploi agricole et rural, géré en partenariat avec la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (MSA) et un Observatoire des signes officiels de qualité, géré en partenariat avec l'Inao (Institut national de l’origine et de la qualité).

L’étude des consultants missionnés par les rapporteurs a montré que les montants des aides de l’État sont très variables d’un territoire à l’autre. En l’absence de dispositif de suivi des principaux dispositifs d’État, les consultants ont estimé les financements qui transitent par la base Présage de l’Agence de services et de paiements (ASP). Sur les quatre territoires considérés, ces financements varient de 6 à 150 euros par habitant. Il convient toutefois de relativiser la signification de ces statistiques du fait qu’elles ne comptabilisent qu’une partie seulement des subventions publiques arrivant sur les territoires.

Les consultants estiment nécessaire d’améliorer le suivi territorial des financements d’État mobilisés dans les dispositifs publics. Ils préconisent la mise en place d’un dispositif de suivi des principales interventions (financements et réalisations) bénéficiant aux territoires ruraux. Les parlementaires pourraient avoir accès à certains de ces outils. Il conviendrait en outre, plus généralement, de doter les politiques publiques d’indicateurs qui permettent de les suivre et de les évaluer.

Les rapporteurs ont également fait le constat de la lisibilité insuffisante des dispositifs d’État pour les acteurs de terrain. Ils estiment nécessaire un effort d’information et d’explication de la part des ministères.

Recommandation n° 2 sur la coordination interministérielle :

– Améliorer la coordination interministérielle des politiques d’aménagement du territoire en milieu rural ; rattacher l’aménagement du territoire à un ministre de plein exercice dépendant directement du Premier ministre, pour s’assurer que les politiques de développement rural couvrent tous les secteurs économiques ; renforcer le rôle de la Datar ; restructurer le document de politique transversale « Aménagement du territoire » pour bâtir de nouveaux indicateurs synthétiques, renforcer son intérêt stratégique et constituer ainsi un outil de pilotage de cette politique.

– Pallier l’insuffisance des données financières sur les dispositifs d’État affectés aux territoires ruraux ; créer un dispositif de suivi avec tableau de bord permettant une mesure et une évaluation des effets de ces dispositifs.

– Organiser une concertation régulière des principaux intervenants sur le monde rural, par exemple en réunissant annuellement la Conférence de la ruralité.

– Concevoir l’attractivité des territoires ruraux de manière transverse en intégrant toutes ses dimensions (activités économiques, services publics et au public, offre de santé et de services sociaux, infrastructures de transports et de communications électroniques, logement…).

B.- UNE ARTICULATION PERFECTIBLE AVEC LES POLITIQUES EUROPÉENNES

Plusieurs dispositifs de l’Union européenne concernent les territoires ruraux, le Feader, bien sûr, mais aussi les fonds structurels.

1.- Le développement rural au sein de la politique agricole commune (PAC)

a) L’émergence d’une politique européenne de développement rural

Le Conseil européen de Berlin des 24 et 25 mars 1999 a décidé de réorienter la politique agricole commune (PAC) par la création d’un « 2e pilier » consacré au développement rural, intervenant au côté d’un « 1er pilier », ayant pour objet de soutenir les marchés et les activités agricoles. Ce 2e pilier est centré sur :

– l’amélioration de la compétitivité de l’agriculture et de sa multifonctionnalité ;

– la promotion de la protection de l’environnement en agriculture ainsi que des mesures forestières contribuant au développement durable ;

– la participation au développement des territoires ruraux.

Le règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (Feoga), a défini la nature des interventions rattachées à ce nouveau pilier, composées de mesures de restructuration du secteur agricole, et de financements destinés à l'environnement ou à la gestion de l’espace rural, de l'économie rurale et du développement local. Les mesures de développement rural éligibles au titre de ce règlement étaient ainsi classées par le règlement en deux groupes :

• mesures d'accompagnement de la réforme de 1992 : préretraite, mesures agro-environnementales et boisement, ainsi que le régime concernant les zones défavorisées ;

• mesures de modernisation et de diversification des exploitations agricoles : investissement dans les exploitations agricoles, installation de jeunes agriculteurs, formation, soutien aux investissements dans les installations de transformation et de commercialisation, aide complémentaire à la sylviculture, promotion et reconversion de l'agriculture.

Ce règlement a été mis en œuvre par les États membres par le moyen de plans de développement rural (PDR), élaborés le plus souvent au niveau des régions, exceptionnellement au niveau national (comme ce fut le cas en France).

b) En 2003, une nouvelle réforme de la PAC a conduit à un renforcement de la politique de développement rural

Le 26 juin 2003, les quinze ministres de l’agriculture de l’Union européenne ont adopté une nouvelle réforme de la PAC, complétant celles de 1992 et de 1999. Cette réforme introduit, dans le premier pilier, un découplage entre les aides et la production agricole, grâce au remplacement de la plupart des aides directes perçues par les agriculteurs par un paiement unique par exploitation indépendant de la production. Ce paiement unique est conditionné au respect de 18 normes relatives à l’environnement, à la sécurité alimentaire ainsi qu’au bien-être des animaux(17). La politique de développement rural s’est, pour sa part, vue dotée de moyens financiers renforcés.

De plus, un instrument de discipline financière dénommé « modulation » est appliqué pour assurer le transfert des crédits de la PAC des aides directes aux agriculteurs et des mesures de marché (1er pilier de la PAC) vers les mesures de développement rural (2e pilier). En vue de financer les mesures de développement rural contenues dans le cadre de la réforme, tous les paiements directs (paiement unique et autres aides directes) ont été réduits de 3 % en 2005, de 4 % en 2006 et de 5 % à partir de 2007 et jusqu’en 2012. Un point de pourcentage des crédits dégagés par la modulation dans chaque État membre donné est rendu par principe à l’État membre au titre du développement rural, les crédits restants étant répartis entre tous les États membres conformément à des critères objectifs.

Enfin la réforme de 2003 a introduit la notion de soutien spécifique qui autorise les États membres à conserver jusqu'à 10 % des enveloppes nationales d'aides directes pour les recoupler sur cinq objectifs, dont certains rejoignent les objectifs du développement rural en organisant une aide aux structures agricoles :

– l'environnement, la qualité et la commercialisation des produits ;

– la compensation de handicaps géographiques ou sectoriels ;

– la revalorisation des paiements découplés dans les zones présentant un risque de déprise agricole ;

– la prise en charge d'une partie des primes d'assurance contre les risques dans le secteur des grandes cultures ;

– la participation aux fonds mutualisés de lutte contre les maladies animales et végétales.

c) Depuis 2007, la programmation du 2e pilier de la PAC s’appuie sur un nouvel instrument, le Feader

Selon le règlement du Conseil (CE) n° 1698/2005 (dit règlement de développement rural II), arrêté en 2005, la programmation du développement rural de l'Union européenne pour la période 2007-2013 se fonde sur le nouveau Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

Cette programmation s'organise autour de quatre axes définis par le règlement de développement rural :

Axe

Description

Axe 1

Amélioration de la compétitivité des secteurs agricole et forestier.

Axe 2

Amélioration de l'environnement et de l'espace rural

Axe 3

Qualité de la vie en milieu rural et diversification de l'économie rurale

Axe 4

Poursuite du programme d’initiative communautaire Leader.

En France, le plan stratégique national a présidé à l’élaboration de six programmes de développement rural, dont un pour la France métropolitaine, appelé « programme de développement rural hexagonal » (PDRH), un pour la Corse et un pour chaque département d'outre-mer. Le PDRH comporte un socle commun et 21 volets régionaux spécifiques. Il est doté sur la période 2007-2013 de 5,7 milliards d’euros de crédits communautaires.

Dans les dispositifs européens la notion de développement rural est ambiguë car le Feader est un fonds « agricole » pour le développement rural. En France l’autorité de gestion du Feader est le ministère de l’Agriculture (sauf Corse où il est décentralisé, l’autorité de gestion étant l’assemblée de Corse et en outre-mer, où il est déconcentré). À titre de comparaison, les autorités de gestion du Feder sont les préfets de région.

S’agissant du Feader et du FEP, dont l’autorité de gestion nationale est également le ministère de l’Agriculture, la Datar a été associée à la rédaction du Programme de développement rural hexagonal (PDRH) et du Plan stratégique national (PSN) ; elle est associée au suivi assuré par le ministère de l’Agriculture. Elle pilote également, conjointement avec la direction générale des politiques agricoles, agro-alimentaires et des territoires (DGPAAT), le réseau rural français, mis en place dans le cadre du Feader et dont l’un des objectifs est de favoriser une bonne mise en œuvre du programme.

Le 2e pilier, qui traduit la politique de développement rural, représente 7,6 milliards d’euros sur sept ans – 12 milliards d’euros si l’on compte les aides cofinancées, soit 1,7 milliard d’euros par an (sur près de 10 milliards d’euros par an pour les deux piliers). Selon un bilan récent, à mi-parcours de la période 2007-2013, ce sont 3,2 milliards d’euros d’aides qui ont été versés.

Cette politique, définie au plan national, comprend également quatre axes. L’axe 1 – Compétitivité des entreprises – représente 1,5 milliard d’euros. L’axe 2 – Relations agriculture environnement –, qui comprend les indemnités compensatoires, représente 2,9 milliards d’euros, soit deux fois plus. Les axes 3 – Développement rural – et 4 – Développement local – représentant environ 12 % de l’ensemble du programme. Ainsi, 88 % des crédits sont destinés aux exploitations agricoles et au soutien de l’agriculture et de la forêt dans le monde rural. Une obligation règlementaire implique qu’au minimum 10 % de la programmation soient dévolus à l’axe 3 (et 5 % à l’axe 4 Leader, dont le financement s’impute sur les trois autres axes). Faute d’être consommés, les crédits sont perdus.

L’axe 3 du PDRH sert :

– à encourager les agriculteurs à diversifier leur activité au-delà de la seule production agricole (agritourisme, commercialisation à la ferme, éducation scolaire…) ;

– à soutenir l’artisanat (articulation monde agricole – artisanat, circuit de commercialisation de la viande…) ;

– à soutenir le tourisme rural (gérer les complémentarités entre agriculture et tourisme) ;

– et à soutenir les services indispensables pour les agriculteurs (maisons de santé, haut débit, valorisation du patrimoine…).

Notre pays compte 220 groupes d’action locale (GAL), qui bénéficient des fonds Leader, unanimement loués pour la dynamique de territoire qu’ils génèrent. Cependant, les axes 3 et 4 du PDRH sont réduits à leur strict minimum. On pourrait imaginer qu’ils financent beaucoup plus de choses hors agriculture : téléphonie mobile, internet haut et très haut débit, routes… À titre de comparaison, l’axe 3 du PNR de la Guyane comporte 35 % des financements. Le 2e pilier de la PAC a indubitablement servi de variable d’ajustement lors de la dernière programmation.

Ainsi, M. Jean Lardin, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA), indiquait le 3 mai 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « l’État, (…) devra faire des choix. Mais ils ont été faits ! Il y a bientôt vingt ans, j’étais à Cork au moment où l’on décidait si l’argent des politiques de développement rural devait être affecté aux politiques régionales ou à la politique agricole. Le fameux deuxième pilier de la PAC qui est utilisé par la plupart des pays pour développer l’économie dans les territoires ruraux a été fléché, selon la volonté de l’État, presque exclusivement en faveur de la diversification de l’agriculture. Un rapport évalue à 1 % le montant des sommes utilisées à d’autres fins. En nous privant d’un tel instrument d’action, nous nous sommes tiré une balle dans le pied. Et nous nous demandons maintenant comment rebondir ! Il faudrait plutôt solder le passé et réorienter les politiques. (…)

Alors, quelle PAC pour demain ? Les moyens continueront-ils d’aller essentiellement aux 500 000 exploitations agricoles ? Et que deviendront les 400 000 entreprises artisanales et les 300 000 ou 400 000 libéraux ? Je connaissais bien le ministre de l’agriculture Jean Puech, et nous avions demandé une étude à partir des données des centres de gestion agréés pour comparer l’activité de boucher artisan et celle de boucher éleveur, donc agriculteur. Eh bien, les résultats étaient tellement explosifs qu’ils n’ont pas été publiés. Cette situation risque de perdurer. »

Il est utile de rappeler l’échange intervenu lors de l’audition du 8 mars 2011 par la commission du Développement durable de l’Assemblée nationale de M. Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, sur la politique d’aménagement du territoire :

« M. Jérôme Bignon. Germinal Peiro et moi-même avons été chargés par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de rédiger un rapport sur l’évaluation des politiques d’aménagement du territoire en zone rurale. L’une des premières constatations que nous avons faites est qu’il n’existe pas de tableau de bord permettant de suivre ces politiques. Nous avons décidé d’y remédier. Le ministère chargé de l’aménagement du territoire est-il prêt à soutenir notre démarche afin que nous puissions évaluer de façon régulière, comme le font les Anglo-saxons, l’efficacité de ces politiques ?

La réforme de la PAC est en cours d’élaboration. Vous avez évoqué la politique de cohésion et les contraintes budgétaires qui sont susceptibles de l’affecter. Ne pourrait-on envisager que le deuxième pilier de la PAC soit davantage orienté vers les politiques d’aménagement rural que vers les agriculteurs stricto sensu ? Dans la dernière période, 90 % des crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ont été consacrés aux aides aux agriculteurs, et 10 % seulement à la politique d’aménagement des zones rurales. Que penseriez-vous de faire bouger un peu le curseur ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Monsieur Bignon, je suis bien entendu favorable à ce que le ministère et la Datar accompagnent la politique d’évaluation de l’aménagement du territoire que vous vous proposez de mettre en place. Je viendrai avec plaisir voir ce que vous faites avec Alain Gest dans le cadre du pôle d’excellence rurale dont vous nous avez parlé. Sur l’idée de transférer des fonds du deuxième pilier vers l’aménagement du territoire, je suis beaucoup plus réservé : pour les paysans, chaque euro compte. »

2.- Le développement rural au sein de la politique régionale

Si le développement rural à proprement parler correspond au 2e pilier de la PAC, la politique régionale participe également au développement des territoires ruraux en Europe. Cette politique, également appelée politique de cohésion, intervient à travers les fonds structurels. Ceux-ci contribueraient pour 71 milliards d'euros aux zones rurales européennes sur la période 2007-2013, et s'ajoutent aux 91 milliards d'euros du 2e pilier de la PAC.

L’essentiel des fonds structurels européens bénéficiant aux régions françaises (84 %) sont des crédits du Fonds européen de développement régional (Feder) et du Fonds social européen (FSE) attribués au titre de l’objectif « soutien à la compétitivité régionale et à l’emploi ». Avec une enveloppe de 11,7 milliards d’euros sur la période 2007-2003, la France est ainsi le premier bénéficiaire en valeur absolue des fonds européens attribués au titre de cet objectif.

La politique de cohésion est mise en œuvre dans le cadre d’une gestion partagée, les États membres étant directement impliqués dans la mise en œuvre des fonds structurels. En France, les préfets de région constituent l’autorité de gestion pour les crédits relevant des objectifs relatifs à la convergence et à la compétitivité régionale, les conseils régionaux étant par ailleurs étroitement associés à la mise en œuvre des fonds structurels. À titre expérimental(18), le conseil régional d’Alsace est l’autorité de gestion pour son programme opérationnel régional.

La Datar a coordonné la rédaction du cadre de référence stratégique national (CRSN) qui recouvre le Feder et le FSE. La circulaire du 13 avril 2007 confie à la Datar une mission générale « de suivi et d’appui afin de faciliter la mise en œuvre, dans le respect de la réglementation nationale et communautaire, en relation avec les services de la Commission européenne », pour l’ensemble des programmes opérationnels Feder et FSE. En outre, elle anime depuis 2010 le comité inter-fonds. Ce suivi de la mise en œuvre des fonds européens n’est pas spécifique aux territoires ruraux. Une étude a cependant été réalisée à l’initiative de la Datar pour mesurer l’impact du Feder sur les territoires ruraux(19). Il résulte de cette étude qu’alors qu’il n’y a pas de « fléchage » territorial, 20 % des fonds du Feder bénéficient au monde rural.

3.- Quels financements européens après 2013 ?

Les fonds européens, qu’ils proviennent de la politique agricole ou des fonds structurels, financent parfois in fine les mêmes bénéficiaires dans les territoires. Actuellement, tels qu’ils sont mis en œuvre en France, ils fonctionnent en « tuyaux d’orgues », sans logique territoriale. La synergie que l’on pourrait attendre des différents fonds, (Feader, Feder et FSE), est déficiente. Les rapporteurs estiment qu’il conviendrait de les décloisonner par une intégration de la programmation en France de ces différents fonds européens, incluant le FEP.

En outre le Feader est un fonds géré en dépenses publiques seulement : pour mobiliser des crédits européens, l’État membre – ou ses collectivités territoriales – doit contribuer au financement du projet. Les fonds structurels, eux, sont gérés en dépenses totales (publiques et privées) : un taux d’intervention européenne est appliqué à l’ensemble du coût du projet, y compris aux dépenses privées. Cela peut paraître technique, mais ces deux méthodes de gestion différenciées génèrent une difficulté de mise en œuvre car les destinataires sont les mêmes opérateurs, les mêmes services, les mêmes porteurs de projets.

En ce qui concerne l’articulation entre les différents fonds, l’étude précitée d’Edater sur la mise en œuvre du Feder dans l’application des politiques rurales montre qu’il existe une complémentarité avec le Feader, le Feder finançant généralement des projets plus importants. L’étude montre également que le Feder joue un rôle essentiel en encourageant le développement de projets dans les petites villes qui structurent le milieu rural. Elle montre aussi que certains projets s’appuient sur les deux fonds. Pour les rapporteurs, la PAC de l’après 2013 devrait unifier les modalités de gestion des différents fonds européens.

Mme Florence Clermont-Brouillet, chargée de mission à la Datar, déclarait le 7 juin 2011 devant le Groupe de travail du CEC au sujet du Feader : « d’un autre côté, il s’agit d’un fonds agricole qui doit être dédié aux projets agricoles. En ce qui concerne la programmation de l’après 2013, nous devons travailler à l’élaboration d’une stratégie de développement rural globale intégrant les différents fonds, Feder, Feader, FSE et FEP, car c’est ainsi que l’on parviendra à fédérer les stratégies et à opérer des distinctions en fonction des projets ou des acteurs. À partir de là, il sera possible de promouvoir les projets territoriaux qui s’appelleront, peu importe, Leader, Ex-Leader, Groupe de l’axe 4 du FEP ou PER. »

Il existe une complémentarité entre les fonds structurels et le 2e pilier de la PAC. La Commission européenne (DG Regio et DG Agri) travaille actuellement en ce sens, dans ses propositions pour la programmation 2014-2020, avec par exemple l’idée d’un « cadre stratégique commun » pour le Feder, le FSE et le Feader. De façon similaire, le 5e rapport de la Commission européenne sur la cohésion économique, sociale et territoriale(20) plaide, dans le cadre de la prochaine programmation après 2013, pour un renforcement des relations entre les villes et les campagnes, afin de contribuer au développement des territoires ruraux.

Recommandation n° 3 sur les fonds européens :

– Veiller, dans la prochaine programmation budgétaire européenne 2013-2020, à ce que les actions financées par le Feader bénéficient, au-delà des activités agricoles, à l’ensemble du monde rural.

– Mieux intégrer dans cette nouvelle programmation les orientations stratégiques françaises relatives au Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), au Fonds européen pour la pêche (Fep) et aux fonds structurels (Fonds européen de développement régional - Feder, et Fonds social européen - FSE).

II.- LA GOUVERNANCE LOCALE

Le présent rapport a traité plus haut de la gouvernance nationale de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural, en insistant sur la nécessité d’une meilleure coordination interministérielle, d’un meilleur suivi des dispositifs de l’État et d’une meilleure articulation des politiques européennes.

Il convient maintenant d’examiner comment les politiques publiques sont reçues dans chaque territoire rural. La première évidence, mais ce n’est pas une découverte, est que la structure des collectivités territoriales est particulièrement complexe en France : communes, communautés de communes, syndicats de communes, pays, départements, régions, massifs, parcs naturels… Chacune de ces collectivités contribue au développement des territoires ruraux, dans la réponse aux appels à projets nationaux ou européens, dans l’articulation des différentes mesures atteignant les territoires, dans les actions complémentaires mises en place ou financées par les collectivités. La loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a profondément modifié le paysage institutionnel en favorisant l’apparition de deux pôles, d’un côté les communes et intercommunalités, de l’autre les départements et les régions.

Les deux structures les plus actives en milieu rural sont en profonde évolution. La réforme de la carte intercommunale traduit une montée en puissance des regroupements de communes. Le rôle des pays, qui ne sont pas supprimés mais dont le statut législatif a été supprimé, reste à clarifier. Comme nous le verrons, les structures supérieures de gouvernance locale (départements, régions, massifs, parcs naturels régionaux) jouent également un rôle non négligeable pour la gouvernance des territoires ruraux.

L’étude réalisée par des consultants au titre du lot A montre que trois facteurs clef conditionnent la réussite d’un projet de territoire en milieu rural :

– le portage politique combiné à une dynamique collective des acteurs locaux (élus et société civile) et à une volonté commune d’agir ensemble autour d’un projet ;

– la qualité et la pertinence (efficience) de la stratégie de territoire au regard de ses besoins, de ses spécificités et de ses moyens ;

– l’optimisation des ressources humaines : compétences de l’équipe technique, organisation des ressources locales (État, collectivités, associations…), insertion dans les réseaux pour permettre une construction partagée du projet, animation « ouverte », mise en œuvre des actions, capacité à assurer une coordination locale des actions, suivi et évaluation des contrats et dynamisation régulière du projet d’origine.

L’étude réalisée au titre du lot B est intégralement consacrée à la gouvernance locale des territoires ruraux qui, comme nous le verrons, constitue un enjeu majeur.

1.- La nécessité de définir des territoires de projet souples et adaptés aux contextes locaux

Les acteurs des territoires ruraux doivent avoir la capacité de porter des projets de développement, pour répondre aux attentes des populations présentes, pour attirer de nouveaux habitants, pour conforter leur tissu économique, pour valoriser leurs atouts patrimoniaux, environnementaux, touristiques, etc. Cela n’est possible qu’à une échelle correspondant a minima au bassin de vie. Par ailleurs, le développement des territoires ruraux apparaît de plus en plus lié à celui des territoires urbains, ce qui suppose qu’un dialogue constructif puisse se nouer entre les villes et les espaces environnants.

Le Réseau rural français (RRF), au-delà des thématiques évoquées ci-dessus, a mis l’accent sur les interrelations indispensables entre les territoires urbains et ruraux ainsi que sur la nécessité de développer la capacité d’innovation des territoires.

a) Le besoin de clarification sur l’avenir des pays

Après la création du statut législatif (21) des pays par la loi dite « Pasqua » d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 (LOADT), c’est la loi dite « Voynet » d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 (LOADDT) qui a permis leur développement : la France en compte aujourd’hui plus de 370.

La population moyenne des communautés de communes était de 8 500 habitants en 2009 ; pour leur part, les pays comptent en moyenne 75 000 habitants pour une superficie moyenne de 1 180 km2. Les communautés de communes comprennent 13 communes en moyenne contre 80 pour les pays (entre 30 et 200). Les structures juridiques sont de trois types : une vingtaine de pays sont constitués sous la forme de groupements d’intérêt public (GIP), le reste se répartit entre syndicats mixtes (51 %) et associations. Un tiers seulement des pays sont aussi porteurs d’un schéma de cohérence territoriale (Scot). La moitié des pays est à dominante rurale et ils couvrent désormais la quasi-totalité du territoire national métropolitain (hors Île-de-France, hors Corse, hors région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA)).

Les pays ne bénéficient d’aucune compétence obligatoire : chaque pays est libre de construire son projet et ses priorités en fonction des objectifs et du territoire sur lequel il exerce ses compétences.

La Datar estime qu’il est difficile de tirer un bilan général des pays, étant donné la diversité des situations d’une région à l’autre et même d’un pays à l’autre. Lorsque les pays ont été créés dans une logique de subsidiarité par rapport aux intercommunalités préexistantes, sur des périmètres cohérents associant espaces ruraux et urbains, et dans un esprit de projet et non de gestion, ils contribuent efficacement à la dynamique des territoires ruraux. C’est notamment (mais pas seulement) le cas en Bretagne, en Basse-Normandie, en Aquitaine, en Midi-Pyrénées, en Alsace, en Auvergne.

Dans d’autres contextes, les pays ont pu constituer une étape dans la construction plus lente de l’intercommunalité, en habituant les communes à travailler ensemble. Pour la Datar, dans la logique de la réforme des collectivités locales de 2010, l’issue logique de ces pays, souvent de petite taille comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur ou Champagne-Ardenne, est leur transformation en EPCI à fiscalité propre - déjà effective pour certains.

Les pays mis en place pour des raisons d’opportunité financière, parfois sous la pression de la région ou de l’État, ou de volonté de leadership local ont eu moins d’effets positifs sur le développement des territoires. Dans certains cas, notamment lorsqu’ils traduisaient des positions défensives (ainsi en zone périurbaine, contre la ville-centre), ils ont même pu être contre-productifs.

Les pays porteurs de réels projets de territoire ont souvent été à l’origine de programmes Leader de bonne qualité, ou de pôles d’excellence rurale (PER) intéressants parce que bien intégrés dans une approche territoriale transversale.

Pour les rapporteurs, les chartes de pays et l’institution de conseils de développement ont apporté les dimensions intéressantes de stratégie de territoire et de démocratie participative. Il s’est agi d’associer la société civile à la phase de diagnostic, de construction de la charte et de mise en œuvre des projets. Si ces apports sont jugés positifs par nombre d’intervenants rencontrés par les rapporteurs, il reste que ces dispositifs éprouvent souvent des difficultés à perdurer sur le long terme.

M. Émile Blessig, député du Bas-Rhin, président de l'Association de promotion et de fédération des pays (APFP), indiquait le 11 juillet 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « le pays permet d’aborder des problématiques qui, sans lui, ne seraient même pas évoquées : haut débit, aménagement sanitaire du territoire, mobilité, etc. Celui que je préside au niveau intercommunal a aussi lancé une action de prévention en matière de nutrition. Grâce au pays, il est également possible de réunir des acteurs en général très cloisonnés, par exemple médecins, infirmières scolaires et secteur hospitalier public. Cette dimension horizontale est un plus. »

Si les pays déjà créés ne sont pas supprimés – leur utilité est même reconnue – leur fondement législatif disparaît avec la loi de réforme des collectivités locales de 2010(22). L’idée de bon sens qui avait prévalu consistait à simplifier le « millefeuille administratif » actuel, les intercommunalités et les pays paraissant redondants. La définition du pays et de ses missions, qui figurait à l’article 22 de la loi « Pasqua » précitée, a disparu. Les pays constitués en associations peuvent continuer à vivre, au titre de la liberté associative, mais les syndicats mixtes sont inscrits dans une vaste opération de regroupement et de suppression(23). Le Sénat a ajouté dans la loi que les contrats conclus avant l’abrogation de l’article 22 de la loi de réforme des collectivités territoriales demeurent inchangés et valables jusqu’à leur terme. Le logique qui en découle est donc un basculement progressif des pays vers des intercommunalités de plus grande taille. Il est à noter que, contrairement à une opinion largement répandue, la loi de réforme des collectivité territoriales n’empêchera pas la création de nouveaux pays, ces derniers pouvant adopter des formes juridiques très diverses – associations ou syndicats mixtes par exemple.

Selon M. Gwénaël Doré, directeur des études de l’APFP (11 juillet 2011) : « Si le pays n’est pas en permanence un lieu d’innovation, il est souvent, comme l’a dit Émile Blessig, le « lanceur » des actions nouvelles. Il est aussi fréquemment doté d’une équipe d’ingénierie à l’affût des nouvelles politiques publiques. Ces équipes ont souvent été actives dans le montage des projets de pôles d’excellence rurale (PER). »

L’étude des consultants missionnés au titre du lot B montre l’apport des pays au niveau du rapprochement et de la mobilisation des acteurs locaux (rôle important du conseil de développement dans la participation des acteurs et des habitants et celle d’observatoire du territoire et d’appui aux démarches de coopération intercommunautaires). Elle juge, en revanche, leurs résultats en matière d’aménagement et de développement économique plus limités. Pour les consultants, les EPCI sont plus perçus comme un échelon administratif en raison de leurs compétences, de leur statut et de leurs modalités de désignation. Une éventuelle fusion des EPCI et des pays est pour eux possible, mais à la condition d’une évolution culturelle significative des EPCI ainsi que d’une mise à jour des compétences et métiers. Ils recommandent en particulier la création d’un conseil communautaire qui jouerait le rôle des conseils de développement des pays, s’apparentant d’une certaine manière aux conseils d’arrondissements ou de quartiers dans les villes.

Pour les rapporteurs, la suppression du statut législatif des pays fragilise déjà les dynamiques, souvent anciennes et bien intégrées par les collectivités participantes, là où les pays ont réussi (ce n'est pas partout le cas, à l’évidence). Les pays ont montré leur utilité en tant qu’enceinte de coopération entre intercommunalités. En regard, la réforme en cours de la carte intercommunale, menée tambour battant par le Gouvernement, a suscité des oppositions multiples. Elle est ralentie, objet de polémiques partisanes, maintenant renvoyée après les élections législatives et présidentielle. En l'état, il n'y a pas d'accord dans de nombreux territoires sur l'élargissement des EPCI, appelés implicitement (ce n'est dit nulle part, et l'ambiguïté accroît le doute) à prendre le relais des pays.

En outre les EPCI à fiscalité propre sont essentiellement des administrations de gestion (déchets, école, voirie...). Ils ne sont pas structurés pour porter des stratégies de territoire (pas ou peu d'ingénierie publique). Ils n'ont pas de structure de concertation avec la société civile. L’étude de terrain effectuée par les consultants missionnés au titre de la présente évaluation (avec 10 territoires sondés ou visités) montre la nécessité absolue de la participation des forces vives pour définir et mener à bien un projet de territoire. Même si la loi de réforme des collectivités territoriales préserve les pays existants, les élus et fonctionnaires locaux risquent de l’interpréter comme un coup d'arrêt brutal. La force des pays résidait dans l'effet d'entraînement qu'ils suscitaient sur des projets de développement très divers.

L'évaluation précitée menée en 2003 dans le cadre du Commissariat général au Plan sur les politiques de développement rural concluait fortement en faveur de la montée en puissance des pays comme « territoires de projet ». La bonne idée a priori de mettre de l'ordre dans le millefeuille administratif risque, si l’on n’y prend garde, d’ajouter à la confusion, au détriment des territoires ruraux.

Recommandation n° 4 sur les pays :

– Clarifier l’avenir des pays, après la suppression de leur fondement législatif dans la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, afin d’éviter de porter un coup d’arrêt brutal aux dynamiques créées par les pays, dans un contexte où les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne sont pas encore structurés pour l’animation de projet et la participation de la société civile.

b) La réforme de la carte intercommunale

La loi de réforme des collectivités territoriales vise à l’achèvement de la carte intercommunale avec l’élaboration de schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI). Elle prescrit le regroupement en intercommunalités d’au moins 5 000 habitants, après concertation au sein des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI), avec une décision du préfet sauf opposition de la CDCI à la majorité des deux tiers de ses membres.

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi de réforme des collectivités territoriales, la mise en œuvre des dispositions relatives à la refonte de la carte intercommunale devait s'effectuer suivant le calendrier suivant :

On sait que le Premier ministre a repoussé l’échéance du 1er janvier 2012 à l’hiver suivant (24).

La Datar fait valoir que l’organisation intercommunale actuelle présente des insuffisances notoires, avec la persistance de communes isolées, des communautés de communes de trop petite taille pour monter des projets, des coopérations intercommunales constituées dans des logiques exclusives ou défensives, etc. La réforme de la carte intercommunale prescrite par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 visait à permettre d’améliorer la cohérence des périmètres. Il ne s’agit pas d’appliquer une règle mathématique uniforme qui nierait la diversité des situations, mais d’analyser, dans chaque contexte, les marges de progression pour une capacité d’action accrue des territoires. Les dispositions de la loi visant à faciliter et sécuriser la mise en commun de services et de moyens entre communes contribuent également à cet objectif.

L’intercommunalité, même rationalisée, ne peut cependant pas répondre à tous les enjeux de développement des territoires ruraux. Certains projets et réflexions doivent être conçus à une autre échelle. Les parcs naturels, les massifs de montagne, sans parler des pays, en sont de bons exemples. Ils permettent aux territoires concernés de disposer de moyens d’ingénierie plus conséquents et de monter des projets plus intégrés. Les Scot sont aussi des outils précieux, notamment pour renforcer le lien urbain rural autour de la question centrale de la planification spatiale.

Dans ces conditions, certains s’interrogent sur les avantages respectifs de la fusion versus la coopération entre communautés de communes. La capacité de travailler et de dialoguer sans fusionner pourrait être développée, les marges d’action sont importantes. Coopération et mise en commun de moyens sont tout aussi nécessaires pour renforcer les capacités.

M. Émile Blessig, député du Bas-Rhin, déjà cité en tant que président de l’APFP, indiquait le 11 juillet 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « la pertinence d’un territoire se définit par sa taille - qui doit être relativement importante car certaines problématiques ne peuvent pas être abordées à l’échelle de l’intercommunalité -, par sa démographie, par son économie, mais aussi par le sentiment d’une appartenance et d’un destin commun partagé. (…)

Un syndicat mixte à la carte serait un instrument extrêmement utile aux territoires ruraux. Aujourd’hui, lors de la constitution des schémas de coopération intercommunale, la discussion porte beaucoup sur les limites territoriales. Or, il sera fort rare que, pour mener des missions complémentaires, on arrive à réunir sur un territoire unique un Scot et des syndicats de gestion ou d’aménagement. Le syndicat mixte à la carte permettrait de se libérer de la contingence du périmètre. Il pourrait fonctionner par collèges spécifiques en fonction des compétences. Un syndicat mixte de pays et de Scot permet de faire des économies d’ingénierie humaine : à deux collèges d’élus ne correspond qu’une seule structure administrative, sous l’autorité d’un directeur unique. »

M. Marc Fesneau, membre du conseil d'orientation de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) déclarait le même jour : « je ne sais pas ce qu’est un "territoire pertinent". La pertinence se réfère à l’action menée. À chaque projet sa pertinence. (…) Il ne faudrait pas définir les périmètres avant les projets. (…) Ensuite – je m’adresse au législateur – nous avons besoin de dispositifs souples. Dès lors que les territoires et les approches sont différents, les cadres ne doivent pas être trop contraignants. Autrement, ils ne permettront pas de tenir compte de la diversité des territoires ruraux. »

L’agrandissement des communautés de communes posera le problème de l’affaiblissement du bénévolat au profit de collaborateurs rémunérés, avec un coût supplémentaire, alors qu’une des raisons invoquées était la recherche d’économies. La création des communautés de communes s’est accompagnée partout d’une augmentation globale du nombre de fonctionnaires, sans que l’on puisse savoir précisément ce qui découle de l’accroissement des missions remplies, demandées par les citoyens.

Mme Annie Blanchard, responsable de Mairie conseils (groupe Caisse des dépôts), déclarait le 11 juillet 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « les élus considèrent que plus les territoires sont grands, plus il est nécessaire d'inventer des formes de proximité : pour éviter aux habitants de devoir faire de trop longues distances pour accéder aux services, mais aussi pour adapter l'offre de services aux situations infra-communautaires, donc à la diversité des zones qui composent ces grands territoires. Ainsi, en Ille-et-Vilaine, dans le Coglais, la communauté est divisée en secteurs eux-mêmes composés de plusieurs communes et des élus et du personnel sont chargés de l'animation et de la réflexion afin d'apporter la proximité au sein de chaque secteur, en fait de donner une "couleur locale" aux actions qui y sont menées. (…) Un président de communauté considérait récemment "qu'être grand ?" sert l’ego des présidents et permet le versement d'indemnités, mais que l’on est ainsi beaucoup plus éloigné des citoyens et que les élus communaux décrochent. Qui plus est, on est alors obligé de faire de l’infra-communautaire, avec des coûts supplémentaires, par exemple en créant des antennes communautaires avec plus de personnel et plus de déplacements. »

L’étude des consultants pour le lot B conclut qu’il n’y a pas de taille idéale pour un territoire de projet, ni en surface, ni en population. Le périmètre pertinent d’un projet de territoire dépend des caractéristiques socio-économiques et géographiques (bassin de vie et d’emploi, attractivité touristique), et des thématiques d’action et d’intervention. La pertinence de la taille des pays, ou des intercommunalités, doit être appréciée par rapport aux autres projets de territoires. Pour les consultants, il n’y a pas de structure idéale pour un projet de territoire.

Les consultants soulignent l’importance du maintien de la mobilisation des forces vives autour de projets de territoires, avec la réunion régulière des parties prenantes (acteurs socio-économiques, citoyens…).

Les consultants notent que les collaborations entre EPCI sont très fréquentes : mises en commun techniques d’équipements et de services (tourisme, culture…) et mises en commun plus stratégiques (planification, ingénierie…). Ces coopérations permettent de répondre à des préoccupations d’efficacité, d’efficience et d’optimisation des actions menées. L’atteinte d’une masse critique en matière technique et financière permet le portage de projets qu’un territoire ne pourrait soutenir seul.

Dans cette perspective, il convient de dépasser le strict caractère administratif des travaux de la CDCI et d’enrichir ses débats avec des discussions et des études sur les contenus et les thématiques de travail de la coopération (notamment les sujets clefs comme la santé, les TIC, les transports, …). Des réponses sont à apporter à la prise en compte insuffisante des habitudes de travail entre communes et à la nécessité d’inscrire cette recomposition intercommunale dans un calendrier progressif prévoyant une date butoir, mais avec des étapes.

Pour les rapporteurs, il faut privilégier la souplesse et la diversité des formes d’organisation des territoires ruraux. Il est regrettable qu’en France il soit difficile d’imaginer autre chose qu’une solution unique pour toutes les situations. On pourrait encourager le développement de compétences à la carte, avec des tailles adaptées aux territoires ruraux, et des vitesses de rapprochement différentes. La solution « one size fits all » (25) apporte un regard par trop stéréotypé. Il ne convient pas d’appliquer des remèdes valables pour tout le monde alors que nous sommes tous différents. La France rurale est diverse.

Les rapporteurs ont d’ailleurs noté une mise en œuvre différente de la réforme de la carte intercommunale selon les départements. Ainsi, en Dordogne le préfet propose de diviser par deux le nombre de communautés de communes et de syndicats, soulevant l’hostilité de nombreux élus. Dans la Somme, au contraire, le préfet indique qu’il ne contraindra personne et qu’il privilégie la concertation. Il multiplie les réunions d’information et prend le conseil des assemblées locales ; ce qui ne pourra être décidé en 2011 ou 2012 le sera dans les années suivantes, il faut prendre le temps. Les rapporteurs estiment qu’il faut respecter le rythme du « travailler ensemble ». Le délai imparti à la réforme, un temps calé sur le calendrier électoral, était trop court.

On n’impose pas à des hommes qui n’ont pas envie de travailler ensemble de le faire. Il convient d’appuyer le développement préalable d’une identité et d’une culture communes de la population et des acteurs locaux. On se marie parce qu’on a un vrai projet de développement, en donnant sens et contenu à l’« intérêt communautaire » du code général des collectivités territoriales.

Le besoin de souplesse s’observe aussi dans le domaine des normes. Le Président de la République a confié le 17 janvier 2011 au sénateur Éric Doligé une mission sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Le rapport remis le 16 juin 2011 se prononce pour une simplification urgente face à l’engrenage normatif qui entrave l’action des collectivités territoriales(26). La multiplication des textes et l’instabilité de la règle de droit plaident pour un changement en profondeur de la culture normative de l’État. Un droit indifférent à la taille et aux moyens des collectivités, ainsi qu’une application des normes uniforme, nuit à la compétitivité des territoires. Les 36 682 communes françaises sont de taille très diverse : 936 communes ont moins de 50 habitants, 930 comptent 10 000 habitants et plus, et Paris, la plus peuplée, plus de deux millions. Concrètement, cette différence de taille se traduit par des moyens humains et financiers extrêmement hétérogènes. Dès lors, l’application uniforme des règles de droit à des collectivités territoriales aussi hétérogènes n’est pas sans poser des difficultés. Dans le prolongement de son rapport, le sénateur Éric Doligé a déposé une proposition de loi (n° 779 - 2010/2011) le 4 août 2011(27).

Dans le prolongement du rapport de M. Éric Doligé, il convient de noter que notre collègue Pierre Morel-A-l’Huissier, député, a été chargé par le Président de la République le 25 octobre dernier de coordonner une mission sur les normes applicables aux collectivités territoriales dans les territoires ruraux (28). La lettre de mission lui demande d’identifier, par des exemples concrets, les normes règlementaires dont l’application aux collectivités territoriales et aux acteurs locaux, limite ou freine le développement économique, social, environnemental, culturel et institutionnel des territoires ruraux. Elle souhaite la proposition de clarifications ou de simplifications règlementaires. Les propositions devront recueillir un large consensus et leur mise en œuvre devra être compatible avec la nécessaire maîtrise des dépenses publiques de notre pays (29).

Recommandation n° 5 sur les intercommunalités :

– Réaffirmer la nécessité d’une réforme de l’intercommunalité, mais dans le respect de la concertation, de la volonté de « vivre ensemble » des collectivités ; souligner que ces regroupements doivent résulter d’un rapprochement progressif et s’ancrer dans la durée pour créer une dynamique.

– Favoriser la constitution de territoires porteurs d’une « identité propre » partagée, avec l’émergence d’un sentiment d’adhésion et d’appartenance fondé sur des données historiques, géographiques, culturelles, sociales ou économiques.

– Souligner la nécessité de l’implication des « parties prenantes » par l’équivalent d’un conseil de développement, dont la pérennité serait assurée au-delà des renouvellements de personnes.

– Souhaiter l’émergence de « territoires de projet » organisés de façon souple à l’échelle de bassins de vie, sans référence à une « taille critique » définie de manière normée, mais avec une dimension déterminée de façon ad hoc selon des modalités d’organisation adaptées à la diversité des situations locales et des thématiques d’intervention.

– Insister sur la nécessité d’un portage politique des nouvelles entités, avec une stratégie de développement pertinente de long terme et tissant les liens porteurs d’une « vision partagée » pour le territoire.

– Encourager la coopération entre territoires, complémentaire des fusions en cours, avec des mises en réseau, même sur des territoires non contigus, par exemple sur des filières économiques, et avec une mise en commun de l’ingénierie publique locale.

c) L’action des régions, départements, massifs et parcs naturels

L’action des départements et des régions est essentielle dans la planification de thématiques aussi importantes que la santé, les transports, ou le logement. Ces collectivités ont souvent développé une contractualisation avec des territoires (intercommunalités et pays). Leur rôle dans le développement des territoires ruraux est indéniable.

M. Émile Blessig, député du Bas-Rhin, président de l’APFP, indiquait le 11 juillet 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « il est également possible d’aborder la question à partir de l’aménagement du territoire, qui relève de la compétence régionale. Les régions ont intérêt à organiser des priorités d’aménagement du territoire, dont l’application suppose que les territoires se les approprient, donc qu’il y ait un interlocuteur à leur niveau. En ce qu’ils regroupent des intercommunalités, les pays peuvent être un relais efficace et garantir la compatibilité entre les priorités du territoire et de la région. Ainsi, la région Alsace s’est constituée autour de la notion de pays-Scot (30). (…)

Bien sûr, élaborer et appliquer une politique autonome est le rêve. Mais le pays peut aussi permettre la territorialisation au niveau infra-régional ou infra-départemental de politiques régionales ou départementales qui, faute d’une appropriation locale, ne sont pas optimisées. (…)

Nous avons assisté pendant un certain temps à une sorte de concurrence entre la région, qui « jouait » le pays, et le département, qui contractualisait avec les intercommunalités, sachant que beaucoup d’entre elles recouvrent peu ou prou un canton. Vraiment, s’il n’y a pas rencontre entre une appropriation locale et une volonté régionale ou départementale, l’efficacité est moindre. L’appropriation locale seule n’est pas suffisamment forte pour imposer sa démarche. En revanche, un projet qui s’inscrit dans une démarche régionale ou départementale trouve ses financements et optimise l’action locale et départementale ou régionale. »

La Dordogne, département de 400 000 habitants, comporte quatre pays, correspondant aux quatre « couleurs » du Périgord, qui déclinent en quelque sorte la politique du conseil général à l’échelle d’un arrondissement. Même si le conseil départemental s’y efforce, mener une politique de soutien à l’agriculture, à l’économie, ou encore au tourisme est très difficile pour un pays de 12 cantons et de 70 000 habitants : une taille suffisante est nécessaire et le département le fait déjà... Rien n’a été inventé qui n’ait fait préalablement l’objet d’une réflexion à l’échelle du département.

M. Émile Blessig, au nom de l’APFP, précisait le même jour : « les régions ne disposant pas ou peu, au contraire des départements, de structures territoriales, certaines ont eu tendance à confier cette mission (31) aux pays. De ce fait, même s’ils appréciaient la capacité de proposition de ces derniers, des élus ont très mal vécu que la région demande aux pays d’apprécier si la démarche d’aménagement du territoire dans laquelle s’inscrivaient leurs projets était compatible avec les priorités régionales pour valider ou non son concours financier. »

L’étude des consultants montre que les régions jouent un rôle « d’impulseur » et de soutien dans le temps en faveur des projets de territoire en milieu rural. Elle constate une complexification du système d’acteurs qui rend moins visible le positionnement de chacun, avec la crainte d’un désengagement progressif (ciblage et resserrement des aides, développement des appels à projet…).

Pour les consultants, les conseils généraux contribuent utilement à l’effort financier en matière d’aménagement du territoire en milieu rural. Mais les impacts de la réforme territoriale et de la crise économique suscitent des craintes sur le niveau de leur soutien économique (réorganisation avec les région et augmentation des dépenses sociales). L’un des enjeux fort des années à venir sera de clarifier les attributions, outils d’intervention et implication des départements et des régions dans leurs partenariats locaux respectifs. Le schéma d’organisation des compétences et de mise en commun des services inscrit dans la loi de réforme des collectivités territoriales, défini localement, devrait y aider.

Les rapporteurs précisent que les régions et surtout les départements jouent un rôle central dans le tissage de liens entre les zones rurales et urbaines. La complexité croissante de nos sociétés fait que l’on ne peut plus envisager de façon isolée le développement des territoires ruraux. Cela reviendrait de fait à privilégier le développement des territoires « centraux » les plus naturellement dynamiques – les villes – en s’échinant en vain à susciter un développement endogène des territoires ruraux « périphériques », dans un repli sans issue(32).

Les consultant montrent que les massifs(33) sont des lieux d’expérimentation, d’observation et de coordination de certaines actions, et constituent par là même une échelle macro territoriale pertinente. Le devenir de la gouvernance de ce type d’espace se jouera principalement à deux niveaux :

– à l’échelle nationale, avec la réforme des collectivités territoriales de 2010 et à l’horizon 2014, qui soulèvera la question du recoupement possible entre zones de montagne et collectivités territoriales (région, départements et intercommunalités) ;

– à l’échelle européenne, avec l’impact potentiel de la réforme de la PAC, de la nouvelle politique régionale (ainsi le devenir de l’indemnité compensatrice de handicaps naturels – ICHN – et l’introduction éventuelle d’un critère de densité de population) et la place des « macro régions »(34).

Recommandation n° 6 sur les structures supérieures de gouvernance locale :

– Reconnaître le rôle des structures supérieures de gouvernance locale (départements, régions, massifs et parcs naturels) pour assurer une plus grande solidarité financière, pour planifier et pour apporter un appui en termes de ressources humaines en ingénierie publique.

2.- Les schémas de cohérence territoriale (Scot) : vers la définition des stratégies territoriales de développement

Les rapporteurs ont la conviction qu’un territoire ne peut se développer sans la définition d’une stratégie. Cela a souvent pris la forme des chartes de développement des pays. Les schémas de cohérence territoriale (Scot) constituent l’autre outil pour ce faire. La charte de territoire du pays est plus large que le plan d’aménagement et de développement durable (PADD) du Scot.

Historiquement, les schémas directeurs sont nés dans le cadre de la loi d’orientation foncière de 1967 et ont rapidement mal vieilli. Les schémas directeurs avaient été créés pour définir de manière générale la destination des sols et affecter les sols à telle ou telle activité, sous une forme globale.

Mais progressivement les schémas directeurs sont devenus très précis en termes de zonage, proches des plans d’occupation des sols (POS). Ces schémas sont devenus trop contraignants et insuffisamment généraux. Les procédures d’élaboration étaient également excessivement lourdes. La technique du schéma directeur devenait donc difficilement praticable.

Le schéma directeur a été transformé en schéma de cohérence territorial (Scot) par la loi de solidarité et renouvellement urbain (« SRU ») du 13 décembre 2000. Ce schéma insiste sur le caractère général du Scot, qui n’est pas un outil de zonage mais un outil de réflexion sur l’affectation prospective des sols. Le problème est que l’on n’a pas assisté à une généralisation des Scot : de nombreuses collectivités territoriales sont encore en dehors de leur périmètre. L’un des enjeux de la loi « Grenelle II » d’engagement national pour l’environnement du 12 juillet 2010 a été de favoriser cette généralisation en mettant en place un mécanisme rendant quasiment obligatoire l’élaboration d’un Scot.

