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N
° 1409

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 janvier 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 1272, autorisant la ratification des protocoles au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession de la République d’Albanie et de la République de Croatie,

par M. Robert LECOU,

Député

INTRODUCTION 5

I – L’ÉLARGISSEMENT DE L’OTAN : UNE NÉCESSITÉ STRATÉGIQUE 7

A – UN PROCESSUS POLITIQUE 7

B – UN PROCESSUS TRÈS ENCADRÉ 9

II – LES EFFORTS CONSENTIS PAR L’ALBANIE ET LA CROATIE EN VUE DE LEUR ADHÉSION 13

A – L’ALBANIE 13

1. Les critères politiques 14

2. Les critères militaires 15

B – LA CROATIE 16

1. Les critères politiques 16

2. Les critères militaires 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

Mesdames, Messieurs,

« Avec l’adhésion de l’Albanie et de la Croatie, l’Alliance sera mieux à même de faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain. Ces pays ont fait la preuve de leur ferme attachement aux principes fondamentaux énoncés dans le Traité de Washington, ainsi que de leur capacité et de leur volonté de préserver la liberté et nos valeurs communes en contribuant à la défense collective de l’Alliance et à toute la gamme de ses missions. » (1)

Poursuivant le processus d’élargissement engagé à la suite de l’effondrement du bloc soviétique, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) réunissant vingt six pays (2) alliés depuis le dernier élargissement du 29 mars 2004, accueille aujourd’hui deux nouveaux pays des Balkans, dont « l’avenir est dans l’intégration euro-atlantique […] qui permettra d’empêcher que de nouveaux conflits n’y éclatent et donnera à la région un environnement plus stable et plus prévisible. » (3). En effet, ce nouvel élargissement contribue d’abord à consolider la paix dans les Balkans, confirmant ainsi le caractère politique du processus depuis la fin de la guerre froide.

Sur les trois pays signataires de la Charte adriatique (4), seule l’ex-République yougoslave de Macédoine (ARYM) voit son adhésion retardée dans l’attente de la résolution du conflit qui l’oppose à la Grèce sur son nom.

En revanche, l’invitation adressée à l’Albanie et à la Croatie par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du sommet de Bucarest à engager des pourparlers en vue de leur adhésion à l’Alliance s’est traduite par la signature à Bruxelles le 9 juillet 2008 des protocoles au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession des deux Républiques. Ce sont ces derniers dont la ratification nécessite aujourd’hui l’autorisation de l’Assemblée nationale par le biais du présent projet de loi.

L’entrée en vigueur des protocoles mettant en œuvre juridiquement cet élargissement qui s’inscrit dans la continuité du processus de transformation de l’Alliance atlantique et de pacification des Balkans, devrait symboliquement intervenir pour le sommet du soixantième anniversaire de l’Organisation à Strasbourg Kehl (5).

I – L’ÉLARGISSEMENT DE L’OTAN : UNE NÉCESSITÉ STRATÉGIQUE

Faisant suite à l’invitation des chefs d’Etat et de gouvernement lors du sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008 à engager des pourparlers en vue de leur adhésion à l’Alliance, l’Albanie et la Croatie ont signé les protocoles d’accession au traité de l’Atlantique Nord le 9 juillet 2008, achevant ainsi un processus d’élargissement de longue haleine qui répond à une nécessité stratégique et obéit à des règles précises.

En effet, l’importance de l’enjeu que constitue un élargissement de l’OTAN rend indispensable une évaluation stricte et objective des capacités de futurs Alliés à assumer leurs obligations et à contribuer effectivement à la sécurité dans la zone euro-atlantique. Cependant, la décision d’élargissement demeure de nature politique, l’adhésion devant répondre à l’objectif de sécurité et de stabilité du continent européen et correspondre aux intérêts de l’Alliance.

A – Un processus politique

« Le processus d’élargissement en cours à l’OTAN est une réussite historique, qui a permis de faire avancer la stabilité et la coopération, et de nous rapprocher de notre but commun, d’une Europe entière et libre, unie dans la paix, dans la démocratie et par des valeurs communes. » (6)

Avec l’accession de l’Albanie et de la Croatie, l’Alliance réalise le sixième élargissement de son histoire, le troisième depuis la fin de la guerre froide.

La Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie les ont précédées en adhérant à l’OTAN en 2004 ; la République tchèque, la Hongrie et la Pologne en 1999, l’Espagne en 1982, l’Allemagne en 1955 ainsi que la Grèce et la Turquie en 1952. Les élargissements récents traduisent l’évolution de l’OTAN rendue nécessaire par la fin du monde bipolaire.

En effet, la création de l’Alliance atlantique par le traité de l’Atlantique Nord, également appelé traité de Washington, signé le 4 avril 1949, obéissait à un objectif : la préservation de la sécurité de la zone euro-atlantique face à la menace représentée par le pacte de Varsovie. L’OTAN assurait alors une mission de défense collective : en vertu de l’article 5 du traité précité, « les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. »

Avec l’effondrement du bloc soviétique, l’OTAN se trouve privée de sa principale raison d’être mais confrontée à l’émergence de menaces nouvelles. Afin de s’adapter à cet environnement stratégique inédit qui se manifeste aussi bien au travers des désordres dans les Balkans que par la résurgence des risques terroristes, l’Alliance se voit dans l’obligation de repenser son rôle.

A cet égard, l’engagement de l’OTAN dans les Balkans (interventions militaires en Bosnie en 1994/1995 et au Kosovo en 1999) a marqué un tournant dans l’histoire de l’Alliance : cette initiative dépassait la fonction traditionnelle de l’organisation, à savoir défendre le territoire de ses Etats membres, pour mettre l’accent sur la gestion de crises se déroulant en dehors des frontières de l’OTAN.

Lors du sommet de Washington en avril 1999, cette évolution a été entérinée par l’adoption d’un nouveau concept stratégique de l’Alliance qui étend ses missions à la gestion des crises (maintien et rétablissement de la paix) (7). Lors du sommet de Prague en 2002, les chefs d’Etat et de gouvernement ont également décidé de se doter de nouvelles capacités militaires, notamment par la création d’une force de réaction rapide (Nato response force, NRF).

Cependant, la défense collective reste la mission première de l’Alliance. L’article 5 du traité a ainsi été mis en œuvre pour la première fois à la suite des attentats du 11 septembre 2001.

Parallèlement à l’élargissement de ses missions, l’OTAN a entrepris un élargissement géographique : au sommet de Madrid, les 8 et 9 juillet 1997, l’Alliance a invité la Hongrie, la Pologne et la République tchèque à adhérer au traité de l’Atlantique Nord, adhésion devenue effective en 1999 (8). Puis, à Prague, les 21 et 22 novembre 2002, ce sont les candidatures de la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie qui ont été retenues (9).

Le dernier élargissement s’inscrivait dans la continuité du processus de transformation de l’Alliance, d’une part, et témoignait d’autre part de l’implication croissante de l’Alliance atlantique dans les Balkans. Au terme d’un processus de longue haleine, l’accession de l’Albanie et la Croatie prolonge ce mouvement.

« L’adhésion de ces nouveaux membres renforcera la sécurité pour tous dans la zone euro-atlantique et permettra de nous rapprocher de notre objectif d’une Europe entière, libre et en paix. L’invitation que nous lançons à l’Albanie et à la Croatie d’engager des pourparlers en vue de leur adhésion à notre Alliance marque le début d’un nouveau chapitre pour les Balkans occidentaux et ouvre la voie à un avenir qui verra la pleine intégration dans les institutions euro-atlantiques d’une région stable, en mesure d’apporter une contribution majeure à la sécurité internationale. » (10).

Comme nous le verrons plus loin, l’adhésion des deux pays ne renforce que marginalement la dimension militaire de l’Alliance. En revanche, elle constitue un signal politique fort en faveur de la stabilisation des Balkans qui s’adresse à plus long terme aux autres pays de la région (Monténégro, Bosnie et peut-être un jour Serbie).

