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N
° 1663

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 mai 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques,

par M. Jean ROATTA

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 159, 279, 280 et T.A. 71 (2008-2009).

Assemblée nationale : 1593.

INTRODUCTION 5

I – LES PROGRÈS DE LA PROTECTION INTERNATIONALE DES MARQUES 7

A – DES ENJEUX ÉCONOMIQUES CROISSANTS 7

1) Pourquoi protéger les marques ? 7

2) Des défis importants à relever 8

B – LA CONSOLIDATION DES RÈGLES INTERNATIONALES 9

1) La protection internationale des marques 9

2) Le rapprochement des législations nationales 10

II – LE TRAITÉ DE SINGAPOUR, UNE MODERNISATION DU DROIT EXISTANT 13

A – LA REPRISE DES PRINCIPALES STIPULATIONS DU TRAITÉ DE 1994 13

1) L’encadrement international des procédures nationales 13

2) Un souci de simplification postérieure à l’enregistrement 14

B – DES AVANCÉES DANS PLUSIEURS DOMAINES 14

1) L’adaptation au progrès technique 15

2) Les changements institutionnels 15

3) L’obligation de proposer des mesures de sursis 15

4) L’utilisation de la marque par le titulaire d’une licence 16

5) La coopération internationale 16

C – UN DROIT FRANÇAIS RENDU COMPATIBLE 16

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

_____

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 23

Mesdames, Messieurs,

Comme d’autres formes du droit de la propriété industrielle, notamment les brevets, les marques font l’objet d’un régime de protection à plusieurs niveaux : international, national, et plus récemment européen.

Les différents régimes sont liés entre eux de plusieurs manières. Après avoir mis au point un système international d’enregistrement des marques, les Etats ont choisi de développer une autre approche, qui consiste à fixer un standard mondial pour la protection des marques, afin de rapprocher les règles nationales et d’éviter une profusion de réglementations trop complexes.

L’enregistrement et la protection des marques au niveau international représentent des enjeux économiques indéniables, à l’heure où les marques apparaissent pour beaucoup de consommateurs comme des gages de qualité et suscitent donc un risque grandissant de contrefaçon.

Le présent traité, adopté le 27 mars 2006 à Singapour, s’efforce donc de faciliter davantage encore les démarches à accomplir pour faire reconnaître et respecter le monopole d’utilisation d’une marque. Il vise notamment à moderniser le traité dit « de Genève » du 27 octobre 1994, et à adapter les standards internationaux en matière de protection des marques à l’évolution des technologies.

I – LES PROGRÈS DE LA PROTECTION INTERNATIONALE DES MARQUES

La protection des marques fait partie du droit de la propriété industrielle, depuis les premiers textes internationaux en la matière, notamment la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, signée le 20 mars 1883. La mondialisation des échanges renforçant l’importance de la protection des marques, les textes internationaux en la matière ont dû évoluer.

A – Des enjeux économiques croissants

Distincte du nom ou de l’objet social d’une entreprise, la marque permet d’identifier un produit ou un service, et conduit normalement les consommateurs à y associer certaines qualités. Le développement des échanges implique de renforcer les garanties offertes par le droit au titulaire d’une marque.

1) Pourquoi protéger les marques ?

Définies par l’Organisation mondiale pour la propriété intellectuelle, les marques sont des « des signes distinctifs qui servent à différencier des produits ou services identiques ou similaires offerts par des producteurs ou fournisseurs de services différents. » L’article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle français reprend peu ou prou cette définition : « La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale. ».

Pour les entreprises, les marques jouent ainsi plusieurs rôles. Destinées à garantir la provenance et la qualité de leurs produits, elles sont aujourd’hui devenues un support de communication à part entière, et permettent de développer un marketing pointu associant à certains produits un ensemble de valeurs afin de fidéliser les consommateurs.

L’importance des marques est devenue telle qu’elles peuvent désormais être considérées comme un véritable actif, incorporel, sur lesquelles les entreprises peuvent compter pour développer des stratégies commerciales mondiales. L’importance de ce mouvement de fond a notamment été analysé, de manière très critique, par le célèbre ouvrage « No Logo » de l’essayiste américaine Naomi Klein (1), auquel plusieurs réponses ont été apportées par la suite.

