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N
° 98

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juillet 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine.

par M. Alain COUSIN,

Député

——

Voir les numéros  :

Sénat : 52, 136 et T.A. 43 (2006-2007)

Assemblée nationale : 21

INTRODUCTION 5

I. – L’ESSOR DE LA COOPÉRATION JURIDIQUE FRANCO-CHINOISE 7

A – MALGRÉ DE FORTES DISPARITÉS ENTRE LES SYSTÈMES ET TRADITIONS JURIDIQUES DES DEUX PAYS … 7

B – … LA COOPÉRATION ENTRE LA FRANCE ET LA CHINE EST APPELÉE À SE DÉVELOPPER. 8

II. – UNE COOPÉRATION CONFORTÉE PAR L’INSTITUTION D’UN CADRE LÉGAL POUR L’ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE 11

A – LE PRÉSENT ACCORD ENCOURAGE L’AIDE JUDICIAIRE LA PLUS LARGE POSSIBLE ENTRE LES DEUX PAYS 11

1) Le champ d’application de l’entraide judiciaire 11

2) Les demandes d’entraide 12

3) Des modalités d’échanges d’informations simplifiées 14

B – TOUTEFOIS, CETTE COOPÉRATION JUDICIAIRE DOIT RESTER COMPATIBLE AVEC LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA LÉGISLATION DE CHAQUE ETAT 14

1) Le respect de certains principes intangibles fait légitimement obstacle à la mise en œuvre de l’entraide judiciaire 15

2) Les restrictions facultatives à l’entraide judiciaire 16

3) Une obligation d’information sur les décisions relatives à l’exécution des demandes d’entraide 16

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat a approuvé le 11 janvier dernier un accord d’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la Chine. Cet accord vise à renforcer la coopération judiciaire entre nos deux pays, que la croissance de nos échanges ne manquera pas de contribuer à intensifier au cours des prochaines années.

Cet accord de coopération bilatérale s’inscrit dans le cadre institutionnel du « partenariat global stratégique » conclu entre la France et la Chine, le 27 janvier 2004, à l’occasion de la visite d’Etat en France du Président Hu JINTAO pour le quarantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre nos deux pays. Ce partenariat vient conforter les relations franco-chinoises qui ont connu une période de crise après la répression des manifestations de la place Tiananmen, en juin 1989. Il est le fruit d’initiatives convergentes visant, à partir de 1994, à rétablir la confiance réciproque et encourager le rapprochement politique, économique et culturel entre la France et la Chine.

En ouvrant un nouveau chapitre de nos relations bilatérales, ce partenariat favorise l’essor d’initiatives variées de coopération, en particulier dans le domaine juridique. Le présent accord participe de cette évolution en prévoyant une entraide judiciaire et pénale, notamment des commissions rogatoires internationales et l’échange de preuves. Une étape supplémentaire a été franchie dans cette direction, en mars dernier, avec la signature d’un traité d’extradition entre la France et la Chine.

L’adoption de ces conventions permet de dépasser les obstacles résultant de la disparité de nos systèmes juridiques et judiciaires. Elle devrait également contribuer à promouvoir l’Etat de droit en Chine. Car, si le dialogue avec la Chine relève aujourd’hui de la nécessité, il n’en reste pas moins un dialogue exigeant.

I. – L’ESSOR DE LA COOPÉRATION JURIDIQUE FRANCO-CHINOISE

Le cadre institutionnel du partenariat franco-chinois a connu, ces dernières années, un développement spectaculaire dont témoignent l’intensité des rencontres et la diversité des initiatives de coopération. La coopération juridique et judiciaire s’inscrit dans cette dynamique avec un renforcement des échanges et la mise en place d’instruments destinés à garantir la sécurité juridique, tout en promouvant l’Etat de droit et le respect des libertés individuelles en Chine.

