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N
° 2242

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 janvier 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n°1792, autorisant l’adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute,

par M. Jean-Pierre DUFAU

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – LA PREVENTION DE LA POLLUTION PAR LES NAVIRES : UNE MISE EN PLACE PROGRESSIVE 7

A – DES DÉBUTS TIMIDES : LA CONVENTION OILPOL 7

B – LA CONVENTION MARPOL : UN OUTIL AMBITIEUX 8

C – LES CONVENTIONS INTERNATIONALES SUR LA RESPONSABILITÉ ET L’INDEMNISATION 8

1) Dommages dus à la pollution par les hydrocarbures 9

2) Dommages liés au transport de substances nocives 11

3) Autres dommages 11

D – LE SYSTÈME FRANÇAIS DE LUTTE CONTRE LA POLLUTION MARINE 11

II – LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE 2001 15

A – LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION 16

1) Responsabilité 16

2) Obligation d’assurance et de certificat 17

3) Demande en réparation et indemnisation 18

4) Prescription 20

5) Tribunaux compétents et exécution des jugements 20

6) Cohérence avec le droit européen 21

B – QUELQUES RÉSERVES SUR LA PERTINENCE DU DISPOSITIF CHOISI 21

1) Le montant des indemnisations et la référence à la convention LLMC 21

2) Absence de fond complémentaire 22

3) Un nombre sans cesse croissant de certificats exigibles 22

4) Faisabilité pratique 22

C – L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA CONVENTION DE 2001 23

CONCLUSION 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 29

Mesdames, Messieurs,

Si la pollution des mers est essentiellement due à la pollution tellurique, celle imputable aux déchets évacués en mer à partir des navires représente, selon les experts des Nations Unies, 10% du total des polluants introduits en mer.

Le 23 mars 2001, une convention sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute dite « convention Bunker  » a été adoptée à Londres par une conférence diplomatique réunie sous l’égide de l’Organisation maritime internationale (OMI). C’est en effet l’OMI, institution des Nations Unies créée en 1948, qui a reçu mandat d’élaborer le droit international relatif à la sécurité en mer et à la prévention de la pollution du milieu marin. En matière de lutte contre la pollution marine, certaines conventions sont de la compétence de l’OMI. C’est le cas pour la convention des hydrocarbures de soute. En effet, si à sa création en 1948, l’Organisation maritime internationale avait pour objectif la sécurité de la navigation, celui-ci fut complété en 1975 par la « prévention de la pollution des mers par les navires et la lutte contre cette pollution », l’OMI devant traiter les « questions administratives et juridiques liées aux objectifs énoncés ».

La convention de 2001 comble une lacune importante du dispositif existant en matière de pollution par les hydrocarbures, dispositif qui ne couvre pas les hydrocarbures destinés à la propulsion des navires. Elle est entrée en vigueur le 21 novembre 2008 du fait de son adoption par dix-huit États.

Elle a déjà été ratifiée par 41 pays dont un nombre important d’États communautaires(1). Sa ratification par la France permettra de délivrer aux navires français le certificat d’assurance rendu obligatoire par la convention et de faciliter ainsi leur circulation.

I – LA PREVENTION DE LA POLLUTION PAR LES NAVIRES : UNE MISE EN PLACE PROGRESSIVE

C’est à partir de la seconde partie du XXème siècle qu’émerge véritablement une préoccupation internationale liée aux risques et aux effets de la circulation d’un nombre sans cesse croissant de navires, notamment de pétroliers, dont les capacités de transports augmentaient dans le même temps. Les accidents qui se sont succédés d’une part (Torrey Canyon, Argo Merchant, Amoco Cadiz, Exxon Valdez, etc.) et les observations du milieu marin menées tant par des organisations non gouvernementales que par des instances internationales, sous l’égide du programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) par exemple, d’autre part, ont suscité au fil des ans une réglementation de plus en plus exigeante.

A – Des débuts timides : la convention OILPOL

Une première convention internationale pour la prévention de la pollution des eaux de la mer, la convention OILPOL, fut signée à Londres en 1954 à l’initiative du gouvernement britannique. Elle fut placée sous la responsabilité de l’OMI et de son Comité de la sécurité maritime. La convention de 1954 posait le principe de l’interdiction des rejets contaminés d’hydrocarbures à proximité des côtes et dans les zones dont l’environnement était particulièrement vulnérable. Elle obligeait à la mise en place d’infrastructures portuaires à même de récupérer les résidus d’hydrocarbures. Elle ne concernait pas les pollutions accidentelles, se limitant à la pollution opérationnelle (communément appelée déballastage ou dégazage selon le type d’opération concernée) et ne comportait pas de sanctions. Ses limites apparurent après la marée noire provoquée par le naufrage du Torrey Canyon en 1967 qui marque la prise de conscience des gouvernements et des instances internationales de la nécessité d’une réglementation en matière de responsabilité et d’indemnisation.

Des amendements furent apportés à la convention OILPOL, avec la méthode de « chargement sur résidus » permettant de réduire la pollution issue des activités d’exploitation occasionnant des opérations, fortement polluantes, de déballastage et lavage des citernes ou encore limitant les dimensions des citernes à cargaison des navires-citernes. Ces aménagements à la convention de 1954 n’empêchèrent pas le Sous-comité de la pollution des mers (2) de l’OMI de juger nécessaire une refonte des dispositions en vue de prévenir la pollution des mers. Cette réflexion aboutit à l’organisation d’une conférence internationale en 1973, à laquelle participèrent plus de soixante-dix pays, en vue de parvenir à un accord international sur la pollution des mers.

Par ailleurs des instruments juridiques furent mis en place pour répondre à la question de la responsabilité et de l’indemnisation :

– Convention internationale sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures (1969)

– Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (1969)

– Convention internationale portant création d’un Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (1971).