B – Un processus très encadré

L’article 10 du Traité de l’Atlantique Nord dispose que peut être invité à y accéder « tout Etat européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent Traité et de contribuer à la sécurité de la réunion de l’Atlantique Nord ». Au Sommet de Bruxelles, en janvier 1994, le principe de la porte ouverte aux « démocraties européennes désireuses et capables d’assumer les responsabilités et les obligations liées au statut de membre » est réaffirmé par les dirigeants alliés.

En 1995, dans la perspective d’une série d’élargissements aux anciens pays du Pacte de Varsovie, l’OTAN a élaboré une « Etude sur l’élargissement » qui, tout en rappelant que l’élargissement relève en dernier ressort de la décision unanime des Alliés, souligne que les candidats devront néanmoins respecter un certain nombre de préalables politiques et militaires.

Les critères d’adhésion à l’OTAN

Politiquement, tout candidat doit s’engager à respecter les principes de base du Traité de Washington que sont la démocratie, la liberté individuelle, l’Etat de droit ; à utiliser des moyens pacifiques de règlement des différends ; à respecter les règles des Nations Unies concernant le recours à la force ; à se conformer aux règles de l’OSCE concernant le traitement des minorités nationales ; à résoudre les conflits interethniques ou les différends frontaliers par des moyens pacifiques.

Quant aux critères militaires, il s’agit avant tout d’un engagement à assumer les obligations découlant du Traité de Washington par la participation à la structure militaire de l’Alliance ainsi qu’à la planification des forces et des capacités et, le cas échéant, la mise à disposition de forces pour la défense collective. Le candidat doit atteindre l’interopérabilité de ses forces avec les autres membres de l’OTAN et la standardisation de ses équipements, accepter l’approche large de sécurité telle qu’issue du concept stratégique (Sommet de Washington, 1999) et reconnaître le rôle essentiel de l’arme nucléaire.

En outre, les candidats doivent s’engager à contribuer au budget civil et militaire selon une clé de répartition calculée en fonction du PIB et à mettre en place des procédures efficaces de protection des données OTAN.

Les candidats bénéficient pour leur préparation d’un soutien de l’OTAN à travers le Plan d’action pour l’adhésion (Membership action plan, MAP). Si la participation à ce programme est obligatoire pour tout candidat, elle ne garantit néanmoins pas l’adhésion à l’OTAN.

Le MAP est un programme de conseil, d’assistance et de soutien technique qui répond aux besoins particuliers des pays souhaitant adhérer à l’Alliance. Il ne s’agit pas d’une simple liste d’exigences que les pays candidats doivent remplir, mais plutôt d’un processus qui aide ces pays à centrer leurs préparatifs sur la réalisation des objectifs et des priorités qui figurent dans le plan, et propose toute une gamme d’activités destinées à renforcer la candidature de chacun de ces pays.

L’OTAN a lancé ce programme lors du Sommet de Washington en 1999, afin que les candidats à l’adhésion de l’époque soient prêts à intégrer l’Alliance le plus efficacement et le plus rapidement possible. Le MAP a joué un rôle déterminant dans la préparation des sept pays qui ont adhéré à l’OTAN en 2004 à l’égard des devoirs et des obligations incombant aux membres de l’Alliance. Il continue aujourd’hui d’aider les pays candidats à mettre en œuvre leurs réformes. Les pays candidats doivent prendre part au Partenariat pour la paix (PPP), ainsi qu’au Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) pour pouvoir participer au MAP.

Si le MAP est un programme intensif pour les pays candidats, qui exige de leur part un véritable engagement en faveur des réformes, il propose aussi l’aide de l’OTAN et des Alliés pour leur mise en œuvre.

Chaque année à l’automne, les pays du MAP doivent établir un programme national annuel (ANP) qui définit les projets de réformes du pays pour l’année à venir. L’ANP comporte cinq volets : politique/économie, défense/questions militaires, ressources, sécurité et questions juridiques. Il sert de base de discussion lors des visites effectuées par le personnel de l’OTAN dans le pays concerné au début de l’année suivante. Ces visites font l’objet d’un rapport d’évaluation et d’une réunion annuelle entre chacun des pays candidats et le Conseil de l’Atlantique Nord. Enfin, les résultats de ces débats sont présentés lors des réunions des ministres des Affaires étrangères et de la Défense qui ont lieu au printemps. Le même processus recommence à l’automne suivant. 

