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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 1955

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 1896) DE M. JEAN-MARC AYRAULT visant à rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunérations des dirigeants d’entreprises et des opérateurs de marché,

PAR M. Philippe VUILQUE,

Député.

——

INTRODUCTION 5

I. – L’INÉGALITÉ DES FRANÇAIS FACE À LA CRISE : UNE SITUATION QUI N’EST PAS DUE QU’À LA FATALITÉ 7

A. LES AVANTAGES DES MANDATAIRES SOCIAUX DE GRANDES SOCIÉTÉS COTÉES 7

1. Les instruments juridiques à l’origine de cette situation 7

a) Les composantes de la rétribution principale 7

b) Les éléments de rémunération exceptionnelle ou complémentaire 9

2. Des émoluments parfois considérables 10

B. LES RÉMUNÉRATIONS TOUJOURS INDÉCENTES DES OPÉRATEURS FINANCIERS 13

1. Les effets pervers des bonus : incitation à la cupidité, déresponsabilisation et inégalités 13

2. Une déconnexion totale vis-à-vis de l’économie réelle 14

C. LE POUVOIR D’ACHAT EN BERNE DES SALARIÉS 15

1. Un phénomène qui dure … 15

2. … aggravé par la hausse du chômage 17

II. – RÉDUIRE LES PRIVILÈGES LES PLUS EXORBITANTS DES DIRIGEANTS MANDATAIRES SOCIAUX ET DES OPÉRATEURS DE MARCHÉS : UN IMPÉRATIF D’ÉQUITÉ 19

A. PASSER DE LA PAROLE AUX ACTES 19

1. L’échec patent de l’autorégulation 19

a) Les codes de bonne conduite élaborés par les organisations professionnelles des entreprises et le Haut comité de place 20

b) Un premier bilan pas convaincant 21

2. Le législateur face à ses responsabilités 23

a) Les mesures prises jusqu’à présent 23

b) La nécessité de suivre l’exemple plus ambitieux d’autres pays 25

B. UNE RÉGULATION À PORTÉE DE VOTE 26

1. Un constat largement partagé 27

2. Des solutions proposées qui sont tout à la fois raisonnables, pragmatiques et opérationnelles 28

DISCUSSION GÉNÉRALE 31

EXAMEN DES ARTICLES 35

TITRE IER EXIGENCES APPLICABLES AUX RÉMUNÉRATIONS DES DIRIGEANTS D’ENTREPRISES, MANDATAIRES SOCIAUX ET OPÉRATEURS DE MARCHÉS 35

Article 1er (art. L. 225-185-1 [nouveau] du code de commerce) : Plafonnement des rémunérations des dirigeants d’entreprises bénéficiaires d’une aide publique sous forme de recapitalisation 35

Article 2 (art. L. 225-35-1 [nouveau] du code de commerce) : Institutionnalisation par la loi des comités des rémunérations 39

Article 3 (art. L. 225-35-2 [nouveau] du code de commerce) : Plafonnement des rémunérations des cadres dirigeants des sociétés cotées par les conseils et assemblées générales, après avis des comités d’entreprise 43

Article 4 (art. L. 225-185-2 [nouveau] du code de commerce) : Limitation du montant des indemnités de départ des dirigeants mandataires sociaux 47

Article 5 (art. L. 225-185-3 [nouveau] du code de commerce) : Limitation des retraites supplémentaires à prestations définies 50

Article 6 (art. L. 225-185-4 [nouveau] du code de commerce) : Interdiction de l’attribution de stock-options dans les sociétés cotées de plus de cinq ans d’existence 52

Article 7 (art. L. 225-185 du code de commerce) : Interdiction de l’attribution de stock-options dans les sociétés cotées bénéficiaires d’une aide publique sous forme de recapitalisation 57

Article 8 (art. L. 500-1-1 [nouveau] du code monétaire et financier) : Plafonnement de la rémunération variable des opérateurs de marchés au montant de leur rémunération fixe nette 59

Titre de la proposition de loi 62

TABLEAU COMPARATIF 65

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 71

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 79

ANNEXE : ÉLÉMENTS D’INFORMATION SUR LE DROIT EUROPÉEN APPLICABLE OU EN COURS D’ÉLABORATION 81

MESDAMES, MESSIEURS,

La crise financière et économique sans précédent que traverse le monde entier a conduit l’ensemble des responsables politiques à porter un jugement sur les dérives d’une financiarisation à outrance et d’un culte de la rentabilité à l’excès du système capitaliste. Dans un tel contexte, majorité et opposition sont parvenues à des diagnostics sévères et, parfois, plutôt proches.

Depuis l’automne 2008, chaque prise de parole du Président de la République sur le sujet a donné lieu à des envolées que les députés SRC n’auraient pas reniées.

Pour illustration, on rappellera ces propos tenus à Toulon, le 25 septembre 2008: « Ce système où celui qui est responsable d’un désastre peut partir avec un parachute doré, où un trader peut faire perdre cinq milliards d’euros à sa banque sans que personne ne s’en aperçoive, où l’on exige des entreprises des rendements trois ou quatre fois plus élevés que la croissance de l’économie réelle, ce système a creusé les inégalités, il a démoralisé les classes moyennes et alimenté la spéculation sur les marchés. (…) La crise actuelle doit nous inciter (…) à retrouver un équilibre entre la liberté et la règle, entre la responsabilité collective et la responsabilité individuelle. » Dans le même ordre d’idées, on peut également faire état de ces mots prononcés le 24 mars 2009 à Saint-Quentin : « Il ne peut pas y avoir d’économie sans morale (…). Alors, il ne doit plus y avoir de parachutes dorés. Il ne doit plus y avoir de bonus, de distribution d’actions gratuites ou de stock-options dans une entreprise qui reçoit une aide de l’État. »

Au-delà des mots, l’action de l’exécutif français tarde pourtant à se concrétiser. Depuis le début de la XIIIème législature, les parlementaires français sont peu habitués à un tel attentisme sur un sujet d’une aussi brûlante actualité.

Le groupe SRC a bien essayé de faire adopter un certain nombre de dispositions destinées à traduire dans le droit les préoccupations partagées sur tous les bancs du Parlement. Nonobstant quelques avancées bienvenues, obtenues en loi de finances initiale et en lois de finances rectificative pour 2009, grâce notamment à l’opiniâtreté du président de la commission des Finances, M. Didier Migaud, la majorité n’a pas souhaité donner suite aux suggestions de bon sens formulées par l’opposition. C’est ainsi que la proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité, examinée dans le cadre d’une précédente séance réservée à l’ordre du jour proposé par le groupe SRC (1), qui visait notamment à abroger le bouclier fiscal et à empêcher certaines rémunérations abusives dans les entreprises privées aidées par l’État, a été repoussée.

À vrai dire, peu d’arguments de fond valables ont alors été opposés par la majorité pour rejeter ce texte. Preuve en est que, seulement quelques semaines plus tard, d’éminentes voix de l’UMP se prononçaient en faveur de la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu, au moins le temps de la crise.

Cette prise de distance de l’exécutif et de la majorité parlementaire à l’égard d’un débat qui est crucial pour les Français apparaît d’autant moins compréhensible que, sur plusieurs sujets précis, des convergences sont possibles dans l’intérêt général.

Les travaux menés au sein de la mission d’information de la commission des Lois sur les nouvelles régulations de l’économie (2) ont montré qu’une réflexion multipartisane, sans exclusive idéologique ni tabou, peut aboutir à des propositions pragmatiques et utiles. Si le groupe SRC n’adhère pas à l’ensemble des préconisations formulées par le rapporteur de la mission d’information, comme il a eu l’occasion de l’indiquer dans une contribution écrite à son travail, il constate que les positions ne sont pas si éloignées que cela sur un certain nombre de dispositifs techniques.

Lors de la présentation du rapport de cette mission d’information, les députés du groupe SRC avaient exprimé le vœu que les suggestions de portée législative puissent rapidement faire l’objet d’un débat parlementaire, de manière à engager concrètement un début de régulation nécessaire. Devant l’inaction de la majorité, ils ont décidé d’initier eux-mêmes la discussion autour de mesures touchant non plus au droit fiscal mais au droit des sociétés.

La proposition de loi visant à rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunérations des dirigeants d’entreprises et des opérateurs de marchés, déposée sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 2 septembre 2009 (3), comporte un ensemble de dispositions qui, si elles étaient mises en œuvre, constitueraient un progrès substantiel. Contrairement à l’antienne régulièrement avancée par la majorité pour refuser de voter les suggestions de l’opposition, elles prennent en considération la diversité des situations des entreprises et laissent une marge de manœuvre importante aux organes sociaux décisionnaires. En posant des principes généraux et des plafonds, elles se bornent à rappeler une règle cardinale, malheureusement perdue de vue par les dirigeants actuels des grandes entreprises privées : en l’espèce, la rémunération de ces derniers ne peut être totalement déconnectée de celles des salariés placés sous leur autorité.

Une fois de plus, l’exécutif et la majorité parlementaires ont concrètement l’occasion de montrer la sincérité de leur engagement en faveur d’une nouvelle régulation de l’économie. L’opposition, quant à elle, est plus que jamais déterminée à aboutir pour que les leçons de la crise soient pleinement tirées.

I. – L’INÉGALITÉ DES FRANÇAIS FACE À LA CRISE : UNE SITUATION QUI N’EST PAS DUE QU’À LA FATALITÉ

Tous les Français ne font pas face à la crise de la même façon. La conjoncture aggrave en effet des inégalités qui, certes, préexistaient mais qui deviennent de plus en plus intolérables pour nos concitoyens. Alors que chaque jour qui passe grossit le nombre des chômeurs et des bénéficiaires de minimas sociaux, les dirigeants mandataires sociaux des 120 plus grandes sociétés cotées de la place de Paris et les opérateurs financiers des grands établissements bancaires conservent des rémunérations considérables. Cette situation n’est pas seulement le fruit de la conjoncture ; elle résulte également de la mise en place de mécanismes de rémunération pour le moins avantageux au seul bénéfice de catégories restreintes d’acteurs économiques.

A. LES AVANTAGES DES MANDATAIRES SOCIAUX DE GRANDES SOCIÉTÉS COTÉES

Selon l’institut français des administrateurs, la rémunération moyenne des dirigeants de grandes sociétés cotées a progressé de 15 % par an entre 1997 et 2007 alors que celle des salariés a évolué, sur la même période, de 3 % en rythme annuel. La raison de cette distorsion tient à des structures de rémunération très différentes, celle des équipes dirigeantes associant une part en capital dynamique à un montant de base fixe contractuellement prévu.

1. Les instruments juridiques à l’origine de cette situation

La rémunération globale des dirigeants mandataires sociaux des sociétés cotées recouvre un ensemble disparate d’émoluments, caractérisant des rétributions à titre principal, exceptionnel ou complémentaire.

a) Les composantes de la rétribution principale

La composante de base, c’est-à-dire la rémunération fixe, est celle qui s’apparente le plus à un salaire versé. Les dirigeants d’entreprise, quand bien même leur statut de mandataire social en fait une catégorie particulière, révocables sans préavis (ad nutum) et en dehors des règles communes du droit du travail, perçoivent le plus souvent des émoluments annuels au montant prédéfini à l’avance, sur une base négociée avec les conseils d’administration ou de surveillance. Ces montants, pour le seul CAC 40, atteignent déjà des niveaux très significatifs, de l’ordre de plusieurs centaines de milliers d’euros au minimum sur une année, tranchant ainsi avec le commun des salariés français.

S’y ajoutent, lorsque les intéressés cumulent leurs fonctions gestionnaires avec le poste de président du conseil d’administration de la société, des jetons de présence destinés à rétribuer la participation aux séances du conseil, sur le fondement de l’article L. 225-45 du code de commerce. Les montants annuels de ces rétributions oscillent généralement entre 20 000 et 100 000 euros. Certains présidents directeurs généraux s’exonèrent toutefois du bénéfice de ces jetons de présence mais le fait est que cette situation injustifiable, consistant à rémunérer les dirigeants mandataires sociaux d’une entreprise pour leur présence aux réunions du conseil d’administration ou de surveillance qu’ils président ou devant lequel ils ont à rendre compte, est le plus souvent la règle.

En plus de ces éléments prédéfinis à l’avance, les mandataires sociaux de sociétés cotées perçoivent le plus souvent une rémunération variable, censée refléter une politique d’incitation à la performance. Les primes ou bonus sont le plus souvent indexés sur les résultats effectivement obtenus. Ils se trouvent néanmoins complétés par des éléments de rémunération différée qui s’appuient sur les titres de la société.

Les plus connus de ces éléments de rémunération différée sont les options de souscription ou d’achat d’actions. Les options de souscription, prévues à l’article L. 225-177 du code de commerce, portent sur des titres virtuels et débouchent sur une augmentation de capital soumise à une procédure allégée, en termes de publicité ou de paiement. Les options d’achat, prévues à l’article L. 225-179 du code de commerce, s’appliquent à des titres déjà émis et préalablement rachetés à cette fin par la société. Toutes donnent à leurs bénéficiaires le droit d’acquérir, à un prix convenu d’avance, dans un délai minimum de deux ans, un certain volume d’actions de la société. Une plus-value peut donc être réalisée si le cours de ces actions, au moment où l’option est exercée, quatre ans après la décision d’attribution, est supérieur au prix convenu à l’avance. Dans les faits, jusqu’à une période encore très récente, les plans d’options de souscription ou d’achat d’actions ont surtout bénéficié, dans les grandes sociétés cotées, aux équipes dirigeantes qui ont ainsi obtenu de substantielles rémunérations supplémentaires.

Introduites plus récemment, les actions gratuites constituent elles aussi un élément de rémunération différée potentiellement important. Prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du code de commerce, elles sont attribuées sans contrepartie financière aux salariés et aux dirigeants, de sorte que leur cession offre immédiatement, même en cas de chute des cours, un complément de rémunération significatif. Dans certains cas, les dirigeants mandataires sociaux de sociétés cotées cumulent le bénéfice de cet instrument avec celui des options de souscription ou d’achat d’actions.

Selon les calculs de l’ACOSS, quelque 2,2 milliards d’euros ont été versés en 2008 aux dirigeants de sociétés françaises cotées sous la forme de stock-options ou d’actions gratuites. L’AMF évalue, pour sa part, à près de 50 % de la rémunération globale annuelle des dirigeants mandataires sociaux du SBF 120, la part prise par ce type de rétribution.

b) Les éléments de rémunération exceptionnelle ou complémentaire

À la différence de la rémunération principale, qui rétribue directement l’activité déployée par les mandataires sociaux pour le compte des sociétés qui les emploient, certains émoluments ont soit une justification ponctuelle, soit un caractère accessoire. Ils n’en demeurent pas moins, eux aussi, source d’abus manifestes.

Ils peuvent prendre la forme d’une indemnité exceptionnelle de bienvenue (golden hello), destinée à attirer les cadres les plus talentueux, celle d’une indemnité de départ le plus souvent plafonnée à un certain nombre d’années de rémunération (parachutes dorés), afin de contrebalancer la possibilité d’une révocation immédiate et sans préavis, et enfin celle de retraites supplémentaires à prestations définies (retraites dites chapeaux), sur le fondement de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, lesquelles garantissent une rente annuelle minimum prédéfinie grâce à une cotisation de la société pour le compte de son dirigeant.

L’essentiel des scandales mis à jour au cours de la décennie écoulée a porté sur l’une ou l’autre de ces composantes, fixées elles aussi sur une base contractuelle entre les conseils d’administration ou de surveillance et les intéressés. Pour mémoire, on rappellera que de nombreux dirigeants de sociétés françaises cotées ont bénéficié, sur la base de tels dispositifs, d’indemnités de départ de plusieurs millions d’euros indépendamment de leur réussite au cours de leurs fonctions. Depuis février 2009, toutes les sociétés cotées au SBF 120 ayant leur siège en États-Unis se sont mises en conformité avec les prescriptions de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, s’agissant de la subordination de l’octroi de ces indemnités à des conditions de performance. L’épisode du parachute doré de 3,2 millions d’euros versé au printemps dernier à l’ancien président directeur général de Valeo, M. Thierry Morin, en dépit des difficultés de l’entreprise a cependant révélé l’étendue des limites du procédé.

Les éléments de rémunération complémentaire, quant à eux, revêtent un caractère plus marginal. Ils prennent une forme numéraire, via l’octroi de jetons de présence lorsque les dirigeants mandataires sociaux exercent les fonctions d’administrateurs ou de membres du conseil de surveillance d’une autre société (ce type de cumul étant autorisé à hauteur de cinq mandats sociaux au sein de sociétés ayant leur siège en États-Unis), ou la forme d’avantages en nature, par l’attribution de facilités telles que la mise à disposition d’un véhicule avec chauffeur ou d’un logement de fonction, le cas échéant. Sans représenter une proportion essentielle de la rémunération globale, ces avantages donnent eux aussi lieu à des pratiques contestables, comme l’a fort justement souligné le rapport d’information de la commission des Lois sur les nouvelles régulations de l’économie.

2. Des émoluments parfois considérables

Les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux des grandes sociétés cotées ont progressé de manière très substantielle ces dix dernières années. Le fait que, dans le même temps, la capitalisation boursière de l’indice de référence de la place de Paris ait doublé, en atteignant les 6 000 points, n’y est pas étranger.

Selon les évaluations du cabinet Proxinvest, la rémunération moyenne des équipes dirigeantes du CAC 40 est passée d’environ 800 000 euros en 1998 à plus de 2 millions d’euros en 2007, soit une hausse de 150 %. La part des stock-options et actions gratuites dans cette augmentation est centrale, comme le montre l’histogramme ci-après.

DÉCOMPOSITION DE LA RÉMUNÉRATION DES ÉQUIPES DIRIGEANTES
DES SOCIÉTÉS DU CAC 40 (en milliers d’€)

En ce qui concerne les seuls dirigeants mandataires sociaux du CAC 40, cette progression a certes connu une légère inflexion en 2008. Une telle évolution générale masque des différences assez sensibles de situations individuelles, la baisse étant plus marquée dans les secteurs les plus touchés par la crise, comme les banques et l’industrie automobile. Surtout, il est permis de croire que cette évolution s’inversera dès cette année, notamment en raison du rétablissement progressif des cours boursiers, dont l’impact est déterminant sur les éléments de rémunération différée.

DÉTAIL DE LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS DU CAC 40 EN 2008

Société

Fixe (rappel 2007)

Variable (rappel 2007)

TOTAL (évolution,
en %)

Société

Fixe
(rappel 2007)

Variable (rappel 2007)

TOTAL (évolution,
en %)

Danone

1 050 000€
(990 920€)

3 229 350€
(3 008 408€)

4 279 350€
(+ 7 %)

Dexia

865 670€
(825 000€)

826 440€
(1 039 500€)

1 692 110€
(- 9,25 %)

LVMH

1 679 396€
(1 702 011€)

2 200 200€
(2 300 000€)

3 879 396€
(- 3,06 %)

États-Unis
Telecom

900 000€
(900 000€)

752 100€
(598 500€)

1 652 100€
(+ 10,2 %)

L’Oréal

2 100 000€
(2 000 000€)

1 365 000€
(2 000 000€)

3 465 000€
(- 13,38 %)

Lagardère

1 033 104€
(974 700€)

534 072€
(1 090 240€)

1 567 176€
(- 24,1 %)

GDF-Suez

1 337 677€
(1 253 249€)

1 830 360€
(1 493 666€)

3 168 037€
(+ 15,3 %)

Veolia
Envt.

992 000€
(992 000€)

519 188€
(1 423 020€)

1 511 188€
(- 37,4 %)

Arcelor
Mittal

1 471 000€
(1 536 270€)

1 689 060€
(1 674 320€)

3 160 060€
(- 1,57 %)

Air France-KLM

750 000€
(750 000€)

750 000€
(637 500€)

1 500 000€
(+ 8,1 %)

Total

1 250 000€
(1 191 580€)

1 552 875€
(1 496 335€)

2 802 875€
(+ 4,28 %)

Vinci

700 000€
(700 000€)

791 389€
(791 548€)

1 491 389€
(- 0,01 %)

Vivendi

885 800€
(860 000€)

1 683 100€
(1 651 000€)

2 568 900€
(+ 2,31 %)

Alcatel-Lucent

1 200 000€
(1 200 000€)

255 000€
(344 284€)

1 455 000€
(- 5,78 %)

Alstom

1 035 000€
(1 035 000€)

1 500 000€
(1 430 000€)

2 535 000€
(+ 2,84 %)

Saint-Gobain

800 034€
(705 951€)

480 000€
(458 750€)

1 280 034€
(+ 9,9 %)

Air
Liquide

1 020 000€
(1 020 000€)

1 492 000€
(1 428 000€)

2 512 000€
(+ 2,61 %)

Suez Envt.

642 529€
(non connu)

634 434€
(non connu)

1 276 963€
(–)

Michelin

0€
(0€)

2 478 760€
(5 342 932€)

2 478 760€
(- 53,6 %)

EDF

760 000€
(725 000€)

456 000€
(325 250€)

1 216 000€
(+ 15,8 %)

Axa

600 000€
(500 000€)

1 846 304€
(2 644 366€)

2 446 304€
(- 22,2 %)

Renault

1 200 000€
(1 200 000€)

0€
(1 392 000€)

1 200 000€
(- 53,7 %)

EADS

900 000€
(900 000€)

1 545 500€
(1 515 500€)

2 445 500€
(+ 1,24 %)

Essilor

700 017€
(500 689€)

455 011€
(415 321€)

1 155 028€
(+ 26,1 %)

Pernod-Ricard

1 100 000€
(1 055 000€)

1 313 956€
(1 415 053€)

2 413 956€
(- 2,27 %)

Unibail
Rodamco

700 000€
(553 059€)

344 595€
(923 333€)

1 044 595€
(- 29,25 %)

Carrefour

1 290 300€
(1 265 000€)

1 090 000€
(1 100 137€)

2 380 300€
(+ 0,64 %)

PSA

1 030 000€
(906 851€)

0€
(1 000 010€)

1 030 000€
(- 45,98 %)

Capgemini

1 320 000€
(1 200 000€)

982 800€
(966 000€)

2 304 800€
(+ 6,41 %)

PPR

999 996€
(999 996€)

0€
(1 380 000€)

999 996€
(- 57,98 %)

Bouygues

920 000€
(920 000€)

1 380 000€
(1 380 000€)

2 300 000€
(+ 0 %)

Société Générale

962 742€
(1 250 000€)

0€
(0€)

962 742€
(- 22,98 %)

Sanofi-Aventis

1 337 500€
(1 350 000€)

680 000€
(1 350 000€)

2 017 500€
(- 25,3 %)

BNP-Paribas

945 833€
(900 000€)

0€
(2 276 608€)

945 833€
(- 70,23 %)

Schneider
Electric

765 000€
(700 000€)

1 063 350€
(1 260 000€)

1 828 350€
(- 6,72 %)

Vallourec

525 000€
(500 000€)

409 500€
(393 466€)

935 500€
(+ 4,7 %)

Lafarge

900 000€
(920 000€)

919 000€
(1 940 000€)

1 819 000€
(- 36,4 %)

Crédit
Agricole

920 000€
(920 000€)

0€
(607 200€)

920 000€
(- 39,76 %)

Accor

1 000 000€
(900 000€)

750 000€
(1 450 000€)

1 750 000€
(- 25,5 %)

Sources : documents de référence 2008.