B – La convention MARPOL : un outil ambitieux

La conférence internationale de 1973 marqua un tournant important dans la volonté de prévenir la pollution par les navires par l’adoption de la convention MARPOL le 2 novembre 1973 à Londres. Elle reprenait, dans son annexe I, une majeure partie des dispositions de la convention OILPOL tout en les améliorant et en les complétant, par exemple par la surveillance continue des rejets d’eaux mêlées d’hydrocarbures, par l’obligation de mettre en place dans les ports et terminaux pétroliers des installations de réception et de traitement, par l’instauration de règles spécifiques, plus contraignantes, dans certaines zones comme la Méditerranée, la mer Baltique ou la mer Rouge. La convention MARPOL prévoyait initialement la ratification des annexes I (hydrocarbures) et II (produits chimiques liquides) par quinze États représentant au moins 15 % du tonnage brut de la flotte mondiale de commerce. Le nombre très insuffisant d’États l’ayant ratifié du fait de difficultés liées à l’annexe II a retardé sensiblement son entrée en vigueur, rendant nécessaire l’adoption en 1978 d’un protocole autorisant les États à n’appliquer d’abord que l’annexe I. Le Protocole de 1978 et la convention mère de 1973, pour les annexes I et II, (dite MARPOL 73/78) entrèrent en vigueur le 2 octobre 1983.

C – Les conventions internationales sur la responsabilité et l’indemnisation

Le comité juridique ad hoc mis en place par l’OMI a été à l’origine de plusieurs conventions importantes visant tant à organiser l’indemnisation des victimes qu’à avoir un effet préventif par la responsabilisation juridique des acteurs.

La responsabilité civile permet, par le biais de la garantie d’indemnisation, d’agir sur le comportement des acteurs qui endossent cette responsabilité. L’effet préventif sera d’autant plus efficace que cette responsabilité est étendue à l’ensemble de la filière. Bien entendu, plus le montant de l’indemnisation est élevé, plus les acteurs seront vigilants à éviter d’avoir à mettre en jeu leur responsabilité. Il est donc essentiel, pour que le système de responsabilité civile mis en place ait des effets préventifs, que les différents éléments la définissant soient incitatifs et que leur coût économique soit suffisamment dissuasif pour modifier les comportements.

Par ailleurs, la responsabilité sans faute est également un élément incitatif important imposant aux acteurs de prendre en compte l’impact potentiel de leur activité sur l’environnement et de chercher à le réduire pour en réduire le coût éventuel à supporter.

1) Dommages dus à la pollution par les hydrocarbures

La responsabilité civile des propriétaires de navires pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures fit l’objet d’une convention signée le 29 novembre 1969 à Bruxelles, dite convention CLC - Civil Liability Convention, entrée en vigueur le 19 juin 1975, visant le transport d’hydrocarbures en vrac en tant que cargaison (navires citernes). Elle ne concerne donc pas les déversements d’hydrocarbures de soute. La définition des hydrocarbures est restrictive et exclut les hydrocarbures non persistants (essence ou kérosène) pour ne concerner que le pétrole brut, le fuel-oil, l’huile diesel lourde et l’huile de graissage.

La convention de 1969, complétée par la convention internationale du 18 décembre 1971 portant création d’un Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL), a été modifiée en 1992. C’est le régime de 1992 qui s’applique désormais, les deux conventions modifiées étant entrées en vigueur le 30 mai 1996. Les plafonds d’indemnisation CLC ont été relevés. Ils vont de 3 millions de DTS à 59,7 millions de DTS selon la jauge du navire. Le FIPOL 1992 est financé par les contributions versées par toute personne ayant reçu, au cours d’une année civile, sur le territoire d’un État partie une quantité supérieure à 150 000 tonnes de pétrole brut transporté par mer. Son plafonnement est supérieur au FIPOL de 1971. L’indemnisation maximale a été fixée à 135 millions de DTS. Enfin, des mécanismes de révision des plafonds ont été mis en place.

Il s’agit de garantir aux victimes d’une pollution par les hydrocarbures venant des navires une indemnisation équitable et d’uniformiser les règles de procédure et de responsabilité. Les dommages couverts doivent avoir été causés par un rejet d’hydrocarbures sur le territoire d’un État partie, dans une zone s’étendant jusqu’à 200 milles des lignes de base. La responsabilité est canalisée sur le propriétaire défini comme la personne au nom de laquelle le navire est immatriculé ou dont le navire est la propriété. Elle est objective, ce qui libère la victime de la charge de la preuve (responsabilité sans faute). Elle est limitée dans le temps et dans son montant. Le propriétaire inscrit du navire a une obligation d’assurance du risque plafonnée. Plusieurs cas d’exonération de responsabilité sont prévus. La limitation de la responsabilité ne peut être invoquée en cas de faute personnelle du propriétaire du navire. Les conditions d’application de ce déplafonnement de responsabilité rendent difficile en pratique son application puisqu’il faut prouver que « le dommage par pollution résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l’intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement ». Un régime d’immunité est prévu pour les mandataires et les préposés du navire.

Les États-Unis ne sont pas signataires de la convention CLC, préférant un système de responsabilité qui leur est propre, le système OPA (3), dont les effets en terme de prévention des rejets d’hydrocarbures est souvent cité en exemple.

Le régime CLC/FIPOL a été largement critiqué parce qu’il ne permettait pas de dédommager intégralement toutes les victimes de marée noire (par exemple dans le cas de l’Erika en 1999). Les mécanismes de révision des plafonds ont cependant permis, au regard de l’insuffisance manifeste de l’indemnisation, d’augmenter de moitié les plafonds, les portant de 4,51 millions de DTS pour un navire dont la jauge est inférieure à 5000 à 89,77 millions pour un navire dont la jauge dépasse 140 000. La question de la responsabilité des différents acteurs de la filière du transport maritime a été posée. En 2002, la marée noire du Prestige, bien que bénéficiant des nouveaux plafonds, montra une fois de plus que le plafond FIPOL ne permettait pas de répondre aux dommages subis.

L’Union européenne a de ce fait été amenée à réfléchir, dès 2000, à la mise en place d’un fonds complémentaire d’indemnisation (fonds COPE – Compensation for Oil Pollution in European waters fund) destiné à dédommager les victimes de marées noires dans les eaux de l’Union.