A – Malgré de fortes disparités entre les systèmes et traditions juridiques des deux pays …

Depuis une quinzaine d’années, le système judiciaire chinois, démantelé pendant la Révolution culturelle, a connu d’importantes mutations. La nécessité de ces mutations s’est imposée en raison de contraintes nées de différents engagements internationaux mais aussi des évolutions considérables qu’a connu la société chinoise depuis le passage à l’économie de marché, en 1993.

A cet égard, l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2001, a joué un rôle important. Fondée sur une promesse d’ouverture économique, cette adhésion s’est, en effet, accompagnée de nombreuses réformes législatives avec la révision de 1.400 lois nationales dont plus d’un tiers a été aboli. D’importants efforts restent néanmoins à accomplir, la Chine étant, à l’heure actuelle, l’un des plus importants producteurs de contrefaçons au monde. Le 9 avril dernier, les Etats-Unis ont d’ailleurs déposé deux plaintes contre la Chine devant l’OMC, l’une portant sur la violation des droits de propriété intellectuelle constituée par le piratage des entreprises chinoises d’œuvres étrangères ; l’autre sur les obstacles posés par les autorités chinoises à la distribution de musiques, films et livres étrangers.

Pour sa part, la société chinoise a acquis une autonomie croissante dans la sphère privée, qui demeure toutefois circonscrite aux domaines socio-économiques. Depuis une dizaine d’années, la Chine a néanmoins progressé dans la construction d’un système juridique plus professionnalisé et prenant mieux en compte les droits de la défense. Ainsi, l’établissement d’un Etat de droit est devenu, en 1999, un principe constitutionnel, marquant la volonté des autorités de donner une plus grande efficacité à l’appareil judiciaire. En 2003, le système de « détention – reconduite », consistant à renvoyer de manière autoritaire les travailleurs migrants dans les campagnes, a été aboli tandis qu’une réforme de la « rééducation par le travail » a été annoncée. Enfin, une référence aux droits de l’homme a été introduite, en mars 2004, dans la constitution chinoise de 1982.

Ces différentes avancées ont été saluées dans le cadre du dialogue qui s’est instauré sur les droits de l’homme avec l’Union européenne, depuis 1995, sur un rythme biannuel. Dans le cadre de ce dialogue, les Etats membres de l’Union n’en insistent pas moins sur les progrès importants que la Chine doit encore réaliser dans les domaines de la liberté d’expression et de conscience ainsi que des droits de minorités. Au cours de la 23ème session du dialogue UE – Chine, qui s’est tenue à Berlin les 15 et 16 mai 2007, l’Union européenne a ainsi « exprimé son inquiétude permanente quant à de nombreux aspects dans le domaine des droits civils et politiques, en particulier une protection juridique insuffisante, le nombre de condamnations à mort qui reste exorbitant, des problèmes dans le commerce des organes ainsi que les restrictions et les arrestations infligées aux défenseurs des droits de l'homme et aux journalistes » (1).

Ces échanges soulignent la persistance de fortes disparités entre les systèmes et traditions juridiques de la Chine, d’une part, et des Etats membres de l’Union européenne, d’autre part. Le dialogue avec la Chine, s’il est nécessaire, n’en demeure pas moins exigeant, en particulier dans le domaine de la coopération judiciaire.

B – … la coopération entre la France et la Chine est appelée à se développer.

Dans le cadre du partenariat global stratégique défini en janvier 2004, la coopération franco-chinoise s’est intensifiée dans de nombreux domaines comme celui de la sécurité intérieure (2) mais aussi le domaine juridique. Ce type de coopération n’était pas totalement absent de la relation franco-chinoise comme l’atteste l’accord de coopération judiciaire en matière civile et commerciale signé à Pékin, le 4 mai 1987. Il est toutefois resté d’ampleur limitée, surtout après la répression des manifestations de Tienanmen en 1989.