Le cas des dirigeants des principales sociétés cotées françaises n’est pas atypique dans l’économie mondiale actuelle. En effet, par comparaison, la rémunération moyenne, hors stock-options, des dirigeants des sociétés du FTSE 100 britannique avoisine les 2,8 millions d’euros (montant porté à 4,2 millions d’euros avec les stock-options), celle des managers des sociétés du DAX 30 allemand près de 3 millions d’euros et celle des responsables des 500 plus grandes sociétés américaines, environ 11 millions d’euros (4). Plus récemment, une étude de l’institut RiskMetrics, rendue publique le 23 mars 2009 par la Commission européenne, constatait pour sa part que la rémunération médiane des dirigeants d’entreprise en Europe a augmenté de 74 % entre 2003 et 2007, afin de se situer aux alentours de 2,8 millions d’euros (5).

COMPARAISONS DES RÉMUNÉRATIONS GLOBALES POUR 2007 DE QUELQUES DIRIGEANTS FRANÇAIS AVEC CELLES DE LEURS HOMOLOGUES AMÉRICAINS

Secteurs

FRANCE

ÉTATS-UNIS

Banques

Baudoin Prot (BNP-Paribas) : 3,3 millions d’euros

Lloyd Blankfein (Goldman Sachs) : 70,3 millions de dollars

Daniel Bouton (Société générale) : 3,2 millions d’euros

Richard Fuld (Lehman Brothers) : 40 millions de dollars

Georges Pauget (Crédit agricole) : 2,1 millions d’euros

James Dimon (JP Morgan Chase) : 30,4 millions de dollars

Michel Lucas (Crédit mutuel) : 1,4 million d’euros

John Thain (Merrill Lynch) : 17,3 millions de dollars

Charles Milhaud (Caisse d’épargne) : 1,6 million d’euros

Kenneth Lewis (Bank of America) : 16,4 millions de dollars

Industrie automobile

Carlos Gohsn (Renault) :
2,7 millions d’euros

Rick Wagoner (General Motors) : 15,7 millions de dollars

Christian Streiff (PSA) :
1,9 million d’euros

Alan Mulally (Ford) :
22,8 millions de dollars

Source : rapport d’information n° 1798, p. 11.

Les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux en activité ne sont pas les seules à avoir atteint des proportions démesurées. Les rétributions consenties au titre de la cessation des fonctions (renvoi par le conseil d’administration ou de surveillance ou départ en retraite) ont également connu une évolution anormale. En matière de retraite, il est désormais acquis que de grandes sociétés cotées ont provisionné plusieurs millions d’euros afin de garantir à leurs anciens dirigeants mandataires sociaux une rente annuelle d’au moins quelques centaines de milliers d’euros. C’est le cas notamment de Vinci (dont l’ancien président directeur général perçoit 2,2 millions d’euros de retraite chapeau), Vivendi et Air Liquide (1,2 million d’euros de pension annuelle pour leurs anciens dirigeants) ou encore Lafarge (1 million d’euros) et Société générale (730 000 euros). Les indemnités versées au titre d’un départ provoqué, quant à elles, tutoient les mêmes sommets. Est-il besoin de rappeler, à cet égard, les 8,2 millions d’euros touchés par M. Noël Forgeard à l’occasion de son départ de EADS, en 2006, ou plus récemment les 5,2 millions d’euros versés en 2008 à M. Serge Tchuruk, artisan de la fusion ratée d’Alcatel avec Lucent ?

Il n’est pas étonnant que de telles sommes choquent l’opinion. Il est plus surprenant que le Parlement et les pouvoirs publics ne légifèrent pas sur le sujet.

B. LES RÉMUNÉRATIONS TOUJOURS INDÉCENTES DES OPÉRATEURS FINANCIERS

Moins médiatiques, donc moins transparentes, les rémunérations des opérateurs de marchés financiers ne sont pas moins excessives et contestables que celles des dirigeants des grandes sociétés cotées. Ces catégories de salariés des prestataires de services financiers s’abritent derrière le caractère hautement concurrentiel de leur profession pour exiger toujours plus d’avantages. Les banques, quant à elles, mettent en avant la nécessité de conserver des traders performants pour justifier le statu quo. Les pouvoirs publics ne peuvent se satisfaire de tels arguments : des bonus considérables n’ont de justification que dans un système financier tirant exclusivement sa croissance de la spéculation ; dès lors que l’économie réelle est remise au centre des préoccupations, les rémunérations des opérateurs de marchés doivent revenir à davantage de mesure.

1. Les effets pervers des bonus : incitation à la cupidité, déresponsabilisation et inégalités

Primes versées en numéraire, les bonus sont apparus au sein des grands établissements bancaires anglo-saxons dans les années 1980. Ils se sont généralisés par la suite, en s’hybridant en France avec le mode traditionnel de rémunération des agents de change. Leurs modalités de distribution sont assez peu formalisées et varient d’un établissement à l’autre. La plupart du temps, la direction générale alloue aux responsables de services une enveloppe de primes définie en fonction de l’appréciation des résultats obtenus, à charge pour les chefs de services d’en répartir ensuite le montant à leurs subordonnés.

Le taux des bonus distribués chaque mois de février se négocie au printemps de l’année précédente. Il varie le plus souvent selon les métiers exercés dans les établissements : les personnels qui occupent les fonctions de back-office, c’est-à-dire ceux qui vérifient la conformité des opérations engagées par les traders et les vendeurs aux normes de sécurité internes fixées par leur employeur, bénéficient généralement des primes les moins élevées ; en revanche, les traders et les vendeurs se situent au premier plan (376 000 euros en moyenne), devant les ingénieurs de marchés (217 000 euros), souvent plus diplômés, puis les analystes financiers (130 000 euros) et les métiers support, dont ceux dévolus au contrôle des risques (80 000 euros).

Dans un rapport du Conseil d’analyse économique consacré à la crise des subprimes, M. Olivier Godechot, chercheur au CNRS indique que le bonus moyen des traders et des vendeurs équivaut à quatre fois le montant de la rémunération fixe moyenne, le ratio retombant à 2,5 pour les ingénieurs de marchés, à 0,8 pour les analystes financiers et à 0,34 pour les contrôleurs des risques (6).

Nul ne dresse mieux que le rapport de la mission d’information de la commission des Lois sur les nouvelles régulations de l’économie, publié le 7 juillet 2009, la conclusion qui s’impose : « ceux qui veillent à la régularité et à la sécurité des activités réalisées par les traders et les vendeurs avec les fonds de leur établissement sont considérablement moins bien rémunérés que ceux qui prennent des positions sur les marchés, certes potentiellement lucratives mais aussi très risquées. Les germes des dysfonctionnements récents du système financier résident dans cette situation paradoxale, où l’appât du gain est davantage récompensé que la certitude de rentabilité. Les faits (scandale Kerviel à la Société générale, prises de positions irrégulières à la Caisse d’épargne) ont malheureusement corroboré ce triste constat. » (7).

2. Une déconnexion totale vis-à-vis de l’économie réelle

Les opérateurs financiers ont bénéficié, ces dernières années, de rémunérations excédant parfois celles des dirigeants mandataires sociaux des établissements les employant. À titre d’illustration, en 2007, les traders de Wall Street se sont partagés quelque 7,7 milliards d’euros de commissions (8). La seule banque d’affaires Goldman Sachs a versé, la même année, 20 milliards de dollars en salaires et bonus à ses employés, soit une moyenne de près de 662 000 dollars par employé.

Alors que la crise financière a considérablement impacté les résultats des établissements bancaires au cours de l’exercice 2008, l’attribution de bonus a perduré comme si de rien n’était. C’est ainsi, notamment, que JP Morgan, Citygroup, Goldman Sachs, Morgan Stanley, Merill Lynch et Bank of America ont accordé pour quelque 38 milliards d’euros de bonus.

En France, la banque Natixis, déficitaire à hauteur de 2,8 milliards d’euros, a versé 70 millions d’euros de primes à 3 000 de ses 5 650 collaborateurs l’an passé. De même, une récente enquête très documentée du quotidien Libération a révélé que, en dépit des pertes subies par la Société générale en 2007 du fait de l’affaire Kerviel (2,2 milliards d’euros pour la filiale banque d’investissement), de substantiels bonus avaient été versés aux traders de l’établissement en 2007 (jusqu’à 10,75 millions d’euros pour un chef de desk) et en 2008 (3 millions d’euros pour le même) (9), tandis que les analystes financiers et les secrétaires devaient se contenter de la portion congrue (avec respectivement 15 000 euros et 850 euros de rémunération variable).

Selon les calculs du cabinet de chasseurs de têtes Humblot Grant Alexander, les bonus octroyés au titre de l’exercice 2008 aux seuls traders des banques françaises devaient s’établir, en moyenne, entre 301 200 et 376 500 euros de prime, contre 753 000 euros un an plus tôt.

Ces pratiques sont d’autant plus inadmissibles que les établissements bancaires ont bénéficié d’aides publiques destinées à assurer leur solvabilité et la liquidité des prêts interbancaires. Dans le même temps, les entreprises, elles, ainsi que les particuliers n’ont pas eu droit au même altruisme de la part des établissements de crédit. Pour preuve, 15 620 entreprises ont eu recours à la médiation du crédit entre la mise en place du mécanisme et le 30 août 2009 ; dans le même temps, le nombre de dépôts de dossiers de surendettement a augmenté de 28 % entre avril 2008 et mars 2009.

Sur le plan des principes, le Parlement est fondé à se demander dans quelle mesure les aides publiques qu’il a consenties aux établissements bancaires à travers la garantie de l’État aux prêts les concernant (via la société de financement de l’économie française – SFEF) et l’apport de fonds propres publics (via la société des prises de participation de l’État – SPPE) n’ont pas, directement ou indirectement, subventionné les rémunérations accordées aux opérateurs de marchés de ces mêmes établissements. En l’occurrence, le doute est permis dès lors que l’État n’a pas exigé de contreparties en la matière dans les conventions le liant aux établissements aidés.

C. LE POUVOIR D’ACHAT EN BERNE DES SALARIÉS

La question du pouvoir d’achat préoccupe les Français. Les faits leur donnent raison puisque, depuis 2002, celui-ci stagne. De récentes études officielles, réalisées cette année par une mission présidée par le directeur général de l’INSEE (10) et le Conseil d’analyse économique (11) corroborent d’ailleurs ce constat. Dans ce contexte, la persistance de rémunérations excessives au sommet de la hiérarchie des entreprises et des établissements bancaires a de quoi interpeller.

1. Un phénomène qui dure …

Les revenus disponibles des salariés ont deux sources : les salaires et les transferts sociaux. Toute variation des premiers influe considérablement sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Or, dans son rapport publié le 13 mai 2009, la mission sur le partage de la valeur ajoutée a mis en évidence la stagnation de la part des salaires dans la valeur ajoutée des sociétés non financières depuis le milieu des années 1980.

PART DES SALAIRES DANS LA VALEUR AJOUTÉE
DES SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES

Source : rapport de la mission présidée par M. Jean-Philippe Cotis, p. 10.

Cette stabilité apparente masque toutefois des disparités. En effet, les salaires bruts ont connu une très légère augmentation pour les déciles de salariés à temps complet les plus modestes (1er et 2ème décile). Les classes moyennes ainsi que les salariés relativement qualifiés (du 3ème décile jusqu’au 99ème centile) n’ont pas connu, pour leur part, de véritable revalorisation de leurs revenus. En revanche, les hauts salaires (999ème millile) ont bénéficié d’une réelle croissance ces dix dernières années.

ÉVOLUTION DES QUANTILES DE LA DISTRIBUTION
DES SALAIRES BRUTS À TEMPS COMPLET DE 1996 À 2006

Catégories de salariés

évolution

Niveau moyen en 2006
(en €)

1er décile

1,0 %

16 581

2ème décile

0,9 %

18 606

3ème décile

0,8 %

20 429

4ème décile

0,6 %

22 377

5ème décile

0,6 %

24 595

6ème décile

0,6 %

27 384

7ème décile

0,6 %

31 189

8ème décile

0,6 %

37 218

9ème décile

0,6 %

49 752

95ème centile

0,7 %

65 647

98ème centile

0,8 %

92 694

99ème centile

1,1 %

119 940

999ème millile

2,5 %

297 605

Source : rapport de la mission présidée par Jean-Philippe Cotis, p. 57.

Naturellement, les variations de rémunérations observées pour les salariés les plus privilégiés ne s’expliquent pas uniquement par la croissance, même exponentielle, des émoluments des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de marchés. Il n’empêche que le Conseil d’analyse économique évalue à un tiers leur contribution à la tendance observée pour les 13 000 salariés les plus privilégiés de notre pays (999ème millile).

Lorsque l’on entre davantage dans le détail, les chiffres prouvent que, lorsqu’elle était aux responsabilités, la gauche a mené des politiques plus efficaces et plus justes en matière de pouvoir d’achat et de revenus.

Le graphique ci-après, établi par l’INSEE, révèle ainsi que la croissance du pouvoir d’achat des ménages s’est établie à plus de 3 % en moyenne entre 1997 et 2002, tandis qu’elle s’est effondrée à moins de 1 % depuis 2007. Surtout, il souligne que grâce à l’action du gouvernement de M. Lionel Jospin, les revenus nets d’activité des ménages français ont crû de plus de 3 % entre 1998 et 2002, ce qui ne s’est pas produit depuis, en dépit de la mise en œuvre de politiques présentées comme favorables au pouvoir d’achat.

C’est bien là la démonstration que, sur ces sujets, l’opposition a une vraie crédibilité tandis que la majorité a échoué.

ÉVOLUTION DES COMPOSANTES DES REVENUS DES FRANÇAIS
ET VARIATION DE LEUR POUVOIR D’ACHAT

Contribution des composantes du revenu à son évolution et évolution du pouvoir d'achat (en %)

Source : Comptes nationaux - Base 2000, INSEE

2. … aggravé par la hausse du chômage

La conjoncture actuelle n’arrange évidemment pas la situation difficile dans laquelle se trouvent beaucoup de ménages français. Plusieurs indicateurs sociaux font état d’une dégradation assez alarmante de l’emploi et des revenus de la grande majorité de nos compatriotes alors que, dans le même temps, le revenu global moyen des dirigeants mandataires sociaux du CAC 40, même en diminution de près de 58 % par rapport à son niveau de 2007, s’est établi à 1,96 million d’euros l’an passé.

Au premier rang des souffrances actuelles des Français figure la recrudescence soudaine du chômage et du sous-emploi. En moyenne, sur le premier semestre 2009, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail a atteint 9,5 % de la population active en France ; ce taux était de 7,6 % de la population active début 2008. L’INSEE estime plus globalement à 3,3 millions le nombre de personnes qui ne travaillent pas et souhaitent le faire, qu’elles relèvent officiellement ou non de la catégorie des demandeurs d’emploi.

Par ailleurs, conséquence directe de l’accroissement du chômage technique ou partiel, 5,9 % des personnes disposant d’un emploi ne travaillent pas autant qu’elles le désirent ; cette proportion était de 4,6 % un an plus tôt. Parmi ces quelque 1,5 million de salariés, les femmes sont particulièrement exposées.

Ces chiffres, pour le moins inquiétants, sont malheureusement appelés à perdurer, voire à s’aggraver. Au mois de septembre 2009, l’INSEE a révélé que 106 800 destructions nettes d’emplois ont été enregistrées en France au second trimestre de cette année, après 178 700 destructions au premier trimestre. Dans les secteurs marchands, le recul (- 113 700 emplois) s’est même révélé pire que les données provisoires avancées mi-août (- 74 100).

Les prévisions de la Commission européenne confirment ce pessimisme. Selon elle, le taux de chômage devrait atteindre 9,8 % de la population active d’ici la fin de l’année et 10,6 % en 2010.

Dans un tel contexte, la persistance de rémunérations excessives pour certaines catégories restreintes d’acteurs de l’économie crée une légitime incompréhension. Les dirigeants des grandes entreprises ainsi que les opérateurs de marchés, qui ont le plus profité du système spéculatif en faillite aujourd’hui, ne sauraient s’abriter derrière la spécificité de leurs fonctions pour s’exonérer de toute restriction de leurs émoluments. Il en va de la cohésion sociale et de l’adhésion de la population au capitalisme régulé que les pouvoirs publics appellent de leurs vœux.

II. – RÉDUIRE LES PRIVILÈGES LES PLUS EXORBITANTS DES DIRIGEANTS MANDATAIRES SOCIAUX ET DES OPÉRATEURS DE MARCHÉS : UN IMPÉRATIF D’ÉQUITÉ

À l’échelle de l’histoire économique, les écarts entre niveaux de rémunération des élites dirigeantes et des salariés ne se sont profondément creusés qu’au cours des quinze dernières années. À la différence de la gauche, qui lorsqu’elle était au pouvoir a adopté une grande loi sur les nouvelles régulations de l’économie (la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001) afin d’essayer de remédier aux abus, la majorité s’est contentée de mettre en œuvre des mesures ponctuelles depuis 2002. Adepte jusqu’alors de la transparence et de l’autorégulation, elle ne peut que constater, aujourd’hui, l’échec patent de la politique du laisser-faire en la matière. À travers la présente proposition de loi, le groupe SRC lui offre l’occasion d’agir concrètement pour marquer un coup d’arrêt aux dérives les plus condamnables.

A. PASSER DE LA PAROLE AUX ACTES

Depuis le début de l’année, les chefs d’État et de gouvernement des pays du G 20 dialoguent afin de mettre en place des règles internationales efficaces contre les dérives de la financiarisation de l’économie. S’il est vrai qu’à cette occasion une convergence de vues inimaginable un an plus tôt s’est faite jour, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir et beaucoup d’obstacles à franchir avant de voir se concrétiser dans l’ensemble des pays développés et en voie de développement un certain nombre de principes éthiques de bon sens réclamés à cor et à cri par l’opinion publique.

L’attitude des pouvoirs publics français constitue à cet égard une bonne illustration du décalage actuel entre les bonnes intentions affichées et leur absence de traduction. En l’occurrence, l’exécutif s’est contenté d’engagements formulés par les organisations professionnelles des entreprises et les établissements bancaires, au motif que la loi ne parviendrait pas à un meilleur résultat. Les faits tendent néanmoins à contredire cette appréciation : tout d’abord, les codes de bonne conduite se trouvent diversement appliqués par les principaux intéressés ; ensuite, certains de nos partenaires les plus importants n’ont pas hésité à prendre des dispositions législatives sans que cela n’affecte le redressement de leur économie.

1. L’échec patent de l’autorégulation

Au cours des années 1980, les organisations professionnelles des entreprises anglo-saxonnes ont élaboré, de concert avec des avocats, des règles de gouvernement d’entreprise qui se sont progressivement généralisées à l’ensemble des pays développés, du fait de la mondialisation des circuits financiers. En France, le MEDEF et l’AFEP ont élaboré un code de bonne gouvernance en 2003. Leurs premières recommandations officielles portant spécifiquement sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux de sociétés cotées remontent à janvier 2007. Elles ont été complétées par un certain nombre de précisions le 6 octobre 2008.

Avec le recul, il apparaît clairement que l’autorégulation n’a pas réussi à mettre un terme aux dérives et aux excès. Mêmes complétés par des exigences plus précises, les principes qui la sous-tendent souffrent d’un défaut rédhibitoire : ils ne peuvent produire leurs effets qu’avec le bon vouloir de ceux auxquels ils sont censés s’appliquer.

a) Les codes de bonne conduite élaborés par les organisations professionnelles des entreprises et le Haut comité de place

Soucieux d’éviter que le législateur ne leur impose des règles contraignantes après la mise à jour des responsabilités dans la survenance de la crise de l’automne 2008, les responsables patronaux et les dirigeants des principaux établissements financiers ont élaboré, en un temps assez bref, de nouveaux principes en matière de rémunération des dirigeants mandataires sociaux et d’opérateurs financiers.

Reprenant un certain nombre de préceptes énoncés en 2007, les nouvelles prescriptions formulées le 6 octobre 2008 par le MEDEF et l’AFEP exigent expressément des mandataires sociaux de sociétés cotées qu’ils abandonnent la protection spécifique que peut leur procurer un contrat de travail.

De même, elles spécifient qu’un dirigeant mandataire social ne peut recevoir d’indemnités de départ s’il se trouve lui-même en situation d’échec ou si l’entreprise qu’il dirige rencontre des difficultés. En outre, les indemnités réservées aux dirigeants qui n’ont pas démérité ne peuvent excéder deux années de rémunération, ce qui reste très significatif.

L’attribution de stock-options, quant à elle, se voit prohibée en périodes de cours baissier, favorables aux effets d’aubaine. L’interdiction de la décote de 20 % pour les dirigeants mandataires sociaux est également réitérée.

En matière de retraites complémentaires, l’AFEP et le MEDEF se sont prononcés pour un élargissement des régimes propres aux entreprises, afin qu’ils bénéficient, sous réserve de conditions d’ancienneté, à d’autres catégories de salariés. Pour le calcul des prestations, la période de référence doit désormais s’étaler sur plusieurs années, tout gonflement artificiel étant à proscrire.

Enfin, de manière à créer les conditions de la lisibilité en matière de rémunérations, il est procédé à une certaine standardisation des éléments devant être portés à la connaissance du public. L’idée consiste à faciliter les comparaisons.

Plus récemment, en février 2009, les organisations représentatives des banques, des compagnies d’assurance et des sociétés d’investissement se sont attelées, en liaison avec la direction générale du Trésor et de la politique économique et la Banque de France, à l’élaboration d’un code de bonnes pratiques en matière de rémunérations des opérateurs financiers. Ont notamment été prescrits, par ce biais :

– un changement d’assiette des rémunérations variables, lesquelles ne doivent plus reposer sur les revenus bruts générés par l’activité des opérateurs financiers mais sur les profits nets pour leur employeur ;

– un étalement des versements, la part variable ne pouvant être liquidée qu’en fonction des gains réels dégagés ;

– une diversification des rétributions, une partie se voyant versée en titres ou en options sur titres de l’établissement employeur alors que l’intégralité l’était jusqu’alors en numéraire ;

– enfin, une implication plus directe des conseils d’administration ou de surveillance des établissements employeurs dans la définition de la politique de rémunération de leurs professionnels des marchés.

En soi, toutes ces mesures présentent des avancées. Le problème est qu’elles heurtent de puissants intérêts particuliers et, à ce titre, rencontrent immanquablement des difficultés de mise en œuvre.

b) Un premier bilan pas convaincant

L’AMF, qui a été chargée d’effectuer le suivi de la mise en œuvre des nouvelles règles élaborées par le MEDEF et l’AFEP en matière de rémunération des dirigeants mandataires sociaux a dressé, le 9 juillet dernier, un premier bilan mitigé (12).

D’un point de vue quantitatif, certes, toutes les sociétés du CAC 40 ayant leur siège en France (soit trente-huit sociétés) ont adhéré aux prescriptions des organisations professionnelles. À l’échelle du SBF 120, 97 % des sociétés étaient dans ce cas, une seule société de droit français n’ayant pas communiqué son adhésion. Il reste que, d’un point de vue qualitatif, les constats de l’AMF sont plus nuancés.