Cette démarche européenne a conduit à la mise en place en mai 2003 d’un troisième niveau d’indemnisation sous la forme d’un fonds complémentaire, le montant maximal de l’indemnisation disponible en vertu de la convention de 1992 étant susceptible de « ne pas suffire pour répondre aux besoins d’indemnisation dans certains États contractants ». L’adhésion à ce fonds est facultative et ouverte aux États membres du Fonds de 1992. Le protocole créant ce fonds complémentaire s’applique aux sinistres survenus à partir de sa date d’entrée en vigueur, soit à compter du 3 mars 2005. Un accord dit STOPIA (Small Tanker Oil Pollution Indemnisation Agreement), conclu entre le fonds de 2003 et les assureurs P&I (protection et indemnisation), a permis de substituer au plafond de 4,5 millions de DTS un plafond de 20 millions de DTS pour les navires dont la jauge brute est inférieure à 29 548.

2) Dommages liés au transport de substances nocives

La convention HNS (Hazardous and Nocious Substancies) de 1996 établit la liste des produits nocifs ou dangereux. Elle ne couvre pas le combustible de soute qui doit faire l’objet d’une réglementation distincte. La convention HNS met en place un régime de responsabilité objective, ou responsabilité sans faute, du propriétaire du navire. Celui-ci ne pourra s’exonérer de sa responsabilité que dans des cas limitativement cités (acte de guerre ou d’hostilité, fait intentionnel d’un tiers, faute de la victime, etc.). L’article 12 de la convention contraint le propriétaire à une assurance obligatoire délivrée par l’assureur chargé de la couverture P&I (protection et indemnisation). L’indemnisation repose en premier lieu sur le propriétaire du navire. Elle est plafonnée et prise en charge par l’assurance obligatoire. Une indemnisation complémentaire, plafonnée également, est quant à elle financée par des redevances versées par les industriels utilisant les matières nocives ou dangereuses transportées. Cette convention, à laquelle la France n’a pas adhérée, n’est pas encore entrée en vigueur car jugée trop complexe et d’une mise en œuvre trop difficile. Elle est en cours de révision et un protocole pourrait être adopté en ce sens au printemps prochain.

3) Autres dommages

Une convention sur la responsabilité en cas de dommages de pollution par les hydrocarbures résultant de la recherche et de l’exploitation des ressources minérales du sous-sol marin, signée à Londres en 1977, définit la responsabilité civile de l’exploitant (canalisation de la responsabilité) au moment de l’événement et jusqu’à cinq ans après la fin de l’exploitation. Elle vise à indemniser équitablement les victimes de pollutions dues aux activités off shore sauf en cas de responsabilité de celles-ci (action volontaire ou négligence). Cette convention n’est pas entrée en vigueur.

D – Le système français de lutte contre la pollution marine

C’est le Préfet maritime qui est responsable du maintien de l’ordre public en mer et qui est chargé de la lutte contre la pollution, en coordonnant les actions de la Marine nationale, des douanes et de la gendarmerie maritime. Ses missions et compétences sont organisées par le décret 2004-112 relatif à l’organisation de l’action de l’État en mer. C’est ainsi que le préfet peut activer le plan POLMAR MER. Ses compétences s’arrêtent à l’entrée des ports puisque c’est le directeur du port qui a compétence pour juger de la dangerosité ou non d’un navire.

En matière judiciaire, les tribunaux du littoral ont été créés en février 2002 par un décret instituant les six juridictions du littoral maritime spécialisées (JULIS) situées au Havre, à Brest, à Marseille, à Fort-de-France, à Saint-Denis de la Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Leur compétence s’étend aux pollutions volontaires ou involontaires commises dans les eaux territoriales et aux pollutions volontaires en zone économique exclusive et en zone de protection écologique, ce qui permet aux juridictions de droit commun de se dessaisir à tout moment de la procédure d’une affaire entrant dans le champ de compétences des JULIS. La notion de « grande complexité » permet le dessaisissement au profit du tribunal de grande instance de Paris qui a compétence exclusive en matière de pollution involontaire commise dans la zone économique exclusive ou la zone de protection écologique et pour toutes les infractions de pollution commises en haute mer par un navire battant pavillon français. Depuis 1998, c’est la JULIS de Brest qui a traité le plus d’affaires (48 affaires traitées) suivie par celles de Marseille (22 affaires traitées) et du Havre (6 affaires traitées) alors que les JULIS de Fort-de-France et de Saint-Pierre-et-Miquelon n’en ont traitée aucune et que celle de Saint-Denis de la Réunion n’en a traité qu’une. Le TGI de Paris a été saisi de trois affaires.

La loi n°67-5 du 3 janvier 1967, modifiée par la loi n°84-1151 du 21 décembre 1984, consacre son chapitre VII à la responsabilité du propriétaire du navire. Son article 58 prévoit la possibilité pour le propriétaire du navire de limiter sa responsabilité envers des cocontractants ou des tiers si les dommages se sont produits à bord du navire ou s’ils sont en relation directe avec la navigation ou l’utilisation du navire. Il ne peut y avoir de limitation de responsabilité si le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels et qu’il est intentionnel. Ces limites de la responsabilité sont celles établies par la convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes faite à Londres le 19 novembre 1976 (art.61). Concernant les opérations d’assistance, la loi n°67-545 du 7 juillet 1967, complétée par la loi n° 84-1173 du 22 décembre 1984, relative aux événements en mer pose le principe de la limitation de la responsabilité de l’assistant au sens de la convention sur les créances maritimes de 1976, à raison des dommages corporels ou matériels en relation directe avec des opérations d’assistance ou de sauvetage ainsi qu’à raison de tous autres préjudices résultant de ces opérations.

D’autre part, la section 1 du chapitre VIII du titre premier du livre II du code de l’environnement traite de la pollution par les rejets des navires. Elle concerne les navires transportant des hydrocarbures en vrac et introduit dans le droit français les dispositions de la convention internationale du 27 novembre 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. Les dispositions répressives définies dans la sous-section 2 renvoient pour la définition des rejets à la convention MARPOL et à son article 2. En effet, la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement a permis de prendre en compte la directive 2005/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à l'introduction de sanctions en cas d'infractions de pollution. Cette directive a permis d’introduire dans le droit communautaire les dispositions de la convention MARPOL 73/78.