Le Scot devient ainsi un élément central de planification. Le législateur a incité les collectivités territoriales à se doter d’un Scot qui reste facultatif mais qui, au regard des termes de la loi, a vocation à devenir obligatoire. Ainsi l’article L122-2 du code de l’urbanisme dispose qu’à compter du 1er janvier 2017, une commune ne pourra plus créer de zone à urbaniser dans un territoire non couvert par un Scot (cela rend quasi-obligatoire la création d’un Scot sauf à brider à l’excès les compétences des communes). Dans le cas où l’absence de Scot pose problème au regard de la maîtrise de l’urbanisation, le préfet pourra demander aux communes ou aux EPCI compétents d’en élaborer un. Ce n’est donc pas une obligation absolue mais une exigence de fait, compte tenu des contraintes introduites dans la loi.

Les rapporteurs estiment qu’une des bases solides et constantes de l’aménagement du territoire est constituée par l’urbanisme : du schéma de cohérence territoriale (Scot) au plan local d’urbanisme (PLU). Préalablement aux décisions d’urbanisme, est prévue une analyse des forces et des faiblesses : sociales, démographiques, économiques, naturelles… En France le Scot est un document d'urbanisme qui fixe, à l’échelle de plusieurs communes ou groupements de communes, les orientations fondamentales de l’organisation du territoire et de l’évolution des zones urbaines, afin de préserver un équilibre entre zones urbaines, industrielles, touristiques, agricoles et naturelles. Le Scot fixe les objectifs des diverses politiques publiques en matière d’habitat, de développement économique, de déplacements. Celui-ci ne doit cependant pas aboutir à un abus de zonage, mais doit privilégier la mixité fonctionnelle, ainsi, dans tel territoire, les zones d’activité pourront-elles être concentrées au nord et les zones résidentielles au sud.

Un article de la loi « Grenelle II » complète les objectifs des Scot, ainsi que des PLU et cartes communales : ces plans, cartes et schémas doivent contribuer à réduire la consommation d'espace (lutter contre la périurbanisation), à équilibrer la répartition territoriale des commerces et services, à améliorer les performances énergétiques, à diminuer – et non plus seulement maîtriser – les obligations de déplacement et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L’urbanisme, joint à l’« agenda 21 » (plan d'action pour le XXIe siècle adopté par les chefs d'État lors du sommet de la Terre à Rio en 1992), sont deux composantes essentielles du développement durable. Un exemple est constitué par les constructions (lotissements) près des infrastructures de transports collectifs (gares, nœuds routiers…). Un contre-exemple à ne pas suivre est, en urbanisme, le « mitage », désignant l'implantation d'édifices dispersés dans un paysage naturel, et qui est une conséquence de l'étalement urbain.

La loi de 1992 relative à l’administration territoriale de la République qui a créé les communautés de communes a doté celles-ci de compétences obligatoires, mais sans y inclure l’urbanisme. Cette lacune n’a pas été comblée depuis, au détriment de l’organisation du territoire rural sauf avec la tentative de confier à l’intercommunalité la délivrance des permis de construire. C’était l’idée du PLU intercommunal, qui permettrait d’avoir un regard plus global et de répondre à la demande d’ingénierie dans les petites communes.

Les rapporteurs notent qu’il existe des opportunités de développement partout. Elles sont différentes dans chaque territoire. Les stratégies de développement seront donc nécessairement différentes.

L’étude des consultants missionnés pour la présente évaluation s’est interrogée sur la question de savoir si la mise en œuvre de l’outil Scot est utile ou non aux projets de territoire. Pour les consultants, il s’agit d’un outil pertinent pour traiter les besoins d’aménagement et de développement d’un territoire de projet en milieu rural (réponse de plus de la moitié des personnes interrogées à l’enquête nationale). C’est un outil de cohérence territoriale, tant au plan thématique (transversalité, coordination des politiques) qu’au plan de la gouvernance (en favorisant l’adhésion par la participation). Le Scot est un outil prospectif et prescriptif, permettant de donner un cadre à l’action à moyen terme.

Mais cette appréciation est à relativiser en raison de la situation précaire des pays et du niveau d’ambition du Scot rural ou des difficultés de mise en œuvre qui pourraient apparaître une fois prescrit. Le contexte de fragilisation des pays dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales peut conduire les collectivités à se replier sur des outils règlementaires et durables tels que les Scot. Une articulation est en outre à prévoir entre les Scot ruraux eux-mêmes.

L’étude des consultants conclut ainsi qu’il convient de favoriser la concertation inter-Scot et les approches plus « dynamiques », surtout compte tenu de la lenteur des procédures Scot ; une démarche de capitalisation existe par exemple dans le réseau des agences d’urbanisme. Il convient également de favoriser l’information et la formation aux outils de planification, en rappelant la finalité de l’outil Scot par rapport à la notion de charte de territoire qui est plus large, et en capitalisant l’expérience engrangée au cours des procédures d’appel à projet national.

Recommandation n° 7 sur les schémas de cohérence territoriale (Scot) :

– Généraliser rapidement l’élaboration de Scot, porteurs d’une stratégie territoriale globale de développement (urbanisme, mobilité, logement, « agenda 21 »).

– Articuler leur périmètre avec les territoires de projet présents sur la même zone géographique.

– Inciter les communes à transférer aux intercommunalités les pouvoirs de décision en matière d’urbanisme et à se doter de documents d’urbanisme.

3.- L’importance de l’ingénierie publique

a) L’abandon de « l’ingénierie concurrentielle » de l’État et la nécessité pour les territoires de développer une ingénierie publique locale

La décision prise en avril 2008 dans le cadre de la RGPP de renoncer à partir du 1er janvier 2012 à la mission d’ingénierie publique de l’État en direction des collectivités territoriales, dans les domaines où une offre concurrentielle existe dans le secteur privé, a été souvent perçue par les élus locaux comme un abandon par l’État.

Les élus les plus anciens se rappellent du temps où le maire disposait de l’expertise des directions départementales de l’équipement ou de l’agriculture (DDE ou DDA) pour préparer ses chantiers, ou de la perception pour l’élaboration de son budget. Le rapport du sénateur Yves Daudigny (35) indique qu’en 2000, les rémunérations versées aux services de l’État par les collectivités territoriales et leurs établissements publics s’élevaient à 238 millions d’euros, pour 30 000 prestations au bénéfice d’environ 22 000 communes et groupements. Le montant moyen de chaque prestation était donc d’environ 5 300 euros.

La décision prise dans le cadre de la RGPP laisse subsister la mission de conseil apporté dans le cadre de l’« assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire » (Atesat) ; l’Atesat est conservée à moyens constants au sein du ministère de l’Écologie. L’Atesat est définie par la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite « MURCEF », du 11 décembre 2001. Elle vise à fournir un appui technique, sous la forme de conseil et d’assistance, donc sous la forme d’assistance à maîtrise d’ouvrage, dans les domaines de la voirie, de l’aménagement et de l’habitat, aux communes ou groupements de communes qui sont déclarés éligibles, soit les collectivités territoriales de moins de 10 000 habitants et leurs groupements ne disposant pas de service technique adéquat.

Rappelons encore, que lors du 92e congrès des maires de France en 2009, à l’occasion de la clôture, M. Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, a réaffirmé que l’État entendait soutenir les petites communes et ne se désengagerait donc pas complètement des missions d’ingénierie publique. Il a ainsi déclaré : « l’État doit conserver, dans les départements, des effectifs en rapport avec les missions qui restent de sa compétence. En particulier, il est fondamental que l’État conserve une ingénierie publique au service des communes et groupements qui disposent de moyens humains et financiers limités, en particulier dans les départements ruraux où l’offre du secteur privé est souvent défaillante. Je serai donc vigilant, avec Jean-Louis Borloo, à ce que les missions d’Atesat (...) soient maintenues, dans le respect, bien sûr, des exigences du droit communautaire de la concurrence. C’est un point très important à mes yeux. »

Les collectivités ont perdu les repères qu’elles avaient avec les anciennes DDE, DDAF ou autres DDASS. Elles ont le sentiment que ces services n’ont pas été remplacés, ni techniquement, ni financièrement. Il en résulte une perte de points de contacts avec les usagers. Pourtant la multiplication des lois et normes, la complexité technique et juridique croissante des dossiers ou la prise en compte des contraintes environnementales exigent une ingénierie de plus en plus performante. Le présent rapport montre l’importance de l’ingénierie publique pour la définition d’une stratégie de territoire, avec en particulier la réponse aux procédures d’appels à projet.

L’ingénierie publique rendue par les services de l’État était certes refacturée aux collectivités territoriales. La sous-traitance de l’ingénierie publique à des bureaux d’étude privés est par définition rémunérée, généralement à un prix plus élevé. Sous-traiter ponctuellement l’intelligence à un bureau d’études pose le risque que ce dernier ne revende partout la même étude, légèrement adaptée au contexte local. Cette solution ne saurait être un palliatif à l’absence d’ingénierie humaine locale.

L’étude réalisée par les consultants a dressé un constat de faiblesse des capacités d’ingénierie sur les territoires étudiés. Elle conclut qu’il convient d’encourager les collectivités territoriales à renforcer et mettre en commun leurs capacités d’ingénierie. Il peut en être ainsi par la création ex-nihilo de services d’ingénierie et de développement local, ou par la mise en commun des services d’ingénierie et de développement local, avec des organisations visant à accroître et diversifier les capacités d’ingénierie. Il s’agit de renforcer la mise en commun des actions de développement dans les intercommunalités.

Les rapporteurs ont noté l’importance des réseaux d’acteurs qui ont l’habitude de travailler ensemble, constituant ainsi une « intelligence collective ». Cette coopération peut aller au-delà de la région, voire en dehors des frontières nationales ; il en est ainsi des réseaux d’intelligence collective européenne sur des créneaux partagés (filières économiques, comme par exemple la coutellerie de Thiers et de Solingen en Allemagne…).

La mise en réseau des acteurs s’est grandement développée avec les pôles d’excellence rurale (PER) et les Groupements d’action locale (GAL). Elle a permis l’association des acteurs publics et privés. Les parcs naturels régionaux (PNR), constitués sur la base d’un syndicat mixte avec le concours d’un conseil scientifique, contribuent également à l’émergence de cette intelligence collective. L’existence de PNR ou de pays induit souvent la présence d’une ingénierie de projet.

Mais l’ingénierie locale des collectivités territoriales bute rapidement sur le problème budgétaire, dans le contexte tendu de leurs finances. Les rapporteurs ont constaté une véritable injustice de l’ingénierie publique sur les territoires. L’ingénierie de « matière grise » n’est malheureusement pas toujours jugée prioritaire par les collectivités. Il convient pourtant de renforcer la compétence de compréhension et d’encourager les communes et les EPCI non couverts par un outil de type pays ou PNR à renforcer et à mettre en commun leurs capacités d’ingénierie.

b) L’exemple du canton de Domme

En Dordogne, l’Atesat a fait l’objet d’une convention couvrant les années 2010 à 2012. 452 communes en ont bénéficié sur 543 communes éligibles (24 communautés de communes sur 45 éligibles). Les domaines couverts ont concerné par exemple la voirie, le conseil en planification, l’instruction de l’urbanisme (PLU) ou l’aide à la rédaction d’un cahier des charges.

Un élu local fait remarquer qu’en raison de la disparition de la maîtrise d’œuvre des nouvelles directions départementales interministérielles, les collectivités doivent faire appel à des cabinets privés, ce qui constitue une perte de qualité et d’expérience.

La représentante du préfet dans le canton de Domme indique que la directive nationale d’orientation (DNO) 2010-2015 relative aux préfectures rencontre des difficultés d’application dans la formation des cadres de catégorie C pour qu’ils puissent remplir les nouvelles tâches qui leur sont assignées. Elle rappelle que l’augmentation de la taille des communautés de communes est justifiée notamment par la possibilité qu’elles auront de se doter de cette expertise technique.

Recommandation n° 8 sur l’ingénierie publique locale :

– Réorienter les ressources des communes et de leurs groupements vers l’ingénierie publique locale (ressources humaines et compétences), en raison de l’importance du facteur humain dans le développement des territoires.

– Mettre en commun ces ressources à l’échelle du territoire ou par une coopération entre plusieurs territoires en fonction de leurs tailles.

III.- LES GRANDES PROBLÉMATIQUES DE LA POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EN MILIEU URBAIN

A.- CONNECTER RURAL ET URBAIN

Les rapporteurs estiment qu’il faut concevoir l’aménagement du territoire de façon globale en prenant en compte les complémentarités entre villes et campagnes, sans que cela aboutisse pour autant à une concentration des actions dans les grandes métropoles et autres zones urbaines. Le rôle des départements et régions dans l’établissement de ces liens a été signalé ci-dessus.

Les interrelations entre villes et campagnes sont nombreuses dans les domaines économique, culturel, social et de santé. Les mobilités sont sans cesse croissantes. Le développement des zones périurbaines instaure un continuum où s’estompe la frontière entre villes et campagnes.

Nous avons vu précédemment que l’Insee a présenté en 2011 une nouvelle carte des zones urbaines à partir du recensement de la population de 2009. Elle calcule que 95 % du territoire métropolitain est sous influence des villes (en prenant en compte les trajets résidence – travail). Les zones rurales isolées ne constituent plus que 5 % du territoire. Il en résulte une prégnance de la culture de l’urbain sur le rural. Les « néo-ruraux » qui viennent de la ville ont les mêmes demandes que les urbains. Mais les communes rurales n’ont pas les mêmes moyens que les villes : on est dans un autre monde.

Dans un contexte de concentration des activités et des populations dans les grandes métropoles, les villes moyennes et petites se trouvent fragilisées. Or elles sont en interaction avec les zones rurales qui les entourent, comme les rapporteurs ont pu le constater dans leurs déplacements à Montluçon (Allier) ou Champagnole et Morez (Haut Jura). Mme Catherine Mercier, directrice des politiques territoriales de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), déclarait le 3 mai 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « autre point important, le besoin de reconstruire des liens. Les politiques publiques très ciblées menacent de recréer un désert français et de provoquer de nouvelles fractures – l’enfer est pavé de bonnes intentions. Les métropoles et les agglomérations provoquent des phénomènes de polarisation, entraînant autour d’elles une surcapitalisation de la denrée économique, laquelle se raréfie ailleurs. Il importe donc de rétablir des échanges entre l’urbain et le rural. À cet égard, la chaîne comporte un maillon faible : les villes moyennes, qui sont, depuis une trentaine d’années, les oubliées des politiques publiques alors qu’elles constituent la porte d’entrée des milieux ruraux et l’armature profonde du réseau urbain. »

Les rapporteurs font état du sentiment ressenti dans les territoires ruraux de ne pas pouvoir peser quand il s’agit de négocier au niveau du département ou de la région, alors qu’il faudrait un travail en commun sur les relations entre les villes et les campagnes.

L’étude réalisée à la demande des rapporteurs montre une articulation insuffisante des politiques rurales avec les politiques urbaines et les grands enjeux de l’aménagement du territoire. Il conviendrait d’établir des diagnostics partagés villes – campagnes. Pour les consultants, la déconcentration des fonctions urbaines se fait de manière inégale entre zone centrale (activités productives) et périphéries rurales (activités résidentielles et de loisir). Il s’agirait d’aller vers un partage plus équilibré des ressources et des structures.

De même, l’étude conclut à la nécessité de maintenir une dynamique de développement dans les petites villes, notamment par des infrastructures de transport. Les zones rurales, structurellement fragiles car peu modernes, pourraient ainsi bénéficier de l’attractivité économique des zones urbaines, et éviteraient ainsi d’être court-circuitées par ces dernières.

Recommandation n° 9 sur les liens entre villes et campagnes :

– Concevoir l’aménagement du territoire de façon globale en prenant en compte les liens entre villes et campagnes, dans une logique accentuée de complémentarité et de continuité ; souligner à cet égard l’importance des villes petites et moyennes pour le développement des campagnes environnantes.

– Éviter une concentration excessive de l’action publique, des activités économiques et des constructions de logements dans les grandes métropoles.

B.- LES MODALITÉS DE MISE EN œUVRE DE CETTE POLITIQUE

1.- La complémentarité entre zonage prioritaire et appel à projet

Deux modalités principales de mise en œuvre de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural coexistent : le zonage prioritaire (zones de revitalisation rurales – ZRR et zones d’aides à finalités régionales – AFR) et les procédures d’appel à projet (pôles d’excellence rurale – PER, grappes d’entreprises, fonds structurels européens…).

Le zonage applicable aux fonds structurels de la politique régionale européenne a été supprimé en 2000, au profit des procédures d’appel à projet. Le traité sur l’Union européenne autorise seulement la mise en œuvre d’« aides à finalité régionale » (AFR) pour contribuer au développement des territoires en difficulté. La Commission a adopté des lignes directrices concernant les AFR pour la période 2007-2013. La carte française des zones AFR a été autorisée par la Commission européenne le 7 mars 2007 ; elles concernent les DOM et, en métropole, les aides destinées à promouvoir le développement économique des régions d’un État membre situées en dessous de la moyenne nationale. Les aides mobilisables concernent principalement la prime d’aménagement du territoire (PAT) « industrie et services », les aides à l’immobilier d’entreprise, les aides des collectivités territoriales, les exonérations de taxe professionnelle et les aides régionales à l’emploi ou à l’investissement.

Les zonages doivent être périodiquement réactualisés en fonction de l’évolution des réalités économiques et sociales. Ainsi la nouvelle réglementation sur les zones AFR impose à la France une baisse de 55 % de la population couverte par rapport à la période 2000 – 2007, portant à seulement 15,5 % le taux de sa population éligible, au lieu de 34,4 %. Les discussions ont commencé pour la programmation européenne 2014-2020, certains proposant de supprimer purement et simplement le zonage AFR en France. Les rapporteurs estiment que la spécificité des territoires ruraux rend nécessaire le maintien de ce zonage au-delà de 2013.

Un autre rapport conjoint des corps d’inspection de novembre 2009 sur l’évaluation des mesures en faveur des zones de revitalisation rurale (ZRR) conclut à la nécessité d’une révision du zonage ZRR(36). Le délégué de la Datar a indiqué lors de son audition par le Groupe de travail du CEC qu’il travaillait à cette révision. Il semble que les difficultés rencontrées, s’agissant d’un sujet sensible, poussent au report de la décision de révision à une date ultérieure.

Le rapport des corps d’inspection de novembre 2005 sur le bilan de la loi « LDR » du 23 février 2005 estimait que « le choix entre zonage et projet doit être dépassé. Le zonage, sous une forme ou sous une autre, est par nature nécessaire à tout aménagement du territoire. Les projets sont indispensables pour faire vivre les territoires. » Pour les auteurs de ce rapport, les PER sont donc complémentaires des ZRR. Le zonage permet en effet de caractériser le rural « profond ». Il permet également d’affirmer une politique prioritaire en faveur de certains territoires, aussi légitime pour assurer la cohésion territoriale sur les politiques urbaines que sur les politiques rurales. Si les ZRR offrent la possibilité d’exonérations de charges pour les entreprises, ils n’ont cependant pas créé d’obligations pour les services publics. Le rapport des corps d’inspection conclut que « les deux approches zonage et projet doivent être mieux articulées ; le financement de projet doit préserver et si possible accroître la visibilité du zonage et les discriminations positives doivent concerner tous les leviers du développement. »

L’étude réalisée dans le cadre de la présente évaluation se prononce pour une complémentarité des dispositifs alloués par zonage et par appels à projets. Il convient dans cette perspective de poursuivre l’utilisation conjointe des zonages et des appels à projets, compte tenu de la complémentarité des formes et des objectifs de ces deux modalités d’action de l’État, conjuguée à une évolution tendant à un renforcement des appels à projet. Cette combinaison (des appels à projets dans des territoires zonés) est à renforcer dans un contexte de raréfaction des crédits publics et en facilitant une démarche participative avec les acteurs locaux.

Le choix des deux modalités de mise en œuvre est entre une « politique de guichet » ouverte aux seuls acteurs éligibles sur le territoire prioritaire et une procédure de sélection ouverte à tous mais fortement compétitive (seuls les meilleurs projets sont retenus). Le zonage permet une concentration de moyens sur un territoire, il évite le saupoudrage et permet un effet de levier. À l’opposé, les appels à projet présentent des effets vertueux : hausse du niveau de qualité des projets, création d’une dynamique autour du projet, mise en réseau des acteurs sur un territoire… Il ne serait pas sain que les « petits territoires » se contentent d’émarger à des politiques de guichet sans définition de projet structurants. Ils nécessitent cependant un haut niveau d’ingénierie publique qui pourrait, si les collectivités concernées n’en sont pas dotées, désavantager justement celles qui en ont le plus besoin.

Les rapporteurs notent que cette dichotomie est à relativiser : ainsi les politiques de guichet pratiquées par l’Anah doivent impérativement être pilotées, pour des raisons d’efficacité. Il convient en conclusion de croiser zonage et appels à projet, en généralisant les appels à projet avec des dotations différenciées selon les zones. Un niveau de soutien plus important doit cependant persister dans les zones prioritaires.

 

Recommandation n° 10 sur les modalités de mise en œuvre de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural :

– Assurer une complémentarité entre les dispositifs prioritaires (zonages) et les procédures sélectives (appels à projet).

– Maintenir au-delà de 2013 le zonage des aides à finalité régionale (AFR).

– Assurer une révision régulière des zonages (zones de revitalisation rurales – ZRR et zones d’aides à finalité régionales – AFR).

2.- Un nécessaire effort d’information et de simplification des dispositifs publics

Mme Catherine Mercier, directrice des politiques territoriales de l’ACFCI, indiquait le 3 mai 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « simplifiez, par pitié ! de sorte que la gestion des financements se fasse au plus près du terrain et que les entreprises y comprennent quelque chose. Les entreprises implantées en milieu rural demandent à leurs interlocuteurs, non pas d’octroyer des subventions, mais de comprendre leurs problèmes et de les traiter via des circuits simples. (…) Il importe, bien sûr, de soutenir le commerce et l’artisanat : simplifier les très nombreux instruments ; soutenir les réseaux d’entreprises en particulier en milieu rural, par le biais des grappes et autres clusters, de façon à accentuer leur ancrage territorial. Il faut simplifier au maximum l’instruction des dossiers pour réduire les délais. »

M. Jean Lardin, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA), déclarait le même jour : « vendredi dernier s’est tenu à Bercy un colloque sur les simplifications administratives. En milieu rural, lorsque l’on va à la rencontre des chefs d’entreprise pour leur soumettre des projets territoriaux, la crainte est grande que cela ne se traduise par le remplissage de tonnes de papiers avec, à la clé, de nouvelles déceptions – d’où un mouvement de retrait instinctif. De ce point de vue, les "pays" étaient très intéressants car le versant administratif n’y pesait guère. Hélas, je crois qu’ils ont vécu ! »

L’étude réalisée à la demande des rapporteurs propose d’encourager la création de réseaux de développeurs économiques des collectivités territoriales, les consultants ayant constaté des différences dans le niveau d’information des acteurs locaux sur les dispositifs de zonage et leur appropriation. Ils préconisent un regroupement des acteurs économiques des territoires ruraux pour leur permettre d’échanger sur les projets des entreprises et des territoires ainsi que sur les soutiens mobilisables.

Ces réseaux, qui pourraient être animés par les unités territoriales des DIRECCTE et regrouper l’ensemble des acteurs économiques des territoires ruraux (agents de développement économique des collectivités locales, agents des services de l’État, agents des chambres consulaires…), doivent permettre d’échanger sur les projets des entreprises et des territoires, sur les soutiens mobilisables et doivent ainsi :

- renforcer la connaissance des acteurs quant aux dispositifs d’interventions (soutiens émanant de l’État, mais également des collectivités locales et de l’Union européenne),

- favoriser l’accompagnement des acteurs pour l’obtention des différents soutiens,

- faciliter la mise en œuvre des projets et les retours d’expériences.

L’étude conclut qu’il convient de renforcer la communication et la formation des acteurs locaux sur les dispositifs de l’État. La pleine consommation des dotations allouées dissimule souvent un manque de connaissance des modalités d’accès à ces dispositifs par certains publics. Il faut aller vers une simplification et une lisibilité accrue des conditions d’accès, des volumes financiers en jeu et des résultats de ces dispositifs d’État. Le summum de complexité est à cet égard sans doute constitué par les dispositifs européens. Les consultants notent également que les acteurs locaux souffrent de l’instabilité des dispositifs, particulièrement en matière fiscale.

Recommandation n° 11 sur l’information relative aux dispositifs publics et leur simplification :

– Renforcer l’information et la communication sur les dispositifs de l’État, avec une animation par les préfectures, par exemple par une mise en réseau des développeurs économiques des collectivités territoriales par les unités territoriales des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

– Simplifier les procédures d’accès aux dispositifs publics, souvent complexes et empilés, notamment dans les domaines où coexistent des dispositifs de droit commun et des dispositifs spécifiques aux territoires ruraux.

C.- LES ENJEUX DE LA MAÎTRISE DU FONCIER

Dans les années 1960, lorsque les sociétés d’aménagement foncier et rural (SAFER) ont été créées, 40 000 hectares de terres agricoles étaient consommés chaque année par l’urbanisation. Entre 1980 et 1992, ce nombre est passé à 54 000 hectares, puis à 61 000 au cours de la période 1992-2003, avant d’atteindre le record de 78 000 au cours de la période 2006 – 2010. Sur ce total, 50 000 hectares sont bétonnés ou recouverts de bitume, ce qui rend leur retour à un usage agricole ou environnemental impossible. Cette consommation croissante de sols agricoles dépasse le rythme d’accroissement de la population, puisqu’il faut désormais compter 8 m2 supplémentaires par an par habitant pour construire (béton, bitume, terrain compacté et pelouses).

En fait, tous les quatre ou cinq ans, l’artificialisation équivaut à faire disparaître la surface d’un département. Bien entendu, une telle situation ne pourra pas durer éternellement. Le mitage gagne de tous côtés, y compris dans les zones périurbaines, les activités agricoles sont menacées et la viabilisation des terrains coûte très cher à la collectivité. La surconsommation d’espaces agricoles est d’autant plus inquiétante qu’il faudra de plus en plus de terres pour répondre aux besoins alimentaires des habitants, l’Europe des 27 étant déjà importatrice nette de produits agricoles.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (« LMAP ») du 27 juillet 2010 a pris en charge cette problématique en instituant une taxe sur le changement d’affectation des sols et en créant un Observatoire national et des commissions départementales ad hoc.

Loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche
(« LMAP ») du 27 juillet 2010

L’objectif de réduction de la consommation des espaces agricoles. La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP) définit un objectif de réduction de la consommation des espaces agricoles. L’exposé des motifs du projet de loi précisait sur ce point « que le rythme annuel de consommation des terres agricoles s'accélère. Il a plus que doublé depuis les années soixante, passant de 35 000 hectares de terres agricoles consommés chaque année, à 75 000. Il devient urgent de mettre en œuvre une véritable politique de préservation du foncier agricole en France, en se fixant comme objectif de réduire de moitié le rythme de consommation des terres agricoles d'ici 2020. Cet enjeu est encore plus fort dans les départements d'outre-mer. Dans moins de trente ans, il n'y aura plus de surface agricole disponible dans les Antilles si rien n'est fait. »

La définition et la mise en œuvre de cet objectif intéresse bien entendu le développement des énergies renouvelables comme l’éolien et peut être surtout le solaire photovoltaïque. L’objectif de réduction de la consommation des espaces agricoles est d’ores et déjà opposé à nombre de projets d’installation de centrales photovoltaïques au sol sur des terres agricoles. Beaucoup de communes et de préfectures se montrent réservées voire opposées à ce que des terres à vocation agricoles accueillent ce type d’installations.

L’Observatoire de la consommation des espaces agricoles. Pour atteindre cet objectif, l’article 51 de la LMAP procède à la création d’un « Observatoire de la consommation des espaces agricoles ». L’article L112-1 modifié du code rural dispose : « L'Observatoire de la consommation des espaces agricoles élabore des outils pertinents pour mesurer le changement de destination des espaces agricoles et homologue des indicateurs d'évolution ». Cet Observatoire sera décliné, dans chaque département, par une « Commission départementale de la consommation des espaces agricoles ».

La Commission départementale des espaces agricoles. Présidée par le Préfet, cette commission associe des représentants des collectivités territoriales, de l’État, des agriculteurs, des propriétaires fonciers, des notaires et des associations agréées de protection de l’environnement. L’une de ses attributions tient à ce qu’elle doit être consultée pour certaines procédures et autorisations d’urbanisme au regard de l’objectif de réduction de la consommation des espaces agricoles.

Ainsi, cette Commission émet un avis :

– sur les projets de constructions, aménagements, installations et travaux ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole, sur le territoire des communes dépourvues de PLU et de carte communale (nouvel art. L.111-1-2 du code de l’urbanisme) ;

– lors de l’élaboration de la révision de tout projet de Schéma de cohérence territoriale (Scot) qui a pour conséquence une réduction de la consommation d’espace agricole ;

– lors de l’élaboration du PLU d’une commune située en dehors du périmètre d’un SCOT approuvé et ayant pour conséquence une réduction des surfaces des zones agricoles ;

– sur les projets de cartes communales (nouvel art.L.124-2 du même code).

Une taxe anti-consommation d’espaces agricoles. L’article 55 de la LMAP introduit de nouvelles dispositions au sein du code général des impôts, destinée à lutter contre la spéculation sur les terres à vocation agricole, rendues constructibles. Le nouvel article 1605 nonies du CGI dispose :

« Il est perçu au profit de l'Agence de services et de paiement mentionnée au chapitre III du titre Ier du livre III du code rural et de la pêche maritime une taxe sur la cession à titre onéreux des terrains nus ou des droits relatifs à des terrains nus rendus constructibles du fait de leur classement, postérieurement au 13 janvier 2010, par un plan local d'urbanisme ou par un autre document d'urbanisme en tenant lieu, en zone urbaine ou à urbaniser ouverte à l'urbanisation ou par une carte communale dans une zone où les constructions sont autorisées ou par application de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme.

« Le produit de cette taxe est affecté à un fonds pour l'installation des jeunes agriculteurs inscrit au budget de l'Agence de services et de paiement. Ce fonds finance des mesures en faveur des jeunes agriculteurs visant à faciliter l'accès au foncier et à développer des projets innovants ».

Clairement destinée à la lutte contre la spéculation, cette nouvelle taxe a pour objet de décourager les procédures de déclassement au PLU des zones à vocation agricole dont l’objet ne serait que financier.

Compte tenu de la gravité du phénomène d’artificialisation, les rapporteurs estiment qu’il conviendra d’évaluer, avant la fin de l’année 2013, l’efficacité des dispositions de la loi « LMAP » relatives à la protection du foncier agricole.

M. Jean-Louis Cazaubon, vice-président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), indiquait, lors de la table ronde du 7 juin 2011, que : « lors des débats sur la loi de modernisation de l’agriculture, une taxe a été instaurée visant à réduire la consommation de foncier, sur l’efficacité de laquelle nous sommes très réservés. S’il est possible, dans certaines zones, de l’utiliser à des fins de restructuration foncière, elle n’empêchera pas l’artificialisation du sol. Lorsqu’il suffit d’un coup de crayon pour séparer un terrain dont le mètre carré vaudra 30 centimes de plus d’un côté par rapport à l’autre, je plains le maire qui doit tracer le trait. Il me semblerait d’ailleurs préférable que le préfet s’en charge. »

Pour les rapporteurs, il s’agit de lutter contre la croissance démesurée et l’étalement des villes et de leurs banlieues, entraînant une réduction des terres agricoles et tendant à l’augmentation des prix des terres. Les espaces résidentiels périurbains créent des problèmes en suscitant des besoins nouveaux : transport, infrastructures routières, eau, électricité… Il convient de lutter contre les tendances naturelles d’une artificialisation désordonnée en recherchant une réorientation par une planification adaptée. L’espace rural remplit les fonctions stratégiques de production agricole et de préservation de la biodiversité dans un contexte internationalisé.

Les enjeux du foncier dépassent l’agriculture : ils concernent aussi la localisation des activités industrielles, le logement et les transports. Le modèle de l’habitat pavillonnaire très éloigné du lieu de travail n’est pas durable. Certains proposent la création d’établissements publics fonciers permettant une meilleure maîtrise des usages des terrains et assurant la réunion de tous les acteurs concernés à l’échelle du bassin de vie.

Le Premier ministre et le ministre de l'Agriculture ont confié en septembre 2011 à M. Pierre Morel-A-l'Huissier, député de la Lozère, par ailleurs membre du Groupe de travail du CEC, une mission temporaire sur le foncier agricole. L’objectif en était d’analyser les outils existants pour lutter contre la consommation des terrains agricoles et de faire des propositions. Cette initiative traduit la volonté du Gouvernement de lancer une réflexion sur la consommation excessive de terres agricoles. Au travers de cette mission, le député en mission était chargé d’identifier les obstacles à la mise en œuvre des dispositifs des zones agricoles protégées (ZAP) et des périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN). Il lui était également demandé de déterminer les moyens de mobiliser de façon effective ces deux outils afin de parvenir à une réduction significative de consommation des terres agricoles.

M. Pierre Morel-A-l’Huissier indique à ce stade sur son site internet que « l'artificialisation des terres agricoles ne cesse de s'accroître, elle est passée en quelques années de 60 000 hectares à 93 000 hectares, il faut réagir rapidement et freiner le recul des terres agricoles ! Grâce à cette mission, je compte dresser un état des lieux et proposer des remèdes pour permettre de trouver un compromis acceptable entre zones urbanisées et zones agricoles. C'est une mission fondamentale pour les territoires ruraux ». Les rapporteurs suivront avec attention les propositions concrètes qui seront faites par cette mission.

Recommandation n° 12 sur la maîtrise du foncier :

– Assurer la maîtrise du foncier, contre le « mitage » et l’artificialisation des terres, afin de préserver les paysages du milieu naturel, les terres agricoles et le patrimoine historique et culturel.

– Évaluer avant la fin de l’année 2013 l’efficacité des dispositions de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche (« LMAP ») relatives à la protection du foncier agricole.

DEUXIÈME PARTIE : LE BESOIN DE TRANSVERSALITÉ DANS LES DIFFÉRENTES DIMENSIONS DE LA POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EN MILIEU RURAL

Les rapporteurs ont fait le choix de n’écarter a priori aucune dimension de leur évaluation des politiques publiques d’aménagement du territoire en milieu rural : services publics, services au public, offre de santé et de services sociaux, attractivité économique et emploi, agriculture, tourisme rural, transports, nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), logement. Chacun de ces sujets aurait mérité une évaluation spécifique. Sans pouvoir rentrer dans une étude approfondie de chacun de ces sujets, l’évaluation des rapporteurs a permis de considérer le développement rural dans son ensemble, avec une conclusion déjà exprimée que l’attractivité des territoires ruraux ne peut résulter que de la conjonction de toutes ces dimensions.

Le thème des services publics, sujet de préoccupation majeur des élus locaux et de nos concitoyens, suppose une explication méthodologique. Il comporte bien sûr au premier chef les services publics de l’État (école, tribunaux, gendarmerie, services déconcentrés, administration des finances, auxquels on peut assimiler l’opérateur Pôle emploi). L’analyse ne peut cependant déconnecter ces services publics, au sens strict du terme, des services au public, gérés par des opérateurs de services publics, qu’ils soient eux-mêmes publics ou privés : La Poste, EDF, SNCF, GDF Suez, Assurance maladie, Caisses d’allocations familiales (Cnaf), Mutualité sociale agricole (MSA) et Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav)... Les différentes formes de mise en commun de moyens ont bien saisi cet enjeu en proposant une offre regroupée : maisons et relais de services, expérimentation « + de services au publics », agences postales communales (APC), Points information médiation multi-services (Pimms), voire « multiples ruraux »(37) ou bars restaurants multi-services…

Au-delà, l’accessibilité pour nos concitoyens d’une offre complète de « services » au sens large forme un tout : équipements sportifs, activités culturelles (bibliothèques, cinémas, médiathèques, écoles de musique, cybercafés, maisons de la culture...), commerces de proximité, distributeurs automatiques de billets, stations service, cafés et restaurants, taxis, commerçants ambulants, services à la personne (aides à domicile, ménage, repas, garde d’enfants, assistance aux personnes âgées...), associations, centres de formation..., la liste est sans fin.

Le présent rapport aborde les autres dimensions de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural : services sociaux et de santé, attractivité économique et emploi, agriculture, tourisme rural, transports, NTIC et logement.

Les rapporteurs insistent sur la nécessité de mettre en cohérence les différentes politiques publiques. Par exemple, un programme consacré à l’amélioration de l’habitat ne peut se concevoir sans aborder la question de la mobilité ; le maintien à domicile est lié au développement des maisons pluridisciplinaires de santé. Il faut donc appliquer aux territoires le principe de gestion intégrée ; les problèmes doivent être envisagés de façon transversale, et non verticale.

I.- L’ACCESSIBILITÉ DES SERVICES PUBLICS ET AU PUBLIC

A.- LES DISPOSITIFS COMMUNS À L’ENSEMBLE DES SERVICES PUBLICS ET AU PUBLIC

Les dernières années ont vu une profonde réforme des administrations territoriales de l’État : RéATE, réforme de la carte judiciaire, fusion des réseau du Trésor et de la comptabilité publique, avec une réduction des effectifs selon la règle du non remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Le ressenti immédiat de nombre d’élus, comme de nos concitoyens, est celui d’un recul du service public. Pourtant personne ne nie la nécessité d’une modernisation de nos administrations, qui doivent s’adapter aux mutations de notre société, et ce dans un contexte tendu des finances publiques.

M. Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), déclarait le 17 mai 2011 lors de son audition devant le Groupe de travail du CEC, que « quant au vocabulaire, il est trompeur : on parle de "regroupements" et de "mutualisation", mais la réalité, c’est la concentration. La concentration se fait toujours au profit du pôle le plus important, comme y pousse, par exemple, le préfet de mon département s’agissant de la réorganisation des communautés de communes. Mais cette logique est sans fin, car on trouvera toujours un échelon supérieur jugé plus pertinent. C’est exactement ce qui s’est passé avec le Trésor public, alors même que les maires n’étaient a priori pas hostiles à la fermeture de certaines trésoreries, compte tenu des nouveaux modes de gestion. On peut imaginer une tout autre logique : pourquoi un pôle éducatif serait-il obligatoirement situé dans le chef-lieu de canton ? Nous sommes trop habitués à voir primer l’organisation urbaine. »

Mme Florence Clermont-Brouillet, conseillère de l’équipe « Dynamique des territoires » à la Datar déclarait, lors de son audition le 17 mai 2011 par le Groupe de travail du CEC : « les données dont je fais état concernant les besoins de services exprimés par la population proviennent des résultats d’une enquête réalisée auprès du grand public fin 2009 et d’une synthèse des Assises des territoires ruraux organisées fin 2009-début 2010. L’enquête a révélé, ce qui peut surprendre au vu de ce qu’on entend souvent dire, que nos concitoyens n’ont pas, de manière générale sur l’ensemble du territoire, le sentiment que les services publics se dégradent. Ce sentiment se manifeste toutefois davantage en milieu rural, ce que peuvent expliquer des fermetures de services, d’éventuelles difficultés d’accès, liées à l’insuffisance des réseaux de transports ou des équipements numériques. Il faut compter aussi avec l’afflux d’une population de néo-ruraux, vraisemblablement plus exigeante en matière de services, ce qui peut expliquer corrélativement un sentiment de dégradation plus important. »

L’étude réalisée à la demande des rapporteurs se prononce pour le maintien d’un nombre suffisant de services publics pour sécuriser le développement économique local. Ce maintien d’un outil indispensable doit être conjugué à un besoin de réflexion sur la nature des actions de l’État. Des efforts d’innovation et d’expérimentation doivent être menés en matière de services aux publics dans les espaces de faible densité.

Les rapporteurs estiment qu’il faut définir une masse critique de services de l’État qui doivent rester présents sur tous les territoires. Cela participe du sentiment de rattachement à la communauté nationale. Ce socle minimum est constitué autour des grandes fonctions comme la sécurité, l’éducation et la justice. Au-delà de ces services publics, on peut ajouter l’offre de santé et de services sociaux, l’eau, l’électricité et les communications postales et électroniques… Ces services constituent un minimum auquel tous nos concitoyens doivent avoir accès, afin d’assurer le principe d’égalité républicaine.

Le plan d’action du 11 mai 2010 en faveur des territoires ruraux entendait améliorer l’accès à un socle de services essentiels à la population. Il recensait 17 000 points postes dont 6 000 agences postales communales ou relais poste commerçant, 2 800 points de contact de l’Assurance maladie et 700 maisons ou relais de services publics. Les services à la population (services publics et services au public) déterminent très largement l’attractivité des territoires ruraux.

Les attentes des Français en milieu rural à l’égard des services ont évolué. La qualité des services publics est globalement plébiscitée, mais les Français en zone rurale estiment que l’accès aux grands services publics peut être amélioré de différentes manières. Les priorités en terme de services de proximité sont : l’accès aux soins, l’école, La Poste, la petite enfance et les distributeurs de billets de banque. La conjonction de modes d’accès complémentaires (« multicanal ») a connu un développement important. Les résidents des zones rurales utilisent davantage Internet pour entrer en contact avec les services publics (46 % contre 39 % pour l’ensemble des résidents) et en sont satisfaits.

Les regroupements de services publics disposent d’un important potentiel. Les habitants des territoires ruraux connaissent ainsi davantage les points multi-services (46 % contre 39 % pour l’ensemble des résidents) mais 75 % ne les utilisent pas.

Il est nécessaire d’aller plus loin en donnant aux principes de la charte de 2006 relative à l’organisation de l’offre des services publics et au public en milieu rural, un caractère encore plus opérationnel. Cela s’effectuera avec les grands opérateurs de service public en améliorant les formes d’accessibilité et en expérimentant, sur les territoires, des formes souples de partenariat entre opérateurs, permettant de démultiplier les services rendus. Cela se fera par une meilleure anticipation de l’évolution des besoins en matière d’accès aux soins, de petite enfance, d’école, de sécurité, de services aux personnes âgées…

Le CIADT du 11 mai 2010 a été l’occasion de la conclusion d’un protocole d’accord entre l’État et les grands opérateurs de services publics. Décliné dans toutes les régions, il permettra d’expérimenter, en lien avec les collectivités territoriales volontaires et leurs groupements, la délivrance de services en commun par les opérateurs : prestations postales dans les offices de tourisme, achat de billets TER dans les bureaux de poste ou les relais poste commerçants, visio-guichets partagés (assurance-maladie, caisses d’allocations familiales, pôle emploi, etc.), relais de services publics dans les gares TER. Le CIADT a décidé d’accorder une dotation annuelle de 5 millions d’euros en provenance du FNADT pendant trois ans pour favoriser l’accompagnement de ce protocole.

1.- L’offre regroupée de services publics et au public

a) Les différentes formes d’offre regroupée de services publics et au public

Le rapport des corps d’inspection de novembre 2009 sur le bilan de la loi « LDTR » du 23 février 2005 rappelle que les maisons de service public existent depuis la loi du 12 avril 2000 et que ce dispositif a été complété dans la loi « LDTR ». Il note « qu’il n’y a pas eu d’impulsion de la part de l’État pour la mise en place de ces maisons de services publics ».

Une opération parallèle de labellisation de « relais de services publics en milieu rural » (RSP) a été lancée par une circulaire de juin 2006. Une aide financière a été dégagée pour le lancement de ces relais (10 000 euros par an pendant trois ans). Le rapport des corps d’inspection note que « ces relais constituent une réponse adaptée aux besoins du milieu rural et leur promotion doit donc être poursuivie. L’évaluation des CPER de 2010 pourrait être l’occasion de leur dédier une enveloppe budgétaire spécifique. Par ailleurs une meilleure coordination avec les maisons de services publics, dont le développement semble laissé à l’initiative des collectivités, devrait être assuré. »

La diversité des types d’offre regroupée de services est liée historiquement aux origines des initiatives qui ont soit voulu répondre à un besoin thématique (maisons du droit, maisons de l’emploi), soit compensé une contrainte économique de l’opérateur (agences postales communales), soit correspondu à un besoin des opérateurs et des populations (Point information médiation multi-services – Pimms, en zones urbaines sensibles). Pour autant, cette diversité illustre le besoin réel d’une offre de proximité.

Le cas des RSP est particulier puisqu’il s’agit d’une labellisation fondée sur une charte qui encadre son fonctionnement. Le label peut s’appliquer dans les conditions du respect de la charte à tout type d’espace mis en commun. La lisibilité de l’offre de services et la qualité du service rendu sont des priorités pour les populations.

Les contraintes des différents opérateurs chargés de missions de service public encouragent la mise en place d’une offre combinée pour satisfaire les usagers/clients de manière accessible. Dans ce contexte, une mise en commun plus soutenue, une articulation des services, une gestion plus économe des ressources humaines compétentes (accueil, animation, traitement des dossiers) font partie des solutions réalistes qui favorisent les systèmes déjà proposés (RSP, Pimms en territoire rural).

L’offre regroupée de services dans des structures relais est présentée, par la plupart des préfets, comme adaptée au déficit des services publics dans ces territoires. Cette évolution est appropriée par les élus locaux, mais les mises en œuvre restent liées à une posture volontariste puisque les collectivités sont un maillon essentiel de cette organisation nouvelle (site d’accueil, personnel, fonctionnement). Par conséquent, la concertation est nécessaire pour populariser le dispositif et le mener à bien. Depuis 2006, plus de 230 RSP ont été créés, dans 19 régions et 56 départements. La situation est très hétérogène : de 1 à 16 RSP par département. Globalement, le regroupement des services publics est considéré comme une source d’économies et un facteur d’implantation plus rationnelle, plus proche des usagers.

On trouve une grande variété de structures de mise en commun, tant dans les services proposés que dans les portages. Les services les plus souvent cités dans les structures relais ou dans la concertation en vue de mise en commun de moyens sont par ordre d’importance : La Poste, les Caf, Pôle emploi, les CPAM et CRAM, la CNAV, la MSA, le conseil général, les chambres consulaires, EDF/GDF, les préfecture, les missions locales pour l’emploi des jeunes et permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO), la SNCF, les maisons de l’emploi et de la formation, les établissements médico-sociaux, France Telecom, les associations d’aide à domicile en milieu rural (ADMR), les centres locaux d’information et de coordination pour personnes âgées (Clic), l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Adil), l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (Anah), l’Agence pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), la petite enfance et, quand cela est utile, les partenaires privés.

L’aide au financement de ces structures est passée par plusieurs phases : avant 2006 (année de la mise en œuvre de la labellisation des RSP), l’État a subventionné la création de maisons de services publics, alors qu’après 2006, eu égard aux règles définies dans la circulaire de 2006, les préfets ont apporté leur appui, via le FNADT déconcentré dans les volets territoriaux des CPER ou via la DDR, au fonctionnement des RSP, soit 10 000 euros par an pendant une période minimale de 3 ans, évoquée supra.

L’acquisition d’équipements dématérialisés a été le fait des opérateurs eux-mêmes ou des collectivités territoriales (communes, syndicats mixtes, EPCI, conseils généraux). Aujourd’hui, la diversité des équipements en cours d’exploitation rend difficile une offre de services concentrée et économe en moyens.

Parallèlement aux RSP, on trouve les Point informations médiation multi-services (Pimms). Cette structure associative a la double fonction de faciliter l’accès aux services publics et d’être un tremplin de professionnalisation de ses agents vers l’emploi durable et qualifié. C’est une marque déposée. Un PIMMS est financé par les opérateurs pour le compte desquels il agit, par la ou les collectivités d’accueil et par l’État (emplois aidés). Ses fonctions sont l’information, le conseil, la médiation, l’accompagnement aux outils internet, la vente de produits des entreprises partenaires (timbres, tickets de transports en commun, billets de train...).

Les Pimms sont des lieux d'accueil ouverts à tous, destinés à faciliter l'utilisation de l'ensemble des services au public. Ils constituent des lieux ressources en regroupant l'offre de services d'opérateurs privés et en l'adaptant aux besoins locaux.  Outils de cohésion sociale, les Pimms sont aussi le lieu d’une médiation entre les services publics et les habitants, sur des sujets concrets et quotidiens.

Le premier Pimms est né à Lyon, en 1995, de la réflexion commune engagée par des entreprises assumant des missions de service public (EDF, GDF SUEZ, Keolis, La Poste, SNCF et Veolia eau) en lien avec l'État et les collectivités territoriales pour la création de structures de proximité au service de la population.

 Espace neutre permettant l'expression de toutes les demandes, le Pimms assure une présence originale des services publics dans les territoires en s'appuyant sur quatre principes d'actions :

– le partenariat : organisé sous forme associative, chaque Pimms réunit des entreprises assumant des missions de service public, la ville et les collectivités territoriales d'implantation, l'État et les habitants.

– la proximité : le Pimms déploie son offre de services via un lieu d'accueil « physique » du public, convivial et ouvert à tous.

– l’adaptation au territoire : le Pimms développe et met en œuvre une offre et un mode de services (médiation) adaptés aux besoins de sa zone d'implantation, contribuant à en renforcer l'attractivité.

– le professionnalisme: le Pimms œuvre à la qualité du service rendu par des pratiques professionnelles rigoureuses : formation des agents médiateurs, mise en œuvre de procédures de fonctionnement et d'évaluation...

Aujourd’hui les 45 Pimms sont majoritairement implantées dans les ZUS. L’expérimentation « + de services au public » (38) propose d’étudier une nouvelle forme de Pimms mixte qui inclurait dans son périmètre d’action les territoires ruraux contigus du quartier d’implantation. Sept études sont prévues.

b) L’expérimentation « + de services au public »

A la suite du CIADT du 11 mai 2010, l’État a lancé une expérimentation dénommée « + de services au public » dans 23 départements avec neuf opérateurs (EDF, GDF-Suez, La Poste, la SNCF, Pôle emploi, et les caisses de sécurité sociale), la Caisse des dépôts et l’Union nationale des Point information médiation multi-services (Pimms). L’objectif initial fixé en octobre 2010 par le ministre Michel Mercier de signer tous les contrats avant le 15 mai 2011 a été reporté au début de l’année 2012.

