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N
° 82

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

- LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention européenne sur l’exercice des droits des enfants,

et

- LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’adhésion à la convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants,

PAR Mme Martine AURILLAC,

Députée

——

Voir les numéros  :

Sénat : 315, 344 et T.A. 106, 299, 343 et TA 105 (2006-2007).

Assemblée nationale : 8, 9

INTRODUCTION 5

I – UNE CONVENTION ÉLABORÉE PAR LA CONFÉRENCE DE LA HAYE EN COMPLÉMENT D’UN RÈGLEMENT COMMUNAUTAIRE AFIN D’ASSURER UNE PROTECTION DES ENFANTS PLUS EFFICACE 7

A – LA CONVENTION DE LA HAYE DE 1996 VISE À ÉVITER LES DÉSACCORDS ENTRE ETATS EN MATIÈRE DE DÉCISIONS RELATIVES À LA RESPONSABILITÉ PARENTALE ET À LA PROTECTION DES ENFANTS 7

1) Une nouvelle convention qui résout les problèmes posés par la convention de 1961 7

2) Des règles claires qui limitent les cas de compétences concurrentes 8

a) Les règles de compétence 8

b) La détermination de la loi applicable 9

c) La reconnaissance et l’exécution dans un Etat contractant des mesures prises par un autre 10

d) La coopération entre les Etats contractants 10

B – ALORS QUE LE RÈGLEMENT BRUXELLES II BIS EST ENTRÉ EN VIGUEUR, LA COMPÉTENCE DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE COOPÉRATION JUDICIAIRE CIVILE A FREINÉ LA RATIFICATION DE LA CONVENTION DE LA HAYE PAR LES ETATS MEMBRES 11

1) Les stipulations du règlement Bruxelles II bis 12

2) Les obstacles rencontrés par la ratification de la convention de La Haye 13

II – UNE CONVENTION DU CONSEIL DE L’EUROPE QUI VISE À RENFORCER LA CONVENTION DES NATIONS UNIES RELATIVE AUX DROITS DES ENFANTS 15

A – LA CONVENTION DES NATIONS UNIES RECONNAÎT AUX ENFANTS UNE SÉRIE DE DROITS FORMELS 15

1) Les principales stipulations de la convention onusienne 15

2) Les difficultés rencontrées pour son application 17

B – LA CONVENTION EUROPÉENNE SUR L’EXERCICE DES DROITS DES ENFANTS GARANTIT L’EXERCICE DE LEURS DROITS MATÉRIELS 18

1) Le renforcement des droits procéduraux au bénéfice des enfants 18

2) La conformité du droit français à ses stipulations 20

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 25

ANNEXES 27

Mesdames, Messieurs,

La mondialisation n’a pas que des effets sur le commerce international et l’emploi, elle a aussi des incidences sur le domaine, a priori privé, des sentiments et sur les conséquences qu’ils entraînent, mariages, naissances, divorces, ces derniers ayant des répercussions sur la vie des enfants trop souvent enjeux entre des parents qui se déchirent.

Ce problème de société a été abordé par la communauté internationale sous l’aspect des droits de l’enfant et de la protection des mineurs, concepts modernes, voire révolutionnaires, pour des sociétés dont le droit de la famille était fondé, à travers les siècles, sur l’autorité absolue du pater familias. Aujourd’hui, l’enfant est reconnu comme une personne. Ce principe fondateur de la Convention internationale sur les droits de l’enfant que la France a ratifiée dès le 7 août 1990, n’est malheureusement pas encore suffisamment reconnu et appliqué.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, une première convention de La Haye, a tenté de mettre un peu de clarté dans le maquis des conflits de lois, pour ne pas dire la jungle, en traitant de la compétence des autorités et de la loi applicable en matière de protection des mineurs. Cette convention s’est révélée difficilement applicable en raison des conflits de compétence et de lois entre autorités de la résidence de l’enfant et ses autorités nationales, entre la loi nationale applicable à l’autorité parentale et la loi de la résidence applicable aux mesures de protection. La convention de La Haye du 19 octobre 1996, dont le Sénat a autorisé la ratification le 26 juin dernier, se propose de remédier à ces inconvénients.

Parallèlement, la convention des Nations unies du 26 janvier 1990 relatives aux droits de l’enfant, a conduit, par une sorte de mimétisme auquel est habitué le Conseil de l’Europe, à l’adoption, le 25 janvier 1996, d’une convention sur l’exercice des droits des enfants, que la France a signée le 4 juin de la même année et que le Parlement examine avec le même retard que la convention de La Haye.

Votre Rapporteure présentera successivement les stipulations de la convention de La Haye et celles de la convention du Conseil de l’Europe, en insistant sur les éléments complémentaires qu’elles apportent aux normes internationales auxquelles la France est déjà partie.

I – UNE CONVENTION ÉLABORÉE PAR LA CONFÉRENCE DE LA HAYE EN COMPLÉMENT D’UN RÈGLEMENT COMMUNAUTAIRE AFIN D’ASSURER UNE PROTECTION DES ENFANTS PLUS EFFICACE

A – La convention de La Haye de 1996 vise à éviter les désaccords entre Etats en matière de décisions relatives à la responsabilité parentale et à la protection des enfants

La convention de 1996 a été élaborée dans le cadre de la Conférence de La Haye de droit international privé, organisation qui compte soixante-sept Etats membres et a pour objectif l’unification progressive des règles de droit international privé. La première convention de La Haye portant sur les enfants date de 1902 ; elle était alors relative à la tutelle. Elle a été complétée en 1961 par une convention concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs ; la convention de 1996 a vocation à se substituer à ces deux conventions.

Elle complète les règles de coopération posées par deux autres conventions élaborées par la Conférence de La Haye dans des domaines relatifs aux enfants, celle du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et celle du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

1) Une nouvelle convention qui résout les problèmes posés par la convention de 1961

La convention conclue le 5 octobre 1961, entrée en vigueur le 4 février 1969 et ratifiée par la France en 1972 – convention dont les stipulations sont toujours applicables à la France –, a conduit à de nombreuses situations de concurrence entre les autorités de l’Etat dont l’enfant est ressortissant et celles du pays où il réside.