Dans les années 1990, alors que la Chine revenait au premier plan sur la scène internationale, des contacts ont été noués, à de hauts niveaux, permettant l’ouverture d’un dialogue entre juristes et praticiens du droit français et chinois, de diverses professions ainsi que le développement de la coopération juridique. Cependant, dans le même temps, les relations bilatérales de coopération judiciaire en matière pénale restaient très en deçà de ce qu’on pouvait attendre entre deux pays de cette importance. En effet, faute de conventions bilatérales portant spécifiquement sur l’entraide pénale et l’extradition, la coopération judiciaire − régie par le principe de réciprocité et quelques instruments sectoriels (3) − restait structurellement difficile du fait notamment de la disparité des systèmes juridiques et judiciaires et de l’existence, en Chine, de la peine capitale. Ainsi, les relations demeuraient épisodiques et les flux de coopération judiciaire très faibles, malgré l’existence d’une forte communauté chinoise en France (près de 61.000 ressortissants) et le développement des activités entre les deux pays. A cet égard, votre Rapporteur précise qu’au cours des dix dernières années, la France a adressé trente demandes d’entraide aux autorités chinoises dont douze de ces commissions rogatoires sont toujours en cours d’exécution. Dans le même temps, notre pays a reçu six demandes d’entraide des autorités chinoises, qui ont été exécutées.

Ce champ de la coopération bilatérale entre la France et la Chine connaît aujourd’hui un réel essor. A la suite de l’accession de la Chine à l’OMC, la coopération juridique entre les deux pays a surtout concerné des domaines techniques comme le droit de la concurrence, la protection des investissements ou la propriété intellectuelle. La coopération judiciaire se renforce désormais avec le lancement, en 2003, du programme « 100 juges chinois » qui vise à former des magistrats chinois en France et pourrait être prolongé par un programme similaire en direction des avocats. Ce programme offre la possibilité à des magistrats chinois de comprendre le système judiciaire, la pratique et la procédure françaises. Parallèlement, des liens se tissent entre les juridictions françaises et chinoises. Des conventions de coopération ont ainsi été signées entre la Cour supérieure de Pékin, le Tribunal de commerce de Paris (1996) et le Tribunal de grande instance de Paris (2006). Un protocole de coopération a également été signé, en octobre 2006, entre le Parquet populaire suprême de Chine et le Parquet général près la Cour de cassation.

La coopération judiciaire entre la France et la Chine voit son champ et son contenu s’élargir avec le présent accord, qui prévoit une entraide judiciaire et pénale, et la signature d’un traité d’extradition, intervenue en mars dernier (4). A l’heure actuelle, les demandes de coopération judiciaire entre la France et la Chine sont encore limitées mais, avec l’accroissement des échanges entre les deux pays, ces demandes seront, très certainement, appelées à se multiplier.

Ces différentes initiatives contribuent donc à un renforcement de la coopération judiciaire entre nos deux pays et devraient permettre à la Chine de progresser vers un Etat de droit.

II. – UNE COOPÉRATION CONFORTÉE PAR L’INSTITUTION D’UN CADRE LÉGAL POUR L’ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE 

Pour l’heure, faute de convention, la coopération judiciaire entre la France et la Chine est régie par le principe de réciprocité. Ce dispositif s’avère insuffisant pour garantir l’efficacité de l’exécution des demandes d’entraide dans un contexte de développement de la criminalité transnationale.

Dès 1998, les autorités chinoises ont manifesté leur souhait de renforcer la coopération judiciaire avec la France. Une première rencontre, organisée courant janvier 2001, a permis la rédaction d’un texte commun contenant de nombreuses dispositions agréées par les deux parties. Toutefois, les difficultés de coopération apparues par la suite dans l’affaire Wang Lulu (5) ont conduit à suspendre les négociations. Cette procédure ayant trouvé une solution satisfaisante, une deuxième session de négociation s’est tenue, à Pékin, en janvier 2005, qui a permis d’aboutir, le 18 avril 2005, à la signature d’un accord d’entraide judiciaire en matière pénale dont l’approbation fait l’objet du présent projet de loi.

A –  Le présent accord encourage l’aide judiciaire la plus large possible entre les deux pays

Cet accord vise à développer la coopération bilatérale entre la France et la Chine qui sont convenues de s’accorder mutuellement « l’aide judiciaire la plus large possible ».