L’opération a été lancée à l’automne 2010 dans les 23 départements. Son objectif est de créer, dans le cadre d’un contrat départemental, des points d’accès aux services mis en commun par les opérateurs partenaires. Il s’agit de créer un nouveau canal de distribution billettique regroupée. Au niveau départemental, des diagnostics partagés de l’offre et de la demande de services ont été réalisés. Sur cette base, des projets de contrat ont été élaborés en concertation avec les collectivités et les opérateurs, sous la responsabilité des préfets. Au total, ces projets représentent environ 300 opérations. Les premiers contrats ont été signés après instruction nationale et ajustements.

La Datar a tiré, au moment des auditions réalisées par le Groupe de travail du CEC au printemps 2011, les premiers enseignements de ces projets de contrat :

– elle constate un intérêt réel local et partagé pour une nouvelle organisation regroupée des services, dont on sait déjà, grâce à une enquête nationale diligentée il y a un an, qu’elle convient aux usagers des zones rurales, qui, à partir du moment où ils en ont connaissance, fréquentent ces nouveaux sites ;

– l’essentiel des actions présentées visent une amélioration des services rendus, notamment grâce à une utilisation performante de bornes interactives et de visio-guichets dans les espaces mis en commun, facilitant la transmission de dossiers et leur traitement, y compris à distance ;

– ces futures implantations ont soulevé de nombreuses questions techniques qui doivent être analysées avant les signatures prévues afin d’assurer la pérennité des nouvelles organisations mises en place (interopérabilité des systèmes informatiques des opérateurs, formation des agents aussi bien en « front–office » (39) qu’en « back–office » (40), adaptation des locaux…).

Au niveau national, la Datar réunit régulièrement les opérateurs engagés dans l’expérimentation pour suivre l’état d’avancement des discussions locales, examiner les projets transmis par les préfets et identifier les questions transversales qui méritent des approfondissements. Par exemple un groupe de travail sur la formation des agents des espaces mis en commun a été mis en place.

En décembre 2011, la Datar calcule que 17 contrats ont été validés par elle et 7 ont été signés.

• Le contenu des contrats départementaux (21 contrats analysés)

Tous les partenaires de l’accord national sont signataires des contrats départementaux. Sont associés également les collectivités locales (communes et communautés de communes mais également des collectivités départementales et régionales) ainsi que d’autres partenaires mobilisés dans certains départements (Banque de France, Tribunal de grande instance, Mission locale, etc.).

On retrouve dans les contrats départementaux six grands types d’opérations d’offre regroupée de services au public. Ces projets correspondent aux engagements des opérateurs pris lors de la signature de l’accord national en septembre 2010 :

– la création ou le renforcement de structures regroupées de services au public : 60 créations de nouveaux lieux d’accueil sont prévues, dont 36 proposés au label RSP, 7 Pimms mixtes à l’étude et 17 autres sites de formes diverses (maisons de services publics…) et le renforcement de 70 structures préexistantes, notamment par l’élargissement du partenariat, la mise en place de services supplémentaires et / ou la labellisation RSP (9 projets) ;

– l’installation d’équipements mis en commun : l’installation de 88 nouveaux visio-guichets (71 bornes « usagers » propriété de collectivités et 17 d’opérateurs) et l’installation de 20 nouvelles bornes d'information passives par les opérateurs (CAF, CPAM, CARSAT, MSA) ; l’interopérabilité des équipements (soit la possibilité de multi-branchements sur une même borne) pour optimiser les prises de rendez-vous a été recherchée ;

– le développement de services via Internet : 2 portails Internet départementaux (Manche et Hautes-Alpes, un projet de plateforme de mobilité (Hautes-Alpes) ;

– la délivrance de services en commun : des projets d’installation par la SNCF de 61 terminaux Novater qui permettent l’achat de billets de TER (dans les RSP, relais poste commerçants, offices du tourisme…), 18 points services EDF dans des bureaux de poste ou des RSP qui permettent un accès téléphonique direct aux services d’un conseiller EDF, la convention « Cash Compte » applicable à tous les bureaux de poste, l’appui d’EDF et/ou GDF SUEZ à 3 associations départementales de médiation sociale, le développement des services postaux dans 7 offices du tourisme ;

– la formation des agents d’accueil des structures regroupées par les opérateurs de services ;

– la mise en place d’une communication renforcée : plan de communication à l’échelle du département (ex. en Lozère) ou réalisation d’un outil de communication commun à plusieurs opérateurs (ex. du Morbihan).

L’intérêt suscité par l’expérimentation a abouti à l’intégration d’autres actions ne relevant pas strictement des engagements de l’accord national figurent parfois dans les contrats, par exemple : déclarations de veuvage (Bas-Rhin), opération « Bonjour Facteur » pour la mise en place d’un service de portage de livres par les facteurs (Manche), médiateurs de services publics (Morbihan) installation de distributeurs automatiques de billets (Morbihan et Yonne)…

Au total, ce sont, pour les 21 contrats : 237 projets répertoriés ; entre 11 et 12 projets en moyenne par contrat départemental ; 129 projets de création d’une offre nouvelle de services mis en commun (création de lieux d’accueil regroupés, installation d’un équipement ou création d’un nouveau service) ; et 108 projets de renforcement de l’offre existante (labellisation de sites en RSP, renforcement du partenariat, communication, formation, installation d’équipements dans un site existant).

• Les travaux nationaux en cours et les perspectives pour 2012

Plusieurs chantiers transversaux ont été engagés suite aux échanges en comité technique national, afin de répondre aux questions soulevées ou difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de l’accord :

– l’interopérabilité des équipements visio-accueil ;

– la formation des agents d’accueil des espaces mis en commun de services a donné lieu à un groupe de travail spécifique (rapport final en janvier)

– des propositions de modèles économiques viables des lieux d’offre regroupée de services (étude en cours) ;

– la sécurisation juridique des agents des espaces mis en commun (groupe de travail)

– l’élaboration d’une base de données actualisées de l’offre de services dans les 23 départements de l’expérimentation (recensement en cours) ;

– la constitution d’une cellule d’animation nationale, à l’écoute des attentes de tous les partenaires et garante de la dynamique du dispositif.

Un bilan global sera produit par la Datar dès la signature de l’ensemble des contrats départementaux.

2.- La Charte des services publics en milieu rural et les commissions départementales de l’organisation et de la modernisation des services publics

Le 23 juin 2006, le Premier ministre M. Dominique de Villepin a signé avec l’Association des maires de France (AMF) et 14 partenaires accomplissant des missions de service public(41), la Charte sur les services publics en milieu rural. Cette charte est toujours en vigueur.

L’objectif poursuivi était d’élaborer, de manière concertée, une nouvelle organisation des services publics dans les départements en :

– établissant un diagnostic des besoins et offres en matière de services publics dans chaque département ;

– informant le préfet, le président du conseil général et le président de l’association départementale des maires de toute intention de réorganiser un service public ;

– faisant précéder toute réorganisation ou création de service public d’une concertation avec les élus, les opérateurs et les usagers, animée par le préfet ;

– intégrant dans tout projet de réorganisation des propositions pour améliorer la qualité ou l’accessibilité du service et des engagements de résultats fondés sur des indicateurs de suivi et de satisfaction des usagers ;

– recherchant toutes les formules de mutualisation, de regroupement ou de dématérialisation des services publics ;

– mettant en œuvre le projet retenu en définissant, sur une durée précise, les engagements de qualité de service de chacun des partenaires, assortis d’engagements financiers pluriannuels.

La Charte pour les services publics en milieu rural a été réalisée à la suite des travaux de la Conférence nationale des services publics en milieu rural (de février à novembre 2005). Composée d'élus et de représentants des administrations et des opérateurs de services, cette instance a dressé un panorama des enjeux pour les services au public en milieu rural, et formulé des propositions pour assurer une offre de services qui garantisse la qualité de vie et l’attractivité des territoires ruraux.

Le rapport des corps d’inspection de novembre 2009 sur le bilan de la loi « LDTR » du 23 février 2005 rappelle que les « commissions départementales de l’organisation et de la modernisation des services publics », placées sous l’autorité des préfets, ont été réformées en 2006 (42) afin de permettre une concertation locale plus étroite sur les projets de réorganisation des services publics en engageant éventuellement des études et travaux prospectifs et en associant tant les élus locaux que les représentants des services publics et usagers. En cas de cumul de décisions négatives, le préfet pouvait saisir le Premier ministre, lequel se retournerait vers la Datar.

La Diact(43) a interrogé les préfets au début de l’année 2009, afin de savoir quel usage ils avaient fait de cette instance : les réponses sont très diverses. Il apparaît que ces commissions ont souvent un caractère formel. Dans certains départements, elles ne se réunissent pas chaque année, contrairement à ce que prévoit le décret de 2006. Le rapport des corps d’inspection estime que, « si dans certains cas, les préfets ont pu peser sur les décisions des opérateurs concernés et obtenir des moratoires pour la fermeture de certains services, ou des suspensions de réorganisations, globalement, on peut faire le constat que les commissions n’ont pas rempli sur les territoires ruraux les plus fragiles la mission que la loi LDTR leur confiait. »

Parallèlement, d’autres instances de concertation ont pu jouer un rôle, par exemple la commission départementale de la présence postale territoriale ou la commission départementale de l’éducation nationale. Il apparaît que des commissions thématiques pourraient s’avérer plus efficaces qu’une seule commission généraliste. En outre, les possibilités d’intervention des préfets sont limitées à la demande d’un moratoire ou à l’intervention auprès du ministre de tutelle du service public concerné.

Le rapport des corps d’inspection conclut néanmoins que « la réunion annuelle des commissions est l’occasion de dresser un constat partagé sur la présence des services publics dans le département. Une relance du fonctionnement de cette instance paraît souhaitable, dans la mesure où les préfets disposeraient, même pour une période limitée, de réels pouvoirs d’intervention. »

3.- La révision générale des politiques publiques (RGPP)

La révision générale des politiques publiques (RGPP) a mené une réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) (44), en région et surtout en département. Celle-ci est en application depuis le 1er janvier 2010 avec la création de directions départementales et régionales interministérielles regroupées. Elle s’est accompagnée, dans les services centraux et déconcentrés de l’État, de la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

La mise en œuvre de la RGPP ne relève pas de la compétence de la Datar. Rappelons cependant que, le 5 janvier 2011, le Conseil des ministres a chargé la Datar « d’assurer un suivi interministériel des conséquences territoriales des différentes réorganisations en cours et d’identifier les territoires cumulant les restructurations sectorielles ». Par ailleurs, le décret du 14 décembre 2009 confie à la Datar des missions particulières relatives à l’implantation des services d’intérêt général.

À ce double titre, la Datar a vocation à veiller à l’accessibilité et à la qualité des services. Des outils permettent désormais de calculer des temps d’accès moyens à différents types de services : cette approche a été initiée dès 2006 dans le cadre de travaux conduits par la Datar en partenariat avec L’Insee. Ce mode de représentation se diffuse aujourd’hui – par exemple le ministère de la Santé a récemment décidé d’y recourir. Des objectifs d’accessibilité en temps ont également été fixés à certains opérateurs de services comme la Poste ou Pôle Emploi dans leurs contrats pluriannuels. La Datar précise que l’amélioration de la qualité des services rendus aux usagers est l’un des objectifs de la RGPP. Elle passe par une modernisation de l’organisation et des modalités de l’offre, afin de l’adapter à des demandes en forte évolution. Les formes d’offre regroupée constituent une réponse intéressante, à développer.

Malgré la décentralisation, l’État continuait à intervenir sur des champs relevant des compétences des collectivités territoriales. La RGPP l’a amené à recentrer son action sur ses missions propres. Cependant, sa présence dans les territoires est maintenue au travers du réseau des sous-préfectures, avec un nouveau rôle du sous-préfet en tant qu’interlocuteur des élus locaux et « facilitateur » de l’administration d’État. Les préoccupations d’aménagement du territoire ont également conduit à conserver l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (Atesat), qui permet d’apporter aux petites communes et à leurs groupements un appui en matière d’ingénierie pour leurs travaux de voirie, d’aménagement et d’habitat.

Recommandation n° 13 sur les services publics et au public :

– Maintenir un socle de services publics sur l’ensemble du territoire ; respecter la charte des services publics en milieu rural de 2006 pour la concertation et la consultation des élus avant toute décision de modification d’implantation ; favoriser les regroupements d’offre de services publics et au public.

– Réaffirmer le rôle de la Datar dans l’évaluation des conséquences de la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) sur l’aménagement du territoire, en particulier l’accessibilité aux services publics (temps d’accès, distance géographique, regroupement des points d’accès et accès à distance…) ; prendre en compte une vision territoriale des restructurations administratives basée sur un diagnostic local, pour éviter un empilement de logiques sectorielles.

– Assurer le respect de la directive nationale d’orientation (DNO) du ministère de l’Intérieur prévoyant de mettre les sous-préfectures au service des collectivités, pour compenser l’abandon de l’ingénierie publique concurrentielle décidée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ; maintenir une coordination interministérielle de proximité au niveau des sous-préfets.

– Veiller à procéder à une profonde mutation professionnelle des personnels des services déconcentrés de l’État pour accomplir les nouvelles tâches qui leur sont dévolues dans le cadre de la réforme ; maintenir l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (Atesat) pour les intercommunalités à taille réduite.

– Faire un effort de lisibilité et de visibilité des nouvelles directions départementales et régionales interministérielles, à destination des collectivités territoriales, des acteurs économiques et sociaux et des citoyens.

B.- LA RÉFORME DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L’ÉTAT (RéATE)

1.- La réforme a constitué une perte de repères pour les acteurs locaux

Depuis le 1er janvier 2010, l’organigramme des nouvelles directions interministérielles est présenté dans les deux schémas suivants :

• Niveau régional :

• Niveau départemental :

SIGNIFICATION DES SIGLES

Structures anciennes

ARH

Agence régionale de l’hospitalisation

DDAF

Direction départementale de l’agriculture et de la forêt

DDASS

Direction départementale des affaires sanitaires et sociales

DDDFE

Délégation départementale aux droits des femmes et à l’égalité

DDE

Direction départementale de l’équipement

DDJS

Direction départementale de la jeunesse et des sports

DDSF

Direction départementale des services fiscaux

DDSV

Direction départementale des services vétérinaires

DDTEFP

Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

DIREN

Direction régionale de l’environnement

DRAC

Direction régionale des affaires culturelles

DRAF

Direction régionale de l’agriculture et de la forêt

DRASS

Direction régionale des affaires sanitaires et sociales

DRCA

Délégation régionale au commerce et à l’artisanat

DRCCRF

Direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

DRCE

Direction régionale du commerce extérieur

DRDFE

Délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité

DRE

Direction régionale de l’équipement

DRIRE

Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement

DRJS

Direction régionale de la jeunesse et des sports

DRRT

Délégation régionale à la recherche et à la technologie

DRSV

Direction régionale des services vétérinaires

DRT

Délégation régionale au tourisme

DRTEFP

Direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

GS DRIRE

Groupe de subdivision de la DRIRE

IA

Inspection d’académie

Rectorat

Rectorat

SDAP

Service départemental de l’architecture et du patrimoine

SGAR

Secrétariat général pour les affaires régionales

TPG

Trésorier payeur général

TPGR

Trésorier payeur général de région

UDCCRF

Unité départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Structures nouvelles

ARS

Agence régionale de santé

DDCS

Direction départementale de la cohésion sociale (éventuellement regroupée avec la DDPP sous le sigle DDPPCS)

DDFiP

Direction départementale des finances publiques

DDPP

Direction départementale de la protection de la population (éventuellement regroupée avec la DDCS sous le sigle DDPPCS)

DDPPCS

Direction départementale de la protection de la population de la cohésion sociale

DDT ou DDTM

Direction départementale des territoires ou Direction départementale des territoires et de la mer

DIRECCTE

Direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi

DRAAF

Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt

DRAC

Direction régionale de la culture

DREAL

Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement

DRFiP

Direction régionale des finances publiques

DRJSCS

Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale

SGAR

Secrétariat général pour les affaires régionales

IA

Inspection d’académie

Rectorat

Rectorat

M. Jean-Benoît Albertini, secrétaire général adjoint, directeur de la modernisation de l'administration territoriale, au ministère de l’intérieur, déclarait lors de son audition le 17 mai 2011 qu’« en ce qui concerne la RéATE, (…) l'échelon régional a été défini comme échelon stratégique et échelon de pilotage des politiques publiques de l'État, le niveau départemental étant celui de la mise en œuvre. (…)

La directive nationale d’orientation (DNO) consacre l’attribution aux sous-préfectures de nouvelles missions, constatant que, du fait de certaines évolutions telles que la modification en profondeur des conditions de délivrance de titres (…) et la dématérialisation de certaines de ces procédures, elles n’ont plus vocation à accueillir en permanence du public. (…)La fonction de proximité et d'accompagnement du développement local est donc mise à l'honneur, avec une équipe dédiée et une relation renouvelée avec les services déconcentrés de l'État. Les services de l'État se voient ainsi confirmés comme les interlocuteurs des collectivités pour une gamme de services clarifiée et plus lisible, parce qu’offerte en un seul lieu alors qu’elle était précédemment dispersée entre plusieurs points dans un chef-lieu. Le sous-préfet d’arrondissement peut être, au nom du préfet – ou du préfet de région, dont il peut recevoir une lettre de mission –, un relais direct auprès des élus locaux, très utile notamment pour l’accès aux fonds européens ou aux crédits contractualisés. Les élus, en sens inverse, trouveront à la sous-préfecture une "porte d’entrée" vers les services de l’État dans le département ou la région. (…)

L’appui technique aux collectivités territoriales, [est une] nouvelle fonction dévolue aux DDI. Dans cette relation avec les sous-préfets, les élus auront un accès simplifié aux services de l'État – sous réserve d’améliorer les appellations, encore perfectibles. Ce sera a fortiori le cas pour les intercommunalités, du fait de la taille critique qu’elles atteignent et de l'autonomie relative qui leur est reconnue sous leur nouvelle forme, notamment dans le cadre du redéploiement de l’ingénierie qui a été une source de préoccupation pour les petites collectivités. Pour les intercommunalités de taille réduite, l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (ATESAT) reste accessible. Je ne m’attarderai pas sur cet aspect, qui relève du ministère de l'écologie et du développement durable. (…)

Face aux craintes exprimées par les élus, M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, a confirmé le 24 mars [2011] à l’ensemble des préfets que, comme l'avait déclaré avant lui M. Brice Hortefeux, le Gouvernement n’avait pas l’intention de modifier la carte des sous-préfectures. La DNO indique un mouvement de fond consistant, je le répète, à redéployer leurs missions en les orientant vers l'accompagnement du développement local. »

L’étude réalisée à la demande des rapporteurs recommande de renforcer le travail interministériel à l’échelle locale, et préconise de maintenir une coordination de proximité au niveau de la sous-préfecture, doublée potentiellement d’un fonctionnaire départemental responsable d’un sous-ensemble territorial.

Les rapporteurs estiment que si la RéATE qui ne fait pas consensus auprès des élus, la nécessité du maintien de l’État dans les territoires ruraux est affirmée par tous. Ils s’accordent pour estimer que l’État doit rester présent afin d’accompagner les collectivités. Ils constatent ensemble que la réforme a mal été expliquée et que les acteurs des territoires (élus, citoyens, entreprises, intervenants sociaux…) ne l’ont pas comprise. Les rapporteurs ont constaté un problème de compréhension des nouvelles structures, qui se focalise sur l’apparition des nouveaux sigles et constitue une perte de repères évidente.

Les élus locaux ont vu disparaître la Direction départementale de l'action sanitaire et sociale (DDASS), la Direction départementale de l'agriculture (DDA) et la Direction départementale de l'équipement (DDE). La refonte au sein des nouvelles directions départementales interministérielles ne permet pas, ou pas encore, le même contact avec les élus. Ces derniers s’inquiètent de la concomitance de cette réforme avec les décisions, également prises dans le cadre de la RGPP, de l’abandon de l’ingénierie publique concurrentielle, qui peut être rendue par des opérateurs privés, et de la réduction des effectifs. Ces réformes posent des problèmes de lisibilité. Elles semblent pertinentes vues d’un bureau parisien, mais leur appropriation sur le terrain est loin d’être acquise. Une meilleure pédagogie est sans doute nécessaire auprès des élus, qui, après la RGPP et la réforme territoriale, doivent au surplus maintenant assimiler la nouvelle organisation de l’intercommunalité.

La crainte a souvent été exprimée que la réforme soit synonyme de réduction, de désengagement de l’État. La RGPP semble pour certains avoir été effectuée pour des raisons purement budgétaires, avec la réduction des ressources budgétaires et des effectifs. Pour d’autres, au contraire, ces craintes initiales sont naturelles dans la phase difficile de mise en œuvre, de compréhension et d’acceptation de la réforme (élus, fonctionnaires, usagers). Le changement est toujours créateur d’angoisses ; les craintes pourraient se dissiper ensuite. Pour ceux-ci, cette réforme était nécessaire pour adapter une administration locale de l’État mise en place dans les années 1940. Elle représente un éloignement plus qu’un abandon. Il s’agit cependant d’une réforme encore récente qui nécessite d’être mise en œuvre concrètement.

La RéATE induit un nouveau positionnement de l’État et des collectivités territoriales. Ces dernières se voient confier plus de responsabilités, avec en particulier un rôle nouveau d’aménageur, dans un contexte où les ressources se raréfient. La logique de la RéATE suppose que les collectivités territoriales, au sein de regroupement élargis, reprennent la fonction d’ingénierie publique locale.

La RéATE entraîne une meilleure coordination interministérielle dans les nouvelles directions départementales et régionales. Elle apporte plus de transversalité dans le fonctionnement de l’État. Ainsi les Direccte sont devenues les interlocuteurs uniques de l’État auprès des entreprises : elles regroupent les compétences relatives au travail (inspection du travail et relations sociales), à la concurrence et à la consommation, et aux entreprises, à l’emploi et à l’économie (industrie, commerce, artisanat, tourisme, commerce extérieur…). L’action économique de l’État comporte maintenant une dimension emploi. La réforme a provoqué un mélange des statuts, des origines, des cultures. En cela, elle constitue un enrichissement par un travail avec des équipes mixtes. Les rapporteurs soulignent l’importance de maintenir une coordination de proximité de l’action des directions départementales interministérielles au niveau des sous-préfets. L’efficacité des politiques publiques dépendra de l’implication de ses acteurs, avec des fonctionnaires dynamiques et compétents. Comme les rapporteurs l’ont indiqué plus haut, il est à regretter que le rythme de rotation des préfets (en moyenne 2 à 3 ans) ne leur permette pas une appropriation suffisante des territoires.

2.- Les remontées de terrain sont différenciées

La RéATE est plus ou moins bien vécue selon les territoires.

a) Dans le canton de Domme

Le représentant du préfet dans le canton de Domme a estimé qu’avec la RGPP et la RéATE, l’État restait présent dans les territoires mais de façon différente. Les missions ont été redéfinies, en direction de l’accompagnement des collectivités, ce qui est souhaité par les élus.

Les élus rencontrés par les rapporteurs lors de leur déplacement voient dans la réforme un désengagement de l’État. Ils constatent une érosion constante de l’activité de l’État depuis 30 ans, alors même que leur territoire est économiquement et démographiquement dynamique. Pour eux il s’agit d’une volonté délibérée de fermer les services publics, pour des raisons d’économies budgétaires.

b) Dans le grand sud-ouest amiénois

Il ressort de la mission des rapporteurs à Poix en Picardie que la RéATE, après un premier sentiment d’inquiétude, ne suscite plus de critiques systématiques ; elle est maintenant vue comme une réforme pertinente du management de l’État local.

Le directeur de la Direccte de Picardie rappelle que la nouvelle direction régionale fusionne les anciennes directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (Drire) - en charge notamment du développement économique -, directions régionales du commerce et de l’artisanat (Fisac), directions du tourisme, directions régionales du travail, services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et chargés de mission intelligence économique. Elle dispose d’une unité territoriale dans chaque département. En revisitant les fonctions de l’État, la réforme entraîne une mise en commun des savoirs et un regroupement des équipes. Ainsi le départ d’un agent est moins susceptible que par le passé de désorganiser le service. Les synergies créées par le mélange des cultures au service des territoires compensent en partie la diminution des effectifs. La réforme a décloisonné les services, introduit de la transversalité là où les logiques en « tuyau d’orgue » prévalaient. Une autre conséquence de la réforme et de ses regroupements est la division par deux des loyers des bâtiments administratifs.

Alors qu’avant la réforme la Picardie ne voyait que deux ou trois projets FISAC par an, en 2011 20 dossiers ont été présentés (dont la moitié en milieu rural), qui sont examinés en concertation avec les CCI et les chambres des métiers. Il faut cependant reconnaître que le délai d’instruction des dossiers est encore trop long et que les demandes vont au-delà des possibilités budgétaires.

Le président de la chambre d’agriculture indique pour sa part qu’il craignait la disparition de la spécificité agricole avec la fusion des DDE et des DDA, mais qu’il n’en a rien été.

C.- L’ÉDUCATION

1.- La crainte des fermetures de classes et d’écoles

La Datar, lors des auditions réalisées par le Groupe de travail du CEC au printemps 2010, a fait valoir que la réduction du nombre d’enseignants et la baisse du nombre d’enfants à scolariser dans certaines communes emporte des effets sur les fermetures ou regroupements de classes d’école maternelle, primaire ou en collège en milieu rural. Cependant, certains gardes fous sont mis en place : tout enfant de 3 ans doit pouvoir trouver une classe maternelle d’accueil ; l’accueil des enfants de 2 ans est ouvert en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne.

Par ailleurs, la Datar précise qu’il n’y a pas de seuil nationalement défini pour l’ouverture ou la fermeture d’une classe. Les mesures d'ouverture et de fermeture de classes relèvent de la responsabilité des inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de l’Éducation nationale. Ils procèdent chaque année aux ajustements nécessaires et se basent sur des critères objectifs de choix (situation socio-économique, attractivité migratoire attendue l’année suivante et conséquences sur le nombre d’enfants) qui sont soumis au Conseil départemental de l'éducation nationale et au Comité technique paritaire départemental. Les seuils d'ouverture et de fermeture de classes qui découlent de cette consultation permettent de déterminer les ajustements requis tout en intégrant la nécessité de préserver le réseau public d'éducation dans les zones rurales les plus fragiles. Le taux d’encadrement en milieu rural est plus élevé qu’en milieu urbain.

La Datar fait valoir qu’avec le développement de la mobilité, la question de l’accessibilité à une école dans des temps courts peut contrebalancer les effets d’une fermeture. La politique des transports est à cet égard déterminante. De plus, des formes de coopération existent (regroupements pédagogiques intercommunaux, syndicats intercommunaux d’écoles), qui permettent de mettre des moyens matériels et humains en commun.

L’appareil statistique de suivi est construit de manière déconcentrée au niveau départemental de l’Éducation nationale, puisque ce sont les inspecteurs d’académie qui sont à l’origine des décisions.

M. Guy Waïss, chef du service du budget, de la performance et des établissements, adjoint au directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO) au ministère de l’Éducation nationale a indiqué lors de son audition par le Groupe de travail du CEC le 17 mai 2011 que « pour ce qui est tout d’abord du premier degré, 22 % des établissements sont situés en milieu rural, ce qui représente 12 000 écoles accueillant 24 % des élèves, soit 1,4 million d’enfants. Pour maintenir ces écoles, la solution a consisté à constituer, à côté de 18 600 écoles classiques d’une à trois classes, 4 886 regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), dont un quart placés sous une direction unique même en l’absence de regroupement physique. Une variante existe sous forme de réseaux pédagogiques, au sein desquels les écoles ou les RPI, tout en conservant leur autonomie, définissent des projets pédagogiques communs leur permettant de se comparer. On compte 193 de ces réseaux dans 32 départements, concernant plus de 71 000 élèves. (…)

En maternelle, le nombre moyen d’élèves par classe est plus élevé dans les territoires ruraux que dans les territoires urbains car les enfants y sont encore scolarisés dès deux ans, ce qui permet de compléter les classes. Au niveau élémentaire, en revanche, la moyenne est de 21 élèves par classe en milieu rural contre 22,7 en milieu urbain. (…)

Dans le second degré, le réseau se resserre, avec 847 collèges ruraux, soit 16 % des collèges, qui accueillent 250 000 élèves – 10 % des collégiens – dans des villes de moins de 2 000 habitants. Il ne reste plus, en revanche, que 10 000 à 15 000 élèves dans les lycées ruraux, soit 1 % du réseau. (…)

Les lois de décentralisation interdisent de fermer un collège ou un lycée sans l’accord formel des collectivités, qui doivent proposer cette fermeture au préfet après avis du recteur ou des inspecteurs d’académie. (…) Les présidents de conseils généraux sont ouverts à la discussion en vue de définir le réseau le plus pertinent, en envisageant notamment la réunion de petits collèges à l’instar de ce qui se pratique dans le premier degré. (…) Le problème consiste à maintenir les structures tout en leur conservant une taille critique qui garantisse la qualité pédagogique. Cet impératif, qui ne pose pas de problème au niveau des écoles, est plus difficile à tenir pour les collèges. (…) Pour ce qui est de la taille critique des collèges, un effectif de moins de 300 élèves se traduira par une réduction de la carte des formations en langues, mais il sera toujours possible d’apprendre deux langues vivantes. »

M. Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) déclarait le même jour : « Le rapport de la Cour des comptes selon lequel l’Éducation nationale respecte la Charte des services publics prête franchement à sourire. Cette charte stipule qu’un maire doit être prévenu deux ans avant la fermeture d’une classe ou d’une école, et que cette fermeture doit faire l’objet d’une étude d’impact. Ces études sont si rares que les lire toutes ne prendrait guère de temps !

Dans la réalité, les choses se déroulent de la façon suivante : l’inspecteur d’académie nous adresse une convocation sur laquelle figurent déjà deux dates, car il sait que les syndicats ne se rendront pas à la première réunion ; tout le monde se retrouve donc à la seconde et vote contre la proposition de carte scolaire, moyennant quoi celle-ci est appliquée quand même ! Nous sommes un peu las de ces concertations alibis. »

2.- Sur le terrain, l’attachement des communes à « leur école »

Le sujet de l’éducation a été discuté lors des deux déplacements des rapporteurs dans le canton de Domme et dans le grand sud-ouest amiénois.

a) Dans le canton de Domme

L’inspectrice départementale exerçant sur le canton de Domme travaille avec les communautés de communes dans une logique de territoire. Une particularité réside dans l’apprentissage de l’occitan dès la maternelle, avec une difficulté de recrutement, les jeunes enseignants préférant s’installer dans les grandes villes. Le nombre d’écoles est très important, chaque commune montrant un grand attachement à conserver la sienne. Chaque commune cherche à garder son école avec une section maternelle à au moins deux classes et une cantine. Les maires investissent beaucoup dans ces structures. Cet attachement profond date de l’origine de l’école laïque au XIXe siècle. Un seul regroupement pédagogique concentré (RPC) a eu lieu. La disparition de l’école élémentaire y a été vécue comme la « mort du village » de Saint Laurent de la Vallée.(45) La directrice de l’hôpital note que, du point de vue d’un employeur, le maintien de l’école est la condition du maintien de l’emploi sur le territoire.

Le représentant d’une organisation syndicale d’enseignants a regretté la disparition des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), en raison de la disparition des crédits correspondants. Il regrette aussi la disparition des IUFM, ce qui aboutit au fait que les jeunes enseignants sont placés en premier poste devant des élèves sans expérience pratique. L’inspectrice départementale estime au contraire que les jeunes enseignants bénéficient du travail de terrain important des conseillers pédagogiques. Dès leur recrutement, ils ont le statut de « professeur des écoles stagiaire » pendant un an, période pendant laquelle ils sont en situation dans une classe, accompagnés par un maître formateur. Au bout de trois mois ils sont mis en responsabilité dans ce que l’on appelle « le grand remplacement ».

La réduction des effectifs décidée dans le cadre de la RGPP n’a pas eu jusqu’à présent d’impact sur les résultats des élèves.

Les « tableaux blancs interactifs (46) » ont connu un grand succès dans les petites écoles du territoire, particulièrement pour les matières comme la géographie, l’histoire, les arts… Ils donnent le sentiment que le territoire n’est pas abandonné en recréant un lien avec le monde. Ils supposent bien sûr l’accès à l’internet haut débit.

b) Dans le grand sud-ouest amiénois

La Somme partage avec la Dordogne la particularité de disposer d’un nombre très important de petites ou très petites communes. Cependant les maires y sont plus enclins à accepter des regroupements pédagogiques. L’école privée fonctionne de façon concurrentielle et l’inspecteur d’académie propose un schéma pluriannuel de développement de l’école dans le département, négocié avec les différents intervenants. La demande de maintien d’une école est appréciée à l’aune du projet de territoire dans son ensemble. La création d’un regroupement s’accompagne souvent d’une offre de services plus importante, comme par exemple une cantine commune ou un service de garderie.

La personnalisation de l’enseignement se développe, notamment avec les heures de soutien proposées par les professeurs. Il s’agit non de plaquer des outils standards mais d’innover par des réponses adaptées. Le département est en train de rattraper son retard par rapport aux moyennes nationales de résultats scolaires, grâce notamment au renforcement du dialogue entre les familles et les équipes pédagogiques.

D.- LA GENDARMERIE

1.- Brigades et regroupements de brigades

Les unités territoriales, éléments de base de l’organisation de la gendarmerie, sont partagées entre communautés de brigades et brigades autonomes – dont beaucoup sont commandées par des officiers. Les communautés de brigades (COB) ont apporté une réponse globalement plus adaptée, même si ces regroupements ont accru les délais d’intervention.

M. François Bonavita, colonel à la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) du ministère de l’Intérieur, déclarait lors de son audition par le Groupe de travail du CEC le 17 mai 2011 que « la densification des territoires ruraux et périurbains entraîne une augmentation du poids démographique des zones placées sous sa responsabilité, qui regroupaient, en 2010, 32,5 millions d’habitants, outre-mer compris. Entre 2011 et 2013, cette population devrait augmenter de 425 000 habitants, et de 2 millions d’ici à 2020. Les changements subis par les communes rurales situées autour des villes, en raison notamment du développement des moyens de transport, touchent essentiellement la zone de gendarmerie, et imposent une action adaptée aux territoires et aux flux. Compte tenu par ailleurs du vieillissement de la population, la gendarmerie devra être en mesure d’assurer plus de proximité, d’accessibilité, de lisibilité, de réactivité et d’efficacité. (…)

La création des communautés de brigades a permis d’adapter l’offre de sécurité aux besoins actuels et à l’évolution de la délinquance tout en conservant, voire en approfondissant les relations de proximité avec les élus locaux. (…)

Tout en continuant de répondre aux sollicitations du public, nous avons pu, grâce aux regroupements et à la limitation des heures d’accueil, augmenter le nombre de patrouilles sur le terrain, au bénéfice de l’efficacité. Mais il est vrai que la population doit s’habituer à cette réorganisation. »

Les rapporteurs ont constaté que dans les territoires visités les COB sont bien perçues. Des élus locaux ont pu se plaindre de la suppression de telle ou telle brigade rurale, mais elles ne recevaient parfois qu’une ou deux personnes par jour… Si la création des communautés de brigades a sans doute permis d’améliorer l’efficacité et l’organisation, le ressenti des élus et des populations est cependant quelquefois un peu en retrait.

2.- Dans le canton de Domme

Le capitaine de gendarmerie rencontré par les rapporteurs à Domme indique que l’organisation en communautés de brigades a été bien acceptée dans les cantons concernés (distance d’intervention maximum de 35 km couverts en 20 à 25 minutes). Chacune comporte au minimum 8 gendarmes le jour et 4 la nuit. Les appels sont centralisés à Périgueux et le chef de quart favorise la proximité pour les interventions (motocyclistes). La RGPP a entraîné la suppression de 6 postes de gendarmes ; un recentrage de l’activité sur les priorités (courses cyclistes, convois spéciaux…) a permis de ne pas avoir d’effet négatif sur la sécurité.

Les statistiques montrent 21 délits annuels pour 1 000 habitants, ce qui est la moitié de la moyenne nationale (43 délits pour 1 000 habitants). La moitié des délits sont des vols. La délinquance est essentiellement locale. Le taux d’élucidation est élevé. Ici comme dans l’ensemble du territoire national, 70 % des faits de violence sont dus à l’alcool. L’insécurité routière est maîtrisée.

E.- LES TRIBUNAUX : UNE RÉFORME MENÉE SANS CONCERTATION PRÉALABLE SUFFISANTE AVEC LES ÉLUS LOCAUX

Intégrée à la RGPP, la réforme de la carte judiciaire a été mise en œuvre entre février 2008 et décembre 2010. Créée dans ses grands principes sous Napoléon 1er, la carte judiciaire n’avait pas connu de modification substantielle depuis 1958. La situation se caractérisait par une faible activité de certaines juridictions, par la répartition inégale du nombre de magistrats par habitants d’un département à l’autre et par l’absence de cohérence entre la carte judiciaire et la carte administrative, ou entre la carte judiciaire et la carte pénitentiaire : la carte judiciaire nécessitait pour le Gouvernement d’être adaptée aux enjeux de la justice d’aujourd’hui et de demain.

Au terme de la réforme, les juridictions judiciaires sont au nombre de 865, contre 1 193 avant la réforme. La transformation de la carte judiciaire a connu les étapes suivantes :

– 31 greffes détachés de tribunaux d’instance (TI) ont été supprimés au 17 février 2008 ;

– 62 conseils de prud’hommes ont été supprimés et un conseil créé (Avesnes-sur-Helpe), au 3 décembre 2008 ;

– 55 suppressions et 5 créations de tribunaux de commerce (TC) ont été achevées au 1er janvier 2009, ainsi que la création d’un tribunal mixte de commerce ;

– 14 suppressions et une création de TI et de juridictions de proximité ont été effectuées au 1er février 2009 ;

– deux TGI (Belley et Millau) ont été supprimés au 1er octobre 2009 ;

– les autres tribunaux d’instance, juridictions de proximité et greffes détachés ont été supprimés au 31 décembre 2009 ;

– le TGI de Péronne a été supprimé le 1er juillet 2010 et le TGI de Bressuire le 5 septembre ;

– enfin, la suppression des 17 TGI restants a été effective le 31 décembre 2010, la fusion du tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu avec celui de Vienne étant reportée à 2014 pour des raisons immobilières.

On rappellera que les suppressions visaient 21 TGI (compte tenu de la décision du Conseil d’État en date du 19 février 2010 annulant le décret n° 2008-1110 du 30 octobre 2008 en ce qu’il supprimait le tribunal de grande instance de Moulins) ; 178 tribunaux d’instance et autant de juridictions de proximité ; 85 greffes détachés de tribunaux d’instance ; 62 conseils de prud’hommes ; 55 tribunaux de commerce et 35 bureaux fonciers dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Au total 401 juridictions auront été supprimée ; par ailleurs, 14 juridictions nouvelles ont été créées, comprenant sept TI et autant de juridictions de proximité (un conseil de prud’homme, 5 tribunaux de commerce et un tribunal mixte de commerce). La réforme, engagée en juin 2007, a ainsi permis, au 1er janvier 2011, d’aboutir à un total de 865 juridictions judiciaires, contre 1 193 auparavant, correspondant aux 401 suppressions et aux 14 créations.

Mme Véronique Malbec, directrice des services judiciaires au ministère de la justice et des libertés, déclarait au Groupe de travail du CEC le 11 juillet 2011 : « le premier objectif de la réforme était d’améliorer la qualité de la justice et la lisibilité de ses implantations territoriales, en se fondant sur un certain nombre de critères, tirés du seuil critique en deçà duquel la continuité du service public aurait été compromise et la spécialisation des juges impossible au regard du volume d’activité.

Ces données factuelles furent complétées par un examen des réalités locales, résultant notamment des rapports de consultation des chefs de Cours, établis après avoir pris l’attache de l’ensemble des élus et des acteurs judiciaires que sont les magistrats, les fonctionnaires, les organisations syndicales et les auxiliaires de justice, et après avoir, en coordination avec les préfets, recueilli l’avis des chambres des métiers, de commerce et d’industrie.

La réforme de la carte judiciaire n’a donc pas été conduite de façon mécanique. Elle est issue de la concertation. Elle a été élaborée en croisant des critères d’activité des juridictions avec une approche qualitative de l’environnement judiciaire et en prenant en compte les données d’aménagement du territoire, en matière démographique, de desserte routière ou ferroviaire, afin de garantir l’accessibilité des tribunaux aux justiciables.

Elle s’est appuyée sur quatre principes directeurs : renforcer la qualité de la justice, s’adapter aux évolutions du droit, promouvoir une meilleure compréhension de l’organisation judiciaire et s’assurer d’une bonne administration de la justice. (…)

Cette nouvelle géographie judiciaire allégée épouse mieux que par le passé la carte des bassins d’emploi et des zones économiquement dynamiques. »

Les rapporteurs ont interrogé Mme Véronique Malbec sur une incidence éventuelle de la réforme sur les taux de comparution ; il leur a été répondu que les statistiques n’étaient pas encore disponibles.

Les rapporteurs témoignent que, dans leurs circonscriptions, comme dans celles des élus avec qui ils ont été en contact, la concertation revendiquée maintenant par le ministère de la Justice n’a jamais eu lieu au moment de la préparation de la réforme. Ils ont le sentiment que les critères ayant prévalu dans le choix des juridictions supprimées n’ont pas été les plus rationnels. Dans l’Aisne, dans l’Oise aucun tribunal n’a été supprimé alors que deux TGI ont été supprimés dans la Somme, ainsi qu’un conseil des prud’hommes et un tribunal de commerce, ce que la démographie ne justifiait en rien. L’Aisne, moins peuplée que la Somme, et avec la même sociologie conserve ses trois tribunaux. Dans l’Aisne et dans l’Oise, plusieurs élus sont ministres, à la différence de la Somme. Les territoires ont donc ressenti de très vives injustices.

Les rapporteurs auraient compris que l’on justifie la réforme de la carte judiciaire par la recherche d’économies. Ils ne comprennent cependant pas qu’on la motive, comme le fait le ministère de la Justice, par l’objectif recherché d’amélioration de la qualité du service, pour rapprocher les concitoyens de leur justice. Les rapporteurs estiment que si la concertation avait été mieux menée avec les élus, la réforme se serait opérée dans de bien meilleures conditions.

Certains ruraux renoncent à recourir à la justice, y compris en matière pénale, car ils n’ont plus les moyens de se rendre à un tribunal distant de 90 kilomètres. Ainsi dans le bassin judiciaire d’Abbeville, qui compte 135 000 habitants, le tribunal se trouve désormais à 85 kilomètres pour les plus éloignés. En Dordogne, le tribunal de commerce de Sarlat ayant été fermé, les justiciables doivent s’adresser à celui de Périgueux, distant de 75 kilomètres, par des routes souvent sinueuses et recevant 3 millions de visiteurs par an en été. La justice est-elle vraiment accessible aux plus démunis quand les territoires comptent des personnes pauvres qui, parfois, ne disposent pas de véhicule et qui, peu instruites, ont peur de la justice. Épanouies dans leur environnement immédiat, elles deviennent très craintives quand elles en sortent pour s’approcher de la ville et des représentations de l’État. La question de leur mobilité n’aurait-elle pas dû être traitée préalablement, alors qu’elles éprouvent, pour les mêmes raisons, également des difficultés à se faire soigner ?

Dans certaines situations justifiant localement la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire, des actions d’accompagnement ont été mises en œuvre afin de garantir le maintien d’une justice de proximité aux populations éloignées des juridictions, principalement par l’ouverture de « maisons de justice et du droit » (MJD). On compte aujourd'hui 133 MJD. Parallèlement à celles-ci, sont installés 472 « points d’accès au droit », sur l’ensemble du territoire national, ainsi que des MJD dites de nouvelle génération car équipées de bornes de visioconférence dénommées « contacts visio-justice », qui permettent aux justiciables d’entrer en contacte à distance avec les greffes des TGI. Cet outil facilite l’accès à la justice car il permet un dialogue direct et la transmission de documents originaux scannés sans que le justiciable ait besoin de se déplacer. Les juridictions accueillant ces nouvelles techniques mettent en place des guichets uniques de greffe. Ainsi l’usager peut-il accéder, depuis la MJD, ou depuis le point d’accès au droit, à l’ensemble des services des juridictions, à la fois ceux des TGI, des TI et, dans certains cas, des conseils des prud’hommes.

Les juridictions peuvent en outre, en fonction des nécessités locales, tenir des « audiences foraines » dans des communes de leur propre ressort autres que celle où est fixé leur siège. La décision appartient au premier président de la Cour d’appel qui, après avis du procureur général, fixe par ordonnance le lieu, la date et la nature des audiences.

Pour garantir l’accès au juge, divers projets sont en cours d’élaboration ou de déploiement en vue du développement des actes dématérialisés entre parties prenantes de la justice (injonctions à payer des huissiers, mandataires judiciaires…).

Se pose toutefois la question de la taille critique des juridictions. Faut-il compter en nombre d’affaires ou en nombre d’affaires par magistrat ? Il s’agit aussi de rendre les juridictions attractives pour les magistrats, inamovibles par statut. Avant la réforme, le ministère de la Justice avait le plus grand mal à affecter des magistrats dans les plus petites juridictions ; il devait pour ce faire puiser dans les dernières promotions à la sortie de l’École nationale de la magistrature (ENM). Ce problème de recrutement et d’affectation dans les petites juridictions se retrouve dans les trésoreries, comme cela est expliqué ci-après.

F.- L’ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES

1.- La fusion des trésoreries et des hôtels des impôts

La création de la direction générale des finances publiques (DGFiP) en avril 2008 a permis de regrouper les réseaux de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) et de la direction générale des impôts (DGI). Les anciennes trésoreries générales et les anciennes directions des services fiscaux sont remplacées par des hôtels des finances publiques ; les trésoriers et les inspecteurs des impôts sont remplacés par des administrateurs des finances publiques. Le processus est achevé en 2011 dans tous les départements. La DGFiP a deux grands publics, les redevables des impôts et les collectivités publiques, en particulier les collectivités locales. Aujourd’hui, quelque 2 674 trésoreries, mixtes ou spécialisées, s’occupent des collectivités locales. Le ministère du budget, dont dépend la DGFiP, estime que les élus sont toujours consultés sur les fermetures de trésoreries, conformément à la décision de M. Jean-Pierre Raffarin quand il était Premier ministre.

Le changement le plus notable apporté par la création de la DGFiP a été la mise en place d’un guichet fiscal unique, qui permet aux particuliers de voir traiter par les mêmes personnes, comme c’était depuis longtemps le cas pour les entreprises, une question relative à l’assiette et une question relative au recouvrement de l’impôt. Le chantier de création des services des impôts des particuliers (SIP) s’achève : au printemps 2011, 670 ont été créés sur les 700 prévus. Ces services couvrent 55 % de la population, essentiellement urbaine ; les 45 % restant dépendent d’une trésorerie dite mixte, qui traite à la fois des affaires des collectivités locales et des questions touchant au recouvrement ou à l’assiette fiscale des particuliers. De façon parallèle, les services des impôts des entreprises (SIE) assurent désormais le recouvrement de la cotisation foncière des entreprises, faisant ainsi office de guichet fiscal unifié pour ces dernières.

Le ministère du Budget estime que la fusion a amélioré le service rendu à ces deux grands publics en fusionnant des services jusqu’alors cloisonnés, en simplifiant les procédures et en réduisant les délais. En outre la dématérialisation en cours de toutes les procédures permet un traitement à distance, la suppression des saisies multiples et l’accès aux données par Internet pour toutes les collectivités.

La création de la DGFiP s’est effectuée dans un contexte de gain de productivité et de suppression des doublons, avec une réduction des effectifs qui avoisine le non remplacement de deux fonctionnaires partant à la retraite sur trois (et non un sur deux en moyenne pour l’ensemble des agents de l’État). Le ministère du budget estime qu’il n’y a pas de programmation de fermeture des petites trésoreries (moins de cinq agents), mais plutôt un étiolement dû au défaut d’attractivité auprès des agents ; il devient impossible de faire tourner un poste avec seulement deux agents.

Le ministère du budget indique qu’il respecte les consignes de concertation, à savoir qu’il n’est pas une fermeture de poste qui ne soit concertée avec l’ensemble des élus. En 2010, 52 trésoreries ont été supprimées, contre 76 en 2009 et 93 en 2008. 40 devraient l’être en 2011. Sur ces quatre années, on enregistre 15 créations. Les suppressions de postes ont été deux fois moins nombreuses depuis la création de la DGFiP que sur la période 2004-2007.

Les rapporteurs constatent que nombre d’élus locaux sont inquiets des conséquences de la fusion sur les services rendus aux collectivités. Ne peut-on parler de recul de l’ingénierie financière de l’État quand les trésoreries n’ont pas su conseiller les collectivités territoriales quand elles ont contracté des emprunts « toxiques » ? Les collectivités territoriales ont subi coup sur coup deux réformes très importantes, avec la suppression de la taxe professionnelle et le réforme de la carte intercommunale ; or les élus locaux ont le sentiment que les trésoreries sont à la peine pour les accompagner dans ces deux changements majeurs. La diminution de l’assistance apportée par les trésoreries pèsera plus particulièrement sur les petites communes, qui seront poussées à se regrouper, au risque d’un éloignement de l’administration de proximité qu’elles sont pour leurs citoyens.

La DGFiP rappelle de son côté que, contrairement à l’abandon de l’ingénierie concurrentielle précédemment fournie par les anciennes directions de l’équipement et de l’agriculture, l’État n’a pas opté pour un désengagement des fonctions financières remplies par les nouvelles directions régionales et départementales des finances publiques à destination des collectivités territoriales.