La loi introduit le concept communautaire de négligence grave, définie comme la faute caractérisée qui expose l’environnement à un risque d'une particulière gravité que son auteur ne peut ignorer.

L’immobilisation du navire, aux frais de l’armateur, peut être prononcée sur la base de l’article L218-30 du code de l’environnement. En cas de pollution manifestement due à un navire, son déroutement vers un port est ordonné par le préfet maritime sur proposition du procureur du tribunal maritime compétent. La levée de cette immobilisation est possible contre le paiement d’une caution qui sera affectée en tout ou partie au paiement des amendes prononcées. Cette procédure concerne les infractions aux dispositions des règles 15 et 34 de l'annexe I, relatives aux contrôles des rejets d'hydrocarbures, ou en infraction aux dispositions de la règle 13 de l'annexe II, relative aux contrôles des résidus de substances liquides nocives transportées en vrac, de la convention Marpol. Le montant moyen des condamnations est passé de 275 000 euros en 2004 à 800 000 en 2009. Le 1er juillet 2009, le tribunal correctionnel de Brest a condamné le capitaine du navire VALENTIA au paiement d’une amende de deux millions d’euros, l’armateur devant s’acquitter de 95% de cette somme, sur la base de la nouvelle hiérarchie des peines en la matière telle que modifiée depuis la loi du 1er août 2008.

En matière de coopération européenne et internationale, la France participe à plusieurs réseaux, comme le réseau de procureurs et d’enquêteurs de la Mer du Nord dont la création a été décidée en mars 2002 par les ministres chargées de la protection de l’environnement (accord de Bonn concernant la coopération en matière de lutte contre la pollution de la Mer du Nord) ou plus récemment le réseau des procureurs et enquêteurs anti-pollution en Méditerranée créé en juin 2009 et regroupant à l’heure actuelle neuf pays du bassin méditerranéen. Enfin, la France est membre du centre régional d’activité REMPEC - Regional Marine Pollution Emergency response Centre for the Mediterranean Sea. Ce centre régional méditerranéen pour l’intervention d’urgence contre les pollutions marines accidentelles s’inscrit dans le cadre de la Convention de Barcelone pour la protection de la mer Méditerranée. Il a pour mission de prévenir les pollutions marines accidentelles et veille au respect par les navires des règlementations relatives aux rejets (Marpol 73/78 et ses annexes). Une action commune de formation a ainsi eu lieu en octobre 2009.

II – LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE 2001

La pollution des mers par des hydrocarbures peut avoir de multiples origines, depuis les rejets industriels réglementés (cas d’une plateforme marine par exemple), les fuites en provenance d’installations côtières, les déversements des navires (hydrocarbures de cargaison ou de soute) ou les rejets des épaves, sans compter les fuites naturelles de gisements de pétrole ou les rejets de carburant par des avions. A titre d’exemple de ces diverses pollutions, on peut citer le cas d’une fuite sur une canalisation de raffinerie Total en mars 2008, lors du chargement d’un navire, occasionnant le déversement de 400 tonnes de fioul de soute ou encore le cas des résidus d’hydrocarbures suintant de la soute de la Frégate Laplace coulée en septembre 1950 et qui a occasionné une pollution en baie de La Fresnaye en septembre 2009, la dernière pollution datant de 2006. Ainsi les dommages survenant à la suite d’un accident en mer peuvent-il apparaître bien des années après l’évènement. Une difficulté majeure, concernant les épaves, est de disposer d’une estimation fiable des quantités d’hydrocarbures qu’elles contiennent afin de mettre en place rapidement les solutions adéquates, comme le pompage, opération qui peut laisser sur place un résidu compris entre 10 à 40% de des quantités estimées. Ces quantités ne sont pas négligeables. Ainsi, dans le cas du naufrage du paquebot estonien Estonia, ferry de près de 22 000 tjb, seules 258 tonnes d’hydrocarbures ont pu être récupérées sur 418 tonnes pour un coût de l’opération de 22,6 millions de francs. Plus récemment, le naufrage du chimiquier Ievoli Sun en 2000 présentait, outre le danger lié à la cargaison, celui du déversement de 160 tonnes de fuel lourd et 40 tonnes de diesel. Les rejets des navires, qu’ils soient navires-citernes ou navires marchands, représenteraient 25% du total des hydrocarbures retrouvés en mer. Parmi eux, les rejets accidentels représentent la part la moins importante. Selon des éléments établis par le WWF (4), les résidus des hydrocarbures de soute et huile de graissage, appelés sludges, s’élèveraient à près de 5 millions de tonnes annuellement. L’étude du WWF portant sur le port de Rotterdam faisait apparaître que seuls près de 17% de ces sludges avaient été débarqués. Autrement dit, 83% l’étaient en mer par des opérations de vidange et de déversement. La communauté internationale devait ainsi se mobiliser pour responsabiliser les acteurs. C’est l’objet de la convention Bunker signée à Londres en 2001.

Cette convention découle des engagements pris en 1982 par les États, dans le cadre de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite convention de Montego Bay, afin de prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin, dont l’article 1er, alinéa 4, définit la pollution marine comme « l’introduction directe ou indirecte, par l’homme, de substances ou d’énergie dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu’elle a ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux ressources biologiques et à la faune et à la flore marines, risques pour la santé de l’homme, entrave aux activités maritimes, y compris la pêche et les autres installations de la mer, altération de la qualité de l’eau de mer du point de vue de son utilisation et dégradation des valeurs d’agrément. » L’article 194 de cette convention appelle les signataires à prendre des mesures visant à limiter autant que possible la pollution par les navires et à prévenir leurs rejets, intentionnels ou non. Il incombe aux États de coopérer pour développer le droit international de la responsabilité en ce qui concerne l’évaluation et l’indemnisation rapide et adéquate des dommages résultant de la pollution du milieu marin et de prévoir, par exemple, une assurance obligatoire ou des fonds d’indemnisation (article 235 – Responsabilité).