Son article 1er affirme la compétence des autorités de l’Etat de résidence de l’enfant pour prendre des mesures tendant à sa protection ou à celle de ses biens, en application de la loi de cet Etat (article 2). Mais la convention de 1961 reconnaît aussi, en son article 3, « un rapport d’autorité résultant de plein droit de la loi interne de l’Etat dont le mineur est ressortissant » et autorise cet Etat à prendre des mesures ayant le même but, conformément à son droit interne, s’il considère que l’intérêt de l’enfant l’exige. Dans ce cas, ces mesures remplacent celles éventuellement prises par l’Etat de résidence du mineur, qui doit seulement en être avisé. Il revient alors aux autorités de l’Etat dont le mineur est ressortissant d’assurer l’application des mesures qu’il a prises, à moins qu’il confie leur mise en œuvre à l’Etat de résidence de l’enfant, avec l’accord de cet Etat (article 6).

Plusieurs inconvénients sont apparus : les autorités de l’Etat dont l’enfant est ressortissant ne connaissent pas aussi bien sa situation que celles de l’Etat où il réside, ce qui les conduit souvent à prendre des mesures mal adaptées ; lorsque les enfants ont une double nationalité, deux Etats ont la même légitimité pour prendre des mesures les concernant, ce qui rend la convention de 1961 inopérante. C’est pourquoi la convention de 1996 écarte la compétence de l’Etat dont l’enfant a la nationalité au profit de son Etat de résidence en ce qui concerne les décisions en matière de responsabilité parentale et de protection de l’enfant.

Elle vise aussi à faciliter le fonctionnement de la coopération entre autorités des différents Etats et à pallier l’absence de stipulations sur l’exécution dans un Etat contractant des mesures de protection prises dans un autre Etat.

2) Des règles claires qui limitent les cas de compétences concurrentes

La principale avancée de la nouvelle convention consiste donc à confier à l’Etat contractant dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle le soin de prendre les décisions qui le concernent.

L’article 1er de la Convention précise son objet et définit l’expression « responsabilité parentale », qui correspond à la notion française d’autorité parentale, tandis que son article 2 rappelle que l’enfance s’achève à dix-huit ans. Sans dresser une liste exhaustive des mesures de protection qui entrent dans le champ d’application de la Convention, l’article 3 énumère l’objet des décisions concernées : l’attribution, l’exercice, le retrait, la délégation de la responsabilité parentale ; le droit de garde et de visite ; la tutelle (1) et la curatelle ; la protection de l’enfant et de ses biens ; le placement de l’enfant et la kafala (2). Les mesures de protection visées peuvent être publiques comme privées. L’article 4 donne ensuite une liste exhaustive des matières exclues du champ de la Convention, parmi lesquelles figurent l’établissement ou la contestation de la filiation, l’adoption, les obligations alimentaires, les décisions en matière d’immigration et d’asile et les mesures prises à la suite d’infractions pénales commises par des enfants.

a) Les règles de compétence

Le cœur de la Convention se trouve dans l’article 5 qui attribue à l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant la compétence de prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens, ce qui écarte en principe toute concurrence entre les autorités d’Etats différents dans ce domaine. Le cas des enfants réfugiés ou déplacés est traité par l’article 6 : l’Etat dans lequel ils se trouvent est compétent.

La principale difficulté résulte des déplacements ou des non-retours illicites. En application de l’article 7, les autorités de l’Etat dans lequel l’enfant était présent avant son déplacement ou son non-retour restent compétentes aussi longtemps que l’enfant n’a pas acquis une résidence habituelle dans un autre Etat et que soit le détenteur du droit de garde a approuvé le déplacement ou le non-retour, soit celui-ci n’a pas demandé le retour de l’enfant dans l’année qui a suivi le moment où il a connu ou aurait dû connaître le lieu où se trouvait l’enfant, ce dernier s’étant intégré dans son nouveau milieu. Tant que ces deux conditions ne sont pas réunies, l’Etat de provenance reste compétent et l’Etat dans lequel l’enfant se trouve ne peut prendre que des mesures urgentes nécessaires à la protection de l’enfant ou de ses biens.

Les articles 8 et 9 donnent néanmoins un peu de souplesse à la mise en œuvre de la Convention en permettant aux autorités de l’Etat dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle, si elles le demandent ou en sont d’accord, de se dessaisir au profit d’un autre Etat partie à la Convention, si cela apparaît conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. L’article 10 prévoit un autre cas exceptionnel, afin de faire coexister harmonieusement les stipulations de la Convention avec celles du règlement de Bruxelles II (reprises dans le règlement de Bruxelles II bis, voir infra) : en cas de divorce des parents, et pendant la durée de la procédure, l’Etat contractant qui est compétent pour prononcer le divorce peut prendre des mesures de protection de l’enfants sous deux conditions cumulatives (l’un des parents, titulaire de la responsabilité parentale, réside habituellement dans cet Etat et la compétence de cet Etat, qui doit être acceptée par toute personne ayant la responsabilité parentale, est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant).

L’article 13 vise à éviter que les autorités de deux Etats, également compétents, soient sollicitées en même temps : tant que le premier Etat saisi n’a pas statué ou renoncé à le faire, le second Etat doit s’abstenir d’examiner la demande. Par ailleurs, même lorsqu’il n’a plus compétence pour prendre une nouvelle mesure, les décisions prises par un Etat continuent à s’appliquer tant que le nouvel Etat compétent n’est pas intervenu (article 14).

b) La détermination de la loi applicable

Le règlement de Bruxelles II bis ne comportant aucune disposition en matière de détermination de la loi applicable, les stipulations de la Convention s’appliqueront aussi entre les Etats membres de l’Union.