2) Des défis importants à relever

Dès lors que la marque de fabrique, ou la marque commerciale, prend une place centrale dans le développement des entreprises, celles-ci sont prêtes à consacrer des efforts plus importants pour la protéger. Propriété d’une personne physique ou morale, la marque peut en effet être utilisée sans autorisation, provoquant une perte de revenus et une dégradation de l’image de l’entreprise auprès des consommateurs.

La lutte contre la contrefaçon vise précisément à éviter que les marques fassent l’objet d’une telle utilisation, illégale au titre des articles 713-2 et 713-3 du code de la propriété intellectuelle.

Difficile à connaître précisément, l’ampleur du phénomène de la contrefaçon est considérable (2), selon la plupart des statistiques internationales disponibles sur le sujet. L’Union des fabricants estimait ainsi, en 2005, que la contrefaçon représentait entre 5 et 10 % du commerce mondial, soit un montant compris entre 250 et 400 milliards d’euros.

L’organisation pour la coopération économique et le développement (OCDE), qui a fourni la première étude internationale sur le sujet, estimait que la contrefaçon avait connu une légère baisse entre 1998 et 2007, pour atteindre un montant d’environ 200 milliards d’euros. D’autres études, par la chambre internationale de commerce ou l’organisation mondiale des douanes, concluent au contraire à une augmentation spectaculaire.

En plus de ces estimations financières, la direction générale des entreprises évalue à environ 30 000 le coût en emplois de la contrefaçon en France. L’OCDE estime que 200 000 emplois dans le monde, dont 100 000 en Europe, sont détruits du fait de l’existence de circuits de contrefaçon.

Au-delà des considérations strictement économiques, la contrefaçon représente également un risque majeur en matière de santé publique, et pour la sécurité des consommateurs. Ces risques sont d’autant plus forts qu’ils peuvent toucher des produits destinés aux enfants. Dès lors, une action internationale est largement justifiée, afin d’aider les titulaires de marques à défendre leurs droits.

B – La consolidation des règles internationales

La protection des marques fait l’objet de deux ensembles de règles internationales distincts. Le premier date de la fin du XIXème siècle, et, sous le nom générique de « système de Madrid », regroupe un Arrangement et un Protocole qui permettent d’offrir une protection internationale aux marques. Le second, plus récent, vise principalement à rapprocher les législations nationales, afin de faciliter l’enregistrement et la protection des marques dans le monde.

1) La protection internationale des marques

L’organisation mondiale pour la propriété intellectuelle est l’organisme de référence en matière de protection internationale des marques. Elle assure notamment l’exécution des deux principaux textes internationaux en la matière, adoptés avec près d’un siècle d’écart.

La création d’un système international d’enregistrement des marques suit de peu la signature de la convention de Paris en 1883. L’adoption, le 14 avril 1891, de l’arrangement de Madrid sur l’enregistrement international des marques de fabrique ou de commerce, vise ainsi à créer un régime centralisé pour aider les titulaires de marques à en assurer la protection dans plusieurs pays.

L’arrangement de Madrid repose sur un principe simple : une demande d’enregistrement international est traitée par tous les pays qui participent au système comme une demande qui aurait été déposée auprès de l’office national de protection des marques. Concrètement, lors du dépôt de sa demande, le titulaire peut assortir son dossier d’une requête visant à faire enregistrer internationalement sa marque. Le reste de la procédure ne concerne plus le déposant.

L’office national transmet au bureau international de l’organisation mondiale pour la propriété intellectuelle (OMPI) la requête du déposant. Ce dernier se charge de la renvoyer aux offices des pays concernés, qui ont obligation de traiter la demande d’enregistrement comme si elle avait été déposée directement auprès d’eux. Les offices nationaux peuvent refuser d’enregistrer la marque par décision motivée.

Regroupant une cinquantaine de pays, l’arrangement de Madrid n’a toutefois pas été ratifié par des pays importants, au premier rang desquels les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Afin de réunir un nombre plus important d’Etats, un protocole a été négocié, puis adopté le 27 juin 1989 à Madrid. Les différences de régime entre l’arrangement et le protocole sont minimes, et les deux textes partagent le même règlement d’exécution.