C’est ainsi, notamment, que 18 % des sociétés contrôlées, dont les dirigeants sont concernés par un cumul de mandat social avec un contrat de travail, n’ont donné aucune information sur la politique qu’elles comptent appliquer aux mandats en cours. En outre, 15 % des sociétés qui ont apporté des éclaircissements sur les évolutions à venir ont indiqué vouloir maintenir le cumul d’un contrat de travail avec le mandat social exercé, en dépit de la prohibition du MEDEF et de l’AFEP.

Pour ce qui concerne les indemnités de départ : « L’AMF a par ailleurs observé que seul un faible nombre de sociétés [NDLR : 28 %] indiquent que le versement des indemnités de départ n’a lieu qu’en cas de départ contraint et lié à un changement de contrôle ou de stratégie et est donc exclu si le dirigeant quitte à son initiative la société, change de fonctions au sein du groupe ou a la possibilité de faire valoir ses droits à la retraite à brève échéance. S’agissant des indemnités de non-concurrence, il a été constaté que la majorité des sociétés ne les incluent pas dans le plafond de 2 ans fixé par le code AFEP/MEDEF. » (13). Un fois encore, des entorses sérieuses aux recommandations du MEDEF et de l’AFEP ont donc été constatées.

En matière de retraites complémentaires, l’AMF a également souligné que moins de 10 % des sociétés qu’elle a contrôlées mentionnent explicitement, dans leur document de référence, avoir pris en compte cet avantage dans la détermination de la rémunération globale des dirigeants mandataires sociaux.

Les critiques les plus fortes concernent cependant, sans grand étonnement, les attributions de stock-options. Ainsi, le document de l’AMF révèle que seulement 71 % des sociétés contrôlées ne procèdent à aucune décote sur le prix d’exercice des options, que 81 % imposent à leurs dirigeants de conserver une part importante des titres attribués jusqu’à la cession de leur mandat et enfin qu’à peine 12 % interdisent à leurs dirigeants de recourir à des instruments de couverture des options, qui annihilent en pratique tout risque lié aux cours boursiers.

Le cas des rémunérations des opérateurs de marchés n’est guère plus reluisant. À la faveur de la torpeur estivale, certains établissements bancaires de la place de Paris ont annoncé le retour à des pratiques que l’on croyait révolues, du moins tant que ces établissements bénéficient du soutien capitalistique de l’État. C’était sans compter sur les marges de manœuvre offertes par le code du Haut comité de place, qui relativise lui-même la valeur contraignante de sa portée en la liant aux évolutions internationales sur le sujet.

Sous la pression de l’opinion, les banquiers ont finalement consenti à ce que les bonus prévus soient échelonnés sur plusieurs années, de manière à conditionner le versement de certaines tranches aux performances réelles des intéressés. Il n’en demeure pas moins que cette concession apparaît de bien faible portée puisque les montants exorbitants évoqués sont déjà liquidés pour partie en titres de l’établissement et étalés dans le temps ; en outre, ils ne seront pas remis en cause, alors même que l’économie et la bourse demeurent convalescentes.

UN CAS PRATIQUE DE DISTRIBUTION DE BONUS : L’EXEMPLE DES MEMBRES D’UNE SALLE DE MARCHÉS DE LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, EN 2008

Catégorie

Bonus 2007-2008

Part en cash, versée en mars 2008

Part en actions de la société générale

Détaché France

1 000 000 €

525 000 €

475 000 €

Employé

2138 €

2138 €

Employé

33 250 €

33 250 €

Détaché France

3 000 000 €

525 000 €

2 475 000 €

Employé

3 000 000 €

525 000 €

2 475 000 €

Employé

114 000 €

82 000 €

32 000 €

Employé

1 000 000 €

525 000 €

475 000 €

Employé

66 500 €

58 250 €

8 250 €

Employé

23 750 €

23 750 €

Source : Libération, édition du 21 septembre 2009, p. 14

Au total, quelques mois à peine après leur formalisation, les préceptes de l’AFEP et du MEDEF ainsi que ceux du Haut comité de place révèlent l’ampleur de leurs limites. Une nouvelle fois l’autorégulation n’a pas réussi à moraliser les pratiques, de sorte que seul le législateur peut désormais infléchir le cours des choses.

2. Le législateur face à ses responsabilités

Depuis l’adoption de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations de l’économie, le Parlement n’a pas été saisi de véritable réforme d’envergure de la gouvernance des entreprises. Il a certes adopté des dispositifs ponctuels censés apporter des réponses aux excès constatés, mais ceux-ci n’ont pas eu les résultats escomptés.

La crise actuelle est l’occasion d’apporter une réponse véritablement structurante. Les pouvoirs publics s’y sont jusqu’à présent refusés, lui préférant des mécanismes temporaires. D’autres pays, comme les États-Unis et l’Allemagne, ont pourtant montré qu’il est possible de légiférer sans pour autant dégrader la compétitivité de l’économie. Avec l’échec de l’autorégulation, l’exécutif français et sa majorité parlementaire ne peuvent plus se dérober.

a) Les mesures prises jusqu’à présent

Depuis le début de la décennie actuelle, le législateur français a agi dans cinq directions.

Il s’est attaché, en premier lieu, à améliorer la transparence sur les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux. C’est la loi n° 2001-420 qui a posé les premières bases de l’information des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants et étendu le champ des conventions réglementées pour prévenir les conflits d’intérêts. Elle a été complétée sur ce point par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, en faveur de la confiance et de la modernisation de l’économie, qui a inclus les avantages en nature et les rémunérations différées des dirigeants sociaux dans le champ des conventions réglementées et précisé la nature des informations délivrées aux actionnaires. La portée de cette transparence demeure malgré tout relative, les aspects les plus importants se trouvant bien souvent masqués par la technicité et la masse des précisions apportées.

En deuxième lieu, le législateur a cherché, d’une part, à mieux corréler l’exercice des stock-options aux performances objectives de leurs bénéficiaires et, d’autre part, à élargir le champ de leurs attributaires. C’est ainsi que, aux termes de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de l’actionnariat salarié, le conseil d’administration ou, selon le cas, le conseil de surveillance doit décider que les options sur titres ne peuvent être levées par les intéressés avant la fin de leur mandat ou fixer le pourcentage des actions levées qu’ils sont tenus de conserver jusqu’à la fin de leur mandat. Plus récemment, la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a posé le principe selon lequel les options de souscription ou d’achat d’actions ne peuvent être attribuées à des dirigeants mandataires sociaux que si la société distribue des options identiques, des actions gratuites ou des primes d’intéressement ou de participation à l’ensemble de ses salariés ou au moins à 90 % de ceux-ci, filiales incluses.

En troisième lieu, le Parlement a conditionné l’attribution des indemnités de départ à la réalisation d’un certain nombre d’objectifs de performance. La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 a modifié en ce sens les articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce. Mais, plus de deux ans après la promulgation de ce texte, alors que son entrée en vigueur est désormais pleinement effective pour tous les dirigeants mandataires sociaux en poste, la définition des critères de performance pris en considération semble diversement mise en œuvre par les sociétés cotées.

En quatrième lieu, le Parlement a légitimement souhaité réajuster les régimes de prélèvements sociaux et fiscaux applicables aux rémunérations variables et exceptionnelles dont bénéficient un certain nombre de dirigeants mandataires sociaux de sociétés cotées. La loi n° 2007-1786 de financement de la sécurité sociale du 19 décembre 2007 a ainsi prévu que les sociétés versent une contribution spécifique sur les stock-options attribuées en leur sein à compter du 16 octobre 2007. L’assiette de cette imposition est égale, selon le choix de l’employeur, soit à la « juste valeur » de l’option calculée conformément aux normes IAS-IFRS, ce qui correspond à un taux de 10 %, soit au quart de la valeur de l’action sur laquelle porte l’option à la date de décision d’attribution de l’option, conduisant ainsi à un taux de 2,5 %. Plus récemment, la loi n° 2008-1330 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a assujetti aux cotisations sociales, dès le premier euro, les indemnités de départ des mandataires sociaux supérieures à un montant d’1 million d’euros. Parallèlement, à l’initiative du président de la commission des Finances, M. Didier Migaud, la loi n° 2008-1425 de finances initiale pour 2009 a plafonné à 200 000 euros le montant des indemnités de départ déductibles du bénéfice imposable au titre de l’impôt sur les sociétés, alors que les rémunérations différées pouvaient antérieurement être totalement déduites de cet impôt.

Enfin, en dernier lieu, le législateur s’est finalement préoccupé d’interdire, à titre temporaire, les rémunérations variables des dirigeants mandataires sociaux des entreprises aidées par l’État. Initialement, le pouvoir exécutif souhaitait s’en tenir à une intervention ponctuelle et d’ordre réglementaire. C’est ainsi que le décret n° 2009-348 du 30 mars 2009, relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des entreprises aidées par l’État ou bénéficiant du soutien de l’État du fait de la crise économique et des responsables des entreprises publiques, a interdit l’attribution de stock-options et d’actions gratuites aux dirigeants mandataires sociaux des entreprises faisant l’objet d’un soutien de la SPPE, soit les six principales banques françaises, ainsi qu’aux dirigeants mandataires sociaux des sociétés concernées par le plan automobile, soit Renault et PSA. Parallèlement, l’attribution de bonus s’est vue soumise à des critères de performance simples, préétablis pour une durée annuelle et publics. Considérant que ce dispositif restait trop limité dans sa portée, le Parlement a considéré qu’il convenait d’y inclure les entreprises bénéficiant des interventions du Fonds stratégique d’investissement (FSI), ce qu’il a fait lors de l’examen de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009, de finances rectificative pour 2009. Si de telles mesures présentent un intérêt évident, elles sont réversibles et limitées à la durée prévisible de la crise.

b) La nécessité de suivre l’exemple plus ambitieux d’autres pays

La crise de l’automne 2008 a poussé certains pays, pourtant traditionnellement peu enclins à l’interventionnisme législatif, à adopter des mesures encadrant les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux d’entreprises ou de sociétés commerciales.

Aux États-Unis, l’adoption, le 3 octobre 2008, de l’Emergency Economic Stabilization Act destiné à permettre le rachat par l’État fédéral de créances douteuses détenues par les banques américaines pour un montant d’environ 700 milliards de dollars a donné lieu à l’interdiction de parachutes dorés aux dirigeants des établissements bénéficiaires de cette aide publique en cas de faute avérée. L’American Recovery and Reinvestment Act du 17 février 2009 a complété ces mesures par un plafonnement à 500 000 dollars de la rémunération liquide
– c’est-à-dire hors titres, eux-mêmes gelés jusqu’au remboursement des aides – des dirigeants d’établissements bénéficiant du concours de l’État fédéral (banques et entreprises sous le régime du Trouble Asset Relief Program-TARP).

Certains pays européens, ont eux aussi transcrit dans leur réglementation une exigence similaire, lors de la finalisation des plans de sauvetage de leurs banques.

Ainsi, outre-Rhin, un décret du 20 octobre 2008 dispose qu’en fonction de la nature, du montant et de la durée des aides publiques obtenues, le fonds de sauvetage des établissements financiers peut imposer un plafond aux salaires, une rémunération supérieure à 500 000 euros étant qualifiée, en l’espèce, d’« inappropriée ». À titre complémentaire, le Bundestag et le Bundesrat ont définitivement adopté la loi du 31 juillet 2009 qui responsabilise davantage les conseils d’administration et de surveillance à l’égard des rémunérations consenties, instaure une franchise obligatoire de leur police d’assurance égale à un an et demi de leur rémunération et prolonge le délai au terme duquel les stock-options peuvent être levées, celui-ci passant à quatre ans.

Aux Pays-Bas, depuis le 1er janvier les présidents directeurs généraux et directeurs des quatre-vingt-dix sociétés cotées à la bourse d’Amsterdam subissent une majoration de la taxation de leurs primes de 30 % dès lors qu’ils gagnent plus de 500 000 euros annuels nets et que ces primes dépassent leur salaire annuel. Les sociétés cotées néerlandaises s’exposent, de leur côté, à une très lourde pénalité (15 % d’impôts supplémentaires sur leurs bénéfices) si elles augmentent un responsable à quelques mois d’un départ, de manière à gonfler sa retraite. Enfin, les avoirs en actions des présidents directeurs généraux et des autres mandataires sociaux sont gelés dès la première rumeur de rachat concernant leur entreprise et les quelque 700 directeurs de fonds d’investissement que compte le royaume se trouvent tenus de reverser au fisc le quart des revenus tirés des actions qu’ils détiennent dans leur propre société.

Enfin, en Belgique, le Gouvernement avait annoncé, le 7 novembre 2008, la préparation d’un projet de loi modifiant le code des sociétés qui visait à limiter les indemnités de départ des mandataires sociaux à un an de salaire, cette période de référence étant portée à quinze mois en cas d’ancienneté comprise entre 20 et 25 ans et à dix-huit mois au-delà. Le Conseil d’État a toutefois invalidé l’avant-projet, obligeant ainsi la préparation d’un nouveau texte avant tout engagement de la discussion parlementaire.

Tous ces exemples montrent que la loi peut représenter un instrument adapté pour encadrer sérieusement et efficacement les rémunérations excessives des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de marchés. Ce faisant, le Parlement français est placé devant ses responsabilités, notamment pour remédier aux carences de l’autorégulation évoquées précédemment.

B. UNE RÉGULATION À PORTÉE DE VOTE

Les réflexions conduites au Parlement depuis le début de la crise sur les meilleurs moyens de réguler l’économie, dans le cadre de la mission d’information éponyme de la commission des Lois ou de celui de la mission d’information de la commission des Finances sur les paradis fiscaux (14), ont montré que majorité et opposition partagent un certain nombre de préoccupations et peuvent se rejoindre sur des propositions concrètes. L’ampleur de la crise appelle néanmoins une traduction effective de ces propositions. En l’espèce, il n’est pas besoin d’attendre l’achèvement des négociations du G 20 car il y a urgence.

1. Un constat largement partagé

Les différents sommets du G 20 qui se sont tenus cette année, jusqu’au plus récent à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre derniers, ont montré une convergence inimaginable il y a quelques années à peine sur les voies et moyens de responsabiliser les acteurs de l’économie mondiale et de rendre celle-ci plus éthique. Par-delà leurs divergences politiques, les dirigeants des pays les plus industrialisés et des principaux pays en voie de développement ont su, dans l’intérêt général, trouver des compromis inédits, notamment au sujet de la supervision et de la rémunération des acteurs du système financier.

Au plan national, l’existence d’excès en matière de rémunérations de certains dirigeants mandataires sociaux et d’opérateurs de marchés ne fait pas davantage l’objet de contestation, y compris de la part des organisations professionnelles des entreprises. La nécessité d’une régulation plus importante de l’économie est également reconnue, même si des différences d’appréciation peuvent se faire jour sur la manière qu’elle doit prendre.

Depuis plusieurs mois, majorité et opposition se sont engagées dans un travail de réflexion au Parlement afin d’esquisser les contours de ce que doit être l’économie du XXIème siècle. Ce travail, au sein du groupe de travail sur la crise financière internationale, conjoint à l’Assemblée nationale et au Sénat, ou encore dans les commissions des Lois et des Finances de l’Assemblée nationale, au cours duquel chacun s’est attaché à œuvrer de manière constructive et efficace, a débouché sur des propositions souvent intéressantes, parfois inattendues.

L’unanimité n’a pu prévaloir s’agissant des rémunérations des mandataires sociaux et des opérateurs de marchés, mais tous les membres de la mission d’information de la commission des Lois, qui a rendu ses conclusions sur le sujet début juillet 2009, se sont accordés à reconnaître le besoin d’une intervention du législateur. Le temps de la réflexion se trouvant désormais révolu, il convient de traduire cette conviction dans la réalité.

Le groupe SRC souhaite que des avancées concrètes interviennent rapidement sur le sujet. À cet effet, il est prêt à ne pas rouvrir immédiatement le débat sur le bouclier fiscal, qui lui semble pourtant un point crucial du problème de l’inadéquation de certains revenus en France et sera vraisemblablement au cœur des échéances de 2012, afin de ne discuter d’ores et déjà que de dispositions susceptibles de recueillir l’aval de la majorité parlementaire, puisque comme l’indique l’exposé des motifs de la proposition de loi n° 1896, « elles reprennent les intentions maintes fois exprimées par l’exécutif ».

Sur un enjeu aussi déterminant pour la cohésion sociale de notre pays, les parlementaires de tous horizons doivent être capables de se retrouver. Face aux difficultés qu’ils rencontrent, les Français attendent cette attitude de la part de leur représentation parlementaire.

2. Des solutions proposées qui sont tout à la fois raisonnables, pragmatiques et opérationnelles

La proposition de loi visant à rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunérations des dirigeants d’entreprises et des opérateurs de marchés comporte des dispositions totalement réalistes et adaptées. Non seulement elle tient compte de la spécificité ainsi que du rôle de ces catégories d’acteurs économiques particuliers, mais elle préserve également les grands équilibres de fonctionnement des entreprises à statut de société commerciale.

Le texte poursuit trois grands objectifs, qui se déclinent en huit mesures concrètes.

Le premier de ces objectifs consiste à appliquer une certaine restriction aux rémunérations des dirigeants et des opérateurs de marchés des sociétés et établissements bancaires bénéficiant de l’aide financière de l’État.

À cet effet, l’article 1er plafonne à vingt-cinq fois la rémunération totale la plus basse de chaque entreprise aidée, le montant annuel pouvant être consenti aux dirigeants mandataires sociaux concernés. Grosso modo, cette disposition revient à plafonner à 300 000 euros la rétribution totale des responsables d’entreprises ou de banques aidées, ce qui correspond peu ou prou au plafond de 500 000 dollars instauré par l’administration Obama aux États-Unis. Parallèlement, l’article 7 prohibe l’attribution de stock-options dans les entreprises soutenues par l’État, l’intervention publique n’ayant pas vocation à procurer, à moyen terme, des plus-values à ceux qui sont les principaux responsables des difficultés ayant provoqué la recapitalisation ou l’octroi de prêts par les contribuables.

La proposition de loi vise en deuxième lieu à mettre un terme définitif aux travers juridiques qui ont permis les abus constatés ces dernières années en matière de rémunérations et avantages assimilés des dirigeants mandataires sociaux.

L’article 2 institutionnalise tout d’abord les comités des rémunérations, démembrements des conseils d’administration ou de surveillance plus spécialement chargés de définir la politique de rémunération de chaque société cotée. Il s’agit là d’une initiative proposée par la mission d’information de la commission des Lois sur les nouvelles régulations de l’économie (15), qui devrait par conséquent recueillir un large consensus. Sans remettre en cause la responsabilité des conseils, le texte associe l’assemblée générale des actionnaires et les salariés, via l’information des comités d’entreprises, à la poursuite de cette mission essentielle.

L’article 3 tend à ramener les rémunérations consenties aux dirigeants mandataires sociaux à davantage de mesure, en instaurant une corrélation légale entre la plus faible rémunération en équivalents temps plein versée dans chaque société commerciale et la rémunération des dirigeants mandataires sociaux. Les conseils d’administration et de surveillance se verraient en effet chargés d’établir un coefficient multiplicateur, validé par l’assemblée générale des actionnaires après avis du comité d’entreprise. On soulignera que le texte se garde de fixer lui-même ce coefficient, de manière à laisser aux organes sociaux responsables suffisamment de marges de manœuvre pour répondre équitablement aux besoins de chaque société. Il n’en demeure pas moins que ce mécanisme, en liant plus étroitement les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux à celles du reste du personnel, rendrait les premières plus légitimes et certainement moins exagérées.

Dans le même ordre d’idées, les articles 4 et 5 conditionnent fortement les modalités d’octroi d’indemnités de départ et de retraites complémentaires. Une fois encore, il convient de remarquer que le texte ne supprime aucun de ces avantages pourtant fortement décriés. Dans un souci de réalisme et de pragmatisme économique, l’attractivité de notre pays à l’égard des gestionnaires talentueux constituant une préoccupation légitime, il est seulement question de limiter les abus en plafonnant les indemnités de départ à deux fois la plus forte indemnité de licenciement prévue dans la société, ce qui mettra un terme aux parachutes dorés sans exposer les chefs d’entreprise à une insécurité personnelle inconvenante. De même, les régimes de retraite supplémentaire à prestations définies se verraient eux aussi limités à 30 % de la rémunération de la dernière année d’activité, ce qui demeure confortable, même pour une rémunération annuelle de quelques centaines de milliers d’euros.

L’article 6, quant à lui, interdit tout simplement l’octroi de stock-options dans les entreprises de plus de cinq ans. Cette mesure vise en fait, ni plus ni moins, à rétablir la vocation originelle des stock-options qui consiste à fidéliser sur le moyen terme les personnels les plus talentueux d’entreprises qui n’ont pas les moyens financiers de les rémunérer fortement (les start up). Une grande part des excès constatés ces dernières années réside dans l’emballement frénétique de la distribution et de la valorisation boursière des stock-options pour les seuls cadres dirigeants et opérateurs de marchés. Il convient de mettre un terme à cette tendance néfaste, sachant qu’il existe d’autres moyens de fidéliser et de rémunérer à leur juste valeur les personnels compétents d’entreprises qui ont su se développer.

Le dernier objectif de la proposition de loi n° 1896 porte sur la limitation des rémunérations variables des opérateurs de marchés, qui excèdent dans certains cas celles des principaux responsables de l’établissement ou de la société qui les emploie. L’article 8 prévoit à cet égard un plafonnement de cette rémunération variable au montant de la rémunération annuelle fixe, de manière à réduire significativement la propension au risque de ces professions, largement à l’origine de la crise actuelle.

Là aussi, la mesure est tout sauf antiéconomique, puisque les opérateurs de marchés conserveraient la perspective de bonus. Le mécanisme serait néanmoins plus transparent et surtout davantage corrélé aux résultats objectifs de chacun, de sorte que toute prise de risque inconsidérée serait susceptible de se traduire effectivement sur la rémunération variable. En la matière, la régulation doit assurément intervenir aussi au niveau mondial ; pour autant, la voix de la France sera d’autant plus écoutée par ses partenaires, au moment de transcrire dans le droit les principes actés au niveau multilatéral, qu’elle aura elle-même montré la voie.

En résumé, pour initier en douceur une régulation que les Français appellent de leurs vœux sans pour autant dégrader l’attractivité des sociétés et de la finance françaises, la présente proposition de loi vise moins à remettre en question les avantages auxquels peuvent prétendre les mandataires sociaux et les opérateurs de marchés qu’à les moraliser et les rendre plus acceptables.

Compte tenu des avancées obtenues au sein du G 20 et de l’Union européenne, le législateur a une opportunité historique de corriger les travers d’une économie qui a malencontreusement dérivé de la production de richesses vers la spéculation. Il est temps de saisir cette opportunité, dans l’intérêt de la préservation de la cohésion nationale.

*

* *

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine la proposition de loi visant à rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunérations des dirigeants d’entreprises et des opérateurs de marché (n° 1896) au cours de sa séance du mercredi 7 octobre 2009.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale a lieu.

M. Pascal Terrasse. Cette proposition de loi n’a pas pour objet de réaliser le « grand soir », mais seulement de prendre en compte l’évolution de l’opinion publique. Nos concitoyens ne font pas que souffrir des conséquences de la crise économique : ils sont également choqués par les écarts incompréhensibles de revenus entre ceux qui travaillent et ceux qui dirigent les entreprises.