Il restait à compléter le dispositif existant en matière de pollution par les hydrocarbures pour couvrir les cas de pollution causée par les hydrocarbures de soute et leurs résidus. La quantité d’hydrocarbures (combustibles et huiles) peut atteindre des quantités significatives pour des unités importantes, naviguant au long cours, pour atteindre plusieurs milliers de tonnes de combustible et plusieurs tonnes d’huile. On estime à 15 millions de tonnes d’hydrocarbures de soute les quantités circulant sur les mers, soit 10% des quantités d’hydrocarbures transportés en vrac.

La convention sur les hydrocarbures de soute a été rédigée sur le modèle de la convention CLC sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de 1992. Elle concerne les hydrocarbures de soute définis comme « tous les hydrocarbures minéraux, y compris l’huile de graissage, utilisés ou destinés à être utilisés pour l’exploitation ou la propulsion du navire, et les résidus de tels hydrocarbures ». Comme la convention CLC, elle exclut de son champ les navires de guerre et autres navires appartenant à un État ou exploités par lui utilisés pour un service public non commercial. Les dommages couverts sont à la fois le préjudice subi du fait du déversement d’hydrocarbures de soute que du fait du coût des mesures de sauvegarde et préjudices causés par ces mesures. Rappelons qu’une convention, datant de 1969 et amendée depuis, demande aux États de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et limiter les dangers graves ou imminents de pollution par les hydrocarbures à la suite d’un accident en mer.

A – Les principales dispositions de la convention

1) Responsabilité

Le propriétaire du navire est responsable de plein droit de tout dommage par pollution causé par les hydrocarbures de soute. Cette responsabilité objective peut désormais être recherchée tant auprès du propriétaire inscrit, que de l’affréteur coque nue, de l’armateur gérant ou de l’exploitant du navire. La responsabilité du propriétaire du navire est limitée et cette limitation s’étend aux organismes qui fournissent l’assurance ou la garantie financière exigible du fait de la convention. De façon parallèle à la convention CLC de 1992, des cas d’exonération de responsabilité sont limitativement prévus comme l’acte de guerre, le phénomène naturel de caractère exceptionnel et inévitable, l’action délibérée ou l’omission d’action d’un tiers, la négligence du responsable de l’entretien des aides à la navigation mais également dans le cas où le propriétaire du navire apporte la preuve d’une responsabilité de la victime. Le partage de responsabilité avec la victime peut ainsi permettre d’échapper au versement d’une indemnisation si la victime n’a pas pris les mesures préventives nécessaires. Enfin la convention ne porte pas atteinte aux droits de recours éventuels du défendeur.

A compter de l’adhésion à la convention de 2001, tout événement de pollution du aux hydrocarbures de soute qui viendrait à se produire dans les eaux sous souveraineté ou juridiction française sera nécessairement placé sous le régime de la convention puisque aucune demande ne pourra être formée autrement que sur cette base.

2) Obligation d’assurance et de certificat

Tout propriétaire inscrit d’un navire d’une jauge brute supérieure à 1000 immatriculé dans un État partie est tenu de souscrire une assurance ou une garantie financière pour couvrir sa responsabilité dans des limites définies. La garantie financière peut prendre la forme d’un cautionnement bancaire. Cette obligation s’applique également à tout navire d’une jauge brute supérieur à 1000, quel que soit son lieu d’immatriculation, qui touche ou quitte un port du territoire de l’État ou une installation située au large dans sa mer territoriale. Elle n’est exigible que du propriétaire inscrit. L’intérêt d’une assurance obligatoire est de transférer sur les assureurs une partie du contrôle de la bonne marche des navires, par le refus d’assurance qu’ils peuvent opposer (ou par un montant de prime dissuasif) pour un bâtiment qui ne serait pas conforme ou qui présenterait un défaut manifeste d’entretien et de maintenance.

Un certificat d’assurance ou autre garantie financière en cours de validité est délivré par l’État selon un modèle annexé à la convention. Ce certificat peut être délivré tant aux navires immatriculés dans l’État partie à la convention qu’aux navires non immatriculés dans cet État.

Dans le cas d’un navire immatriculé dans un État partie, seule l’autorité compétente de cet État peut délivrer le certificat. Ce certificat doit se trouver à bord du navire et une copie doit être déposée auprès de l’autorité compétente (celle du registre d’immatriculation du navire ou, à défaut d’immatriculation dans un État partie, celle ayant délivré le certificat).

Pour les autres navires, l’obligation d’assurance ou de garantie financière ne concerne que les navires faisant escale. Tout navire transitant dans les eaux d’un État partie n’est donc pas soumis à l’obligation d’assurance et de certificat. Le contrôle de conformité repose de fait sur les autorités portuaires.

En cas de sinistre et d’absence d’assurance, l’indemnisation sera fonction de la solvabilité du propriétaire du navire. En outre, en cas d’assurance mais d’absence de certificat conforme à la convention, les victimes ne pourront disposer d’un droit de recours direct contre l’assureur qui pourra leur opposer toutes les défenses qu’il aurait opposées au propriétaire du navire (comme par exemple le non respect par l’exploitant des conditions requises par la police d’assurance en matière de sécurité).

Enfin, un État peut décider de dispenser d’assurance obligatoire les navires exploités uniquement sur son territoire, y compris sa mer territoriale.

Concernant la fiabilité de l’assureur, plus de 90% de la flotte mondiale est assurée par les mutuelles d'assurance dites P&I, regroupées dans l'International Group of P&I. Les certificats fournis par ce groupe sont considérés comme fiables. Il peut cependant y avoir des certificats émis par des opérateurs marginaux à la fiabilité incertaine. Il n’existe pas actuellement de liste noire de tels assureurs établie par l’OMI.

3) Demande en réparation et indemnisation

A l’heure actuelle, la responsabilité du propriétaire relève en France du droit commun : obligation de réparation d’un dommage de son propre fait ou de celui des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde (articles 1382 et 1384 du code civil).