Le protocole permet notamment de rédiger la demande d’enregistrement international dans l’une des trois langues reconnues – français, anglais, espagnol – alors que les demandes faites dans le cadre de l’arrangement doivent être rédigées en français. Par ailleurs, le protocole offre un délai supérieur aux offices nationaux pour opposer un refus à une demande d’enregistrement international, 18 mois au lieu d’un an dans l’arrangement.

Grâce à l’adoption du protocole, le système de Madrid, regroupe désormais 84 pays, dont une majorité est partie aux deux textes. La France est devenue partie à l’arrangement de Madrid en 1892, et au protocole en 1997. Les règles du système de Madrid doivent toutefois être distinguées de celles appliquées par les systèmes régionaux de protection des marques.

Au sein de l’Union européenne, l’office d’enregistrement des marques et des dessins est ainsi responsable, au titre du règlement n°207/2009 du 26 février 2009 – qui remplace un règlement du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire – de la gestion du système communautaire de protection des marques. Contrairement au système international, la marque communautaire est une marque déposée obligatoirement sur l’ensemble du territoire européen, et les procédures de contestation en cas de soupçon de contestation sont suivies devant les tribunaux des marques communautaires, institués par le règlement précité.

La Communauté européenne est membre du système de Madrid, et la procédure de marque communautaire peut donc être intégrée à une procédure d’enregistrement international. Ce régime, plus intégré que le système de Madrid, est similaire à celui créé en 1977 par l’organisation africaine de la propriété intellectuelle, qui regroupe 15 pays.

Le système d’enregistrement international des marques permet donc d’associer les systèmes nationaux, ou régionaux, afin de faciliter, pour les déposants, les démarches nécessaires à l’enregistrement de leur marque dans plusieurs pays. Il permet également aux offices nationaux saisis au titre de la demande d’enregistrement international de concentrer leur étude sur le fond du dossier, les questions de forme ayant été préalablement examinées par le bureau international de l’OMPI. Afin de faciliter encore les procédures d’examen des demandes d’enregistrement international des marques, les Etats membres de l’OMPI ont toutefois convenu de fixer des standards internationaux afin de réduire les formalités nécessaires pour l’enregistrement.

2) Le rapprochement des législations nationales

Inévitablement, l’association des offices nationaux d’enregistrement et de protection des marques au sein d’un régime international a conduit à comparer les règles en vigueur dans chacun des Etats parties. Les différences constatées d’un pays à l’autre ont amené les Etats à fixer des règles communes afin de simplifier les procédures nationales, et de fluidifier l’enregistrement international.

L’augmentation du nombre de demandes d’enregistrement international de marques plaidait également en faveur d’une simplification des procédures existantes. En 2008, l’OMPI a ainsi enregistré 42 075 demandes d’enregistrement, soit une augmentation de 5,3 % par rapport à l’année précédente. Les Européens contribuent pour plus de 50 % au chiffre global, soit par l’intermédiaire de l’office communautaire, soit par l’intermédiaire de leurs offices nationaux. A elles seules, l’Allemagne et la France occupent ainsi les deux premières places du classement réalisé par l’OMPI, avec respectivement 14,8 et 10 % du nombre total de demandes, suivies par les Etats-Unis (8,8 % des demandes), la Communauté européenne et la Suisse (8,6 %).

Adopté à Genève le 27 octobre 1994 (3), le traité sur le droit des marques proposait déjà d’harmoniser les législations nationales, en limitant notamment les obligations auxquelles les Etats peuvent soumettre les déposants au cours des diverses procédures relatives à l’enregistrement et à la protection d’une marque.

Le traité adopté à Singapour le 27 mars 2006, qui fait l’objet du présent projet de loi, complète et modernise ces dispositions, en s’efforçant tout à la fois de simplifier encore les procédures nationales et internationales, pour faire face à l’augmentation notable du nombre de demandes, et d’adapter les stipulations du précédent traité aux évolutions technologiques.

II – LE TRAITÉ DE SINGAPOUR, UNE MODERNISATION DU DROIT EXISTANT

Signé par 54 Etats, et ratifié par douze d’entre aux, le traité de Singapour reprend les principes édictés par le traité de Genève sur le droit des marques. Il y apporte toutefois des améliorations sensibles.