Ce processus annuel d’examen et de consultation approfondis permet à l’OTAN de suivre en continu les progrès accomplis par les pays candidats au fil du temps. Tout aussi important, cela permet aux candidats de recevoir des indications et des avis clairs et directs sur ce que l’OTAN attend d’eux.

L’Albanie et la Croatie bénéficient du Plan d’action pour l’adhésion depuis respectivement 1999 et 2002. Ces pays ont donc pu mettre à profit plusieurs cycles du MAP pour parvenir à satisfaire les critères exigeants, tant politiques que militaires, qui ont nécessité de leur part des réformes considérables afin d’accéder à l’OTAN.

II – LES EFFORTS CONSENTIS PAR L’ALBANIE ET LA CROATIE EN VUE DE LEUR ADHÉSION

En mars 2008, le rapport de progrès du Plan d’action pour l’adhésion 2007-2008, agréé par les ministres des Affaires étrangères de l’OTAN, estimait que l’Albanie et la Croatie, ainsi que l’ex-République yougoslave de Macédoine, avaient accompli des progrès considérables en regard des critères politiques et militaires pour une adhésion à l’Alliance. Il indiquait également que l’élargissement de l’OTAN à ces deux pays n’affectera pas la capacité de l’Alliance à accomplir ses missions, et n’aura aucun impact négatif sur les structures et objectifs de l’Alliance. L’adhésion se traduira enfin par leur participation aux budgets civil et militaire de l’OTAN, selon la clé de répartition déterminée entre Alliés (0.0685 % pour l’Albanie et 0.255 % pour la Croatie).

Ces conclusions ouvraient la voie à l’adhésion proposée par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du sommet de Bucarest en avril 2008 aux deux premiers pays mais pas à l’ex-République yougoslave de Macédoine (11).

« Les pays qui nous rejoignent peuvent, à juste titre, être fiers d’avoir satisfait aux critères exigeants pour l’adhésion à l’OTAN. Les efforts considérables déployés pendant de nombreuses années dans le cadre du plan d’action pour l’adhésion ont porté leurs fruits. Grâce à tout le travail que vous avez accompli, les Alliés peuvent être certains que votre entrée dans l’Alliance renforcera l’OTAN », a déclaré le secrétaire général de l’OTAN à cette occasion.

A – L’Albanie

L’intégration euro-atlantique fait figure de priorité pour l’Albanie depuis le début des années 90. De très nombreuses réformes, aussi bien en matière politique que militaire, ont donc été entreprises afin d’atteindre cet objectif, selon un rythme qui s’est accéléré ces dernières années.

1. Les critères politiques

En Albanie, les difficultés en matière de lutte contre le crime organisé et contre la corruption ont longtemps constitué un obstacle à son rapprochement avec les structures européennes, mais d’importants progrès ont pu être obtenus récemment dans ce domaine.

Ces progrès viennent s’ajouter aux importantes réalisations effectuées notamment depuis l’arrivée au poste de Premier ministre de M. Berisha. En effet, si l’objectif d’adhésion a toujours fait consensus au sein de l’opinion publique et de la classe politique, les moyens mis en œuvre jusqu’en 2005 demeuraient insuffisants.

Depuis les élections législatives de 2005, qui ont permis la première alternance démocratique non accompagnée de violences, le gouvernement du Premier Ministre Berisha s’attache à mettre en œuvre, avec un volontarisme affiché et un certain succès, le programme ambitieux sur lequel il a été élu.

Ce programme, qui a pour arrière-plan la volonté albanaise d’adhérer à l’Union européenne (UE) et à l’OTAN, érige en priorités la lutte contre la corruption, le crime organisé et les trafics, ainsi que des réformes économiques d’inspiration libérale. M. Berisha a lancé des actions à forte visibilité qui ont notamment abouti au démembrement de bandes criminelles et à l’arrestation de fonctionnaires corrompus. Le Parlement a par ailleurs instauré en septembre 2006 une commission spéciale d’enquête sur le patrimoine des hauts responsables de l’Etat. D’importantes avancées ont été réalisées et doivent être encouragées et poursuivies.