2.- Dans les territoires, une réforme génératrice d’inquiétude

a) Dans le canton de Domme

Le directeur départemental des finances publiques de Dordogne indique que la fusion des deux réseaux a amélioré la proximité des services avec un guichet fiscal unique. Dans un contexte de réduction des effectifs, le fil rouge a été le maintien de la proximité. La DGFiP a voulu être exemplaire dans l’application des décisions prises dans le cadre de la RGPP, en ne procédant pas au remplacement de deux fonctionnaires sur trois (et non sur deux) partant à la retraite. L’objectif fixé en 2008 a été de maintenir une trésorerie pour deux cantons, alors qu’il y a un siècle il y en avait une par canton. Ces restructurations se sont effectuées en concertation avec les élus. Ainsi, chaque fois qu’une trésorerie a été supprimée, une permanence a été maintenue (1/2 à 1 journée) lorsqu’un élu l’a demandé. En 4 ans, 10 trésoreries seulement ont été supprimées, dont 6 n’avaient plus d’agents et 4 avaient entre 1 et 3 agents. Les effectifs sont passés de 350 à moins de 300 entre 2007 et 2010. Cette réforme a été menée à missions constantes. Les nouvelles trésoreries viennent de plus en plus en appui des maires et des trésoriers des collectivités locales ; les « ateliers des maires » organisés récemment ont connu un grand succès. La rationalisation est considérée comme terminée, et le directeur départemental des finances publiques considère maintenant que les effectifs des regroupements ne devraient plus baisser.

Le vécu de terrain des élus locaux est sensiblement différent. Ils ont l’impression que les départs à la retraite ou en mobilité ne sont pas remplacés dans les petites trésoreries, de façon systématique, en prélude à leur fermeture qui ne tarde jamais très longtemps. En 10 ans, si 10 trésoreries sur les 35 que compte la Dordogne, par exemple, ont été supprimées, ainsi qu’évoqué supra, elles ne seront bientôt plus que 15. La commune de Castelnaud La Chapelle gère des parkings municipaux et une base de canoë-Kayak. Chaque jour, les employés municipaux transportent plusieurs milliers d’euros dans des sacoches. Si la trésorerie du canton ferme, les agents devront faire 20 kilomètres dans les embouteillages pour gagner Sarlat, une ville déjà surchargée pendant la période estivale, avec tous les risques de sécurité que le transport de fonds comporte.

En comparaison, les châteaux privés du canton (Castelnaud, Milandes) déposent leurs fonds à La Banque postale à Domme, sur leurs comptes courants. Il est dans ces conditions dommage que l’on n’arrive pas à trouver un accord entre l’administration des finances publiques et La Banque postale pour déposer ces fonds au bureau de poste de Domme. Cette solution est possible, elle est pratiquée sur d’autres territoires quand les circonstances la rendent nécessaire, ainsi en Corse tant pour des raisons de sécurité que de géographie montagneuse. Elle nécessite cependant une décision de l’administration des finances et un accord avec La Banque postale pour répartir le coût du transport de fonds (recomptage et évacuation des pièces). La situation actuelle constitue un dysfonctionnement de ce que pourrait être une collaboration intelligente de deux services publics.

Un exploitant agricole s’interroge sur la pérennité dans le temps des permanences assurées en contrepartie de la disparition des trésoreries. Un élu considère que la disparition de la trésorerie de Domme était programmée, sans l’avouer ouvertement, depuis longtemps. Le directeur départemental des finances publiques maintient qu’il n’y a pas eu de plan de suppression des trésoreries en milieu rural. Il constate que les agents des finances ne souhaitent plus être affectés dans les zones rurales et que les fermetures de trésorerie en ont résulté mécaniquement, au fur et à mesure des mutations ou des départs à la retraite.

b) Dans le grand sud-ouest amiénois

L’administrateur général des finances publiques indique que l’on peut difficilement descendre en dessous de trois agents ou de 120 comptabilités traitées dans une trésorerie. Dans la Somme, on constate que peu de personnes se déplacent aux guichets des trésoreries (essentiellement des personnes âgées). Les regroupements ont permis des gains de productivité. Les fusions de trésoreries sont pour l’instant arrêtées. Dans les territoires où les trésoreries ont été supprimées, des permanences sont organisées, mais sans que l’on ait cependant d’assurance sur leur pérennité.

G.- LA POSTE

1.- La garantie prévue dans la loi de 17 000 « points de contact »

Depuis le 1er janvier 2011, la totalité des activités de La Poste est ouverte à la concurrence, suite à la transposition d’une directive communautaire dans le domaine postal. En France, les lois de 2005 et 2010 ont non seulement fait évoluer le statut de l’entreprise et créé un certain nombre d’outils nouveaux, tels que la Banque postale, mais elles ont aussi précisé les missions de service public et d’intérêt général qui doivent être maintenues dans le cadre de l’ouverture du marché.

Ces missions, clairement identifiées par la loi et faisant l’objet de contreparties, sont : la distribution du courrier – un facteur passe dans toutes les communes rurales 6 jours sur 7, obligation législative nationale qui va au-delà des prescriptions européennes ; la participation à la distribution de la presse, qui concerne en particulier les communes rurales ; l’accessibilité bancaire, qui touche un peu moins les zones rurales que des territoires où les populations sont plus concentrées et bénéficient de prestations sociales – la mission d’intérêt général allouée à la Banque postale est particulièrement importante pour les personnes en situation d’exclusion bancaire ; et enfin la contribution à l’aménagement du territoire, réalisée grâce à notre réseau de points de contact et d’accueil du public notamment dans les zones rurales et dans les zones urbaines sensibles, où de nombreux autres services publics ne sont plus présents, de même que certains acteurs marchands. La Poste a accepté de remplir ces missions de service public en s’étant portée candidate pour le service postal universel.

Si La Poste a légalement pour obligation de maintenir ses 17 000 points de contact, des évolutions sont possibles dans la répartition entre les bureaux de poste, les agences postales communales (APC) ou intercommunales et les relais poste commerçants (RPC). Il est à noter qu’en zone de revitalisation rurale (ZRR), le financement d’État d’une APC est de 1 050 euros (au lieu de 950 euros).

La loi du 9 février 2010 est venue préciser les modalités de la présence postale territoriale. La mission d’aménagement du territoire repose sur un principe d’accessibilité : dans chaque département, 90 % de la population doit disposer d’un point de contact postal à moins de 5 kilomètres de son domicile et de 20 minutes de trajet automobile. Selon l’AMF, à ce jour, il ne reste plus que deux départements ne respectant pas entièrement les critères fixés par la loi, le Gers et la Lozère.

On compte aujourd’hui 9 800 points de contact en zone rural, dont 3 800 bureaux de poste et 6 000 agences postales communales (APC) ou relais poste (RPC) dans plus de 32 000 communes rurales.

M. Jacques Savatier, conseiller du président-directeur général et du délégué général, directeur des affaires territoriales et du service public du groupe La Poste, déclarait le 1er juin 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « le maintien du service universel, qui consiste à distribuer le courrier 6 jours sur 7, est un vrai défi dans le contexte actuel, marqué par une très forte baisse du volume de courrier – elle devrait être de 30 % entre 2008 et 2015, voire de 40 % selon la Cour des comptes. La question est d’autant plus sensible que chaque point perdu représente 100 millions d’euros de recettes en moins et que cette activité comporte des charges fixes très importantes, liées non au volume mais au nombre de points de contact. (…) Depuis le 1er janvier 2011, la totalité de nos activités est ouverte à la concurrence suite à la transposition d’une directive communautaire dans le domaine postal. L’ouverture du marché impose au service public d’assurer son équilibre économique. »

La Poste doit adapter son réseau à la baisse du courrier et de la fréquentation des guichets. Contrairement à la plupart de ses concurrents européens et mondiaux, La Poste a fait le choix d’être une entreprise de proximité, en intégrant d’autres services rendus, au premier rang desquels ceux de La Banque postale, mais aussi des produits annexes comme récemment en téléphonie mobile.

Un nouveau contrat de présence postale territoriale (2011-2013) a été signé, en début d’année 2011, par les trois ministres concernés, par le président de l’AMF et par le président de La Poste. L’État finance un fonds de péréquation de 170 millions d’euros (135 dans le précédent contrat) en contrepartie de l’engagement de la Poste de remplir ses missions de service public. Le contrat conserve la définition des zones prioritaires – zones rurales, zones urbaines sensibles, zones de revitalisation rurale, mais aussi zones de montagne. La mission d’aménagement du territoire occasionne un surcoût aujourd’hui évalué, dans le cadre de la comptabilité règlementaire de La Poste, à environ 300 millions d’euros, contre 380 millions au début du précédent contrat ; cette évaluation est partagée par La Poste, la Cour des comptes, les instances de contrôle des activités bancaires et les autorités européennes. Constitué le 19 novembre 2007, un Observatoire national de la présence postale (ONPP) assure le suivi de la gestion du fonds de péréquation et contrôle la mise en œuvre du contrat de présence postale.

L’AMF porte une grande attention à l’existence de « diagnostics partagés » permettant un accord préalable et formalisé entre les différentes parties (communes et représentants locaux de La Poste) avant tout changement de statut du point de contact qui les concerne. Le raisonnement n’est pas seulement économique : on peut souhaiter le maintien de la présence postale pour des raisons d’aménagement du territoire, parce que cette présence peut structurer le milieu rural et le faire vivre.

L’amplitude des horaires dans les zones prioritaires était un autre sujet important, car c’est aussi un critère d’accessibilité essentiel. En application du nouveau contrat de présence postale territoriale, les jours et les horaires d’ouverture ne peuvent plus changer en cours d’année, le rôle des commissions départementales de présence postale territoriale a été renforcé dans ce domaine, et un plancher d’ouverture hebdomadaire a été fixé à 12 heures. Comme l’ont montré les Assises des territoires ruraux, l’accès à un distributeur automatique de billets (DAB) est un élément fort d’attractivité qui doit accompagner le déploiement des commerces en zone rurale. Le plan d’action du 11 mai 2010 pour les territoires ruraux a décidé que La Poste renforcera son maillage en distributeurs automatiques de billets dans les territoires ruraux.

2.- Dans les territoires visités, un réseau de La Poste qui évolue

a) Dans le canton de Domme

La déléguée régionale de La Poste a indiqué que les engagements contenus dans le contrat de présence postale territoriale sont respectés : 93 % de la population se situe à moins de 20 minutes d’un bureau ou point de poste. La concertation prévaut dès l’étape du diagnostic partagé. Il n’y a pas de transformation de guichets ni de diminution des horaires sans accord des élus. Un élu note que la situation s’est nettement améliorée, car il fut un temps pas si lointain où les élus apprenaient les décisions par les syndicats de postiers…

La Poste indique que ses agents proposent des services nouveaux, comme le portage de livres de bibliothèque, de médicaments, ou l’établissement de contacts avec les centres communaux d’action sociale (CCAS). Par contre, le canton de Domme ne dispose pas de distributeur automatique de billets (DAB).

b) Dans le grand sud-ouest amiénois

La déléguée régionale de La Poste indique que, dans un contexte de baisse très importante de l’activité de courrier, La Poste essaie de contribuer au bien vivre des personnes âgées. Elle mentionne l’initiative « Facteur Services Plus » permettant par exemple aux facteurs de livrer des médicaments aux personnes âgées. Le cadre juridique de cette activité nouvelle est en cours de consolidation : discussions avec l’Ordre national des pharmaciens sur la responsabilité juridique, les accidents, la haute température…

H.- PÔLE EMPLOI

1.- La fusion de l’ANPE et des ASSEDIC est généralement bien acceptée

La gouvernance de Pôle emploi associe les partenaires sociaux, qui sont majoritaires au sein du conseil d’administration, où siègent également l’État et une personnalité désignée conjointement par l’AMF, l’Association des départements de France (ADF) et l’Association des régions de France (ARF) pour représenter les collectivités territoriales. Les partenaires sociaux et cinq membres représentant ces institutions siègent également au « conseil régional de l’emploi » aux côtés du préfet.

Les objectifs assignés à Pôle Emploi à sa création ont été finalisés dans une convention tripartite entre l’État, l’Unedic et Pôle Emploi, laquelle fixait des objectifs précis au schéma d’implantation comme au cahier des charges à respecter sur le territoire. En ce qui concerne l’accès à nos services, la convention tripartite prévoit que 80 % des demandeurs d’emploi doivent pouvoir accéder en moins de 30 minutes à une unité polyvalente, c’est-à-dire à un centre élargi au placement, à l’indemnisation et au recrutement – soit à l’ensemble des missions assurées auparavant par l’assurance chômage et l’ANPE.

Partis d’un réseau de 830 agences ANPE et d’environ 650 antennes Assedic, Pôle emploi compte aujourd’hui 907 agences. Le schéma d’implantation permet aujourd’hui à 97 % des demandeurs d’emploi d’être à moins de 30 kilomètres d’une agence – 92 % si l’on retient un critère de 20 kilomètres. L’accès aux services de Pôle emploi peut également se faire par d’autres moyens : en particulier, plateformes téléphoniques et Internet. Ces moyens sont très utilisés en zones rurales. Pôle emploi a mis en place l’année dernière un numéro unique, le 39 95 – symétrique du 39 49 pour les demandeurs d’emploi – qui permet aux entreprises d’accéder rapidement à l’information ou de déposer une offre. L’agence s’efforce de mettre en place, chaque fois que cela est possible et pertinent, des services en ligne qui facilitent la vie des demandeurs d’emploi et des entreprises.

Pôle emploi noue également des partenariats avec les communes, les EPCI et les bassins d’emploi pour organiser des permanences ou mettre en place des visio-guichets. Le nombre de ces derniers, actuellement de 50, devrait doubler. Pôle emploi participe aux offres regroupées de services dans l’expérimentation « + de services au public » et « Relais de services publics » (RSP). Pôle emploi tient compte, dans les choix d’implantation, de l’implantation territoriale de ses partenaires, notamment les réseaux spécialisés – missions locales pour l’emploi des jeunes, Cap Emploi – et les maisons de l’emploi. Ces questions d’implantation font préalablement l’objet d’un diagnostic territorial local. Des financements d’État sont possibles pour l’expérimentation « + de services au public » et pour les diagnostics territoriaux.

Les rapporteurs estiment que le maintien du lien social passe par celui d’un service public minimal, dont doit faire partie Pôle emploi et ses partenaires. Si les élus acceptent en général assez bien la fusion entre l’ANPE et les Assedic, ils estiment que les agents éprouvent les plus grandes difficultés à répondre à l’afflux des demandes, surtout depuis la crise de 2008.

2.- Sur le terrain, l’action de Pôle emploi est sous tension en raison de la montée du chômage

a) Dans le pays de la vallée de Montluçon et du Cher

À fin décembre 2010, le taux de chômage du bassin d’emploi de Montluçon s’établissait à 9,8 %. Il est supérieur au taux départemental (9,4 %) et régional (8,2 %). La part des chômeurs (en particulier de longue durée) dans la population active est également supérieure à la moyenne départementale et régionale. Le vieillissement de la population est plus accentué que pour l’ensemble de la région. La population active est globalement moins diplômée que l’ensemble de la région. Il résulte d’une enquête sur les besoins de main d’œuvre en 2011 que le bassin d’emploi présente le plus faible taux d’intention d’embauche de la région. Paradoxe, près de la moitié des intentions d’embauche sont jugées difficiles à pourvoir comme par exemple : employés polyvalents de cuisine, conducteurs livreurs, usineur, mais aussi ingénieur ou cadre d’étude industrie et maintenicien (47) en biens électrodomestiques. Le taux d’emploi dans le bassin d’emploi est inférieur de 2 points à la moyenne régionale ; on est loin des objectifs de la stratégie de Lisbonne.

L’agriculture, qui représentait 11,1 % de la population active en 1975, en représente seulement 4,9 % en 2008. Sur la même période, l’industrie a baissé de 39,1 % à 18,9 % et le tertiaire a augmenté de 41,8 % à 69,4 %.

Le service public de l’emploi local (SPEL), rassemblant les acteurs sur le territoire, se réunit mensuellement sous la présidence du sous-préfet pour faire le point de la situation de l’emploi et prendre des initiatives concrètes. Il comporte Pôle Emploi, le Greta, la Direccte de l’Allier, la chambre de commerce et d’industrie (CCI), le conseil régional, la mission locale de l’emploi des jeunes, l’Afpa, rejoints par le développeur de l’apprentissage recruté par la CCI, la chambre des métiers, les représentants du comité d’expansion économique de l’Allier (CEEA), du conseil général, de l’organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) et aussi les représentants d’agences d’intérim.

Depuis la fusion, Pôle emploi dispose de deux sites dans le bassin d’emploi. Des permanences sont en outre effectuées dans les zones rurales, par conventions avec certaines communautés de communes pour des permanences de deux journées et demie par semaine.

b) Dans les communautés de communes du Haut Jura

La commune de Champagnole faisait l’objet de l’implantation d’un relais Pôle emploi au moment de la mission des rapporteurs sur le territoire. Avant cette installation, seules de rares permanences étaient organisées sur place. Le relais pourra traiter un bassin d’emploi présentant de fortes spécificités : base industrielle ancienne, services, zone frontalière avec la Suisse… Il s’occupe des inscriptions et de l’indemnisation ; un suivi mensuel personnalisé est proposé aux demandeurs d’emplois et des ateliers peuvent y être organisés. L’agence de Lons le Saunier est distante de 30 km, ce qui en zone de montagne n’est pas équivalent à 30 minutes ; c’est néanmoins là que se font la majorité des entretiens. La loi du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi dispose que « lorsque le demandeur d'emploi est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi depuis plus de six mois, est considérée comme raisonnable une offre d'emploi entraînant, à l'aller comme au retour, un temps de trajet en transport en commun, entre le domicile et le lieu de travail, d'une durée maximale d'une heure ou une distance à parcourir d'au plus trente kilomètres. »(48) Rappelons que le rapport présenté en 2009 par Mme Bernadette Malgorn au nom du groupe de travail sur l’insertion territoriale de Pôle emploi considérait « que les implantations territoriales devraient respecter les principes d’accessibilité, de qualité et de complémentarité, qui se déclinent de la façon suivante : 80 % des demandeurs d’emploi doivent pouvoir accéder en moins de 30 minutes par des moyens de transports usuels à une unité polyvalente (…) ».

Les élus rencontrés sur le territoire estiment qu’il faudrait développer la coopération entre la Direccte et Pôle emploi. Des liens plus structurés avec le département et la région gagneraient à être établis. Les constats étant établis, reste maintenant à développer des plans d’action.

c) Dans le grand sud-ouest amiénois

La déléguée de Pôle emploi en Picardie indique que la fusion de l’ANPE et des Assedic n’a pas supprimé d’implantations territoriales, conservant ainsi le maillage du territoire de la Somme. La fusion a au contraire apporté des services supplémentaires aux demandeurs d’emplois. Les psychologues de l’Afpa ont été intégrés dans la nouvelle structure. L’absence de Pôle emploi dans le sud du département est compensée par le développement de partenariats depuis septembre 2011. Il reste à mettre en œuvre la réforme en redéployant les effectifs chargés de la liquidation des prestations vers le conseil aux demandeurs d’emplois. Pôle emploi s’active à tisser des liens partenariaux avec les communes et les intercommunalités (missions locales de l’emploi des jeunes, maisons de l’emploi). Le portail Internet de Pôle emploi(49) permet d’accéder à toutes les offres d’emploi. Des modules de formation sont organisés avec les mairies. Un conseiller général fait remarquer que le projet de développement de la mobilité sur le territoire (avec la régie de transports) devrait aider les demandeurs d’emploi sans véhicules dans leurs démarches.

I.- L’ACCÈS À LA CULTURE ET AUX ÉQUIPEMENTS SPORTIFS

Le plan d’action du 11 mai 2010 en faveur des territoires ruraux entendait développer l’offre culturelle et améliorer les équipements sportifs dans les territoires ruraux.

L’animation culturelle dans les communes rurales prend aujourd’hui des formes multiples, selon le dynamisme des foyers ruraux ou des associations locales à vocation culturelle. La salle des fêtes, souvent polyvalente, est le lieu privilégié des rencontres et des événements. Sauf exception, elle ne permet pas d’accéder à distance aux infrastructures et aux manifestations culturelles et sportives des métropoles françaises ou étrangères.

Avec le numérique, les maires des plus petites communes rurales, avec l’aide des associations culturelles locales, ont désormais l’opportunité de proposer de nouvelles formes d’animation culturelle, intergénérationnelle et thématique. Il en est de même des petites salles de cinéma locales.

S’agissant de la pratique sportive, depuis plusieurs années, certains élus locaux s’inquiètent d’une fragilisation de l’offre en matière d’équipements sportifs dans les zones rurales. On constate parfois un fort éloignement entre le lieu d’habitation et les équipements sportifs (plus de 15 km entre les deux).

Le CIADT du 11 mai 2010 avait décidé :

– un dispositif de soutien à la numérisation des salles de cinéma indépendantes, mobilisant prioritairement les financements du Centre National du Cinéma (CNC) et du Grand emprunt ;

– pour permettre l’accès des communes rurales à des contenus culturels diffusés de façon numérique, le lancement d’un appel à manifestation d’intérêts pour identifier et labelliser les acteurs dans ce domaine ;

– le financement par les préfets, à titre d’expérimentation, de certains projets d’équipement numérique des salles des fêtes (à vocation intercommunales) par la dotation globale d’équipement (DGE) ;

– la modification des critères d’attribution des financements du Centre national pour le développement du sport (CNDS) pour les équipements sportifs, afin de mieux prendre en compte les spécificités des territoires ruraux.

Le ministère des sports a effectué trois enquêtes nationales récentes sur les bassins de natation (2009), les schémas directeurs des équipements sportifs (2010) et les territoires ruraux (2011). Ces études ont été faites à partir du recensement national des équipements sportifs, espaces et sites de pratique (RES). Le ministère des sports a effectué également en mai 2011 des diagnostics territoriaux approfondis (DTA) menés avec les collectivités territoriales et le mouvement sportif. À partir d’un état des lieux et d’un diagnostic, il entend produire des préconisations pour adapter l’offre sportive sur chaque territoire et corriger les inégalités d’accès à la pratique.

Le milieu rural français métropolitain bénéficie d’un bon taux d’équipements sportifs, mais la qualité et la diversité de ces équipements posent problème. C’est ce qui ressort de l’enquête sur l’offre d’équipements sportifs dans les territoires ruraux dont les conclusions ont été présentées le 23 novembre 2011 lors du Salon des maires.

Selon le zonage en aires urbaines et en aires d’emploi rural (ZAUER)(50), les communes rurales, qui représentent la moitié des communes et 60 % du territoire, regroupent 27 % des équipements sportifs. Un peu plus d’un tiers de ces communes sont dépourvues d’équipements. La moyenne nationale de 9,5 équipements par commune équipée descend en milieu rural à 5,7. A contrario, le ratio du nombre d’habitants par équipement fait apparaître une moyenne de 166 habitants par équipement en milieu rural, quand l’indice moyen pour l’ensemble du territoire est de 247. Mais plus de 85 % des 3 000 communes de moins de 100 habitants n’ont aucun équipement sportif.

S’agissant de l’accessibilité aux équipements, les bassins de natation et les salles spécialisées se situent à plus de 10 minutes pour 50 % des communes rurales ; les salles multisports sont à plus de 10 minutes pour 26 % des communes rurales. Les terrains de tennis, les grands terrains de jeux (football, rugby) et les salles non spécialisées se trouvent à moins de 10 minutes pour 90 % des communes rurales. L’étude met en lumière une qualité et une diversité d’équipements plus faible qu’en milieu urbain et périurbain, avec un taux d’équipement de seulement 20 % pour les équipements couverts. Les freins pour l’espace rural sont le déficit de jeunes de 15 à 24 ans. Mais l’espace rural dispose également d’atouts grâce à l’importance des sites de sports de nature qui viennent compléter l’offre.

Le ministre des sports David Douillet a déclaré en novembre 2011 au journal L’Équipe vouloir poursuivre les deux projets phares de son prédécesseur, à savoir une gouvernance partagée et équilibrée avec une « assemblée du sport » et l’aménagement du territoire avec la mise en place d’un « schéma de cohérence territoriale relatif à l’accès aux équipements sportifs ».

II.- L’OFFRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX

A.- ASSURER UNE OFFRE DE SANTÉ ÉQUILIBRÉE SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE

La question de l’accès aux soins apparaît comme la première attente des habitants des territoires ruraux en termes de services. Selon un sondage Viavoice pour le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), la santé est jugée prioritaire dans la campagne présidentielle pour 79 % des Français(51). La répartition des médecins « est une inquiétude prégnante », selon les auteurs de l'étude. Pour 87 % des Français, la répartition est inégale. 72 % d'entre eux disent que les déserts médicaux sont un argument de campagne auquel ils sont sensibles.

Au regard de la démographie médicale, les disparités entre les territoires sont effectivement très importantes. En effet, le taux de généralistes peut varier fortement d’une région à l’autre, de même que ceux des infirmiers libéraux, des kinésithérapeutes et des dentistes. On constate des variations de 1 à 8 pour les infirmiers libéraux, 1 à 4 pour les kinésithérapeutes et 1 à 4 pour les dentistes selon les territoires. Ce sont près de 2,5 millions de personnes qui vivent dans des zones touchées par la désertification médicale.

Les travaux réalisés dans le cadre du plan d’action du 11 mai 2010 en faveur des territoires ruraux ont montré qu’il fallait s’attendre à une baisse de 10 % du nombre de médecins (21 000 médecins de moins) à l’horizon 2025, en raison de départs à la retraite sans successeur. La densité médicale diminuerait de 15 % (de 336 médecins pour 100 000 habitants à 283 pour 100 000) d’ici à 2025.

Le renouvellement des médecins de campagne est donc prioritaire. 400 « contrats d’engagements de service public » étaient prévus par le plan d’action pour la période 2010-2012 en milieu rural. Ils devraient permettre d’attribuer une bourse de 1 200 euros par mois aux étudiants en médecine s’engageant à exercer en zone fragile pour une durée équivalente à celle de leurs études. Pour l’année scolaire 2010-2011, 146 contrats d’engagement de service public ont été conclus. En outre, l’accueil de ces médecins stagiaires sera facilité par la mise à disposition d’un logement privatif au sein des maisons de santé. Un guichet unique sous la responsabilité de l’ARS sera mis en place pour faciliter les démarches d’installation des jeunes médecins et autres professionnels de santé. À signaler également, l’expérimentation de nouveaux modes de rémunération pour les professionnels de santé libéraux est pilotée, pour sa part, par la direction de la sécurité sociale. Une deuxième vague a été lancée : 53 nouveaux sites ont été retenus, ce qui porte à 109 le nombre total de sites expérimentateurs dans 19 régions.

Le numerus clausus des étudiants en médecine a doublé entre 1999 et aujourd’hui. En 2011- 2012, il a été fixé à 7 500 le 8 décembre 2011 par décision conjointe des ministres en charge de la santé et de l’enseignement supérieur.

M. Gérard Pelhate, président de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) auditionné le 17 mai 2011, indiquait au groupe de travail du CEC : « quant aux mesures incitatives comme la majoration de 20 % des honoraires dans les zones de désertification médicale, elles coûtent très cher pour un résultat, à tout le moins mitigé. Très peu de nouvelles installations s’en sont suivies. Cela n’a fait qu’améliorer le revenu des médecins déjà en place, qui se sont certes peut-être investis davantage et ont pu mieux s’organiser, ce qui leur a libéré du temps à consacrer aux patients. Si ce type de mesure est maintenu, il faudrait au moins éviter les effets d’aubaine. (…)

Pour accroître l’offre de soins dans les territoires ruraux, il y a bien sûr les contrats d’engagement de service public pour les étudiants de médecine. Ces contrats n’ont toutefois pas suscité d’engouement. Au-delà des mesures incitatives, indispensables, il faut rechercher une meilleure répartition des tâches entre professionnels de santé, prévoir aussi certaines délégations de tâches, et sans doute ne pourra-t-on faire l’économie de quelques mesures coercitives. (…)

On constate par ailleurs, une enquête l’a confirmé, que les médecins s’installent soit là où ils ont fait leurs études, soit dans des endroits qu’ils connaissent déjà. Il ne faut pas rêver, on ne fera pas facilement s’installer le fils ou la fille d’un médecin de grande métropole dans une zone rurale sous dotée ! »

La question est débattue de savoir si l’on peut se contenter de politiques incitatives pour attirer les médecins dans les zones rurales, ou au contraire s’il ne faudrait pas imposer des mesures plus contraignantes, par exemple des règles de conventionnement des professionnels conditionnelles. Elle ne fait pas l’objet d’un consensus au sein des élus. On constate que souvent, malgré les études payées, la garantie de revenus (sécurité sociale) et différentes aides à l’installation (prime, loyer payé, maisons de santé…), des territoires peinent à assurer la relève des médecins partant à la retraite. D’un autre côté, les médecins libéraux sont très attachés à la liberté d’installation. Un document de travail des services du Sénat indique que cinq pays (l’Allemagne, l’Autriche, l’Angleterre, la Suisse et le Québec) restreignent la liberté d’installation des médecins conventionnés(52). La Belgique limite le nombre annuel des nouveaux médecins conventionnés ; le Québec a multiplié les mesures d’incitation à l’installation dans les régions sous-médicalisées. L’étude conclut qu’« aucun des dispositifs mis en place pour améliorer la répartition géographique n’a permis de résoudre la totalité des problèmes. Du reste, plusieurs pays envisagent de modifier le leur. »

En tout état de cause, pour la France, différents types d’aides financières ou dispositifs incitatifs ont été mis en place afin de faciliter l’installation ou le maintien des professionnels de santé dans certains territoires sous-dotés, en particulier les zones rurales déficitaires en offre de soins.

Souvent cumulables entre elles, ces aides sont financées par la sécurité sociale, par l'État ou par les collectivités territoriales(53). Il peut s’agir d’exonérations fiscales ou sociales (54), d’aides aux étudiants, d’aides au remplacement (55) ou encore d’aides à l’installation ou au maintien des professionnels de santé : par exemple, les aides à l’installation accordées par le Fonds d'intervention pour la qualité et de la coordination des soins (Fiqcs) ou l’attribution d’une rémunération forfaitaire annuelle, sous réserve d’un exercice en groupe et pour une durée de trois ans minimum dans une zone déficitaire, comme cela était prévu par l’avenant n° 20 à la convention médicale conclue en 2005 (56) (dispositif évoqué supra par M. Gérard Pelhate).

Ces mesures sont désormais complétées par celles issues de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « HPST ») telle que modifiée par la loi du 10 août 2011(57), qui place l’accès aux soins au premier rang de ses priorités. Dans cette perspective, il s’agit d’inciter les médecins à exercer dans les territoires déficitaires, que ce soit ponctuellement ou dans la durée, mais aussi d’améliorer leurs conditions de travail. La loi « HPST », qui « est également un projet de loi d’aménagement du territoire », comme l’avait souligné lors des débats Mme Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la Santé (58), comporte ainsi plusieurs dispositions visant à corriger les déséquilibres territoriaux dans la répartition des professionnels de santé, à travers principalement :

– la mise en place de bourses pour les étudiants en médecine, en contrepartie d’un engagement à s’installer ensuite dans les territoires déficitaires, dans le cadre des contrats d’engagement de service public (cf. supra) ;

– la réorganisation des études médicales et l’adaptation du nombre d’internes formés dans chaque université aux besoins des régions (dispositif de « filiarisation ») ; il convient à cet égard de rappeler que 70 % des médecins s’installent dans la région où ils ont fait leurs études ;

– le développement de la coopération entre professionnels de santé, facilitée au niveau local, sur la base du volontariat ;

– la possibilité pour les médecins d’apporter leur aide à leurs confrères exerçant dans des zones déficitaires en offre de soins, dans le cadre de l’option « Santé solidarité territoriale » , prévue par la nouvelle convention conclue entre l’Assurance maladie et les représentants des médecins, en juillet 2011 ;

– la création d'un volet ambulatoire dans le schéma régional de l'organisation des soins (SROS), qui doit préciser, par territoire de santé, les besoins en implantations pour l’exercice des soins de premier et de second recours, principalement les besoins en professionnels, pôles, maisons et centres de santé, dans le respect de la liberté d’installation (ce volet n’étant pas opposable aux professionnels de santé), et identifier les zones déficitaires en offre de soins, dans lesquelles doivent être mises en œuvre des mesures destinées à favoriser une meilleure répartition géographique de l’offre de soins ;

– enfin, plusieurs dispositions visant à améliorer la coordination des soins et le pilotage au niveau local, en particulier dans le cadre des agences régionales de santé (ARS) ou encore de divers outils de coopérations entre professionnels et structures de santé(59).

La notion de médecine générale de premier recours a également été introduite par la loi « HPST » : entrée dans le système de soins, suivi et coordination du parcours de soins, relais des politiques de santé publique en matière de dépistage, de prévention ou d’éducation thérapeutique. Il s’agit d’apporter aux patients une réponse à leurs demandes de soins, de nuit mais aussi de jour, de faciliter la coordination des soins et la prise en charge, entre médecins de premier et de second recours, entre professionnels de santé médicaux et paramédicaux, ainsi qu’entre médecine de ville et hôpital. La partie ambulatoire des schémas régionaux d’organisation des soins (SROS), créés par la loi « HPST », doit permettre de répondre à ces objectifs. Les ARS devaient initialement avoir bouclé ces schémas en 2011. Fin mars, le ministre leur a fait savoir que si elles avaient besoin de plus de temps, en particulier pour approfondir la concertation avec les professionnels, l’échéance pouvait être repoussée jusqu’à fin 2012.

Comme l’illustre le tableau récapitulatif présenté en annexe n° 3, il existe ainsi une multiplicité d’aides financières incitatives, dont la Cour des comptes considère, dans un rapport récent(60), qu’elles sont « très peu connues des intéressés et loin d’être toutes évaluées » et « quand elles le sont, elles se révèlent inefficaces, car ne répondant pas aux freins à l’exercice en zone démédicalisée exprimés par les médecins », en particulier l’isolement. En revanche, « les mesures organisationnelles », concernant l’adaptation de l’organisation des soins, par exemple dans le cadre des maisons de santé pluridisciplinaires, ainsi que la coopération entre professionnels de santé, recèlent « des potentialités encore peu exploitées », selon la Cour, qui souligne également « les aspirations des jeunes médecins que ce soit en termes d’exercice professionnel (rejet d’une pratique isolée) ou en termes de contraintes », concernant notamment les horaires.

En effet, les rapporteurs ont fait le constat que l’exercice de la médecine de façon isolée n’était plus adapté aux conditions prévalant dans les territoires ruraux. Cette constatation vaut tant pour les médecins que pour les autres professions paramédicales ou les hôpitaux. Les jeunes médecins sont demandeurs d’un exercice de leur profession groupé, pour partager les contraintes horaires, notamment les gardes le week-end. L’exercice de la médecine pourrait devenir mixte, salarié et libéral (par exemple un praticien hospitalier qui conserve une activité libérale). L’exercice pluridisciplinaire et regroupé des professionnels de santé peut par exemple avoir lieu dans le cadre des maisons de santé, des pôles de santé(61), des réseaux ou des centres de santé(62).

En particulier, les maisons de santé, qui permettent de réunir en un même lieu des professions différentes et complémentaires (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, dentistes), constituent une réponse de plus en plus fréquente aux besoins des populations et aux évolutions des modes d’exercice des professions médicales. Elles contribuent en outre à améliorer la qualité des soins, en facilitant une prise en charge coordonnée des patients.

L’objectif de 250 nouvelles maisons de santé, acté par le plan d’action du 11 mai 2010, est doté de 25 millions d’euros par an sur trois ans à cet effet avec des financements du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) et des financements locaux, notamment la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Un comité régional de sélection des projets associe l’ARS et les préfets, en concertation avec le conseil régional, les conseils généraux et les représentants des professionnels. Pour sa première année d’application, les objectifs du plan sont déjà dépassés avec quelque 400 projets de création. Tous n’aboutiront cependant pas et, au final, le Gouvernement estime que l’on devrait atteindre l’objectif de 250.

Le travail en réseau de tous les intervenants médicaux et paramédicaux d’un territoire est un mode d’exercice permettant d’offrir un cadre attractif pour les praticiens et une synergie redonnant du sens à chaque maillon du réseau. Le raisonnement peut être étendu aux services sociaux, comme il sera expliqué ci-après. Dans ce cadre nouveau, le déploiement d’un dossier médical personnel (DMP) consultable par toutes les personnes habilitées, sera d’une grande utilité. Un tel dossier pourrait être partagé avec un accès à domicile (pour les infirmiers de passage) et un accès à l’hôpital de proximité, au bénéfice des différents services de l’hôpital.

Se pose concrètement le problème de la délégation de compétences dans les cabinets médicaux : comment financer les actes des infirmiers, des assistants, quand ils viennent en aide aux médecins ? On s’oriente également vers la limitation des déplacements des médecins, pour éviter le temps de transport. Il s’agit d’un autre mode d’exercice de la médecine qui pourrait diviser par deux ou trois la densité du travail des médecins.

Il ressort des déplacements des rapporteurs qu’une mobilisation animée par un ou des élus porteurs, autour d’un projet de santé et de services sociaux sur le territoire, permettait de créer une dynamique propre à éviter le cercle vicieux de la désertification médicale. Il en est ainsi avec le pôle d’excellence rurale (PER) constitué dans le grand sud-ouest amiénois (médecins et professions paramédicales, établissement public intercommunal de santé, trois communautés de communes) ; a contrario les communautés de communes du Haut Jura (isolement de l’hôpital de Champagnole) et le pays de la vallée de Montluçon et du Cher (démographie médicale défavorable et question du positionnement de l’hôpital par rapport aux autres établissements hospitaliers) connaissent des difficultés. Il importe de créer les regroupements adéquats (entre intercommunalités) et tissant des partenariats avec tous les acteurs médico-sociaux. Les rapporteurs incitent les élus locaux à s’emparer du domaine d’action de la santé, bien sûr en raison de la démographie médicale défavorable, mais tout autant pour améliorer la qualité de vie des citoyens dans le contexte rural où l’état de santé est plutôt déficient.

B.- LES SERVICES SOCIAUX SONT COMPLÉMENTAIRES DES SERVICES DE SANTÉ

Non seulement les services à la personne sont nécessaires au monde rural, mais ils sont d’une grande importance économique. Les services à la personne constituent un secteur économique très récent, qui pèse 17,6 milliards d’euros, soit 1 % du PIB, et représente 2 millions de salariés pour 849 000 équivalents temps plein et 1,4 milliard d’heures travaillées. Ils recouvrent traditionnellement trois types d’activités : les activités ménagères, familiales et d’entretien du domicile, la garde d’enfants à domicile et, enfin, l’assistance et l’aide au maintien à domicile des personnes âgées et handicapées. L’ADMR(63) est le principal réseau de services à la personne et à domicile.

Malgré une forte croissance dans ce secteur économique du nombre des entreprises et des associations au cours des dernières années, celui-ci reste massivement dominé par l’emploi direct. En effet, sur les 2 millions de salariés qu’il compte, 1,7 million sont recrutés directement par les particuliers, avec ou sans chèque emploi service universel (Cesu). Les entreprises et associations ne représentent que 14 % des salariés du secteur et 18 % des heures travaillées.

Trois dispositifs de chèques emploi service universel (Cesu) coexistent ; pour les particuliers, « ressources humaines » (préfinancés par les entreprises et administrations) et sociaux (préfinancés par les collectivités publiques). L’intérêt du Cesu est évident : si un salarié reçoit une somme d’argent sous cette forme, il le dépensera sur place et cela profitera directement à l’emploi de proximité. Pour limiter les frais d’émission, des commandes groupées sont par ailleurs possibles entre entreprises ou administrations.

S’agissant des modes d’accueil et de garde adaptés pour la petite enfance, on comptabilise 39 places d’accueil pour 100 enfants dans les départements les plus ruraux (contre 50 au niveau national). Les territoires ruraux connaissent pourtant un regain démographique. Par ailleurs, le taux d’activité des femmes dans les territoires ruraux a augmenté fortement, comme sur l’ensemble du territoire. 14 des 15 départements les plus ruraux connaissent ainsi un taux d’activité des femmes de 15 à 64 ans supérieur ou égal à la moyenne nationale (66 % en 2006). Les zones rurales sont moins bien dotées en offre de garde collective. En moyenne nationale sur l’ensemble du territoire, les assistantes maternelles (64) assurent 63 % de l’offre d’accueil des jeunes enfants. Or, cette proportion s’élève à 87 % en milieu rural.

Par ailleurs, s’agissant des personnes âgées, dans un contexte général de vieillissement de la population, leur nombre en milieu rural est plus important qu’en moyenne nationale. Le problème de la dépendance est devenu un enjeu majeur. Le taux de personnes âgées dépasse ainsi 50 % dans un grand nombre de départements ruraux. De nombreuses personnes âgées qui demeurent en milieu rural, à l’exception des zones côtières, disposent en moyenne d’un niveau de revenu modeste. On constate, dans beaucoup de territoires ruraux, un taux de bénéficiaires du minimum vieillesse supérieur à 7 % (4,2 % au niveau national).

L’analyse des répercussions du vieillissement sur le logement met en évidence combien il est indispensable de favoriser le vivre chez-soi, qui contribue à maintenir les aînés dans les territoires ruraux, plutôt que de chercher à les regrouper dans des établissements spécialisés et de risquer ainsi de les éloigner des lieux de vie habituels. Ce maintien à domicile est particulièrement adapté aux besoins des personnes âgées dont l’état de santé ne requiert pas de prise en charge lourde. Le développement des NTIC permet par exemple la constitution de centres d’appel (chargés de composer les numéros de téléphone pour les personnes âgées) et l’installation de capteurs d’alerte (en cas d’immobilité ou de chute).

Lors des auditions menées à Paris au cours du printemps 2011, les rapporteurs ont eu la surprise de découvrir l’existence de dispositifs inconnus dans les territoires : délégué territorial de l’Agence nationale des services à la personne (ANSP), voisins d’assistance rémunérés, maisons d’accueil rurales pour personnes âgées (Marpa)... Ils renvoient à leur recommandation précédente sur une meilleure information relative aux dispositifs publics en vigueur.

Compte tenu du coût de l’hébergement en maison de retraite, des solutions alternatives sont recherchées : les « voisins d’assistance rémunérés » (VAR) et les « maisons d’accueil rurales pour personnes âgées » (Marpa), sur le modèle des gîtes ruraux ou auberges à la ferme. Les Marpa relèvent de la compétence du ministère des solidarités. Il semble qu’elles soient, en termes de rentabilité administrative, plus lourdes à mettre en place qu’une maison de retraite ou un service de maintien à domicile. Les Marpa sont des structures familiales, qui accueillent de une à cinq personnes âgées. Une solution à taille humaine donc, mais qui soulève de nombreux problèmes : les personnes âgées doivent avoir chacune une chambre où elles puissent être autonomes ; les accueillants doivent posséder les compétences appropriées ; il faut résoudre le cas des personnes qui sont arrivées à peu près autonomes et dont l’état de santé se détériore.

Une des questions que les services sociaux ont à résoudre est le choix entre bénévolat, avec le service civique, les voisins, les associations etc. et la professionnalisation. Pour le premier, le coût est réduit mais il pose des problèmes de précarité, de fiabilité et de renouvellement des intervenants âgés qui vont bientôt arrêter leur activité ; le deuxième offre des avantages en termes de statut, de mensualisation des revenus, de formation, de permanence et de remplacements, au prix d’un coût plus élevé, notamment en matière de validation des acquis de l’expérience (VAE), avec la revalorisation de rémunération consécutive. Sans doute un juste équilibre est-il à chercher. Des élus rencontrés par les rapporteurs ont par exemple proposé de mobiliser des jeunes en service civique, qui sont mobiles et susceptibles de rendre des services de toute nature aux personnes âgées.

Un problème apparu lors des auditions menées par les rapporteurs est celui de la concurrence que les entreprises feraient aux associations intervenant en matière sociale à la suite de la loi « Borloo » du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. On constate une insuffisance de la présence de centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS / CIAS) en milieu rural par rapport aux zones urbaines. Les rôles respectifs des municipalités et des associations en matière sociale sont complémentaires : la constitution de partenariats est nécessaire.

Les principaux champs d’intervention des CCAS et CIAS sont la lutte contre l’exclusion et la précarité, l’aide à domicile, la prévention, l’animation et la gestion d’établissements d’hébergement pour personnes âgées, le soutien au logement et la petite enfance. Les CCAS représentent un budget consolidé de 2,5 milliards d’euros et emploient plus de 110 000 personnes.

Les rapporteurs ont constaté dans leurs missions dans les territoires qu’il existait un continuum entre santé et social. La population des zones rurales comporte une proportion plus importante de personnes âgées, qui pose le problème de la dépendance. Face au coût du placement en maison spécialisée et aux inconvénients que cela représente en termes de déracinement et d’inconfort, il convient de favoriser tous les services sociaux ou médico-sociaux permettant aux personnes de rester le plus longtemps possible chez elles. C’est la problématique de l’hospitalisation à domicile (HAD) et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), mais aussi de tous les services à la personne utiles pour les personnes âgées (portage de repas, aide ménagère…).

Mme Évelyne Sylvain, directrice des établissements et services médico-sociaux de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), indiquait lors de son audition par le Groupe de travail du CEC le 17 mai 2011 : « le secteur médico-social est en pleine mutation depuis une vingtaine d’années. Ses activités se sont beaucoup diversifiées cette dernière décennie, avec de plus en plus de services. Le code de l’action sociale et des familles lui assigne pour objectif premier de promouvoir l’autonomie et la protection des personnes au quotidien. Pour cela, tout un ensemble de soins d’entretien et d’accompagnement doivent être prodigués, de plus en plus souvent à domicile. Il n’y a pas d’un côté le secteur des soins, techniques ou urgents, de l’autre, le secteur médico-social. Tout l’enjeu est d’en organiser la complémentarité et de structurer l’offre sur le territoire. Comme le souhaitent les personnes en perte d’autonomie et leurs aidants, il s’agit d’apporter des réponses en continuité pour soutenir les parcours de soins et de vie de chaque personne. Voilà ce qui nous guide dans le choix des priorités et des leviers d’action. »

À cet égard, la loi « HSPT » comporte des avancées significatives en termes de décloisonnement du système de santé et de renforcement de la coordination entre les politiques relatives à l’offre de soins, stricto sensu, et le secteur médico-social, à travers notamment :

– la réforme de la gouvernance territoriale du système de santé, intervenue avec la création des agences régionales de santé (ARS), qui sont dotées d’un large champ de compétences intégrant les différents secteurs du champ de la santé : la prévention, l’hôpital, les soins de ville, la veille et la sécurité sanitaire ainsi que le secteur médico-social ;

– la réforme de la planification régionale de la politique de santé, en substituant aux différents outils de planification un « projet régional de santé » (PRS), qui doit définir les objectifs pluriannuels des actions de l’ARS dans ses domaines de compétences, ainsi que les mesures tendant à les atteindre. Le PRS est constitué d’un plan stratégique régional de santé, de trois schémas sectoriels de mise en œuvre en matière de prévention, d’organisation de soins (ou « Sros-PRS ») et d’organisation médico-sociale, et de programmes déclinant les modalités spécifiques d'application de ces schémas. Cette programmation peut prendre la forme de programmes territoriaux de santé pouvant donner lieu à des contrats locaux de santé.

La loi « HPST » a, de son côté, prévu que la mise en œuvre du PRS peut faire l'objet de contrats locaux de santé (CLS) conclus par l’ARS avec notamment les collectivités territoriales et leurs groupements, et « portant sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l'accompagnement médico-social ». Ces nouveaux outils de développement local doivent permettre de coordonner l’action publique de l’ARS et des collectivités, au service de l’amélioration de l’état de santé des populations, ainsi que de favoriser et de consolider des dynamiques locales de santé sur des territoires.

Toutefois, parallèlement à la mise en place de nouveaux outils et aides diverses, il importe de veiller à assurer l’information de l’ensemble des acteurs et bénéficiaires potentiellement concernés, et d’apporter un appui technique aux porteurs de projet, en particulier les collectivités territoriales. À cet égard, il est intéressant de noter qu’un rapport récent de la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat (65) préconise de nommer, au sein de chaque ARS, ou éventuellement de chaque conseil régional de l’Ordre des médecins, un professionnel de l’ingénierie de projet chargé d’accompagner les particuliers et les collectivités territoriales porteurs d’un projet de santé.

C.- L’OFFRE DE SOINS EST LA PRIORITÉ NUMÉRO UN DES TERRITOIRES RURAUX

1.- Dans le pays de la vallée de Montluçon et du Cher

Le territoire a la particularité d’être à cheval sur trois départements de trois régions différentes : Allier (Auvergne), Creuse (Limousin) et Cher (Centre). Le bassin de santé intermédiaire de Montluçon est un bassin mixte rural et urbain comprenant 11 bassins de santé de proximité. Ce territoire est marqué par une population vieillissante avec un taux de personnes isolées très élevé. L’Allier continue à perdre des habitants. Le solde migratoire du bassin de santé est cependant positif depuis 2007. Les taux de mortalité générale et prématurée (avant 65 ans) sont supérieurs à la moyenne nationale. Ce territoire présente au surplus une fragilité socio-économique : près de 20 % de la population vit avec un bas revenu, soit 4 points de plus que la moyenne régionale. Il en résulte une situation de précarité où les gens ne se soignent pas et finissent par aboutir aux urgences avec des pathologies graves.

