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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 2396

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mars 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT (N° 2391), visant à proroger le mandat du Médiateur de la République,

PAR M. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER,

Député.

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Voir les numéros :

Sénat : 267, 325, 326 et T.A. 83 (2009-2010).

INTRODUCTION 5

DISCUSSION GÉNÉRALE 7

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE 9

Article unique : Prorogation du mandat du Médiateur de la République en fonction depuis le 13 avril 2004 9

TABLEAU COMPARATIF 11

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 13

MESDAMES, MESSIEURS,

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution un nouveau titre XI bis, composé d’un article unique (article 71-1), consacré au Défenseur des droits.

Afin de permettre la création de ce Défenseur des droits, le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat, le 9 septembre 2009 un projet de loi organique et un projet de loi relatifs au Défenseur des droits.

Ces projets prévoient que le Défenseur des droits regroupera les fonctions aujourd’hui exercées par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité, et, en corollaire, que ces trois institutions seront supprimées.

Or, si le Défenseur des enfants ne doit être renouvelé qu’en juin 2012 (1) et le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité qu’en décembre 2012 (2), les fonctions de l’actuel Médiateur de la République, M. Jean-Pierre Delevoye, viennent à échéance le 12 avril 2010.

Le sénateur Patrice Gélard a donc déposé le 5 février 2010 une proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République, « afin de préserver de façon transitoire le fonctionnement et l’activité du Médiateur de la République ».

Le fait que le mandat de M. Jean-Paul Delevoye vienne à échéance alors que l’examen des projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits n’a pas encore débuté au Parlement pose en effet la question de l’articulation entre la suppression du Médiateur de la République et la création du Défenseur des droits.

Deux solutions sont envisageables :

―  un nouveau Médiateur de la République serait nommé, à partir du 13 avril 2010, a priori pour un mandat de six ans non renouvelable, puis l’entrée en vigueur du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits mettrait un terme à ce mandat de manière prématurée en permettant au Défenseur des droits de succéder au Médiateur de la République, conformément à ce que prévoit l’article 33 du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits ;

―  le mandat de l’actuel Médiateur de la République serait prolongé de quelques mois, afin de permettre pendant ce laps de temps l’adoption définitive des projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits, et le Défenseur des droits succèderait ainsi à l’actuel Médiateur de la République.

C’est cette deuxième solution qui a été proposée par le sénateur Patrice Gélard et retenue par le Sénat.

Elle est identique à la solution qui a été retenue pour assurer la transition dans deux autres institutions que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoyait de réformer : le Conseil économique et social, dont les membres ont vu leur mandat prorogé d’au plus un an, par une loi organique du 3 août 2009 ; le Conseil supérieur de la magistrature, dont les membres devraient voir leur mandat prorogé au plus tard jusqu’au 31 janvier 2011 par un projet de loi organique en cours d’examen au Parlement (3).

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur au nom de la commission des lois du Sénat, a également justifié le choix de cette solution pour le Médiateur de la République par le fait que « le nouveau titulaire de la fonction [de Médiateur de la République] devrait à la fois assumer cette mission nouvelle et préparer sa disparition, ou plutôt son absorption, par le Défenseur des droits. Il paraît plus indiqué que cette mutation soit assurée par le Médiateur de la République dont le mandat est en cours, plutôt que par une personne qui aurait à peine eu le temps de prendre la tête de l’autorité indépendante. » (4)

L’article 2 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur fixe à six ans la durée du mandat du Médiateur de la République. Il est donc nécessaire d’adopter une disposition législative pour déroger à cette durée. L’article unique de la présente proposition de loi, adoptée par le Sénat, propose par conséquent de proroger le mandat de l’actuel Médiateur de la République jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la loi organique relative au Défenseur des droits, et au plus tard jusqu’au 31 mars 2011.

*

* *

La Commission examine, le mercredi 31 mars 2010, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à proroger le mandat du Médiateur de la République.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’engage.

M. Jean-Jacques Urvoas. Cette proposition de loi, nous dites-vous, résulte du retard pris par le Gouvernement dans la présentation de projets qui doivent faire suite à la révision constitutionnelle. Constatons, en la matière, la propension du Gouvernement à servir ses intérêts ou ceux de la majorité avant de se préoccuper des droits des citoyens, élément pourtant essentiel des propositions du comité Balladur.

Ainsi, deux mois après la révision constitutionnelle, le 17 septembre 2008, le premier projet de loi organique qui a été déposé visait à appliquer l’article 25 de la Constitution, et donc avant tout à permettre à un député ou sénateur devenu ministre de retrouver son siège après avoir quitté ses fonctions gouvernementales. Le texte a été promulgué le 13 janvier 2009. Deux jours après – c’est un constat –, M. Xavier Bertrand perdait sa fonction de ministre et pouvait redevenir député.

