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N
° 2273

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 février 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n°2213, autorisant l’approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine,

par M. Eric RAOULT

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – LE CONTEXTE JUDICIAIRE ENTRE LA FRANCE ET LA REPUBLIQUE DOMINICAINE 7

A – LE CONTEXTE HUMAIN 7

B – LE CONTEXTE JURIDIQUE 8

II – LE CHAMP D’APPLICATION ET LES CONDITIONS POSÉES À L’EXERCICE DU DROIT AU TRANSFEREMENT 9

III – LA PROCEDURE DE TRANSFEREMENT 11

CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

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ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 17

Mesdames, Messieurs,

Un simple rappel de l’actualité de ces tout derniers mois est utile pour montrer la pertinence du projet de loi qui est aujourd’hui proposé à la Commission des affaires étrangères. Chacun a en mémoire la douloureuse affaire Florence Cassez, condamnée à une très lourde peine et détenue au Mexique depuis déjà plusieurs années. Le dossier semble actuellement dans une impasse, malgré les efforts du Président de la République qui s’est saisi personnellement du dossier.

Cette affaire illustre à sa manière parfaitement l’importance d’accords bilatéraux en matière judiciaire pour permettre à nos ressortissants de pouvoir purger leur peine dans notre pays. D’autres cas existent ailleurs qui, pour être moins médiatiques, n’en sont pas moins autant de drames personnels et familiaux comparables.

Le projet de loi qui est soumis à notre examen autorise l’approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine. Elle a été signée à Saint-Domingue le 13 novembre dernier.

Son entrée en vigueur offrira notamment à ces détenus la possibilité de se rapprocher de leur famille et de bénéficier d’un environnement dont ils sont également plus proches.

Votre rapporteur se propose de vous donner quelques éléments de contexte avant de vous présenter le contenu et le mécanisme de cet accord.

I – LE CONTEXTE JUDICIAIRE ENTRE LA FRANCE ET LA REPUBLIQUE DOMINICAINE

Un petit nombre de nos ressortissants seulement sont concernés, qu’ils aient été condamnés et soient actuellement détenus ou qu’ils soient sous le coup de poursuites en attente de jugement.

A – Le contexte humain

Après que le Président de la République dominicaine, Leonel Fernández, eut gracié à la mi-décembre deux jeunes françaises, 19 de nos compatriotes, dont 9 d’entre eux sont des femmes, sont encore détenus à Saint-Domingue alors que 40 Dominicains purgent actuellement leur peine en France.

A l’instar des jeunes filles qui ont été récemment graciées, ce sont des détenus jeunes : la grande majorité avait moins de 25 ans au moment de leur arrestation et certains même, moins de 20 ans. Ils ont tous été condamnés pour trafic de drogue. Les trois autres Français actuellement poursuivis le sont également pour les mêmes chefs d’inculpation, qui sont passibles de lourdes condamnations : les détenus français ont été condamnés à des peines allant de 5 à 12 ans d'emprisonnement.

L’éloignement de la République dominicaine de la France entraîne pour les prisonniers des conditions de détention psychologiquement difficiles, ne serait-ce que parce que le prix des billets d’avion, de l’ordre de 1000 euros, empêche les visites fréquentes et régulières pour les familles modestes.

D’autre part, cet éloignement gêne aussi considérablement la préparation de la réinsertion de nos compatriotes condamnés que la République dominicaine n’a pas les moyens de faciliter.

En résumé, la situation existante pose un problème humanitaire et la convention de transfèrement permettra d’offrir à nos ressortissants condamnés en République dominicaine de meilleures conditions de détention, en leur permettant notamment de recevoir plus facilement des visites de leurs proches.

Ces derniers pourront aussi bénéficier d’une meilleure préparation de leur réinsertion, en bénéficiant des dispositifs d'accompagnement, des mécanismes d'individualisation de la peine prévus par le droit français : réductions de peine, semi-liberté, permissions de sortie, libération conditionnelle...

En d’autres termes, le rapprochement des détenus de leur environnement familial, professionnel et social, que permettra l’adoption et l’application de cette convention est un facteur très positif.

B – Le contexte juridique

La France a proposé à la République dominicaine d’adhérer à la convention de transfèrement du Conseil de l’Europe du 21 mars 1983, pour compléter le dispositif d’entraide judiciaire en matière pénale existant entre les deux pays.

Jusqu’à aujourd’hui, ce dispositif est composé de deux conventions bilatérales. La convention d’entraide judiciaire pénale du 14 janvier 1999, d’une part, et la convention en matière d’extradition du 7 mars 2000, d’autre part.

En matière de transfèrement, il n’existait cependant aucun accord, et les ressortissants de chacun des deux Etats condamnés à une peine privative de liberté dans l'autre doivent accomplir l’ensemble de leur peine dans les prisons de l'Etat dans lequel ils ont été condamnés.

La convention signée le 13 novembre 2009 est un texte des plus classiques, bâtie sur le modèle de celle conclue, par exemple, entre la France et le Paraguay le 16 mars 1997, elle-même largement inspirée de la Convention européenne de transfèrement du 21 mars 1983.

