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N
° 1524

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 1374, autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République du Monténégro, d’autre part,

par M. Jean-Pierre DUFAU

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – LE MONTÉNÉGRO : UN ETAT JEUNE QUI A, COMME SES VOISINS DES BALKANS OCCIDENTAUX, VOCATION À DEVENIR, À TERME, MEMBRE DE L’UNION EUROPÉNNE 7

A – LE MONTÉNÉGRO, UN ETAT JEUNE, QUI A ACQUIS SON INDÉPENDANCE DE MANIÈRE PACIFIQUE ET DÉMOCRATIQUE 7

B – LA PERSPECTIVE D’ADHÉSION À L’UNION EUROPÉENNE OFFERTE À TOUS LES ETATS DES BALKANS OCCIDENTAUX 8

C – LE MONTÉNÉGRO ET L’EUROPE 10

II – L’ACCORD DE STABILISATION ET D’ASSOCIATION CONSTITUE UNE PREMIÈRE ÉTAPE 13

A – LES OBJECTIFS ET LES GRANDS PRINCIPES 13

B – LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DES QUATRE LIBERTÉS DU MARCHÉ UNIQUE 14

C – LE RAPPROCHEMENT DE L’ACQUIS COMMUNAUTAIRE ET LA COOPÉRATION DANS LE DOMAINE JUSTICE, LIBERTÉ ET SÉCURITÉ 16

D – LE RENFORCEMENT DES LIENS ÉCONOMIQUES ET LES AIDES FINANCIÈRES 16

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE 1 : ACCORD DE STABILISATION ET D’ASSOCIATION AVEC LE MONTÉNÉGRO : ÉTAT DES RATIFICATIONS 23

ANNEXE 2 : PRINCIPALES CONCLUSIONS DU RAPPORT DE SUIVI 2008 DE LA COMMISSION EUROPÉENNE SUR LE MONTÉNÉGRO 24

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ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 25

Mesdames, Messieurs,

Après bien des violences, et malgré la persistance de certaines fragilités, les Balkans ont aujourd’hui retrouvé une paix que la proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo, le 17 février 2008, n’a, heureusement, pas remise en question.

Cette situation doit beaucoup à la perspective européenne offerte à l’ensemble des Etats de la région, dont la plupart est née de la désintégration de la Fédération yougoslave. Le Monténégro est ainsi la dernière République fédérée à s’être, en 2006, détachée de la Serbie – le Kosovo n’ayant jamais bénéficié du statut de République fédérée.

C’est justement son accession à l’indépendance qui a permis la conclusion rapide de la négociation d’un accord d’association et de stabilisation avec l’Union européenne, alors que celle d’un accord du même type avec la Serbie est longtemps restée gelée faute d’une coopération suffisante de cette dernière avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

Après avoir rappelé la situation du Monténégro, ses relations avec l’Union européenne et le cadre dans lequel s’insère l’accord d’association et de coopération, votre Rapporteur présentera les principales stipulations de celui-ci.

I – LE MONTÉNÉGRO : UN ETAT JEUNE QUI A, COMME SES VOISINS DES BALKANS OCCIDENTAUX, VOCATION À DEVENIR, À TERME, MEMBRE DE L’UNION EUROPÉNNE

A – Le Monténégro, un Etat jeune, qui a acquis son indépendance de manière pacifique et démocratique

Malgré sa petite taille (13 812 km2) et son faible poids démographique (620 000 habitants), le Monténégro était l’une des six Républiques qui formaient la Fédération yougoslave depuis sa création, en 1945. Il est resté à l’écart des combats qui ont ensanglanté la région en 1991, ne participant que brièvement à la guerre entre Serbes et Croates. En 1992, la création de la « petite » Fédération de Yougoslavie, réduite à la Serbie et au Monténégro, est approuvée par référendum, mais l’isolement croissant du régime de Slobodan Milosevic, lié en particulier au conflit en Bosnie, a des répercussions négatives sur le Monténégro, qui se trouve frappé par un embargo international.

L’homme fort du pays, M. Milo Djukanovic, décide en 1996 de rompre avec Slobodan Milosevic, avant de s’affirmer comme le héraut de l’identité monténégrine. Les Monténégrins forment le premier groupe ethnique du pays, mais ne représentent que 40 % de la population, quand elle compte 30 % de Serbes, 9,4 % de Bosniaques, 7 % d’Albanais, 4,2 % de « Musulmans » – les Bosniaques et les Albanais étant aussi de religion musulmane –, 1 % de Croates et 0,4 % de Roms. Environ 70 % de la population totale est orthodoxe.