À l’exception des médecins généralistes à la densité légèrement supérieure, l’offre de soins de premier recours y apparaît en deçà de celle de la région. La part élevée des professionnels de 55 ans et plus (58 %) laisse supposer des difficultés à venir, conjuguée avec un défaut d’attractivité du territoire. Ainsi, le nombre de cardiologues vient de passer de 6 à 5, alors qu’il en faudrait 15 pour atteindre la moyenne nationale par rapport au nombre d’habitants ; l’absence de plateau technique de cardiologie interventionnelle (coronographie) dans les deux centres hospitaliers (le centre hospitalier public et la clinique privée) en est en partie la cause. Si on ne fait rien, s’annonce une grave pénurie de médecins dans 5 ans, dans 10 ans. La pénurie de médecins entraînant celle d’infirmiers libéraux, les patients iront in fine aux urgences.

Depuis 2006 le conseil général aide à l’accueil des médecins. Il a contractualisé avec 18 étudiants médecins pour une somme de 38 400 euros sur 3 ans ; 2 médecins se sont désisté et ont remboursé le montant des aides perçues. Les médecins s’engagent à s’installer au moins 6 ans dans une zone déficitaire. Le conseil général participe également au financement des maisons de santé pluridisciplinaires. L’ouverture récente d’une maison de santé a coûté 1 million d’euros, financés à 80 % par des subventions et à 20 % par des prêts qui sont répercutés sur les médecins.

Le territoire dispose d’une organisation de la permanence des soins en milieu rural, appuyée sur une association depuis 1986, avec médecins de garde et médecin régulateur, en lien avec le Samu. Se pose le problème de la visite, car pendant que le médecin se déplace il ne soigne pas. Mais s’il ne se déplace pas, qui prendra en charge le coût du transport des patients ?

Un élu président d’une communauté de communes, rencontré lors du déplacement des rapporteurs, estime que, sans obligation d’installation, les coûts liés aux actions visant à attirer les praticiens médicaux sont trop importants pour les collectivités. Un conseiller général estime que l’arrivée de nouveaux praticiens de santé sera le résultat d’un processus global d’attractivité en termes d’emploi pour les conjoints, d’accueil de la petite enfance, d’écoles et de collèges, de culture etc. Il s’agit d’un projet de vie global de la famille. Les jeunes médecins sont majoritairement des femmes, mariées à des cadres supérieurs. L’intérêt financier des médecins est de travailler en libéral pendant les 15 premières années, puis en salarié ensuite. Il faut donc définir des formes de complémentarité et de partenariat.

Dans les CHU, la médecine générale est très dépréciée par rapport aux spécialités. Le mode d’enseignement privilégie les QCM à apprendre par cœur, au détriment des formations pratiques. Une proposition pourrait consister à favoriser, au cours de la formation, des stages dans des cabinets libéraux des zones rurales déficitaires.

Montluçon dispose de deux centres hospitaliers, l’un public, l’autre privé. Les deux établissements subissent un problème de démographie médicale par manque d’attractivité, alors qu’ils ont effectué récemment l’un et l’autre des investissements lourds en plateaux techniques. Endettement et coût d’amortissement de ces équipements grèvent lourdement les budgets. Il s’agit maintenant d’éviter les doublons entre les deux établissements. Le service des urgences de chaque établissement permet d’alimenter en patients les autres services, et son maintien est une nécessité. Une des pistes de recherche serait d’établir un partenariat des deux établissements avec le CHU de Clermont-Ferrand, pour attirer des praticiens sur la base d’un mode d’exercice mixte, salarié et libéral. Chez les patients aussi on peut craindre un défaut d’attractivité des deux centres hospitaliers de Montluçon, au profit du centre de Clermont-Ferrand, voire celui de Moulins ou de Vichy.

L’ARS travaille actuellement sur la complémentarité à trouver entre l’hôpital et la clinique. La situation actuelle de concurrence n’est pas tenable. L’apaisement des relations entre les deux centres hospitaliers améliorera l’attractivité. Il faut regarder vers la mise en commun des plateaux techniques par rapport au bassin de population et des gardes par spécialité. Avec une telle coopération, on peut construire un projet, une image. La concurrence entraîne des fuites. Un contrat local de santé est en cours de préparation entre l’ARS et les collectivités territoriales.

La question du dossier médical personnel (DMP) informatisé a été largement débattue. Celui-ci permettrait un lien entre les différents médecins intervenant pour une même personne. Mais ce dossier se heurte jusqu’à présent au problème de la préservation de la confidentialité et, au-delà, à un problème culturel. Ce projet nécessite par ailleurs une infrastructure en Internet haut débit pour pouvoir transmettre l’information. Or, actuellement chaque acteur médical développe son propre système incompatible avec celui des autres.

Le territoire dispose d’un taux d’équipement en hébergement permanent pour personnes dépendantes nettement plus faible que celui de la région. Il compte 300 lits en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), avec des pathologies très graves : Alzheimer, démence, polypathologies. Ils nécessitent une offre de soins très large. Dans les Ehpad chaque patient choisit ses praticiens (médecin, kiné…). L’impossibilité de recruter certains médecins spécialistes oblige souvent à envoyer les patients dans les centres hospitaliers, ce qui est traumatisant pour eux.

2.- Dans le grand sud-ouest amiénois

Le territoire comporte 40 000 habitants sur trois communautés de communes et cinq cantons. Il est caractérisé par une population vieillissante connaissant de nombreux problèmes de santé.

Le projet de santé du territoire est issu de la crainte de voir disparaître les médecins au fur et à mesure de leur départ à la retraite. La création d’un établissement public intercommunal de santé Sud Ouest Somme (Epissos) a permis la fusion de trois Ehpad, d’un établissement et service d’aide par le travail (Esat) et d’un foyer de vie : en tout 700 lits et places. Un autre Esat et un autre Ehpad pourraient se joindre au regroupement. Celui-ci a permis de concentrer la gouvernance sur un seul conseil de surveillance de 11 membres au lieu de 5 conseils d’administration. Une association chapeau, « Innovation santé autonomie » (ISA), a été constituée pour fédérer l’Epissos, les trois communautés de communes et l’association Isamed (Innovation santé autonomie médecins). Cette dernière regroupe 70 professionnels de santé (médecins, professions paramédicales) : elle leur permet de se connaître, de travailler ensemble, dans une bonne dynamique. D’autres associations d’usagers (Alzheimer, aînés…) participent au projet. Tous ont accepté volontairement de travailler ensemble, sans contrainte. Le travail en réseau est érigé en principe.

Le modèle du médecin rural traditionnel travaillant 70 heures par semaine, 7 jours sur 7 et 365 jours par an ne sera pas perpétué. Le médecin actuel ne veut pas subir une telle situation de prescripteur, il veut être un vrai acteur de politique de santé sur le territoire. On constate une aspiration majoritaire des jeunes médecins à préférer le salariat (mutuelles, médecine du travail, praticiens hospitaliers, centres de santé…) à l’exercice libéral. Le choix de l’implantation est souvent dicté par le confort de vie, la proximité d’établissements scolaires et de crèches. En général, les étudiants en médecine ne sont pas intéressés par une rémunération supérieure dans leurs choix d’implantation.

L’organisation en cabinet permet de répartir les gardes. Les médecins ne veulent plus exercer seuls leur profession, ils préfèrent un mode d’exercice groupé, par exemple en maisons de santé pluridisciplinaires ou en pôles de santé. Cela permet un travail en équipe sur un territoire, avec la possibilité de déléguer certaines tâches à des infirmiers ou secrétaires.

Il faut donc s’appuyer sur les médecins existants avant qu’ils ne partent en retraite pour recruter des successeurs, par exemple en prenant des stagiaires. Il est possible de rendre attractif le métier de médecin avec un vrai projet de santé. On estime que moins d’un médecin sur dix formé à la faculté de médecine d’Amiens exercera en libéral. En repensant la manière d’exercer la médecine, il s’agit d’offrir aux médecins les modalités modernes d’exercice de leur métier en rendant leur travail intéressant. Sont en projet la création de trois maisons de santé : une première a vu le jour à Poix, une deuxième est en cours de création à Oisemont. Un travail est engagé sur un dossier médico-social unique ; son intérêt est de permettre une traçabilité de ce qu’on fait pour un patient, rendant ainsi le travail des praticiens plus suivi et plus efficace.

Le projet de santé du territoire utilise plusieurs des outils de la loi « HPST », quelquefois avant même son adoption : développement de coopérations à l’intérieur et entre les territoires, regroupement sous la forme d’un établissement public, dispositifs visant à favoriser l’exercice regroupé et les coopérations entre professionnels de santé, contrat local de santé (CLS)... L’utilisation de ces outils a fait l’objet d’un large accord entre les différents élus.

En particulier, le pôle d’excellence rurale (PER) a permis de mobiliser plus de 1,5 millions d’euros de subvention de l’État. Il a amené les différentes communautés de communes qui s’ignoraient à coopérer, évitant ainsi le dispersement des moyens et des actions. Au-delà des dissensions politiques, le projet a poussé les acteurs à se rencontrer. Avant, chacun faisait bien son travail, mais seul. Le PER a permis le développement du maintien à domicile avec le partenariat des communautés de communes. Prenant appui sur le financement des investissements par le PER, le territoire va conclure avec l’ARS un contrat local de santé (CLS), qui complètera les financements en matière de fonctionnement.

Plusieurs intervenants ont souligné l’importance de l’hospitalisation à domicile (HAD) et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) : il est plus difficile de supporter à domicile des soins palliatifs dans la ruralité qu’en ville. C’est une vraie inégalité. La possibilité de mourir chez soi est un souhait très fort. Il faudrait étudier la possibilité de délégation de certains actes à des personnes bien formées dans le cadre d’un travail d’équipe. Les métiers du maintien à domicile permettent, avec par exemple le portage de repas, de retarder les admissions en Ehpad, une des causes de placement étant la malnutrition.

Le président de l’Epissos indique qu’il resterait encore à initier des projets innovants (bien vieillir à domicile, services de soins de suite et de réadaptation - SSSR, adaptation du logement, utilisation des NTIC pour s’assurer de l’état de santé et éviter l’isolement social…). En outre, malgré la loi « HPST » et les plans régionaux de santé, les différentes politiques publiques fonctionnent encore trop souvent en « tuyaux d’orgue ».

Le territoire a le projet de donner une dimension mobilité au projet de santé. Le constat est qu’au-delà de 60 ans, et encore plus après 75 ans, les gens éprouvent des difficultés à utiliser leur propre véhicule. Les trois communautés de communes étudient la possibilité de mettre en place une plateforme de mobilité, articulée avec les gares SNCF. Le projet porte sur la mise en place de transport à la demande, avec covoiturage et prêt de véhicules pour les jeunes en difficulté ou les chômeurs. Il porte aussi sur la création d’une régie de transport, intégrant le transport scolaire et non scolaire. L’idée serait de créer un système de transport par autocar à la demande avec réservation la veille. Les autocars de transport scolaire seraient utilisés à cette fin aux heures où ils sont inoccupés. Le projet ne créerait pas une concurrence déloyale aux taxis et aux ambulances, qui se maintiendront.

3.- Dans le canton de Domme

• L’offre de soins

Le centre hospitalier de Domme couvre un bassin de santé d’environ 20 000 habitants. Employant 30 personnes, il dispose de 10 lits de médecine, d’une place de médecine de jour et de 21 lits de rééducation. Son plateau technique comporte un thérapeute, un bassin de piscine, un orthophoniste, un ergothérapeute et une assistante sociale. L’hôpital éprouve de grandes difficultés à recruter du personnel technique. Il effectue un effort important pour spécialiser le personnel par une formation tout au long de la vie : soins palliatifs (avec un praticien hospitalier à temps plein, en permanence au moins 5 patients soignés), traitement de la douleur (infirmière et médecin), escarres, plaies et cicatrisation (de plus en plus abandonnées par les centres hospitaliers), diététique et gérontologie (en association avec une psychologue qui vient de Périgueux tous les 15 jours), hygiène… L’hôpital est classé premier de France pour la lutte contre les maladies nosocomiales, ce qui montre qu’à force de volontés locales, il est possible, en milieu rural, de travailler avec un haut niveau d’exigence en termes de qualité.

L’hôpital ne pratique pas d’hospitalisation à domicile (HAD). Il ne peut s’engager dans la pratique des soins de suite et de réadaptation (SSR) car il faudrait pour cela des bâtiments adaptés séparés ; en conséquence, les patients sont envoyés à Bergerac ou Périgueux.

Le principe de tarification à l’activité (T2A) présente un risque de déviance où l’on ne traite que les patients ou les affections qui génèrent le plus de recettes. L’hôpital prévoit un besoin de financement de 300 000 euros en 2012. Il manque cependant dans l’hôpital des dispositifs relatifs au maintien à domicile et aux soins de proximité pour qu’un contrat local de santé (CLS) soit signé avec l’ARS.

Les cantons de Domme, Saint Cyprien et Carlux ont chacun entre cinq et sept médecins, dont aucun n’est proche de l’âge de la retraite. Il n’y a pas non plus de problème de démographie médicale pour ce qui concerne les infirmiers. La raison en est l’attractivité du territoire et sa qualité de vie. La ruralité n’est pas un obstacle, sauf pour un praticien qui a des enfants, et qui s’est installé le plus près possible de la ville de Sarlat, pour profiter de ses écoles et de son lycée. L’hôpital travaille avec cinq médecins libéraux du canton et avec un pneumologue qui vient de Sarlat. Il essaie de traiter ce que les autres hôpitaux refusent de faire (soins d’escarres très coûteux…) pour gagner en attractivité. Les cas croissants de dépendance lourde avec polypathologies pourraient générer de l’activité au sein de l’hôpital, mais les services ne sont pas préparés et les financements manquent. L’hôpital essaie de travailler sur la fibromyalgie pour générer de l’activité. Il pourrait s’intéresser au traitement des addictions (alcool, drogue, médicaments), mais les médecins libéraux y sont opposés au motif que cela doit provenir d’une demande des patients. Il demande pour ce faire une dotation relative aux « missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation » (Migac). L’hôpital a établit des conventions avec les grands centres hospitaliers des villes environnantes, qui lui envoient des patients pour certaines spécialités attractives ; en sens opposé bien sûr l’hôpital envoie certains patients dans ces centres.

Les Ehpad du bassin de vie comportent plusieurs dizaines de lits, avec des patients souffrant de pathologies graves (Alzheimer, démence…). Sans arrivée d’oxygène dans les chambres, sans infirmiers de nuit, ils envoient en permanence des patients à l’hôpital en urgence ou pour des traitements de spécialité. Il y a 40 ans c’était encore l’hospice avec des dortoirs de 40 lits… Pour mieux coopérer avec les EHPAD, il faudrait un dépistage gériatrique généralisé, mais cela est très difficile à réaliser avec les patients. Le nombre de patients qui arrivent à l’hôpital sans avoir fait de bilan est très important. Il faudrait mieux coordonner les prescriptions multiples données par des praticiens différents à des patients atteints de polypathologies : non seulement les traitements sont inadaptés, mais ils coûtent cher à la sécurité sociale. Souvent les familles exercent une pression à la surmédication. Une personne soumise à un traitement médicamenteux trop fort risque de chuter et de se casser le col du fémur. Là encore, les rapporteurs ont entendu que le dossier médical personnel, et le dossier médico-social, seraient d’une grande utilité.

La directrice de l’hôpital de Domme estime que santé et social sont indissociables. Ainsi pour des personnes très handicapées, il faut essayer de leur conserver une certaine autonomie en les maintenant à domicile.

• Les services sociaux

Le vice président du centre intercommunal d’action sociale (Cias) du canton indique qu’il emploie 40 agents pour 300 usagers : aide à domicile, assistance à la personne. La principale difficulté est la professionnalisation des agents, avec la maîtrise des coûts de personnel. Les assistantes sociales doivent de plus en plus se spécialiser en gérontologie. La politique systématique de maintien à domicile (MAD) et d’hospitalisation à domicile (HAD) a accru fortement les besoins. Les coûts infirmiers de l’HAD sont le double de ce qui est remboursé. La communauté de communes accorde une subvention d’équilibre de 38 000 euros au Cias. Les aides du conseil général (allocation aux personnes âgées - APA…) sont en forte diminution. Les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les Cias ne peuvent plus suivre financièrement et on risque une diminution des actes prodigués.

La directrice de l’hôpital de Domme indique un problème de suivi du travail entre l’hôpital et les services sociaux. Le territoire manque d’aides soignantes et il n’y a pas assez de place en Ehpad, qui sont le plus souvent de petites structures privées. Le maintien à domicile (MAD) est alors souvent plus subi que voulu. Les structures alternatives (hôtels déclassés, placement familial, MARPA) ne sont pas satisfaisantes. Il conviendrait de créer des foyers de vie pour personnes âgées avec une évolution vers des maisons médicalisées et une organisation en réseau. Il manque une coordination gérontologique active, avec une convention entre l’hôpital et le Cias. Le groupement de coopération sanitaire (GCS), prévu par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, pourrait en constituer la forme juridique. Cette coopération sanitaire et sociale permettrait une formation des intervenants et la connaissance de dossiers communs. Les médecins libéraux seraient prêts à participer à ce type d’organisation. Le fonctionnement centralisé de la Mutualisé sociale agricole (MSA) du Lot et Garonne constitue toutefois un frein.

L’accueil des adultes handicapés est très déficient. Il est difficile de mettre en place des structures d’intégration par le travail. Les capacités de travail adéquates font que toutes les personnes candidates ne peuvent entrer dans un établissement ou service d’aide par le travail (Esat).

4.- Dans les communautés de communes du Haut Jura

Les deux communautés de communes du Haut Jura visitées souffrent aussi de la désertification médicale. Le pays effectue actuellement une étude sur l’offre de soins en milieu rural. La construction d’une maison pluridisciplinaire de santé est en projet.

L’hôpital de Champagnole est caractéristique des problèmes rencontrés par les petites structures hospitalières en milieu rural. Il dispose de 53 lits de court séjour, 43 lits de suite et 45 lits de long séjour (intermédiaire avec l’Ehpad). La maternité et la chirurgie (2009) ont fermé, en renvoyant leurs patients sur Lons le Saulnier à 30 km. L’hôpital de Lons le Saulnier ne s’étant pas préparé, les patients se sont dispersés sur plusieurs autres hôpitaux de la région. Les médecins libéraux adressent en général leurs patients, quelque soient les affections, ni à Champagnole ni à Lons, mais à Pontarlier, Besançon ou dans les cliniques privées. De par la désaffection des patients, l’hôpital de Champagnole est en situation financière très difficile avec un déficit de 2,6 millions d’euros sur 15 millions d’euros d’activité. La fermeture du service de chirurgie n’a pas permis de trouver un nouvel équilibre. L’ARS estime elle-même que l’on ne peut plus réduire le personnel. L’hôpital de Champagnole éprouve une grande difficulté à recruter des praticiens.

Cette situation montre les limites d’un hôpital rural isolé. Les solutions passeraient par le développement de coopérations, au premier rang desquels avec l’hôpital de Lons le Saulnier, dans le cadre d’une communauté hospitalière de territoire (CHT)(66). Il faudrait développer le projet d’établissement pour assurer un certain nombre de secteurs d’activité attractifs en termes de fréquentation. Le renforcement des liens au sein de la communauté médicale devrait être renforcé (médecins libéraux et hospitaliers). Les médecins hospitaliers devraient établir une relation avec l’EHPAD. Le directeur de l’hôpital estime que l’on pourrait développer les soins de suite, qui sont délaissés par les autres établissements hospitaliers. Le maintien du service des urgences est une nécessité, mais la question se pose de savoir s’il doit conserver ses deux lignes de garde simultanées (mobile et statique).

Recommandation n° 14 sur l’offre de soins et de services sociaux :

– Assurer les conditions d’une offre de santé équilibrée sur l’ensemble du territoire (hôpitaux, médecins et professions paramédicales), dans le contexte d’une évolution démographique défavorable des praticiens dans les zones rurales ; considérer que les agences régionales de santé (ARS), chargées de l’organisation de l’offre de soins en fonction des besoins de la population, ont une responsabilité particulière en la matière et doivent en rendre compte au Parlement.

– Favoriser la mise en réseau de tous les acteurs de santé sur chaque territoire ; prévoir pour ce faire une animation par un ou des élus permettant d’intégrer un volet santé dans chaque projet de territoire, en utilisant tous les outils disponibles ; soutenir les actions favorisant l’exercice regroupé des professionnels de santé, par exemple les maisons de santé pluriprofessionnelles, afin notamment de répondre à l’isolement des médecins de campagne.

– Établir dans les projets de santé de territoire un lien nécessaire avec les services médico-sociaux ou sociaux (structures d’accueil de personnes âgées médicalisées ou non, services aidant au maintien à domicile et autres services à la personne…).

- Conclure des contrats locaux de santé (CLS) dans l’ensemble du territoire national avant la fin de l’année 2015.

III.- L’ATTRACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ET L’EMPLOI

A.- L’IMPORTANCE DU MAINTIEN ET DU DÉVELOPPEMENT D’UNE BASE ÉCONOMIQUE

Le maintien et le développement d’une base économique équilibrée constituent une condition nécessaire au maintien de l’emploi, et donc à une évolution démographique favorable dans les territoires ruraux. Les territoires ruraux disposent d’un potentiel économique diversifié très important. Ils disposent d’atouts importants : disponibilité du foncier, prix plus attractif qu’en milieu urbain, main d’œuvre disponible, compétente et productive. Cependant les acteurs économiques des territoires ruraux rencontrent encore trop souvent des difficultés pour accéder à des financements adéquats pour mener à bien leurs projets.

En France actuellement la production industrielle représente environ 10 % du PIB et 11 % des emplois, contre plus de 17 % des emplois et du PIB en 1990, selon les données d’Eurostat. 600 000 emplois ont été supprimés en dix ans. On estime que 40 % de l’emploi en France dépend du tissu industriel. En comparaison en Allemagne, la part de sa production industrielle représente 17,2 % de l’emploi et environ 21 % du PIB, toujours selon Eurostat.

Il faut considérer les zones rurales dans le débat actuel visant à favoriser la localisation de la production en France. C’est le sujet de la réindustrialisation et de la politique industrielle qui va avec. La relocalisation des emplois peut passer par le développement de circuits courts, souvent en aval de l’agriculture. La « qualité France » peut être mise en avant pour des productions territorialisées.

S’il existe des disciplines internationales (OMC) relatives à la détermination de l’origine d’un produit, elles ne servent qu’à assurer le caractère transparent et non discriminatoire des règles en la matière. Au sein de l’Union européenne, le code des douanes communautaire stipule qu’ « une marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ou plusieurs pays est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important ». Mais cette règle n’est pas appliquée de façon uniforme. Ainsi la part de recherche et développement ne fait pas l’objet du même traitement en France et en Italie.

Cette question rejoint les tentatives actuelles(67) de proposer aux consommateurs des labels « origine France garantie »(68) ou le nouveau dispositif en discussion au Sénat qui renforce le marquage de l'origine des produits en étendant la notion d' « indication géographique protégée » aux produits industriels associés à un territoire(69). On peut mentionner également les labels régionaux, ainsi le label « made in Jura » lancé par le conseil général de ce département en 2003. Les rapporteurs estiment que la mention du pays d’origine, gagnerait à être plus visible, pour tout produit agricole ou industriel.

Autre sujet relatif aux activités économiques, la réforme des Direccte devrait permettre une action plus efficace de l’État en région en faveur du développement des entreprises. M. Bruno Goubet, chef de la mission de l'action régionale de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) au ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie, indiquait le 3 mai 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) regroupe ainsi des compétences exercées auparavant par huit directions régionales et constitue l’interlocuteur unique des entreprises et des organisations socioprofessionnelles, en matière de développement économique des entreprises. (…)

C’est ainsi que nous parvenons mieux à mettre en place des actions intégrées de développement économique des territoires, l’État s’exprimant à travers un seul canal.

Dès lors que les élus ont fait part de leur volonté, les étapes sont souvent identiques : mise en place d’un comité de pilotage ouvert comprenant les élus, des représentants de l’État et des organisations professionnelles et détermination d’un diagnostic partagé par les collectivités territoriales et par l’État – celui-ci pouvant d’ailleurs financer celui-là – à partir duquel un plan d’action est élaboré. C’est alors qu’intervient un ensemble d’outils : dispositifs « nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprises » (Nacre), conventions de promotions de l’emploi, fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac), prime d’aménagement du territoire (PAT), fonds de revitalisation, comme le fonds national de revitalisation des territoires (FNRT), fonds de défense, actions collectives portées par le programme budgétaire « Développement des entreprises », journées de l’Afpa. J’ajoute que n’importe quel membre du comité de pilotage peut porter ces actions. (…) Et je ne vois pas pourquoi les agences régionales de santé (ARS) ne seraient pas partie prenante : sans elles, comment bénéficier de diagnostics territoriaux véritablement globaux ? (…) Les outils dont nous disposons ne sont pas encore assez développés, mais nous sommes tous sur le même bateau, quels que soient la collectivité, les corps intermédiaires, les organisations salariales et patronales ou les services de l’État. Nous devons nous réunir autour d’une table. »

Ce diagnostic doit être pluridisciplinaire (activité économique, innovation, ouverture extérieure, infrastructures, santé, culture…) et partenarial, avec les élus et les acteurs économiques et sociaux. Avec les Direccte, les préfets de département et de région ont des outils et une méthodologie. Les rapporteurs ont évoqué ce « diagnostic partagé » lors de leurs quatre déplacements dans des territoires ruraux : aucune des personnes rencontrées n’en connaissait l’existence et, a fortiori, n’y a participé. Il s’agit d’un dispositif encore à mettre en œuvre.

Mme Catherine Mercier, directrice des politiques territoriales de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), déclarait le 3 mai 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « en milieu rural, les entreprises se consacrent de moins en moins à l’agriculture. La majorité des entreprises appartiennent à la filière agroalimentaire, au bâtiment et à la construction, ou fabriquent des biens intermédiaires. Ces trois secteurs représentent l’essentiel des entreprises implantées en milieu rural, à la fois en nombre et en produits. L’image de séparation entre monde rural et monde industriel est périmée : le monde rural est aujourd'hui largement industriel et il faut en tenir compte, notamment pour implanter des plateformes logistiques. (…)

Dans ce contexte, la véritable stratégie consiste à soutenir ce qui existe et à le pérenniser. Dans les dix ans qui viennent, une cinquantaine de milliers de petites entreprises chercheront un repreneur. Un tiers ira "à la casse", un autre tiers trouvera un repreneur assez facilement, et le dernier tiers sera sur le fil". C’est de ce dernier qu’il faut s’occuper car la casse à bas bruit pourrait être terrible. »

M. Jean Lardin, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA), déclarait le même jour : « rappelons qu’il y a 2,5 millions d’entreprises dans notre pays et que 98 % d’entre elles comptent moins de vingt salariés. Plus de 400 000 sont installées en milieu rural et, sans que l’on s’en occupe trop, elles se sont accrues, au cours des dix dernières années, de 100 000 unités et ont augmenté leurs effectifs de 600 000 salariés. L’important pour nous n’est pas le milieu rural, mais l’entreprise en milieu rural car elle peut, pour s’adapter à son activité, se déplacer jusqu’au bourg centre, à la sous-préfecture, voire la préfecture. »

Enfin comme nous l’avons vu plus haut, les rapporteurs soulignent l’importance économique du secteur des services à la personne, dans le cadre d’une « économie résidentielle » reposant sur le regain démographique des zones rurales.

B.- LES DISPOSITIFS PUBLICS SONT NOMBREUX

Les dispositifs publics visant à soutenir l’activité économique dans les zones rurales sont nombreux. Il n’a pas été possible de tous les recenser ni, a fortiori, de les étudier dans le présent rapport. L’annexe n° 3 au présent rapport recense les principaux dispositifs, à partir des réponses au questionnaire envoyé par les rapporteurs aux ministères en mars 2011. Les développements ci-après examinent de façon plus approfondie certains d’entre eux.

1.- Les zones de revitalisation rurale (ZRR)

Le rapport des corps d’inspection de novembre 2009 sur l’évaluation des mesures en faveur des zones de revitalisation rurale (ZRR) indiquait que « les exonérations sociales et fiscales à la charge de l’État en faveur des ZRR ont été estimées par la mission à 511 millions d’euros en 2008, réparties en 409 millions d’euros pour les cotisations sociales et 102 millions d’euros pour les exonérations fiscales » (70). Le rapport recommandait « d’adapter le système d’information, notamment fiscal, aux besoins d’une évaluation régulière ».

Le rapport notait qu’il est très difficile de mettre en évidence un effet propre des exonérations sociales sur l’emploi. Il estimait également qu’il n’avait pas été possible de mesurer les effets propres des exonérations fiscales en raison de l’absence de données fiscales. On pouvait alors s’interroger sur la pertinence d’un dispositif où des centaines de millions d’euros sont dépensés chaque année sans que l’on puisse en mesurer ni démontrer l’efficacité ou l’efficience. En particulier, les organismes d’intérêt général (OIG) bénéficiaires d’exonérations de charges sociales jouissent-ils ou non d’un « effet d’aubaine » ?

La principale mesure en faveur des entreprises est l’exonération de l’impôt sur les bénéfices. Son coût ne pouvait être évalué par manque de données statistiques, car, dans les déclarations fiscales, l’identification de cette exonération était commune avec celle existant dans les ZUS. Dès lors, seul un traitement manuel de chaque déclaration en fonction de l’implantation aurait permis d’obtenir les chiffres spécifiques aux ZRR. Le ministère du budget considère que le coût global de ces exonérations ne justifie pas que l’on fasse un traitement statistique spécifique, à partir des déclarations statistiques et fiscales (DSF). La modification de la mesure, dans la loi de finances pour 2011, devrait cependant permettre un suivi spécifique puisqu’elle ne relève plus désormais du 44 sexies, mais est individualisées dans le 44 quindecies du code général des impôts.

Certaines des réformes préconisées par le rapport des corps d’inspection de 2009, et reprises par le CIADT du 11 mai 2010, ont été adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2011. Ainsi, son article 129 étend le dispositif d’exonération d’impôt sur les bénéfices, qui existe pour la création d’entreprises, à la reprise/transmission d’entreprises. Ce dispositif ne concerne toutefois plus que les entreprises de moins de 10 salariés et sa durée est ramenée à 8 ans (dont 3 dégressif), contre 14 précédemment.

L’objectif poursuivi est d’instaurer un dispositif d’exonération d’impôt sur les bénéfices spécifique pour les entreprises exerçant leur activité dans des ZRR, plus adapté aux besoins d’accompagnement des acteurs économiques locaux, favorisant le maintien d’un tissu de TPE/PME souvent performantes en zones fragiles et favorisant aussi le maintien de l’emploi et le développement endogène de ces zones. Il s’agit donc, pour les entreprises situées en ZRR, de modifier le régime d’exonération sur deux points :

a) permettre une exonération lors de la reprise d’entreprise ;

b) réserver l’exonération aux entreprises de moins de 10 salariés, pour lesquelles l’aide fiscale est la plus déterminante. Ce ciblage sur les TPE permet de financer l’extension du régime aux reprises.

Concernant les OIG, l’article 88 du projet de loi de finances pour 2011 prévoyait de limiter aux seuls OIG de moins de 10 salariés le bénéfice de l’exonération des charges sociales accordée à tous les salariés recrutés avant le 1er novembre 2007. Cet article présentait l’inconvénient d’exclure certaines structures qui, bien que dépassant le seuil de 10 salariés, correspondaient aux objectifs du législateur de 2005 (par exemple, les associations d’aide à domicile). Après concertation avec les parlementaires, des amendements ont été proposés par le Gouvernement pour mieux cibler les exclusions (notamment sur les hôpitaux publics). Cependant l’article ainsi modifié n’a pas été adopté lors du vote de la loi de finances. La mesure d’exonération en faveur des OIG continue donc de s’appliquer sans changement.

On peut s’interroger sur la manière de mieux cibler les efforts sur les zones rurales qui en ont le plus besoin. Tous les rapports sur le monde rural concluent à sa diversité : zones périurbaines en expansion démographique, zones économiquement dynamiques (tourisme, littoral…), zones en déprise démographique et économique, zones à dominante ouvrière rurale… La réforme du découpage des ZRR a d’ailleurs été décidée lors du CIADT du 11 mai 2010. Ainsi pourquoi conserver un critère d’activité agricole dans la définition d’une ZRR (taux de population active agricole supérieur au double de la moyenne nationale) alors que les activités agricoles sont justement exclues du bénéfice des exonérations ?

Dans le contexte institutionnel actuel, il semble judicieux de ne procéder qu’à une révision a minima. En effet, la loi de 2005 s’appuie sur trois échelons géographiques : le canton, l’arrondissement, l’EPCI, dont les contours vont évoluer considérablement à très court terme pour les EPCI, dans le cadre des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), et à l’horizon 2014 pour les cantons. Le moment paraît donc peu opportun pour bâtir un dispositif législatif qu’il faudrait à nouveau réviser au plus tard en 2014, lors de l’entrée en vigueur du nouveau découpage cantonal. Des modifications plus profondes du dispositif pourront être envisagées ultérieurement, en revisitant les critères définis dans la loi.

Le rapport des corps d’inspection de 2009, rejoignant des constats issus d’autres analyses, soulignait plusieurs faiblesses du dispositif actuel :

– le système de classement à la commune nuit à la cohérence du zonage, trop dispersé pour permettre un effet levier économique ;

– les critères actuels de classement en ZRR ne rendent pas suffisamment compte de la situation réelle des territoires – le primat donné à la faible densité et l’absence de critère lié à la richesse des territoires, conduisent à classer en ZRR des communes qui n’ont manifestement pas besoin d’être aidées.

La Datar a été mandatée en 2010 pour établir des scénarios d’évolutions et des propositions qui prennent en compte ces observations. Ces travaux ont été transmis au Premier ministre et sont en cours d’examen.

D’autre sujet méritent d’être évoqués. Les exonérations sociales des ZRR sont souvent moins avantageuses que celles des dispositifs agricoles ou de droit commun. Le rapport des corps d’inspection précité constatait que les exonérations propres aux ZRR étaient souvent redondantes avec les dispositifs d’application plus générale, entraînant de ce fait une multiplication des mécanismes d’aide et une moindre lisibilité de ces dispositifs. Le dispositif des ZRR est d’ailleurs largement méconnu des élus et des acteurs économiques, aucun service de l’État n’étant chargé d’en faire la promotion. Il semble d’ailleurs qu’aucun service de l’État ne pilote la mise en œuvre de ce dispositif, s’agissant d’une « politique de guichet ». Enfin on entend souvent que la motivation d’implantation des entreprises va très au-delà de l’exonération en ZRR.

2.- Les pôles d’excellence rurale (PER)

Bénéficiant de subventions de l’État, les pôles d’excellence rurale (PER) sont portés par les régions, les départements, les pays ou des PNR. La première génération de PER, lancée en 2006, a permis la labellisation de 379 pôles bénéficiant d’un financement de l’État et de l’Union européenne de 235 millions d’euros.

Pour la seconde génération, en juillet 2010, 114 dossiers ont été retenus au titre de la première vague. Ils bénéficieront de 108 millions d’euros de subventions de l’État et des fonds européens. 149 dossiers ont été labellisés dans la deuxième vague du printemps 2011 pour une participation cumulée de l’État et de l’Union européenne de 127 millions d’euros. Au total dans le cadre de cette seconde génération, ont émergé 263 projets ayant vocation à conforter le développement économique des territoires ruraux tout en permettant d'améliorer la vie quotidienne des populations, pour un montant total d’engagement national et européen équivalent à celui de la première génération. Le plafond de l’enveloppe attribuée à chaque PER a été relevé de 1 à 1,5 million d’euros, pour intégrer les recommandations du rapport d’évaluation du sénateur Rémy Pointereau (71).

Les PER ont fait l’objet d’évaluations par le CGAAER et par plusieurs cabinets de consultants(72). Il résulte de ces rapports que les points forts sont les suivants : effet label positif ; bonne articulation avec les autres projets et stratégies locales ; appui de l’ingénierie locale ; accélérateur et amplificateur des dynamiques présentes ; bonnes dynamiques d’acteurs et de partenariat public privé ; existence relevée d’effets levier pour une partie des projets réalisés ; exemplarité et modèles de projets imités sur le territoire du PER, voire sur d’autres territoires ruraux.

Les points faibles sont : faisabilité insuffisante pour certains dossiers ; fortes difficultés au démarrage pour les territoires sans ingénierie ; manque de travail en réseau (rencontres, échanges d’informations, …) ; un certain oubli de l’objectif emploi ; suivi d’indicateurs rarement fait ; obligation d’évaluation bien comprise, mais qui demeure difficile à remplir pour les porteurs de projet.

Le cahier des charges de l’appel à projet pour la deuxième génération de PER a pris en compte l’ensemble de ces éléments. Ainsi, les dossiers devaient comporter des éléments précis sur les calendriers de réalisation et pour le suivi et l’évaluation un ensemble d’indicateurs et d’outils de gestion est mis en place. Cependant un appui en ingénierie spécifique pour certains territoires n’a pas été prévu, pour des raisons matérielles et financières : en effet, il aurait fallu procéder à des déclarations d’intentions pour sélectionner les bénéficiaires de cet appui, ce qui n’était pas compatible avec le calendrier des PER.

La mise en réseau des PER va être envisagée dans le cadre du Réseau rural français (RRF), copiloté par la DATAR et la DGPAAT du ministère de l’agriculture.

3.- Les grappes d’entreprises

Constituées et dirigées principalement par des TPE/PME, les grappes d’entreprises ont un fort ancrage territorial et associent, selon les contextes, des grandes entreprises et des acteurs de la formation, de la recherche et de l’innovation. Elles apportent des services concrets aux entreprises, en particulier pour les aider à asseoir leur stratégie sur leurs marchés et à améliorer leur compétitivité. Elles favorisent les coopérations avec les autres acteurs publics et privés, notamment de la formation, de la gestion de l’emploi et des compétences et de l’innovation.

Les grappes d’entreprises ont un « noyau dur » ancré sur un territoire permettant des rapports aisés de proximité entre ses membres et qui est pertinent par rapport au tissu d’entreprises concerné. Si le siège social des grappes d’entreprises est le plus souvent situé en aire urbaine, les entreprises membres s’étalent sur un périmètre restreint qui comprend pour la majorité des zones rurales. En mettant en commun des services et en étant proches du marché, les grappes d’entreprises sont gages de retombées économiques sur leur territoire.

Alors que les pôles de compétitivité ont un positionnement principalement axé sur le développement de la R&D et de l’innovation technologique, les grappes d’entreprises se positionnent plutôt sur le développement de l’innovation sous toutes ses formes et sur des actions plus proches du marché pour les entreprises.

L’appel à projets pour le soutien à la dynamique des grappes d’entreprises, lancé en octobre 2009, a mobilisé les entreprises dans les territoires. Au total, 126 grappes d’entreprises ont été sélectionnées à l’issue des deux vagues de l’appel à projets (42 au titre de la 1re vague et 84 au titre de la 2e vague). Ces chiffres témoignent de l’intérêt des entreprises et des territoires à s’inscrire et à soutenir des dynamiques collaboratives en faveur de l’innovation sous toutes ses formes, pour toutes les entreprises et sur tous les territoires. Le ministère de l’agriculture mobilise une enveloppe d’environ 24 millions d’euros pour ces deux vagues au bénéfice des grappes d’entreprises, complétée par des soutiens de la Caisse des dépôts et d’OSEO et d’autres ministères.

4.- La prime d’aménagement du territoire (PAT)

a) Un dispositif de droit commun qui concerne aussi les territoires ruraux

Avec un budget d’environ 40 millions d’euros par an(73), le dispositif de prime d’aménagement du territoire (PAT) est un des rares dispositifs d’aides directes à l’investissement des entreprises existant au niveau national. Son action est orientée autour de deux types de projets : d’une part, les créations, extensions ou reprises des entreprises industrielles ou de services implantées dans les zones d’aides à finalité régionale (AFR) et, d’autre part, les programmes de recherche-développement et d’innovation des entreprises industrielles ou de service sur l’ensemble du territoire métropolitain. La PAT est destinée à accompagner le développement ou la consolidation d’emplois dans les zones prioritaires.

La diminution conséquente du zonage « AFR » pour la période 2007-2013, l’évolution du contexte règlementaire européen, l’évaluation menée en 2006 par le cabinet Katalyse sur le dispositif PAT(74) et l’évolution de la concurrence internationale pour les projets de développement industriels ont conduit à une refonte profonde du dispositif de la PAT.

Selon la Datar, la PAT a aidé, entre 1996 et 2004, la création de près de 120 000 emplois sur le territoire national dont 60 000 ne se seraient pas réalisés sans son intervention. 1 336 programmes d’entreprises ont été primés sur cette période. La PAT a ainsi permis d’attirer en France 20 % des projets d’investissement mobiles européens.

Pour la période 2007-2013, les préconisations de l’évaluation du dispositif PAT ont conduit le gouvernement à recentrer la prime sur les objectifs prioritaires suivants :

• appuyer les projets majeurs d’intérêt national, au premier rang desquels les investissements internationalement mobiles, afin de renforcer l’attractivité du « site France » dans un contexte où les décideurs industriels internationaux sont très attachés aux marques d’intérêts des pouvoirs publics (renforcement de la compétitivité) ;

• maintenir le soutien aux projets industriels de taille intermédiaire (projets portés par des PME ou de moins de 100 emplois) et aux projets de R&D, compte tenu de l’incitativité de la PAT pour ce type de projets ;

• encourager le développement des zones en crise par l’accompagnement des projets les plus structurants de ces territoires (renforcement de la cohésion).

Les régions étant désormais chefs de file en matière de développement économique, ces objectifs ne peuvent se concevoir qu’en termes de subsidiarité : il appartient à chaque région de définir ses priorités et ses outils d’intervention. L’État n’intervient au niveau central que pour les opérations individuelles qui, tout en s’inscrivant dans la stratégie régionale de développement, dépassent le cadre local strict :

• soit par leur ampleur quantitative du fait, par exemple, de montants d’investissements, donc d’aides sollicitables, élevés,

• soit par leur effet structurant pour un territoire ou une filière clés.

b) Dans le pays de la vallée de Montluçon et du Cher

Une entreprise de recyclage de déchets a témoigné devant les rapporteurs, lors de leur déplacement à Montluçon, du fait que la PAT est débloquée en plusieurs tranches : 40 % après validation du dossier, 20 % après réalisation de 60 % des engagements pris par la société ; 40 % au solde des engagements. Il serait souhaitable pour les entreprises bénéficiant de cette prime de pouvoir disposer des fonds plus tôt dans le programme. En effet cette prime est une « récompense » pour le respect des engagements pris et elle survient après la réalisation des efforts prévus et non en renforcement de la trésorerie initiale.

5. L’action de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) pour les territoires ruraux

Depuis 2008, l’AFII effectue un bilan annuel de la localisation des investissements étrangers dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). En 2010, ces zones ont accueilli 28 projets (en augmentation par rapport à 2008 et 2009), représentant 5 % des investissements étrangers et 8% des emplois associés (1 353 emplois au total). Il s’agit très majoritairement d’activités de production. Les régions qui en ont le plus bénéficié sont, en nombre de projets, Champagne-Ardenne, Aquitaine et Bourgogne, et en nombre d’emplois, Basse-Normandie, Aquitaine et Champagne-Ardenne.

S’agissant de l’accueil des investissements étrangers en France, trois régions concentrent plus de la moitié (53 %) des projets Île-de-France, Rhône-Alpes et PACA). Si le bilan 2010 confirme la concentration géographique des investissements étrangers sur quelques régions, elles sont douze à connaître une croissance de ces investissements par rapport à 2009, supérieure à 20 % pour dix d’entre elles. La région Lorraine voit ainsi son attractivité s’améliorer de façon notable, puisqu’elle devient la 5e région d’accueil des investissements étrangers avec 5 % des investissements, et 9 % des investissements industriels.

S’agissant de l’action propre de l’AFII, plusieurs axes de développement sont envisageables en faveur des zones rurales, notamment dans le cadre du prochain contrat de performance de l’Agence pour les années 2011-2013 :

– une part significative de la prospection de l’AFII pourra être orientée vers les grappes d’entreprises qui sont situées dans les zones de revitalisation rurale ;

– sur le plan sectoriel, la stratégie commerciale de l’AFII est définie à partir d’une quinzaine de segments prioritaires.

Il apparaît que deux segments prioritaires pouvant favoriser le développement des zones rurales pourront faire l’objet d’une attention particulière et être inscrits dans la stratégie commerciale de l’AFII : les nouvelles énergies, notamment dans la biomasse, et le segment agroalimentaire qui joue un rôle prépondérant dans ces zones.

6.- Les conditions d’intervention du Fisac dans les zones rurales

Le commerce joue un rôle fondamental dans l’aménagement du territoire par l’animation qu’il suscite et par les services qu’il rend à la population. Les interventions du ministère chargé du commerce et de l’artisanat visent à assurer une meilleure prise en compte du commerce et de l’artisanat dans la politique d’aménagement du territoire.

L’aménagement du territoire est la recherche, par des moyens incitatifs, d’une meilleure allocation des ressources humaines et matérielles sur l’ensemble du territoire pour lui assurer un développement équilibré et harmonieux. À cet égard, la fonction conviviale du commerce est irremplaçable, par l’animation et l’attractivité qu’il exerce au travers de la satisfaction des besoins solvables des consommateurs.

Les interventions du ministère ont répondu, au cours de ces dernières années, à une double préoccupation :

- assurer une desserte commerciale de base à l’ensemble de la population, notamment dans les zones touchées par le déclin démographique et économique ;

- accompagner la modernisation de l’appareil commercial et, en particulier, encourager l’adaptation du commerce de proximité face aux mutations en cours, de manière à préserver un équilibre entre les différentes formes de distribution.

Le financement de cette politique est assuré par l’intermédiaire du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac). Sur la période 1992-2010, 14 095 subventions ont été accordées par le ministre chargé du commerce et de l’artisanat pour un montant global de 1,2 milliard d’euros. Les opérations rurales ont donné lieu à l’octroi de 8 712 subventions représentant 323 millions d’euros. Le FISAC, créé par l’article 4 de la loi du 31 décembre 1989, a été mis en place, de fait, en mars 1992. Depuis 2003, les dépenses relatives au Fisac sont financées à partir du budget de l’État. Néanmoins, la gestion des fonds continue à être déléguée au régime social des indépendants (RSI) par voie de convention. Les décisions d’attribution des aides sont prises par le ministre chargé du commerce et de l’artisanat. Les interventions du FISAC sont soumises à un principe de cofinancement de la part des collectivités territoriales.

Dans le cadre des Assises des territoires ruraux, il a été décidé en février 2010 que les conditions d’intervention du Fisac seraient modifiées dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). La justification en est que les commerces rencontrent plus de difficultés pour préserver leur viabilité économique dans les territoires très ruraux. Ainsi, pour les opérations réalisées dans les zones concernées, le taux de financement doit être porté à 40 % en investissement (au lieu de 30 % actuellement)(75). 14 000 communes étant classées en zone de revitalisation rurale, le coût de cette mesure peut être évalué à environ 2 millions d’euros pour les opérations individuelles et à 0,7 million d’euros pour le financement des aides directes aux entreprises dans le cadre des opérations collectives

Le Fisac finance trois types d’opération : les opérations individuelles, les opérations collectives de modernisation en milieu rural et les opérations d’aménagement dans les communes rurales.

• Les opérations individuelles

Les opérations individuelles concernent les entreprises commerciales, artisanales ou de services réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 1 million d’euros hors taxes et implantées dans des communes dont la population est inférieure à 3 000 habitants. Ces opérations concernent également les activités non sédentaires, qu’elles soient commerciales ou artisanales.

Dans le premier cas, elles visent à inciter les propriétaires de locaux commerciaux, artisanaux ou de services, qu’il s’agisse des collectivités territoriales ou des exploitants, à réhabiliter ou à moderniser ces locaux et leurs équipements professionnels. Dans le second cas, elles visent à permettre aux entreprises non sédentaires de moderniser leurs équipements professionnels directement rattachables à l’exercice de leur activité (véhicule, vitrine réfrigérée, outils liés à l’exercice de l’activité) et, le cas échéant, leurs locaux d’activité (implantation dans une commune de moins de 3 000 habitants).

Elles doivent être précédées d’une étude de faisabilité qui sert de support au dossier présenté. Cette étude n’est pas prise en compte pour le calcul de la subvention du Fisac. Ces opérations doivent présenter les caractéristiques suivantes :

– le projet doit s’appuyer sur des besoins identifiés ;

– le projet commercial ou artisanal doit être économiquement viable et concerner des marchés réels.

– le projet ne doit pas induire de distorsion de concurrence.

• Les opérations collectives de modernisation en milieu rural

Ces opérations concernent les pays, les groupements de communes rurales ainsi que les bassins d’emploi ruraux menacés de fragilisation par l’évolution démographique ou les mutations économiques. Elles ont pour but de consolider les entreprises commerciales et artisanales par la mise en œuvre coordonnée d’aides indirectes collectives (actions sur l’environnement immédiat, conseil, groupement de commerçants et d’artisans, regroupement éventuel des entreprises, animation, promotion) et d’aides directes individuelles (réhabilitation et sécurisation du local d’activité, modernisation de l’outil de travail).

Elles doivent être précédées d’une étude de faisabilité qui peut être financée par le Fisac. La maîtrise d’ouvrage doit être assurée par l’une des communes désignées comme chef de file ou par un organisme – personne morale de droit public ou groupement de personnes morales de droit public – qui est le bénéficiaire de la subvention. Le financement d’une opération collective de modernisation en milieu rural doit donner lieu à un engagement financier des collectivités territoriales participantes qui est la contrepartie de celui de l’État, le principe étant la parité.

• Les opérations d’aménagement dans les communes rurales

L’importance des secteurs du commerce, de l’artisanat et des services en milieu rural impose de les insérer de manière plus dynamique dans l’ensemble des procédures de développement local. Les opérations d’aménagement dans les communes rurales visent à inciter les communes de moins de 3 000 habitants à réhabiliter leur centre bourg de manière à créer un environnement favorable à l’exercice des activités commerciales, artisanales et de services.