A – La reprise des principales stipulations du traité de 1994

Le traité de Singapour, auquel sont associés un règlement d’exécution et une résolution, contient comme celui de Genève, une liste limitative des formalités qu’un Etat partie peut imposer à une personne souhaitant faire enregistrer sa marque. D’autres stipulations permettent de faciliter l’exercice de ses droits par le titulaire d’une marque.

1) L’encadrement international des procédures nationales

Les articles 3 à 8 constituent le cœur du traité de Singapour, en ce qu’ils fournissent les détails de ce que les offices nationaux de protection des marques peuvent exiger pour accepter d’enregistrer une marque.

L’article 3 fixe une liste de seize éléments qui peuvent être demandés au titre de la constitution d’un dossier d’enregistrement de marque. Ceux-ci concernent notamment la marque elle-même (représentation en noir et blanc ou en couleurs, translittération, traduction éventuelle), le déposant (nom et adresse, forme juridique dans le cas d’une personne morale) et les domaines dans lesquels l’utilisation de la marque est envisagée (liste des produits, déclaration d’intention d’utiliser la marque).

Au-delà de ces éléments d’information, l’office peut exiger que des taxes soient versées en contrepartie de la poursuite de la procédure d’enregistrement. Des preuves d’usage effectif peuvent également être demandées.

Les seules autres exigences admises par le traité de Singapour sont prévues à l’article 8, et concernent le mode de communication, la langue choisie par l’office et l’authentification des communications, par signature ou moyen électronique.

Les Etats parties au traité acceptent donc de limiter considérablement l’étendue de leur réglementation concernant l’enregistrement des marques. D’autres limites sont également fixées aux obligations pesant sur les mandataires désignés par une personne pour conduire les procédures (article 4) et, à l’article 5, à la liste des éléments requis par les offices pour attribuer à un déposant une date de dépôt, dont l’importance n’est pas négligeable, puisqu’elle permet d’arbitrer en cas de conflit entre plusieurs déposants.

L’article 7 précise que les Etats doivent donner droit aux demandes de déposants visant à diviser leur demande initiale, ou l’enregistrement d’une marque, dans le cas où elle porte sur plusieurs produits ou services. Les conditions fixées par les Etats à la division d’une demande ou d’un enregistrement sont libres, et peuvent comprendre le versement de taxes.

L’article 9 fixe quant à lui les limites des conditions que les Etats peuvent imposer en matière de dénomination des produits et services auxquels la demande d’enregistrement s’applique.

2) Un souci de simplification postérieure à l’enregistrement

Les autres stipulations reprises du traité de Genève par le traité de Singapour portent principalement sur les procédures qu’occasionne la protection de la marque une fois celle-ci enregistrée.

Les articles 10 et 11 précisent ainsi les conditions applicables en cas de changement de nom, d’adresse, ou de titulaire de la marque. Le traité fixe, là encore, une liste limitative des exigences que les offices nationaux de protection des marques peuvent formuler.

L’article 12 impose aux Etats de donner droit aux demandes de rectification d’erreur formulées par les titulaires, et limite les conditions imposées dans le cadre de cette procédure.

L’article 13 autorise les Etats parties à soumettre le renouvellement d’un enregistrement au dépôt d’une demande contenant des éléments d’information divers, ainsi qu’au paiement de taxes. Toutefois, une demande de renouvellement ne peut être soumise au dépôt d’une nouvelle représentation de la marque, ni à la fourniture d’une déclaration, ou de preuve, d’usage effectif de la marque.

B – Des avancées dans plusieurs domaines

De nombreuses stipulations du traité de Singapour sont reprises, sans modification majeure du traité de Genève de 1994. Leur mise en œuvre est encadrée de manière précise par le règlement d’exécution, attachée au traité de 2006. Au-delà de cet élément nouveau, plusieurs stipulations introduites par le traité de 2006 permettent d’adapter les standards internationaux en matière de protection des marques aux évolutions technologiques et économiques récentes.

1) L’adaptation au progrès technique

Le traité de Singapour élargit ainsi le champ d’application du traité de Genève. Ce dernier ne portait en effet que sur les marques visibles (verbales, figuratives ou tridimensionnelles). La nouvelle rédaction de l’article deuxième précise désormais que les stipulations du traité doivent être appliquées à tous les signes considérés comme une marque par la législation nationale, ce qui, en France, recouvre également les marques revendiquant une couleur, les signaux sonores, et toute marque consistant en un signe non visible.