Les relations entre Podgorica et Belgrade deviennent particulièrement difficiles après que le Monténégro est resté en dehors du conflit du Kosovo en 1999 et a accueilli un grand nombre de réfugiés. En mars 2002, près la chute de Milosevic, un compromis intervient, qui conduit à la signature, le 4 février 2003, d’une charte constitutionnelle qui pose les bases d’un Etat commun de Serbie-et-Monténégro et prévoit un moratoire de trois ans pour l’organisation d’un éventuel référendum d’autodétermination. Mais les institutions communes du nouvel Etat ont peu de consistance et le fossé s’élargit : le déséquilibre démographique et économique entre les deux était trop grand, et l’autonomie de chaque république trop forte pour assurer une coopération efficace, chacun ayant ses lois, sa monnaie – en 1999, le Monténégro avait remplacé le dinar par le deutsche Mark, puis par l’euro, à partir de 2002 –, sa police et son système douanier.

A l’expiration du moratoire, un référendum est organisé le 21 mai 2006, sous le regard vigilent de l’Union européenne, qui a exigé que le seuil de la majorité pour la création d’un Etat indépendant soit fixé à 55 % des participants. Alors que les « Serbes » y étaient majoritairement opposés, M. Djukanovic est parvenu à rallier les minorités à la cause de l’indépendance, à laquelle les « Monténégrins » étaient largement acquis. 55,5 % des votants se déclarent en faveur de la séparation du Monténégro et de la Serbie, et l’indépendance est déclarée le 3 juin 2006.

Elle est reconnue quelques jours plus tard par l’ensemble de la communauté internationale, dont la France, sur la base d’une déclaration de l’Union européenne du 12 juin, et la Serbie, dès le 15 juin, cette dernière reconnaissance étant assortie de la garantie d’une libre circulation sans formalité ni passeport entre les deux Etats.

Après l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, en 1991, le Monténégro est la seconde République à s’être détachée de la Fédération yougoslave sans une goutte de sang. Il a ainsi retrouvé l’indépendance qu’il avait connue entre 1878 et 1918.

Sa constitution évoque les minorités nationales dès son préambule, soulignant la détermination de tous les membres des peuples et minorités nationales à s’engager pour un Monténégro démocratique et civique. Le titre de la Constitution intitulé « Droits spéciaux des minorités » prévoit la protection de l’identité des personnes appartenant à des minorités nationales ainsi que l’interdiction de l’assimilation forcée. Est garanti le droit à une « représentation authentique » au Parlement et dans les assemblées territoriales selon le principe de la discrimination positive, ainsi que le droit à l’information et à l’éducation dans sa propre langue. Les autorités monténégrines travaillent actuellement à mettre leur législation, et notamment la loi électorale, en conformité avec ces dispositions constitutionnelles.

B – La perspective d’adhésion à l’Union européenne offerte à tous les Etats des Balkans occidentaux

Les conseils européens de Feira, en juin 2000, et de Thessalonique, en juin 2003, ont offert à tous les pays des Balkans occidentaux une perspective d’adhésion à l’Union européenne, confirmée par le Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006. Cette perspective est fondée sur les mérites de chacun et sur le respect des critères de Copenhague de 1993 et de ceux définis dans le cadre du processus de stabilisation et d’association pour cette région.

Ce processus poursuit trois objectifs : la stabilisation de ces pays et l’accélération de leur transition vers l’économie de marché, la promotion de la coopération régionale, l’adhésion, à terme, à l’Union européenne. Il aide les Etats à se mettre en mesure d’adopter et d’appliquer les normes européennes, ainsi que les standards européens et internationaux. Il repose sur un partenariat toujours plus étroit avec l’Union, laquelle leur offre des concessions commerciales, une assistance économique et financière, une aide pour la reconstruction, le développement et la stabilisation, dans le cadre du programme CARDS, désormais remplacé par l’Instrument d’aide à la pré-adhésion (IPA), et la possibilité de signer un accord de stabilisation et d’association (ASA), qui établit une large relation de partenariat avec l’Union, faite de droits et d’obligations mutuels. Chaque Etat progresse à son rythme dans le processus ; des rapports annuels de suivi font état des progrès réalisés.