C’est pourquoi nous proposons de limiter la rémunération des dirigeants de société à 25 fois la plus basse rémunération versée à un salarié. Après les discours – chacun se souvient des propos tenus par le Président de la République à Toulon et à Saint-Quentin – nous passerons ainsi aux actes. C’est notre responsabilité de législateur.

S’agissant des stock-options, nous proposons, non de remettre en cause leur existence, mais de les encadrer dans les entreprises bénéficiant d’une aide de l’État. Il serait en effet curieux, au moment où l’on prétend revaloriser la « valeur travail », que l’argent public serve à distribuer des stock-options.

Je rappelle que les comités de rémunération existent déjà dans de nombreux pays et qu’il n’est pas anormal que les mandataires sociaux puissent fixer le cadre de la rémunération des chefs d’entreprise. Pour le moment, certains dirigeants parviennent à auto-organiser leur propre rémunération au moyen de participations croisées au sein des conseils d’administration.

En dernier lieu, n’oublions pas que le traitement mensuel des parlementaires que nous sommes est inférieur à ce que gagnent, par jour, les dirigeants de la plupart des PME et des PMI, et qu’un cadre moyen travaillant dans un établissement financier gagne autant que nous. Je crois que cela mérite réflexion.

M. Alain Vidalies. Une question très simple se pose à nous : quand passerons-nous enfin des déclarations aux actes face à la crise financière ?

Nous avons fait le choix de ne pas vous proposer de revenir, à la faveur de cette proposition de loi, sur un certain nombre de dispositions fiscales adoptées à l’initiative du gouvernement, notamment le bouclier fiscal. Nous vous proposons en revanche des mesures précises concernant les stock-options, qui ont tant défrayé la chronique.

Ce mécanisme, que nous avons contribué à instaurer, avait pour objet de favoriser le recrutement de cerveaux dans des sociétés ne disposant pas de suffisamment de capital ou de fonds propres. Notre but n’était pas de permettre l’attribution de sommes considérables à des individus dont la seule contribution à la vie économique est d’avoir été inspecteur des finances avant de devenir PDG d’entreprises privatisées par l’État – dans certains cas, nous ne sommes pas loin de ce qui s’est passé lors des privatisations dans l’ancien bloc de l’Est.

Pour favoriser la transparence en matière de rémunération, nous proposons, non d’instaurer une grille unique qui serait applicable dans toutes les entreprises, mais de permettre aux actionnaires de se prononcer en toute connaissance de cause, sur la base d’un rapport établi par un comité des rémunérations indépendant, et aux salariés de participer au processus par l’intermédiaire des comités d’entreprise ou bien par la présence de leurs représentants au sein du comité des rémunérations. Nous contribuerons ainsi à faire évoluer les relations entre le capital et le travail au sein de l’entreprise, comme le Président de la République nous invite à le faire – ce n’est certes pas mon auteur préféré, mais nous pouvons l’écouter.

M. Jacques Alain Bénisti. La comparaison entre le salaire des cadres moyens dans le secteur bancaire et le traitement des députés pourrait peut-être nous inciter à voter cette proposition de loi si celle-ci n’était pas totalement dépassée. Cela fait des mois que le Président de la République s’est engagé sur cette question au plan européen et au plan international, dans le cadre du G20. On ne peut même pas dire que vous prenez le train en marche : vous êtes encore sur le quai de la gare !

Sur le fond, on peut être d’accord avec certaines des mesures que vous proposez, mais il est évident qu’une action limitée à notre seul pays ne ferait que conduire à la délocalisation de certaines activités dans d’autres pays. S’en tenir à la France serait une grossière erreur.

Nous pourrons peut-être voter l’article 2, puisqu’il ne fait que reprendre une des préconisations de l’excellent rapport d’information rédigé par Philippe Houillon ; en revanche, il me paraît impossible d’approuver le reste du texte.

M. Philippe Houillon. Je rappelle que notre Commission a adopté, à l’unanimité, le rapport d’une mission d’information dont Philippe Vuilque faisait partie, et que ce rapport ne faisait absolument pas référence à un plafonnement des rémunérations. La situation des entreprises étant très variée, il serait inopportun d’édicter des règles uniformes.

Comme l’a dit Jacques Alain Bénisti, nous pourrions, en revanche, adopter l’article 2, qui reprend l’une des propositions de la mission d’information, à savoir l’institutionnalisation des comités de rémunération.

M. le rapporteur. Les auditions organisées dans le cadre de la mission d’information nous ont permis de constater que tout le monde était d’accord sur un point : la situation actuelle ne peut pas durer. Une partie du patronat considère que la création du comité des sages présidé par Claude Bébéar ne suffit pas, car les dérives continuent – chacun a pu le constater cet été. De son côté, Mme Lagarde nous a expliqué qu’il valait mieux éviter de légiférer, l’autorégulation étant préférable à ses yeux, mais nous avons pu constater que cette solution ne marchait pas ! Il faut donc que nous prenions nos responsabilités. Le Président de la République n’a d’ailleurs pas dit autre chose : nous devons choisir entre la jungle et la loi.

Je me félicite que le Président de la République se soit engagé sur ce sujet au plan international, Monsieur Bénisti, mais je ne vois pas pourquoi cela nous devrait nous empêcher de légiférer. Les États-Unis l’ont fait, en plafonnant les rémunérations des chefs d’entreprises aidées par l’État. Malgré une forte mobilisation du patronat, l’Allemagne a également adopté des mesures en matière de rémunérations des dirigeants. Rien de tout cela n’est incompatible avec les discussions engagées dans le cadre du G 20.

M. Houillon récuse la logique du plafonnement. Je serais d’accord avec lui si ce que nous proposons était généralisé à toutes les entreprises. Or, ce n’est pas le cas : il s’agit seulement d’encadrer les pratiques dans les entreprises aidées par l’État. C’est une question de moralité publique. Puisque l’État paie, il est normal qu’il impose des règles, ce qu’il n’a pas fait jusqu’à présent.

On peut naturellement débattre du coefficient de 25, mais il correspond à la moyenne constatée au cours des dernières années – et à peu près au plafond de 500 000 dollars appliqué aux États-Unis. Qui pourrait trouver scandaleux d’encadrer la rémunération des patrons de sociétés renflouées par l’État après avoir s’être trouvées en situation de faillite sur les marchés ?

D’autre part, je rappelle que nous avons pris la précaution de laisser aux entreprises le soin d’adopter le coefficient multiplicateur qui leur paraîtra souhaitable compte tenu de leur situation économique. Il est donc faux de prétendre que ce texte instaure un plafonnement.

Je suis heureux de constater que l’article 2 fait, en revanche, l’objet d’un consensus.

Il est vrai que nous avons voté avec la majorité le rapport de la mission d’information ; mais nous avions fait des propositions complémentaires sur un certain nombre de points.

La Commission aborde ensuite l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

La proposition de loi n° 1896, déposée le 2 septembre 2009 sur le Bureau de l’Assemblée nationale par le président et les membres du groupe SRC, traduit dans les faits une partie des conclusions avancées par les députés socialistes, radicaux et citoyens au terme du premier volet des travaux de la mission d’information de la commission des Lois sur les nouvelles régulations de l’économie (16). Ce n’est pas un hasard, en effet, si le texte embrasse à la fois le problème des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux et celui des émoluments souvent scandaleux des opérateurs de marchés.

Nonobstant ses divergences de fond avec la majorité, le groupe SRC souhaite que des améliorations du cadre législatif en vigueur interviennent rapidement. C’est la raison pour laquelle la proposition de loi n’aborde que des aspects relativement techniques, sur lesquels un consensus paraît possible.

TITRE IER

EXIGENCES APPLICABLES AUX RÉMUNÉRATIONS DES DIRIGEANTS D’ENTREPRISES, MANDATAIRES SOCIAUX ET OPÉRATEURS DE MARCHÉS

*

La Commission adopte l’amendement de suppression CL 1 du rapporteur.

Article 1er

(art. L. 225-185-1 [nouveau] du code de commerce)

Plafonnement des rémunérations des dirigeants d’entreprises bénéficiaires d’une aide publique sous forme de recapitalisation

Le niveau actuel de rémunération des dirigeants de grandes sociétés françaises cotées apparaît totalement injustifié quand elles se trouvent en difficulté, et a fortiori quand elles sont aidées par l’État. Conséquence de la crise financière de l’automne 2008, le législateur a été amené à débloquer, sur le fondement de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie, quelque 19,8 milliards d’euros destinés à renforcer les fonds propres des plus grands établissements de crédit français. Par ailleurs, un Fonds stratégique d’investissement doté de 20 milliards d’euros a été mis sur pied afin de soutenir des entreprises clés pour le pays.

Dans un premier temps, peu voire pas de contreparties ont été exigées par l’exécutif auprès des établissements concernés puis des autres entreprises aidées (dans le secteur de l’automobile notamment) en matière de modération des rémunérations des cadres dirigeants. Puis, sous la pression insistante de l’opposition, le Gouvernement a cherché à apporter une réponse à travers le décret n° 2009-348 du 30 mars 2009, relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des entreprises aidées par l’État ou bénéficiant du soutien de l’État du fait de la crise économique et des responsables des entreprises publiques.

SYNTHÈSE DES ENGAGEMENTS ÉTHIQUES PRIS PAR LES ENTREPRISES
BÉNÉFICIANT D’UNE AIDE CAPITALISTIQUE DE L’ÉTAT

 

SFEF

SPPE

Entreprises concernées

Crédit agricole, CNCE, Crédit mutuel, Société Générale, BNP, Banques populaires + 7 autres organismes

Les six grandes banques et Dexia

Conventions

Prévues par la loi du 16 octobre 2008, valides jusqu’à la fin des engagements vis-à-vis de l’État ; signées le 26 octobre par les principaux groupes

Signées le 8 décembre 2008, amendées le 30 mars 2009 en application du décret du 30 mars 2009 ; valides jusqu’au 31 décembre 2010

Dexia : signature de la convention le 22 avril 2009, valide jusqu’au 31 décembre 2010

Application des recommandations AFEP/MEDEF

OUI

Conventions État-banques

OUI

Réitération des articles des conventions État-banques

Distribution d’options de souscription ou d’achat d’actions et d’actions gratuites

Soumise à conditions dans la convention et les recommandations AFEP/MEDEF ;

Reformulation plus précise possible en conséquence de la loi de finances rectificative (LFR) d’avril 2009, par amendement des conventions État-banques

Interdiction pour les mandataires sociaux (décret du 30 mars).

Insérée dans l’avenant du 30 mars aux conventions État-banques et pour Dexia, dans la convention du 22 avril 2009

Autres éléments de rémunération variable, indemnités, avantages indexés sur performance

Principes généraux dans les conventions, complétés par les recommandations AFEP/MEDEF ;

Reformulation plus précise possible en conséquence de la LFR d’avril, par amendement des conventions État-banques

Soumis à conditions strictes dans convention et interdiction si licenciement (décret du 30 mars).

Insérées dans l’avenant du 30 mars aux conventions SPPE et pour Dexia, dans la convention du 22 avril 2009

Rémunération différée (« retraites chapeau »)

Recommandations vagues dans la convention et les recommandations AFEP/MEDEF ;

Reformulation plus précise possible en conséquence de la LFR d’avril, par amendement des conventions État-banques

Soumise à conditions strictes (LFR d’avril) : la création de régimes de retraite à prestations définies au bénéfice des dirigeants et l’octroi de droits potentiels plus favorables à ceux qui en bénéficient sont interdits pendant la durée de la convention (décret du 20 avril). Avenant des conventions à prévoir

Pour Dexia : dans la convention du 22 avril 2009

Eléments exceptionnels (parachutes dorés, primes d’arrivée…)

Conventions État-banques : plafonnement à deux ans de rémunération et versement sous conditions (recommandations AFEP/MEDEF); pas de versement en cas d’échec du dirigeant

Soumis à conditions et interdictions, comme les autres éléments de rémunérations variables (décret du 20 avril): Avenant des conventions à prévoir

Pour Dexia : dans la convention du 22 avril 2009

Cour des comptes, rapport public du 29 juin 2009 sur les concours publics aux établissements de crédit.

Mais, cette réponse s’est avérée imparfaite car temporaire et circonscrite à l’encadrement de certaines formes de rémunération seulement. L’interdiction de la distribution de stock-options et le conditionnement de l’octroi de bonus à des critères de performance pour les deux années à venir ont donc été rapidement étendus par le Parlement aux entreprises bénéficiant des interventions du Fonds stratégique d’investissement, lors de l’examen de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009.

De fait, la collectivité assume le coût du redressement de plusieurs entreprises et établissements bancaires par le biais d’injections de capitaux sous forme de quasi-fonds propres ou de prêts. Son but est de renforcer la structure financière de ces sociétés ou de leur fournir les moyens nécessaires à leurs investissements. Dans de telles conditions, les fonds ainsi apportés par l’État ne sauraient être utilisés pour maintenir, voire accroître, le niveau de rémunération élevé dont bénéficient déjà les dirigeants de ces sociétés. Il serait profondément choquant que ceux-ci soient récompensés de la mauvaise gestion qui les a conduits à demander l’aide de l’État.

La justice réclame également qu’ils participent, à l’instar de l’ensemble des salariés, aux efforts de redressement de leur entreprise en acceptant une maîtrise de leur rémunération. Le législateur est dans son rôle lorsqu’il cherche à s’assurer que l’intervention de l’État soit concentrée sur les objectifs poursuivis, à savoir le sauvetage ou la pérennisation des entreprises, en évitant que les moyens débloqués soient détournés à d’autres fins, et notamment à la rémunération des dirigeants mandataires sociaux.

Le groupe SRC ne se satisfait pas des mesures adoptées ces derniers mois. Il les trouve trop parcellaires et d’une portée très limitée, si l’on en juge le niveau des rémunérations octroyées en 2008 aux dirigeants de sociétés recapitalisées en partie par l’État, qui avoisinent 650 000 euros annuels pour les plus faibles. Un encadrement plus significatif s’impose donc.

RÉMUNÉRATIONS DES DIRIGEANTS MANDATAIRES SOCIAUX
DES PRINCIPALES SOCIÉTÉS RECAPITALISÉES PAR L’ÉTAT EN 2008

Sociétés aidées

Rémunération totale

Variation 2008/2007

Secteur financier

 

Dexia

1 692 110 €

- 9,25 %

Société générale

962 742 €

- 22,98 %

BNP-Paribas

945 833 €

- 70,23 %

Crédit Agricole

920 000 €

- 39,76 %

Caisses d’épargne

821 242 €

- 74,50 %

Banques Populaires

651 721 €

- 66,86 %

Industrie

 

Valeo

1 692 190 €

- 10,91 %

Renault

1 200 000 €

- 53,70 %

PSA

1 030 000 €

- 45,98 %

Cet article de la proposition de loi reprend, à quelques ajustements formels près, les dispositions figurant à l’article 2 de la proposition de loi n° 1544 du groupe SRC relative aux hauts revenus, discutée en séance publique les 30 avril et 5 mai 2009. Il plafonne la rémunération nette des dirigeants des sociétés aidées par l’État à vingt-cinq fois le montant de la rémunération la plus basse constatée dans chaque entreprise concernée.

Dès lors que la rémunération étalon se situe au niveau du SMIC, le plafond ainsi mis en place avoisine la somme de 300 000 euros annuels, soit environ 25 000 euros par mois. Le multiple choisi – vingt-cinq – correspond aux écarts qui prévalaient dans presque tous les pays jusqu’aux dérives des deux dernières décennies ; aujourd’hui, le rapport entre la rémunération d’un dirigeant de grande société cotée et le salaire le plus bas de son entreprise est supérieur à trois cents – ce qui correspond à plus de 300 000 euros mensuels –, en totale rupture vis-à-vis des évolutions antérieures. En outre, le plafond de 300 000 euros annuels institué par le présent article est voisin de celui fixé par le Président Obama pour les entreprises aidées par l’État fédéral américain.

Les sociétés concernées sont les sept banques aidées par la société de prise de participations de l’État (17), les quatre constructeurs automobiles bénéficiant des prêts de l’État (18) ainsi que les entreprises dont une part du capital est détenue par l’État, ce qui inclut notamment celles dans lesquelles le Fonds stratégique d’investissement intervient (19).

En liant la rétribution des dirigeants mandataires sociaux à celles des salariés, un tel dispositif permet d’éviter une trop grande divergence des évolutions de rémunérations des différentes composantes des entreprises. Ce faisant, il renforce l’acceptabilité sociale des émoluments consentis aux cadres dirigeants.

Le texte, s’il s’applique plus particulièrement aux établissements de crédit recapitalisés via la SPPE et aux entreprises aidées par l’intermédiaire du FSI, a néanmoins une portée plus large et permanente en ce qu’il vise toute société aidée sous la forme d’une recapitalisation. Le passé récent montre qu’une telle éventualité ne relève pas d’un cas d’école : pour mémoire, à l’été 2004, l’État a pris 21 % du capital d’Alstom pour un montant de 720 millions d’euros et, en 2003, il a procédé, par l’intermédiaire de l’ERAP – établissement public détenant des participations dans diverses entreprises industrielles –, à une prise de participation au sein du capital de France Télécom de l’ordre de 9 milliards d’euros. C’est donc bien une mesure structurante que le présent article se propose de prévoir au sein du code de commerce.

*

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2

(art. L. 225-35-1 [nouveau] du code de commerce)


Institutionnalisation par la loi des comités des rémunérations

Les modalités de détermination et de fixation des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux au sein des sociétés cotées relèvent d’un processus institutionnel assez complexe, peu encadré par la loi. Le code de commerce ne reconnaît en effet que la responsabilité des conseils d’administration et de surveillance alors que d’autres instances interviennent également. Au premier rang d’entre elles figurent les comités des rémunérations, dont chacun s’accorde à saluer l’utilité. Il reste que, faute de statut légal, ceux-ci revêtent des formes variables et fonctionnent de manière très différenciée, ce dont le législateur et les autorités de régulation compétentes ne se satisfont plus. Le présent article de la proposition de loi vise justement à remédier à cette situation.

1. Une reconnaissance législative opportune et nécessaire

Les articles L. 225-47 et L. 225-53 du code de commerce confèrent au conseil d’administration de chaque société anonyme le pouvoir de déterminer la rémunération de son président ainsi que celle du directeur général et des directeurs généraux délégués, impliqués quant à eux dans la gestion opérationnelle. Lorsque les sociétés anonymes choisissent le statut de société à directoire et conseil de surveillance, c’est le conseil de surveillance qui détermine la rémunération de l’exécutif gestionnaire en application de l’article L. 225-63 du même code.

Depuis les années 1990, les conseils d’administration ou de surveillance de la plupart des grandes sociétés cotées ont mis en place, sur une base totalement informelle et discrétionnaire à défaut de disposition législative expresse, des démembrements spécialisés auxquels ils délèguent le soin de préparer plus particulièrement leurs décisions relatives à la situation financière et comptable (comités d’audit), aux nominations (comités des nominations) et aux modalités de rémunération des dirigeants (comités des rémunérations). L’AMF évalue à 73 %, le nombre de sociétés françaises cotées qui en disposent, contre 67 % auparavant. La proportion atteint 96 % parmi les sociétés figurant dans l’échantillon Euronext A (37 sociétés du CAC 40 et 13 autres de taille importante, à l’instar de Areva, Atos Origin, Havas ou Thales) et 50 % seulement pour les autres (20).

Les membres de ces instances sont assidus, leur taux de présence atteignant 95 %. Selon l’AMF, près des trois-quarts sont composés au moins pour moitié par des administrateurs indépendants – ce pourcentage étant de 81 % pour les sociétés de l’échantillon Euronext A et de 62 % pour les autres – ; en outre, dans 82 % des cas, leur président est différent de celui du conseil d’administration ou de surveillance.

Ces chiffres encourageants masquent malgré tout de grandes disparités dans la pratique. En effet, les sociétés cotées conçoivent de manière diverse le rôle, la composition et le fonctionnement de ces instances. La raison de ce constat tient à leur absence de statut légal.

Dans son rapport d’information rendu public en juillet 2009, la mission d’information de la commission des Lois sur les nouvelles régulations de l’économie relevait elle-même qu’« un progrès substantiel pourrait résulter d’un minimum d’harmonisation par la loi, à commencer par l’instauration d’une obligation de mettre en place de tels comités dans les sociétés cotées qui n’y ont actuellement pas recours. La généralisation de ces comités, outre qu’elle reviendrait à conforter une attitude largement adoptée sur la place financière française, permettrait également de légitimer les émoluments accordés. » (21).

Une intervention du législateur apparaît d’autant plus opportune que l’ordonnance n° 2008-1278 du 9 décembre 2008 transposant la directive 2006/43/CE du 17 mai 2006 et relative aux commissaires aux comptes a conféré un statut légal, à l’article L. 823-19 du code de commerce, aux comités d’audit, qui constituent un autre type de comité spécialisé relevant des conseils d’administration ou de surveillance.

2. Une composition, un rôle et un fonctionnement tout à la fois souples et encadrés

Conscient de la nécessité de concilier l’encadrement des pratiques avec la nécessaire souplesse de la règle applicable à des sociétés dont chaque cas est spécifique, le groupe SRC propose un dispositif équilibré. En l’espèce, le nouvel article L. 225-35-1, que la présente proposition de loi vise à introduire au sein du code de commerce, poursuit un triple objectif.

En premier lieu, il tend à rendre obligatoire l’instauration de comités des rémunérations au sein de chaque société anonyme française cotée, qu’elle procède d’un conseil d’administration (cas des sociétés monistes) ou d’un conseil de surveillance et d’un directoire (cas des sociétés dualistes). Il ne s’agit là, ni plus ni moins, que la reprise des préconisations de la mission d’information de la commission des Lois sur les nouvelles régulations de l’économie.

En deuxième lieu, le texte précise la composition de ces comités. En l’espèce, le nombre de leurs membres est fixé à sept : six issus du conseil d’administration ou de surveillance et, afin de garantir un regard indépendant et objectif, un commissaire aux comptes. L’article n’entre pas davantage dans le détail de cette composition, laissant ce soin à un décret, conformément aux prescriptions de l’article 37 de la Constitution. À ce stade, toutefois, le législateur ne peut qu’attirer l’attention du pouvoir réglementaire sur la nécessité de garantir une composition équilibrée de ces comités, nombre d’entre eux comportant actuellement plusieurs homologues des dirigeants de l’entreprise.

À titre d’illustration, on rappellera qu’au sein de la société Air Liquide, le comité des rémunérations est composé de M. Lindsay Owen Jones, président du conseil d’administration de L’Oréal, M. Alain Joly, ancien président du conseil de surveillance de l’entreprise, M. Thierry Desmarest, président du conseil d’administration de Total, et M. Cornelis van Lede, président du conseil de surveillance de Heineken NV. De même, dans le cas de Total, le comité des rémunérations comprend MM. Michel Pébereau, président du conseil d’administration de BNP-Paribas, Bertrand Collomb, ancien président du conseil d’administration de Lafarge et Serge Tchuruk, ancien président du conseil d’administration d’Alcatel-Lucent. Naturellement, de telles configurations ne doivent pas rester majoritaires si l’on souhaite favoriser un contrôle interne plus pertinent et objectif.