En principe, l’Etat qui prend une décision applique sa loi, mais ses autorités peuvent exceptionnellement tenir de compte « de la loi d’un autre Etat avec lequel la situation présente un lien étroit » (article 15). L’article 16 constitue un progrès important en unifiant la loi applicable à la responsabilité parentale et celle applicable aux mesures de protection : l’attribution ou l’extinction d’une responsabilité parentale, même lorsqu’elle ne requiert aucune intervention des autorités, est soumise à la loi de l’Etat dans lequel l’enfant réside habituellement. L’exercice de la responsabilité parentale est régi par cette même loi (article 17).

L’article 20 précise que les règles de détermination de la loi applicable valent aussi si la loi qu’elles désignent est celle d’un Etat non partie à la Convention et l’article 22 prévoit de n’écarter la loi ainsi désignée que si son application « est manifestement contraire à l’ordre public, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

c) La reconnaissance et l’exécution dans un Etat contractant des mesures prises par un autre

L’article 23 de la Convention pose le principe de la reconnaissance de plein droit dans les autres Etats contractants des mesures prises par les autorités d’un Etat contractant, les motifs de non-reconnaissance étant énumérés de manière limitative (notamment si la compétence de l’Etat n’était pas fondée ou si la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’Etat requis).

La reconnaissance suffit pour que la décision rendue dans un Etat contractant produise ses effets dans un autre quand aucun acte d’exécution n’est nécessaire. En revanche, dans le cas contraire, les mesures prises devront être déclarées exécutoires ou enregistrées aux fins d’exécution, sur requête de toute partie intéressée, selon la procédure prévue par la loi du second Etat, laquelle doit être simple et rapide (article 26). Sur ce point, la Convention constitue un progrès par rapport à la convention de 1961, mais demeure nettement en deçà du mécanisme mis en place entre les Etats membres de l’Union européenne par le règlement communautaire.

d) La coopération entre les Etats contractants

Chaque Etat contactant doit désigner une autorité centrale chargée d’une mission générale de coopération et d’information. En France, le bureau de l’entraide civile et commerciale internationale de la direction des affaires civiles et du sceau remplira cette fonction.

La coopération couvre des domaines très nombreux – plus nombreux que ceux visés par le règlement communautaire –. L’intervention de l’autorité centrale de l’Etat requis est obligatoire ou optionnelle selon la nature des mesures demandées. Par exemple, l’autorité centrale est obligée d’aider à la localisation d’un enfant présent sur son territoire ; en revanche, s’agissant des mesures de placement transfrontière de l’enfant, l’autorité d’un Etat doit consulter soit l’autorité centrale, soit une autre autorité compétente de l’Etat dans lequel ce placement aurait lieu. L’article 34, qui concerne les mesures de protection, permet aux Etats de prévoir que les demandes d’informations émanant de l’Etat qui envisage une telle mesure transitent nécessairement par leur autorité centrale ; la France a l’intention de faire une telle déclaration. Les demandes d’assistance en vue d’assurer l’exercice effectif d’un droit de visite doivent en revanche être adressées directement aux autorités compétentes, sans passer par l’autorité centrale de l’Etat requis.

Enfin, dans le but de faciliter la vie des personnes concernées, l’article 40 de la Convention prévoit la possibilité pour les Etats parties de délivrer au titulaire de la responsabilité parentale ou à toute personne à laquelle la protection de la personne ou des biens de l’enfant est confiée, sur sa demande, un certificat indiquant sa qualité et les pouvoirs qu’il détient. Le droit français ne permettant pas la délivrance d’un tel document, cette stipulation, facultative, ne sera pas appliquée en France, du moins dans l’immédiat.

B – Alors que le règlement Bruxelles II bis est entré en vigueur, la compétence de la Communauté européenne en matière de coopération judiciaire civile a freiné la ratification de la convention de La Haye par les Etats membres

Les relations entre la convention de La Haye et le règlement n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (dit règlement Bruxelles II bis) sont organisées par l’article 52 de la Convention et l’article 61 du Règlement.

En application du premier, sauf déclaration contraire, la Convention « ne déroge pas aux instruments internationaux auxquels les Etats contractants sont parties et qui contiennent des dispositions sur les matières réglées par la présente Convention » ; l’article 61 du Règlement, élaboré après la Convention, vise explicitement celle-ci et prévoit que les stipulations du Règlement s’applique dans deux cas :

– lorsque l’enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d’un Etat membre : dans ce cas, c’est logiquement l’Etat membre en question qui est compétent ;

– en ce qui concerne la reconnaissance et l’exécution d’une décision rendue par la juridiction compétente d’un Etat membre sur le territoire d’un autre Etat membre, même si l’enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d’un Etat non membre qui est partie contractante à la convention de 1996.

Tous les Etats de l’Union européenne sont concernés par l’application de ce Règlement, à l’exception du Danemark, qui n’a pas participé à son adoption (3). Le Règlement est entré en vigueur le 1er août 2004 et ses dispositions s’appliquent depuis le 1er mars 2005.

1) Les stipulations du règlement Bruxelles II bis

Le règlement dit Bruxelles II bis se substitue au règlement n° 1374/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs, exclusivement consacré aux décisions relatives au divorce : il reproduit les dispositions de celui-ci en élargissant leur champ d’application à d’autres décisions.

Le Règlement couvre ainsi les procédures civiles relatives au divorce, à la séparation de corps ou à l’annulation d’un mariage, ainsi que toutes les questions relatives à la responsabilité parentale, y compris les mesures de protection de l’enfant. En ce qui concerne les décisions qui intéressent les enfants, les mesures visées par le Règlement sont les mêmes que celles visées par la Convention.