Créés en 2001, les ASA constituent ainsi l’étape préalable à la reconnaissance du statut de candidat à l’adhésion pour les pays de la région. A l’exception du Kosovo, qui n’a proclamé son indépendance que depuis un an
– indépendance qui n’a d’ailleurs pas été reconnue par tous les membres de l’Union –, tous les Etats des Balkans occidentaux ont désormais signé un tel accord, comme le tableau suivant le rappelle :

LES BALKANS OCCIDENTAUX ET L’UNION EUROPÉENNE

Etat

Date de signature de l’ASA

Date d’entrée en vigueur de l’ASA

Date de la reconnaissance du statut de candidat à l’Union européenne

Albanie

12 juin 2006

1er avril 2009 (1)

Ancienne République yougoslave de Macédoine

9 avril 2001

1er avril 2004

16 décembre 2005

Bosnie-Herzégovine

16 juin 2008

Processus de ratification en cours (2)

Croatie

29 octobre 2001

1er février 2005

décembre 2004

Monténégro

15 octobre 2007

Processus de ratification en cours (3)

Serbie

29 avril 2008

Processus de ratification en attente d’une coopération jugée complète avec le TPIY (4)

(1) La loi n° 2008-1295 du 11 décembre 2008 a autorisé la ratification de cet accord par la France. Toutes les ratifications ont désormais été notifiées, permettant sa prochaine entrée en vigueur.

(2) La Bosnie-Herzégovine et deux Etats membres l’ont déjà ratifié.

(3) Le Monténégro et seize Etats membres l’ont ratifié.

(4) Seule la Serbie l’a donc ratifié.

Votre Rapporteur tient à souligner la situation paradoxale de la Serbie vis-à-vis de l’Union européenne : alors qu’elle est un pays clé dans la région, tant par son poids démographique (elle est la seule à compter plus de 5 millions d’habitants), l’importance de son potentiel économique et la solidité de ses institutions politiques, qu’en raison de son influence sur ses voisins issus de la Yougoslavie et de la présence serbe hors des frontières nationales, elle est l’un des Etats de la région les moins avancés dans l’intensification de ses relations avec l’Union européenne.

Il est vrai que, longtemps, les autorités n’ont pas suffisamment coopéré avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), mais le gouvernement issu des élections de mai 2008 a effectué des gestes positifs, au premier rang desquels le transfèrement à La Haye de Radovan Karadzic. Néanmoins, certains Etats européens – en particulier les Pays-Bas et la Belgique – considèrent que la condition de pleine et entière coopération avec le TPIY, nécessaire au lancement du processus de ratification de l’ASA par les Etats membres et à l’octroi du statut de candidat, n’est pas pour autant remplie : ils exigent des progrès sur la question des deux derniers fugitifs, Mladic et Hadzic. Toute nouvelle avancée est donc pour l’heure bloquée, la mise en œuvre de l’accord intérimaire sur le commerce étant elle aussi suspendue.

Votre Rapporteur juge ces exigences excessives et cette position rigide dangereuse. S’il est probable que la signature, maintes fois reportée, de l’ASA, le 29 avril 2008, a contribué au succès électoral des pro-européens, il est à craindre que l’absence de nouvelles avancées crée de cruelles déceptions et nuise à la poursuite du rapprochement entre l’Union européenne et la Serbie. La frustration sera d’autant plus forte que, pour leur part, les autres Etats balkaniques continuent de franchir, en fonction des progrès accomplis, les étapes du processus de stabilisation et d’association.

C – Le Monténégro et l’Europe

Quelques mois seulement après son indépendance, dès le 29 novembre 2006, lors du sommet de Riga, le Monténégro a été invité, ainsi que la Serbie et la Bosnie-Herzégovine, à rallier le Partenariat pour la paix, premier niveau de dialogue institutionnel avec l’Alliance atlantique.

Il a surtout obtenu une relance rapide des négociations d’un ASA, qui avaient été ouvertes, puis suspendues, dans le cadre de la Communauté d’Etats de Serbie-et-Monténégro. Le « dialogue permanent » mis en place à partir de juillet 2003 avait conduit au lancement de la négociation d’un ASA en octobre 2005. Mais, le 3 mai suivant, elle était interrompue à cause de la mauvaise coopération de Belgrade avec le TPIY.

L’accession du Monténégro à l’indépendance résout cette difficulté dans la mesure où sa coopération avec le TPIY est alors jugée « excellente » – et est encore qualifiée de « satisfaisante » actuellement (1). Le 24 juillet 2006, le Conseil adopte un nouveau mandat de négociations, et ces dernières reprennent le 26 septembre 2006, quelques jours après les premières élections législatives.