En troisième et dernier lieu, le texte énumère précisément et limitativement les missions des comités des rémunérations. Cette démarche est assurément utile en ce qu’elle empêche toute restriction par les conseils d’administration ou de surveillance des domaines d’investigation des comités. Aux termes de l’article L. 225-35-1, les comités des rémunérations se verront chargés :

– d’examiner toute question relative à la détermination de la part variable de la rémunération des mandataires sociaux, et notamment de définir les modalités de cette détermination ainsi que d’en apprécier la pertinence ;

– de définir les règles de fixation de la part variable des rémunérations des mandataires sociaux, dont il serait rendu compte dans un rapport annuel à l’assemblée générale joint au rapport prévu à l’article L. 225-100 du code de commerce ;

– d’apprécier, sur la base des documents de référence annuels ou sur celle des déclarations des intéressés, l’ensemble des rémunérations et avantages perçus par les mandataires sociaux du fait de leur position dans une autre société, à savoir les jetons de présence, dividendes et indemnités diverses ;

– d’évaluer les conséquences pour la société et les actionnaires, au regard de la dispersion du capital et du rapport annuel des titres émis, des plans d’options donnant droit à la souscription d’actions qui sont envisagés ou mis en œuvre, cette dimension qualitative du contrôle revêtant une portée essentielle et devant empêcher les abus trop souvent constatés ces dernières années dans certaines sociétés du CAC 40 ;

– enfin, d’établir en début d’exercice un rapport annuel à l’attention de l’assemblée générale des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants de la société, la politique de rémunération de l’entreprise et les objectifs ainsi que les modes de rémunération qu’elle met en œuvre. Sur ce dernier point, la proposition de loi apporte un garde-fou supplémentaire par rapport au droit existant, en offrant la possibilité aux institutions représentatives du personnel d’interroger les dirigeants de la société sur le contenu de ce document. L’objectif est d’associer plus étroitement le personnel au contrôle de la politique de rémunération des cadres dirigeants, sans outrepasser sa vocation en la matière par rapport à celle des actionnaires détenteurs du capital. Dans un souci de transparence, les questions ainsi que les réponses ont vocation à figurer dans le rapport, sous forme d’annexes, avant qu’il ne soit in fine validé par l’assemblée générale.

À la différence d’une proposition de loi déposée en mai dernier par le groupe Nouveau Centre (22), qui visait à transférer à l’assemblée générale des actionnaires le pouvoir de déterminer la rémunération des dirigeants mandataires sociaux, la présente proposition de loi se veut réaliste. En l’espèce, les conseils d’administration et de surveillance conserveront leurs prérogatives et demeureront responsables devant les actionnaires. Le texte n’introduit pas non plus les salariés dans les instances chargées d’aider les conseils à prendre leurs décisions ; il se contente de favoriser un accès plus direct aux informations et donne aux représentants du personnel la possibilité de demander des comptes, dans la perspective de la réunion de l’assemblée générale des actionnaires devant approuver le rapport annuel.

Au total, le dispositif proposé devrait répondre à une préoccupation formulée sur tous les bancs de l’Assemblée nationale de manière à la fois pragmatique, afin de ne pas sacrifier les impératifs économiques au nécessaire renforcement de l’éthique, et efficace.

*

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL 2, CL 3 et CL 4 du rapporteur.

Elle examine ensuite un amendement CL 8 de M. Jean-Luc Warsmann.

M. le président Jean-Luc Warsmann. L’article prévoit déjà que les conditions d’application seront fixées par décret en Conseil d’État. Je vous propose d’adopter un amendement ajoutant au II de l’article l’alinéa suivant : « Ce décret fixe également les conditions de chiffre d’affaires et d’effectifs des sociétés auxquelles s’applique le I ». Cela permettra d’établir des seuils pour éviter de viser les petites sociétés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 ainsi modifié.

Article 3

(art. L. 225-35-2 [nouveau] du code de commerce)


Plafonnement des rémunérations des cadres dirigeants des sociétés cotées par les conseils et assemblées générales, après avis des comités d’entreprise

« Les rémunérations des dirigeants des plus grandes sociétés faisant appel public à l’épargne en France atteignent des montants qui peuvent donner le vertige aux salariés modestes et aux classes moyennes. Alors que, selon le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERCS), le revenu médian annuel des Français s’établissait en 2007 à 15 780 euros pour une personne seule et 23 664 euros pour un couple, le revenu moyen des responsables des plus grosses entreprises se situait, quant à lui, aux alentours de 5 millions d’euros, soit de 208 à 312 fois plus. ». Ce constat sans appel de la mission d’information de la commission des Lois sur les nouvelles régulations de l’économie (23) conforte l’analyse que le groupe SRC a défendue depuis l’apparition de la crise économique actuelle.

Alors qu’entre la fin de la seconde guerre mondiale et le début des années 1980, l’écart de rémunérations entre responsables de grandes entreprises ou d’établissements bancaires et les salariés de base n’a jamais excédé un rapport de 1 à 20, il a plus que décuplé depuis sans que le mérite intrinsèque des dirigeants mandataires sociaux ne connaisse une évolution aussi exponentielle. Cette situation est tout à la fois inéquitable et dangereuse sur le plan économique.

Inéquitable, tout d’abord, à l’égard des salariés, dont le pouvoir d’achat a globalement stagné ces dernières décennies, comme l’a montré le rapport de la commission présidée par le directeur général de l’INSEE, M. Jean-Philippe Cotis, sur le partage de la valeur ajoutée. Elle est toutefois tout aussi injuste à l’égard du commun des chefs d’entreprise français, dont les rémunérations n’ont souvent rien à voir avec celles de leurs homologues du SBF 120.

Selon l’INSEE, ces derniers gagnent en moyenne 38 500 euros par an (24). Parmi eux, les dirigeants de TPE perçoivent un revenu net de moins de 36 000 euros, les responsables de PME une rémunération de moins de 100 salariés environ 110 000 euros et ceux dirigeant des sociétés de plus de 2 000 salariés des émoluments atteignant en moyenne 470 000 euros. Au sommet, les responsables exécutifs des plus grandes sociétés cotées de la place de Paris ont obtenu, en 2007, une rémunération moyenne de 3 millions d’euros s’agissant du SBF 120 et de 4,7 millions d’euros pour le seul CAC 40, options de souscription ou d’achat d’actions incluses.

Au-delà des risques qu’une telle distorsion de rémunérations peut faire naître au sein de la société, mais aussi des entreprises et du milieu patronal lui-même, cette situation présente de sérieux inconvénients économiques en ce qu’elle détache progressivement les élites dirigeantes du SBF 120 de l’économie réelle. La course en avant vers la maximisation des profits sur le dos de consommateurs dont le pouvoir d’achat n’évolue pas favorablement n’est pas étrangère à la cassure de croissance qui s’est produite ces derniers mois. La bulle du crédit a certes masqué l’atonie des revenus des consommateurs, mais il était inéluctable que la divergence entre les revenus des salariés et les prix à la consommation ainsi que les charges liées à l’habitat finisse par engendrer une crise.

Naturellement, la résolution de la crise actuelle passe par davantage de régulation des marchés financiers. Pour autant, il ne faut pas s’en tenir à ce seul aspect des choses si l’on souhaite promouvoir une économie plus solide et durable. À cet égard, l’instauration de dispositifs permettant de diminuer les inégalités salariales entre employés et dirigeants de grandes entreprises constitue également une initiative nécessaire. Le groupe SRC ne cesse de le dire et il formule des propositions concrètes pour y parvenir. Le présent article en est une traduction.

1. L’indexation des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux sur celles des salariés

Selon une étude de Camille Landais, réalisée en juin 2007 (25), les revenus réels des 350 000 ménages français les plus riches (1 % des ménages) ont augmenté de 19 % entre 1998 et 2007. Cette progression a même atteint 32 % pour les 35 000 foyers fiscaux les plus aisés. Dans le même temps, le revenu des 90 % ménages les plus modestes n’a cru que de 4,6 %, l’évolution devenant même nulle à partir de 2002.

Sur la dernière décennie, la croissance des salaires des 3 500 ménages les plus fortunés a atteint 51 % alors que le salaire réel de l’immense majorité des Français n’a évolué que de 3 %. L’explication de cette distorsion réside dans le hiatus entre la progression des revenus directs du travail et celle des revenus tirés du capital, notamment ceux issus de titres obtenus par l’intermédiaire d’options soumises à décote : alors que celles-ci représentaient 11 % des revenus des dirigeants mandataires sociaux à la fin des années 1980, elles y contribuent aujourd’hui à hauteur de près de la moitié.

Cette disparité a conduit à un creusement considérable des inégalités de revenus du travail. Il convient d’en atténuer l’ampleur sous peine de conduire à une rupture définitive entre élites dirigeantes des entreprises et le reste des acteurs de l’économie (chefs de petites entreprises, salariés etc.).

Le groupe SRC ne conteste pas que l’exercice de responsabilités importantes à la tête d’une société employant plusieurs milliers ou dizaines de milliers de salariés implique une rétribution supérieure aux autres collaborateurs de l’entreprise. Il souhaite en revanche qu’elle ne soit plus totalement déconnectée de l’évolution des rémunérations de base au sein de chaque entreprise.

Le rapport entre rémunérations des dirigeants mandataires sociaux de grandes sociétés est passé de 1 à 20 à la fin des années 1970, à un rapport de 1 à 300 au cours de la décennie actuelle. Présentée de la sorte, la réalité actuelle a de quoi choquer aussi bien les salariés que les actionnaires.

L’objectif du présent article est de revenir à davantage de mesure, en instituant un coefficient multiplicateur maximal pour établir la rémunération du dirigeant mandataire social d’une entreprise. Le mécanisme prévu à l’article L. 225-35-2 du code de commerce, créé pour l’occasion, repose sur des modalités simples. En l’occurrence, le conseil d’administration ou de surveillance de la société ne peut consentir une rétribution globale excédant un montant égal à la plus faible rémunération en équivalents temps plein multiplié par un coefficient transparent, ayant reçu l’aval de l’assemblée générale des actionnaires après avis du comité d’entreprise.

Cette disposition est on ne peut plus pragmatique, car elle laisse la responsabilité aux conseils d’administration ou de surveillance de fixer la rémunération des dirigeants mandataires sociaux, comme c’est le cas aujourd’hui. Elle ne quantifie pas davantage le coefficient multiplicateur, laissant ce soin au conseil d’administration ou de surveillance, afin de tenir compte des spécificités de la société. En revanche, elle crée une véritable responsabilisation des membres du conseil d’administration ou de surveillance, qui devront soumettre aux actionnaires le coefficient multiplicateur, après avis des représentants des salariés.

Au total, l’évolution des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux suivrait plus étroitement celle des rémunérations des salariés et ne s’en trouverait que plus légitime.

2. L’association des actionnaires et des représentants du personnel au processus

Depuis le début de la décennie actuelle, la question de la gouvernance des mécanismes de décision relatifs aux rémunérations des dirigeants mandataires sociaux est clairement identifiée comme un enjeu essentiel. L’exigence de davantage de transparence, initialement excipée comme une solution suffisante, a rapidement montré ses limites.

À l’occasion de ses travaux, la mission d’information de la commission des Lois sur les nouvelles régulations de l’économie a convenu de la nécessité de revoir la répartition des responsabilités entre organes sociaux, de manière à impliquer plus étroitement l’assemblée générale des actionnaires dans le processus. Elle a suggéré, à cet effet, d’inclure l’ensemble des éléments de rémunération dans le régime des conventions réglementées, prévu aux articles L. 225-38 et L. 225-86 du code de commerce, de manière à imposer une consultation formelle de l’assemblée générale des actionnaires. Néanmoins, dans une telle éventualité, il reste toujours possible de passer outre un refus de l’assemblée générale, ce qui atténue considérablement la portée pratique d’une telle mesure.

D’autres idées poursuivant un objectif similaire ont également germé, à l’instar de la suggestion du groupe Nouveau Centre de transférer le pouvoir de fixation des rémunérations en cause à l’assemblée générale des actionnaires. Outre qu’elle aurait très sensiblement bouleversé l’équilibre des pouvoirs au sein de toutes les sociétés commerciales, cette idée, plus radicale dans ses effets, présentait surtout l’inconvénient de déresponsabiliser les conseils d’administration ou de surveillance.

Le mécanisme suggéré par le groupe SRC à travers le présent article, quant à lui, évite les écueils des suggestions précédentes. En l’occurrence, il ne dessaisit pas les conseils d’administration ou de surveillance de leur responsabilité. Il implique pour autant que les assemblées générales d’actionnaires valident le coefficient multiplicateur de la rémunération la plus basse, retenu pour déterminer la rémunération des dirigeants mandataires sociaux. En cas de refus, les conseils auraient ainsi à définir un nouveau coefficient ou à tirer les conséquences de la défiance des actionnaires.

L’opinion des salariés ne serait pas non plus occultée, puisque le comité d’entreprise, réunissant autour du dirigeant les représentants du personnel et ceux des syndicats représentatifs, serait préalablement consulté pour avis. Cette association des salariés au processus fait actuellement cruellement défaut. Le principe d’un avis du comité d’entreprise présente l’avantage de recueillir le point de vue des représentants des salariés et des organisations syndicales présentes dans l’entreprise sur le montant envisagé pour la rémunération des dirigeants mandataires sociaux sans pour autant les associer directement à la prise de décision, ce qu’ils ne souhaitent pas.

En définitive, le dispositif figurant à ce nouvel article L. 225-35-2 du code de commerce jette les bases d’une nouvelle gouvernance sans pour autant déstabiliser le fonctionnement normal des sociétés commerciales. Il illustre le pragmatisme avec lequel il est possible d’encadrer plus efficacement les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux de sociétés cotées.

*

La Commission rejette l’amendement CL 5 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 3.

Article 4

(art. L. 225-185-2 [nouveau] du code de commerce)


Limitation du montant des indemnités de départ
des dirigeants mandataires sociaux

Les dirigeants mandataires sociaux des grandes entreprises cotées ne sont pas à proprement parler des salariés dans la mesure où ils incarnent la société qui les emploie ; prenant les décisions stratégiques qui la concernent, ils ne se trouvent pas dans une situation de subordination, caractéristique de tout salarié aux termes du code du travail.

Par voie de conséquence, les dirigeants mandataires sociaux ne sont pas liés à la société qu’ils administrent par un contrat de travail. La relation contractuelle qui définit leurs émoluments ainsi que leur statut obéit à des règles spécifiques, essentiellement fixées par le droit commercial. Révocables ad nutum par le conseil d’administration ou de surveillance, c’est-à-dire sans préavis ni justification, ils ne peuvent prétendre à des indemnités de licenciement comme tout salarié de droit commun.

Ce qui aurait pu paraître au désavantage des dirigeants mandataires sociaux a progressivement donné lieu à des compensations assez choquantes, prenant la forme d’indemnités de départ dont le montant peut être majoré en cas d’existence d’un contrat de travail dont les intéressés bénéficiaient avant leur nomination à la tête de l’entreprise et suspendu le temps de leur mandat.

Le législateur s’est essayé à plusieurs reprises à moraliser le mécanisme d’octroi de tels avantages. Depuis 2001, il a cherché à encadrer plus étroitement les conditions d’attribution de ces émoluments différés. Las, les modifications introduites par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie puis par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, n’ont pas empêché les scandales, tant leurs exigences restaient limitées. Mêmes soumises à un formalisme plus sévère et à des conditions de performances définies discrétionnairement par les conseils d’administration ou de surveillance, des indemnités de départ très importantes ont continué à être attribuées indépendamment de la situation des sociétés et des résultats de leurs bénéficiaires.

Selon une étude du cabinet Hewitt, rendue publique par le quotidien Le Monde début janvier 2009, 79 % des dirigeants des sociétés du SBF 120 bénéficiaient de tels « parachutes dorés » en 2008, soit au titre de leur mandat social (à hauteur de 31 %), soit au titre d’un contrat de travail (48 %) (26). Dans son rapport du 9 juillet 2009 sur les rémunérations des dirigeants de sociétés cotées et sur la mise en œuvre des recommandations AFEP/MEDEF, l’AMF évalue quant à elle à 60 % la proportion de sociétés issues d’un échantillon du SBF 120 ayant pris des engagements à l’égard de leurs dirigeants (27). Le profil des principaux intéressés est assez éclectique, même si l’AMF a mis à jour que les directeurs généraux (28 %) et les directeurs généraux délégués (25 %) de sociétés anonymes monistes sont les principaux bénéficiaires du dispositif.

Devenues aujourd’hui une composante à part entière de la part variable de la rémunération des dirigeants, ces indemnités ont atteint une proportion plus que significative des salaires de base, à en juger par l’étude comparative réalisée en 2006 par le cabinet Hay Group auprès de 203 sociétés européennes de seize pays et 139 sociétés américaines, publiée dans le quotidien La Tribune le 12 juin 2007. En France, elles atteignent 200 % de la rémunération en espèces ; en Allemagne, 250 % ; aux États-Unis, de 200 à 300 % dans le cas des sociétés les plus importantes.

Plus que le principe de l’octroi d’indemnités de départ à un dirigeant mandataire social évincé de manière inopinée par son conseil d’administration ou de surveillance, en raison de divergences stratégiques, c’est la pratique du versement de montants astronomiques à des responsables de grandes entreprises qui ont failli que le groupe SRC condamne. Ces dirigeants sont des gestionnaires, recrutés pour développer une société. Il est inconcevable qu’ils aient l’assurance de percevoir des montants supérieurs à une année de rémunération, quels que soient leurs résultats en cas d’éviction.

QUELQUES EXEMPLES RETENTISSANTS DE PARACHUTES DORÉS
VERSÉS À DES DIRIGEANTS MANDATAIRES SOCIAUX DU CAC 40

Années

Mandataire social concerné

Société

Montant

2002

Jean-Marie Messier

Vivendi-Universal

20,5 millions d’euros (1)

2003

Philippe Jaffré

Elf

10,0 millions d’euros

2003

Jean-Pierre Tirouflet

Rhodia

2,1 millions d’euros

2005

Daniel Bernard

Carrefour

9,9 millions d’euros

2006

Noël Forgeard

EADS

8,2 millions d’euros

2006

Antoine Zacharias

Vinci

10,0 millions d’euros (1)

2008

Serge Tchuruk

Alcatel-Lucent

5,2 millions d’euros

2008

Patricia Russo

Alcatel-Lucent

6,0 millions d’euros

2009

Thierry Morin

Valeo

3,2 millions d’euros

(1) Non versés, faute d’accord définitif du conseil d’administration.

Dans les faits, la pratique des parachutes dorés s’est peu à peu transformée en véritable politique de rémunération. Il convient de changer cet état des choses inacceptable.

Le dispositif que la proposition de loi n° 1896 suggère d’inscrire sous la référence de l’article L. 225-185-2 du code de commerce s’efforce de concilier l’exigence de justice sociale, qui se traduit par le plafonnement des montants des indemnités de départ versées aux dirigeants mandataires sociaux, avec la nécessaire préservation de l’attractivité des fonctions dirigeantes au sein des grandes entreprises françaises. L’idée d’une suppression pure et simple du principe des indemnités de départ procède d’une certaine forme de démagogie, dans la mesure où l’on voit mal la justification de la privation pour les dirigeants d’entreprise d’une protection offerte à l’ensemble des salariés. En revanche, il convient de mettre un terme aux abus les plus criants en posant dans la loi les bornes des indemnisations permises.

L’article L. 225-185-2 interdit donc aux conseils d’administration et de surveillance des sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français de consentir au président du conseil ainsi qu’au directeur général ou au président du directoire une indemnité totale de départ supérieure à deux fois la plus haute indemnité de licenciement d’un salarié prévue par les accords d’entreprises ou, à défaut, les accords conventionnels de branche ou la loi. Disposition réputée d’ordre public, cette règle indexe le montant de la compensation accordée aux dirigeants mandataires sociaux, au titre de leur mandat social et éventuellement de leur contrat de travail antérieur sur le montant des indemnités de licenciement des salariés. Ainsi, les indemnités de départ des dirigeants mandataires sociaux ne pourraient évoluer favorablement que si les salariés bénéficiaient eux aussi d’abord d’une revalorisation de leur indemnisation en cas de licenciement. De la sorte, le scandale des parachutes dorés cesserait puisque les avantages des dirigeants mandataires sociaux dépendraient des indemnités consenties au personnel licencié.

Le mécanisme se caractérise aussi par son pragmatisme, puisque les dirigeants mandataires sociaux conserveraient l’assurance d’obtenir l’indemnisation la plus élevée de la société. De surcroît, l’indemnisation étalon serait la plus importante de celles prévues par les accords d’entreprises ou de branche, la loi ne devant intervenir qu’en dernier ressort. C’est là l’assurance que les indemnisations se verraient définies au plus près des réalités et des spécificités économiques du secteur d’activité de chaque entreprise concernée.

*

La Commission rejette l’article 4.

Article 5

(art. L. 225-185-3 [nouveau] du code de commerce)


Limitation des retraites supplémentaires à prestations définies

Les retraites supplémentaires à prestations définies des dirigeants mandataires sociaux, plus communément appelées « retraites chapeaux », apparaissent légitimement choquantes aux salariés relevant du régime général dans la mesure où elles reviennent à faire supporter par l’entreprise employeur, parfois même en cas de départ consécutif à un échec, le coût du différentiel de revenus entre la pension liquidée et les derniers émoluments perçus.

La loi n° 2003-775 du 21 août 2003, portant réforme des retraites, a donné un cadre juridique, fiscal et social à ce type particulier de pensions, désormais définies et régies par l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale. Chaque société peut soit confier la gestion de ces retraites supplémentaires à une compagnie d’assurance, soit y procéder elle-même. Elle ne paie ni cotisation sociale, ni CSG, ni CRDS sur les sommes versées mais doit s’acquitter d’une taxe spéciale dont le taux varie de 6 à 12 % selon les cas. Selon le ministère du travail, 5 milliards d’euros ont été provisionnés en 2007 par les sociétés françaises cotées pour un peu moins de 800 bénéficiaires.

L’exemple le plus connu est celui de l’ancien président directeur général du groupe Carrefour, M. Daniel Bernard. Afin de lui assurer une retraite annuelle de 1,2 million d’euros, l’entreprise avait dû provisionner dans ses comptes pas moins de 29 millions d’euros avant que la justice n’annule la convention régissant ces versements (28).

La mission d’information de la commission des Lois sur les nouvelles régulations de l’économie a recensé que trente-quatre des valeurs du CAC 40 font bénéficier leurs dirigeants de telles retraites additives. Dans son rapport de juillet dernier sur la mise en œuvre des recommandations de l’AFEP et du MEDEF, l’AMF estimait à plus de 75 % la proportion de l’échantillon de sociétés contrôlées disposant d’un système de retraites supplémentaires à prestations définies (29).

Dans certains cas, le régime est partagé par l’ensemble des salariés du groupe, à l’instar du mécanisme en vigueur au sein de Saint-Gobain, GDF-Suez ou Suez environnement. Dans d’autres cas, plus nombreux à vrai dire, le régime de retraite supplémentaire est réservé à un petit nombre de cadres supérieurs, quand il n’a pas pour seul bénéficiaire le président directeur général de la société. À France Télécom, seulement 140 cadres et le président directeur général se trouvent en situation d’obtenir une retraite supplémentaire qui peut égaler, dans le cas du plus haut dirigeant notamment, jusqu’à 20,8 % de la meilleure moyenne annuelle de ses rémunérations brutes des trente-six derniers mois d’activité.