Le deuxième projet a été déposé le 10 décembre 2008. La loi organique a été promulguée le 15 avril 2009. Il s’agissait des modalités d’application de l’article 44 de la Constitution ; le résultat a été le « temps guillotine » qui a été imposé aux députés.

À l’inverse, nous attendons encore les lois organiques susceptibles de donner des droits supplémentaires à nos concitoyens, à l’exception de celle, certes importante, qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi, à ma connaissance, aucun texte n’a été examiné en Conseil de ministres sur la mise en application des nouvelles dispositions de l’article 11, relatives au référendum d’initiative partagée. Pourtant il y a quelques mois, le 17 décembre 2009, M. Estrosi, interrogé sur le projet de loi sur La Poste, avait déclaré ceci : « Je vous informe que début janvier, le Gouvernement déposera un texte de loi organique pour rendre applicable la réforme de la Constitution permettant le référendum d’initiative partagée ». Il est vrai qu’il n’avait pas précisé de quelle année il parlait. Peut-être s’agissait-il de janvier 2011…

De la même manière, l’article 69 de la Constitution tel qu’il a été modifié permettra demain aux citoyens de saisir le Conseil économique, social et environnemental mais, là encore, le Gouvernement n’a pas manifesté d’empressement pour proposer la législation organique nécessaire. Il a préféré nous demander de proroger, par la loi organique du 3 août 2009, le mandat des membres du CESE jusqu’au 30 septembre 2010.

Bientôt deux ans après la réforme constitutionnelle, donc, beaucoup de textes nécessaires à son application sont encore manquants. En comparaison, on peut admirer la célérité avec laquelle le même exercice avait été conduit lors de la fondation de la Cinquième République : il n’avait alors fallu que quatre mois pour que toutes les dispositions organiques soient prises.

S’agissant du texte qui nous est soumis, le rapporteur a rappelé que le sénateur Patrice Gélard avait initialement proposé de proroger le mandat du Médiateur de la République jusqu’au 31 décembre 2010. Mais lors du débat, on a vu avec surprise le rapporteur, le sénateur Jean-Pierre Vial, déposer un amendement pour repousser l’échéance au 31 décembre 2011, au motif que « rien ne garantit que les lois organiques seront promulguées à temps pour permettre au Président de la République de nommer le Défenseur avant le 31 décembre ». Cela en dit long sur l’intérêt que porte la majorité à cette nouvelle institution.

Il n’en demeure pas moins que, sur le plan de la méthode, nous ne sommes pas hostiles au fait que le mandat de l’actuel Médiateur soit prorogé.

M. Christian Vanneste. Comme on dit dans un pays voisin et de plus en plus sympathique, chi va piano, va sano. Il faut, sur ces questions, prendre du temps. Non seulement il convient de proroger le mandat de l’actuel Médiateur, mais il serait bon, à mon avis, de ne pas se précipiter pour voter la loi organique relative au Défenseur des droits.

Le Comité d’évaluation et de contrôle qui a été créé à l’Assemblée nationale a constitué une mission, dont les rapporteurs sont M. René Dosière et moi-même, sur la quarantaine d’autorités administratives indépendantes qui existent aujourd’hui. Il n’est pas interdit que l’un des axes de réflexion soit l’élargissement du champ de compétences de certaines des autorités actuelles, peut-être en allant au-delà de ce que beaucoup ont à l’esprit. Il serait un peu absurde d’adopter la loi organique sur le Défenseur des droits avant que notre mission ait terminé ses travaux et remette son rapport.

M. Philippe Gosselin. Je conteste la comparaison faite par M. Urvoas avec les débuts de la Cinquième République : nous n’avons pas changé de République ! Certes les modifications constitutionnelles apportées par la révision de 2008 sont importantes, mais il n’y a pas aujourd’hui de vide juridique… Évitons donc de confondre vitesse et précipitation, et prenons le temps, comme le dit notre collègue Vanneste, de mieux cerner le périmètre d’action que nous voulons donner au Défenseur des droits. Il me paraît sage de se donner un an pour parvenir à une solution susceptible d’être acceptée par tous.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe du Nouveau Centre considère lui aussi qu’il serait absurde de ne pas prolonger d’un an le mandat de l’actuel Médiateur, qu’on sait efficace, attentif et utile, alors que nous ne sommes pas encore en mesure de mettre en place le nouvel outil. Nous voterons donc ce texte.

La Commission passe ensuite à l’examen de l’article unique.