Le 22 janvier 2007, sont fixés par le Conseil les principes, les priorités et les conditions du partenariat européen avec le Monténégro (2). Cette décision est mise en œuvre dans le pays dans le cadre d’un plan d’action présenté le 17 mai suivant.

L’ASA et un accord intérimaire sur le commerce et les mesures d’accompagnement sont signés à Luxembourg le 15 octobre 2007, avant même que la nouvelle constitution monténégrine ne soit proclamée officiellement, le 22 octobre. La décision du Conseil permettant la signature de l’ASA était accompagnée d’une déclaration rappelant que l’adoption unilatérale de l’euro par le Monténégro, tolérée comme résultant de circonstances exceptionnelles, était contraire au Traité instituant les Communautés européennes : si le pays adhère à l’Union, il sera soumis, comme l’ensemble des nouveaux Etats membres, au respect des critères de convergence prévus par le Traité.

Un mois auparavant, le 18 septembre, des accords sur la simplification de l’octroi des visas (3) et la réadmission des immigrés illégaux dans leur pays d’origine avaient aussi été conclus. Ces deux accords sont entrés en vigueur le 1er janvier 2008, en même temps que l’accord intérimaire.

Ce dernier vise à stimuler les relations commerciales entre l’Union et le Monténégro en élargissant l’accès à l’Union des produits monténégrins et accordant des préférences commerciales aux exportations européennes vers le Monténégro. Malgré la persistance de relations économiques très denses avec la Serbie, l’Union est d’ores et déjà le premier partenaire commercial du Monténégro, les Etats membres étant à l’origine de 56 % des importations monténégrines et les destinataires de 33 % des exportations. Elle est aussi le premier investisseur, puisque la moitié des investissements directs à l’étranger dirigés vers le Monténégro vient des Etats européens, ce qui a représenté 442 millions d’euros en 2008. La place de la France demeure néanmoins modeste, quoiqu’en forte croissance : en dépit d’un triplement en 2008, nos exportations ont été limitées à 26,6 millions d’euros, tandis que nos importations de produits monténégrins étaient inférieures à 2 millions d’euros. Il faut néanmoins noter la présence de la Société générale, qui a racheté la Podgorica Banka.

Le Monténégro bénéficie d’aides financières européennes depuis les années 1990. Le programme CARDS lui a apporté un soutien de 49 millions d’euros de 2002 à 2004, et de 46,5 millions d’euros en 2005-2006, non compris la part qui lui est revenue au titre des programmes régionaux. Depuis 2007, les financements communautaires relèvent de l’Instrument d’aide à la pré-adhésion (IPA), qui vise à aider les pays candidats et les pays candidats potentiels à progresser sur la voie du respect des critères politiques et économiques de Copenhague, ainsi qu’à adopter et mettre en œuvre l’acquis communautaire. Il y a toujours des programmes nationaux et des programmes transnationaux. Sur la période 2007-2012, il est prévu d’accorder au Monténégro un total de 201,4 millions d’euros : une enveloppe annuelle proche de 30 millions d’euros par an sera consacrée au dispositif national d’aide à la transition et à la construction institutionnelle, selon les priorités définies en janvier 2007, et l’ordre de 5 millions par an iront au soutien des activités de coopération transfrontalière entre le Monténégro et ses voisins. En 2007, le pays a ainsi reçu 31,4 millions d’euros de de l’Instrument d’aide à la préadhésion.

En outre, la Banque européenne d’investissement est aussi active au Monténégro au titre de son mandat d’aide à la préadhésion. En 2008, la BEI a notamment investi 34 millions d’euros en faveur des chemins de fer du Monténégro et a accordé un prêt de 30 millions d’euros à la banque Hypo Alpe-Adria-Bank AD Podgorica pour le financement de projets de petite ou moyenne dimension dans les domaines de la protection de l’environnement, des économies d’énergie, des infrastructures, de l’industrie, des services et du tourisme.

Votre Rapporteur signale par ailleurs que c’est au Monténégro, à Danilovgrad, que l’école régionale de l’administration publique pour l’Europe sud-orientale, dont la création a été décidée en mai 2006 à l’initiative la Commission, devrait ouvrir ses portes très prochainement.