Par ailleurs, le traité de Singapour introduit pour la première fois la possibilité aux Etats de conduire toutes les procédures relatives à l’enregistrement et à la protection des marques sous la forme de communications électroniques, puisque l’article 8 précise que « Toute partie contractante peut choisir le mode de transmission des communications ».

2) Les changements institutionnels

Afin de faciliter les modifications ultérieures, le traité de Singapour crée, en son article 23, une Assemblée regroupant les délégués représentant chacun un Etat partie. Son quorum est réputé atteint lorsque la moitié des représentants siège, et l’Assemblée peut adopter des décisions dès lors qu’un tiers au moins des représentants est présent.

En supprimant l’obligation de réunir systématiquement une conférence diplomatique au niveau des ambassadeurs, une telle organisation vise explicitement à faciliter la révision des diverses stipulations du traité, et des actes qui lui sont attachés.

3) L’obligation de proposer des mesures de sursis

Absentes du traité de 1994, le traité de Singapour introduit des stipulations qui concernent les délais encadrant toutes les procédures évoquées par ailleurs.

Ainsi, avant l’expiration d’un délai, les Etats peuvent offrir la possibilité de proroger le délai imparti pour l’accomplissement d’un acte. De plus, après l’expiration du délai imparti, les Etats sont dans l’obligation de proposer aux personnes intéressées, sur leur demande, au moins une des trois mesures de sursis suivantes : prorogation du délai, poursuite de la procédure ou rétablissement des droits.

4) L’utilisation de la marque par le titulaire d’une licence

Le traité de Singapour intègre également, par ses articles 17 à 20, les principales stipulations de la recommandation commune relative aux licences de marques adoptées par l’assemblée générale de l’OMPI en septembre 2000.

Outre les conditions classiques en matière d’informations relatives au titulaire et au preneur de la licence, ainsi que la perception de taxes, le traité de Singapour précise que l’inscription d’une licence peut être soumise à l’obligation de fournir une déclaration de licence signée à la fois par le titulaire et le preneur de licence.

Une telle disposition résulte d’un compromis entre des positions maximalistes – qui entraient nécessairement en conflit avec les principes attachés au secret des affaires, au titre desquels la production intégrale du contrat de licence ne saurait être exigée – et des positions plus conformes à la recommandation commune de 2000, qui n’exigeait pour sa part que la signature du preneur de licence.

5) La coopération internationale

En plus du traité de 2006 et de son règlement d’exécution, le présent projet de loi vise une résolution, adoptée par la conférence diplomatique le même jour, qui complète ces deux premiers textes en prévoyant de renforcer la coopération internationale dans le domaine de la protection des marques.

Après avoir rappelé que les stipulations relatives aux techniques de représentation des marques, et aux formes des communications, ne posaient pas d’obligation mais ouvraient simplement une possibilité pour les Etats parties, la déclaration commune fixe une obligation d’assistance technique de l’ensemble des Etats et de l’OMPI en faveur, prioritairement, des pays moins avancés, ainsi que des pays en développement.

C – Un droit français rendu compatible

L’étude d’impact fournie par le ministère à M. Jean Milhau, Rapporteur de ce projet de loi pour la Commission des affaires étrangères, de la défense nationale et des forces armées du Sénat, précise que le droit français est incompatible avec le traité de Singapour sur un point. En effet, l’article L. 714-7 du code de la propriété intellectuelle précisait que seuls les titulaires d’une licence de marque inscrite au registre national des marques pouvaient intervenir dans une action en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque.

Or, l’article 19 du traité de Singapour précise explicitement que le défaut d’inscription d’une marque est « sans effet sur le droit pour le preneur de licence d’intervenir dans une procédure en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque ».

La nouvelle rédaction de l’article L. 714-7 du code de la propriété intellectuelle, issue de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, n°2008-776, est désormais conforme au traité de Singapour, puisque son dernier alinéa précise que « Le licencié, partie à un contrat de licence non inscrit sur le registre national ou international des marques, est également recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le propriétaire de la marque afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre ».