Le récent vote par le Parlement d’une importante révision de la Constitution – portant sur le système électoral, et soutenue par les deux principales formations politiques gouvernementale et d’opposition – va dans le sens d’une normalisation de la vie politique, conformément aux attentes de la communauté internationale.

Ces réformes ont bénéficié de la dynamique du rapprochement avec l’Union européenne. L’accord de stabilisation et d’association (ASA), signé le 12 juin 2006 et ratifié par la France en décembre 2008(12), vise à rapprocher la législation albanaise de l’acquis communautaire dans les domaines les plus importants (libre circulation des marchandises, constitution progressive d’une zone de libre échange, libre circulation des travailleurs et des capitaux et libre prestation de services, justice et affaires intérieures).

Par ailleurs, l’Albanie contribue activement à la coopération régionale (participation à plusieurs organisations et regroupements : SEECP – Processus de coopération de l’Europe du Sud-est, CEFTA – Accord de libre-échange centre-européen, Charte adriatique, Pacte de stabilité). Elle joue également un rôle modérateur utile dans la région des Balkans occidentaux, adoptant notamment sur la question du Kosovo une position responsable, et contribue ainsi à la stabilisation européenne.

2. Les critères militaires

Le ministère de la défense albanais, conscient des enjeux liés à l’entrée de l’Albanie dans l’OTAN, s’est engagé depuis 14 ans, date de l’adhésion au Partenariat pour la Paix, dans une réforme profonde de ses principes de fonctionnement et modes d’action. Tous les niveaux des forces armées ont été concernés : le concept stratégique, les doctrines d’emploi et d’entraînement, les structures et les infrastructures ou encore la gestion du personnel. De nouveaux documents ont été élaborés et publiés, comme le livre blanc de la défense, une nouvelle stratégie de défense et un statut militaire mis à jour.

L’Albanie a ainsi procédé à une réduction du format de ses armées, passant de 100 000 hommes environ en 1994 à 14 500 aujourd’hui, accompagnée d’une modernisation de ses matériels. Le budget alloué à la défense a été porté à 2 % de son PIB.

Un commandement interarmées a été mis sur pied afin de rationaliser et d’optimiser les capacités et l’emploi opérationnel des forces armées albanaises. Des plans de soutiens ont été édités pour l’équipement et la modernisation des forces ; pour la formation, l’entraînement et l’évaluation des forces ; pour les investissements et l’infrastructure militaire ; pour les contributions et participations aux crises internationales ; pour la destruction des stocks usagés d’armements. Sur ce dernier point, il est à souligner que la totalité du stock des agents chimiques a été détruit avec l’aide américaine. Le gouvernement, à la suite de la tragédie de Gerdec (13), s’emploie à éliminer les stocks de munitions de l’ère communiste mais le financement, évalué à 37 millions d’euros, n’est pas encore définitivement consolidé.

Par ailleurs, le Président de la République s’est engagé à ce que la professionnalisation des armées albanaises soit effective dès 2010 avec la fin de la conscription.

Ces réformes permettent d’ores et déjà à l’Albanie de contribuer à des opérations de maintien de la paix : 140 personnels participent à l’opération de l’OTAN en Afghanistan (FIAS) ; plus de 60 hommes contribuent à l’EUFOR Tchad/RCA depuis juillet 2008.

B – La Croatie

Pourtant considérée comme le pays du MAP le plus proche de l’adhésion et en dépit d’un programme de réformes ambitieux, la Croatie s’est longtemps vue reprocher son attitude à l’égard du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

1. Les critères politiques

Le rapprochement de la Croatie avec les organisations internationales et notamment l’OTAN a longtemps été freiné par une insuffisante coopération avec le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Les importants progrès réalisés ces dernières années ont permis de lever cet obstacle. Le procureur Brammertz a ainsi estimé, lorsqu’il a présenté devant le Conseil de sécurité des Nations Unies le 12 décembre 2008 son rapport sur la coopération de la Croatie avec le TPIY, que cette dernière avait donné suite à la majorité des demandes d’assistance que le tribunal lui avait transmises, et que des documents complémentaires, essentiels pour la procédure en cours, devaient encore lui être transmis.