II – L’ACCORD DE STABILISATION ET D’ASSOCIATION CONSTITUE UNE PREMIÈRE ÉTAPE

L’accord de stabilisation et d’association compte 139 articles, répartis entre dix titres, complétés par sept annexes, huit protocoles et deux déclarations. Sa structure est très proche de celle de l’accord du même type qui a été signé avec l’Albanie le 12 juin 2006 ; il en est de même, pour l’essentiel, de son contenu.

Il donne un cadre juridique à des objectifs et des actions de coopération qui existent déjà, et permettra leur développement. La Commission européenne fait régulièrement le point sur les progrès réalisés par le Monténégro dans la voie du rapprochement des standards européens. Son dernier rapport de suivi a été présenté le 5 novembre 2008. Ses principales conclusions figurent en annexe.

A – Les objectifs et les grands principes

Après que le préambule de l’accord a rappelé la « clause évolutive » du processus de stabilisation et d’association, c’est-à-dire la qualité de candidat potentiel à l’adhésion du Monténégro sous réserve de la bonne mise en œuvre du présent accord et du respect des critères de Copenhague, l’article 1er énumère les objectifs de l’association, qui sont exactement les mêmes que ceux qui figurent dans l’ASA avec l’Albanie : renforcement du dialogue politique, rapprochement de la législation du pays avec celle de la Communauté, achèvement de la transition vers l’économie de marché, établissement progressif d’une zone de libre-échange, développement de la coopération régionale.

Parmi les principes généraux de l’accord, sont particulièrement soulignés le respect des principes démocratiques, des droits de l’Homme et du droit international, l’économie de marché, le développement de la coopération régionale et de relations de bon voisinage. L’obligation d’une coopération sans limite avec le TPIY est mentionnée à deux reprises, tandis qu’un titre entier (le titre III) de l’accord porte sur la coopération régionale.

Cette dernière constitue l’une des priorités des ASA : le Monténégro devra signer, dans un délai maximal de deux ans après l’entrée en vigueur de l’accord, des conventions de coopération régionale avec les autres Etats de la région qui ont conclu ou concluront un ASA avec l’Union européenne. Les principaux éléments de ces conventions sont énumérés. De telles conventions pourront aussi être signées avec les pays candidats à l’Union européenne non concernés par le processus d’association et de stabilisation (c’est-à-dire, actuellement, la Turquie). Attaché à entretenir des relations de bon voisinage, le Monténégro est déjà très présent dans les instances de coopération régionale : il est membre du Conseil de coopération régionale (RCC) et de l’Initiative de coopération en Europe du Sud-Est (SECI) ; il assume en 2009 la présidence de la zone de libre-échange centre-européenne (CEFTA) qui regroupe les pays des Balkans occidentaux et la Moldavie ; il a par ailleurs adhéré à l’Union pour la Méditerranée à l’occasion du sommet de Paris de juillet 2008.

L’article 8 de l’accord précise que l’association doit être mise en œuvre progressivement, et achevée dans un délai de cinq ans. L’ASA entre l’Union européenne et l’Albanie prévoit pour sa part un délai de dix ans ; il en est de même pour l’ASA avec l’ancienne République yougoslave de Macédoine, tandis que le délai est de six ans dans l’ASA avec la Croatie : ces différences reflètent le plus ou moins long chemin à parcourir par les Etats pour se rapprocher des normes communautaires ; la brièveté de celui prévu pour le Monténégro témoigne donc d’une situation plus favorable que celle des Etats précités au moment où ils ont négocié leur accord.

Le conseil de stabilisation et d’association, auquel est en grande partie consacré le titre X de l’accord, est chargé d’examiner régulièrement l’application de l’accord et d’évaluer les progrès accomplis au terme d’une première période de trois ans, pendant laquelle priorité doit être donnée aux domaines décrits au titre VI de l’accord (voir infra). L’établissement de la libre circulation des marchandises suit en revanche un calendrier spécifique.

C’est aussi au sein de ce conseil de stabilisation et d’association que le dialogue politique (titre II) se déroulera au niveau ministériel, le dialogue parlementaire prenant place au sein de la commission parlementaire de stabilisation et d’association, dont la création est également prévue au titre X de l’accord.

B – La mise en place progressive des quatre libertés du marché unique

Le marché unique, achevé en 1993 entre les Etats qui étaient alors membres de la Communauté européenne, repose sur quatre libertés : la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux. Les titres IV et V de l’ASA visent à faire progresser le Monténégro sur la voie conduisant à ces quatre libertés.