Pour mémoire et, à titre de comparaison, le régime général des salariés du privé est déterminé sur la base de la rémunération perçue lors des vingt-cinq meilleures années, ce qui induit un effet de lissage considérablement plus fort.

Les organisations professionnelles des entreprises ont reconnu implicitement l’existence d’abus, à l’occasion de l’élaboration de leurs dernières recommandations sur les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux. À cette occasion, elles ont souhaité poser des exigences de bon sens, à savoir que :

– le groupe de bénéficiaires potentiels soit sensiblement plus large que les seuls mandataires sociaux ;

– les bénéficiaires satisfassent des conditions raisonnables d’ancienneté dans l’entreprise, fixées préalablement par le conseil d’administration ou le directoire ;

– les droits potentiels ne représentent qu’un pourcentage limité de la rémunération fixe de chaque bénéficiaire ;

– la période de référence prise en compte pour le calcul des prestations soit de plusieurs années, tout gonflement artificiel de rémunération sur cette période à seule fin d’augmenter le rendement du régime de retraite se voyant proscrit.

Nonobstant ses doutes quant à l’effectivité de leur mise en œuvre, le groupe SRC estime que ces préconisations sont insuffisantes et ne permettront pas de mettre un terme aux abus. Pour preuve, l’AMF a relevé que « la majorité des (…) sociétés concernées ne donne pas d’information sur les conditions d’ancienneté requises et le pourcentage de droits potentiels par année » (30).

Devant le tollé provoqué à juste titre par une situation pour le moins choquante, le Gouvernement a décidé de majorer les prélèvements obligatoires pesant sur ces pensions d’un genre particulier. La mesure, incluse dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, devrait engendrer une recette de 25 millions d’euros pour la Sécurité sociale. Il reste que le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, M. Xavier Darcos, a reconnu que cette initiative a une portée essentiellement symbolique et ne mettra pas un point final à un dispositif qui a pris, dans certains cas, une forme proprement scandaleuse.

L’opposition, elle, souhaite moraliser définitivement le dispositif et elle ne peut se contenter d’une mesure cosmétique. Elle suggère le plafonnement des montants qui peuvent être alloués à ce titre, en les limitant dans la loi à 30 % de la rémunération de la dernière année d’exercice des fonctions. Pour juger de son puissant effet modérateur, cette mesure est à mettre en rapport avec le plafonnement des rémunérations consenties, tel qu’il est proposé à l’article 3 du texte. Dès lors que celles-ci seraient étroitement corrélées à celles des personnels, la limitation à 30 % des émoluments de fin de carrière se traduirait par une diminution plus que sensible des sommes accordées au titre d’une éviction par le conseil d’administration ou de surveillance.

Même à défaut de plafonnement des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux, le dispositif aurait un impact déflationniste sensible. En effet, les quelques informations publiées dans les documents annuels de référence des sociétés cotées françaises laissent entrevoir que plusieurs groupes consentent actuellement des montants annuels de retraite sensiblement supérieurs à la proportion prévue par la proposition de loi. Si certains l’avoisinent (Lagardère / 35 % de la rémunération de référence), d’autres vont bien au delà (Danone / 65 % des derniers salaires). Partant de ce constat, l’on ne peut que juger légitime le plafonnement qui est proposé à cet article L. 225-185-3 du code de commerce.

*

La Commission rejette successivement les amendements CL 6 et CL 7 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 5.

Article 6

(art. L. 225-185-4 [nouveau] du code de commerce)


Interdiction de l’attribution de stock-options
dans les sociétés cotées de plus de cinq ans d’existence

Ainsi que l’a très bien démontré M. Pierre-Alain Muet dans son rapport sur la proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité précédemment mentionnée, les stock-options sont la raison principale de l’augmentation exponentielle des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux sur la décennie écoulée (31). L’AMF a elle-même souligné que les options et actions gratuites attribuées en 2008 ont représenté en moyenne 48 % de la rémunération globale des dirigeants mandataires sociaux (jetons de présence, avantages de toutes natures et rémunération variable inclus).

Cette dérive est d’autant plus inacceptable qu’elle trahit l’esprit même des plans d’options, dont la vocation est de motiver les salariés – et pas les seuls mandataires sociaux – au coût le plus faible pour l’entreprise. En soi, les stock-options ne sont pas inutiles puisqu’elles permettent à de jeunes entreprises innovantes de compenser la modération salariale qu’elles sont obligées d’imposer à leurs collaborateurs par des titres qu’ils pourront céder au bout d’un certain temps (quatre ans), avec une plus-value à la clé si leur employeur se développe. Mais, hormis ce cas de figure que la loi doit reconnaître, les options de souscription ou d’achat d’actions n’ont pas vocation à devenir une composante permanente et à part entière de la rémunération de dirigeants mandataires sociaux déjà fortement rémunérés pour les responsabilités qu’ils exercent.

1. Le dévoiement des stock-options, instrument de fidélisation salariale, en moyen d’enrichissement des dirigeants mandataires sociaux

Au cours des deux décennies passées, la finalité des plans d’options sur titres a progressivement mué de l’incitation à la performance et la fidélisation vers une maximisation des rémunérations des catégories situées au sommet des entreprises. Cette évolution a contribué à la crise actuelle.

a) Un procédé conçu pour fidéliser les personnels

Inspirés des « stock-options plans » anglo-saxons, les plans d’options de souscription ou d’achat d’actions ont été introduits dans notre droit par la loi n° 70-1322 du 31 décembre 1970, relative à l’ouverture d’options de souscription ou d’achat d’actions au bénéfice du personnel des sociétés. Leur mécanisme s’apparente à une forme mixte d’intéressement et de participation au capital, dans laquelle l’entreprise consent à son personnel le droit d’acquérir ses propres actions à des conditions privilégiées, lui offrant ainsi l’occasion de réaliser une plus-value.

Les plans d’options peuvent porter soit sur la souscription, soit sur l’achat d’actions. Le premier cas, prévu à l’article L. 225-177 du code de commerce, porte sur des titres virtuels et débouche sur une augmentation de capital soumise à une procédure allégée, en termes de publicité ou de paiement notamment. Le second cas, prévu à l’article L. 225-179 du code de commerce, s’applique à des titres déjà émis et préalablement rachetés à cette fin par la société.

Dans les deux cas de figure, la procédure se déroule en trois étapes :

– d’abord, la société attribue au bénéficiaire le droit, pendant une période donnée, de se porter acquéreur d’un certain nombre de titres à un prix déterminé. Ce prix, qui ne peut être inférieur à 80 % de la moyenne des cours du marché des vingt séances de bourse précédentes, reste fixe pendant toute la période durant laquelle l’option est ouverte ;

– ensuite, chaque bénéficiaire peut choisir de lever l’option qui lui a été attribuée. Sa démarche se trouve dictée par le niveau du cours ou de la valeur des actions. Si ceux-ci ont progressé au-delà du prix fixé lors de l’attribution, le bénéficiaire obtient alors une plus-value ;

– enfin, dans un dernier temps, le bénéficiaire qui a exercé sa levée d’options a la possibilité de revendre les actions qu’il a ainsi acquises. Ce n’est qu’à ce stade qu’il rentre dans ses fonds et jouit effectivement de sa plus-value. Il peut également décider de conserver ses titres, dans l’espoir de voir sa plus-value progresser encore.

b) Un dispositif progressivement réservé aux dirigeants mandataires sociaux et aux cadres supérieurs

Les plans d’options de souscription ou d’achat d’actions sont progressivement devenus l’apanage d’une partie réduite des salariés des sociétés, les dirigeants mandataires sociaux en étant les principaux bénéficiaires.

PROPORTION DES STOCK-OPTIONS RÉSERVÉES AUX DIRIGEANTS
DE CERTAINES SOCIÉTÉS DU CAC 40

Sociétés

Proportion réservée aux dirigeants

Nombre de dirigeants bénéficiaires

Vallourec

31 %

4 (en 2007)

Vinci

31 %

13 (en 2006)

Société générale

30 %

11 (en 2007)

Renault

22 %

7 (en 2007)

Axa

21 %

6 (en 2008)

Bouygues

19,5 %

12 (en 2007)

Alstom

18 %

6 (en 2007)

Air Liquide

17 %

11 (en 2007)

EADS

8 %

2 (en 2006)

Total

5 %

3 (en 2007)

Source : AMF.

La mise en œuvre concrète dépend largement du conseil d’administration ou du directoire, principaux régulateurs du système. C’est donc eux, voire même leur président, qui arrêtent de façon largement autonome des éléments aussi déterminants que le choix des bénéficiaires des options.

Dans les faits, ce choix s’est essentiellement porté sur les principaux cadres, les dirigeants ou certaines catégories essentielles de salariés, alors même que les plans d’options sont supposés s’adresser à un éventail plus large de salariés. Avant l’adoption de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 relative aux revenus du travail, qui a subordonné toute adoption de plan d’options au profit des principaux cadres à l’élargissement à l’ensemble des salariés du bénéfice de ces options ou assimilés, l’autonomie du conseil d’administration ou de surveillance était très large et elle pouvait être utilisée en dehors de tout contrôle ou de toute justification.

c) Des rémunérations différées astronomiques, offrant des perspectives de gain quasi certaines

La plus grande partie des revenus considérables perçus par certains dirigeants de grandes sociétés cotées émane des plus-values engendrées par la cession d’actions libérées après avoir été obtenues dans le cadre d’un plan d’option de souscription ou d’achat. Les chiffres les plus récents révélés par la presse se passent de commentaires.

GAINS DE CERTAINS DIRIGEANTS DU CAC 40 DÉTENTEURS DE STOCK-OPTIONS,
ENTRE LE 1ER JANVIER 2008 ET LE 25 MARS 2009

Bénéficiaires

Plus-value réalisée (en €)

Patrick Kron (Alstom)

12,2 millions d’€

Gérard Mestrallet (GDF-Suez)

5,4 millions d’€

Benoît Potier (Air Liquide)

2,6 millions d’€

Patrick Ricard (Pernod Ricard)

2 millions d’€

Xavier Huillard (Vinci)

1,7 million d’€

Daniel Bouton (Société générale)

1,5 million d’€

Christophe de Margerie (Total)

826 000 €

Franck Riboud (Danone)

540 000 €

Xavier Fontanet (Essilor)

423 000 €

Baudouin Prot (BNP-Paribas)

332 800 €

Henri de Castries (Axa)

155 600 €

Source : L’Express, 2 avril 2009.

En théorie, même agrémentées d’une décote de 20 % sur le cours des actions au moment de leur souscription, les actions octroyées dans le cadre d’un plan d’options de souscription ou d’achat ne devraient pas automatiquement déboucher sur une perspective de plus-value. En effet, en cas de retournement des cours de bourse, à l’instar du krach de 2008, le prix d’acquisition peut être supérieur à la possibilité de liquidation sur le marché.

Il reste que certaines techniques permettent d’atténuer, voire d’annihiler tout simplement, ce risque. C’est le cas notamment du repricing, permettant au bénéficiaire de stock-options dont l’intérêt a fortement pâti d’une chute des cours, de renégocier le prix de ses options avec l’assentiment du conseil d’administration ou du directoire. De même, certaines institutions financières offrent à des détenteurs de stock-options une garantie sur les cours, entre le moment où l’option est levée et celui où elle s’exerce ; seules 12 % des sociétés contrôlées par l’AMF au premier semestre 2009 ont interdit à leurs dirigeants de faire appel à de tels instruments de couverture (32).

Toutes ces sophistications ont finalement dénaturé les principes inhérents aux plans d’options de souscription ou d’achat d’actions, en les transformant en instruments de rémunération différée au détriment de leur objet initial, qui était de motiver les cadres dirigeants à assurer le succès de leur entreprise.

2. La nécessité d’un retour aux sources

Toutes les entreprises ne disposent pas, au moment de leur création et dans les premières années de leur activité, de fonds suffisants pour attirer et conserver les talents indispensables à leur croissance interne. Les TPE comme les PME qui ne se trouvent pas adossées à un grand groupe coté en bourse n’ont d’autre choix, pour fidéliser les personnels les plus qualifiés ou compétents, que de proposer des options sur titres à des cours intéressants afin de laisser espérer une rémunération différée s’appuyant soit sur une plus-value significative, soit sur la détention d’un capital. L’exemple le plus illustre et éclairant en la matière est celui de Microsoft, dont les cadres dirigeants initiaux ont acquis une véritable fortune par ce biais.

Le groupe SRC ne conteste pas la pertinence de ce procédé à moindre coût pour les start-up. Il n’entre nullement dans ses intentions de pénaliser le développement des petites entreprises, qui constituent le terreau de la croissance française de demain.

Il ne propose donc pas la suppression des plans d’options de souscription ou d’achat d’actions, mais leur cantonnement aux entreprises dont l’existence est très récente. L’article L. 225-185-4 qu’il est question d’insérer dans le code de commerce interdit à cet effet l’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions dans les sociétés de capitaux (anonymes et en commandite par actions) de plus de cinq ans.

Concrètement, le régime actuel d’attribution et d’exercice des stock-options demeurerait inchangé pour les sociétés autorisées à y recourir. En revanche, la très grande majorité des sociétés cotées sur la place financière de Paris ayant leur siège en France, où les abus les plus criants de ces dernières années ont eu lieu, n’aurait plus le droit d’utiliser cet instrument.

Cette mesure n’est pas aussi radicale qu’il y paraît puisque :

– d’une part, les sociétés de plus de cinq ans mais encore relativement jeunes (c’est-à-dire de moins de quinze ans) et d’une capitalisation limitée (c’est-à-dire de moins de 150 millions d’euros) auraient la possibilité d’émettre en faveur de leurs salariés et de leurs dirigeants des bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise, assortis d’un régime fiscal et social avantageux ;

– d’autre part, les sociétés cotées conserveraient la faculté d’accorder des actions gratuites à leurs dirigeants et à leurs cadres les plus importants.

*

La Commission rejette l’article 6.

Article 7

(art. L. 225-185 du code de commerce)


Interdiction de l’attribution de stock-options dans les sociétés cotées bénéficiaires d’une aide publique sous forme de recapitalisation

L’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions à des dirigeants mandataires sociaux de sociétés recapitalisées par l’État est immorale et injustifiée d’un strict point de vue économique. En effet, dès lors que la puissance publique, c’est-à-dire l’ensemble des contribuables français, consent d’entrer au capital de sociétés en difficultés afin de préserver l’emploi et le tissu industriel du pays, il n’est pas acceptable que l’État accepte d’octroyer aux cadres dirigeants des options sur titres qui, au terme d’un redressement auquel il aura fortement contribué, engendreraient de substantielles plus-values pour leurs bénéficiaires alors même que la gestion de ces derniers n’aurait pas permis à elle seule de faire face à la dégradation du contexte économique. Au regard de la faiblesse des cours boursiers actuels, autoriser l’attribution de tels avantages reviendrait en quelque sorte à subventionner l’enrichissement de dirigeants dont la performance personnelle n’a pas été au rendez-vous.

Le même constat s’applique aux opérateurs de marchés qui oeuvrent dans les établissements de crédit français. La responsabilité de cette catégorie bien particulière de salariés dans le déroulement de la crise des subprimes est désormais établie. Il serait pour le moins inconvenant que, au motif que les sociétés financières étrangères procèdent de la sorte, ces opérateurs continuent à obtenir des stock-options avec l’aval de l’État, sommé de voler à la rescousse de leurs employeurs.

Ces idées de bon sens n’ont que récemment recueilli l’adhésion de la majorité parlementaire. Les plans de soutien aux secteurs financier et automobile datent respectivement de l’automne 2008 et du début de l’année 2009. Or, il a fallu attendre le début du printemps dernier pour que le Gouvernement ne consente, sous la pression du législateur, à prendre des dispositions sur le sujet, au demeurant incomplètes.

L’article 2 du décret n° 2009-348 du 30 mars 2009 précédemment mentionné prévoit que les sociétés bénéficiaires d’une recapitalisation par l’intermédiaire de la SPPE ne peuvent accorder à leurs président du conseil, directeur général, directeurs généraux délégués, ou membres du directoire et gérants des options de souscription ou d’achat d’actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 du code de commerce. Cependant, aux termes de l’article 7 de ce même décret, cette règle n’a cours que jusqu’au 31 décembre 2010, alors même que rien ne permet d’affirmer avec certitude que la participation de l’État dans tous les établissements de crédit concernés (notamment Dexia, la Société générale ou le groupe Caisse d’épargne-Banques populaires) aura cessé. Surtout, elle ne concerne pas les traders des banques, dont la rémunération est parfois supérieure à celle des dirigeants exécutifs.

Le Parlement a déjà jugé trop parcellaires ces prescriptions, puisqu’il a adopté un dispositif complémentaire dans la loi n° 2009-431 de finances rectificative pour 2009, amenant le Gouvernement à élargir les dispositions réglementaires en vigueur aux entreprises dans lesquelles le FSI a pris une participation. Cette appréciation ne peut malheureusement qu’être réitérée aujourd’hui, tant les textes applicables demeurent restrictifs.

La disposition suggérée par le groupe SRC, quant à elle, a le mérite d’englober l’ensemble des salariés des entreprises concernées dans le champ de l’interdiction d’une attribution d’options sur titres. Elle a, en outre, une portée bien plus permanente puisqu’elle s’applique tant que l’État reste présent au capital des sociétés en cause.

De manière plus générale, à l’heure où les responsables politiques appellent de leurs vœux une nouvelle régulation de l’économie, ce mécanisme présente l’intérêt de trouver à s’appliquer à toute situation dans laquelle une entreprise jugée stratégique bénéficierait d’une aide ponctuelle de l’État. Le temps n’est pas si lointain où France Télécom et Alstom, notamment, ont fait l’objet de recapitalisations publiques. Il serait pour le moins hasardeux de préjuger que de telles situations ne se reproduiront pas.

*

La Commission rejette l’article 7.

Article 8

(art. L. 500-1-1 [nouveau] du code monétaire et financier)


Plafonnement de la rémunération variable des opérateurs de marchés au montant de leur rémunération fixe nette

Le dernier article de la proposition de loi n° 1896 traite plus particulièrement de la rémunération variable des opérateurs de marchés financiers. Les bonus, indexés sur les résultats obtenus, constituent en l’occurrence une source importante de leurs émoluments, plus encore que les stock-options. Or, il apparaît clairement que les modalités d’attribution de ces avantages numéraires ont intrinsèquement conduit l’ensemble de la profession à privilégier les risques, potentiellement rémunérateurs sur les investissements productifs, à la rentabilité financière de court terme moindre.

La crise des subprimes a placé cette catégorie d’acteurs économiques au centre des débats sur la régulation à mettre en place, ce qui est en soi une bonne chose. Force est néanmoins de reconnaître que, en dépit des bonnes intentions affichées à l’hiver dernier, les établissements de crédit français et les sociétés d’investissement ont continué à consentir des primes significatives à ces opérateurs alors même que leurs performances ont été moindres. L’annonce, en pleine torpeur estivale, par la BNP-Paribas du provisionnement de près de 1 milliard d’euros pour les bonus des opérateurs du groupe, alors même que concomitamment l’État a consenti à acquérir un volume de titres super subordonnés puis d’actions de préférence de l’établissement pour un montant de 5,2 milliards d’euros, a légitimement suscité l’incompréhension et la colère.

Une fois encore, la preuve est faite que l’autorégulation n’engage que ceux qui y croient. Le législateur ne saurait rester impassible devant un tel scandale. Mieux, alors que s’ébauche un ensemble de règles plus ambitieuses et contraignantes pour la finance mondiale, sous l’égide du G 20, il lui appartient de tracer un chemin pour montrer la voie du volontarisme politique à nos partenaires.

1. Les bonus des opérateurs financiers : la prime donnée au risque

Primes salariales versées sur la base d’une enveloppe globale déterminée par les établissements de crédit en fonction des résultats obtenus par les équipes de trading, répartie individuellement par les supérieurs directs, les bonus des opérateurs de marchés obéissent à des modalités de fixation et d’attribution pour le moins contestables.

Les bonus sont traditionnellement justifiés par les banques pour deux raisons : ils sont censés retenir leurs meilleurs éléments, dans un secteur hautement concurrentiel, et présenter une dimension incitative en étant corrélés aux résultats. Avec le recul, ces deux justifications n’emportent pas totalement l’adhésion.

Contrairement à une idée largement répandue, les mécanismes d’octroi de ces avantages ne se fondent pas nécessairement sur le mérite de leurs bénéficiaires. Ainsi que l’explique le chercheur Olivier Godechot, dans sa contribution au rapport du Conseil d’analyse économique sur la crise des subprimes publié à l’automne 2008 : « L’on présente souvent les bonus comme un système de commissions ou de partage mécanique des résultats individuels entre la banque et les salariés de l’industrie financière. C’est inexact. Pour éviter de payer des bonus aux opérateurs qui performent, quand les autres font des pertes, les banques ont eu tendance à faire la chasse aux formules individuelles (du type 10 % des résultats du portefeuille) et celles-ci sont devenues rares (…). La distribution des bonus est généralement discrétionnaire. On alloue à un supérieur un budget en fonction de l’appréciation du résultat de l’équipe et celui-ci alloue à son tour son budget en fonction de l’appréciation de l’importance de ses subordonnés. » (33). Autrement dit, l’octroi d’un bonus répond davantage à l’idée que se fait le responsable d’une équipe de trading d’une banque de l’importance de la fidélisation de tel ou tel subordonné que des performances réelles de celui-ci.

En outre, la dimension incitative des bonus n’est pas optimale d’un strict point de vue économique. En effet, la corrélation automatique des enveloppes attribuées aux profits réalisés sur les portefeuilles conduit immanquablement les intéressés à privilégier les opérations à risque, potentiellement plus rémunératrices sur les court et moyen termes. Cette attitude apparaît d’autant plus logique que, jusqu’au début de cette année 2009, les bonus relatifs à un exercice étaient attribués annuellement, sans recul sur les résultats comptables des opérations effectuées. Parallèlement, aucune perte de rémunération n’était prévue en cas d’échec, de sorte que les opérateurs de marchés étaient gagnants à tous les coups et n’avaient aucun intérêt à observer une certaine prudence dans leurs prises de positions. Partant de ce constat, il n’est pas étonnant que se soient produits des incidents majeurs tels que celui des pertes de la Société générale consécutives à des prises de positions inconsidérées de M. Jérôme Kerviel.

Pour résumer, les bonus s’apparentent tout à la fois à une prime donnée au risque financier doublée d’une assurance tous risques en matière de rémunération pour les opérateurs de marchés, dans la mesure où leur allocation ne dépend pas intégralement des résultats individuels de chacun.

Les engagements récemment pris par la fédération bancaire française et les organismes représentatifs des établissements financiers en faveur d’un fractionnement et d’un étalement dans le temps du paiement des bonus, de manière à en provisionner une partie en fonction des résultats comptables effectivement enregistrés, ne correspondent pas à ce qui a improprement été qualifié de « malus ». En effet, la seule sanction de résultats négatifs sera le non paiement d’une partie des bonus initialement attribués et non la diminution à due proportion de la rémunération consentie. Par voie de conséquence, en l’état, l’incitation au risque inconsidéré devrait perdurer.