1) Le champ d’application de l’entraide judiciaire

L’entraide judiciaire a pour objectif de permettre à une juridiction de rassembler tous les éléments de preuve, utiles à une enquête ou à une poursuite, qui se trouveraient dans l’autre Etat partie. Elle peut prendre des formes diverses : remise de documents, exécution d’une demande de perquisition ou de saisie, comparution personnelle de témoins ou d’experts, transfert temporaire de détenus pour qu’ils comparaissent en qualité de témoins, etc.

Le présent accord prévoit que cette aide concerne les enquêtes et les poursuites d’infractions pénales, y compris en matière fiscale. Il prévoit, en effet, que l’entraide peut être accordée pour « des infractions pénales à la législation relative aux impôts, aux droits de douane, au contrôle des changes ou à d’autres questions fiscales » (article 1er, paragraphe 3). En revanche, l’accord n’est pas applicable à l’exécution des décisions d’arrestation et des condamnations (article 1er, paragraphe 4), dont le traitement a récemment fait l’objet d’un traité d’extradition entre la France et la Chine (6).

Toutefois, l’accord affirme le principe de coopération en matière de confiscation, qui fait l’objet d’une disposition spécifique dans son article 16. Aux termes de cet article, la partie requise exécute, conformément à la législation, les demandes d’entraide visant à procéder à la confiscation des produits d’une infraction, ces produits incluant les instruments utilisés pour commettre l’infraction. Il est également prévu que, sur demande de l’Etat requérant, l’Etat requis décide prioritairement de lui restituer les produits des infractions, « en vue notamment de l’indemnisation des victimes ou de la restitution au propriétaire légitime, sous réserve des droits des tiers de bonne foi ».

Le présent accord privilégie donc une formulation très large de l’entraide judiciaire entre les deux pays qui reste toutefois indépendante de l’extradition.

2) Les demandes d’entraide

Le présent accord comprend des dispositions classiques en matière d’entraide judiciaire dont certaines s’inspirent directement de la Convention d’entraide judiciaire en matière pénale du Conseil de l’Europe, adoptée le 20 avril 1959 (7).

Il précise les caractéristiques générales des demandes d’entraide, à commencer par les éléments qu’elles doivent comporter et le principe de leur traduction dans la langue officielle de l’Etat requis (article 4). Les demandes sont exécutées conformément à la législation de l’Etat requis qui doit informer l’Etat requérant de toute circonstance pouvant retarder ou compromettre l’exécution d’une demande (article 5). L’accord pose également le principe du respect de la confidentialité d’une demande par l’Etat requis qui peut, à l’inverse, prévoir des conditions à la divulgation ou à l’utilisation des éléments de preuve recueillis en exécution d’une demande (article 6). Le même article 6 énonce un principe de spécialité aux termes duquel les informations ou les éléments de preuve recueillis en exécution d’une demande d’entraide ne pourront être utilisés par l’Etat requérant « à des fins autres que celles qui auront été stipulées dans la demande sans l’accord préalable de la partie requise ». Enfin, l’article 9 de l’accord régit la transmission d’objets, de dossiers et de documents en exécution de la demande d’entraide.

Le présent accord comporte, par ailleurs, des dispositions spécifiques à certaines formes d’entraide.

L’audition de personnes

L’article 8 de l’accord prévoit que « dans la mesure du possible, l’Etat requérant indique dans sa demande les questions devant être posées au cours de l’audition d’une personne ». Il permet toutefois de poser des questions qui n’étaient pas expressément formulées par l’Etat requérant, soit à l’initiative de l’Etat requis, soit sur demande des représentants de l’Etat requérant qui assistent à l’exécution de la mesure.