Le titre IV porte sur la seule libre circulation des marchandises. Son objectif est la mise en place progressive d’une zone de libre-échange pendant les cinq années suivant l’entrée en vigueur de l’ASA. Des annexes précisent les modalités et le calendrier de ce processus.

Depuis 2000, il est prévu que les pays des Balkans bénéficient d’une libéralisation asymétrique des échanges avant même l’entrée en vigueur des ASA : de manière unilatérale et temporaire, leur sont accordées des préférences commerciales asymétriques exceptionnelles permettant à leurs produits industriels et à la quasi-totalité de leurs produits agricoles d’accéder au marché communautaire sans quota ni droit de douane. L’ASA contractualise ces mesures au profit du Monténégro, tout en les encadrant de manière à éviter toute demande d’élargissement de ces préférences contractuelles à d’autres Etats, en application des règles de l’Organisation mondiale du commerce. Ces stipulations sont les mêmes que celles qui figurent dans les ASA conclus avec l’ancienne République yougoslave de Macédoine et avec l’Albanie. Le caractère exceptionnel de ces concessions est souligné : elles ne sauraient constituer un précédent ; à la clause de sauvegarde générale – qui permet à une partie de prendre des mesures appropriées en cas de dommages graves causés par l’importation d’un produit – est ajoutée une clause de sauvegarde spécifique au cas où l’importation de produits agricoles transformés ou non ou de produits de la pêche d’une des parties entraînerait « une perturbation grave des marchés ou des mécanismes de régulation de l’autre partie » ; un dispositif complexe permet d’assurer au Monténégro le maintien du bénéfice intégral des préférences commerciales sans créer juridiquement un précédent vis-à-vis des pays tiers.

La circulation des travailleurs, le droit d’établissement, la prestation de services et la circulation des capitaux sont traités dans le titre V de l’ASA.

Le principe de non-discrimination s’applique aussi bien aux conditions de travail, de rémunération et de licenciement des travailleurs ressortissants du Monténégro légalement employés dans un Etat de l’Union, qu’à l’établissement des sociétés monténégrines dans un tel Etat et à l’activité des filiales ou succursales de ces sociétés. Afin d’aller plus loin dans ces libertés, le conseil de stabilisation et d’association est chargé de prendre des mesures dans plusieurs domaines : la coordination des régimes de sécurité sociale, le droit d’établissement pour les travailleurs indépendants, la reconnaissance mutuelle des qualifications.

Les activités de prestation de services doivent aussi être progressivement libéralisées, les prestations de services de transport étant régies par un article particulier.

En ce qui concerne la circulation des capitaux, il est aussi prévu un dispositif en deux temps : dès l’entrée en vigueur de l’ASA, la libre circulation bénéficiera aux investissements directs dans les sociétés, aux capitaux concernant les crédits liés à des transactions commerciales ou à la prestation de services, aux prêts et crédits financiers d’une échéance supérieure à un an ; deux ans après son entrée en vigueur, le conseil de stabilisation et d’association examinera les moyens d’appliquer intégralement la réglementation communautaire relative à la circulation des capitaux.

Une partie des stipulations de l’accord, et en particulier celles relatives à la libre circulation des marchandises et aux transports, est entrée en vigueur dès le 1er janvier 2008 par l’intermédiaire de l’accord intérimaire sur le commerce et les mesures d’accompagnement, signé le même jour que l’ASA. Le rapport de suivi présenté par la Commission le 5 novembre 2008 a jugé que la mise en œuvre de cet accord était satisfaisante.

C – Le rapprochement de l’acquis communautaire et la coopération dans le domaine justice, liberté et sécurité

Alors que les Etats candidats à l’adhésion doivent reprendre l’acquis communautaire, le Monténégro, de même que les autres Etats liés par un ASA dont le statut de candidat n’a pas été reconnu, doit seulement s’en rapprocher, c’est-à-dire veiller à ce que sa législation actuelle et future soit rendue compatible avec celle de la Communauté, conformément aux stipulations du titre VI de l’accord. Dans un premier temps, le rapprochement se concentrera sur certains éléments fondamentaux de l’acquis dans le domaine du marché intérieur et dans d’autres domaines liés au commerce. Des délais plus ou moins longs selon les matières sont fixés pour que le pays se rapproche de la législation communautaire relative à la concurrence, la propriété intellectuelle, les normes et la certification, les marchés publics, la protection des consommateurs.