C.- LES EFFORTS DE RÉINDUSTRIALISATION ET DE RELOCALISATION DES ACTIVITÉS INDUSTRIELLES DANS LES TERRITOIRES

1.- Dans le pays de la vallée de Montluçon et du Cher

Plusieurs dispositifs sont utilisés pour dynamiser l’activité économique dans le bassin d’emploi de Montluçon :

– État (médiation du crédit, soutien du Codefi, mission de revitalisation où Vivendi s’est engagé à créer 250 emplois sur trois ans en aidant des entreprises en difficulté, financements d’Oseo, PAT, FNADT, Fisac, dispositifs ZRR, formation professionnelle initiale et permanente, création et aménagement de zones d’activité, développement du tourisme),

– fonds européens (Feder, Feader, FSE),

– conseil général et conseil régional (prêts, politique de clusters, diversification, appels à projets),

– comité d’expansion économique de l’Allier, chambre de commerce et d’industrie (accompagnement immobilier des entreprises).

Plusieurs intervenants ont plaidé devant les rapporteurs pour une plus grande transversalité des actions. Il faut travailler en réseau car tout se tient. Les banques ne financent que si l’entreprise a obtenu des subventions publiques, produisant ainsi un effet de levier. Oseo garantit les emprunts bancaires dans un contexte de rétractation du crédit bancaire. Les passerelles avec l’éducation nationale sont difficiles : les contacts entre éducation nationale et le monde de l’entreprise sont insuffisants ; les entreprises ont du mal à trouver des personnes formées ; les étudiants ne savent pas se vendre ; les enseignants n’ont pas une connaissance suffisante du monde de l’entreprise, ce qui ne facilite pas l’insertion de leurs élèves sur le marché du travail.

2.- Dans les communautés de commune du Haut Jura

Les deux communautés de communes Arcade Haut Jura et Champagnole porte du Haut Jura sont des territoires comportant des industries anciennes en phase de restructuration. Elles font partie de la catégorie des territoires ruraux ouvriers.

La ville de Morez, dans le Haut Jura, est le centre de fabrication traditionnelle de montures de lunettes depuis le début du XIXe siècle. Il s’agit à l’origine de paysans qui, pendant les mois d’hiver, se faisaient lunetiers (ou serruriers, horlogers…). Cette industrie a connu au cours des années 1980 la concurrence très forte des pays d’Asie à bas coût, qui représentent maintenant 90 % de la production mondiale. Fermetures d’usine et hémorragie des effectifs s’en sont suivis. La lunetterie du Jura souffre de la concurrence des grands opticiens à réseau de vente national, qui s’approvisionnent dans les pays d’Asie pour des raisons de coût. Elle résiste néanmoins avec un positionnement de niche de haute qualité, de design de création et d’innovation, qui est reconnu et récompensé dans les salons internationaux (« Silmo d’or »). Sur ce créneau haut de gamme, seule la production en France permet une maîtrise des délais, un temps de retour acceptable et un contrôle qualité suffisant. Les lunettes fabriquées en France ne représentent cependant que 5 % des lunettes vendues dans notre pays.

Malgré l’attractivité de son milieu naturel et de ses possibilités sportives, les créateurs recrutés par les lunetiers se plaignent le plus souvent de l’enclavement du territoire et ne restent en général qu’un hiver. Le territoire est effectivement à l’écart des grandes liaisons ferroviaires (TGV par Dôle, Bourg en Bresse ou Genève) ou aériennes (Genève). Les universités les plus proches sont à Besançon ou à Dijon.

La particularité de cette industrie est d’avoir su disposer encore d’une filière industrielle complète de la conception jusqu’à la production, en passant par la formation avec le lycée polyvalent Victor Bérard (microtechniques, génie optique et lunetterie). Une quarantaine d’entreprises sont interconnectées en réseau. Avec environ 2 000 salariés(76), l’industrie réalise un chiffre d’affaire cumulé de 250 millions d’euros, dont 55 % à l’exportation, ce qui représente la moitié de la production nationale (les deux autres sites sont la région parisienne et Oyonnax dans l’Ain). Quelque 2 000 nouveaux modèles sont créés par an, pour 71 griffes et marques de prestige(77). Les industriels considèrent que leur activité tient encore par la maîtrise de l’intégralité de la filière et par une taille critique en dessous de laquelle on ne pourra plus descendre (rentabilité insuffisante des machines et robots sur des trop petites séries).

Du point de vue des financements publics, le crédit impôt recherche (CIR) accompagne la recherche-développement des lunetiers du Jura. Le contrat d’aide à la compétitivité (CAC) est un outil du contrat de projet État région (CPER) en Franche-Comté dont l’objectif est de développer la compétitivité sur le marché européen et mondial ; le conseil général du Jura a souhaité y contribuer avec les filières industrielles du département ; l’Union européenne apporte également un tiers des soutiens. Les industriels notent que les trois guichets doivent être d’accord et que les procédures sont complexes. Le président de la communauté de communes du Haut Jura Arcade regrette de ne pas disposer de ressources en ingénierie publique pour préparer les appels à projet.

Le lycée polyvalent Victor Bérard, public, propose des formations de niveau bac pro et licence aux métiers microtechniques, du génie optique et de l’optique lunetterie depuis 1911. Il comporte 820 élèves avec 110 enseignants. Ses formations permettent de remplir les besoins des lunetiers de Morez face à l’attractivité de la Suisse, où les salaires sont nettement plus élevés qu’en France. Le lycée propose un enseignement en optique lunetterie réputé dans toute la profession, avec une plateforme technologique. Les opticiens formés à Morez auront une attache qui les incitera à vendre des montures fabriquées localement. Le lycée héberge une plateforme technologique de mise en relation des partenaires de la filière (conseil, assistance technique, étude, réalisation de projets innovants, essais, veille…).

La communauté de communes Arcade Haut Jura participe par ailleurs dans le cadre du pays à un pôle d’excellence rurale (PER) de l’émail. Il s’agit la encore d’une industrie traditionnelle (plaques de rue, signalétique…) qui a failli disparaître. Une entreprise de l’émail a récemment investi dans un four à infrarouge, avec un financement de 25 % par l’État. L’idée est maintenant de travailler en réseau et de monter un syndicat des entreprises de l’émail comme cela s’est fait pour les lunetiers du Jura.

En revanche, le maintien d’autres industries traditionnelles comme l’horlogerie, la bijouterie ou la maroquinerie n’a malheureusement pu se faire.

La communauté de communes de Champagnole porte du Haut Jura voit la reconversion industrielle de la filière décolletage(78), avec un projet d’implantation en 2012 mobilisant des fonds de l’État, en lien avec le lycée polyvalent Paul Émile Victor, en particulier la voie professionnelle d’un CAP de décolletage. Ce lycée enseigne à 700 élèves en sections générales et professionnelles avec notamment un CAP de décolletage, des bacs pro de maintenance industrielle et de technicien d’usinage et des BTS en industrialisation des produits mécaniques et maintenance industrielle. Le CAP de menuiserie a disparu à la suite de la chute de la filière bois. Le lycée (direction et enseignants) établit un partenariat important avec les entreprises des filières industrielles correspondantes et avec la chambre de commerce et d’industrie (CCI). Il assure un bon remplissage de ses formations qui sont perçues comme attractives par les élèves et étudiants. Comme à Morez, les internes contribuent à l’animation de la vie de la commune : tout étant lié, ils sont attirés par la qualité de vie estudiantine et contribuent à la vie culturelle (cinéma) et sociale (restaurants, cafés…). Cet exemple montre l’importance de tisser des liens entre tous les éléments d’un projet de territoire.

3.- Dans le grand sud-ouest amiénois

Le représentant de la CCI de Picardie indique que la chambre accompagne les créateurs d’entreprises et les collectivités territoriales pour l’aménagement de zones d’activité et la définition de projets de développement. Il estime que, globalement, beaucoup de dispositifs sont conçus pour les grandes métropoles. Ainsi les milieux consulaires ne peuvent-ils participer financièrement aux sociétés publiques locales d’aménagement.

À une question des rapporteurs relative à l’existence de diagnostics partagés effectués dans les territoires par les Direccte, le directeur régional répond qu’il n’y en a pas eu en 2011 en Picardie. Pour lui il faudrait qu’un opérateur le demande. Dans un contexte où les crédits budgétaires sont rares, l’État privilégie les pôles de compétitivité avec une forte concentration des crédits.

Le président de la chambre des métiers indique que l’apprentissage a connu une baisse de 6 % en 2010 en raison de la baisse de l’activité économique et de la réduction de la prime du conseil général (qui est passée de 2 500 à 1 000 euros). Autant les formations CAP sont souvent choisies par défaut, autant l’apprentissage a maintenant une image positive. Les formations en alternance connaissent un gros succès et permettent de constituer le vivier des chefs d’entreprise de demain.

Recommandation n° 15 sur l’attractivité économique et l’emploi :

– Définir dans chaque territoire une stratégie de développement économique reposant sur un diagnostic partagé entre les directions régionales des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), les régions, les départements et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en partenariat avec les milieux économiques eux-mêmes.

– Porter un effort particulier au maintien et au développement en milieu rural des filières artisanales et industrielles, traditionnelles ou nouvelles.

– Développer et rendre plus visibles les labels d’origine française ou régionale pour les produits industriels.

– Développer le secteur des services à la personne dans le cadre d’une « économie résidentielle » reposant sur le regain démographique des zones rurales.

IV.- L’AGRICULTURE

A.- POUR UNE PLUS GRANDE CONTRIBUTION DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (PAC) AU DÉVELOPPEMENT RURAL

Le présent rapport n’est pas consacré aux dispositifs de la politique agricole commune (PAC), qui nécessiteraient une étude complète à eux seuls. L’avenir de la PAC après 2013 fait actuellement l’objet de discussions au sein des instances communautaires (79). Elle a notamment donné lieu à un rapport de plusieurs de nos collègues de la commission des Affaires européennes en juin 2011(80). Le présent rapport ne peut néanmoins se désintéresser de la contribution de l’agriculture au développement des territoires ruraux, dont elle constitue l’activité historique.

La filière agro-alimentaire, qui regroupe la production agricole et la transformation, représente aujourd’hui 2,9 % du PIB – mais cette part était de 3,5 % avant la crise de 2009 et de 7 % en 1980. Ces chiffres illustrent la tendance à la baisse de la part relative du secteur par rapport à la richesse nationale. En 2010, l’agriculture représentait 652 000 emplois non salariés – chefs d’exploitation et leurs conjoints, aides familiales – et 700 000 équivalents temps plein salariés. L’importance de l’activité agricole va bien au-delà de ces statistiques, par les enjeux majeurs qu’elle représente pour alimenter 7 milliards d’individus dans le monde – à terme 10 milliards –, pour la balance commerciale de la France et pour la préservation des paysages et de l’environnement.

Les retours financiers de l’Union européenne vers les différents États membres sont présentés chaque année par la Commission européenne dans son rapport sur la répartition des dépenses de l’Union européenne. Selon les données du rapport financier 2010, la France dispose d’un retour de 9,9 milliards d’euros au titre de la rubrique n° 2 « ressources naturelles », dont environ 9 milliards d’euros pour les dépenses relatives aux marchés et aux aides directes agricoles, le reste relevant du développement rural (0,8 milliard d’euros), de la politique commune de la pêche et du programme « Life+ » (développement durable). La France est de loin l’État membre bénéficiant du retour financier le plus important en matière agricole : l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie se situent entre 6 et 7 milliards d’euros et les autres nettement en dessous.

En termes financiers, le premier pilier représente un montant de 8,1 milliards d’euros, dont une grande part – 6,9 milliards d’euros – est constituée d’aides découplées. Comment faire pour que ces 10 milliards d’euros bénéficient mieux aux exploitations et à l’emploi agricoles ? Comment expliquer que cet argent public, qui soutient donc une activité économique, ne soit pas plus efficient en matière d’emploi ? M. Dacian Cioloş, commissaire européen en charge de l'agriculture et du développement rural, a indiqué que dans le cadre de la future PAC après 2013 il souhaitait intégrer un tel critère dans la nouvelle forme de répartition des aides.

M. Jean-Louis Cazaubon, vice-président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), se prononçait le 7 juin 2011 devant le Groupe de travail du CEC pour une agriculture de « valeur ajoutée » : « l’APCA a fait valoir à Bruxelles le concept de localisation de l’activité via des filières territorialisées, lequel permet de fixer la production et la transformation sur un territoire tout en maintenant l’activité économique et l’emploi. Il y a une douzaine d’années, dans la filière du porc noir, on dénombrait une trentaine d’animaux mâles et femelles. Aujourd’hui, cette filière pèse 12 millions d’euros et emploie une centaine de personnes. La production de fromage de Laguiole, en Rouergue, s’est pareillement développée. (…) De telles personnes ont besoin d’être conseillées et accompagnées. C’est ainsi qu’un ingénieur a travaillé quatorze ans à la résurrection de la filière du porc noir. (…) À mon sens, 35 % des exploitations n’ont d’avenir que dans les filières à valeur ajoutée car il est vain de demander à un agriculteur de cultiver du blé ou du maïs sur 30 hectares ou de produire du lait, et de les vendre sur le circuit conventionnel. »

En regard, les rapporteurs ne peuvent qu’être perplexes devant les risques de l’agriculture ultra-intensive (grandes cultures, élevage…), qu’il s’agisse des conséquences sur l’environnement, de la qualité biologique et sanitaire, du bien-être des animaux… Comment cependant peut-on préserver une agriculture à taille humaine, qui fait partie de notre histoire, face à la concurrence de pays qui n’ont pas la même éthique et qui recherchent la productivité et la compétitivité à tout prix ? Comme en Allemagne, on voit arriver maintenant, dans certains territoires, des exploitations de 1 000 vaches. Les excès possibles des formes industrialisées de production agricole de grande taille (surface, cheptel…) font peser un danger pour les autres formes de production, qu’elles rendent non rentables. On assiste ici comme dans l’industrie à des délocalisations dans des pays où le coût de la main d’œuvre est très faible (Roumanie, Brésil…).

Une part importante du deuxième pilier est actuellement consacrée au soutien aux zones défavorisées, notamment au travers de l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN). La délimitation des zones défavorisées simples (hors zones de montagne) devra être révisée après 2013 sur la base de critères biophysiques fixés par la Commission européenne. Un certain nombre de communes actuellement classées risquent d’être exclues du nouveau zonage, qui conditionne le versement de l’ICHN.

L’agriculture et la forêt jouent également un rôle de protection de l’environnement en prévenant les risques comme les glissements de terrain, les avalanches en montagne ou les risques d’incendie dans le sud de la France. Les règles de conditionnalité des soutiens européens soumettent le versement de certaines aides européennes au respect d’exigences de base en matière d’environnement et de santé. Ce dispositif subordonne le versement de certaines aides communautaires au respect d’exigences de base en matière d’environnement, de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), de santé (santé publique, santé des animaux, santé des végétaux) et de protection animale.

Les aides concernées sont les suivantes :

– les aides couplées et découplées du premier pilier de la PAC ;

– les aides à la restructuration et à la reconversion des vignobles versées depuis 2008 ;

– certaines aides de développement rural (2e pilier de la PAC) relevant de la programmation 2007-2013, à savoir : les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), les mesures agro-environnemental (MAE) pour les engagements souscrits à partir de 2007, en particulier la prime herbagère agro-environnemental (PHAE2), l’aide au boisement des terres agricoles et les paiements sylvo-environnementaux.

Les exploitants agricoles qui bénéficient d’au moins l’une des aides mentionnées ci-dessus, sont ainsi soumis à la conditionnalité. Les rapporteurs estiment qu’il faudrait aller au-delà et prévoir une meilleure rémunération des services environnementaux rendus par les agriculteurs (entretien du paysage, cultures ou élevage non polluant). Un exemple illustre cette demande. La France avait créé en 2002 un programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA2), mais son application a été interrompue en raison du veto de la Commission européenne. Il s’agissait d’une aide financière aux exploitations situées principalement en zones vulnérables (au titre de la directive « nitrates ») pour disposer de volumes de stockage d'effluents d'élevage permettant un épandage aux périodes appropriées. Le financement de l'aide était assuré pour moitié par les agences de l'eau et pour moitié par le ministère de l’agriculture et par des collectivités territoriales. Le résultat final attendu de ce dispositif était une amélioration de la qualité des eaux (diminution des teneurs en nitrates). La Commission n’a autorisé ce dispositif que de 2002 à 2006 et n’envisage pas de l’autoriser à nouveau, au motif qu’il créerait une distorsion de concurrence.

Le plan d’action du 11 mai 2010 en faveur des territoires ruraux entend favoriser la commercialisation en circuits courts des produits issus de l’agriculture et de la chasse. La démarche des circuits courts de commercialisation des produits agroalimentaires tend à se développer depuis plusieurs années. Elle a pris des formes multiples, qui présentent la caractéristique commune d’améliorer le retour de la valeur ajoutée au bénéfice de la production et des territoires de production.

Les enjeux de ces modes de commercialisation sont importants puisque, outre la captation de valeur en faveur du producteur, ils permettent la réalisation d’économies sur les autres segments de la chaîne de coûts (transports, transaction pour le commerce sur Internet) et la création de valeur sur des actifs immatériels (marque, ancrage territorial, authenticité, lien social).

Par ailleurs, ils répondent à une attente des consommateurs. Ils apportent, en effet, une réponse à une exigence sans cesse grandissante de produits de terroir, de tradition, d’authenticité restaurant le lien social entre consommateur et producteur, valorisant les qualités de fraîcheur, d’innovation et de teneur nutritionnelle des productions en question ainsi que la connaissance des produits et de leurs modes de production. Enfin, ils permettent souvent de réduire l’émission de gaz à effet de serre du fait du raccourcissement de la chaîne entre la production et la consommation des produits agricoles et de la chasse.

Dans cette perspective, le CIADT du 11 mai 2010 a ainsi décidé que : la commande publique sera plus accessible aux producteurs agricoles locaux grâce à une modification du code des marchés publics ; l’approvisionnement en produits locaux des cantines scolaires et des lieux de restauration collective sera encouragé dans le cadre de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ; les nouveaux PER permettront de valoriser les projets de commercialisation en circuits courts des produits ou ressources locales. Par ailleurs l’État et les acteurs de la filière chasse, en liaison avec la Fédération nationale des chasseurs, mettront en place une chaîne de commercialisation des produits de la chasse, en application de la nouvelle réglementation sanitaire de décembre 2009.

On rappellera également la recommandation précédemment formulée relative à la préservation du foncier contre l’artificialisation des terres.

Les rapporteurs constatent que la responsabilité historique des agriculteurs dans nos campagnes n’est plus autant remplie que précédemment. Ils appellent de leurs vœux une réappropriation par les agriculteurs des enjeux des territoires ruraux, pour qu’ils redeviennent les promoteurs et les gestionnaires de l’identité rurale.

B.- LA DIFFICILE RENAISSANCE DES FILIÈRES TERRITORIALISÉES DANS LE CANTON DE DOMME

Le représentant de la chambre départementale d’agriculture indique que la Dordogne comporte 19 filières agricoles. Un des difficultés du territoire est son caractère très protégé, en raison des contraintes environnementales (Natura 2000…). Les contrats locaux d’exploitation (CTE), assortis de financements de l’État, ont certes créé des dynamiques de développement qui ont permis de structurer plusieurs filières (noix, avicole…), mais ils ont cessé depuis 2002.

Plusieurs dispositifs d’aide de l’État n’ont pas permis de générer de façon durable une activité économique viable. Pour le représentant de la chambre d’agriculture, les aides à l’installation des jeunes agriculteurs ne sont assez efficaces. Sur 200 diagnostics d’installation effectués chaque année, seuls 60 aboutissent. Le nombre d’exploitants agricoles a baissé de 24 % au cours des 7 dernières années. La surface moyenne d’exploitation est passée de 20 à 40 hectares (ce qui à l’échelle européenne est encore une taille très petite). Les mesures agro-environnementales (MAE) sont utiles pendant 5 ans, mais l’exploitation s’arrête ensuite faute de viabilité économique.

Les agriculteurs sont inquiets de la prochaine réforme de la PAC. Comment maintiendra-t-on de petites exploitations face aux grandes cultures (céréales) et aux productions industrielles (élevage), qui concentrent la plus grande partie des aides ? Une solution réside dans le développement de filières de niches de qualité avec des circuits courts. Mais, en raison de la réglementation européenne, le critère de proximité ne peut être invoqué dans les appels d’offre des collectivités territoriales (par exemple pour demander des produits bio locaux dans les cantines).

Par ailleurs, la réglementation excessive du fermage décourage les propriétaires d’utiliser ce mode de location de leurs terres. La conséquence en est le nombre très important de terrains laissés en friche. Le département perd 3 000 hectares de terres agricoles par an, notamment avec la pression foncière exercée par le tourisme et les propriétaires étrangers. L’association foncière pastorale (AFP) peut être une alternative plus souple et permet la reprise de l’exploitation de certaines surfaces.

Le directeur de la coopérative indique que la filière noix compte maintenant 500 producteurs et se classe première de France en cerneaux et deuxième en coques. Depuis sa renaissance, la filière ne bénéficie pourtant d’aucun soutien de prix de marché. Le niveau de production est maintenant équivalent à celui de l’Isère. L’AOC « noix du Périgord » a été créée. L’Inra ne fait malheureusement plus de recherche sur la noix, ce qui constitue un levier de développement en moins à terme.

Un lien fort existe entre l’agriculture, le tourisme, et les autres activités économiques. Ainsi le vin de Domme, sur les coteaux du Céou était l’un des grands vins du sud-ouest, entre Bergeracois et Cahors, depuis le Moyen-âge jusqu’au terrible drame du phylloxéra à la fin du XIXe siècle, vers 1885. Jusqu’alors, le vin de Domme, qui s’étendait sur plus de 1 800 hectares, descendait par gabares (81) sur la Dordogne jusqu’à Bordeaux. Avec le soutien des collectivités territoriales, le redémarrage depuis 1992 de la vigne dans l’arrière-pays de la vallée de Domme structure le territoire et constitue un produit identitaire. À Moncalou ont été construits un chai en 1998 et une tour panoramique en 2007. Les cyclotouristes montent la côte à vélo et admirent le paysage du haut de la tour. Des gabarres ont même repris du service sur la Dordogne, au plus grand plaisir des touristes. Le tourisme œnologique se développe avec des sentiers de randonnée et d’interprétation près des vignes. Des fêtes traditionnelles ont été reprises, avec la renaissance d’une confrérie, de nombreux adhérents et même un marché à bestiaux.

Il y a lieu de rappeler également la renaissance de la filière du porc noir, qui a été évoquée précédemment.

Recommandation n° 16 sur l’agriculture :

– Renforcer et réorienter la contribution de l’agriculture vers le développement des territoires ruraux ; favoriser la réappropriation par les agriculteurs de leur responsabilité historique de promoteurs et gestionnaires de l’identité rurale ; maintenir et développer, à côté d’une agriculture industrialisée compétitive correspondant à la vocation exportatrice de la France, des filières territorialisées avec des productions de qualité, des niches à valeur ajoutée, des circuits courts et des activités de transformation sur place.

– Maintenir après 2013 une politique agricole commune (PAC) forte en soutenant et réorientant sa contribution vers le développement des territoires ruraux.

– Mieux rémunérer les services environnementaux rendus par les agriculteurs.

V.- LE TOURISME RURAL

A.- « LE TOURISME RURAL EST L’AVENIR DU TOURISME »

Les espaces ruraux français disposent d’un potentiel touristique très riche qui correspond aux attentes actuelles des populations françaises comme étrangères : diversité des paysages et des milieux naturels, patrimoine historique exceptionnel, patrimoine culinaire, savoir-faire artisanaux, traditions culturelles, folklore et fêtes locales. Comparée aux séjours balnéaires et de haute montagne, largement connus des consommateurs, l’offre de tourisme rural reste cependant insuffisamment connue, malgré son importance croissante en volume (hausse de 5% par an au cours des dix dernières années).

La campagne a accueilli 1/3 des séjours personnels des Français en 2009 et 30 % des nuitées. Certaines filières ou territoires sont bien structurés ; ils démontrent le potentiel existant et leur attractivité pour des clientèles internationales à haute contribution : le vélo, le fluvial, l’œnotourisme par exemple. Enfin, cet espace comporte un fort potentiel inexploité – espaces naturels et paysages, patrimoines et cultures, gastronomie et art de vivre, activités de pleine nature, filières d’itinérance, hébergement de charme –, en phase avec les attentes des clientèles d’aujourd’hui et de demain (sensibilité au développement durable, besoin de rupture et de nature…). Le secteur du tourisme se caractérise par une forte concurrence : parce que la France n’est pas la seule destination touristique en Europe et dans le monde, elle se doit d’être visible et de développer de véritables stratégies.

Ce qui fait la force et la richesse de nos territoires – mais aussi une faiblesse –, c’est leur diversité, qu’il s’agisse du patrimoine, des territoires, des infrastructures hôtelières et de restauration ou encore des équipements créés par les collectivités pour stimuler une économie touristique durable. Pour autant, la ruralité n’avait pas pour vocation première le tourisme, mais essentiellement l’agriculture. Ce n’est que depuis cinquante ans, avec l’exode rural, que les collectivités, les élus, les professionnels ont dû s’adapter en faveur de l’industrie touristique. Avec cette dernière, les territoires sont ainsi passés d’une mono-activité à une multiplicité de destinations, d’équipements et d’activités, ce qui n’est pas toujours très lisible, notamment pour notre clientèle étrangère.

Le constat généralement établi montre que 80 % de la population fréquente de façon touristique 20 % seulement du territoire (littoral, montagne, stations touristiques classées…), alors que 70 % du territoire national est rural. Il s’en suit une saturation des zones touristiques, avec des conséquences négatives en termes de développement durable, et une paupérisation des territoires ruraux environnants, qui disposent pourtant d’un potentiel très riche (diversité des paysages et des milieux naturels, patrimoine historique exceptionnel, patrimoine culinaire, savoir-faire artisanaux, traditions culturelles, folklore et fêtes locales..). Dans un contexte où 40 % des Français ne partent pas en vacances, le « tourisme rural est l’avenir du tourisme », comme l’a déclaré M. Thierry Grégoire, président de la Fédération nationale des saisonniers - Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), lors de son audition le 1er juin 2011 par le Groupe de travail du CEC. En particulier, les arrière pays ont un fort potentiel de développement. Il s’agit, pour les rapporteurs, de mieux organiser et renforcer les capillarités entre les zones touristiques et leur arrière pays rural (par exemple des chambres d’hôtes à 10 / 15 km du littoral), dans un contexte où tout le monde est gagnant : désengorgement des stations et développement des zones rurales.

Les activités touristiques s’inscrivent dans un environnement très concurrentiel où les territoires, français et étrangers, se livrent une compétition féroce. Dans ce contexte, la visibilité de l’offre est une nécessité. L’audition sous forme de table ronde réalisée au printemps 2011 par le Groupe de travail du CEC a montré la nécessité pour les territoires de constituer des filières structurées, au besoin en mettant en commun les équipements et investissements et en procédant à des regroupements pour atteindre une taille critique. Il n’est plus possible de travailler de manière isolée ; la mise en réseau est une nécessité, notamment par la création de labels. Une mise en réseau de professionnels concoure, à partir d’une thématique (pêche, vélo, cheval, culture…), à la dynamique du tourisme rural. Cela peut aller jusqu’à l’achat de produits gastronomiques ou artisanaux, qui contribuent par ricochet aux activités agricoles locales. Cependant, une trop grande diversité des labels, notamment régionaux, nuit à la lisibilité de l’offre et à l’efficacité de la politique touristique de nos territoires.

M. Thierry Grégoire indiquait également le même jour devant le Groupe de travail du CEC : « tous ces acteurs participent à la dynamique touristique, mais encore faut-il que les professionnels comme les collectivités travaillent les uns avec les autres. J’ai parlé d’un mille-feuille administratif et touristique car, comme dans le domaine de l’emploi, toutes les structures ne communiquent pas forcément les unes avec les autres. Seule leur mise en relation les rendra opérationnelles. Prenez les pays qui étaient censés, avec la loi Voynet, contribuer au développement de la ruralité : faute d’atteindre la taille critique, ces collectivités n’ont pas la ressource financière nécessaire pour développer leurs territoires alors que d’immenses possibilités y existent, à l’image de mon département très rural et de ses superbes paysages baignés par des rivières – et je ne parle pas de la ruralité péri-urbaine qui, elle, ressortit plutôt à l’arrière-pays. C’est parce qu’il existe des tailles de collectivités qui ne permettent pas de développer un tourisme efficace que nous considérons la région comme un grand opérateur et le département comme un grand aménageur. (…)

Pour autant, trop de labels tuent le label. En France, chaque région a son label, alors que l’on a développé un label d’État "Qualité tourisme", que des réseaux comme Logis de France ont acquis. Du nombre de labels dépend pourtant la lisibilité de l’ensemble. Imaginez un client aujourd'hui : pour lui, c’est touffu et il ne comprend pas. À force d’avoir trop de labels, on tue la qualité. Il faut que le label reste toujours au service du professionnel, en partenariat avec la collectivité. »

Mme Hélène Jacquet-Monsarrat, chargée de mission services publics et tourisme à la Datar, indiquait le même jour : « je souhaite revenir sur la remarque de M. Grégoire relative au trop grand nombre de labels en France. Dans l’espace rural, les initiatives ont été nombreuses pour faire émerger de l’offre visible, mais cela a conduit les régions et les départements à créer leur propre label. C’est ainsi que le label "Accueil vélo", créé par la région Centre, a été copié par d’autres régions mais sous une appellation différente. Aujourd'hui, alors qu’un vrai mouvement, piloté par la DGCIS, vise à faire émerger cette offre vélo sur le plan national, il convient qu’un même label soit reconnu par tous afin que notre clientèle française et étrangère puisse facilement s’y retrouver et ne plus avoir affaire un jour à un "Accueil vélo" et le lendemain à un "Bonjour vélo". Faire émerger des labels nationaux déclinés sur l’ensemble du territoire est un enjeu fort. C’est en train de se faire avec le vélo, et c’est déjà le cas du label "Vignobles et découvertes" qu’Atout France a soutenu. »

Certains dispositifs de l’État sont consacrés au tourisme rural. Il en est ainsi, après le CIADT du 11 mai 2010, de la création d’une plateforme nationale réunissant les acteurs du tourisme rural pour soutenir les collectivités qui souhaitent développer des produits touristiques mettant en valeur les atouts des territoires ruraux. Elle est financée par les ministères chargés du tourisme, de l’aménagement du territoire, de l’outre-mer et de la culture. Des exonérations fiscales sont prévues pour les résidences touristiques situées dans les ZRR depuis 2001. En 2002 a été entamé un programme de rénovation des lits de l’hébergement touristique des maisons familiales et centres de vacances. Le dispositif le plus important est cependant l’action de l’agence de développement touristique de la France, Atout France.

Atout France apporte son expertise pour aider les collectivités territoriales, les investisseurs privés, les prestataires et les hébergeurs à contractualiser pour élaborer des produits touristiques communs. À terme, chaque destination d’excellence doit disposer d’un contrat de destination, véritable feuille de route opérationnelle qui se traduit par des objectifs de progrès à atteindre sous trois ans, en fonction de la clientèle visée, du marché et du canal de distribution.

Atout France est un groupement d’intérêt économique (GIE) travaillant en partenariat avec l’État, les collectivités territoriales, ainsi que les professionnels du tourisme et les grands secteurs de notre économie. Elle compte environ 1 100 membres, institutionnels et privés. Créée par la loi du 22 juillet 2009 de modernisation des services touristiques, elle constitue l’opérateur unique mettant en œuvre les politiques publiques en matière de tourisme. Atout France intervient sur la base de services rémunérés. La subvention de fonctionnement annuel apportée par le ministère de l’économie joue également un rôle majeur dans l’équilibre budgétaire. Atout France emploie 400 personnes, dont 150 au siège et 250 à l’étranger.

Placée sous la tutelle de la direction générale de la Compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) du ministère de l’Économie, laquelle lui octroie une subvention annuelle dans le cadre d’un contrat d’objectifs, Atout France a trois missions :

– la mission marketing et promotion avec 36 bureaux dans 32 pays étrangers pour vendre la destination France ;

– le métier ingénierie, en concurrence ou non avec des cabinets privés, pour travailler sur l’offre française de manière à améliorer compétitivité et attractivité pour les touristes ;

– enfin la promotion de la qualité en définissant des référentiels notamment sur les différents types d’hébergement.

Atout France vise à la structuration des territoires en destinations : la notion de territoire fait référence à une géographie ou à des richesses culturelles et naturelles ; les destinations impliquent la présence d’équipements d’accueil – hébergements, loisirs… – mais également une logique de gouvernance et une stratégie de développement dédiée.

Atout France a publié récemment plusieurs documentations utiles pour le tourisme rural : « Carnets de route de la campagne et de la moyenne montagne », « Tourisme et vin », « Tourisme et développement durable ».

Un des partenaires associatifs d’Atout France, la Fédération des stations vertes de vacances, s’est spécialisé dans l’accompagnement des communes rurales. 86 % de ses stations sont situées en espace rural, 8 % à la montagne, 5 % en littoral et 1 % outre-mer. À travers le label « Station verte », les communes recherchent un positionnement fort ainsi qu’une valorisation économique. La fédération comporte un conseil d’administration dont les membres sont élus par les communes adhérentes. Elle travaille avec le Club « Nature et découvertes » d’Atout France et avec la Datar, laquelle l’a notamment sollicitée sur un dossier concernant le tourisme rural.

La fédération favorise le travail en réseau (vélo, chasse, pêche, œnologie, collectivités territoriales et associations d’élus, hôtellerie-restauration, mouvements associatifs comme Village Vacances Familles (VVF), autres partenaires privés…). Aujourd'hui, le club de promotion « Nature et découvertes » d’Atout France, avec ses 17 représentants – même s’il s’agit de ceux des principaux opérateurs –, ne peut fédérer l’ensemble des intervenants. Il faut faire en sorte que les uns et les autres puissent porter collectivement un projet touristique.

Son budget prévisionnel de fonctionnement, en 2011, s’élève à 718 000 euros, financé à hauteur de 90 % par les collectivités adhérentes, la subvention de l’État via la DGCIS en représentant seulement 1,39 %. Les conseils généraux contribuent également à son financement.

Les rapporteurs ont noté le problème constitué par l’assiette de la taxe de séjour dans les territoires d’excursion. M. Philippe Bernez, directeur de la Fédération des stations vertes de vacances, déclarait le 11 Juin 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « il est dommage que la taxe de séjour ne soit adossée qu’à l’hébergement, car cela ne donne pas une idée du vrai poids économique du tourisme : le chiffre d’affaires d’un hypermarché(82) peut très bien n’être réalisé majoritairement que pendant la saison estivale. Il conviendrait, de la même manière – si l’on veut vraiment connaître le poids économique du tourisme en France –, de se fonder sur autre chose que sur la simple taxe de séjour, qui n’est ni forcément collectée ni bien assise. Elle n'est pas représentative des flux. Ainsi, l’absence de taxe de séjour dans les territoires d’excursions rend ces derniers inexistants sur le plan touristique. »

L’attention des rapporteurs a également été attirée sur le problème des sites Internet qui, par un référencement internet payant sur les moteurs de recherche, attirent le trafic des clients. Cela impose aux hôtels et restaurants de payer pour être présent sur ces sites. Si les grands groupes hôteliers peuvent négocier cette présence, les indépendants n’ont pas de marge de négociation. Ces sites internet prennent une marge substantielle du prix de revient et, domiciliés hors de France, ne paient aucune fiscalité en France.

B.- LE CANTON DE DOMME : LE CAS TYPIQUE D’UNE POPULATION RENOUVELÉE À FORTE COMPOSANTE TOURISTIQUE

Après la décentralisation de 1982, les collectivités territoriales ont privilégié le tourisme chez l’habitant. Une politique publique a été lancée pour soutenir les meublés de tourisme, les chambres d’hôtes, le camping à la ferme et les gîtes à la ferme. Il s’en est suivi un développement des sports de nature, une amélioration de la qualité de l’eau, une mise en réseau des acteurs, une professionnalisation et une meilleure qualité des offices de tourisme. Trois quarts des campings sont tenus par des agriculteurs. On peut à nouveau se baigner dans la Dordogne et les touristes ne s’en privent pas. Quelque 12 manifestations culturelles sont organisées chaque année, 300 km de sentiers pédestres et cyclistes ont été aménagés. Les autres réalisations sont par exemple : des centres de loisir (canoë-kayak…), un village des artisans, une voirie communautaire. Le riche patrimoine naturel et historique constitue la toile de fond : bastide de Domme, château fort de Castelnaud et château des Milandes. En grande partie grâce au tourisme, le canton de Domme connaît une augmentation constante de sa population (+ 10 % en 10 ans, soit 623 habitants supplémentaires).

Recommandation n° 17 sur le tourisme rural :

– Favoriser le développement de toutes les formes de tourisme rural (pédestre, équestre, cycliste, nautique, œnologique, gastronomique, à la ferme, gîtes ruraux…) en soulignant l’importance du tourisme rural pour limiter l’engorgement des stations touristiques sur le littoral, dans les zones de montagne et dans les sites remarquables.

– Développer la visibilité et la lisibilité de l’offre française de tourisme rural, par une mise en réseau des acteurs et une politique de labels adaptée ; atteindre une taille critique permettant, dans chaque territoire, de mettre en commun les équipements et les moyens et de définir une stratégie touristique attractive, avec l’appui d’Atout France et des autres partenaires associatifs ou privés.

VI.- LES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

L’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication est aussi important que l’accès aux autres infrastructures comme l’électricité il y a un siècle. Ça ne s’est pas fait en un jour. L’enjeu est majeur en raison d’applications multiples : entreprises (télétravail), santé (télémédecine), secteur social, éducation et formation, culture (accès à distance)…

Dans le monde rural, les communications électroniques sont devenues des services de première nécessité. La localisation d’activités économiques ou l’établissement de résidences de particuliers en dépend souvent. On a vu précédemment que les personnes âgées en milieu rural peuvent ainsi disposer de capteurs d’alerte et de sécurité à distance, voire de téléassistance.

M. Marc Laget, responsable du pôle aménagement numérique de la Datar, observait lors de son audition le 16 mai 2011 qu’« au regard des études conduites par l'OCDE, les États-Unis, l'Allemagne et l'Organisation internationale des télécommunications, la Datar estime que, pour 30 milliards d’euros d'investissements collectifs, le retour sur investissement du très haut débit pourrait s'opérer en 15 ans grâce uniquement aux secteurs de la santé, des transports et de l'énergie, sans même prendre en compte le logement ou les économies que toutes les administrations peuvent faire si elles déploient le télétravail, l'audioconférence, etc. »

A.- UNE COUVERTURE EN TÉLÉPHONIE MOBILE DU TERRITOIRE QUI RESTE À ACHEVER

La Datar pilote, depuis 2003, la mise en œuvre du programme de résorption des zones blanches de téléphonie mobile de deuxième génération (2G - norme GSM). Initié par une convention nationale passée entre l’État, l’ADF, l’AMF, l’Arcep, les représentants des opérateurs et les opérateurs eux-mêmes (Orange, SFR et Bouygues télécom), ce programme organise la couverture de plus de 3 000 communes. Suite à un second recensement en 2008, 364 nouvelles communes répondant aux critères du programme ont été intégrées à celui-ci.

La réalisation des pylônes est répartie à hauteur de 57 % à la charge de la puissance publique, et de 43 % à la charge des opérateurs. Ces derniers doivent en sus placer les équipements actifs de transmission sur la totalité des sites équipés.

Au 31 décembre 2010, 110 millions d’euros de crédits publics ont été mobilisés, dont 33 % de FNADT et 23 % de Feder, et le programme initial de 2 946 communes est réalisé à 98,8 % puisque 2 912 communes sont couvertes : ces communes bénéficient désormais d’une offre des trois opérateurs, alors que le jeu du marché les privait totalement d’un service mobile de télécommunications. La population de ces communes s’élève à 800 000 personnes. Le programme complémentaire est quant à lui réalisé à hauteur de 20 % (71 communes couvertes).

La technologie UMTS, dite de troisième génération (3G), qui offre un débit supérieur et permet ainsi le transfert de données, a été déployée par les opérateurs. La couverture des zones rurales se fera dans le cadre des accords de « RAN-sharing » qui associent les 4 opérateurs (83) pour le déploiement de la 3 G sur le périmètre du précédent programme, et sur environ 200 communes supplémentaires.

Le déploiement de la technologie à venir, dite de quatrième génération (4G), sera assuré suite à l’extinction des télédiffusions en analogique, qui conduit à la réorganisation d’une partie des bandes VHF (84)et UHF (85), décidée notamment lors de la conférence mondiale des radiocommunications qui s’est tenue en 2007. La conférence a décidé d’affecter à l’échelle internationale, la bande 790-862 MHz, dites « fréquences en or », aux nouveaux services de télécommunications (services mobiles à très haut débit) : appelées ainsi du fait de leurs caractéristiques de propagation radioélectrique, elles permettent une diffusion sur plusieurs dizaines de kilomètres, et franchissent très bien les obstacles naturels (arbres, bâtiments, intempéries).

Alors que chaque territoire recherche des solutions pour améliorer la couverture haut débit, la question du dividende numérique a tenu compte de ce contexte. En octobre 2008, le Premier ministre a décidé de réserver 72 Mhz issus des fréquences du dividende numérique pour les communications électroniques, dans le cadre de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur. Ces fréquences sont libres depuis le 30 novembre 2011, date de la fin du schéma national d’arrêt de la télévision analogique.

Le 16 mai 2011, l’Arcep a publié son projet de décision concernant les attributions des fréquences du dividende numérique. Après consultation de la Commission consultative des communications électroniques, les documents finaux ont ensuite été transmis au gouvernement avant le lancement des appels à candidatures pour les bandes 800 MHz et 2,6 GHz. Le 15 juin 2011, la publication au Journal officiel d’un décret et de quatre arrêtés a lancé la procédure d’attribution des licences de téléphonie mobile de quatrième génération.

La procédure d’attribution des licences de téléphonie mobile 4G dans la bande de fréquences 800 MHz en décembre 2011 a vu les quatre candidats affirmer leur volonté de couvrir : 99,6 % de la population d’ici 15 ans : 90 % de la population de chaque département d’ici 12 ans, avec la perspective de couverture de 95 % de la population de chaque département d’ici 15 ans ; la zone rurale prioritaire. L’Arcep demande ainsi que les opérateurs couvrent simultanément les zones denses, où ils ont tendance à aller en priorité, et les zones rurales. Un calendrier de déploiement dans les territoires ruraux plus resserré que pour les générations précédentes en est attendu. Le fait récent que Free n’ait pas été retenu dans la téléphonie mobile 4G ne remet pas en cause le déploiement.

B.- LE PROGRAMME NATIONAL INTERNET TRÈS HAUT DÉBIT À L’HORIZON 2025

La France est le pays au monde où l’accès à l’Internet haut débit a été le plus précoce, le plus généralisé et au moindre coût (« dégroupage » des technologies ADSL et forfaits « triple play » (86) à moins de 30 euros). Ce succès, dû en grande partie à l’action spontanée des opérateurs, mérite d’être salué.

M. Jean-Pierre Quignaux, chargé de mission sur les nouvelles technologies, responsable de la mission usages et services numériques, aménagement numérique du territoire à l'Association des départements de France (ADF), indiquait lors de son audition le 16 mai 2011 « nous ne nous situons qu'au 15e rang pour la qualité du haut débit. Si l'on compte 22 millions d'abonnés en France dont 76 % au haut débit, le débit demeure inférieur à 512 ko pour 2,4 millions de foyers éligibles à l'ADSL – 500 000 foyers y demeurant même inéligibles ; on ignore en outre combien de foyers n'ont pas encore accès au triple play. Autre indice d’un certain retard : alors qu'il pourrait s'agir d'un axe de développement très important pour la ruralité, le télétravail ne concerne que 7 % de la population, contre, en moyenne, 13 % en Europe et 25 % en Amérique du Nord. ». Les efforts actuellement entrepris pour la montée en débit de ces territoires délaissés ne devront pas être relâchés.

Le passage à l’Internet très haut débit s’avère plus complexe. Notre taux de pénétration de la fibre optique est de 8 % contre 17,7 % en moyenne européenne. Les opérateurs commenceront sans doute par câbler les territoires les plus denses, là où le retour sur investissement sera le plus rapide. La mise en commun des investissements entre les opérateurs privés devra atteindre 60 à 70 % dans les zones urbaines denses et 85 à 90 % dans les zones rurales. Comme pour la téléphonie mobile et l’Internet haut débit, cet effort d’investissement des opérateurs devra être complété par celui des collectivités territoriales dans les zones les moins denses. L’Arcep a élaboré le cadre règlementaire pour que les collectivités puissent le faire. Or il n’est pas sûr que les collectivités territoriales puissent fournir un effort financier aussi important que pour la couverture en téléphonie mobile et en internet haut débit.

En février 2010, le Président de la République a promis : « en 2025, 100 % des foyers français devront avoir accès au très haut débit ». Pour répondre à cet objectif, le gouvernement a lancé en juin 2010 le programme national « Très haut débit », qui permettra d’assurer la couverture de l’ensemble du pays grâce à la technologie la mieux adaptée à chaque territoire.

Le démarrage de ce programme est financé, dans le cadre des investissements d’avenir, par le fonds pour la société numérique (FSN), qui préfigure le fonds d’aménagement numérique des territoires (FANT) créé par la loi.

La structure nationale de pilotage de ce programme rassemble les ministères concernés, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et s’appuie notamment sur les travaux initiés par les instances de concertation régionale mises en place autour des préfets de région. Les enjeux de ce programme concernent à la fois la cohésion sociale et le développement économique : l’accès de tous à l’ensemble des services publics et marchands de l’Internet à très haut débit permet de soutenir le développement des industries de télécommunication, de contenus numériques et de services en ligne.

Le 27 juillet 2011, le Gouvernement a ouvert le guichet destiné à cofinancer les projets de déploiement de fibre optique des collectivités territoriales pour la mise en œuvre du programme national Très haut débit. Doté de 900 millions d’euros au titre du volet numérique des investissements d’avenir, il permettra de soutenir les investissements des cinq premières années des collectivités qui s’inscrivent en complémentarité avec l’initiative privée. Une étude sera par ailleurs lancée pour préciser les évaluations du coût des déploiements et le modèle économique permettant de garantir à tous les ménages français, y compris ceux situés dans les zones les moins denses du territoire, leur raccordement au plus tard en 2025.

Afin de prendre en compte les préoccupations des associations d’élus, le Gouvernement a par ailleurs décidé de mettre en place des structures de gouvernance partenariale au niveau régional et national, de permettre aux réseaux d’initiative publique de s’étendre en cas de carence avérée des opérateurs par rapport à leurs engagements, d’augmenter les plafonds d’intervention de l’État de 350 à 450 euros par prise pour les départements les plus ruraux, et d’adopter des régimes particuliers pour les DOM et le raccordement de certains services publics et d’entreprises situées dans des zones d’activité. Le guichet de prêts pour les opérateurs sera mise en place dès la rentrée ainsi que le soutien à la R&D en faveur des technologies satellitaires.

Sur la base de ces premiers éléments, le Gouvernement a présenté, le 27 avril 2011, les premières modalités d’intervention de l’État au titre du programme national Très haut débit, s’adressant aux opérateurs privés et aux collectivités locales. Un montant total d’un milliard d’euros est prévu pour renforcer la capacité d’investissement des opérateurs, sous forme de prêts pour les initiatives ayant fait l’objet d’une manifestation d’intentions d’investir dans le déploiement de la fibre optique. Ces prêts seront également accessibles aux opérateurs privés choisis comme délégataires au terme d’une procédure ouverte dans le cadre de réseaux d’initiative publique. Un label gouvernemental sera décerné aux opérateurs prenant des engagements en matière de rapidité et d’homogénéité de leur déploiement.

L’enveloppe de 900 millions d’euros est consacrée aux projets des collectivités territoriales de déploiement de fibre optique, sur les territoires n’ayant pas fait l’objet de manifestations d’intention d’investir de la part des opérateurs, et intégrés à un schéma directeur territorial d’aménagement numérique. Ce cofinancement sera modulé selon la situation de chaque département, en prenant en compte la proportion de la population vivant en territoire rural.

L’État veillera à la bonne articulation entre l’initiative privée et l’initiative publique. Afin de garantir le respect des lignes directrices européennes, le FSN ne financera que les projets intervenant sur des zones où aucun projet d’investissement privé ne sera avéré. Les collectivités territoriales doivent consulter les opérateurs lors de l’élaboration des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, afin de préciser leurs annonces d’investissements et de formaliser leurs calendriers de déploiement sur le territoire. Cette bonne répartition des rôles devra être confirmée par l’absence d’objection, de la part des opérateurs, aux projets déclarés de réseaux d’initiatives publique.

La meilleure articulation entre projets publics et privés pourra être recherchée par la valorisation des spécificités de chacune des catégories d’acteurs : les collectivités ont besoin des opérateurs privés pour exploiter les réseaux, fournir des services et faire basculer des dizaines de millions de clients du haut vers le très haut débit. De leur côté, les collectivités sont les mieux placées pour connaître les réseaux en sous-sol, coordonner les travaux d’enfouissement permettant de réaliser des économies d’échelle, et leur fonction de promotion des usages du très haut débit ne peut être négligée pour accroître le taux de souscription aux services offerts par la fibre optique.

Afin de permettre le déploiement d’un service généralisé à tous, un soutien de 40 millions d’euros en 2011, pouvant être étendu à 100 millions d’euros, est prévu pour la réalisation, sous l’égide du Centre national d’études spatiales (Cnes), des travaux de recherche et développement visant à préparer la nouvelle génération de satellites dédiés à l’accès à Internet à très haut débit.