Le transfèrement de témoins détenus

L’article 12 du présent accord pose le principe du double consentement de l’Etat requis et de la personne en cas de demande de transfèrement temporaire d’une personne détenue aux fins d’audition, en qualité de témoin, dans l’Etat requérant. Il prévoit également le maintien en détention de l’intéressé sur le territoire de l’Etat requérant. Enfin, son dernier paragraphe précise qu’une personne qui comparait dans l’Etat requérant en application de l’article 12 « bénéficie de l’immunité prévue à l’article 14 du présent accord » (cf. infra).

La comparution de témoins ou d’experts

L’accord prévoit que, si l’Etat requérant estime que la comparution personnelle d’un témoin ou d’un expert est nécessaire, il en informe l’Etat requis qui invite ce témoin ou cet expert à comparaître. Le témoin ou l’expert qui ne défère pas à la demande de comparution n’est passible d’aucune sanction ou mesure de contrainte (article 13, paragraphe 3). La règle énoncée découle d'un usage international selon lequel les témoins et experts sont entièrement libres de ne pas se rendre dans le pays requérant et reprend la formulation de l’article 8 de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale.

En outre, l’article 14 de l’accord aménage, dans une rédaction inspirée de l’article 12 de la Convention européenne d’entraide susmentionnée, certaines immunités au profit des témoins et experts appelés à comparaître sur le territoire de l’Etat requérant. Ainsi, aucun témoin ou expert qui, à la suite d’une citation, comparaît devant les autorités judiciaires de la partie requérante « ne peut être ni poursuivi, ni détenu, ni soumis à aucune restriction de sa liberté individuelle sur le territoire de cette partie pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la partie requise ».

Les échanges d’avis de condamnation

L’article 18 de l’accord définit le cas des échanges d’avis de condamnation qui correspond à celui envisagé, dans des termes comparables, par l’article 22 de la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (8). Dans des conditions similaires, l’article 17 prévoit l’échange d’informations figurant dans les casiers judiciaires et l’article 19, l’échange d’informations juridiques entre les deux pays « sur leur législation pénale ainsi que sur leurs pratiques judiciaires ».

Le présent accord définit également les conditions et les modalités de l’entraide aux fins de remise des actes de procédure et des décisions judiciaires sur le territoire de l’Etat requis (article 10). Il prévoit, en outre, les conditions d’exécution des demandes d’entraide aux fins de perquisition, gel d’avoirs et saisies de pièces à conviction (article 15).

3) Des modalités d’échanges d’informations simplifiées

Traditionnellement, les conventions d’entraide judiciaire désignent le ministère des Affaires étrangères comme autorité chargée de transmettre les demandes françaises d’entraide ou de recevoir les demandes d’un pays. Afin de simplifier cette procédure et raccourcir les délais, le présent accord désigne le ministère de la Justice en qualité d’autorité centrale chargée de transmettre les demandes et recevoir les réponses et prévoit que les demandes d’entraide sont transmises d’autorité centrale à autorité centrale (article 2). Dans le même esprit d’allègement des procédures, les pièces et documents transmis sont dispensés de toute formalité de légalisation (article 11).

Le présent accord prévoit donc différentes formes d’entraide dont l’exécution doit rester compatible avec la législation de l’Etat requis. Des restrictions à ce principe d’entraide sont, par ailleurs, prévues par l’article 3 de l’accord.

B –  Toutefois, cette coopération judiciaire doit rester compatible avec les principes fondamentaux de la législation de chaque Etat

Le présent accord encadre l’entraide judiciaire en matière pénale par un certain nombre de principes et dispositions qui figurent habituellement dans les conventions d’extradition. Il distingue, en outre, les motifs de refus obligatoires des motifs de refus facultatifs.

1) Le respect de certains principes intangibles fait légitimement obstacle à la mise en œuvre de l’entraide judiciaire

De par son objet, le présent accord intervient dans une matière, le droit pénal, qui relève du pouvoir de chaque Etat en tant que responsable de l’ordre public. Dans ce domaine, des restrictions au principe d’entraide judiciaire découlent traditionnellement de la nécessité de préserver les intérêts essentiels de l’Etat ainsi que sa souveraineté. D’autres restrictions sont également prévues dans un souci de protection des droits et libertés fondamentales des individus. Ces restrictions constituent, aux termes de l’article 3 (paragraphe 1) du présent accord, des motifs de refus obligatoires de l’entraide.