En matière civile, c’est la convention de 1976, modifiée en 1996, sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, dite convention LLMC- Limitation of Liability for Maritime Claims, qui sert de référence pour la limitation de la responsabilité. Pour la convention Bunker de 2001, le montant de responsabilité défini ne lui est pas propre, contrairement à la convention CLC de 1992 ou à la convention HNS de 1996 sur les substances dangereuses. Il est adossé à celui calculé conformément à la convention LLMC. Ce sont les règles de limitation de responsabilité de cette convention qui s’appliquent dans leur ensemble. La convention LLMC vise à faciliter le règlement des litiges en matière de commerce maritime et distingue trois types de créances, celles pour les dommages aux biens ou tout préjudice relatif à l'exploitation du navire, celles pour mort ou lésions corporelles des personnes dont l'activité est liée à celle du navire et celles pour mort ou lésions corporelles des passagers. Une définition plus étendue de la créance maritime avait été formulée dans la convention de 1999 sur la saisie conservatoire des navires, prévoyant dans son article 1er que le terme recouvrait également les dommages causés ou risquant d’être causés par le navire au milieu, au littoral ou à des intérêts connexes et aux mesures prises pour prévenir, réduire ou éliminer ces dommages, au coût des mesures raisonnables de remise en état du milieu et aux pertes subies ou risquant d’être subis par des tiers en rapport avec ces dommages. Cette convention n’est pas entrée en vigueur.

La limitation de responsabilité est fonction de la jauge du navire et du type de dommage. Elle exclut du régime de limitation les cas de faute inexcusable ou intentionnelle du propriétaire du navire (art. 4), auquel cas la responsabilité du propriétaire est illimitée. Le plafonnement de l’indemnisation est l’une des spécificités du régime international de responsabilité maritime. La convention LLMC pose le principe du droit à limitation (Chapitre 1er – Le droit à limitation) pour les propriétaires de navires et les assistants (opérations d’assistance ou de sauvetage). L’assureur qui couvre la responsabilité est en droit de se prévaloir de la limitation dans la même mesure que l’assuré lui-même et il n’est tenu qu’à hauteur du plafond de la convention LLMC modifiée. Dans le cas où l’assureur invoque la faute intentionnelle du propriétaire du navire, les victimes devront rechercher une indemnisation auprès du propriétaire du navire (propriétaire inscrit, exploitant, affréteur coque nue ou armateur gérant).

Un protocole de 1996 a permis de relever les plafonds de la convention LLMC de manière conséquente. Il a aussi permis de définir une procédure simplifiée de révision des montants ne nécessitant pas la convocation d’une conférence internationale. Cette révision reste très encadrée puisque elle ne peut être enclenchée qu’à la demande de la moitié au moins des Etats parties au protocole, avec un minimum de six. La procédure ne peut être utilisée que tous les cinq ans et les augmentations des plafonds effectuées par voie d'amendement sont limitées à 6% par an à compter de la date d'ouverture du protocole à la signature. La révision doit être validée par une majorité requise de deux tiers des Etats parties.

Limitation de responsabilité - Protocole de 1996

tjb : tonneaux jauge brute

 

Atteintes aux personnes

Autres créances

De 0 à 2 000 tjb

2 millions DTS

1 million DTS

De 2 001 à 3 0000 tjb

800 DTS / tjb

400 DTS / tjb

De 30 001 à 70 000 tjb

600 DTS / tjb

300 DTS / tjb

> à 70 000 tjb

400 DTS / tjb

200 DTS /tjb

Droits de tirage spéciaux (DTS) au  20 novembre 2009 : 0,97 euro

En comparaison, la convention HSN prévoit que le propriétaire du navire est normalement en droit de limiter sa responsabilité financière à une somme s’établissant entre 10 millions et 100 millions de droits de tirage spéciaux (DTS) en fonction de la jauge brute (tjb) du navire.

La convention Bunker organise les modalités de demande en réparation et de défense. Cette demande peut être formée par la victime directement contre l’assureur ou contre la personne ayant donné une garantie financière couvrant la responsabilité du propriétaire. La convention de 2001 permet au défendeur de se prévaloir de tous les moyens de défense que pourrait invoquer le propriétaire du navire, excepté la faillite et la faute intentionnelle de celui-ci. L’exclusion de la faillite est importante tant on sait que les insolvabilités et les faillites peuvent être organisées pour échapper à ses responsabilités en matière de pollution.

La question de l’évaluation du dommage subi se pose lorsque l’on considère la nature hétérogène des dommages (santé, économie, environnement), d’autant que leurs effets délétères peuvent apparaître de façon tardive par rapport à l’événement.

Même si la victime n’a pas à apporter la preuve d’une faute du propriétaire du navire, elle doit néanmoins apporter la preuve que le préjudice qu’elle a subi provient bien des hydrocarbures de soute de tel navire. Sauf en cas de pollution manifeste et de grande ampleur, suite à un accident par exemple, il est évident que cette preuve peut être difficile à apporter et qu’en outre le lien de causalité peut également être difficile, voire impossible, à établir. Enfin, si la demande en réparation peut être présentée directement à l’assureur, cet assureur peut ne pas avoir de représentation en France. Bien sûr, l’indemnisation potentielle doit être d’un montant supérieur à celui du coût de la démarche pour qu’elle vaille la peine d’être entreprise.

4) Prescription

Les dispositions de la convention Bunker sont identiques à la convention CLC de 1992. L’action en justice doit être intentée dans un délai de trois ans à compter de la survenance du dommage pour ouvrir droit à indemnisation. Aucune action en justice ne peut en outre être intentée après un délai de six ans.

5) Tribunaux compétents et exécution des jugements

Comme la convention CLC, la convention Bunker affirme la compétence exclusive des tribunaux des États parties à la convention et la reconnaissance par tout Etat partie d’un jugement rendu par ces tribunaux, à condition qu’il n’y ait plus de voie de recours ordinaire. Le jugement est alors exécutoire dans chaque État partie.