Une première cartographie prévisionnelle du très haut débit à l’horizon 2015 a été établie. L’État a ainsi une vision précise des zones (les moins rentables) où il doit soutenir les investissements publics à venir. Les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique en cours d’élaboration par les collectivités locales définiront quelles priorités et quels niveaux d’investissement public retenir pour la meilleure desserte des territoires. Les rapporteurs seront très attentifs à la meilleure couverture des territoires ruraux et plus généralement des territoires situés hors des zones rentables (60 % de la population).

Le 26 octobre 2010, le sénateur Hervé Maurey, chargé d’une mission de réflexion sur les scénarios envisageables pour alimenter le FANT au-delà des 750 millions d’euros du FSN, a remis son rapport au Premier ministre (87). Le financement dans les années à venir de la montée en débit des territoires présente un coût global estimé à 23,5 milliards d’euros. Il rappelle les résultats de l’étude de la DATAR et propose le fonctionnement suivant : l’abondement du fonds sur 15 ans par 660 millions d’euros annuels (en plus des 50 millions d’euros annuels du FSN), au travers de plusieurs moyens comme une contribution de « solidarité » numérique (prélèvement de 0,75 % par mois sur les abonnements d’accès Internet fixe et téléphonie mobile), ainsi qu’une taxe de 2 % sur les produits électroniques grand public (téléviseurs et consoles de jeux). Une proposition de loi des sénateurs Hervé Maurey et Philippe Leroy a été déposée en ce sens le 17 novembre 2011 (88).

Recommandation n° 18 sur les communications électroniques :

– S’assurer tout au long des processus de déploiement de la téléphonie mobile (jusqu’à la quatrième génération) et de l’internet haut et très haut débit (fibre optique) d’un équilibre entre zones denses et peu denses sur l’ensemble du territoire national.

– Prévoir le financement du déploiement de la fibre optique pour l’ensemble de la population française, par exemple au moyen des contributions proposées par le sénateur Hervé Maurey.

– Utiliser les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) pour favoriser dans les zones rurales le développement du télétravail, de la télémédecine ou des différentes formes d’enseignement à distance.

VII.- LES TRANSPORTS

A.- LES ENJEUX D’UNE OFFRE DE TRANSPORTS ÉQUILIBRÉE SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE

Le maintien d’une desserte de qualité représente un enjeu prioritaire pour les territoires ruraux, compte tenu de ses répercussions multiples sur l’attractivité et le dynamisme résidentiel et économique de ces territoires. L’enjeu porte d’abord sur la desserte du territoire en liaisons ferroviaires de qualité. L’amélioration de certaines liaisons routières, notamment dans l’objectif de désenclaver les territoires qui le sont encore, reste une nécessité.

Les transports collectifs, en effet, n’offrent pas toujours des horaires et des trajets adaptés à la diversité des modes de vie et de travail en zone rurale. Or l’offre de transports est déterminante pour l’attractivité des zones rurales, et contribue à renforcer le lien entre les territoires ruraux et urbains. Enfin, l’offre de mobilité proposée dans les territoires ruraux doit tenir compte des nouvelles priorités de respect de l’environnement et d’économie des ressources énergétiques.

Un lien fort existe entre infrastructures et dessertes de transports (autoroute, train…) et développement économique. Le développement économique tient autant aux infrastructures de transport qu’aux ressources naturelles, à la qualité de la main-d’œuvre et à l’intelligence des habitants. Lors de l’audition organisée le 11 juin 2011 sur les transports par le Groupe de travail du CEC, une discussion – non conclusive – s’est engagée sur les corrélations possibles entre ratios d’exploitation des TER et densité démographique, ainsi qu’entre transports et développement économique.

Le développement de transports innovants a également fait l’objet d’une discussion lors de la même audition. Les habitants des territoires ruraux ont de plus en plus besoin d’une offre de transport multimodale adaptée à la fois à l’évolution des modes de vie et aux spécificités des zones rurales, et qui combine transports individuels et transports collectifs. Au quotidien, ils utilisent fréquemment leur véhicule individuel pour les trajets du domicile au lieu de travail, pour accéder aux services et aux commerces, ainsi que pour les déplacements liés à la vie familiale (loisirs, vie scolaire, etc.). Le représentant de la SNCF a plaidé pour une intermodalité dans le cas où des liaisons ferrées ne seraient pas rentables : autocars SNCF, taxis, TER, transports à la demande, vélos, location de voitures…. Il faudrait dans ce cadre prévoir des interconnexions horaires avec des rabattement sur les trajets effectués par les passagers. Une harmonisation des horaires et des tarifs doit être recherchée, avec la mise au point de cartes valables pour plusieurs modes de transport.

M. Jean Sivardière, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT), déclarait le 11 juin 2011 devant le Groupe de travail du CEC : « dans les zones dépourvues de liaisons ferroviaires, le seul recours est une desserte routière par autocar. Or, même si elle s’est de toute évidence améliorée depuis dix ou quinze ans, la qualité de service des réseaux départementaux d’autocars reste très insuffisante. Le cahier de doléances que nous avons mis à la disposition des transporteurs montre qu’il reste beaucoup à faire en ce domaine, notamment en ce qui concerne l’amplitude horaire, la fréquence des trajets, l’information ou le confort. (…) Le problème est celui du coût de telles liaisons dans des zones où la densité de population est faible. C’est pourquoi il convient de songer à des dessertes plus légères, par taxi ou transport à la demande. (…) Le covoiturage est également une formule intéressante, à condition d’être conçu comme un complément du transport collectif régulier – pour faire du "rabattement" (89), par exemple. »

La question de la coordination des autorités organisatrices de transport (AOT) a été soulevée devant les rapporteurs : elle concerne régions, départements, intercommunalités et communes. Les départements sont les AOT en matière de liaisons par autocar et de transports scolaires, vitaux pour les ruraux. Les régions sont les AOT pour les trains express régionaux (TER). Sont apparus des cas de concurrence d’une autoroute sur le transport ferroviaire (passagers et marchandises), de services express d’autocars avec un tarif très subventionné (départements) sur des lignes TER (régions). L’État a accordé aux départements la compétence sur la plus grande partie du réseau routier.

M. Jean Sivardière déclarait le même jour : « selon nous, il conviendrait de revoir les compétences des conseils généraux en matière de transports. La région s’occupe des trains, les départements des cars, et il y a très peu de coordination entre eux. Il en résulte des doublons, et donc des gaspillages. Les transports de proximité – services de marché, transports scolaires – doivent naturellement rester de la compétence des départements, mais les services périurbains devraient être intégrés aux services urbains, et les services interurbains regroupés avec les TER. »

M. Pascal Mignerey, chargé de mission à la Datar, déclarait le même jour : « nous avons beaucoup évoqué, aujourd’hui, le transport ferroviaire. Si la population s’oriente de plus en plus vers ce mode de transport, elle tend de plus en plus à raisonner en termes de système de transports – de système multimodal. Or, en milieu rural diffus, ces services – autocar, taxi, covoiturage, transport à la demande – sont assurés pour l’essentiel par des autorités infrarégionales et ont besoin d’être coordonnés. Mais l’implication de la région dans ces territoires se heurte à des difficultés. Il convient certainement à s’attacher à une meilleure organisation des autorités organisatrices de transport. (…)

Une mission sur la mobilité et les transports dans les territoires ruraux a été récemment confiée à deux inspecteurs généraux : Emmanuel Raoul, pour le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), et Michel Casteigts, pour l’Inspection générale de l’administration (IGA). Ils sont chargés de réfléchir à une meilleure organisation des AOT en milieu rural et de proposer, le cas échéant, des expérimentations de systèmes nouveaux ou des modifications règlementaires ou législatives. Parallèlement, le Centre d’analyse stratégique (CAS) réfléchit depuis plus de six mois aux nouvelles mobilités dans les territoires ruraux et périurbains. Son rapport devrait paraître à la fin de l’année. Enfin, un guide sur les offres de transport a été réalisé par la direction générale des Infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), la Datar, ETD – entreprises, territoires et développement – et la Direction générale de l’action sociale – car la question de l’accès aux transports en milieu rural comprend un important volet social. »

1.- Les transports ferroviaires

Une crainte maintes fois exprimée devant les rapporteurs concerne la fermeture de lignes ferroviaires par la SNCF, voyageurs ou marchandises. Il est important que la desserte des petites villes intermédiaires à caractère rural se maintienne, notamment pour les lignes qui sont doublées par une LGV.

- Les trains d’équilibre du territoire (TET)

Le SNCF et l’État ont signé le 13 décembre dernier 2010 une convention pour les trains d’équilibre du territoire (TET), signée avec la SNCF. L’objet de la convention est d’assurer la pérennité de la quarantaine de lignes actuellement exploitées sous les noms d’Intercités, Téoz, Corail et Lunéa, et, ce faisant, de garantir ces dessertes qui concernent plus de trois cents gares sur l’ensemble du territoire. D’une durée de trois ans, la convention permet d’assurer l’équilibre économique de ces lignes grâce à une dotation annuelle de 210 millions d’euros, tout en confiant à l’État des responsabilités importantes en sa qualité d’autorité organisatrice des transports. Elle définit les dessertes assurées par la SNCF, veille à la réalisation de l’offre et à la qualité du service, notamment sous l’angle de la ponctualité.

La SNCF, de son côté, assume le risque commercial, puisque 80 % des coûts sont couverts par les recettes commerciales cependant que le montant de la compensation est plafonné. La société nationale est chargée du choix des horaires des trains, dans le respect des dessertes fixées par la convention et avec l’objectif de répondre au mieux aux besoins des clients. La convention instaure par ailleurs un dispositif de bonus-malus financier afin d’inciter à une amélioration constante de cette qualité de service.

Le renouvellement annuel des voies est passé de 400 kilomètres il y a cinq ans à près de 1 000 kilomètres aujourd’hui. Au-delà de la gêne temporaire occasionnée aux passagers, ce programme de travaux de réfection des lignes, qui s’étalera jusqu’en 2015, est le gage d’une amélioration de la qualité des lignes sur le long terme. Le matériel roulant des TET est vieux de trente-trois ans en moyenne. La convention a prévu un plan triennal d’investissements de 300 millions d’euros pour la régénération du parc utilisé, soit 2 000 voitures et 350 locomotives. Cette convention profite à 367 villes dans 21 régions, et à la centaine de milliers de voyageurs qui empruntent, tous les jours, 340 trains assurant eux-mêmes 40 liaisons.

- Les trains express régionaux (TER)

Les régions sont les autorités organisatrices de transports (AOT) des trains express régionaux (TER). S’agissant des TER, vingt conventions lient la SNCF aux conseils régionaux, à l’exception notable de l’Île-de-France où l’organisation est confiée au syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), et de la Corse où le montage de 1997 a permis de sauver la micheline. Les TER comptent près de 6 000 trains par jour pour 3 000 gares desservies et 780 000 voyageurs quotidiens. On compte aujourd’hui 306 000 abonnés. Pour ces usagers, le TER est donc devenu vital. Le trafic a crû de 60 % de 1998 à 2008, et il devrait quadrupler d’ici à 2030.

Les régions ont investi 6,5 milliards d’euros depuis 2002 dans les TER, si bien qu’à la fin de l’année, 90 % du matériel était neuf. Les efforts consentis sont donc colossaux et contribuent à la réussite exemplaire du TER. Alors que, pour les TET, le voyageur paie 80 % du prix du billet – les 20 % restants provenant de l’État –, la répartition pour les TER est de 30 % pour le voyageur et 70 % pour la région.

- Les lignes à grande vitesse (LGV)

Le développement du réseau des lignes à grande vitesse (LGV) est un engagement du Grenelle de l’environnement. Ce dernier a défini un objectif ambitieux de développement du réseau de lignes à grande vitesse afin d’offrir plus d’alternatives aux transports aériens et routiers : ainsi, 2 000 km de lignes nouvelles supplémentaires doivent être lancés d’ici à 2020 et 2 500 km au-delà. Ces programmes permettront de porter l’extension du réseau à grande vitesse à 6 500 km. Le choix du tracé d’une LGV est porteur d’enjeux importants pour les territoires traversés ou évités. Le choix des emplacements des gares est également essentiel.

2.- Les liaisons aériennes

Le projet annuel de performance « Infrastructures et services de transport » de la mission budgétaire « Écologie, développement et aménagement durables », annexé au projet de loi de finances pour 2012, indique qu’au 1er juillet 2011, l’État finançait l’exploitation de 13 liaisons aériennes métropolitaines sous obligations de service public (90). Les collectivités territoriales concernées contribuent également à leur financement.

Cette politique a permis le transport de 410 836 passagers en 2010, avec des gains de temps appréciables. Pour autant, dans le cadre de son effort de réduction du déficit de l’État, le Gouvernement a annoncé une réduction des dépenses d’intervention de l’État sur les trois prochaines années. Cet objectif global se traduit par une stabilité du financement des liaisons aériennes d’aménagement du territoire de 2011 à 2013. Inversement, les besoins croissent en raison notamment du très fort impact de la crise sur le transport aérien régional, qui a conduit l’État à intégrer au dispositif, fin 2009 et début 2010, de nouvelles liaisons qui étaient menacées de fermeture alors qu’elles sont indispensables au désenclavement des collectivités concernées.

Compte tenu de ce contexte budgétaire particulièrement contraint, le Gouvernement estime que l’entrée de nouvelles liaisons dans le dispositif des lignes d’aménagement du territoire (LAT) n’est pas envisageable. Par ailleurs, depuis le second semestre 2010, les renouvellements de conventions s’effectuent sur la base de taux de participation inférieurs (voire très inférieurs) aux maxima prévus par la réglementation. Le projet annuel de performance « Infrastructures et services de transport » indique qu’ « afin d’assurer la pérennité de l’exploitation des liaisons les plus utiles en matière de désenclavement et d’aménagement du territoire, il pourrait être envisagé à l’avenir de ne pas prolonger le soutien de l’État à certaines des liaisons les moins utiles. » Il précise que 16,2 millions d’euros en AE et 16,6 millions d’euros en CP sont prévus en 2012 pour le financement des lignes aériennes d’aménagement du territoire. L’État participe, en métropole et outre-mer, au financement de l’exploitation de certaines liaisons aériennes déficitaires mais considérées comme indispensables à l’aménagement du territoire dans le cadre du dispositif des obligations de service public prévu par la réglementation communautaire applicable au secteur du transport aérien.

L’État intervient dans le cadre de conventions pluriannuelles (de 3 à 5 ans) de délégation de service public (DSP) qui ont pour objectif de compenser le déficit d’exploitation des liaisons concernées. Pour chaque période annuelle d’exploitation, sont versés des acomptes et un solde, déterminé ex post en fonction des recettes et dépenses réellement enregistrées pendant la période considérée par le transporteur aérien délégataire.

En métropole la charge de la compensation versée au transporteur est partagée entre l’État et les personnes publiques locales concernées, le taux d’intervention de l’État étant fixé dans la limite d’un pourcentage déterminé en fonction de l’enclavement de la collectivité. La compensation à la charge de l’État est plafonnée à la moitié des recettes commerciales, sauf dans le cas des enclavements les plus forts. Compte tenu de ces modalités de financement, le calendrier de versement des subventions est connu mais, dans la majorité des cas, le montant définitif à la charge de l’État dépend de la recette commerciale effectivement réalisée.

Les autorisations d’engagement en 2012 prévues pour le renouvellement de ces conventions représentent 16,2 millions d’euros TTC(91). Les besoins en crédits de paiement sont évalués à 16,6 millions d’euros pour l’ensemble des lignes exploitées en 2011. Il n’est pas prévu d’inclure de nouvelles liaisons dans le dispositif en 2012.

Notre collègue M. Charles de Courson dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2012 indiquait même, en sens contraire (92) : « Le trafic low cost est d’autant plus important que, dans un contexte budgétaire contraint, l’État va concentrer les moyens destinés aux lignes d’aménagement du territoire sur les liaisons les plus utiles en matière de désenclavement et d’aménagement du territoire et, en conséquence, réduire les sommes consacrées aux liaisons pour lesquelles existe une alternative convenable. »

3.- Le schéma national des infrastructures de transport (Snit)

Un avant-projet de schéma national des infrastructures de transport (Snit) a été rendu public le 26 janvier 2011 par Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Écologie, et Thierry Mariani, ministre chargé des transports. Cette version a donné lieu à de nombreux échanges avec les élus, ainsi qu’à une consultation publique qui s’est tenue du 27 janvier 2011 au 20 mars 2011. Tenant compte de ces contributions, un nouveau projet de Snit a été élaboré, aujourd’hui disponible en consultation et téléchargement sur le site du ministère et qui a été transmis le 17 novembre 2011 par le Premier ministre au Conseil économique, social et environnemental (CESE) afin de recueillir son avis en février 2012. Il fera ensuite l’objet d’un débat au Parlement.

Le Snit ne modifie pas les grands équilibres des documents précédents. Pour l’essentiel, il clarifie certains sujets qui ont largement fait débat tels que les aspects financiers. Le Snit ne constitue pas un document de programmation de l’État en matière d’infrastructures de transport, mais il reflète une vision stratégique de l’évolution à long terme des infrastructures de transport en France. Il décrit donc le champ très large des possibilités sur les décennies à venir mais n’a pas vocation à décrire le champ du faisable à court et moyen terme.

Sa mise en œuvre devra prendre en compte le contexte économique et financier, notamment sur la base d’une hiérarchisation des projets envisagés et de la définition d’un plan de financement compatible avec les possibilités de l’État. Une fois le schéma arrêté, le Gouvernement engagera, notamment avec le concours de l’Agence de financements des infrastructures de transport de France (AFITF), une démarche de programmation sur cinq ans afin de définir les premières priorités sur lesquelles l’État pourra s’engager.

Le Snit a fait l’objet d’un rapport d’information de notre collègue Hervé Mariton en mai 2011(93). Ce rapport regrette « l’absence de plan de financement cohérent et l’absence de hiérarchisation et de priorisation des projets. » Il estime que d’une part la programmation des engagements du Grenelle de l’environnement en matière de lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV) représente un besoin de financement qui n’est pas soutenable, dans la situation actuelle des finances publiques. Il ajoute que les financements prévus pour les investissements de régénération et de modernisation des lignes ferroviaires sont insuffisants, ce qui « fait courir le risque d’un système ferroviaire à deux vitesses, avec d’un côté des lignes à grande vitesse performantes et toujours plus nombreuses et de l’autre côté un réseau de proximité ayant vocation à assurer les transports quotidiens souffrant de nombreux dysfonctionnements. »

La Cour des comptes évoque le Snit dans son référé n° 62351 du 3 novembre 2011 sur l’impact budgétaire et fiscal du Grenelle de l’environnement. Elle estime « indispensable de procéder aux arbitrages nécessaires, dès le stade du Snit, en tenant compte de la situation des finances publiques et de la nécessité de moderniser et de mieux entretenir le réseau existant. »

Dans la réponse au référé de la Cour, le premier ministre, M. François Fillon, rappelle qu’il « a saisi le CESE pour avis sur le projet de Snit, document d’orientation qui vise à dessiner des perspectives sur 20 ou 30 ans pour la politique de l’État en matière d’infrastructures de transport, au regard des besoins de mobilité et de transformation du système. Comme ceci a été précisé dans le projet de Snit, un travail de hiérarchisation dans le temps des grands projets inscrits dans ce schéma sera mené ensuite. Il importe en effet, comme s’en inquiète la Cour, que le Snit soit compatible avec les contraintes des finances publiques. »

B.- LE DÉSENCLAVEMENT DU PAYS DE LA VALLÉE DE MONTLUÇON ET DU CHER

Deux projets majeurs concernent les territoires ruraux proches de Montluçon : le projet de ligne à grande vitesse (LGV) Paris – Orléans – Clermont-Ferrand – Lyon (POCL) et la route centre Europe Atlantique (RCEA).

Le projet de ligne à grande vitesse (LGV) Paris – Orléans – Clermont-Ferrand – Lyon (POCL) consiste à relier Paris à Lyon par une ligne nouvelle de près de 500 km desservant les régions Auvergne, Bourgogne et Centre. RFF a présenté au débat public quatre scénarios. Tous répondent aux objectifs fixés par l’État à RFF :

– assurer, à terme, un temps de parcours entre Paris et Clermont-Ferrand inférieur à deux heures (loi « Grenelle 1 ») ;

– relier Orléans au réseau des trains à grande vitesse ;

– améliorer la desserte de Bourges et des villes du grand centre ;

– constituer un itinéraire pertinent alternatif à l’actuelle LGV Paris – Lyon.

La démarche de concertation menée en parallèle des études a fait émerger des objectifs complémentaires, que les scénarios prennent en compte, dans la mesure du possible :

– une amélioration de la liaison ferroviaire entre Auvergne et Rhône-Alpes ;

– une amélioration des relations transversales entre la façade Atlantique, Rhône-Alpes et au-delà ;

– une connexion ferroviaire avec des plates-formes aéroportuaires ;

– une articulation cohérente avec les réseaux de transport en commun et qui contribue à leur développement ;

– une desserte TGV des villes moyennes (Montluçon, Moulins, Vichy et Roanne).

Tous répondent, simultanément, à des besoins considérés jusqu’à présent de façon isolée : une meilleure accessibilité des territoires du centre de la France, et la désaturation de l’actuelle LGV Paris Lyon.

Le territoire central français s’organise autour de métropoles qui concentrent les activités et les personnes. Ce phénomène de polarisation touche non seulement Paris, Orléans, Clermont- Ferrand et Lyon, mais également les villes moyennes (Blois, Vierzon, Bourges, Nevers, Châteauroux, Moulins, Mâcon, Montluçon, Vichy et Roanne). Pour autant, chacune à leur échelle, toutes ces villes peinent à assurer un rôle moteur pour les territoires qui les entourent.

L’augmentation continue des trafics sur l’actuelle LGV Paris-Lyon rend l’exploitation de la ligne de plus en plus délicate et crée des difficultés pour maintenir la régularité des trains. Malgré les améliorations en cours et programmées, l’exploitation de la ligne actuelle deviendra critique à l’horizon 2025. La LGV Paris-Lyon constituant la colonne vertébrale du réseau à grande vitesse français, ces difficultés auraient des conséquences sur une part importante du réseau national.

LE PROJET POCL : PRÉSENTATION SCHÉMATIQUE DES QUATRE SCÉNARIOS

La route centre Europe Atlantique (RCEA) constitue une grande liaison transversale française est-ouest entre Saintes et Chalon-sur-Saône/Mâcon. La mise à 2x2 voies de la section Montmarault – Chalon-sur-Saône/Mâcon, avec le statut de route express, a été déclarée d’utilité publique par les décrets du 17 mars 1995, du 31 novembre 1996 et du 9 mai 1997. À l’heure actuelle, à peine 30 % de l’itinéraire est à 2x2 voies.

L’achèvement rapide de la mise à 2x2 voies des RN79, RN70 et RN80 est prioritaire à plus d’un titre pour le territoire traversé et en premier lieu pour améliorer la sécurité des usagers. Il s’agit aussi de consolider le tissu économique, de renforcer l’attractivité des territoires desservis, de répondre à des exigences accrues dans le domaine environnemental et d’améliorer la qualité de vie des riverains. C’est pourquoi l’État propose aujourd’hui d’accélérer l’aménagement de la RCEA entre les autoroutes A71 et A6.

Afin d’achever les travaux de mise à 2x2 voies à l’horizon 2017, l’État propose de créer une section autoroutière d’usage payant entre Montmarault, Ciry-le-Noble et Mâcon. La section Ciry-le-Noble – Chalon-sur-Saône serait aménagée mais resterait hors concession, donc gratuite. Si la solution de la mise en concession autoroutière n’était pas retenue, l’aménagement de la RCEA se poursuivrait sur crédits publics. Dans ce cas, la priorité serait donnée à la réalisation d’aménagements permettant de sécuriser l’infrastructure.

Recommandation n° 19 sur les transports :

– Développer les infrastructures de transport et des services de transports en commun (ferroviaire, aérien et routier) pour la desserte des territoires ruraux ; assurer dans le schéma national des infrastructures de transport (Snit) en cours d’élaboration un développement équilibré des transports dans les territoires urbains et ruraux, notamment pour les plus enclavés d’entre eux.

– Assurer une meilleure coordination des différentes autorités organisatrices de transports (AOT) que sont les régions, les départements et les communes et leurs regroupements, afin de disposer sur les territoires d’une offre de transport cohérente.

– Favoriser le développement des transports innovants sous toutes leurs formes (transport à la demande, intermodalité, covoiturage…).

VIII.- LE LOGEMENT

A.- UN PARC DE LOGEMENTS VIEILLISSANT EN MILIEU RURAL

Les travaux menés d’octobre 2009 à janvier 2010 dans le cadre des Assises des territoires ruraux ont mis en évidence le fait que le parc de logements en milieu rural est plus vétuste, largement individuel et plus inconfortable que le parc de logements urbains. Il nécessite des travaux qui peuvent parfois se révéler incompatibles avec le niveau de revenus souvent faible des habitants des territoires ruraux ; ce qui peut entraîner une difficulté pour les propriétaires occupants à se maintenir à domicile. Le CIADT du 11 mai 2010 a décidé que la rénovation thermique des logements puisse bénéficier des fonds du Grand emprunt pour favoriser la mise aux normes et réduire les situations de précarité énergétique en milieu rural. Ces fonds sont prioritairement destinés aux propriétaires les plus modestes.

En matière de logement, la première caractéristique est la prédominance des propriétaires occupants : ils représentent 70 % des ménages en zone rurale, soit 3,3 millions de ménages. Leur âge moyen est de 61 ans et leurs revenus sont plus modestes qu’ailleurs. Le bâti est plus ancien et de moindre qualité. Les logements sont anciens – 50 % datent d'avant 1915 – et leur qualité reste très largement insuffisante – 26 % du parc est sans confort ou en mauvais état. Une adaptation du logement à la perte d'autonomie apparaît nécessaire : 42 % des propriétaires occupants éligibles aux aides de l'Agence nationale de l’habitat (Anah) en milieu rural ont plus de 75 ans. La précarité énergétique, situation dans laquelle se trouvent les deux tiers des propriétaires pouvant être aidés par l'Anah, concerne les personnes qui consacrent au moins 10 % de leur budget aux dépenses d’énergie (voire près de 30 % chez les propriétaires ruraux les plus modestes, contre 8 % en moyenne nationale).

On constate un déficit de logements sociaux locatifs en milieu rural : 7 % seulement des logements sont des logements HLM, contre 20 % en milieu urbain. Les rapporteurs regrettent que ce ne soit pas la priorité, alors que le taux d’occupation est excellent. 90 % du parc social est situé dans 2 000 communes, avec une concentration des besoins en Île-de-France. La loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (dite « loi Dalo ») s’applique surtout dans les plus grandes agglomérations.

Les rapporteurs estiment que le développement des capacités de logement (propriétaire et locatif) en milieu rural comporte un double avantage : il favorise l’installation d’habitants dans les zones rurales et il détend la situation dans les zones urbaines. Ici comme ailleurs tout est lié, si des efforts sont faits pour équiper le monde rural (services publics, activités économiques, transports…), les gens auront envie d’y vivre.

L’Agence nationale de l’habitat (Anah) intervient en soutenant des travaux qui s’inscrivent dans le cadre d’opérations réalisées avec les collectivités territoriales, en particulier les opérations programmées d’amélioration de l’habitat–revitalisation rurale (OPAH-RR) et les programmes d’intérêt général (PIG). Comme l’a indiqué M. Dominique Braye, sénateur, président de l'Agence, lors de son audition le 21 juin 2011 par le Groupe de travail du CEC, la centaine d’OPAH-RR visent au développement local de territoires ruraux fragiles marqués par un vieillissement de la population, une décroissance démographique et un déclin économique. Ces OPAH-RR ont mobilisé plus de 27 millions d'euros de subventions en 2010 pour améliorer les logements et redynamiser les territoires. En 2010, l'Anah a financé 23 200 logements en milieu rural, pour un montant total de subventions de 120 millions d'euros, ce qui représente 28 % de l'enveloppe des aides individuelles consacrées aux propriétaires. Les OPAH fonctionnement d’autant mieux que les dispositifs d’animation locale sont actifs.

Les propriétaires occupants représentent 81 % des logements financés en zone rurale : 18 950 logements appartenant à des propriétaires occupants ont ainsi bénéficié de subventions pour un montant de 56 millions d'euros, soit environ 3 000 d’euros d'aide par logement. En 2010, 4 212 logements locatifs ont également été financés, avec 64 millions d'euros de subventions. Ces aides ont un véritable effet de levier : les 120 millions d'euros versés par l’Anah ont permis de réaliser 345 millions d'euros de travaux en milieu rural.

En 2010, les aides ont été orientées sur trois thématiques : 35 millions d’euros de subventions ont été versés pour 11 900 logements aux fins de rénovation thermique, essentiellement en faveur des propriétaires occupants modestes dans le cadre du nouveau programme « Habiter Mieux » ; 1 200 logements ont bénéficié de 25 millions d’euros de subventions au titre de la lutte contre l’habitat indigne ; 10 300 logements ont été aidés à hauteur de 32 millions d’euros pour l’adaptation du logement à la perte d’autonomie. L’Anah a conclu des partenariats de lutte contre la précarité énergétique avec les départements, sous la forme de contrats locaux d’engagement (CLE). Plus de la moitié des départements ont adhéré au programme. Les départements sont en charge de l’aide sociale et souvent, ils interviennent financièrement lorsque des factures d’énergie sont restées impayées ; mieux vaut qu’ils apportent une réponse structurelle en aidant à la diminution de la consommation d’énergie. L’Anah a un mode de fonctionnement déconcentré qui s'appuie fortement sur les collectivités locales, ce qui permet de prendre en compte les particularités des territoires.

La lutte contre l'habitat indigne et très dégradé est devenue la première priorité de l’Agence alors qu’historiquement ses actions visaient d’abord les propriétaires bailleurs.

Avec le programme « Habiter Mieux », l’accent est mis sur la lutte contre la précarité énergétique. L’État apporte 500 millions d’euros au titre des « investissements d’avenir » financés par les ressources du Grand emprunt et l’Agence 600 millions d’euros ; 250 millions sont apportés par l’intermédiaire des certificats d’économie d’énergie. Le programme « Habiter mieux » est orienté sur la lutte contre la précarité énergétique, mais il peut constituer une porte d’entrée pour traiter le problème de l’habitat indigne ou favoriser le maintien à domicile.

L’Anah s’investit également beaucoup dans l’adaptation du logement à la perte d’autonomie. L’objectif actuel est de porter de 60 à 70 % la part des personnes âgées demeurant à domicile. Si rester chez soi est un désir légitime, c’est aussi une source d’économie importante pour la société : une personne âgée restant à son domicile coûte quatre fois moins cher que si elle est prise en charge dans un établissement spécialisé (94).

L’Anah a publié un guide des travaux de rénovation énergétique les plus efficaces et un opuscule similaire pour l’adaptation du logement à la perte d’autonomie.

En favorisant l’achat et la rénovation de logements anciens par des ménages modestes, on obtient le même résultat qu’avec la politique d’accession sociale à la propriété, mais à un coût moins élevé pour la collectivité, et avec l’effet supplémentaire de contribuer à la restructuration des centres-bourgs.

Les rapporteurs confortent la réorientation de l’action de l’Anah vers la lutte contre le logement insalubre et la précarité énergétique. Certaines actions de l’agence concourent déjà à l’adaptation des logements à la dépendance. Il faut aller plus loin : les rapporteurs estiment en outre utile de créer un programme « Dépendance » au sein de l’Agence. Ils soutiennent également les efforts de l’Agence en faveur du repérage des situations les plus difficiles ainsi décrites. L’ensemble des travailleurs sociaux devrait ainsi être incité à participer à ce repérage (caisses régionales d’assurance vieillesse, centres communaux et intercommunaux d’action sociale…). Ici comme dans d’autres domaines, « tout se tient », il faut donc contribuer à une plus grande synergie des politiques publiques.

Les rapporteurs souhaitent également mentionner le problème spécifique du déficit de logement des travailleurs saisonniers. Dans de nombreuses stations touristiques des postes ne sont pas pourvus à cause du coût de ces logements, au regard des salaires proposés. Dans d’autres cas, les conditions de confort sont très insuffisantes.

Enfin, il convient d’insister sur la nécessaire cohérence entre la localisation des nouvelles zones résidentielles, d’une part, et les modalités de transports et l’offre de services (écoles, commerces, services sociaux…), d’autre part. Tant pour des raisons de planification des sols (artificialisation) que pour des raisons économiques et écologiques, il n’est pas durable de construire des logements à 60 km du plus proche centre urbain, avec les trajets domicile travail qui vont avec. Il est du rôle des Scot en particulier de veiller à une telle cohérence.

B.- LA DIFFICULTÉ DU REPÉRAGE DES LOGEMENTS INSALUBRES OU EN SITUATION DE PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE DANS LES TERRITOIRES

1.- Dans le grand sud-ouest amiénois

Le directeur départemental des territoires et de la mer (DDTM) de la Somme indique que l’objectif est de construire 280 000 logements dans l’agglomération amiénoise et 90 000 autres dans les zones rurales. Il indique que, globalement, tous les crédits d’État pour le logement neuf ont été consommés ; les objectifs en milieu rural sont tenus alors que ceux dévolus à l’agglomération amiénoise ne le sont pas, en raison de la pression sur les prix du foncier.

Le Grenelle de l’environnement a été l’occasion d’une prise de conscience selon laquelle la construction de logements sans planification spatiale, de préférence à l’extérieur des villes et villages, n’est plus souhaitable. Il faut recentrer les constructions là où sont les besoins et les services (écoles, commerces…).

La priorité doit être portée sur la réhabilitation du logement indigne ou insalubre. Son repérage est particulièrement difficile : un croisement systématique des deux critères des ressources de l’occupant et de l’âge du logement devrait y aider. 14 000 logements sont potentiellement concernés. Le préfet de la Somme indique que, chaque année, les crédits de l’État affectés à la réhabilitation de l’habitat indigne et à l’adaptation des logements à la dépendance ne sont pas totalement consommés, spécialement en milieu rural, en raison de ce défaut de repérage. Un courrier a été adressé à plusieurs reprises aux médecins, aux travailleurs sociaux et aux aides ménagères, leur demandant de signaler, dans le respect des personnes concernées, les logements indignes qu’ils pourraient découvrir dans l’exercice de leurs fonctions. Il n’a jamais eu aucune réponse... Il faut aider les personnes âgées à déterminer les travaux les plus pertinents à réaliser : il peut par exemple coûter moins cher de s’isoler que d’installer le chauffage central. La phase de diagnostic est importante : il devrait être effectué systématiquement entre 60 et 65 ans, à titre préventif. Le contrat local de santé (CLS) sus-évoqué a prévu une fiche action sur cette thématique.

La représentante de l’Anah indique que les priorités de la politique du logement au niveau national sont la production de logements neufs en milieu tendu et la réhabilitation de logements anciens en milieu rural. Dans ce dernier cas, il s’agit majoritairement de propriétaires occupants. Alors que l’Agence finançait dans le passé des opérations d’amélioration du confort (salle de bain, chauffage), elle recentre maintenant son action sur la réhabilitation des logements (insalubrité, précarité énergétique, adaptation au vieillissement). Le repérage peut passer par le signalement des services d’aide à domicile ou des assistantes sociales, mais il se heurte au problème d’avoir peur de « dénoncer ».

L’Agence veille à ce que les réhabilitations soient précédées d’un diagnostic complet assurant que les travaux entrepris rendront ensuite le logement habitable durablement. Il s’agit d’éviter les effets d’aubaine d’une distribution de subventions qui, mal étudiées, s’avèreraient non prioritaires ou inadaptées dans le cadre d’une rénovation d’ensemble.

Un conseiller général indique qu’un plan départemental de l’habitat (PDH) est en préparation. Sa conception est très partenariale et son ambition globale, en incluant les bailleurs privés et sociaux. Une contractualisation avec 27 territoires est envisagée dans le cadre d’un aménagement concerté. Il existe des micro zones tendues dans des territoires ruraux, cas de figure qui n’est pas prévu par le zonage national des aides au logement. Certaines communes disposent d’une gare mais ne sont pas en zone prioritaire. Il manque un élément de souplesse par rapport aux politiques de l’État très standardisées dans les critères d’attribution des crédits. Les zones tendues sont évidemment la priorité, mais oublier les zones rurales ferait encourir le risque de désertification. Le PDH n’oppose pas Amiens aux territoires ruraux mais propose un développement équilibré. Les Scot sont considérés comme des outils très importants. PDH et Scot permettent un degré de finesse dont ne dispose pas le zonage national par trop binaire.

Le directeur de l’Agence de développement et d’urbanisme du grand Amiens (Aduga) note le décalage entre les intentions affichées dans le Grenelle de l’environnement et les Scot, d’une part, et la réalité de l’économie de la construction chez les promoteurs, d’autre part. Il regrette les changements de direction brutaux des dispositifs nationaux (zones rurales maintenant exclues du dispositif de logement locatif Scellier, diminution des crédits de l’Anah, plan de relance…), particulièrement déstabilisateurs pour la continuité des actions menées en la matière.

2.- Dans les communautés de commune du Haut Jura

Cinq tours de 11 étages avaient été construites à Morez dans les années 1970 pour l’hébergement social des jeunes travailleurs de la lunetterie. À leur construction, tout le monde voulait y habiter. Mais la crise de la lunetterie jointe aux problèmes inhérents à ces tours HLM (pas d’isolation thermique, ascenseurs en panne…) a transformé l’îlot d’habitations en zone insalubre et en proie à la violence. Une opération financée par l’Anru pour un montant de 3 millions d’euros (coût total de 19 millions d’euros) a permis la démolition des tours et la reconstruction de tout un quartier à dimension humaine et aux normes de consommation d’énergie.

Cette opération d’habitat s’insère dans un ensemble de dispositifs constituant un véritable projet de territoire, avec notamment des dimensions éducative, sociale et économique. La ville de Morez, l’État et le conseil général du Jura ont signé en 2007 une convention cadre du contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) pour une durée de trois ans, puis prolongé jusqu’en 2014. Il inclut les éléments suivants : éducation et accès aux savoirs de base ; emploi et développement économique, prévention de la délinquance et justice ; dispositif « Ville Vie Vacances » (VVV) ; logement et habitat ; santé et accès aux soins ; lien social, citoyenneté, et participation à la vie publique.

Le contrat de réussite éducative (CRE) signé entre l’État et la ville de Morez vise à rendre effective l’égalité des chances pour les enfants et adolescents de 2 à 16 ans, en situation de fragilité, en leur proposant de bénéficier d’une prise en charge individualisée prenant en compte la globalité de leur environnement. Ce contrat n’est pas un dispositif isolé mais un programme intégré dans le cadre d’une politique globale comprenant, entre autres, l’accompagnement scolaire, le développement de l’offre de loisirs, l’éducation à la citoyenneté, etc. Le CRE dynamise les accompagnements individualisés et assure la continuité des interventions éducatives, sociales et de santé.

Une maison d'accueil spécialisée - foyer d'accueil médicalisé (MAS-FAM) pour personnes handicapées adultes avec une capacité de 40 pensionnaires vient d’être inaugurée. Elle a été financée pour moitié par l’État et pour l’autre moitié par le conseil général. D’autres réalisations concernent la construction d’un centre social, d’un relais de services publics et d’une école.

Recommandation n° 20 sur le logement :

– Réorienter la politique de rénovation de l’habitat vers la lutte contre le logement insalubre et la précarité énergétique et vers l’adaptation des logements à la dépendance ; intensifier en la matière les efforts de repérage entrepris par tous les acteurs pouvant y contribuer (travailleurs sociaux, professionnels de santé, aides ménagères…).

– Développer le logement social locatif en zone rurale, trop souvent délaissé au profit des grandes agglomérations.

– Assurer la cohérence des différentes planifications des sols (urbanisme, transports, services publics…), notamment les schémas de cohérence territoriale (Scot), lors du choix d’implantation des nouvelles zones résidentielles.

– Introduire un élément de souplesse dans les politiques de l’État en matière de logement, par trop standardisées, en particulier dans la délimitation des zonages.

RÉUNION DU COMITÉ DU 5 MAI 2011 :
POINT D’ÉTAPE

M. le Président Bernard Accoyer. Nous en venons à un second point d’étape, sur l’aménagement du territoire en milieu rural. Là encore, il s’agit d’un sujet large, pour lequel ont été désignés douze de nos collègues, issus de six commissions. Je laisse tout de suite la parole aux deux rapporteurs, MM. Jérôme Bignon pour la majorité et Germinal Peiro pour l’opposition.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Nous avons été désignés rapporteurs en janvier, mais la période des cantonales a quelque peu retardé la mise en route du groupe de travail. Cela étant, nous sommes douze députés, douze ruraux qui ont tous, cela va sans dire, beaucoup d’idées sur la question, et l’entente entre les deux rapporteurs est excellente – notre attachement au milieu rural n’y est sans doute pas pour rien.

Nous avons décidé de faire porter notre évaluation sur les années 2005 à 2010, un travail similaire ayant été effectué en 2003 dans le cadre du Commissariat général au plan pour préparer la loi relative au développement des territoires ruraux de février 2005.

Nous avons commencé par essayer de recenser les dispositifs mis en place par l’État, en adressant un questionnaire au Premier ministre et à dix ministères. En l’occurrence, Bercy ne se distingue pas, puisque nous n’avons eu aucune réponse. Mais le retard n’est pas encore grand, puisque l’échéance était fixée au 29 avril dernier… Nous nous sommes également mis d’accord sur une typologie des domaines d’action de l’État qui nous semble assez exhaustive. Ils ne sont d’ailleurs pas bien différents, hormis quelques points très spécifiques, de ce qu’ils sont pour le reste du territoire : le milieu rural est aussi concerné que les villes, quoique sous des formes différentes, par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, par les problèmes immobiliers ou par l’organisation des services de santé et des services sociaux, par exemple.

La gouvernance de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural doit être étudiée, et ce à deux niveaux. Au niveau de la conception et du financement d’abord, il faut s’intéresser à la cohérence des actions menées respectivement par l’État, par l’Union européenne et par les collectivités locales, ainsi qu’à la coordination interministérielle. Dans la gestion des crédits européens, interviennent en effet, à la fois, le ministère de l’Agriculture – maintenant en charge de l’aménagement du territoire – qui est le gestionnaire du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et la Datar, Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, qui joue un rôle central pour l’attribution des crédits du Fonds social européen et du Fonds européen de développement régional. Quant aux collectivités locales, la synergie avec l’État passe en particulier par les contrats de projets État-régions (CPER).

Au niveau de la mise en œuvre ensuite, l’aménagement du territoire étant fondé sur l’urbanisme, il faut mener une réflexion approfondie, allant du schéma de cohérence territoriale (SCOT) au plan local d’urbanisme (PLU). Dans ce domaine, les outils ont évolué, d’abord avec la loi Grenelle 1, qui a complété les objectifs des SCOT, puis avec la loi Grenelle 2 et avec l’Agenda 21 de Rio. Un seul exemple concret : doit-on construire des lotissements n’importe où, ou près des infrastructures de transports collectifs ? Cette deuxième option est certainement préférable, mais encore faut-il que ce soit prévu dans les SCOT… C’est ce que nous allons essayer de vérifier.

Toute évaluation doit conduire, nous semble-t-il, à hiérarchiser, des finalités aux dispositifs, en passant par les objectifs stratégiques puis opérationnels. Nous avons reconstitué a posteriori trois graphes d’objectifs, en nous fondant sur l’audition du ministre de l’Agriculture du 8 mars 2011 par la commission du Développement durable, sur le Plan d’action pour les territoires ruraux du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 11 mai 2010 et sur la loi de développement des territoires ruraux de février 2005. Nous avons constaté une grande similitude des finalités et des objectifs stratégiques, malgré quelques différences sémantiques qui peuvent avoir du sens. En revanche, il existe des variations substantielles dans leur mise en œuvre, c’est-à-dire dans la définition des différents objectifs opérationnels et des dispositifs. Une remise en cohérence est donc indispensable. Tout cela soulève de nombreuses questions. J’en citerai trois classiques : faut-il mener une politique d’attraction de populations en pensant que les emplois suivront, ou commencer par essayer de réunir d’abord les conditions de l’attractivité économique là où elles n’existent pas encore ? Faut-il inclure le développement durable dans la finalité même de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural, ou le considérer comme un élément exogène ? Une politique rurale indépendante des villes a-t-elle du sens, ou risque-t-elle d’isoler les zones les plus fragiles ? Une solution en la matière consisterait probablement à définir un minimum requis, un « standard » du territoire attractif, fondé sur des indicateurs en lien avec la typologie des différentes zones rurales.

Nous avons par ailleurs dressé une liste d’une quinzaine de questions, des questions certes « basiques » mais qui démontrent en effet l’ampleur du sujet. Nous aurons sans doute à faire un tri au fur et à mesure de nos travaux pour nous concentrer sur l’essentiel. Car ces questions sont larges : les leviers du développement, les problématiques foncières, les effets des grandes politiques de transfert, la péréquation entre les riches et les pauvres… Après y avoir répondu, nous pourrons formuler des propositions visant soit à ajuster, à la hausse ou à la baisse, les financements publics, voire à supprimer certains dispositifs, soit à améliorer leur mise en œuvre.

Pour nous aider dans ce travail, nous souhaitons nous faire assister d’un comité d’experts constitué de membres des corps de contrôle compétents et d’autres spécialistes qui ont participé aux très nombreuses études menées sur ce sujet ces dernières années. Nous aurons besoin bien sûr des services de la Datar, qui se montrent d’ailleurs extrêmement coopératifs, du ministère de l’agriculture et de l’Insee, mais aussi du Cemagref ou d’universitaires. En faisant travailler ensemble tous ces experts qui explorent ces questions depuis des années, nous ne pouvons que gagner en temps et en efficacité.

Le groupe de travail devra aussi s’interroger sur la dichotomie entre les dispositifs de l’État, qui sont pour l’essentiel fondés sur un zonage avec une « politique de guichet », et les dispositifs européens, qui sont fondés, surtout depuis 2000, sur des appels à projets. Chacune de ces deux formules présente d’ailleurs des avantages. Supprimer les zones de revitalisation rurale (ZRR), par exemple, reviendrait à abandonner les plus fragiles à leur sort, cependant que l’appel à projets permet de sélectionner les candidats les plus aptes à mener les actions à bien. Il convient donc, probablement, de combiner les deux, mais en les articulant de manière plus pertinente. En effet, si l’appel à projets est un bon marqueur de la volonté locale, ce sont au final les collectivités qui ont le plus d’argent et d’ingénierie, bref de matière grise, qui y répondent. Pendant longtemps, l’ingénierie publique a joué un rôle primordial en milieu rural : ce sont les services du génie rural qui ont aidé les collectivités à constituer leurs réseaux d’assainissement, d’eau potable et d’électricité. Mais aujourd’hui, les maires sont livrés à eux-mêmes – surtout les trente mille maires de communes de moins de 500 habitants.

Enfin, nous élaborerons une revue critique des très nombreuses recherches qui ont déjà été effectuées sur notre sujet. La méthodologie et les principales conclusions des plus récentes, énumérées en annexe, ont fait l’objet de notes séparées.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je confirme que l’entente est cordiale entre les deux rapporteurs !

Pour l’instant, nous avons effectué tout notre travail grâce aux ressources internes du secrétariat du CEC, mais deux études complémentaires seraient utiles. La première, de type vertical, porterait sur les besoins et les réalisations en matière d’aménagement du territoire dans quatre territoires bien identifiés, correspondant à la typologie retenue dans l’évaluation par le Commissariat général au plan de 2003. Nous recenserions d’abord les équipements de ces quatre bassins de vie : les équipements concurrentiels, tels que les commerces ou les banques, et les « non concurrentiels », à savoir les services publics, les équipements de santé et les équipements d’éducation. Puis nous essaierions d’apprécier les effets des différents dispositifs de l’État – sans refaire le travail de nos collègues sur la RGPP ! – concernant par exemple la santé et le social, le transport, l’attractivité économique, l’agriculture ou les nouvelles technologies. Il s’agit en fait de se faire une idée de l’impact global des différentes actions d’aménagement du territoire de l’État.

La seconde étude, plus horizontale, porterait sur la gouvernance locale des politiques de développement ou d’aménagement, en incluant notamment la question des pays. L’impact des actions d’aménagement du territoire menées par l’État dépend du niveau des collectivités visées. Souvent, le niveau communal offre un territoire trop réduit – je rappelle que trente mille de nos communes sont toutes petites. Mais faut-il s’adresser aux intercommunalités existantes, à celles qui vont naître de la réforme territoriale – les préfets de chaque département ayant proposé en avril de nouveaux schémas de coopération intercommunale –, à des bassins regroupant plusieurs intercommunalités, à des pays ? Il existe de tout petits pays, comme dans le département du Lot, et de beaucoup plus grands – il n’y en a que quatre en Dordogne, pourtant troisième département français pour la superficie. Il est donc très important d’apprécier, selon le type de projet, la taille de collectivité la plus pertinente. Ce qui nous ramène à la question de l’ingénierie, autrement dit de la matière grise, dont nous voyons déjà bien, à ce stade de notre travail, qu’elle est cruciale pour le développement des territoires ruraux. L’État a beaucoup fait par le passé à cet égard, notamment à travers les DDE et les DDA, les directions départementales de l’équipement et de l’agriculture. Ce n’est plus le cas. Il en résulte que ce sont souvent les territoires les plus pauvres qui forment le moins de projets. Parallèlement, nous devrons aussi nous intéresser à la gouvernance mise en œuvre aux niveaux européen, départemental et régional, puisque tout cela se croise sur le même territoire, afin de dégager des pistes pour une meilleure efficacité. Pour ces deux points, nous souhaitons faire intervenir des cabinets d’études. Nous demanderons aussi l’expertise de la Cour des comptes sur les sujets sur lesquels elle a mené des travaux récents.