Dès lors, la possibilité, offerte au Gouvernement par l’article 134 de la loi de modernisation de l’économie précitée, d’adopter des ordonnances permettant de rendre le code de la propriété intellectuelle conforme aux stipulations du traité de Singapour, n’a pas eu besoin d’être utilisée.

CONCLUSION

Le texte adopté le 27 mars 2006 par la conférence diplomatique pour l’adoption d’un traité révisé sur le droit des marques de Singapour s’inscrit dans un processus de grande ampleur, qui voit le droit international des marques se renforcer constamment

Commencée dès la fin du XIXème siècle, la mise au point d’un système international d’enregistrement des marques a permis aux entreprises de défendre plus facilement leurs droits dans plusieurs Etats, et a donc facilité la libéralisation des échanges.

Ce mouvement a naturellement été complété par l’élaboration de textes visant à harmoniser et simplifier les législations nationales en la matière. Le présent traité maintient les principes fixés par le premier accord international intervenu dans ce domaine, adopté à Genève en 1994.

Le traité de Singapour simplifie encore les standards internationaux en matière d’enregistrement et de protection des marques, et permet aux Etats parties d’adapter leurs réglementations au progrès technique.

L’importance des marques pour les entreprises contemporaines, mais également pour préserver la santé et la sécurité des consommateurs, sont autant de raisons pour favoriser la mise au point de règles universelles plus simples et mieux respectées.

Pour ces raisons, votre Rapporteur conclut en faveur de l’adoption de ce projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 12 mai 2009.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Lecoq. L’enregistrement d’une marque exige le paiement d’une redevance. Le traité prévoit-il un mécanisme permettant d’aider les entreprises des pays en développement à prendre en charge ce coût ? On observe qu’elles sont souvent très créatives mais voient parfois leurs idées pillées par les grandes marques occidentales.

Peut-on imaginer que, comme les œuvres d’art, les marques finissent par tomber dans le domaine public ?

J’observe aussi que l’on parle toujours du droit des marques, mais jamais des devoirs que celles-ci devraient respecter ! La délocalisation de leur production ne devrait pas être acceptée !

M. Jean Roatta, rapporteur. L’assistance technique proposée par la résolution sera principalement apportée par les autres Etats membres, qui aideront les pays moins développés à se doter d’un système national plus efficace de protection des marques. Chacun des Etats est ensuite libre de déterminer le montant des taxes qu’il applique aux entreprises, afin par exemple d’inciter celles qui ne l’auraient pas fait à déposer leurs marques.

L’expression « domaine public » ne s’applique pas aux marques. Il arrive que des marques soient progressivement utilisées comme des noms communs. Il appartient alors au titulaire de la marque de s’opposer à cet usage, sous peine de se voir déchu de ses droits d’usage exclusif de la marque en question.

M. Gilles Cocquempot. Y a-t-il adéquation entre les stipulations de ce traité et les dispositions du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, que notre Assemblée vient d’adopter ?

M. Jean Roatta, rapporteur. Les questions relatives au droit applicable aux marques doivent être distinguées de celles concernant d’autres pans du droit de la propriété intellectuelle, qui concerne également des productions, ou des procédés. Les marques sont des signes distinctifs apposés à des produits ou des services, et ne sont pas, en tant que telle, une production.

Depuis l’adoption de la Conférence de Paris, à laquelle de grands pays comme les Etats-Unis n’étaient pas parties, des progrès considérables ont été accomplis dans le domaine du droit des marques. Même si de nouvelles améliorations sont possibles, ce traité comporte déjà des avancées importantes.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (no 1593).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques (ensemble le règlement d'exécution et la résolution), adopté à Singapour le 27 mars 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte du traité figure en annexe au projet de loi (n° 1593).

© Assemblée nationale

1 () Première édition en anglais parue en 2000 chez Alfred A. Knopf Inc.,publié en français par les éditions Acte Sud en 2002.

2 () Sur ce sujet, voir le rapport d’information pour la délégation de l’Assemblée Nationale pour l’Union européenne n°2363 de M. Marc Laffineur sur la lutte de l’Union européenne contre la contrefaçon, déposé le 8 juin 2005.

3 () Signé par la France le 15 avril 1995, ce texte a été ratifié le 15 septembre 2006.