Parmi les demandes d’entraide que l’Etat requis doit refuser figurent, en premier lieu, celles dont l’exécution est « de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l’ordre public ou à d’autres intérêts essentiels » du pays, ce qui relève de réserves classiques en droit international.

En second lieu, l’Etat requis refuse l’entraide si la demande se rapporte à une infraction de nature politique ou à une infraction militaire. Ces dispositions sont proches de celles qui figurent habituellement dans les conventions d’extradition. A cet égard, votre Rapporteur rappelle que le Conseil d’Etat a érigé en principe fondamental reconnu par les lois de la République, l’obligation de refuser l'extradition d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique(9).

En troisième lieu, le présent accord prévoit les cas où une demande doit être refusée dans un souci de protection des droits de l’homme. L’Etat requis refuse ainsi son aide lorsqu’il a de fortes raisons de croire que la demande aura pour effet de porter préjudice à une personne du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques.

A ces trois motifs de refus obligatoires de l’entraide s’ajoute une disposition qui, contrairement aux conventions habituelles, prévoit que l’Etat requis refuse l’entraide lorsqu’il estime que l’exécution de la demande « serait incompatible avec les principes fondamentaux de sa législation ». Il s’agit, par cette disposition, de renforcer la possibilité, pour l’Etat requis, de prendre en compte la nature des peines encourues dans l’Etat requérant du fait, notamment, de l’existence de la peine de mort dans la législation chinoise. Comme précisé dans l’exposé de motifs du présent projet de loi, le procès-verbal de la seconde session de négociation rappelle expressément que la France refusera l’entraide lorsque la peine encourue sera « par sa nature » incompatible avec les principes généraux de sa législation et mentionne, à titre d’exemple, la peine capitale.

Votre Rapporteur observe que ces motifs de refus obligatoires sont repris dans le traité d’extradition entre la France et la Chine qui a été signé le 20 mars 2007. Conformément aux conventions d’extradition habituellement conclues par la France, ce traité comporte, en effet, une disposition prenant en compte l’existence de la peine de mort dans le droit chinois. De même, le traité prévoit expressément le rejet des demandes d’extradition fondées sur des infractions considérées comme des « infractions politiques » – par exemple, en matière de droit de la presse – ou comme des « infractions militaires ».

Le présent accord prévoit donc expressément que le respect de certains principes intangibles en droit français fait légitimement obstacle à la mise en œuvre de l’entraide judiciaire, ce qui est de nature à renforcer la sécurité juridique.

2) Les restrictions facultatives à l’entraide judiciaire

Le deuxième paragraphe de l’article 3 de l’accord prévoit également des cas où l’Etat requis peut refuser l’entraide, c’est-à-dire des motifs de refus facultatifs. Ainsi, l’Etat requis peut refuser une demande d’entraide « lorsque les infractions auxquelles elle se rapporte, si elles avaient eu lieu dans la juridiction de la partie requise, n’auraient pas constitué une infraction selon sa législation », c’est-à-dire en l’absence de double incrimination. De même, l’entraide peut être refusée en cas d’atteinte au principe « non bis in idem » qui interdit plusieurs condamnations pour une même infraction. Enfin, l’Etat requis peut également refuser une demande d’entraide judiciaire concernant une infraction pour laquelle une personne ne pourrait plus être poursuivie en raison de la prescription.

En revanche, ces restrictions à l’entraide ne comprennent pas le secret bancaire dont l’accord prévoit expressément qu’il ne saurait constituer un motif de refus.

Enfin, le présent accord précise que tout refus d’entraide doit être motivé (article 3, paragraphe 7).