2. Le plafonnement dans la loi : un début de moralisation indispensable

Certes, tous les bonus versés aux opérateurs de marchés n’ont pas atteint des montants indécents ; c’est néanmoins le cas d’une partie non négligeable, concernant essentiellement les responsables de salles de marchés et quelques traders. Il n’est pas inutile de rappeler à cet égard que l’ancien président directeur général de la Société générale a publiquement reconnu percevoir la 44ème rémunération la plus importante de son établissement (de l’ordre de 3 millions d’euros à l’époque) et que certains de ses homologues à la tête de grandes compagnies d’assurance ont avoué, à demi-mot, appointer à un niveau plus bas encore de la grille des salaires dans leur groupe.

L’idée d’un plafonnement des rémunérations variables des opérateurs de marchés n’est donc pas aberrante. Le groupe SRC ne conteste pas que ces professions s’inscrivent dans un marché du travail hautement concurrentiel ; pour cette raison, il ne suggère pas de leur interdire purement et simplement l’attribution de gratifications à la performance.

La solution d’équilibre réside dans une limitation des bonus au montant de la rémunération fixe nette annuelle. Ce faisant, la ventilation des sommes prévues par les établissements employeurs ne serait plus aussi discrétionnaire. Les intéressés verraient leur rémunération variable progresser en fonction de leurs résultats et aussi de leur expérience (la rémunération fixe évoluant à l’ancienneté), ce qui éviterait que les opérateurs les plus jeunes n’engagent des opérations trop complexes ou risquées.

L’article L. 500-1-1 qu’il est question d’insérer dans le code monétaire et financier ne concerne évidemment pas les seuls opérateurs de marchés des établissements de crédit. Il vise l’ensemble des salariés des prestataires de services mentionnés par le livre V du même code, c’est-à-dire, outre ceux des banques concurrentielles, mutualistes ou coopératives, ceux des sociétés financières, des institutions financières spécialisées, des compagnies financières et conglomérats financiers, des établissements et services autorisés à effectuer des opérations de banque (telle la Caisse des dépôts et consignations), des intermédiaires en opérations de banque, des prestataires de services d’investissement, des conseillers en investissements financiers, des intermédiaires et personnes habilités en vue de l’administration ou la conservation d’instruments financiers, des sociétés de gestion d’organismes de placement collectif et des services de recherche en investissement ou analyse financière ainsi que des agences de notation.

Dans un souci d’exhaustivité du champ d’application, ce sont tous les salariés des établissements ou sociétés concernés qui se trouvent visés. En effet, ainsi que l’a relevé la Cour des comptes dans son rapport public de juin 2009 sur les concours publics aux établissements de crédit, « La notion d’“opérateur de marché” est (…) incertaine. Selon la Commission bancaire, elle désigne les personnes agissant directement sur le marché : le “front office” de la salle des marchés, les activités de contrôle de régularité des informations (“middle office”) et les opérations de post-marché (“back office”). Toutefois, cette définition peut être discutée, d’autant plus qu’elle n’englobe pas tous les métiers de la banque de financement et d’investissement, alors même que certains de ces métiers, n’agissant pas directement sur les marchés, ont été au cœur des mécanismes ayant déclenché la crise financière (émission et structuration de dette, par exemple). » (34).

Certains ne manqueront pas d’objecter à cette mesure que, pour être efficace, elle doit intervenir à un niveau international. De fait, c’est bien ce vers quoi s’orientent les échanges multilatéraux en cours, comme l’ont illustré le sommet ministériel des pays du G 20 à Londres les 5 et 6 septembre, la réunion informelle des chefs d’État et de Gouvernement européens à Bruxelles le 17 septembre, où les vingt-sept se sont prononcés en faveur d’une limitation des bonus, et – de manière moins nette il est vrai, étant seulement question de limiter les bonus à un pourcentage du produit net bancaire quand ils menacent un niveau de saine capitalisation – le dernier sommet des chefs d’État et de Gouvernement du G 20, qui s’est tenu à Pittsburgh les 24 et 25 septembre.

Le groupe SRC considère pour sa part que la voix de la France sur cette question cruciale sera d’autant plus écoutée dans la mise en œuvre des principes actés au plan multilatéral que notre pays aura manifesté dans les actes sa volonté d’aboutir à des mesures effectives, que les établissements bancaires ne puissent artificiellement contourner. En somme, adopter une telle disposition ne peut qu’aider la diplomatie française à inciter nos partenaires à concrétiser des vues largement partagées dans notre pays.

*

La Commission rejette l’article 8.

Titre de la proposition de loi

La Commission examine un amendement CL 9 de M. Jean-Luc Warsmann.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je vous propose d’intituler ce texte : « Proposition de loi visant à créer un comité de rémunération dans les sociétés anonymes ».

M. le rapporteur. Votre manœuvre, au demeurant assez habile, tend à dénaturer ce texte. En n’adoptant qu’un seul de ses articles et en modifiant son titre, vous allez en quelque sorte le transformer en proposition de loi du groupe UMP, manipulation à laquelle nous ne pouvons que nous opposer.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Il s’agit simplement de mettre le titre de la proposition de loi en accord avec son contenu.

M. Alain Vidalies. Malgré toute la subtilité dont vous êtes coutumier, M. le Président, vous ne pouvez pas vous approprier cette proposition de loi, qui a été déposée par le groupe socialiste. Vous pouvez contester et rejeter nos propositions – c’est votre droit –, mais ce que vous venez de proposer est tout à fait inacceptable.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Pendant toute la première partie de la législature, vous nous avez reproché de refuser de passer à la discussion des articles de vos propositions de loi. La Constitution et le règlement ayant été modifiés, nous avons examiné les articles de ce texte. La majorité n’a pas approuvé la plupart de ses dispositions, mais elle a adopté, par honnêteté intellectuelle, l’article 2, qui ne faisait que reprendre l’une des propositions adoptées par la mission d’information.

Le texte viendra en séance publique dans la rédaction adoptée par la Commission, mais vous aurez tout loisir de déposer des amendements tendant à réintroduire les articles que nous avons rejetés, ce qui permettra au débat d’avoir lieu.

J’ai proposé un titre correspondant mieux au contenu du texte tel que nous l’avons adopté, mais je suis prêt à retirer mon amendement, quitte à le redéposer par la suite dans le cadre de l’article 88.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

*

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la Commission

___

 

TITRE IER

TITRE IER

 

EXIGENCES APPLICABLES AUX REMUNERATIONS DES DIRIGEANTS D’ENTREPRISES, MANATAIRES SOCIAUX ET OPERATEURS DE MARCHE

(Division et intitulé supprimés)

(amendement CL1)

 

Article 1er

Article 1er

Code de commerce

Livre II
Des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique

Il est créé un article L. 225-185-1 du code de commerce ainsi rédigé :

Rejeté

Titre II
Dispositions particulières aux diverses sociétés commerciales

Chapitre V
Des sociétés anonymes

Section 2
De la direction et de l’administration des sociétés anonymes

Sous-section 1
Du conseil d’administration de la direction générale

Sous-section 2
Du directoire et du conseil de surveillance

Loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie

« Article L. 225-185-1. – Il ne peut être consenti au président du conseil d’administration et au directeur général d’une société visée par les articles L. 225-17 à L. 225-56, ou au président du directoire et aux membres du conseil de surveillance d’une société visée par les articles L. 225-57 à L. 225-93, et qui bénéficie d’une aide publique sous forme de recapitalisation, sous quelle que forme que ce soit, une rémunération totale après cotisations sociales supérieure à vingt-cinq fois la plus basse rémunération à temps plein après cotisations sociales dans l’entreprise. »

 

Art. 6. – Cf. annexe.

Cette disposition s’applique notamment au dispositif visé à l’article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie.

 
 

Article 2

Article 2

 

Après l’article L. 225-35 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-35-1 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

 

« Art. L. 225-35-1. – I. – Il est créé, au sein du conseil d’administration d’une société visée par les articles L. 225-17 à L. 225-56, ou du conseil de surveillance d’une société visée par les articles L. 225-57 à L. 225-93, un comité dit « comité des rémunérations ».

« Art. L. 225-35-1. – I. – (Alinéa sans modification)

 

Ce comité est constitué de six membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, et d’un commissaire aux comptes, dans des conditions prévues par décret.

(Alinéa sans modification)

 

Ce comité est chargé :

(Alinéa sans modification)

 

– d’examiner toute question relative à la détermination de la part variable de la rémunération des mandataires sociaux,

(Alinéa sans modification)

Code de commerce

Art. L. 225-100. – Cf. annexe.

– de définir les règles de fixation de la part variable des rémunérations des mandataires sociaux et de rendre compte dans un rapport annuel à l’assemblée générale joint au rapport prévu à l’article L. 225-100 de l’application de ces règles,

(Alinéa sans modification)

 

– d’apprécier l’ensemble des rémunérations et avantages perçus par les mandataires au sein d’autres sociétés,

… mandataires sociaux au sein …

(amendement CL2)

 

– d’évaluer les conséquences pour l’entreprise et les actionnaires, au regard de la dispersion du capital, du rapport annuel des titres émis, des plans d’options donnant droit à la souscription d’actions envisagés ou mis en œuvre,

… pour la société et les actionnaires …

(amendement CL3)

 

– d’établir un rapport annuel en début d’exercice, à l’attention de l’assemblée générale des actionnaires, sur les rémunérations des dirigeants de l’entreprise, sur la politique de rémunération de l’entreprise, les objectifs et les modes de rémunérations qu’elle met en œuvre.

… de la société, sur la …

(amendement CL4 )

 

Les institutions représentatives du personnel ont la possibilité d’interroger les dirigeants sur le contenu dudit rapport. Les questions et les réponses apportées sont annexées au rapport. Le rapport est validé par l’assemblée générale des actionnaires.

(Alinéa sans modification)

 

II. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État ».

II. – 

… d’État. Ce décret fixe également les conditions de chiffre d’affaires et d’effectifs des sociétés auxquelles s’applique le I. »

(amendement CL8)

 

Article 3

Article 3

 

Après l’article L. 225-35 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-35-2 du code de commerce ainsi rédigé :

Rejeté

 

« Art. L. 225-35-2. – La rémunération du président du conseil d’administration, du directeur général et des cadres dirigeants d’une société visée par les articles L. 225-17 à L. 225-56, ou du président du directoire, des membres du conseil de surveillance et des cadres dirigeants d’une société visée par les articles L. 225-57 à L. 225-93, ne peut excéder un montant égal à la plus faible rémunération en équivalent temps plein versée au sein de l’entreprise multipliée par un coefficient proposé par le conseil d’administration et validé par l’assemblée générale des actionnaires, après avis du comité d’entreprise.

 
 

La présente disposition est réputée d’ordre public. »

 
 

Article 4

Article 4

 

Après l’article L. 225-185 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-185-2 ainsi rédigé :

Rejeté

 

« Article L. 225-185-2. – Il ne peut être consenti au président du conseil d’administration et au directeur général d’une société visée par les articles L. 225-17 à L. 225-56, ou au président du directoire et aux membres du conseil de surveillance d’une société visée par les articles L. 225-57 à L. 225-93, une indemnité totale de départ supérieure à deux fois la plus haute indemnité de départ en cas de licenciement d’un salarié prévue par les accords d’entreprises, ou à défaut les accords conventionnels de branche, ou à défaut la loi. 

 
 

La présente disposition est réputée d’ordre public. »

 
 

Article 5

Article 5

 

Après l’article L. 225-185 du code de commerce, il est créé un article L. 225-185-3 ainsi rédigé :

Rejeté

 

« Article L. 225-185-3. – Il ne peut être consenti au président du conseil d’administration et au directeur général d’une société visée par les articles L. 225-17 à L. 225-56, ou au président du directoire et aux membres du conseil de surveillance d’une société visée par les articles L. 225-57 à L. 225-93, un régime différentiel de retraite, ou « retraite chapeau », supérieure à trente pourcents de sa rémunération la dernière année de l’exercice de sa fonction. 

 
 

La présente disposition est réputée d’ordre public. »

 
 

Article 6

Article 6

 

Après l’article L. 225-185 du code de commerce, il est créé un article L. 225-185-4 ainsi rédigé :

Rejeté

Art. L. 225-185. – Cf. infra.

Livre II
Des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique

Titre II
Dispositions particulières aux diverses sociétés commerciales

Chapitre V
Des sociétés anonymes

Chapitre VI
Des sociétés en commandite par actions

Chapitre VII
Des sociétés par actions simplifiées

Chapitre VIII
Des valeurs mobilières émises par les sociétés par actions

Chapitre IX
De la société européenne

« Article L. 225-185-4. – Aucune option visée à l’article L. 225-185 du code de commerce ne peut être attribuée lorsque la société constituée sous la forme de sociétés de capitaux prévues par les articles L. 225-1 à L. 229-15, a une durée d’exercice de plus de cinq années.

 
 

La présente disposition est réputée d’ordre public. »

 
 

Article 7

Article 7

Art. L. 225-185. – Des options donnant droit à la souscription d’actions peuvent être consenties pendant une durée de deux ans à compter de l’immatriculation de la société, aux mandataires sociaux personnes physiques qui participent avec des salariés à la constitution d’une société.

Après la dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 225-185 du code de commerce, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

Rejeté

De telles options peuvent également être consenties, pendant une durée de deux ans à compter du rachat, aux mandataires sociaux personnes physiques d’une société qui acquièrent avec des salariés la majorité des droits de vote en vue d’assurer la continuation de la société.

   

En cas d’attribution d’options, dans un délai de deux ans après la création d’une société ou le rachat de la majorité du capital d’une société par ses salariés ou ses mandataires sociaux, le maximum prévu au dernier alinéa de l’article L. 225-182 est porté au tiers du capital.

   

Le président du conseil d’administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, les membres du directoire ou le gérant d’une société par actions peuvent se voir attribuer par cette société des options donnant droit à la souscription ou à l’achat d’actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-184 et L. 225-186-1. Toutefois, par dérogation à ces dispositions, le conseil d’administration ou, selon le cas, le conseil de surveillance soit décide que les options ne peuvent être levées par les intéressés avant la cessation de leurs fonctions, soit fixe la quantité des actions issues de levées d’options qu’ils sont tenus de conserver au nominatif jusqu’à la cessation de leurs fonctions.L’information correspondante est publiée dans le rapport mentionné à l’article L. 225-102-1.

   

Ils peuvent également se voir attribuer, dans les mêmes conditions, des options donnant droit à la souscription ou à l’achat d’actions d’une société qui est liée dans les conditions prévues à l’article L. 225-180, sous réserve que les actions de cette dernière soient admises aux négociations sur un marché réglementé.

« Aucune option donnant droit à souscription ou à achat d’actions, ni attribution gratuite d’action d’une société qui bénéficie d’une aide publique sous forme de recapitalisation, quelle qu’en soit la forme, ne peut être consentie à une personne rémunérée par cette même société. »

 
 

Article 8

Article 8

 

Après l’article L. 500-1 du code monétaire et financier, Livre V, il est créé un article L. 500-1-1 ainsi rédigé :

Rejeté

 

« Article L. 500-1-1. – La rémunération variable versée, sous quelle que forme que ce soit, à un salarié d’un prestataire de service visé au Livre V du code monétaire et financier ne peut excéder le montant de sa rémunération fixe nette.

 
 

La présente disposition est réputée d’ordre public. »

 

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code de commerce 72

Art. L. 225-100.

Loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie 73

Art. 6.

Code de commerce

Art. L. 225-100. – L’assemblée générale ordinaire est réunie au moins une fois par an, dans les six mois de la clôture de l’exercice, sous réserve de prolongation de ce délai par décision de justice.

Le conseil d’administration ou le directoire présente à l’assemblée son rapport ainsi que les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés accompagnés du rapport de gestion y afférent.

Ce rapport comprend une analyse objective et exhaustive de l’évolution des affaires, des résultats et de la situation financière de la société, notamment de sa situation d’endettement, au regard du volume et de la complexité des affaires. Dans la mesure nécessaire à la compréhension de l’évolution des affaires, des résultats ou de la situation de la société et indépendamment des indicateurs clés de performance de nature financière devant être insérés dans le rapport en vertu d’autres dispositions du présent code, l’analyse comporte le cas échéant des indicateurs clés de performance de nature non financière ayant trait à l’activité spécifique de la société, notamment des informations relatives aux questions d’environnement et de personnel.

Le rapport comporte également une description des principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée.

L’analyse mentionnée au troisième alinéa contient, le cas échéant, des renvois aux montants indiqués dans les comptes annuels et des explications supplémentaires y afférentes.

Le rapport comporte en outre des indications sur l’utilisation des instruments financiers par l’entreprise, lorsque cela est pertinent pour l’évaluation de son actif, de son passif, de sa situation financière et de ses pertes ou profits. Ces indications portent sur les objectifs et la politique de la société en matière de gestion des risques financiers, y compris sa politique concernant la couverture de chaque catégorie principale de transactions prévues pour lesquelles il est fait usage de la comptabilité de couverture. Elles portent également sur l’exposition de la société aux risques de prix, de crédit, de liquidité et de trésorerie.

Est joint à ce rapport un tableau récapitulatif des délégations en cours de validité accordées par l’assemblée générale des actionnaires au conseil d’administration ou au directoire dans le domaine des augmentations de capital, par application des articles L. 225-129-1 et L. 225-129-2. Le tableau fait apparaître l’utilisation faite de ces délégations au cours de l’exercice.

Les commissaires aux comptes relatent, dans leur rapport, l’accomplissement de la mission qui leur est dévolue par les articles L. 823-9, L. 823-10 et L. 823-11.

L’assemblée délibère et statue sur toutes les questions relatives aux comptes annuels et, le cas échéant, aux comptes consolidés de l’exercice écoulé.

Elle exerce les pouvoirs qui lui sont attribués notamment par l’article L. 225-18, le quatrième alinéa de l’article L. 225-24, le troisième alinéa de l’article L. 225-40, le troisième alinéa de l’article L. 225-42 et par l’article L. 225-45 ou, le cas échéant, par l’article L. 225-75, le quatrième alinéa de l’article L. 225-78, l’article L. 225-83, le troisième alinéa de l’article L. 225-88 et le troisième alinéa de l’article L. 225-90.

Loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie

Art. 6. – I. – Le ministre chargé de l’économie peut accorder la garantie de l’État dans les conditions mentionnées au présent article.

II. – A. – La garantie de l’État peut être accordée à titre onéreux aux titres de créance émis par une société de refinancement dont le siège est situé en France et qui a pour objet, par dérogation à l’article L. 511-5 du code monétaire et financier, de consentir des prêts aux établissements de crédit agréés et contrôlés dans les conditions définies par ce code.

Les établissements concernés passent une convention avec l’État qui fixe les contreparties de la garantie, notamment en ce qui concerne le financement des particuliers, des entreprises et des collectivités territoriales. Cette convention précise également les engagements des établissements et de leurs dirigeants sur des règles éthiques conformes à l’intérêt général. Elle porte en outre sur les conditions dans lesquelles les établissements exercent des activités dans des États ou territoires qui ne prêtent pas assistance aux autorités administratives françaises en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et entretiennent des relations commerciales avec des personnes ou entités qui y sont établies. Par ailleurs, elle présente les conditions dans lesquelles le conseil d’administration, le conseil de surveillance ou le directoire autorise l’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions ou d’actions gratuites aux président du conseil d’administration, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire, président du conseil de surveillance ou gérants dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 et L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce, ainsi que l’octroi des autres types de rémunération variable, des indemnités et des avantages indexés sur la performance, et des rémunérations différées.

Seuls les établissements de crédit satisfaisant aux exigences de fonds propres prévues en application du code monétaire et financier pourront bénéficier des prêts accordés par la société.

La société mentionnée au premier alinéa peut acquérir des billets à ordre, régis par les articles L. 313-43 à L. 313-49, émis par des établissements de crédit, souscrire ou acquérir des parts ou titres de créances émis par des organismes visés aux articles L. 214-42-1 à L. 214-49-14 ou des fiducies.

Pour les besoins de son activité, la société de refinancement bénéficie des dispositions des articles L. 211-36 à L. 211-40 au même titre que les établissements de crédit.

Ces parts, titres de créances ou billets à ordre confèrent à la société de refinancement :

– un droit de créance sur l’établissement de crédit bénéficiaire d’un montant égal au principal et aux intérêts et accessoires du prêt consenti par la société de refinancement à l’établissement de crédit ;

– en cas de défaillance de l’établissement de crédit bénéficiaire, un droit direct sur le remboursement des créances sous-jacentes répondant aux caractéristiques définies aux 1° à 6° ci-dessous et le paiement des intérêts et accessoires se rapportant à ces créances ainsi que le produit de l’exécution des garanties attachées à ces créances, dans les conditions contractuelles qui les régissent ; la société de refinancement doit bénéficier de ce droit direct, même en cas de défaillance de l’établissement de crédit bénéficiaire du refinancement ou d’une entité interposée, sans subir le concours d’un autre créancier de rang supérieur à l’exception éventuelle de ceux qui tirent leurs droits de la gestion des créances et des garanties ou de la gestion ou du fonctionnement d’une entité interposée.

La constitution d’une garantie financière dans les conditions visées aux articles L. 211-36 à L. 211-40 du code monétaire et financier portant sur des créances et bénéficiant à la société de refinancement est opposable aux tiers et aux débiteurs, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances et ce quelles que soient la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des tiers ou des débiteurs et nonobstant toute clause contraire des contrats régissant ces créances.

La société de refinancement et l’établissement de crédit ayant constitué la garantie financière peuvent convenir que les sommes encaissées au titre des prêts, crédits ou créances faisant l’objet de la garantie financière ou tout ou partie du montant équivalent à ces encaissements seront portées au crédit d’un compte spécialement affecté au profit de la société de refinancement. Le caractère spécialement affecté du compte prend effet à la date de signature d’une convention d’affectation entre la société de refinancement, l’établissement ayant constitué la garantie financière, le cas échéant, l’établissement chargé du recouvrement de créances sur lesquelles porte la garantie financière et l’établissement teneur de compte si ceux-ci sont distincts de l’établissement ayant constitué la garantie financière, sans qu’il soit besoin d’autres formalités. Les sommes portées au crédit de ce compte bénéficient exclusivement à la société de refinancement, qui dispose de ces sommes dans les conditions définies par la convention d’affectation. L’affectation spéciale rend le compte et les sommes qui y sont portées indisponibles aux tiers saisissants. Par dérogation à cette dernière disposition, les sommes encaissées au titre de prêts ayant bénéficié d’une couverture d’assurance crédit ou d’une garantie de prêt contre-garantie par l’État et portées au crédit de ce compte peuvent être appréhendées par l’assureur-crédit agissant sur le fondement de sa subrogation légale.