Pour ce qui est du domaine justice, liberté et sécurité, le titre VII de l’accord renforce la coopération entre l’Union et le Monténégro en vue d’améliorer le fonctionnement des institutions monténégrines, et en particulier de la justice, la gestion des frontières, la politique des visas et la politique migratoire, la lutte contre un certain nombre de crimes et de délits (blanchiment d’argent, terrorisme, trafic de drogues, crime organisé).

C’est dans ce domaine que le rapport de suivi du 5 novembre dernier est le plus critique. Il constate que le Monténégro a accompli d’importants progrès pour remplir les critères politiques, en améliorant son cadre juridique et en développant ses infrastructures institutionnelles, mais qu’il convient de poursuivre la réforme du système judiciaire, de consolider l’État de droit et de renforcer la lutte contre la corruption et le crime organisé. Avec le tourisme, sur le littoral, et l’aluminium, l’économie informelle demeure l’une des principales sources de revenus du pays : des efforts doivent aussi être consentis pour la combattre, et les réformes structurelles sont loin d’être achevées.

D – Le renforcement des liens économiques et les aides financières

La coopération sera aussi renforcée dans tous les autres domaines, avec pour objectif la promotion du développement et de la croissance du Monténégro et l’intensification de ses liens économiques avec les Etats de l’Union. Un grand nombre de domaines est énuméré dans le titre VIII de l’accord. Les priorités en seront définies au sein du conseil de stabilisation et d’association.

Les aides financières que l’Union peut accorder au Monténégro sont mentionnées dans le titre IX de l’accord : il s’agit d’une part d’aides non remboursables et de prêts, émanant notamment de la Banque européenne d’investissement, d’autre part d’une aide financière macro-économique soumise à certaines conditions, en cas de besoin particulier et à la demande du Monténégro.

Le renforcement des liens entre l’UE et le Monténégro au cours de la période 2007-2012, lié notamment à l’entrée en vigueur de l’ASA, se traduira par une montée progressive des financements alloués par l’Union européenne à ce pays qui passeront de 31,4 millions d’euros en 2007 à 35,4 millions d’euros en 2012.

CONCLUSION

Le 15 décembre 2008, le Premier ministre du Monténégro a officiellement présenté la candidature de son pays à l’Union européenne. Cette dernière devrait l’examiner au cours du printemps 2009.

S’il est peu probable que le Monténégro obtienne aussi rapidement le statut de candidat, l’entrée en vigueur de l’ASA, qui est conditionnée à sa ratification par tous les Etats membres et les Communautés européennes, aura des conséquences tangibles et contribuera incontestablement au rapprochement entre ce jeune Etat avec l’Union européenne.

Le Monténégro a ratifié l’accord dès le 14 novembre 2007, moins d’un mois après sa signature. Seize Etats membres de l’Union européenne (4) ont depuis fait de même.

Votre Rapporteur est donc favorable à l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 18 mars 2009.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Patrick Labaune. Pourriez-vous nous rappeler à quelle date le Monténégro a proclamé son indépendance ?

M. Jean-Paul Bacquet. Cette indépendance a-t-elle précédé ou suivi celle du Kosovo ?

M. Le Président Poniatowski. Le Kosovo est-il bien désormais le seul pays des Balkans à ne pas avoir signé d’accord de stabilisation et d’association ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. L’indépendance du Monténégro a été déclarée le 3 juin 2006, après la tenue, le 21 mai précédent, d’un référendum d’autodétermination : le seuil d’approbation nécessaire à l’accession à l’indépendance avait été fixé à 55 % des votants ; il a été légèrement dépassé. Le Kosovo n’a pour sa part déclaré son indépendance que le 17 février 2008. Aujourd’hui, il est le seul Etat de la région qui n’a pas signé d’ASA avec l’Union européenne, mais le processus de ratification, par les Etats européennes, de l’ASA signé avec la Serbie n’a pas commencé.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 1374).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE 1 :

ACCORD DE STABILISATION ET D’ASSOCIATION AVEC LE MONTÉNÉGRO :
ÉTAT DES RATIFICATIONS

(au 10 mars 2009)

Partie

Ratification

Allemagne

 

Autriche

04/07/2008

Belgique

 

Bulgarie

19/06/2008

Communautés européennes

 

Chypre

20/11/2008

Danemark

25/06/2008

Espagne

 

Estonie

22/11/2007

Finlande

 

France

 

Grèce

 

Hongrie

19/05/2008

Irlande

 

Italie

 

Lettonie

17/10/2008

Lituanie

04/03/2009

Luxembourg

 

Malte

11/12/2008

Monténégro

14/11/2007

Pays-Bas

29/01/2009

Pologne

06/02/2009

Portugal

23/09/2008

République tchèque

19/02/2009

Roumanie

15/01/2009

Royaume-Uni

 

Slovaquie

29/07/2008

Slovénie

28/04/2008

Suède

 

Source : site du Conseil européen.