La compétence pour prendre ces décisions appartient, en règle générale, aux juridictions de l’Etat membre où l’enfant réside habituellement. Mais les parents peuvent accepter que la juridiction ayant prononcé le divorce soit également compétente pour statuer sur les questions de responsabilité parentale, ce que la Convention ne permet que pendant la durée de la procédure de divorce. Le Règlement offre aussi aux parents la possibilité de se mettre d’accord pour saisir les juridictions d’un autre Etat membre avec lequel l’enfant a un lien étroit fondé, par exemple, sur sa nationalité. Le Règlement est dans ces domaines plus souple que la Convention. Il prévoit par ailleurs, comme cette dernière, qu’à titre exceptionnel un Etat puisse renvoyer une affaire devant la juridiction d’un autre Etat si cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant et qu’un Etat qui n’est pas compétent prenne des mesures provisoires ou conservatrices en cas d’urgence.

La reconnaissance par un Etat des mesures prises par un autre est automatique en application du Règlement comme de la Convention, les motifs de refus de reconnaissance étant identiques. En revanche, le Règlement est beaucoup plus contraignant en ce qui concerne l’exécution des décisions par un autre Etat : toute décision concernant le droit de visite et de retour de l’enfant qui a été prise conformément à ses dispositions sera automatiquement reconnue et exécutée dans tous les Etats membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à une quelconque procédure, pourvu que la décision soit accompagnée d’un certificat, dont la délivrance n’est susceptible d’aucun recours.

Enfin, le Règlement confie une série de tâches à une ou plusieurs autorités centrales désignées par chaque Etat membre afin de faciliter la coopération entre les Etats.

2) Les obstacles rencontrés par la ratification de la convention de La Haye

Avant même l’adoption du règlement Bruxelles II bis, l’adoption du règlement Bruxelles II a eu pour conséquence d’empêcher les Etats membres de l’Union d’approuver seuls la Convention de 1996, conformément à l’arrêt Accord européen sur les transports routiers (dit AETR) de la Cour de justice des Communautés européennes en matière de compétence externe : depuis cet arrêt, l’adoption d’un règlement au niveau interne entraîne un partage de compétence dans le domaine concerné entre la Communauté et les Etats membres, au profit de la première.

Dans cette logique, c’est la Communauté qui devrait adhérer à la Convention. Comme cette dernière ne prévoit que l’adhésion d’Etats, le Conseil a décidé, de manière exceptionnelle, d’autoriser les Etats membres qui sont liés par des dispositions communautaires dans le même domaine à signer la Convention dans l’intérêt de la Communauté.

Les Etats membres ont donc signé la Convention le 1er avril 2003, à l’exception des Pays-Bas qui avaient accompli cette formalité le 1er septembre 1997. Ils ont alors fait une déclaration afin d’assurer l’application cohérente des règles communautaires et internationales.

En juin 2003, la Commission a proposé une décision du Conseil autorisant les Etats membres, à l’exception du Danemark – qui reste libre de ratifier ou non la Convention, qu’il a d’ailleurs lui aussi signée le 1er avril 2003 –, à adhérer à la Convention. Selon cette proposition, les Etats membres auraient dû déposer les instruments de ratification ou d’adhésion à la Convention avant le 1er janvier 2005. Mais le Conseil n’a toujours pas adopté cette décision à cause d’un différend entre le Royaume-Uni et l’Espagne sur l’application des stipulations de la Convention à Gibraltar.

Ce différend est apparu du processus d’adoption de cette décision. En effet, selon l’article 29 de la Convention, chaque Etat contractant désigne une autorité centrale chargée de satisfaire aux obligations qui lui sont imposées par la Convention. Or l’application de cette disposition pose problème pour ce qui est du territoire de Gibraltar, lequel bénéficie d’un régime spécial sous un statut qui fait par ailleurs l’objet d’une controverse juridique entre le Royaume-Uni et l’Espagne.

En l’absence de clarification préalable quant à la désignation de cette autorité centrale, la délégation espagnole a formulé une réserve générale sur la proposition de décision.

Depuis 2003, les délégations des deux Etats concernés ont poursuivi des contacts afin de trouver une solution sur cette question, mais ceux-ci n’ont pas abouti, ce qui a bloqué l’adoption de la décision. Selon les informations fournies à votre Rapporteure, cette question pourrait être soulevée lors d’un prochain Conseil « Justice et Affaires Intérieures ».

Paradoxalement, les Etats qui n’étaient pas membres de la Communauté en 2003 et le sont devenus depuis sont pour la plupart déjà parties à la Convention de 1996. Tel est le cas de la Bulgarie, de la République tchèque, de l’Estonie, de la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie et la Slovénie, tandis que la Pologne et la Roumanie l’ont signée mais ne l’ont pas encore ratifiée.

Si le Parlement autorise la France à adhérer à la convention de La Haye, comme votre Rapporteure le souhaite, cette adhésion restera donc subordonnée à la décision du Conseil, mais pourra intervenir dès que celle-ci aura été adoptée.

II – UNE CONVENTION DU CONSEIL DE L’EUROPE QUI VISE À RENFORCER LA CONVENTION DES NATIONS UNIES RELATIVE AUX DROITS DES ENFANTS

A – La convention des Nations unies reconnaît aux enfants une série de droits formels

Adoptée par acclamation par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 à New York, la Convention relative aux droits de l’enfant a été signée par tous les États du monde et ratifiée par 192 États (4). Cette convention pose le principe selon lequel l’enfant est une personne et, à ce titre, lui reconnaît des droits civils, sociaux et culturels, mais aussi des libertés publiques directement inspirées des droits de l’homme.

1) Les principales stipulations de la convention onusienne

Malgré les compromis qui ont dû être concédés pour permettre la ratification de la convention onusienne par le plus grand nombre de pays (5), les droits qu’elle énonce contribuent à transformer le statut de l’enfant, qui n’est plus seulement objet de protection, mais devient avant tout sujet de droits.

Les principes généraux sont la non-discrimination dans la mise en œuvre des droits de l’enfant (article 2), la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant (article 3), le droit à la vie, à la survie et au développement (article 6) et la prise en compte des opinions de l’enfant sur toute question l’intéressant (article 12).