II – LE CHAMP D’APPLICATION ET LES CONDITIONS POSÉES À L’EXERCICE DU DROIT AU TRANSFEREMENT

Les personnes concernées par la convention de transfèrement sont celles qui, ressortissantes de l’une des deux Parties signataires, ont été condamnées à une peine de prison dans l’autre pays. A condition qu’il leur reste au moins six mois de détention à purger, elles ont la possibilité de demander, soit à leur pays, soit aux autorités judiciaires du pays dans lequel elles sont détenues, d’être rapatriées dans leur pays pour y effectuer leur peine. Les deux Etats peuvent également demander eux-mêmes le transfèrement.

La convention pose quelques conditions à l’exercice de ce droit.

Le jugement, en premier lieu, doit être définitif et aucune autre procédure ne doit être pendante dans l’Etat de condamnation.

Il faut encore que le condamné consente au transfèrement. Dans les cas où l’état physique ou mental du détenu, de l’avis de l’une des deux Parties, rend nécessaire le transfèrement, c’est son représentant légal qui est habilité à donner son consentement.

Il faut également que les actes incriminés qui ont justifié la condamnation soient également constitutifs d’une infraction pénale dans le pays d’exécution. Dans le même temps, en application du principe “non bis in idem”, un condamné transféré pour l’exécution d’une peine ne peut être poursuivi ou condamné dans l’Etat d’exécution pour les mêmes faits que ceux qui ont donné lieu à un jugement dans le pays de condamnation.

Si les Parties signataires s’engagent à la coopération la plus large possible en matière de transfèrement de personnes condamnées, le droit au transfèrement n’est pour autant pas automatique.

En premier lieu, tant l’Etat de condamnation que l’Etat d’exécution doivent faire connaître leur accord. Ils peuvent notamment refuser le transfèrement dans deux hypothèses: lorsque l’Etat de condamnation considère qu’il porterait atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité ou à son ordre public ou si le condamné n’a pas acquitté les frais, dommages et intérêts ou amendes et autres condamnations pécuniaires qui lui ont été fixés par le juge.

En d’autres termes, cette procédure suppose un triple consentement : celui du condamné et celui de chacun des Etats concernés.

Concrètement, c’est en France le ministère de la justice qui sera chargé de l’application de cette convention et en République dominicaine le ministère public.

III – LA PROCEDURE DE TRANSFEREMENT

L’existence de cette convention entraîne plusieurs obligations pour les Parties signataires. En premier lieu, celle de fournir des informations aux condamnés. Selon l’article 5 de la convention, “Tout condamné auquel la présente Convention peut s’appliquer doit être informé par les Etats de condamnation ou d’exécution de la teneur de la présente Convention, ainsi que des conséquences juridiques qui découlent du transfèrement.”

Si un condamné exprime le souhait d’être transféré, l’Etat de condamnation doit en informer l’Etat d’exécution le plus tôt possible, dès que le jugement est devenu définitif. Les informations pertinentes, notamment l’exposé des faits ayant entraîné la condamnation, la nature, la durée et la date du début de la condamnation ainsi que les dispositions pénales en vigueur doivent être transmises à l’autre Etat.

La procédure de transfèrement est écrite dans ses différentes phases. Le condamné doit notamment être informé par écrit de toute démarche entreprise par l’Etat d’exécution ou l’Etat de condamnation ainsi que de toute décision prise par l’un ou l’autre des Etats au sujet de sa demande de transfèrement.

Au plan juridique, le condamné transféré continue de purger, dans l’Etat d’exécution, la peine ou la mesure privative de liberté qui lui a été infligée dans l’Etat de condamnation, conformément à l’ordre juridique de l’Etat d’exécution. A cet égard, l’Etat d’exécution est lié par la nature juridique et la durée de la sanction telles qu’elles résultent de la condamnation.

Cela étant, si la nature ou la durée de cette sanction sont incompatibles avec la législation de l’Etat d’exécution, ou si la législation de cet Etat l’exige, l’Etat d’exécution peut, par décision judiciaire ou administrative, adapter cette sanction à la peine ou à la mesure prévue par sa propre loi pour des infractions de même nature. Cette peine ou cette mesure correspondent autant que possible, quant à leur nature, à celle infligée par la condamnation à exécuter. Elle ne peut en tout cas aggraver, par sa nature ou sa durée, la sanction prononcée par l’Etat de condamnation, ni excéder le maximum prévu par la loi de l’Etat d’exécution. En d’autres termes, une fois le transfèrement opéré, l’exécution de la peine se poursuit conformément à la législation de l’Etat d’accueil qui n’est jamais tenu de faire exécuter une peine incompatible avec son propre droit.

Enfin, chacune des Parties peut accorder la grâce, l’amnistie ou la commutation de la peine conformément à sa Constitution ou ses autres règles juridiques. Seul l’Etat de condamnation peut connaître du recours ou de l’action en révision.