6) Cohérence avec le droit européen

La convention ne permettant pas à une organisation internationale de devenir partie et du fait du règlement (CE) n°44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale et attribuant à la Communauté européenne une compétence exclusive en ce domaine, une décision du Conseil du 19 septembre 2002 a autorisé les États membres de l’Union à signer et ratifier la convention de 2001, en leur recommandant de la signer avant le 30 septembre 2002 et de mener à terme dans un délai raisonnable leur procédure de ratification. Les États de l’UE s’engagent à déclarer à cette occasion que les décisions rendues au titre de la convention internationale de 2001 par un tribunal de tout État membre de l’UE, à l’exception du Danemark qui n’est pas lié par le règlement n° 44/2001, sont reconnues et exécutées dans le pays signataire de ladite convention conformément à la réglementation communautaire interne. Il est vraisemblable que la Communauté cherchera à terme à faire évoluer la convention Bunker pour pouvoir y adhérer.

Par ailleurs, la directive 2009/20 du 23 avril 2009 portant sur la responsabilité des propriétaires des navires devrait être transposée avant le 1er janvier 2012, sans doute dans le cadre de la transposition du troisième paquet Erika III sur la sécurité maritime. Cette directive établit une obligation d’assurance des propriétaires de navires d’une jauge brute supérieure ou égale à 300. Cette assurance doit couvrir les créances maritimes soumises à limitation au titre de la convention LLMC de 1996.

B – Quelques réserves sur la pertinence du dispositif choisi

1) Le montant des indemnisations et la référence à la convention LLMC

Il faut regretter que le montant d’indemnisation soit indépendant de la convention Bunker elle-même, tributaire d’une autre convention. A titre de comparaison, la convention Hydrocarbures de 1992 prévoit, dans son article 15, une procédure pour la modification des limites de responsabilité à la demande d’un quart au moins des États contractants alors que la moitié au moins des États contractants est requise pour une demande de révision de la convention LLMC dont dépend la convention Bunker.

Le sinistre en mars 2009 du Pacific Adventurer, transportant du nitrate d’ammonium, qui a provoqué une marée noire à la suite de la fuite du réservoir du navire, a démontré la nécessité de réviser les plafonds, les coûts de nettoyage des côtes australiennes s’étant élevés à 25 millions de dollars US pour seulement 270 tonnes d’hydrocarbures de soute déversés. Un an plus tôt presque jour pour jour, en mars 2008, un incident survenu dans le détroit d’Akashi au Japon à la suite de l’abordage de trois navires, a occasionné une pollution grave due au naufrage de l’un d’entre eux. Le coût des dommages subis par les pêcheries, estimé à près de 49 millions de dollars US, dépassait largement le montant couvert par l’assurance, soit 7 millions de dollars. Cette question devrait être débattue lors du prochain Comité juridique de l’OMI en octobre 2010. Cependant, la complexité d’amendement de ce type de convention est telle qu’on peut douter de l’aboutissement d’une telle démarche avant de nombreuses années.

Enfin, le montant qui sera perçu dépend de la valeur du DTS.

2) Absence de fond complémentaire

Alors que les deux conventions de référence (CLC et HNS) créent un fond complémentaire, on ne peut que regretter qu’une telle disposition n’ait pas été prévue par la convention de 2001 alors même que les montants assurés sont d’un niveau qui peut être très vite dépassé par la réalité des coûts. Cette situation ne peut que déboucher sur un sentiment d’injustice des victimes, insuffisamment indemnisées des préjudices subis. On peut se demander comment on peut, dans ces conditions, prétendre leur assurer une « indemnisation convenable ». Seule semble être prise en considération la « limitation appropriée » du montant de la responsabilité.

3) Un nombre sans cesse croissant de certificats exigibles

En plus des cinq conventions de responsabilité de l’OMI, les navires devront à terme disposer d’un sixième certificat avec la directive européenne 2009/20 relative à l’assurance des propriétaires de navires pour les créances maritimes alors même que cette directive fait référence à la convention LLMC.

Si l’idée de présenter un certificat unique a bien été discutée au sein du comité juridique de l’OMI, il semble qu’elle ait été abandonnée pour le moment du fait de la lourdeur des procédures d’amendement de ces conventions. Une simplification serait pourtant tout à fait judicieuse, d’autant plus que la convention Bunker prévoit la possibilité de dématérialisation du certificat.

4) Faisabilité pratique

On peut enfin s’interroger sur la mise en application pratique des effets de la convention, par exemple dans le cas du naufrage d’un navire citerne dont les hydrocarbures de soute polluent les côtes et détruisent des exploitations maritimes au même titre que les hydrocarbures en vrac. Comment dans ce cas départager les dommages et faire jouer la responsabilité du propriétaire pour être indemnisé de dommages provoqués tant par la cargaison que par les hydrocarbures de propulsion ? Il aurait peut-être été plus pertinent d’amender la convention CLC et la convention HNS (qui est en cours de révision) pour y inclure les dommages par hydrocarbures de soute. Sans doute la question des plafonds d’indemnisation qui aurait du être alors relevés ont-ils amenés à choisir la solution d’un empilement de conventions.

C – L’étude d’impact de la convention de 2001

On peut regretter que l’étude d’impact qui nous a été fournie à l’occasion de l’examen de ce texte ne fasse aucune mention des sinistres d’importance causés par des hydrocarbures de soute dans le monde, bien qu’elle laisse entendre que ces pollutions puissent être d’un niveau significatif (exemple pris du CMA CGM Fidelio nécessitant pour une autonomie d’une quarantaine de jours, 12 000 tonnes de soute, à comparer aux 30 000 tonnes de l’Erika).

Elle ne nous donne aucune indication sur les Etats parties à la convention ayant délivré le certificat d’assurance Convention Bunker aux 270 navires battant pavillon français, la France n’y ayant pas encore adhérée.

L’impact sur la préservation de l’environnement aurait mérité d’être développé de manière plus conséquente, eu égard notamment aux effets d’une responsabilité limitée et d’un montant lui aussi particulièrement limité sur les comportements des acteurs.