Une série de libertés et de droits civils sont reconnus à l’enfant : droit à un nom et à une nationalité (article 7), droit à la préservation de cette identité (article 8), liberté d’expression (article 13), accès à l’information (article 17), liberté de pensée, de conscience et de religion (article 14), liberté d’association et de réunion pacifique (article 15), protection de la vie privée (article 16).

La Convention détaille aussi les droits sociaux et culturels des enfants : outre le droit à la survie et au développement (article 6) et à un niveau de vie permettant ceux-ci (article 27), elle affirme les droits à la santé, aux services médicaux (article 24) et à la sécurité sociale (article 26), et reconnaît aux enfants handicapés le droit à une « vie pleine et décente » (article 23). Les enfants ont droit à l’éducation, y compris à la formation et l’orientation professionnelle (article 28), les buts de l’éducation étant présentés dans l’article 29, mais aussi au repos, aux loisirs et à des activités récréatives et culturelles (article 31), tandis qu’ils ont le droit d’être protégés, notamment, contre l’exploitation économique (article 32), l’usage des drogues (article 33) et l’exploitation sexuelle (article 34). L’article 30 reconnaît des droits spécifiques aux enfants appartenant à une minorité ethnique, religieuse ou linguistique : la France, qui ne reconnaît pas les minorités, a émis une réserve sur cet article.

De nombreuses stipulations ont trait aux conditions de vie de l’enfant dans sa famille ou, en cas de nécessité, hors de celle-ci : l’article 5 reconnaît aux parents de l’enfant, ou à sa famille élargie, « la responsabilité, le droit et le devoir » de l’orienter et de le conseiller dans l’exercice de ses droits ; l’article 9 charge les États de veiller à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents, sauf si « cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant » ; dans ce cas, l’enfant garde le droit d’entretenir des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si c’est contraire à son intérêt supérieur. Afin de préserver ces droits, la « réunification familiale » doit être considérée avec bienveillance par les États (article 10) et ces derniers doivent lutter contre les déplacements et les non-retours illicites d’enfants (article 11). L’enfant a le droit d’être protégé par l’État contre toute forme de violence (article 19), ce qui peut nécessiter qu’il soit privé de son milieu familial et lui donne alors droit à une protection et une aide spéciales de l’État (article 20). Celles-ci peuvent prendre la forme d’un placement, lequel devra faire l’objet d’un examen périodique (article 25). L’article 21 exige des États qu’ils s’assurent que « l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale » en cas d’adoption, l’adoption à l’étranger ne devant être envisagée qu’en l’absence de solution dans le pays d’origine.

Enfin, la Convention prévoit des mesures spéciales de protection de l’enfance, pour les enfants réfugiés (article 22), pour ceux qui ont été victimes de maltraitances (article 39), pour ceux qui sont suspectés ou convaincus d’infraction à la loi pénale (article 40).

Le caractère contraignant du texte se traduit seulement par la mise en place d’un dispositif de contrôle de son application, assuré par le Comité des droits de l’enfant (article 43).

La reconnaissance de ces droits a constitué un progrès important, mais elle ne s’est pas réellement traduite par leur mise en œuvre effective.

2) Les difficultés rencontrées pour son application

La France a signé la convention des Nations unies le 26 janvier 1990 et celle-ci est entrée en vigueur pour notre pays le 6 septembre 1990, mais les juges français ont adopté une position prudente, et contrastée, sur l’applicabilité directe de ses stipulations. Ainsi, la Cour de cassation s’est généralement, et jusqu’à une date très récente, refusée à considérer que les articles de la Convention, ou certains d’entre eux, puissent être considérés comme d’application directe par les tribunaux de l’ordre judiciaire, et ce, malgré les décisions rendues par le Conseil d’État en faveur de l’applicabilité directe de certaines stipulations devant le juge adminsitratif.

Peu après l’entrée en vigueur de la Convention, les juridictions du fond, en de nombreuses affaires, ont considéré plusieurs de ses articles comme d’applicabilité directe. Mais, le 10 mars 1993, par un arrêt Lejeune, la Cour de cassation a mis un terme à cette pratique.

Elle déduit en effet de l’article 4 de la Convention stipulant que les dispositions de celle-ci ne créent d’obligations qu’à la charge des États parties (6), que ces dispositions ne peuvent être invoquées directement devant les juridictions nationales. En effet, dans un système moniste comme le système français, l’applicabilité directe des conventions et leur invocabilité par les particuliers peuvent être tempérées dans deux cas : soit le traité ne contient que des recommandations ou des obligations qui s’adressent aux États, et à eux seuls, soit les règles posées ne sont pas applicables, du fait de leur formulation trop imprécise ou conditionnelle, et faute de mesures permettant d’en définir les modalités d’application. La Cour de cassation considère donc que la Convention de New York relève de la première hypothèse.

Une évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation se dessine néanmoins : à l’occasion de deux affaires jugées le 18 mai 2005, elle a reconnu pour la première fois l’applicabilité directe de l’article 3 (primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant) et, dans l’un de ces deux arrêts, de l’article 12 (droit d’être entendu dans toute affaire le concernant). Un arrêt du 14 juin 2005 a confirmé l’applicabilité directe de l’article 3. Dans l’une des deux affaires jugées le 18 mai 2005, la Cour de cassation a même relevé d’office le moyen, non invoqué par les parties, tiré de la violation des articles 3 et 12. Il semble donc que la Cour s’engage sur la voie d’une application directe « sélective » de la Convention, inspirée de la pratique suivie, depuis l’entrée en vigueur de celle-ci, par le Conseil d’État.

Dès l’entrée en vigueur de la Convention, celui-ci a en effet cherché à distinguer, en son sein, les dispositions auto-exécutoires de celles qui ne le sont pas.

Même si la très récente évolution jurisprudentielle de la Cour de cassation va dans le bon sens, des divergences de jurisprudence, difficiles à résoudre, demeurent. Ainsi, les deux ordres de juridiction semblent désormais unanimes sur la reconnaissance du droit d’un enfant à invoquer l’article 3 de la Convention, mais la Cour de cassation a reconnu l’applicabilité directe de son article 12, laquelle a pourtant été rejetée par le Conseil d’État.