Pour ce qui est des auditions, six tables rondes sont prévues, portant respectivement sur l’attractivité économique et le soutien des entreprises en milieu rural, sur les services publics, sur les services sociaux et de santé, sur les services au public, sur les infrastructures de transports et sur l’agriculture. Quant aux auditions individuelles, nous avons déjà entendu le directeur de la Datar, M. Emmanuel Berthier. D’autres sont prévues sur les nouvelles technologies, sur La Poste, sur le logement et sur le tourisme rural. Nous allons également nous rendre dans les quatre cantons représentatifs au regard de la typologie précitée, actuellement révisée par la Datar. Pour être plus précis, il s’agira d’un canton rural à population renouvelée et à forte composante touristique en Dordogne, d’un canton agricole vieilli et peu dense dans l’Allier, d’un canton rural ouvrier dans le Jura et d’un canton périurbain résidentiel de la Somme.

Nous devrions être en état de présenter au Comité notre projet de rapport en décembre 2011 ou janvier 2012.

M. Serge Poignant. Vaste travail ! Mais essentiel pour l’efficacité des politiques publiques.

Quelques remarques à chaud. D’abord, la France est très différente d’une région ou d’un département à l’autre. Qu’est-ce donc exactement que le milieu rural ? Proche d’une ville ou non ? Avec une ville moyenne comme chef-lieu ou pas ? Les problématiques ne sont évidemment pas les mêmes en Creuse, en Loire-Atlantique ou en Ille-et-Vilaine…

La notion de pays, fondée sur les bassins de vie, est très intéressante, à condition qu’elle s’incarne dans des projets et non dans un nouvel échelon d’administration, qui n’est au reste nullement indispensable pour faire de très bonnes choses dans ce cadre.

Qu’en est-il de la relation avec la ville ? On a trop tendance à distinguer, voire à opposer « milieu rural » et « milieu urbain ».

Enfin, vous avez dressé une typologie des domaines d’action de l’État : services publics de l’État, santé et social, transports, économie… Dans ce cadre, le bilan des pôles d’excellence rurale sera sans doute intéressant. Mais, pour ce qui est de l’éducation, vous ne mentionnez que l’école maternelle, l’école primaire et le collège. Or il me semble que les lycées professionnels et la formation professionnelle, voire les BTS et la recherche, doivent contribuer aussi à la vitalité du milieu rural. Ils ne doivent pas tous être dans les villes.

M. Pierre Méhaignerie. Mes années d’ingénieur du génie rural et des eaux et forêts, en Tunisie puis en Gironde, m’ont laissé la passion de l’équilibre du territoire.

Si vous pouviez analyser l’utilisation des fonds européens et des contrats de plan, vous seriez sans doute surpris de leur concentration sur quelques territoires et grandes villes. Une des raisons, nous disent les préfets, en est le manque d’ingénierie dans les territoires ruraux. En Bretagne, j’ai constaté que 90 % des enveloppes sont allés à trois villes…

Par ailleurs, qu’est-il prévu de faire pour la couverture du territoire en très haut débit ? C’est le moment d’aborder l’aspect politique du problème, au lieu de commencer par les grandes villes qui peuvent s’autofinancer !

Enfin, nous avions été plusieurs, toutes sensibilités confondues, à défendre un prêt à taux zéro (PTZ) unique. Sans succès : il est en définitive modulé en trois niveaux, voire quatre, en fonction des catégories de territoires. Or, l’ouvrier d’un territoire rural qui a douze kilomètres à faire matin et soir a des dépenses au moins aussi élevées que les habitants des zones proches de Paris en Île de France! Nous avons commis une injustice. Il est encore temps d’y réfléchir, et nous pourrons y revenir en séance publique au moment de la discussion du projet de loi de finances.

M. René Dosière. Vos documents ne font nulle part état du rôle des conseils généraux dans l’aménagement du territoire rural. Pourtant, c’est vers le milieu rural que vont par définition la plupart de leurs crédits, et le transfert de compétences en la matière a commencé dès 1982. Le rôle qu’ils jouent devrait apparaître à un moment ou un autre.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Merci de toutes ces suggestions qui nous aideront à avancer et à répondre aux questions qui vous intéressent.

Ce n’est pas la moindre des difficultés de ce dossier que de mettre au point une méthodologie d’évaluation, mais nous nous efforçons d’y parvenir afin que ce travail ne reste pas ponctuel, mais puisse être poursuivi, grâce à des indicateurs sur lesquels revenir à intervalles réguliers.

Pour ce qui est des pays, on leur a fait un mauvais procès en les voyant comme une nouvelle couche de collectivité. Pourtant, les intercommunalités n’ont pas toujours la taille pertinente et l’idée de les faire travailler ensemble dans des structures de type associatif semble plutôt utile. Si l’on veut augmenter la capacité d’ingénierie des territoires ruraux, le pays est la bonne dimension.

Quant à la relation du milieu rural avec la ville, c’est en effet un point essentiel. Il apparaît, c’est assez paradoxal, que le milieu rural souffre du manque de politiques de l’État en faveur des villes moyennes. La petite ville est le moteur du développement de la zone rurale – en fait, elles ont besoin l’une de l’autre.

Pour ce qui est de l’équilibre du territoire, la décentralisation, en dépit de tous ses aspects positifs, devient inquiétante lorsque l’État ne joue pas son rôle régalien au service de la péréquation, et de l’égalité entre les territoires. Cette péréquation s’exerce encore plus mal qu’autrefois : il n’est qu’à voir comment sont distribués les crédits État-régions ou la prime d’aménagement du territoire. C’est une difficulté majeure.

Nous prendrons également en compte vos autres suggestions, monsieur le président Méhaignerie, concernant les fonds européens, les nouvelles technologies et le PTZ.

Germinal Peiro étant conseiller général depuis vingt-deux ans et moi depuis trente et un ans, vous pouvez croire, monsieur Dosière, que nous n’avons aucune animosité à l’égard des conseils généraux, et que nous ne saurions les oublier. Ils sont évidemment une part essentielle de ces collectivités locales dont nous allons étudier les actions, au même titre que celles de l’État et de l’Union européenne, et nous examinerons ainsi de très près la politique d’aménagement du territoire de chacun des quatre départements où nous devons nous rendre.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Il est clair qu’il ne peut y avoir d’aménagement du territoire sans l’État. Il existe, de la part de beaucoup, une pression pour que les régions se chargent de tout, mais le travail que nous avons déjà effectué tout comme notre expérience d’élus locaux montrent bien que le rôle régalien de l’État, en matière d’infrastructures mais aussi de politiques publiques, est majeur. Sans lui, la notion d’égalité des territoires ne peut que perdre en substance. Il y a cent cinquante ans, c’est avec la volonté que la population soit servie de la même façon partout qu’on a construit des voies ferrées, des routes, des écoles et des postes dans tous les villages de France !

Avec les lois de décentralisation, il est évident que le rôle des collectivités locales s’est accru. En Dordogne, c’est le conseil général qui joue un rôle majeur dans l’aménagement du territoire, avant la région, qui a pourtant la compétence de l’économie. Comme cela a été dit, les politiques européennes bénéficient aux grands centres. Nous devrons voir quelles synergies mettre en œuvre pour qu’elles servent à irriguer le monde rural, combinées aux actions de l’État et des collectivités locales. Beaucoup de départements ont choisi de répartir une partie des aides aux communes selon des contrats d’objectifs par canton. C’est un formidable outil de redistribution. S’en priver, c’est s’exposer à faire perdurer le traitement privilégié accordé aux chefs-lieux ou aux sous-préfectures. Notre mission est aussi de démontrer que les territoires ruraux sont une vraie richesse, que ce sont des territoires d’avenir, à condition que les politiques publiques combinées leur permettent de se développer.

Le Comité valide la démarche présentée par les deux rapporteurs ainsi que leurs demandes d’études concernant l’évaluation de l’ensemble des politiques publiques en matière d’aménagement du territoire mises en œuvre dans un nombre limité de cantons correspondant à une typologie différenciée, et l’évaluation de l’organisation de la gouvernance locale en matière de politiques d’aménagement du territoire en milieu rural. Ces demandes seront transmises aux questeurs pour engager une consultation des entreprises retenues pour l’accord-cadre mis en place pour le CEC.

M. le Président Bernard Accoyer. Une petite remarque personnelle : comme Germinal Peiro, je considère que le rôle de l’État doit être prééminent dans l’aménagement du territoire en zone rurale. Il doit en particulier l’emporter sur celui des régions, pour la simple raison que le nombre d’habitants d’une région pèse, notamment par l’intermédiaire du nombre d’élus, dans l’affectation des moyens. De la même façon, les départements étant plus proches de la population, les déséquilibres démographiques se retrouvent traduits en nombre d’élus. Cela rejoint la question de l’exode rural et de la mutation extraordinairement profonde de notre agriculture. En cent cinquante ans, nos campagnes se sont vidées : si l’on grossit le trait, existent maintenant surtout de vastes exploitations industrialisées, automatisées, exigeant peu d’hommes…

Je m’étonne aussi de l’idée fixe qui imprègne les Scot, consistant à tout et toujours plus concentrer. On nous enjoint d’agréger, de superposer les territoires – je viens d’élaborer un nouveau PLU qui prévoit cinq niveaux dans des espaces où il n’y avait rien auparavant, et la chambre d’agriculture estime néanmoins que cela reste insuffisant ! Il y a là des excès préoccupants. Non seulement cette concentration ne correspond pas vraiment à l’aspiration des populations, mais elle s’accompagne d’une désertification inquiétante à d’autres endroits. Le balancier est allé trop loin, il faut essayer de revenir à un juste milieu.

Permettez-moi enfin une considération plus générale sur l’organisation de nos travaux. J’estime que le Comité choisit des sujets d’étude trop lourds. C’est sans doute une maladie de jeunesse, mais, à l’avenir, il conviendrait de s’orienter vers des sujets plus circonscrits. Ceux qui craindraient que nous y perdions en intérêt politique auraient tort et, au surplus, nous y gagnerions en efficacité : songez qu’on demande à nos services et à nos rapporteurs un travail auquel, avant la loi de développement des territoires ruraux de 2005, l’exécutif avait consacré les efforts de plusieurs organismes et services pendant plusieurs années !

RÉUNION DU COMITÉ DU 2 FÉVRIER 2012 :
EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION

M. le Président Bernard Accoyer. Nous examinons, ce matin, le rapport de MM. Jérôme Bignon et Germinal Peiro sur l’évaluation des politiques d’aménagement du territoire en milieu rural.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Nous avons travaillé tout au long de l’année sur ce rapport qui nous fut confié au début de 2011, un point d’étape ayant été présenté le 5 mai dernier.

Animés par la passion du monde rural où nous sommes élus depuis longtemps, M. Bignon et moi avons travaillé ensemble et sans esprit partisan. Le monde rural est en pleine mutation, mais pas en déclin : au plan national, sa démographie est même en progression, de nouvelles populations, issues des villes et de l’Europe du Nord, étant venues s’y installer. Les besoins en services s’en sont bien entendu trouvés accrus. À cet égard, nous sommes tous deux attachés au fait que l’État reste le garant de l’égalité républicaine sur l’ensemble du territoire.

S’agissant de la méthode, nous nous sommes efforcés de dresser le bilan des évaluations antérieures et de recenser les objectifs des politiques publiques à partir des travaux législatifs de ces dernières années. Nous avons aussi envoyé un questionnaire aux dix ministères concernés, procédé à treize auditions et tables rondes, visité quatre territoires ruraux – en Dordogne, dans la Somme, l’Allié et le Jura – et confié deux études à des consultants extérieurs.

Nous tenons à remercier le secrétariat du Comité, qui nous a apporté un concours précieux dans ce travail.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Nous avons travaillé dans une entente que j’oserais presque dire exemplaire, et ce dans un environnement administratif particulièrement agréable.

Dans la première partie de notre rapport, nous avons analysé la coordination des politiques d’aménagement du territoire en milieu rural, puisque celui-ci concerne dix ministères, seize missions et trente-cinq programmes budgétaires. Le champ était si vaste que vous aviez exprimé quelques doutes, monsieur le Président, sur sa pertinence lors de la présentation du rapport d’étape. Cependant, toute vision partielle échoue à rendre compte de la politique d’aménagement du territoire, dont la particularité est d’associer la transversalité interministérielle et la verticalité, puisque c’est l’État qui donne l’impulsion. La Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar) assure la coordination de ces politiques sous l’autorité du Premier ministre, laquelle est en réalité transférée à un ministre. Or, au cours de la présente législature, trois ministres ont été successivement chargés de l’aménagement du territoire : M. Borloo, qui fut assisté d’un secrétaire d’État ; M. Mercier, qui reçut un portefeuille dédié ; enfin, M. Le Maire, qui est chargé à titre principal de l’agriculture. L’une de nos recommandations est, d’une part, que la Datar reste directement placée sous l’autorité du Premier ministre, et, de l’autre, qu’un ministère soit réservé à l’aménagement du territoire, compte tenu de sa complexité et de la dynamique interministérielle qu’il requiert. Sur ce dernier point, la loi de développement des territoires ruraux de 2005 prévoyait une conférence annuelle de la ruralité ; or cette conférence ne s’est tenue que deux fois, en 2006 et en 2007.

Nos analyses et nos critiques sont assorties de recommandations, parmi lesquelles le renforcement du rôle de la Datar, qui a été dirigée, depuis sa création, par des personnes de grande qualité. L’immense majorité des habitants des territoires ruraux, élus compris, ne connaissent ni la Datar, ni le secrétaire général pour les affaires régionales (Sgar), qui est chargé de la coordination au niveau régional ; ils souffrent donc du manque d’interlocuteurs.

Il nous apparaît également essentiel de mieux articuler nos politiques avec celles qui sont menées au niveau européen. Ainsi, l’essentiel des crédits du Fonds européen agricole de développement rural (Feader), qui atteignent au total quelque 7 milliards d’euros, vont aux agriculteurs : il conviendrait de les redéployer davantage vers l’aménagement du territoire, celui-ci étant au demeurant indispensable aux agriculteurs eux-mêmes, et de décloisonner les différents fonds européens par une intégration de leur programmation en France.

Le deuxième volet concerne la gouvernance locale. Sur ce point, nous avons interrogé les consultants extérieurs sur ce qui leur semblait être la taille de territoire idéale, tant il est de tradition, en France, de calibrer les mêmes modèles pour tous. Mais il est apparu, précisément, que cet idéal n’existait pas : chaque territoire est construit par les hommes, selon une ingénierie particulière et par la mobilisation de ses forces vives, sous l’impulsion des acteurs locaux. En un mot, la bonne gouvernance des territoires ne dépend pas de leur taille.

Les consultants ont insisté sur l’importance de la matière grise. Or la plupart des intercommunalités sont de gestion, et non de projets. Des intercommunalités de projets seraient plus efficaces, par exemple, dans le cadre de la sollicitation des fonds, européens ou nationaux, ou du dialogue avec la Datar : en l’absence d’ingénieurs formés à la conception technique et financière des projets, ces territoires risquent de végéter. Nous préconisons donc que l’État prenne en charge cette ingénierie publique, autrefois assurée par les directions départementales de l’aménagement (DDA) et de l’équipement (DDE).

Par ailleurs, la dernière réforme territoriale a un peu abruptement supprimé, sinon les pays, du moins leur statut législatif. Selon les acteurs de terrain, cette décision fut une erreur, car les pays permettent la déclinaison locale des politiques d’aménagement du territoire.

Enfin, il existe deux modalités de mise en œuvre des politiques publiques : la première réside dans les appels à projets et la seconde dans le zonage prioritaire. Celle-ci incite moins à la dynamique que celle-là, puisqu’elle repose sur l’attente passive des deniers publics. Il convient donc, selon nous, de combiner ces deux modalités.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Sans énumérer toutes nos recommandations, je veux insister sur la treizième, qui concerne les services publics et les services au public.

Qu’il s’agisse des services, de l’offre de soins, de l’enclavement, de l’accès aux nouvelles technologies ou de sujets plus larges, tels que l’avenir de la PAC, l’agriculture et la désindustrialisation, le monde rural a souvent un sentiment d’abandon. Il faut donc maintenir un socle de services publics sur l’ensemble du territoire, en faisant précéder toute action en ce domaine d’une consultation des élus, comme le prévoit la charte des services publics en milieu rural, signée en 2006.

Par ailleurs, le rôle de la Datar dans l’évaluation des conséquences de la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) doit être réaffirmé.

Nous demandons aussi que soit respectée la directive nationale d’orientation (DNO), aux termes de laquelle, compte tenu de l’abandon de l’ingénierie publique, les sous-préfectures sont au service des collectivités. C’est souvent faute de matière grise, comme l’a souligné Jérôme Bignon, que le monde rural ne parvient pas à tirer profit de toutes ses potentialités. Si l’argent public va souvent aux grandes agglomérations, c’est qu’elles disposent de l’ingénierie nécessaire à l’élaboration des projets. Dans le même esprit, l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (Atesat) doit être maintenue pour les petites intercommunalités.

Un effort de lisibilité et de visibilité des nouvelles directions départementales et régionales interministérielles est nécessaire : les élus eux-mêmes ne s’y retrouvent pas toujours.

J’ajouterai, sans esprit partisan, un mot sur la RGPP. Personne ne nie la nécessité des économies budgétaires, mais on observe sur le terrain qu’il existe un niveau en dessous duquel les services ne peuvent plus être assurés. Les communautés de brigades de la gendarmerie réunissent jusqu’à trois ou quatre cantons ; or, en dessous d’un certain seuil, il n’est plus possible d’assurer la permanence tous les jours et vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je partage les analyses de M. Peiro. Si l’on considère qu’une politique d’aménagement du territoire ambitieuse fait partie du pacte républicain, il faut maintenir un socle, en termes de services publics comme en d’autres domaines. Nous nous sommes longuement penchés sur celui de la santé. Comment imaginer, par exemple, que les gens viendront s’installer sur un territoire qui ne compte qu’un médecin pour 25 000 habitants ? S’agissant des différents moyens mis en œuvre pour enrayer la désertification médicale – maisons de santé pluriprofessionnelles, dispositions de la loi « HPST » ou contrats locaux de santé –, il faut veiller, compte tenu notamment du vieillissement de la population, à la bonne coordination des services sanitaires avec les services sociaux. Dans chacun de ces deux domaines, d’ailleurs, des initiatives innovantes ont vu le jour. Quoi qu’il en soit, élus, médecins et services médico-sociaux doivent travailler ensemble.

Le maintien d’un socle de services passe également par l’attractivité économique. À cet égard les agriculteurs, qui pour beaucoup sont devenus des chefs d’entreprise, s’impliquent moins qu’avant dans le monde rural et, de ce fait, contribuent à lui faire perdre un peu de son identité : ils doivent comprendre qu’ils en sont les premiers gestionnaires et promoteurs.

Le potentiel du tourisme rural, dont le canton de M. Peiro offre une très belle illustration, est sans doute sous-exploité au regard de celui des zones littorales, urbaines ou montagneuses. Il convient, en particulier, d’assurer une meilleure capillarité entre les zones littorales et les arrière-pays.

L’une des principales revendications des habitants des territoires ruraux est l’accès aux nouvelles technologies de communication, essentielles à l’éducation, à la médecine – puisqu’elles permettent aux praticiens de rester en lien avec les différentes institutions sanitaires – et à l’attractivité : les territoires ruraux doivent apparaître comme des territoires dynamiques, où l’on vit avec son temps.

Nous avons entendu dire, par exemple, que la construction de logements HLM devait être réservée aux zones urbaines, compte tenu de la pression démographique qu’elles subissent. Les efforts financiers de l’État leur étant réservés, beaucoup de programmes en zone rurale ne peuvent voir le jour. Or, compte tenu de la pénurie de terrains en zone urbaine, les crédits ne sont pas consommés – c’est le cas dans ma région. Vivre en milieu rural n’est plus une punition : la construction de logements sociaux, notamment dans le rural périurbain, permettrait d’atténuer la pression qui pèse sur les villes.

J’aurais pu évoquer aussi les transports, en particulier les lignes aériennes ; quoi qu’il en soit, nous avons beaucoup appris de cette mission. Nos vingt recommandations ne constituent évidemment pas la panacée, d’autant que certains aspects mériteraient certainement d’être approfondis ; mais en réfléchissant à la transversalité, à l’organisation ou à la nécessité de préserver un socle de services, nous avons voulu affirmer la conviction que nos territoires ruraux sont des territoires d’avenir ; tel est d’ailleurs le titre que nous proposons de donner à ce rapport.

M. le Président Bernard Accoyer. Je remercie et félicite nos deux rapporteurs, qui démontrent une nouvelle fois que le CEC peut produire des travaux exemplaires, et aider ainsi à définir des politiques positives pour notre pays. Je remercie également les services du secrétariat du Comité, ainsi que Bernard Lesterlin et Arlette Grosskost, qui ont apporté leur contribution à ce travail.

M. Jean Mallot. Ce travail, aussi volumineux qu’utile, est un peu le pendant de celui qui fut réalisé sur la politique de la ville : il servira de référence, non seulement à la représentation nationale, mais aussi à toutes les institutions concernées.

Si les collectivités et les différents acteurs privés, sociaux et culturels doivent se mobiliser, le rôle de l’État, garant de l’intérêt général et acteur d’une politique volontariste d’aménagement du territoire, reste primordial. Or, sans évoquer la volonté politique, qui à mes yeux s’érode, la lisibilité des services de l’État en milieu rural est loin d’être évidente, y compris pour les agents eux-mêmes. Cela gêne évidemment le déploiement des politiques publiques.

Le rapport contient vingt recommandations qui concernent, en bonne logique, tous les domaines de l’aménagement du territoire. Cependant, il faut bien commencer quelque part. Quelles seraient donc à vos yeux, messieurs les rapporteurs, les trois priorités ?

M. Bernard Lesterlin, membre de la commission du Développement durable désigné pour participer aux travaux. Je tiens à dire que j’ai eu beaucoup de plaisir à m’impliquer dans ce travail fort intéressant. Pour les personnes qui habitent en milieu rural, il y a deux enjeux majeurs : le désenclavement et le maintien des services publics dans les territoires – je partage l’analyse de Jean Mallot sur ce point. À certains endroits, élus et population sont particulièrement inquiets d’observer la disparition progressive de la santé publique.

Dans vos recommandations, il n’est fait aucune mention de l’emploi, alors qu’il s’agit d’un aspect essentiel du sujet. Je suggère aux co-rapporteurs d’ajouter le terme dans l’intitulé de la recommandation n° 15 relative à l’attractivité économique des territoires.

Par ailleurs, il serait bon de faire taire les personnes mal intentionnées qui rabâchent que les députés ne travaillent pas. Notre travail d’évaluation est fondamental ; il enrichit la démocratie en renforçant le rôle du Parlement. Ce rapport, qui bénéficiera d’une large diffusion, sera lu par de nombreux acteurs économiques locaux et élus. En conséquence, je propose que soit mentionné, sur la deuxième de couverture, le nom des membres du groupe de travail qui a procédé à cette évaluation, ainsi que la liste des missions conduites sur le terrain. On prouvera ainsi qu’il ne s’agit pas d’un travail uniquement « parisien ».

M. le Président Bernard Accoyer. Cher collègue, permettez-moi de vous signaler que le deuxième paragraphe de l’introduction, à la page 9 du projet de rapport, donne la liste des parlementaires qui ont participé à l’évaluation.

M. Bernard Lesterlin. Certes, monsieur le Président, mais il conviendrait de la mettre en évidence.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Monsieur Mallot, Jérôme Bignon va répondre en détail à votre question, mais je souhaiterais au préalable formuler une recommandation générale : que l’État garde la main sur la politique d’aménagement du territoire. Aujourd’hui, certaines collectivités territoriales, comme les régions, aspirent à gagner de nouvelles compétences, tandis que les départements souhaitent conserver les leurs ; il reste que c’est à l’État qu’il revient de définir l’aménagement global du territoire, car il est le gardien de l’égalité entre les citoyens. Dans le cas contraire, le risque serait grand de voir, comme chez certains de nos voisins, la gamme de services offerts varier en fonction de la richesse de la région.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Il est difficile de choisir entre les recommandations ! Après concertation, les trois principales nous semblent être le maintien d’un socle de services publics, le rééquilibrage de l’offre de soins et le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Si l’on devait n’en retenir qu’une, ce serait cette dernière, dans la mesure où elle conditionne tout le reste : la santé, l’éducation, l’économie. Jamais un industriel ne s’installera en milieu rural s’il n’a pas accès au numérique. Si l’on prive les espaces ruraux du haut et très haut débit, la fracture territoriale s’accentuera très rapidement et, dans vingt ans, on aura des territoires exsangues.

M. Jean Mallot. Voilà une réponse intéressante !

M. Serge Poignant, président de la commission des Affaires économiques. Je me réjouis de ce rapport qui balaie un très grand nombre de sujets, mais dans des termes toujours mesurés. De fait, les territoires ruraux sont très différents les uns des autres !

Je partage votre opinion : l’État doit conserver son rôle régalien en matière d’aménagement du territoire. En revanche, s’il apparaît nécessaire de développer le numérique dans les zones rurales, comment le faire, et avec quels financements ? Il faut aussi veiller à l’attractivité économique, au logement, à l’agriculture – qui est la base du développement rural. Bref, il semble bien délicat de dégager des priorités ; ce qui ressort du rapport, c’est précisément que l’ensemble doit être pris en considération.

Vous préconisez de « clarifier l’avenir des pays » – que j’avais défendus lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. C’est en effet en leur sein que se trouvent potentiellement les ressources en ingénierie. Les effectifs n’ont pas besoin d’être importants : quatre ou cinq chargés de mission de haut niveau suffisent amplement pour amener des collectivités à travailler ensemble, pour inciter les entreprises et les professions libérales à agir de concert, et pour faire émerger des identités nouvelles. Certes, il convient de se montrer responsable en matière de coûts, notamment dans le cadre de la RGPP, mais des collectivités de projet de ce type permettent justement d’obtenir de bons résultats sans avoir besoin de multiplier les emplois et les services.

M. Jean-Pierre Door, secrétaire de la commission des Affaires sociales suppléant son président. Ayant l’honneur de représenter Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales, je tiens à féliciter les rapporteurs pour ce riche rapport.

L’offre de soins se trouve bien évidemment au cœur des préoccupations de la commission des Affaires sociales. Un constat a été dressé, des propositions ont été faites, mais il faudra un certain temps pour résoudre les problèmes. Cela passe par le regroupement des professionnels de santé, notamment au sein des maisons de santé, voire par le développement des consultations avancées et des cabinets secondaires.

Le haut débit est indispensable à un bon maillage du territoire. Les employeurs me l’ont dit : sans haut débit, les entreprises partiront. Dans mon département, on essaie de le déployer, mais il existe encore des zones muettes.

Il faut également un bon réseau de transports. Aujourd’hui, on observe un recul des lignes secondaires et des trains Intercités au profit des grandes lignes. Les déplacements quotidiens s’en trouvent affectés, puisqu’on est contraint de prendre la voiture. Ce matin, il m’a fallu deux heures et quart pour venir jusqu’ici par l’autoroute, alors que cela m’aurait pris une heure par le train. J’ai saisi la SNCF du problème.

Il existe une certaine superposition des structures, entre les intercommunalités, les pays et les schémas de cohérence territoriale (Scot). De nouveau, on multiplie les entités, sans forcément leur tenir le même langage. À un moment ou à un autre, il faudra réfléchir à ce qui est bon pour le maillage du territoire.

Enfin, vous n’avez pas évoqué le financement des intercommunalités. La loi Chevènement n’a pas été modifiée depuis 1999. À l’époque, il avait été décidé que l’attribution de compensation serait reversée par l’intercommunalité aux communes en fonction du produit de la taxe professionnelle. Aujourd’hui, rien n’a changé : nous continuons à reverser le même montant, alors que la taxe professionnelle a disparu et que rien ne garantit que les entreprises existent toujours. Peut-être faudrait-il mutualiser à nouveau les moyens et donner des réserves financières aux intercommunalités. On ne peut continuer à les dépouiller ainsi !

M. Serge Poignant, président de la commission des Affaires économiques. J’ai le sentiment inverse : si une commune est en plein développement économique, le montant de la redistribution étant calculé sur la base de données antérieures, cela lui pose un problème. Résultat : la taxe d’habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties doivent venir compenser la différence.

M. Jean-Pierre Door. Le vrai problème, c’est que l’attribution de compensation reste figée au même montant.

M. Serge Poignant. Il faudrait en effet pouvoir l’augmenter.

M. Jean-Pierre Door. Ou la diminuer…

M. Serge Poignant. Dans ce cas, autant réduire les compétences des communes : il n’y aurait plus besoin de compensation !

M. René Dosière. Le rapport souligne qu’après avoir changé à de nombreuses reprises de tutelle, l’aménagement du territoire est désormais sous la responsabilité du ministre de l’Agriculture. Ayant analysé attentivement la composition des cabinets ministériels, j’ai observé que leurs effectifs avaient récemment diminué. Notamment, les effectifs du cabinet de Michel Mercier, lorsqu’il était chargé de l’aménagement du territoire, n’ont pas été reversés dans le cabinet du ministre de l’agriculture. Autrement dit, on ne sait pas qui, au cabinet du ministre, s’occupe de l’aménagement du territoire : voilà qui ne peut que renforcer votre point de vue !

Mme Arlette Grosskost, membre de la commission des Finances désignée pour participer aux travaux. Force est de constater que le budget alloué à l’aménagement du territoire se réduit. Pour autant, la priorité pour notre pays est non seulement la sauvegarde, mais aussi la création d’emplois, si possible sur l’ensemble du territoire. Certes, les régions sont compétentes en matière de développement économique ; toutefois, au regard de la décision de favoriser les grappes d’entreprises et les investissements étrangers à travers le pays, on peut se demander si la prime d’aménagement du territoire est bien utilisée. Ne devrait-on pas mieux la cibler, voire l’augmenter ?

M. Louis Giscard d'Estaing. Sous la précédente législature, j’étais rapporteur spécial pour l’aménagement du territoire : en cinq ans, trois ministères différents en ont été successivement chargés ! En 2002, l’aménagement du territoire dépendait de Jean-Paul Delevoye, ministre de la Fonction publique, de la réforme de l’État et de l’aménagement du territoire ; en 2004, de Gilles de Robien, ministre de l’Équipement, des transports, de l’aménagement du territoire, du tourisme et de la mer – Frédéric de Saint-Sernin étant secrétaire d’État à l’aménagement du territoire ; en 2005, de Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire – Christian Estrosi étant ministre délégué à l’aménagement du territoire ; aujourd’hui, il est confié au ministre de l’Agriculture : cela démontre le besoin d’une compétence transversale rattachée directement au Premier ministre. Votre préconisation me paraît aller dans le bon sens.

S’agissant de l’attribution de compensation, j’avais proposé, lorsque le CEC a été installé, de procéder à l’évaluation, dix ans après, des mécanismes mis en place par la loi Chevènement. De fait, les deux situations évoquées peuvent se produire. Personnellement, je me trouve dans celle décrite par Serge Poignant : sur la base du produit de la taxe professionnelle, ma commune reçoit la même compensation qu’il y a dix ans, alors qu’entre-temps, les taux et l’activité ont augmenté. Il conviendrait d’examiner cela de près.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. En effet, Mme Grosskost, on ne peut pas dire que la prime d’aménagement du territoire et les aides de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) bénéficient en priorité aux territoires ruraux… Il faudrait, pour y remédier, qu’il existe un pilotage national de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural. Or, malgré tous ses efforts, la Datar ne donne pas l’impression d’être ce pilote ; les réalités de terrain diffèrent souvent de la façon dont les choses sont vues de Paris. Plus on s’éloigne de la capitale, moins la Datar est connue : on la considère comme une institution technocratique, qui produit des études, mais dont l’action a peu d’effets concrets sur la vie quotidienne. Peut-être un travail d’animation et de communication serait-il nécessaire.

Je partage vos analyses sur les technologies de l’information et de la communication : cela conditionne tout le reste, y compris l’emploi – un peu comme l’accès au téléphone dans les années 1970 ! Aujourd’hui, pour développer les services, le télétravail, les industries et pour ne pas prendre de retard, il faut avoir accès au haut et très haut débit.

M. le Président Bernard Accoyer. Je remercie à nouveau nos deux rapporteurs, ainsi que les membres du groupe de travail et les fonctionnaires de l’Assemblée. Je suis d’accord avec Bernard Lesterlin : il faut souligner la mobilisation de nos collègues sur ce dossier, et nous veillerons à ce que leurs noms figurent en bonne place dans le rapport.

J’admets que l’ampleur du sujet m’avait inquiété. Le défi était difficile à relever, mais vous l’avez fait avec succès. La situation actuelle découle d’une des plus importantes mutations qu’ait connue la société française : en un demi-siècle, le nombre des exploitations agricoles est passé de 2,3 millions à 490 000, soit une diminution de 80 %. Il n’est donc guère étonnant que nous soyons aujourd’hui confrontés à un certain nombre de problèmes, qu’il s’agisse de la désertification de certaines zones ou des déséquilibres entre collectivités territoriales, beaucoup plus puissantes en milieu urbain. Cela soulève des questions extrêmement intéressantes sur la représentativité des territoires, notamment par rapport au nombre de leurs habitants ; il est heureux de pouvoir en débattre sans pressions politiques, conformément à la règle du CEC. De fait, on évoque souvent une surreprésentation des territoires ruraux au sein des collectivités – que je ne juge pas si grave que cela. Les tenants de la décentralisation se trouvent confrontés à la nécessité d’une régulation et d’un contrôle par la puissance d’État de l’indispensable solidarité entre les territoires.

Dans le même temps, la désertification des zones rurales et le manque de services publics – et de services en tous genres – en milieu rural sont réels. Pourtant, en une trentaine d’années, le nombre des fonctionnaires d’État a augmenté de 400 000 et celui des fonctionnaires territoriaux de 500 000 : cela semble signifier que si l’on avait voulu maintenir les services publics en milieu rural inchangés, on aurait eu les moyens humains de le faire. Ce rapport d’évaluation constitue une base de données extrêmement importante pour essayer d’infléchir ce qui doit l’être.

Je pense que vous avez raison en ce qui concerne le danger d’une fracture numérique. Toutefois, n’ignorons pas non plus les progrès fantastiques qui permettent d’accéder plus facilement à ces puissants moyens de se connecter au reste du monde.

Je finirai par deux réflexions personnelles. La première est d’ordre sémantique : vous recommandez une « mutualisation » des moyens, alors qu’il s’agit plutôt d’une « mise en commun », la mutualisation signifiant la mise en commun d’une charge ou d’un risque. Si l’on mutualise des moyens, il n’y a plus de gestion possible. Si, comme le suggère Louis Giscard d’Estaing, on procédait à l’évaluation de la loi Chevènement, on s’apercevrait que l’utilisation du terme « mutualiser » a conduit les collectivités, quand elles en avaient les moyens, à introduire un niveau administratif supplémentaire et à augmenter leurs dépenses de fonctionnement, sans pour autant apporter une amélioration de service significative. Il faut donc mettre en commun les moyens humains, financiers et immobiliers, notamment au sein de l’intercommunalité, et mutualiser les risques, les charges et le handicap territorial.

Deuxièmement, les élus ont besoin d’ingénieurs à leurs côtés. Alors que d’aucuns nous expliquent qu’il faut organiser la concentration des habitants au détriment des petites communes, ou développer certaines initiatives au détriment de notre avance technique, technologique et industrielle, il est vital d’assurer la présence, au niveau local et national, de fonctionnaires d’État qui soient des ingénieurs de haut niveau. La France moderne, celle des grands succès techniques et technologiques, résulte du travail des ingénieurs. L’aménagement du territoire doit découler d’une réflexion scientifique, et non seulement philosophique ou sociologique. Pour faire marcher la société, il faut que soient répartis de manière scientifique les moyens, l’énergie, les liaisons haut débit, les investissements.

Conformément aux dispositions de l’article 146-3 du Règlement, le Comité autorise la publication du rapport d’information sur l’évaluation de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural, auquel seront annexées les études des prestataires extérieurs.

Le rapport sera distribué et mis en ligne sur le site Internet de l’Assemblée nationale. Il sera transmis au Gouvernement.

La suite de ce document est disponible en version pdf grâce au lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i4301-tI.pdf

1 () Ci après désigné « Groupe de travail du CEC ».

2 () Voir Insee Première, numéros 953, 954, 1364, 1374 et 1375.

3 () Cultiver les aménités rurales - Une perspective de développement économique, OCDE, octobre 1999.

4 () Catégories présentées dans l’ordre figurant page 28 du rapport de l’instance d’évaluation de 2003.

5 () La typologie Segesa a également identifié un ensemble correspondant à des petites villes ouvrières et un groupe principalement formé par les grandes stations touristiques montagnardes. Ils n'ont cependant pas été jugés représentatifs de l'espace rural.

6 () Voir l’annexe n° 4.

7 () Voir l’annexe n° 3.

8 () Voir l’annexe n° 2.

9 () La liste des personnes auditionnées figure en annexe n° 1 et les comptes rendus des auditions sont publiés dans le tome II du présent rapport.

10 () Liaison entre actions de développement de l’économie rurale.

11 () www.territoires.gouv.fr/observatoire-des-territoires .

12 () Il n’a pas été possible de trouver le pourcentage pour les seules zones rurales.

13 () Décret du 25 novembre 2010 relatif aux attributions du ministre de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

14 () Rapport spécial (n° 3805 annexe 31) présenté le 12 octobre 2011 par Mme Arlette Grosskost au nom de la commission des Finances sur le projet de loi de finances pour 2012 « Politique des territoires ».

15 () Rapport du CGAER et du CGEDD de novembre 2009 sur le bilan et les principaux enseignements de la mise en œuvre de la loi relative au développement des territoires ruraux (« LDTR ») du 23 février 2005.

16 () Le texte du questionnaire est reproduit en annexe n° 4 au présent rapport.

17 () Régime dit de conditionnalité obligatoire.

18 () Depuis déjà deux cycles de programmation, 2000-2006 et 2007-2013.

19 () « Analyse de la contribution des programmes opérationnels FEDER 2007-2013 au développement des territoires ruraux » : étude des cabinets Edater et Segesa (octobre 2010).

20 () http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docoffic/official/reports/cohesion5/index_fr.cfm .

21 () Ces regroupements de communes et intercommunalités, à l’échelle d’un bassin de vie ou d’un bassin d’emploi, s’étaient jusqu’alors développés de façon spontanée, prenant le plus souvent la forme juridique d’associations.

22 () En conformité avec les recommandations du rapport du Comité « Balladur » pour la réforme des collectivités locales remis le 5 mars 1999.

23 () Voir le rapport (n° 2516) déposé le 14 mai 2010 par M. Dominique Perben au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

24 () Voir la proposition de loi (n° 3908) déposée le 8 novembre 2011 par M. Jacques Pélissard visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale.

http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/refonte_carte_intercommunale.asp

25 () Taille unique.

26 () http://www.inventaire.culture.gouv.fr/pdf_actu/rapport_dolige.pdf

27 () http://www.senat.fr/leg/ppl10-779.pdf .

28 () Avec les députés Etienne Blanc, Daniel Fasquelle et Yannick Favennec.

29 () -  http://www.pierre-morel.fr/images/stories/droite_rurale/2011-10-25%20lettre%20de%20mission%20de%20nicolas%20sarkoy%20%20pierre%20morel.pdf .

http://www.pierre-morel.fr/images/stories/droite_rurale/2011-12-20%20lettre%20prolongation%20mission.pdf .

30 () Institutionalisation des relations entre la région, les pays et les territoires couverts par un Scot.

31 () Structures territoriales de la région.

32 () Voir infra la partie sur le lien entre urbain et rural.

33 () On se reportera à l’étude des consultants dans le lot B pour une analyse détaillée de l’action des massifs et des parcs naturels.

34 () Lieux de coopération entre régions confrontées aux mêmes problématiques et coordonnant leurs stratégies et projets.

35 () Rapport d’information (n° 557 – 2009/2010) présenté le 15 juin 2010 par M.Yves Daudigny, sénateur, au nom de la délégation aux collectivités locales et à la décentralisation , sur l’ingénierie publique.

36 () « Évaluation des mesures en faveur des zones de revitalisation rurale (ZRR) » rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux, du CGEDD et de l’inspection générale des finances (IGF) (novembre 2009).

37 () Souvent derniers commerces d’un petit bourg, les « multiples ruraux », comme leur nom l’indique, réunissent plusieurs activités, alimentation et bar ou restaurant, ou alimentation et boulangerie, ou encore boucherie charcuterie. Ils sont devenus les symboles forts d’une vie sociale ou d’un service de proximité maintenus.

38 () Voir ci-dessous.

39 () Services en contact avec le public.

40 () Plateformes de soutien et logistique.

41 () La Poste, la SNCF, EDF, Gaz de France, l’Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, l’Office national des forêts (ONF), la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV), la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), la Mutualité sociale agricole (MSA), l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), le Groupe des autorités responsable de transport, l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, l’Assemblée permanente des chambres de métiers et l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture.

42 () Décret du 21 novembre 2006 relatif à la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics.

43 () Nom de la Datar à cette période : délégation interministérielle à l’aménagement et la compétitivité des territoires.

44 () Voir le chapitre suivant.

45 () Cette situation est caractéristique d’un territoire qui est en reprise démographique. Dans d’autres territoires en déclin démographique, les fermetures d’écoles élémentaires et maternelles sont plus nombreuses.

46 () Systèmes qui visent à remplacer les tableaux avec craie ou crayon effaçable par des dispositifs électroniques.

47 () Mécanicien de maintenance.

48 () Voir le rapport (n° 1043) présenté le 9 juillet 2008 par Mme Marie-Christine Dalloz , député, au nom de la commission des Affaires économiques, sur le projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi.

49 () www.pole-emploi.fr .

50 () Aujourd’hui obsolète.

51 () LEXPRESS.fr du 12 janvier 2012 : http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/sante/la-sante-est-elle-votre-priorite-pour-2012_1070827.htmlhttp://www.lexpress.fr/actualite/sciences/sante/la-sante-est-elle-votre-priorite-pour-2012_1070827.html .

52 () « La démographie médicale » - les documents de travail du Sénat, législation comparée n° 185, mai 2008.

http://www.senat.fr/lc/lc185/lc185.pdf

53 () Pour plus de précisions sur ces aides financières, cf. le tableau récapitulatif présenté en annexe.

54 () Par exemple, l’exonération de l'impôt sur le revenu de la rémunération perçue au titre de la permanence des soins dans une zone déficitaire, ainsi que les exonérations de cotisations patronales pour l'embauche d'un salarié dans un cabinet installé dans une zone de revitalisation rurale (ZRR), sous certaines conditions.

55 () Par exemple, dans le cadre du contrat de bonne pratique relatif à l’exercice de la médecine en milieu rural ou encore de l’option « Santé solidarité territoriale ».

56 () Ce dispositif a depuis été réformé par la nouvelle convention médicale, conclue en juillet 2011, qui prévoit deux options conventionnelles destinées à mieux répondre aux déficits de soins médicaux dans les zones déficitaires : l’option « Démographie » et l’option « Santé solidarité territoriale » (cf. le tableau sur les aides présenté en annexe).

57 () Loi n° 2011-940 du 10 août 2011 dite « loi Fourcade » modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 dite « HPST » portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

58 () Compte-rendu de la deuxième séance du mardi 10 février 2009 de l’Assemblée nationale.

59 () Pour plus de précisions sur les dispositifs visant à favoriser l’exercice regroupé et les coopérations entre professionnels de santé ainsi que ceux visant à améliorer la planification, le pilotage territorial et la coordination du système de santé, cf. le tableau en annexe concernant les mesures organisationnelles.

60 () « La répartition territoriale des médecins libéraux », in « La sécurité sociale 2011 », rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes (septembre 2011).

61 () Selon la définition issue de la loi « HPST », les pôles de santé sont constitués entre des professionnels de santé et, le cas échéant, des maisons de santé, des centres de santé, des réseaux de santé, des établissements de santé, des établissements et des services médico-sociaux, des groupements de coopération sanitaire (GCS) et des groupements de coopération sociale et médico-sociale.

62 () Pour une présentation plus détaillée de ces dispositifs, cf. le tableau relatif aux mesures organisationnelles présenté en annexe.

63 () Historiquement dénommé « Aide à domicile en milieu rural », le réseau associatif a gardé le sigle mais a abandonné sa déclinaison, pour pouvoir se développer également en milieu urbain.

64 () Une assistante maternelle est généralement une personne agréée qui accueille habituellement à son domicile un ou plusieurs enfants.

65 () Santé et territoires : à la recherche de l’équilibre, rapport d’information n° 600 de Mme Marie-Thérèse Bruguière fait au nom de la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat (14 juin 2011).

66 () La communauté hospitalière de territoire (CHT) est une innovation de la loi « HPST ». Sa finalité est la recherche de la meilleure allocation des ressources, la complémentarité entre les acteurs et une meilleure performance des établissements. Elle permet aux établissements publics de santé de conclure une convention afin de mettre en œuvre une stratégie commune et de gérer en commun certaines fonctions.

67 () « En finir avec la mondialisation anonyme : la traçabilité au service des consommateurs et de l’emploi » rapport au Président de la République de M. Yves Jégo, député, mai 2010.

68 () Le label « Origine France Garantie » a été présentée à l'Assemblée nationale le 19 mai 2011. Il est attribué si le produit respecte les deux critères suivants : la France doit être pour une large part le pays de la conception, de l’assemblage, de la fabrication et du montage du produit labellisé (ce qui ne peut donc se limiter aux dernières opérations ou aux finitions) ; au moins 50 % des activités de production doivent être réalisées sur le territoire national. Ce label est fondé sur une démarche volontaire des entreprises et est certifié par le bureau Veritas.

69 () Projet de loi (n° 3508) déposé le 1er juin 2011 renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs.

70 () Rapport de novembre 2009 du CGAAER, du CGEDD, de l’IGF et de l’Igas sur l’évaluation des mesures en faveur des zones de revitalisation rurale (ZRR).

71 () Rapport (n° 622 – 2008/2009) présenté le 16 septembre 2009 par M. Rémy Pointereau au nom du groupe de travail sur les pôles d’excellence rurale constitué par la commission de l’Économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat.

72 () - Bilan de l’appel à projets relatif aux pôles d’excellence rurale présenté en décembre 2008 par le CGAAER.

- Bilan de l’appel à projets « Pôle d’Excellence Rurale » présenté le 5 décembre 2008 par le cabinet Edater.

- Rapport « Facteurs de localisation et gouvernance des Pôles d'Excellence Rurale » présenté le 7 mai 2009 à la Diact par Cesaer, UMR Inra - AgroSup Dijon (Ensead), en collaboration avec Epices.

73 () Pour la période 1996-2004, il était de 55 millions d’euros.

74 () « Évaluation de la prime d’aménagement du territoire (PAT) » étude du cabinet Katalyse pour la Datar (février 2006).

http://territoires.gouv.fr/evaluation-de-la-prime-damenagement-du-territoire-pat-synthese2006 .

75 () Article 8 du décret n° 2008-1475 du 30 décembre 2008 pris pour l’application de certaines dispositions de l’article L. 750-1-1 du code de commerce.

76 () Il y en avait encore près de 5 000 il y a 15 ans.

77 () http://www.lunetiers-du-jura.com/ .

78 () Travail des pièces métalliques (vis, boulons, axes…), souvent de très petite taille, tournées à partir de barres métalliques (ou de couronnes de fil) et pouvant comporter des perçages, des filetages, des taraudages.

79 () Communication de la Commission du 18 novembre 2010 (« La PAC à l'horizon 2020 : alimentation, ressources naturelles et territoires – relever des défis de l'avenir »).

80 () Rapport d’information (n° 3610) présenté le 29 juin 2011 par MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard et Philippe Armand Martin, députés, au nom de la commission des Affaires européennes, sur l’avenir de la politique agricole commune (PAC) après 2013.

81 () Bateaux traditionnels.

82 () Ou d’un restaurant.

83 () Incluant le nouvel opérateur Free.

84 () Very High Frequency, gamme des fréquences comprises entre 30 MHz et 300 MHz, utilisée pour la TV et la radio FM.

85 () Ultra High Frequency, gamme des fréquences comprises entre 300 MHz et 3 GHz, utilisée pour la téléphonie mobile (GSM, UMTS) et les réseaux locaux sans fil (WLAN : Wi-Fi, Bluetooth…).

86 () Internet, téléphone et télévision.

87 () Rapport « Réussir le déploiement du très haut débit : une nécessité pour la France » du sénateur Hervé Maurey présenté en octobre 2010 au Premier ministre.

88 () Proposition de loi (n° 118 / 2011-2012) de MM. Hervé Maurey et Philippe Leroy visant à assurer l'aménagement numérique du territoire - http://www.senat.fr/leg/ppl11-118.pdf .

89 () Convergence de différents types de transport vers les gares SNCF.

90 () Ainsi que la desserte aérienne internationale de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon et le dispositif d’aides à caractère social mis en place par la région Guyane à destination de certains passagers de la desserte aérienne intérieure à la Guyane.

91 () Dont 12,3 millions d’euros pour la seule desserte de Saint-Pierre-et-Miquelon.

92 () Rapport spécial n° 3805 annexe 15, sur le budget annexe contrôle et exploitations aériens déposé le 12 octobre 2011.

93 () Rapport d’information (n° 3450) présenté le 18 mai 2011 par M. Hervé Mariton, député, au nom de la commission des Finances, sur le schéma national d’infrastructures de transport (SNIT).

94 () Le raisonnement est également valable pour les logements locatifs.


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