3) Une obligation d’information sur les décisions relatives à l’exécution des demandes d’entraide

Afin d’introduire une certaine souplesse dans sa mise en œuvre, le présent accord prévoit la possibilité de différer une demande d’entraide lorsque son exécution risque d’entraver une enquête pénale en cours (article 3, paragraphe 4).

Toutefois, avant toute décision d’ajournement ou de refus d’une demande, l’Etat requis doit préalablement informer l’Etat requérant des motifs qui le conduisent à cette décision. Une procédure de consultation est également prévue « pour décider si l’entraide peut être accordée aux termes et conditions jugées nécessaires par la partie requise » (article 3, paragraphe 5). Si l’Etat requérant accepte l’entraide à ces termes et conditions, il est tenu de s’y conformer.

Par ailleurs, si une demande d’entraide est acceptée mais son exécution retardée, l’accord fait obligation à l’Etat requis d’informer l’Etat requérant de toute circonstance pouvant retarder ou compromettre l’exécution de la demande (article 5, paragraphe 3).

CONCLUSION

Le présent accord d’entraide judiciaire en matière pénale offre un cadre légal à une coopération judiciaire franco-chinoise appelée à se développer. Ce cadre, destiné à faciliter les échanges d’informations, fixe les obligations des deux Etats en matière de traitement des demandes d’entraide, dans le respect de leurs contraintes et traditions juridiques et constitutionnelles respectives. Il favorise ainsi une relation équilibrée ainsi que la sécurité juridique, indispensable dans les processus d’entraide judiciaire.

C’est pourquoi votre Rapporteur recommande l’adoption du présent projet de loi par la commission des Affaires étrangères.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa deuxième séance du mercredi 18 juillet 2007.

Après l’exposé du rapporteur, le Président Axel Poniatowski s’est félicité du contenu de l’accord qui permettait d’instaurer un cadre légal à l’entraide judiciaire entre la France et la Chine, tout en promouvant un dialogue équilibré.

M. Jean-Paul Lecoq s’est interrogé sur la portée véritable de cet accord, dans un contexte où l’intérêt croissant pour la Chine portait sur ses capitaux plus que sur les principes censés animer les actions de coopération entre Etats. A cet égard, le contenu de l’accord est-il conforme à l’esprit et à la lettre des principes inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ?

Le rapporteur a affirmé que ces principes étaient clairement respectés et que l’accord était conforme aux valeurs et à la tradition juridique françaises. Il a ajouté que les clauses de refus obligatoires de l’entraide judiciaire correspondaient à cette préoccupation de respect de nos principes fondamentaux.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 21).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de cet accord figure en annexe au projet de loi (n° 21).

© Assemblée nationale

1 () Communiqué de presse du 18 mai 2007.

2 () Loi n° 2006-790 du 5 juillet 2006 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure publiée au Journal Officiel du 6 juillet 2006.

3 () Il en est ainsi pour les conventions majeures des Nations Unies en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, que la Chine a ratifiées (Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants, faite à New York le 30 mars 1961 ; Protocole portant amendement de la convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants de 1961, conclu à Genève le 25 mars 1972 ; Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, adoptée à Vienne le 19 décembre 1988), ainsi que pour la convention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée (dite convention de « Palerme », adoptée à la fin de l’année 2000).

4 () Le 29 avril 2006, le comité permanent de l’Assemblée nationale chinoise a ratifié un traité d’extradition avec l’Espagne. La France sera le deuxième pays européen à signer un traité d’extradition avec la Chine.

5 () Refus d’entraide opposé par les autorités françaises en raison de l’insuffisance des garanties données par les autorités chinoises en ce qui concerne le prononcé ou l'exécution éventuelle de la peine de mort.

6 () Ce traité d’extradition entre les deux Etats a été signé le 20 mars 2007.

7 () La convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale est entrée en vigueur le 12 juin 1962. Elle est entrée en vigueur en France le 4 août 1967.

8 () modifié par le protocole additionnel à la Convention du 17 mars 1978.

9 () Conseil d’Etat, 3 juillet 1996, Koné.