Nonobstant toutes dispositions législatives contraires et nonobstant l’ouverture éventuelle d’une des procédures visées au livre VI du code de commerce ou d’une procédure judiciaire ou amiable équivalente sur le fondement d’un droit étranger à l’encontre de l’établissement de crédit ayant constitué la garantie financière, de l’établissement chargé du recouvrement de créances sur lesquelles porte la garantie financière ou de l’établissement dans les livres duquel est ouvert le compte spécialement affecté au profit de la société de refinancement :

– la garantie financière conserve tous ses effets après l’ouverture de la procédure et, lorsque la créance sur laquelle porte la garantie financière résulte d’un contrat à exécution successive, la poursuite du contrat ne peut être remise en cause ;

– les créanciers de l’établissement ne peuvent poursuivre le paiement de leurs créances sur le compte spécialement affecté au profit de la société de refinancement ou sur les sommes qui y sont portées et la poursuite de la convention d’affectation ne peut être remise en cause.

Les enregistrements comptables correspondant aux comptes spécialement affectés à la société de refinancement créés en vertu de ces dispositions doivent être contrôlés et certifiés par un ou plusieurs commissaires aux comptes.

Peuvent être mobilisés en application du présent article :

1° Les prêts assortis d’une hypothèque de premier rang ou d’une sûreté immobilière conférant une garantie au moins équivalente ;

2° Les prêts exclusivement affectés au financement d’un bien immobilier situé en France, sous la forme d’une opération de crédit-bail ou assortis d’un cautionnement d’un établissement de crédit ou d’une entreprise d’assurance ;

3° Les prêts mentionnés aux I et II de l’article L. 515-15 du code monétaire et financier ;

4° Les prêts aux entreprises bénéficiant au moins du quatrième meilleur échelon de qualité de crédit établi par un organisme externe d’évaluation de crédit reconnu par la Commission bancaire conformément à l’article L. 511-44 du même code ou, à défaut, d’une note au moins équivalente attribuée par l’établissement prêteur suivant une approche interne d’évaluation des risques dont l’utilisation a été autorisée conformément aux articles L. 511-41 et L. 613-20-4 dudit code ;

5° Les prêts à la consommation consentis aux particuliers résidant en France ou, selon des modalités à définir par la société mentionnée au premier alinéa, ceux consentis à des particuliers résidant dans d’autres États membres de l’Union européenne ;

6° Les crédits à l’exportation assurés ou garantis par une agence de crédit export d’un État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, des États-Unis d’Amérique, de la Confédération suisse, du Japon, du Canada, de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande.

Selon des modalités prévues par arrêté du ministre chargé de l’économie, le montant total des éléments d’actif mobilisés par les établissements de crédit doit être supérieur au montant des éléments de passif bénéficiant de la garantie de l’État.

La Commission bancaire contrôle pour le compte de l’État dans les conditions prévues aux articles L. 613-6 à L. 613-11 du code monétaire et financier les conditions d’exploitation de la société mentionnée au premier alinéa et la qualité de sa situation financière.

Les statuts de la société mentionnée au premier alinéa sont agréés par arrêté du ministre chargé de l’économie. Un commissaire du Gouvernement assiste aux séances de l’organe d’administration de cette société avec un droit de veto sur toute décision de nature à affecter les intérêts de l’État au titre de cette garantie.

Les dirigeants de la société ne peuvent exercer leurs fonctions qu’après agrément du ministre chargé de l’économie.

Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 228-39 du code de commerce, la société mentionnée au premier alinéa peut émettre des obligations dès la publication de la présente loi.

B. – Le ministre chargé de l’économie peut exceptionnellement décider, notamment en cas d’urgence, d’apporter la garantie de l’État, à titre onéreux, aux titres émis par les établissements de crédit, à condition que l’État bénéficie de sûretés conférant une garantie équivalente à celle dont bénéficie la société de refinancement.

C. – La garantie de l’État prévue aux A et B est accordée à des titres de créances émis avant le 31 décembre 2009 et d’une durée maximale de cinq ans.

III. – Afin de garantir la stabilité du système financier français, la garantie de l’État peut être accordée aux financements levés par une société dont l’État est l’unique actionnaire, ayant pour objet de souscrire à des titres émis par des organismes financiers et qui constituent des fonds propres réglementaires.

La décision du ministre chargé de l’économie accordant la garantie de l’État précise, pour chaque financement garanti, notamment la durée et le plafond de la garantie accordée.

Les dirigeants de la société mentionnée au premier alinéa sont nommés par décret.

Cette société n’est pas soumise aux dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

IV. – Le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder à titre onéreux la garantie de l’État aux financements levés par les sociétés Dexia SA, Dexia Banque Internationale Luxembourg, Dexia Banque Belgique et Dexia Crédit Local de France auprès d’établissements de crédit et de déposants institutionnels, ainsi qu’aux obligations et titres de créance qu’elles émettent à destination d’investisseurs institutionnels, dès lors que ces financements, obligations ou titres ont été levés ou souscrits entre le 9 octobre 2008 et le 31 octobre 2009 inclus et arrivent à échéance avant le 31 octobre 2011. Cette garantie de l’État s’exercera, sous réserve de l’appel conjoint en garantie du Royaume de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg, et dans la limite de 36,5 % des montants éligibles.

Le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder, à titre onéreux, la garantie de l’État sur les engagements pris par la société Dexia relatifs aux actifs inscrits au bilan de la société de droit américain FSA Asset Management LLC dans la mesure où ces actifs étaient inscrits au bilan de cette société au 30 septembre 2008 et que celle-ci perçoit les produits de toute nature qui sont attachés à ces actifs.

Dans ce cadre, le ministre chargé de l’économie conclura avec Dexia une convention précisant les conditions dans lesquelles la garantie peut être appelée et organisant les conditions de transformation en titres constitutifs de fonds propres réglementaires de Dexia des montants appelés au titre de cette garantie.

Cette garantie ne peut couvrir qu’une fraction maximum de 36,5/97e de chacun des appels de fonds dans la limite d’un plafond global décroissant correspondant, à chaque appel en garantie, à la valeur nominale résiduelle des actifs visés au deuxième alinéa à la clôture de l’exercice comptable précédent. Cette garantie est plafonnée à 6,39 milliards de dollars américains correspondant à 36,5/97e de la valeur nominale résiduelle des actifs au 30 septembre 2008.

Cette garantie ne peut être appelée que sous réserve de l’appel conjoint en garantie du Royaume de Belgique.

Cette garantie cesse de produire ses effets si la société Dexia perd le contrôle, direct ou indirect, de la société FSA Asset Management LLC ou dès lors que la valeur nominale des actifs résiduels mentionnés au deuxième alinéa devient inférieure à 4, 5 milliards de dollars américains, diminuée des montants éventuellement appelés en garantie au titre des engagements mentionnés au deuxième alinéa.

V. – La garantie de l’État mentionnée au présent article est accordée pour un montant maximal de 360 milliards d’euros.

VI. – Le Gouvernement adresse chaque trimestre au Parlement un rapport rendant compte de la mise en œuvre du présent article.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Avant l’article 1er

Supprimer la division et l’intitulé :

« TITRE Ier

« Exigences applicables aux rémunérations des dirigeants d’entreprises manataires sociaux et opérateurs de marché ».

Amendement CL2 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 7, après le mot : « mandataires », insérer les mots : « sociaux ».

Amendement CL3 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 8, substituer aux mots : « l’entreprise », les mots : « la société ».

Amendement CL4 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 9, substituer à la première occurrence des mots : « l’entreprise », les mots : « la société ».

Amendement CL5 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 3

À la fin de l’alinéa 2, après les mots : « le conseil d’administration », insérer les mots : « ou de surveillance ».

Amendement CL6 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 5

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « un régime différentiel de retraite, ou “retraite chapeau,” », les mots : « une retraite supplémentaire à prestations définies ».

Amendement CL7 présenté par M. Philippe Vuilque, rapporteur :

Article 5

À la fin de l’alinéa 2, substituer aux mots : « la dernière année de l’exercice de sa fonction », les mots : « moyenne sur une période de référence couvrant les cinq dernières années de l’exercice de sa fonction ».

Amendement CL8 présenté par M. Jean-Luc Warsmann :

Article 2

Compléter l’alinéa 11 par la phrase suivante :

« Ce décret fixe également les conditions de chiffre d’affaires et d’effectifs des sociétés auxquelles s’applique le I. »

Amendement CL9 présenté par M. Jean-Luc Warsmann :

Titre

Rédiger ainsi le titre de la proposition de loi :

« Proposition de loi visant à créer un comité des rémunérations dans les sociétés anonymes. »

ANNEXE : ÉLÉMENTS D’INFORMATION SUR LE DROIT EUROPÉEN APPLICABLE OU EN COURS D’ÉLABORATION

(application de l’article 86, paragraphe 7, du Règlement : document transmis par la Commission des affaires européennes)

2 octobre 2009

I. Les politiques de rémunération ont, dans le contexte de la crise financière et économique, été évoquées au plus haut niveau, lors des sommets des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne :

a) Extrait des conclusions du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008 (sous présidence française de l’Union) :

« 9. En vue de tirer les leçons de la crise et de restaurer la confiance du public, le Conseil européen appelle avec force à la responsabilisation de tous les acteurs du système financier, notamment du secteur bancaire. Il souligne que la performance réelle des dirigeants d'entreprises doit se refléter dans leur rémunération, y compris les indemnités de départ (« parachutes dorés ») qui devraient être fonction de la contribution effective du dirigeant à la réussite de la société. De la même manière, il convient de veiller à ce que le bénéfice de stock options ou le système des rémunérations, notamment dans le secteur financier, n'entraînent ni une prise de risques excessive ni une extrême focalisation sur les objectifs de court terme. Le Conseil européen appelle les États membres à œuvrer pour l'application de ces principes et demande au Conseil de lui faire rapport sur les décisions prises avant la fin de l'année. »

b) Extrait des conclusions du Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 :

« 18. Des progrès considérables ont d'ores et déjà été accomplis en ce qui concerne le renforcement du cadre réglementaire de l'UE (…). Le Conseil européen appelle à réaliser de nouveaux progrès en ce qui concerne la réglementation des marchés financiers (…). Le Conseil européen invite également (…) les États membres à prendre sans tarder des mesures en ce qui concerne les salaires des dirigeants et les rémunérations dans le secteur financier, en tenant compte des recommandations formulées par la Commission. »

c) Réunion des chefs d’État et de gouvernement du 17 septembre 2009 - texte adopté d’un commun accord pour le sommet du G20 de Pittsburgh :

« (…) Promouvoir des pratiques de rémunération responsables dans le secteur financier :

15. Le G20 doit respecter l'engagement pris à Londres concernant les rémunérations afin de favoriser une gestion saine des risques et un lien étroit entre les rémunérations et les performances à long terme, tout en assurant des conditions équitables.

16. En particulier, le G20 devrait s'engager à arrêter, pour les institutions financières, des règles contraignantes sur les rémunérations variables, soutenues par la menace de sanctions au niveau national, portant sur les principes suivants:

a) améliorer la gouvernance afin de garantir un contrôle approprié des rémunérations et des risques par les conseils d'administration;

b) renforcer la transparence et les obligations de publication;

c) fixer les rémunérations variables, y compris les bonus, à un niveau approprié par rapport à la rémunération fixe et les faire dépendre des performances de la banque, des lignes de métier et des personnes, en prenant dûment en compte les développements négatifs, de façon à éviter les bonus garantis; en cas de rémunérations variables élevées, le paiement d'une part importante des rémunérations doit être différé et n'intervenir qu'au terme d'un délai approprié et pourrait être annulé lorsque les résultats de la banque connaissent une évolution négative ;

d) empêcher que des stocks options ne soient exercées, et que des actions reçues ne soient vendues, pendant une période appropriée ;

e) empêcher que les dirigeants et les cadres ne soient totalement immunisés contre les risques;

f) donner aux conseils de surveillance les moyens de réduire les rémunérations en cas d'évolution négative de la performance de la banque;

g) examiner les moyens de limiter le montant total des rémunérations variables dans une banque à un certain pourcentage des rémunérations totales ou des revenus et/ou des profits de la banque. »

II. La question des rémunérations fait l’objet de recommandations de la Commission européenne, et les rémunérations dans le secteur financier sont incluses dans le champ d’une proposition de directive en cours de négociation :

1. La Commission européenne s’est saisie de la question des rémunérations en adressant des recommandations aux États membres de l’UE :

Le 30 avril 2009, la Commission européenne a, à la demande des vingt-sept États membres, présenté deux recommandations relatives à la question des rémunérations : une recommandation complétant deux recommandations antérieures (de 2004 et 2005) en ce qui concerne la rémunération des administrateurs de sociétés cotées en Bourse (35), et une recommandation sur les politiques de rémunération dans le secteur des services financiers (36).

Dans la communication qui accompagne ces deux recommandations (37), la Commission européenne inscrit cette démarche dans la réponse globale de l’Union européenne à la crise financière et économique, celle-ci ayant fait apparaître « de sérieuses faiblesses quant à la manière dont les marchés financiers sont réglementés et surveillés ». Elle constate que, « de l’avis général, les plans de rémunération basés sur des rendements à court terme sans prise en compte des risques correspondants ont contribué à l’utilisation d’incitations qui ont mené à des pratiques excessivement risquées de la part des établissements financiers » et que des préoccupations plus générales se sont également exprimées en ce qui concerne les augmentations récentes et substantielles de la rémunération du personnel de direction et de la composante variable dans la rémunération des dirigeants de société dans tous les secteurs de l’économie.

Les deux recommandations du 30 avril 2009, qui énoncent une série de principes et de bonnes pratiques que les États membres devraient faire appliquer par les entreprises, constituent une première étape : la Commission européenne annonçait ainsi la présentation ultérieure de propositions législatives, en particulier d’une proposition de directive visant à faire entrer les systèmes de rémunération dans le champ d’application de la surveillance prudentielle. Cette proposition de directive est intervenue le 13 juillet 2009 (38).

2. Les rémunérations dans le secteur financier sont concernées par la proposition de directive portant révision des directives relatives aux fonds propres des banques :

La Commission européenne a proposé aux États membres et au Parlement européen une révision des règles de l’Union européenne sur les exigences de fonds propres des banques, dont le but est d’obliger les banques à évaluer d’une manière plus stricte les risques liés à leurs portefeuille de négociation, d’imposer des exigences de fonds propres plus élevées pour les retitrisations, d’améliorer la confiance des marchés grâce à des exigences de publicité accrues en ce qui concerne les expositions de titrisation, et enfin, d’imposer aux banques de bonnes pratiques de rémunération qui n’encouragent pas ou ne récompensent pas les prises de risques excessives.

Le cadre juridique communautaire sur les fonds propres des banques est régulièrement révisé, les dernières modifications datant de 2006 (directive 2006/48/CE et directive 2006/49/CE).

Les recommandations de la Commission européenne relatives aux rémunérations s’adressaient aux États membres mais n’étaient pas contraignantes. En revanche la proposition de directive, si elle est adoptée, obligera les États membres à transposer ses dispositions dans leur droit national, et donc à créer des obligations légales pour les banques et les autres établissements financiers. En ce qui concerne les rémunérations, la proposition de directive présentée le 13 juillet dernier, qui est en instance d’examen au Parlement européen et au Conseil, prévoit que les autorités nationales compétentes pour contrôler les banques auront le pouvoir de sanctionner les banques menant des politiques de rémunération non-conformes aux nouvelles exigences.

La proposition de directive est fondée sur l’article 47, paragraphe 2, du traité CE, qui constitue la base juridique de l’harmonisation des règles concernant l’accès à l’activité, notamment, des établissements de crédit et son exercice. L’actuel cadre de surveillance prudentielle européen n’exige pas explicitement que les politiques de rémunération des établissements financiers soient soumis à une surveillance prudentielle. Les autorités de surveillance de chaque État membre ne se sont donc généralement pas intéressées de près aux implications des politiques de rémunération sur les risques et la gestion efficace de ceux-ci.

Les modifications proposées par la Commission européenne visent à :

– imposer aux établissements de crédit et aux sociétés d’investissement l’obligation d’adopter des politiques et pratiques de rémunération compatibles avec une gestion saine et efficace des risques,

– faire entrer les politiques de rémunération dans le champ de la surveillance prudentielle,

– faire en sorte que les autorités de surveillance puissent imposer des sanctions financières ou non financières aux entreprises qui ne se conforment pas à leurs obligations.

La portée de l’obligation proposée serait limitée à la rémunération du personnel dont les activités professionnelles ont une incidence matérielle sur le profil de risque de la banque ou de la société d’investissement. Elle vise donc les politiques de rémunération des personnes dont les décisions peuvent influer sur le niveau de risque pris par l’établissement. Les règles proposées ne visent pas à fixer la forme ni le montant des rémunérations, les établissements financiers restant responsables de la conception et de l’application de leur propre politique de rémunération.

L’Assemblée nationale (commission des affaires européennes) n’a pas encore pris position, à ce jour, sur cette proposition de directive.

III. Les résolutions adoptées par l’Assemblée nationale :

Dans le cadre de ses travaux sur la crise financière et économique, l’Assemblée nationale a pris position à deux reprises en faveur d’un encadrement des rémunérations dans le secteur financier :

– suite à la présentation, devant la commission des affaires européennes, d’un rapport d’information de M. Daniel Garrigue (39), l’Assemblée a adopté une résolution sur l’Europe face à la crise financière (20 décembre 2008, TA n° 223) :

« L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les conclusions du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008, (…)

6. Insiste (…) sur le rôle déterminant que doivent jouer les Européens en définissant le plus rapidement possible à l’échelle de l’Union européenne les éléments de régulation, de supervision et de moralisation indispensables pour contribuer à la refondation du système financier et monétaire international ;(…)

8. Souhaite également que la régulation soit, dans son ensemble, rendue plus exigeante, que les rémunérations des différents acteurs soient encadrées (…) »

– le 25 mars 2009, l’Assemblée a adopté une résolution sur le renforcement de la régulation financière (TA n° 248) :

« L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution, (…)

Vu les recommandations du groupe de travail de haut niveau sur la supervision financière présidé par M. Jacques de Larosière, visant notamment (…) à encadrer les rémunérations dans le secteur bancaire et à mettre en place un système de gestion de crise pour le secteur financier,

Vu (…) les premières propositions de réformes du système financier international du groupe de travail commun à l’Assemblée nationale et au Sénat sur la crise financière internationale,

Souscrivant à leurs orientations en faveur d’un véritable cadre prudentiel européen (…),

4. Appelle le système bancaire et financier mondial à adopter des règles de rémunération et d’intéressement qui soient fonction des résultats réels de l’entreprise sur une période pluriannuelle et qui soient compatibles avec l’intérêt des actionnaires et les perspectives à long terme de l’entreprise ; (…) ».

* * *

© Assemblée nationale

1 () Proposition de loi n° 1544, déposée par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe SRC le 18 mars 2009.

2 () Rapport d’information n° 1798 : « Quelle régulation pour la rémunération des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de marchés ? », 7 juillet 2009.

3 () Proposition de loi n° 1896, déposée par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe SRC.

4 () Institut Montaigne, Amicus Curiae : « Comment “bien” payer les dirigeants d’entreprise ? »,.

5 () « Executive remuneration in Europe : key statistics and shareholder’s scrutiny », 23 mars 2009.

6 () Conseil d’analyse économique : « La crise des subprimes », rapport n° 78, Patrick Artus, Jean-Paul Betbèze, Christian de Boissieu et Gunther Capelle-Blancard, 4 septembre 2008, p. 206.

7 () Rapport d’information n° 1798 précité, p. 26 et 27.

8 () Depuis 2002, le montant des bonus versés par les cinq banques d’investissement new yorkaises est estimé à 312 milliards de dollars.

9 () Libération, édition du 21 septembre 2009, p. 14.

10 () Mission présidée par Jean-Philippe Cotis : « Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France », 13 mai 2009.

11 () Conseil d’analyse économique : « Le partage des fruits de la croissance en France », rapport de Gilbert Cette, Jacques Delpla et Arnaud Sylvain, 29 mai 2009.

12 () Rapport de l’AMF sur les rémunérations des dirigeants de sociétés cotées et sur la mise en œuvre des recommandations AFEP/MEDEF, 9 juillet 2009.

13 () Ibidem, p. 21.

14 () Rapport d’information n° 1902 : « La lutte contre les paradis fiscaux : 30 propositions pour passer à l’acte », 10 septembre 2009.

15 () Rapport d’information n° 1798, p. 67 et 68.

16 () Contribution des membres du groupe SRC au rapport d’information n° 1798, p. 87 à 92.

17 () Dexia, BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale, Crédit Mutuel, Caisses d’épargne et Banques populaires.

18 () Renault, PSA, Iveco, Renault Trucks.

19 () Valeo, Daher, Farinia, Led to Lite ainsi que les entreprises publiques.

20 () AMF : rapport sur le gouvernement d’entreprise et le contrôle interne, 27 novembre 2008, p. 24.

21 () Rapport d’information n° 1798 : « Quelle régulation pour la rémunération des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de marchés ? », 7 juillet 2009, p. 67.

22 () Proposition de loi de M. François Sauvadet et plusieurs de ses collègues (n° 1671), visant à démocratiser le mode de fixation des rémunérations des mandataires sociaux dans les sociétés anonymes, enregistrée le 13 mai 2009 à la présidence de l’Assemblée nationale.

23 () Rapport d’information n° 1798, p. 9.

24 () Étude publiée en 2006 dans le journal économique La Tribune.

25 () C. Landais : « Les très hauts revenus en France (1998-2006) : une explosion des inégalités ? » ; Paris school of economics, juin 2007.

26 () Étude effectuée en décembre 2008 et publiée le 13 janvier 2009 par le quotidien Le Monde.

27 () Rapport de l’AMF sur les rémunérations des dirigeants de sociétés cotées et sur la mise en œuvre des recommandations AFEP/MEDEF, 9 juillet 2009, p. 21.

28 () CA Paris, 3ème chambre, 7 octobre 2008, infirmant le jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 avril 2007.

29 () Rapport précité, p. 32.

30 () Ibidem.

31 () Rapport n° 1595, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2009, p. 57 et suivantes.

32 () Rapport précité, p. 44.

33 () Conseil d’analyse économique : « La crise des subprimes », rapport n° 78, Patrick Artus, Jean-Paul Betbèze, Christian de Boissieu et Gunther Capelle-Blancard, 4 septembre 2008, p. 207.

34 () Cour des comptes, rapport public : « Les concours publics aux établissements de crédit : premiers constats, premières recommandations », 29 juin 2009, p. 97.

35 () Recommandation de la Commission du 30 avril 2009 complétant les recommandations 2004/913/CE et 2005/162/CE en ce qui concerne le régime de rémunération des administrateurs de sociétés cotées (C(2009)3177).

36 () Recommandation de la Commission du 30 avril 2009 sur les politiques de rémunération dans le secteur des services financiers (C(2009)3159).

37 () Communication de la Commission du 30 avril 2009 accompagnant la recommandation de la Commission complétant les recommandations 2004/913/CE et 2005/162/CE en ce qui concerne le régime de rémunération des administrateurs de sociétés cotées et la recommandation de la Commission sur les politiques de rémunération dans le secteur des services financiers (COM(2009)211 final).

38 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE en ce qui concerne les exigences de fonds propres pour le portefeuille de négociation et pour les retitrisations, et la surveillance prudentielle des politiques de rémunération (COM(2009) 362 final / document E4632).

39 () Rapport d’information n° 1291 sur « L’Europe face à la crise financière » (3 décembre 2008).