Dans les autres domaines relevant des critères politiques, la Croatie a accompli depuis le début de la décennie des progrès importants, le rythme des réformes s’accélérant notamment depuis les élections de novembre 2007 avec le second mandat du Premier Ministre M. Ivo Sanader : adoption d’une stratégie de réforme de l’administration publique, plan d’action révisé couvrant toutes les questions de la réforme de la justice, refonte de la carte judiciaire, amélioration du cadre juridique de lutte contre la corruption et le crime organisé.

S’agissant des droits des minorités et du retour des réfugiés, les progrès sont réels (participation d’une personne de la minorité serbe au gouvernement, décision sur la validation des droits à pension, etc …) et doivent être poursuivis.

Cette dynamique de réformes est principalement portée par la perspective d’adhésion à l’Union européenne, priorité nationale qui fait consensus entre les partis politiques. Trois ans après leur ouverture, les négociations d’adhésion de l’UE avec la Croatie sont entrées dans une phase déterminante en 2008 avec 22 chapitres ouverts, dont sept clos provisoirement, sur les 35 que compte la négociation.

Alors que l’autre objectif politique majeur du pays, l’adhésion à l’OTAN, bénéficiait initialement d’un moindre intérêt de l’opinion publique, une évolution importante se traduit aujourd’hui par un soutien de près de 60 % de la population à la perspective d’intégration dans l’Alliance atlantique.

La Croatie joue un rôle positif en matière de coopération régionale, et participe à l’ensemble des initiatives régionales (Conseil de coopération régionale, CEFTA, SEECP, etc. …). Avec la Serbie, la Croatie développe des relations tournées vers l’avenir (visite des Présidents et Premiers ministres, coopération entre les procureurs, efforts conjoints pour résoudre le problème des réfugiés, développement des relations économiques). Elle n’en a pas moins reconnu le Kosovo dès le mois de mars 2008. La Croatie apporte également son soutien au maintien d’une Bosnie-Herzégovine unie et au bon fonctionnement de ses institutions. Elle soutient les aspirations européennes de tous les pays de la région.

2. Les critères militaires

Ayant adhéré au Partenariat pour la Paix et participé au MAP postérieurement à l’Albanie, la Croatie a su progresser rapidement en termes militaires. Des efforts réguliers devraient permettre d’atteindre en 2010 l’objectif de 2 % du PIB consacrés au budget de la Défense (actuellement, ce budget représente environ 1,8 % du PIB). Comme pour l’Albanie, les effectifs des forces armées ont connu une très forte diminution, passant de 100 000 hommes en 1994 à environ 17 500 aujourd’hui, dans une logique d’adaptation et de professionnalisation des forces armées.

Dès 2005, la revue de défense stratégique a posé les bases d’une nouvelle politique de défense, passant d’une approche de défense individuelle vers une logique de défense collective et visant à développer une défense plus déployable et plus mobile. Ces orientations ont été mises en œuvre à travers le plan de développement à long terme couvrant la période 2006-2015, qui a établi les objectifs pour chaque armée, permettant ainsi d’atteindre l’interopérabilité des forces croates avec l’OTAN.

Grâce à ces réformes, la Croatie est devenu « contributeur de sécurité », participant notamment aux opérations de l’OTAN (participation continue à la FIAS depuis 2003 – le contingent a augmenté en 2008 pour passer à 280 personnels, soutien logistique à la KFOR au Kosovo) et de l’UE (équipe de reconnaissance de 15 personnels au sein d’EUFOR Tchad/RCA depuis octobre 2008, soutien logistique à l’opération de l’UE en Bosnie-Herzégovine).

CONCLUSION

Ce sixième élargissement contribue à une stabilisation durable des Balkans indispensable pour garantir la paix et la sécurité en Europe.