Enfin, l’Etat d’exécution doit mettre fin à l’exécution de la condamnation dès qu’il a été informé par l’Etat de condamnation de toute décision ou mesure qui a pour effet d’enlever à la condamnation son caractère exécutoire.

CONCLUSION

Au terme de cette présentation, votre rapporteur vous recommande naturellement d’approuver ce projet de loi.

Même si cette convention de transfèrement entre la République dominicaine et la France ne concerne qu’un nombre heureusement limité de ressortissants de nos deux pays, son entrée en vigueur permettra d’humaniser le régime d’exécution de leur peine et de contribuer à leur réinsertion dans leur société respective.

Rappelons qu’il s’agit en l’occurrence d’une population jeune concernée par cette situation carcérale. Votre rapporteur avait d’ailleurs appelé à la mansuétude le Président de la République Dominicaine lorsque celui-ci était venu s’exprimer devant la Commission des affaires étrangères (1).

On ne peut donc que se réjouir de la décision de grâce prise récemment au bénéfice de deux jeunes françaises par le Président Leonel Fernández et se féliciter de la signature de cette convention du transfèrement qui concerne principalement de jeunes détenus.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 3 février

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Pierre Dufau. L’intérêt de cette convention ne fait aucun doute, comme l’a justement souligné le rapporteur en mettant l’accent sur le nombre relativement important de Français dont elle permettrait d’améliorer la situation.

L’article 3 de la convention autorise à l’Etat de condamnation à refuser le transfèrement s’il considère que celui-ci porte atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité ou à son ordre public. Il me semble qu’il existe dans cette stipulation un risque de désaccord entre les Etats, voire d’arbitraire. Existe-t-il une instance juridictionnelle susceptible de trancher les désaccords de ce type ?

L’article 6 de la convention prévoit que l’Etat requis doit informer l’Etat requérant « dans les plus brefs délais » de sa décision d’accepter ou de refuser le transfèrement. Le caractère flou de cette formule ne risque-t-il pas de poser des problèmes dans le cas où la demande serait formulée peu de temps avant la fin de la peine alors que le transfèrement n’est possible que si l’intéressé a encore au moins six mois d’emprisonnement à purger ?

Enfin, pouvez-vous me confirmer M. le Rapporteur, que chacun des Etats membres peut unilatéralement dénoncer la convention ? N’y a-t-il pas un risque qu’un gouvernement différent de celui qui est actuellement au pouvoir en République dominicaine revienne sur cette convention ?

M. Eric Raoult, rapporteur. Cette convention résulte de l’adaptation d’une convention type appliquée dans un grand nombre d’autres pays, certains d’entre eux sud-américains. Dans tous les cas, la décision d’accepter ou de refuser un transfèrement relève in fine de la souveraineté de chaque Etat partie.

Il est évident que le grand nombre de touristes français qui se rendent en République dominicaine et la situation du pays entre la Colombie et la Floride, qui en fait une plaque tournante du trafic de stupéfiants, sont à l’origine des problèmes rencontrés par un certain nombre de nos ressortissants. Le cas le plus fréquent est celui de personnes qui, trop insouciantes, acceptent de transporter des paquets qui leur sont confiés par des étrangers. Pour ce qui est des ressortissants dominicains emprisonnés en France, il s’agit principalement de personnes, notamment des transsexuels, qui se sont livrées à la prostitution.

Il semble que, avec l’élection du Président Leonel Fernández, la République dominicaine se soit résolument engagée sur le chemin de la démocratie et de la normalisation de ses relations avec les autres Etats et qu’un brutal revirement soit peu probable.

M. Philippe Cochet. M. le Rapporteur nous explique que la plupart des Français condamnés en République dominicaine le sont pour trafic de stupéfiants. La France ne devait-elle pas accompagner la conclusion de cette convention par la mise en place d’une coopération policière qui aurait pour objectif de traiter le mal à l’origine ?

M. Eric Raoult, rapporteur. Au cours de son récent déplacement en République dominicaine, le secrétaire d’Etat chargé de la coopération était notamment accompagné par des collaborateurs spécialisés dans la lutte contre la drogue. La question du niveau de compétence des avocats dominicains a aussi été un sujet de discussions.

Mme Marie-Louise Fort. Afin de prévenir de nouveaux problèmes pour les ressortissants français, notre pays ne devrait-il pas s’efforcer de mettre en garde les jeunes touristes en partance pour la République dominicaine contre les risques auxquels ils pourraient se trouver confronter ?

M. Eric Raoult, rapporteur. Un véritable tourisme de masse se développe en direction de la République dominicaine où se rendent beaucoup de jeunes gens qui partent avec de faibles sommes d’argent et sont prêts à accepter toutes les sollicitations de financement afin de pouvoir prolonger leur séjour. Le même type de problèmes se pose à Saint-Martin. Il serait effectivement pertinent que le gouvernement entreprenne des démarches en direction des agences de voyage afin que celles-ci sensibilisent les touristes français à ces questions.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (no 2213).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine, signée à Saint-Domingue le 13 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 2213).

© Assemblée nationale

1 () Audition du Président Leonel Fernández le 2 décembre 2009