Force est donc de constater que les droits reconnus aux enfants par la convention de New York sont essentiellement formels et qu’ils ne peuvent pas tous être invoqués directement. Encore les difficultés rencontrées en France sont-elles légères en comparaison de la situation dans les Etats au système dualiste, qui n’appliquent dans tous les cas les normes internationales que si elles ont été transcrites dans leur interne.

B – La convention européenne sur l’exercice des droits des enfants garantit l’exercice de leurs droits matériels

Le Conseil de l’Europe a mené à son terme, le 25 janvier 1996, une procédure complémentaire à celle qui a conduit à l’adoption de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Son but était à la fois nettement moins ambitieux et plus opérationnel que celui de la convention de New York : il s’agissait de renforcer les droits procéduraux des enfants dans les litiges familiaux qui les concernaient et, par là, notamment d’assurer le respect de l’article 12 de la convention de New York.

La Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2000, a été signée par vingt-quatre États membres du Conseil. La France fait partie des signataires depuis le 4 juin 1996.

Etant donné que les Etats membres du Conseil de l’Europe ne présentent pas la même diversité culturelle que les Etats membres de l’Organisation des Nations unies et que le champ de la Convention est limité, ses stipulations sont plus précises et plus exigeantes. Ainsi, par exemple, son article 1er ne prévoit pas de possibilité de fixer à un âge inférieur à dix-huit ans la fin de l’enfance, et donc du bénéfice de ses stipulations.

1) Le renforcement des droits procéduraux au bénéfice des enfants

Une partie des stipulations de la Convention s’impose obligatoirement aux Etats parties ; une autre partie est optionnelle. Dans tous les cas, ces stipulations constituent des mesures minimales, les parties pouvant toujours appliquer des règles encore plus favorables à la promotion et à l’exercice des droits des enfants.

Si l’article 1er impose l’âge de dix-huit ans comme fin de l’enfance au sens de la Convention, il invite les Etats parties à choisir au moins trois catégories de litiges familiaux devant une autorité judiciaire auxquelles la Convention s’applique. Le gouvernement français désignera les procédures relatives aux modalités d’exercice de l’autorité parentale, à la détermination de la résidence de l’enfant et à l’organisation des modalités des rencontres des titulaires de l’autorité parentale avec l’enfant, ainsi que les procédures fixant les modalités du lien de l’enfant avec les tiers et les procédures d’assistance éducative pour les enfants en danger. Il s’agit donc au total de cinq catégories de litiges familiaux.

Les articles 3 et 4 de la Convention garantissent à l’enfant « ayant un discernement suffisant » les droits procéduraux suivants :

– recevoir toute information pertinente ;

– être consulté et exprimer son opinion ;

– être informé des conséquences éventuelles de la mise en pratique de son opinion et des conséquences éventuelles de toute décision (article 3) ;

– demander la désignation d’un représentant spécial lorsqu’il existe un conflit d’intérêts entre l’enfant et les détenteurs des responsabilités parentales qui a conduit à priver ceux-ci de la faculté de représenter l’enfant (article 4).

Les Etats conservent la faculté d’accorder aussi ce dernier droit aux enfants n’ayant pas un discernement suffisant. La désignation d’un représentant spécial pourra être demandé par l’enfant personnellement ou par l’intermédiaire d’autres personnes ou organes, alors qu’il doit toujours pouvoir demander lui-même le bénéfice des trois premiers droits.

L’article 5 ajoute à cette liste d’autres droits procéduraux que les Etats parties ne sont pas obligés de reconnaître aux enfants ; ils doivent seulement examiner l’opportunité de le faire. Il s’agit :

– du droit de demander à être assisté par une personne appropriée de leur choix afin de les aider à exprimer leur position ;

– du droit de demander la désignation d’un représentant distinct, éventuellement un avocat ;

– du droit de désigner leur propre représentant ;

– du droit d’exercer tout ou partie des prérogatives d’une partie à une procédure qui les intéresse.

Ces droits sont complémentaires à ceux qui sont garantis, mais n’apparaissent pas aussi fondamentaux. La Convention joue seulement sur ces points un rôle d’incitation.

Aux droits accordés aux enfants répondent des obligations pour les autorités judiciaires, qui sont l’objet des articles 6 à 9 de la Convention. Elles doivent principalement s’assurer que les droits procéduraux accordés aux enfants sont respectés. Ainsi, les autorités doivent, avant de prendre une décision, s’assurer qu’elles disposent d’informations suffisantes et que l’enfant ayant un discernement suffisant a reçu toute information pertinente, consulter l’enfant à moins que cela soit manifestement contraire à son intérêt supérieur et tenir compte de l’opinion exprimée par l’enfant (article 6). Elles ont aussi l’obligation d’agir promptement « pour éviter tout retard inutile » (article 7) et de se saisir d’office, dans les cas où la loi le prévoit, le bien-être de l’enfant étant sérieusement menacé (article 8). Enfin, les autorités doivent avoir le pouvoir de désigner un représentant spécial pour l’enfant qui le demande en application de l’article 4 de la Convention, voire de désigner un représentant distinct si l’Etat a jugé pertinent d’accorder à l’enfant ce droit, comme l’envisage l’article 5.

Le rôle des représentants est précisé par l’article 10 de la Convention, qui leur impose d’agir de manière appropriée, notamment en fournissant à l’enfant des informations et des explications, en déterminant son opinion et en la portant à la connaissance de l’autorité judiciaire. Ces obligations doivent être satisfaites à moins que cela ne soit manifestement contraire aux intérêts supérieurs de l’enfant. Par ailleurs, les Etats doivent examiner la possibilité d’étendre ces obligations aux détenteurs des responsabilités parentales qui représentent l’enfant sans avoir été spécifiquement nommé, c’est-à-dire en particulier à ses parents.