L’adhésion de l’Albanie et de la Croatie doit néanmoins s’inscrire dans une réflexion dépassant la problématique de l’élargissement dont le point d’orgue pourrait être le sommet de Strasbourg Kehl en avril prochain.

Le devenir de l’Alliance notamment la clarification de ses missions ainsi que la place de la France dans l’OTAN sont autant de questions abondamment discutées dans notre pays actuellement et qui méritent des réponses approfondies.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 28 janvier 2009.

Après l’exposé du rapporteur, M. Jean-Paul Lecoq indique que le groupe Gauche démocrate et républicaine votera contre le projet de loi afin de protester contre la multiplication des rapprochements militaires de nature à heurter la Russie. Une approche différente devrait être envisagée dans les Balkans.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1272).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte des protocoles figure en annexe au projet de loi (n° 1272).

© Assemblée nationale

1 () Déclaration du sommet de Bucarest publiée par les chefs d’Etat et de gouvernement participant à la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord tenue à Bucarest le 3 avril 2008.

2 () 21 membres de l’UE : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays Bas, Portugal, Royaume-Uni, Hongrie, Pologne, République Tchèque, Estonie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie, Slovénie, Roumanie, Bulgarie et 5 non-membres de l’UE : Canada, Etats-Unis, Islande, Norvège, Turquie.

3 () Rapport de la sous-commission sur l’avenir de la sécurité et les capacités de défense de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, session 2007, n° 165DSCFC 07F, Les trois candidats de l’Adriatique : capacités et préparatifs.

4 () Charte signée le 2 mai 2003 entre les Etats-Unis et les « trois de l’Adriatique » : l’Albanie, la Croatie et l’ex-République yougoslave de Macédoine et destinée à contribuer au processus d’intégration de ces pays dans les structures euro-atlantiques.

5 () Sur les 26 Alliés, dix-neuf pays ont achevé leurs procédures de ratification nationales. Toutefois, au 20 janvier, seuls six pays avaient déposé leur instrument de ratification auprès du gouvernement des Etats-Unis (Bulgarie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie, Etats-Unis); sept pays n'ont pas encore achevé la procédure : Belgique, France, Grèce, Islande, Luxembourg, Portugal, Slovénie.

6 () Déclaration du Sommet de Bucarest précitée.

7 () Le concept stratégique adopté à Rome en 1991 mettait en avant une approche globale de la sécurité prenant en compte les nouvelles menaces (prolifération, terrorisme, crises régionales).

8 () Après la signature des protocoles au traité de l’Atlantique Nord d’accession des trois pays le 16 décembre 1997.

9 () Leur accession a été juridiquement finalisée par la signature des protocoles au traité précité le 26 mars 2003.

10 () Déclaration du sommet de Bucarest précitée.

11 () Extrait de la déclaration du sommet de Bucarest précitée : « Nous reconnaissons le travail important accompli par l’ex-République yougoslave de Macédoine et l’engagement dont elle fait preuve à l’égard des valeurs de l’OTAN et des opérations de l’Alliance. Nous saluons les efforts mis en oeuvre par ce pays pour instaurer une société multiethnique. Dans le cadre des Nations Unies, de nombreux acteurs se sont employés activement au règlement de la question du nom, mais l’Alliance a noté avec regret que ces pourparlers n'avaient pas abouti. C’est pourquoi nous sommes convenus qu’une invitation serait faite à l’ex-République yougoslave de Macédoine dès qu’une solution mutuellement acceptable aura été trouvée à la question du nom. Nous souhaitons vivement voir les négociations reprendre sans délai et comptons bien qu’elles seront menées à bonne fin dès que possible. »

12 ()  Loi n° 2008-1295 du 11 décembre 2008 autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Albanie, d'autre part. Rapport de l’Assemblée nationale n° 1148 présenté par Mme Geneviève Colot, au nom de la commission des affaires étrangères, le 4 décembre 2008.

13 () Explosion le 16 mars 2008 dans le dépôt de munitions de Gerdec ayant fait 9 morts et plus de 250 blessés.