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique

Prorogation du mandat du Médiateur de la République en fonction depuis le 13 avril 2004

Pour permettre à l’actuel Médiateur de la République d’exercer ses fonctions jusqu’à la création du Défenseur des droits, le présent article proroge le mandat de M. Jean-Paul Delevoye, qui a été nommé Médiateur de la République à compter du 13 avril 2004 par un décret en Conseil des ministres du 5 avril 2004.

Afin de limiter la durée de cette prorogation, qui déroge à la durée normale d’exercice du mandat du Médiateur de la République, fixée à six ans par le législateur (article 2 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973), le présent article précise que la prorogation ne dure que jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la loi organique prise pour l’application de l’article 71-7 de la Constitution, et au plus tard jusqu’au 31 mars 2011.

L’expiration de la prorogation du mandat de Médiateur de la République à la date d’entrée en vigueur de la loi organique relative au Défenseur des droits s’articule avec l’article 33 du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits, qui prévoit que le Défenseur des droits succède au Médiateur à la date d’entrée en vigueur de la loi organique.

Une limite impérative à la prorogation est d’autre part fixée, afin de respecter les exigences constitutionnelles relatives au caractère limité, exceptionnel et transitoire des prorogations de fonctions ou mandats (5). Alors que le texte initial de la proposition de loi prévoyait une prorogation jusqu’au 31 décembre 2010, le rapporteur au Sénat a proposé de porter cette date butoir au 31 mars 2011. Cet allongement, destiné à éviter que le Parlement doive intervenir à nouveau, a été motivé par le fait que les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits n’ont pas encore été examinés en première lecture, qu’ils ne devraient pas faire l’objet d’un examen selon la procédure accélérée, et qu’un contrôle de constitutionnalité devra en tout état de cause être exercé sur la loi organique définitivement adoptée par le Parlement. Cet allongement permet dans le même temps de contenir la durée maximale de la prorogation du mandat de l’actuel Médiateur dans la limite d’une année.

Le délai ainsi accordé au Parlement pour examiner le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 71-1 de la Constitution peut sembler raisonnable. Compte tenu du fait que l’entrée en vigueur des dispositions relatives au Défenseur des droit devrait intervenir le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi organique (en vertu de l’article 33 du projet de loi organique), cela signifie que la publication de cette loi organique devra toutefois avoir lieu au plus tard le 31 janvier 2011.

La Commission adopte l’article unique sans modification, la proposition de loi étant ainsi adoptée sans modification.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à proroger le mandat du Médiateur de la République, dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte adopté par le Sénat

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République

Proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République

Loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République

Article unique

Article unique

Art. 2. – Cf. annexe.




Constitution du 4 octobre 1958

Art. 71-1. – Cf. annexe.

Par dérogation à l’article 2 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, la durée du mandat du Médiateur de la République en fonction depuis le 13 avril 2004 est prorogée jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la loi organique prévue à l’article 71-1 de la Constitution et, au plus tard, jusqu’au 31 mars 2011.

(Sans modification)

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Constitution du 4 octobre 1958

Art. 71-1. – Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.

Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d’office.

La loi organique définit les attributions et les modalités d’intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions.

Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.

Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement.

Loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République

Art. 2. – Le Médiateur de la République est nommé pour six ans par décret en conseil des ministres. Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l’expiration du délai qu’en cas d’empêchement constaté dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Son mandat n’est pas renouvelable.

© Assemblée nationale

1 () Mme Dominique Versini a été nommée Défenseure des enfants par un décret du 29 juin 2006 (J.O. du 30 juin 2006).

2 () M. Roger Beauvois a été nommé président de la CNDS par un décret du 31 décembre 2007 (J.O. du 1er janvier 2008), en remplacement de M. Philippe Léger nommé le 4 décembre 2006. La nouvelle nomination doit donc intervenir en même temps que le prochain renouvellement par moitié de la commission, en décembre 2012.

3 () Ce projet de loi adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 23 février 2010 (voir M. Philippe Houillon, Rapport au nom de la commission des loi, après engagement de la procédure accélérée, sur le projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 2308, 17 février 2010), est en cours d’examen au Sénat.

4 () M. Jean-Pierre Vial, Rapport au nom de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Patrice Gélard visant à proroger le mandat du Médiateur de la République, Sénat, session ordinaire de 2009-2010, n° 325, 24 février 2010, pages 7-8.

5 () Voir la décision n° 2009-586 DC du 30 juillet 2009, dans laquelle le Conseil constitutionnel vérifie que la prorogation du mandat des membres du Conseil économique et social « est limitée et revêt un caractère exceptionnel et transitoire ».