En complément de la reconnaissance de ces droits et obligations, la Convention impose aux Etats d’encourager la promotion et l’exercice des droits des enfants par l’intermédiaire d’organes ayant des fonctions de proposition, d’avis et d’information dans ces domaines (article 12) et la mise en œuvre de la médiation ou d’autres méthode de résolution des conflits afin d’éviter les procédures judiciaires (article 13).

Enfin, la Convention met en place un Comité permanent, dont elle fixe la composition (article 17), les missions (article 16) et les modalités de fonctionnement (article 18). Ce Comité a pour fonction d’assurer le suivi des problèmes soulevés par la Convention et d’en informer les Etats parties et le Comité des ministres de Conseil de l’Europe.

2) La conformité du droit français à ses stipulations

Si le droit français était conforme aux stipulations relatives au droit d’être représenté en cas de conflit d’intérêts entre l’enfant et les détenteurs des responsabilités parentales avant même la signature de la Convention, il ne l’est que depuis peu sur d’autres points.

En effet, depuis 1993 (7), l’article 388-2 du code civil dispose que : « Lorsque, dans une procédure, les intérêts d’un mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux, le juge des tutelles dans les conditions prévues à l’article 389-3 ou, à défaut, le juge saisi de l’instance lui désigne un administrateur ad hoc chargé de le représenter. »

En revanche, le droit d’être entendu n’était pas pleinement respecté. La même loi de 1993 avait créé l’article 388-1 du code civil selon lequel « lorsque le mineur en fait la demande, son audition ne peut être écartée que par une décision spécialement motivée ». L’exigence de la motivation visait à rendre exceptionnel le refus d’entendre l’enfant, mais ce refus restait possible. C’est pourquoi, la mission d’information sur la famille et les droits des enfants (8), dont votre Rapporteure était membre, a proposé, conformément aux stipulations de la Convention, de donner aux enfants le droit d’être entendu dans toute procédure judiciaire les concernant s’ils le souhaitent, tout en leur garantissant la possibilité de refuser une audition demandée par l’autorité judiciaire.

La nouvelle rédaction de cet article 388-1 du code civil, issue de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, prévoit que : « Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. » Elle garantit aussi à l’enfant un droit à l’information : « Le juge s’assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat. »

Par ailleurs, la France est dotée d’un organe qui remplit les fonctions énumérées à l’article 12 de la Convention depuis que la loi du 6 mars 2000 (9) a institué le Défenseur des enfants.

Notre pays n’aura donc pas à modifier son droit interne à la suite de la ratification de la Convention. Pour lever toute ambiguïté sur la notion de détenteurs des responsabilités parentales définie par l’article 2 de la Convention, la France indiquera aux termes d’une déclaration interprétative qu’elle « interprète la notion de détenteurs des responsabilités parentales, telle que définie à l’article 2 b de la convention, comme visant les représentants légaux de l’enfant au sens du droit français ». Il s’agit d’exclure clairement les services ou les tiers qui accueillent les enfants dans le cadre des procédures d’assistance éducative, et qui ne sont pas pour autant détenteur de l’autorité parentale, celle-ci continuant en principe d’être exercée par les parents (article 375-7 du code civil).

CONCLUSION

Ces deux conventions ne résolvent pas toutes les difficultés : les parents et les tiers éventuellement en charge des intérêts des enfants devront encore affronter de difficiles questions de procédure et de fond, et supporter les coûts d’une procédure internationale où chaque partie doit avoir nécessairement deux avocats.

Malgré leurs limites, les deux conventions doivent être ratifiées par la France pour plusieurs raisons. D’abord, la convention du Conseil de l’Europe, si elle fait en partie doublon avec celle des Nations unies, ne complique pas les choses, est plus opérationnelle et verrouille quelques principes salutaires
– l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de l’enfant à être informé et entendu – à l’égard de nos partenaires de la grande Europe non-membres de l’Union européenne.

La Convention de La Haye, quant à elle, marque un réel progrès en définissant mieux la résidence habituelle de l’enfant et en tirant des conséquences juridiques claires.

Par ailleurs, au sein de l’Union européenne, les choses sont plus simples, depuis l’entrée en vigueur, le 1er mars 2005 du règlement Bruxelles II bis. Selon les termes de l’accord politique intervenu en novembre 2002 dans le cadre des négociations en vue de l’adoption de ce règlement, il a été clairement dit que la convention n’aurait qu’un caractère subsidiaire et complémentaire au règlement, qui primera entre les Etats auxquels il s’applique, c’est-à-dire toute l’Union sauf le Danemark. Une fois ratifiée par chacun d’eux, la convention seule s’appliquera entre les autres pays de l’Union et le Danemark, s’il la ratifie, et entre eux et les autres Etats parties non-membres de l’Union.

Cette ratification demeure subordonnée à l’adoption de la décision du Conseil bloquée par le différend anglo-espagnol sur Gibraltar. Votre Rapporteure souhaite donc attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’évoquer cette question à l’occasion du prochain Conseil consacré à la justice et aux affaires intérieures.

Sous le bénéfice de ces observations, votre Rapporteure est favorable à l’adoption des deux projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné les deux projets de loi au cours de sa réunion du 18 juillet 2007.

En conclusion de son exposé, la Rapporteure a indiqué que la ratification de la convention de La Haye de 1996 demeurait subordonnée à l’adoption de la décision du Conseil bloquée par le différend anglo-espagnol sur Gibraltar. Elle a donc proposé que la commission des affaires étrangères recommande au Gouvernement d’évoquer cette question à l’occasion du prochain Conseil consacré à la justice et aux affaires intérieures.

Après que le Président Axel Poniatowski s’est déclaré favorable à une telle recommandation, M. Jean-Paul Bacquet a demandé des précisions sur la condition de « discernement suffisant » posée par la Convention pour que l’enfant bénéficie des différents droits procéduraux évoqués par la Rapporteure.