ANNEXE 2 :

PRINCIPALES CONCLUSIONS DU RAPPORT DE SUIVI 2008
DE LA COMMISSION EUROPÉENNE SUR LE MONTÉNÉGRO

Critères politiques

Le Monténégro a accompli des progrès pour remplir les critères politiques, en améliorant son cadre juridique et en développant ses infrastructures institutionnelles. La mise en œuvre de la nouvelle Constitution, adoptée en octobre 2007, a bien avancé et le gouvernement a continué de s’adapter aux exigences découlant de l’indépendance du pays, notamment en renforçant l’administration publique et en jouant un rôle actif et constructif dans la coopération internationale et régionale.

Le Monténégro doit redoubler d’efforts pour mettre en œuvre les lois et les politiques. Si le consensus politique est fort sur les questions d’intégration à l’Union européenne, il doit être élargi à d’autres aspects du développement de l’État. Une attention particulière doit être accordée à l’achèvement de la réforme de l’appareil judiciaire. En dépit de quelques progrès, la corruption et la criminalité organisée restent des problèmes majeurs. Il convient de renforcer davantage les capacités administratives de mise en œuvre de la législation.

Critères économiques

L’économie du Monténégro est restée marquée par une forte croissance et le pays a continué d’aller de l’avant dans la mise en place d’une économie de marché viable.

La stabilité macroéconomique s’est affaiblie en raison d’une augmentation de l’inflation et des vulnérabilités externes résultant du déficit commercial. Les taux de croissance élevés ont toutefois permis une amélioration de la situation budgétaire, de nouveaux investissements productifs et une réduction supplémentaire de la dette publique extérieure.

Le rythme des réformes structurelles s’est accéléré. Le processus de privatisation s’est intensifié mais les lacunes dans l’État de droit et leur comblement restent le principal défi du développement économique.

L’achèvement et la mise en œuvre rapide des réformes en cours sont nécessaires pour permettre au Monténégro de faire face, à moyen terme, aux pressions concurrentielles et aux forces du marché au sein de l’Union.

Normes européennes

Le Monténégro a continué de progresser dans l’alignement sur les normes européennes. De bonnes avancées ont été enregistrées dans le domaine de la libre circulation des services, les douanes, la fiscalité et l’agriculture. Quelques progrès sont aussi à signaler en ce qui concerne la libre circulation des marchandises, la concurrence, les marchés publics, les droits de propriété intellectuelle, l’industrie et les PME, la sécurité alimentaire, ainsi que la justice, la liberté et la sécurité.

Les progrès ont toutefois été inégaux dans les transports, l’énergie, l’environnement et la société de l’information. Les avancées n’ont pas été satisfaisantes en ce qui concerne le développement des systèmes statistiques.

Source : Extraits du document public n° MEMO/08/672, Commission européenne, 5 novembre 2008.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République du Monténégro, d’autre part (ensemble sept annexes, huit protocoles et deux déclarations), signé à Luxembourg le 15 octobre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1374).

© Assemblée nationale

1 () En revanche, le Monténégro a signé un accord avec les Etats-Unis garantissant la non-extradition de citoyens américains suspectés de génocide, de crime de guerre ou de crime contre l’humanité vers la Cour pénale internationale (CPI), ce qui est contraire à la position commune des Etats membres de l’Union en faveur de la coopération avec la CPI, que le Monténégro devrait respecter.

2 () Décision du Conseil du 22 janvier 2007 relative aux principes, aux priorités et aux conditions figurant dans le partenariat européen avec le Monténégro (2007/49/CE).

3 () Des accords du même type ont été signés avec tous les Etats des Balkans occidentaux, dont les citoyens, à l’exception des Croates, ont encore besoin d’un visa pour pénétrer dans l’Union européenne. Ces accords améliorent les conditions d’obtention des visas, notamment en instaurant un droit réduit (35 euros au lieu de 60 euros) et un délai de délivrance (10 jours en principe).

4 () Voir tableau en annexe.