Enfin, comme on l’a vu précédemment, on peut regretter que l’étude d’impact n’ait pas pris en compte les conditions et la faisabilité de l’impact de cette convention en coordination avec celui des autres conventions internationales (CLC et HNS).

CONCLUSION

Le retard pris par notre pays dans la ratification de la convention sur les hydrocarbures de soute a des conséquences pratiques pour les 270 navires de plus de 1000 tonnes battant pavillon français qui ne disposent pas du certificat leur permettant de faire escale dans un pays partie à la convention. Une question écrite du sénateur M. Robert Navarro au sujet de ce retard a reçu une réponse en mai 2009 qui fait porter sur la concertation interministérielle les raisons de ce retard pour lequel des mesures transitoires ont du être prises pour éviter de pénaliser davantage nos navires. De son côté, il semblerait que depuis 2001, l’OMI ait vu ses priorités d’action davantage orientées vers la lutte contre le terrorisme commis en mer ou depuis la mer ou contre la piraterie.

Cependant les accidents tels que celui du Pacific Adventurer montre bien que l’impact environnemental des hydrocarbures de soute est loin d’être négligeable.

Il importe donc de permettre aux victimes d’obtenir une réparation qui, on l’a vu, risque néanmoins de ne pas couvrir toute l’étendue du préjudice subi.

L’autorisation de la ratification de cette convention doit être ainsi être donnée, tout en appelant à une révision rapide des plafonds d’indemnisation.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa première réunion du mercredi 20 janvier 2010.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Dominique Souchet. Dans le rapport, la longueur du délai de ratification de cette convention est imputée au temps nécessaire à la concertation interministérielle. Monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous préciser quels points ont posé problème ? Les autres pays européens ont, pour la plupart, ratifié la convention depuis longtemps. Il n’est pas normal que le processus prenne autant de temps en France alors que l’entrée en vigueur de la convention aurait des effets positifs et que le retard dans sa ratification pose des problèmes aux armateurs des navires concernés.

L’instrument du FIPOL est-il exclusivement utilisable en cas de dommages causés par des hydrocarbures de cargaison ou est-il mobilisable dans le cas de dommages dus à des hydrocarbures de soute ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. La question de la longueur des délais est relative. Depuis que cette convention a été signée, la communauté internationale a surtout mis l’accent sur les risques liés à la pollution causée par des hydrocarbures de cargaison, qui a reçu un traitement prioritaire, ce qui s’est traduit notamment par l’adoption des « paquets Erika ». Dans ces conditions, la ratification de la présente convention est apparue moins urgente.

Elle est redevenue d’actualité une fois réglée la question du traitement des risques liés aux hydrocarbures de cargaison.

Le FIPOL intervient exclusivement dans les cas de dommages causés par des hydrocarbures de cargaison. Il ne dispose pas de fonds propres destinés à couvrir les dommages causés par les hydrocarbures de soute, C’est la raison pour laquelle, dans mon rapport, je regrette que pour les pollutions par hydrocarbures de soute, il n’y ait pas eu en place un fonds propre d’indemnisation type FIPOL.

M. Michel Terrot. Bien que cela ne soit pas directement lié à l’objet de la convention, pourriez-vous, Monsieur le rapporteur, nous présenter la situation actuelle du pavillon français, quelle est notre part de marché et quelle est l’évolution du nombre des immatriculations ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Cette convention a un objet très précis et je ne suis pas en mesure de répondre à votre question sur le pavillon français. Je soulignerai néanmoins que, au cours des dernières années, sont intervenues un grand nombre de remises en ordre portant sur d’autres sujets que les pollutions. Les compétences sont de plus en plus européennes et internationales, avec l’OMI, malgré les difficultés auxquelles se heurtent toutes prises de décisions en son sein.

M. Jean Grenet. Dans la mesure où je suis élu d’une circonscription littorale qui a été victime de la catastrophe du Prestige et où j’ai été membre de la commission d’enquête sur le sujet, je suis très sensible aux questions des pollutions maritimes. Le dégazage est-il considéré comme une pollution de soute ?

Je m’interroge aussi sur le champ d’application de cette convention qui exclut les navires appartenant aux Etats, et en particulier les navires de guerre. Qu’est-ce qui justifie ce traitement particulier ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Les dommages causés par les dégazages sont en général nettement moins dangereux que ceux qui résultent de pertes de cargaison, même s’ils peuvent dans certains cas être importants, comme se fut le cas au Japon, où les principales victimes ont été les pêcheurs. Dans le cas des pêcheurs qui sont victimes et ne peuvent plus vivre du produit de leur pêche, ils ne savent malheureusement souvent pas comment faire pour être indemnisés. Parmi les cas de dégazages, il faut distinguer les dégazages de produits de soute et les dégazages de citernes de cargaison. Une enquête doit déterminer dans laquelle de ces situations on se trouve afin que le FIPOL indemnise s’il s’agit d’un dégazage de citerne de cargaison et que le mécanisme de la convention «Bunker » intervienne s’il est avéré que c’était un dégazage de produits de soute.

En ce qui concerne les navires de guerre, ils sont, pour des raisons de souveraineté nationale, systématiquement exclus du champ d’application des conventions internationales, qui se limitent aux navires de commerce.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 1792).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (convention « Hydrocarbures de soute ») (ensemble une annexe), adoptée à Londres le 23 mars 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1792).

© Assemblée nationale

1 () Allemagne, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pologne, Royaume-Uni, Slovénie. L’Italie et les Pays-Bas ont indiqué être en cours de ratification.

2 () Le sous-comité de la pollution des mers est devenu depuis le Comité de la protection du milieu marin (MEPC), placé au même niveau que le Comité de la sécurité maritime. Il est en charge des questions en lien avec la pollution des mers.

3 () Loi fédérale de 1990 - Oil Pollution Act, adoptée à la suite du naufrage de l’Exxon Valdez. Elle met en place un second niveau d’indemnisation, l’Oil Spill Liability Trust Fund.

4 () « 2003 : 20 Prestige souilleront la Méditerranée cette année, rapport sur la pollution marine et les dégazages sauvages en Méditerranée », WWF, janvier 2003.