M. Roland Blum a souhaité savoir en quoi la convention du Conseil de l’Europe était plus opérationnelle que celle des Nations unies relative aux droits des enfants.

Mme Martine Aurillac, rapporteure, a indiqué que la notion de « discernement suffisant » avait été l’objet de longues discussions à l’occasion des travaux de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants. Il est généralement considéré que l’âge de treize ans soit souvent reconnu comme l’âge auquel l’enfant dispose d’un tel discernement, mais cet âge est apprécié par le juge pour chaque enfant, en fonction de la situation.

La convention du Conseil de l’Europe impose aux Etats parties d’accorder effectivement certains droits procéduraux aux enfants, alors que la Convention de New York énonce une série de droits formels.

Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la commission a adopté les projets de loi (s 8 et 9).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, les deux projets de loi.

NB : Le texte des deux conventions figure en annexe aux projets de loi (n°s 8 et 9).

ANNEXES

I – ETAT DES SIGNATURES, RATIFICATIONS ET ADHÉSIONS À LA CONVENTION DU 19 OCTOBRE 1996 CONCERNANT LA COMPÉTENCE, LA LOI APPLICABLE, LA RECONNAISSANCE, L'EXÉCUTION ET LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ PARENTALE ET DE MESURES DE PROTECTION DES ENFANTS

Etats membres de la Conférence de La Haye

Etats

Signature

Ratification

ou adhésion

Albanie

 

18/05/2006

Allemagne

01/04/2003

 

Australie

01/04/2003

29/04/2003

Autriche

01/04/2003

 

Belgique

01/04/2003

 

Bulgarie

 

08/03/2006

Chypre

14/10/2003

 

Danemark

01/04/2003

 

Espagne

01/04/2003

 

Estonie

 

06/08/2002

Finlande

01/04/2003

 

France

01/04/2003

 

Grèce

01/04/2003

 

Hongrie

04/07/2005

13/01/2006

Irlande

01/04/2003

 

Italie

01/04/2003

 

Lettonie

15/05/2002

12/12/2002

Lituanie

 

29/10/2003

Luxembourg

01/04/2003

 

Maroc

19/10/1996

22/08/2002

Monaco

14/05/1997

14/05/1997

Pays-Bas

01/09/1997

 

Pologne

22/11/2000

 

Portugal

01/04/2003

 

République tchèque

04/03/1999

13/03/2000

Roumanie

15/11/2006

 

Royaume-Uni

01/04/2003

 

Slovaquie

01/06/1999

21/09/2001

Slovénie

13/05/2004

11/10/2004

Suède

01/04/2003

 

Suisse

01/04/2003

 

Ukraine

 

03/04/2007

Etats non membres de la Conférence de La Haye

Equateur

 

5/11/2002

Source : Conférence de La Haye de droit international privé.

II – CONVENTION EUROPÉENNE SUR LEXERCICE DES DROITS DES ENFANTS

Etats membres du Conseil de l'Europe

Etats

Signature

Ratification

Albanie

   

Allemagne

25/10/2000

10/04/2002

Andorre

   

Arménie

   

Autriche

13/07/1999

 

Azerbaïdjan

   

Belgique

   

Bosnie-Herzégovine

   

Bulgarie

   

Chypre

04/09/2002

25/10/2005

Croatie

08/03/1999

 

Danemark

   

Espagne

05/12/1997

 

Estonie

   

Finlande

25/01/1996

 

France

04/06/1996

 

Géorgie

   

Grèce

25/01/1996

11/09/1997

Hongrie

   

Irlande

25/01/1996

 

Islande

25/01/1996

 

Italie

25/01/1996

04/07/2003

Lettonie

25/10/2000

30/05/2001

ex-République yougoslave de Macédoine

03/04/2001

15/01/2003

Liechtenstein

   

Lituanie

   

Luxembourg

25/01/1996

 

Malte

20/01/1999

 

Moldova

   

Monaco

   

Monténégro

   

Norvège

   

Pays-Bas

   

Pologne

25/06/1997

28/11/1997

Portugal

06/03/1997

 

République tchèque

26/04/2000

07/03/2001

Roumanie

   

Royaume-Uni

   

Russie

10/05/2001

 

Saint-Marin

   

Serbie

   

Slovaquie

22/06/1998

 

Slovénie

18/07/1996

28/03/2000

Suède

25/01/1996

 

Suisse

   

Turquie

09/06/1999

10/06/2002

Ukraine

07/05/1999

21/12/2006

Source : Conseil de l’Europe.

© Assemblée nationale

1 () La convention de 1996 remplace ainsi la convention pour régler la tutelle des mineurs, signée le 12 juin 1902.

2 () Parmi les Etats membres de la Conférence de La Haye, seul le Maroc pratique la kafala ; cette institution musulmane permet le recueil d’un enfant par une famille qui n’est pas sa famille d’origine, mais elle n’entraîne la création d’aucun lien de filiation, une telle création étant interdite par la Charia tout comme par la législation familiale en vigueur, notamment, au Maroc.

3 () En conformité avec le protocole relatif à la position du Danemark annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Danemark n’est lié par aucune mesure adoptée par l’Union ni par aucun accord international conclu par elle dans une série de domaines relatifs à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, dont la coopération judiciaire en matière civile fait partie.

4 () Seuls les États-Unis et la Somalie, qui l’ont signée respectivement en février 1995 et en mai 2002, ne l’ont pas ratifiée, mais ont signalé leur intention de le faire.

5 () Ainsi, la définition de l’enfant, qui conditionne le champ d’application de la Convention, tient compte des différences juridiques, culturelles et religieuses : « un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ».

6 () L’article 4 prévoit en effet que « les États parties s’engagent à prendre toutes les mesures (...) nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus par la présente convention ».

7 () Loi nº 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales.

8 () Mme Valérie Pecresse, Rapport fait au nom de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants, Assemblée nationale, XIIème législature, n° 2832, tome 1, pp. 64 et suivantes.

9 () Loi n° 2000-197 du 6 mars 2000 visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants.