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N
° 2397

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mars 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2299, autorisant la ratification de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif à la sélection, à la mise en œuvre et au financement de deux projets d’autoroutes de la mer entre la France et l’Espagne sur la façade Atlantique-Manche-mer du Nord,

par M. Jean GLAVANY,

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – LES AUTOROUTES DE LA MER : DES PROJETS PRIORITAIRES POUR L’EUROPE, PARTICULIÈREMENT ADAPTÉS AUX LIAISONS ATLANTIQUES FRANCO-ESPAGNOLES 7

A – LES AUTOROUTES DE LA MER FONT PARTIE DES PROJETS PRIORITAIRES POUR LE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU TRANSEUROPÉEN DE TRANSPORT 7

1) Le réseau transeuropéen de transport 7

2) Les autoroutes de la mer en constituent l’une des priorités 8

B – ELLES CONSTITUENT UNE SOLUTION AUX PROBLÈMES CAUSÉS PAR L’INTENSIFICATION DU TRANSPORT ROUTIER ENTRE LA FRANCE ET L’ESPAGNE 8

1) Le développement des échanges entre la France et l’Espagne profite principalement au transport routier 8

2) Les autoroutes de la mer offrent une solution alternative respectueuse de l’environnement 10

II – UN NOUVEL ACCORD INDISPENSABLE À LA RÉALISATION DE DEUX AUTOROUTES DE LA MER FRANCO-ESPAGNOLES 13

A– L’ACCORD ADAPTE CERTAINES STIPULATIONS DE L’ACCORD DE 2006 RELATIF À LA CRÉATION D’UNE COMMISSION FRANCO-ESPAGNOLE CHARGÉE DE PROPOSER UNE SÉLECTION DE PROJETS D’AUTOROUTES DE LA MER ENTRE L’ESPAGNE ET LA FRANCE 13

B – L’ACCORD SÉLECTIONNE DEUX PROJETS D’AUTOROUTES DE LA MER 15

C – L’ACCORD ENCADRE LE FINANCEMENT DES PROJETS ET RENVOIE À DES CONVENTIONS D’EXPLOITATION POUR LEUR MISE EN œUVRE 17

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

–––––––

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 27

Mesdames, Messieurs,

La situation géographique de la France en fait un très important pays de transit pour le transport routier de marchandises entre pays européens, flux auxquels s’ajoute naturellement le transport des marchandises en provenance ou à destination de notre pays. Le développement des échanges commerciaux se traduit ainsi par une utilisation plus intense de nos réseaux routiers et autoroutiers, laquelle a d’importantes conséquences en termes de sécurité – ou plutôt d’insécurité – routière et de pollution. La France a donc particulièrement intérêt à développer les modes de transport alternatifs à la route.

C’est pourquoi, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’objectif de faire évoluer la part du fret non routier de 14 % à 25 % d’ici à 2020 a-t-il été affirmé. La loi de programmation sur la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement donne ainsi la priorité au développement des modes de transport complémentaires à la route, dont font partie les autoroutes de la mer.

L’objet du présent accord, signé entre la France et l’Espagne les 28 avril et 10 novembre 2009, est de soutenir la réalisation de deux projets d’autoroutes de la mer sur la façade Atlantique-Manche-mer du Nord (1). Bien que le processus qui a conduit à cet accord ait commencé avant le Grenelle de l’environnement, il est en parfaite cohérence avec les conclusions de celui-ci. La solution des autoroutes de la mer est particulièrement adaptée au trafic de marchandises entre la France et l’Espagne à cause des difficultés posées au transport routier par le franchissement des Pyrénées.

Votre Rapporteur va présenter le cadre du réseau transeuropéen de transport, dans lequel ces projets s’insèrent, et rappeler les étapes déjà franchies dans la réalisation de ces projets d’autoroutes de la mer. Il exposera ensuite les stipulations de l’accord.

I – LES AUTOROUTES DE LA MER : DES PROJETS PRIORITAIRES POUR L’EUROPE, PARTICULIÈREMENT ADAPTÉS AUX LIAISONS ATLANTIQUES FRANCO-ESPAGNOLES

Le transport de fret en Europe augmente chaque année, de sorte que l’infrastructure de transport ne cesse de s’étendre. Si les tendances du milieu des années 2000 se maintiennent, le transport intérieur de fret au sein des Quinze premiers Etats membres de l’Union devrait s’accroître de 70 % entre 2005 et 2020, croissance qui atteindrait jusqu’à 95 % dans les nouveaux Etats membres. De telles augmentations ne peuvent être absorbées par le système de transport actuel. Il est donc essentiel d’élaborer rapidement des systèmes alternatifs, qui combinent différents modes de transport de manière à optimiser l’utilisation des infrastructures disponibles tout en minimisant le coût global pour la société.

A – Les autoroutes de la mer font partie des projets prioritaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport

1) Le réseau transeuropéen de transport

Depuis une décision de 1996, l’Union européenne contribue au développement du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), dont les objectifs sont d’assurer une mobilité des personnes et des biens, d’offrir aux usagers des infrastructures de qualité, de s’appuyer sur l’ensemble des modes de transport, de permettre une utilisation optimale des capacités existantes, d’être interopérable dans tous ses éléments, d’être économiquement viable, de couvrir l’ensemble du territoire de la Communauté et de prévoir son extension vers les États membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE), les pays de l’Europe centrale et orientale et les pays méditerranéens.

Le réseau transeuropéen de transport comprend les infrastructures (routes, voies ferrées, voies navigables, ports, aéroports, moyens de navigation, plates-formes intermodales, pipelines de produits) ainsi que les services nécessaires au fonctionnement de ces infrastructures.

Suite aux recommandations de 2003 du groupe « Van Miert » à haut niveau sur les RTE-T, la Commission européenne a établi une nouvelle liste de trente projets prioritaires qui devaient débuter avant 2010. Leur coût total est estimé à 225 milliards d’euros. Cette liste intègre pleinement la dimension de l’élargissement de 2004 et vise à mettre en place des schémas de mobilité plus durables en concentrant les investissements sur les transports ferroviaires – qui représentent plus de la moitié des projets – et par voie d’eau.

2) Les autoroutes de la mer en constituent l’une des priorités

La mer est une ressource nettement sous-exploitée pour le transport de marchandises et de passagers. Le transport maritime offre souvent des voies plus courtes et plus rapides que la route pour desservir les régions périphériques de l’Europe. Les autoroutes de la mer constituent ainsi des itinéraires de rechange qui doivent permettre de soulager les goulets terrestres d’étranglement.

En effet, entre 1995 et 2002, la croissance du transport maritime à courte distance et celle du transport routier ont été du même ordre (25 %), le premier représentant 41 % des tonnes-kilomètres véhiculées au sein de l’Union, contre 45 % pour le second, mais le transport maritime n’a pas connu de congestion comparable à celle du transport routier. Des études ont montré que, pour de nombreuses routes, les alternatives maritimes sont compétitives en temps et en coût par rapport au transport routier.

Mais un transfert massif du réseau routier vers le transport maritime n’est réalisable que par la concentration des flux de trafic sur certaines voies maritimes, qui formeront les autoroutes de la mer. Ce concept vise à lever les barrières qui séparent les modes de transport et à organiser et mieux utiliser les ressources de transport existantes. Dans ces conditions, son succès ne dépend pas d’investissements massifs, mais des efforts concrets de coopération des différentes parties prenantes entre elles.

A travers l’un des trente projets prioritaires, l’Union soutient ainsi la réalisation d’autoroutes de la mer le long de quatre corridors clés qui ceinturent les côtes européennes : la mer baltique, l’Europe de l’Ouest (océan atlantique – mer du Nord/mer d’Irlande), l’Europe du Sud-Ouest (Méditerranée occidentale) et l’Europe du Sud-Est (mer ionienne, Adriatique et Méditerranée orientale). Les États membres sont invités à mettre en place conjointement des liaisons maritimes transnationales par le biais d’appels d’offres.

B – Elles constituent une solution aux problèmes causés par l’intensification du transport routier entre la France et l’Espagne

1) Le développement des échanges entre la France et l’Espagne profite principalement au transport routier

Même si la moitié environ des tonnages échangés par l’Espagne et le Portugal avec le reste de l’Europe passe d’ores et déjà par la mer, le trafic par voie terrestre a considérablement augmenté au cours des dernières décennies. Du fait de la différence d’écartement des voies ferrées espagnoles et françaises, les flux terrestres entre les deux pays sont quasi exclusivement routiers. Les Pyrénées sont un passage obligé : le franchissement se fait pour l’essentiel soit par Biriatou, côté atlantique, soit pas Le Perthus, côté méditerranéen.

En 2004, 6 millions de poids lourds ont franchi les Pyrénées, 2,8 millions par Biriatou, 3,2 millions par Le Perthus. Entre 1999 et 2004, la progression a été de 28 % : elle a été sensiblement plus prononcée à l’Ouest (+ 36 %), qu’à l’Est (+ 22 %). Le trafic est dû à la fois aux échanges entre la France et les pays de la péninsule ibérique et à ceux qui ne font que transiter par la France. Si les premiers étaient restés les plus importants, les seconds ont augmenté plus vite : de 38 % entre 1999 et 2004 côté basque, de 32 % côté catalan. A Biriatou, transport en transit et transport d’échange ont crû à peu près au même rythme, alors que, au Perthus, le transit était trois fois plus dynamique que le trafic d’échange. En 2004, 40 millions de tonnes de marchandises en provenance ou à destination de l’Espagne ont transité par la France, soit un tiers de plus que cinq ans auparavant. Moins d’un quart des flux d’échanges transpyrénéens s’est fait sous pavillon français, contre 60 % sous pavillon espagnol.

Le tableau de la page suivante présente l’évolution du trafic des poids lourds entre 2001 et 2008, pour chacun des points de passage en nombre de véhicules par jour, et globalement en poids de marchandises par an. On constate que le fort dynamisme enregistré entre 1999 et 2004 ne s’est pas observé au cours des années suivantes. En 2004, le trafic enregistré entre la France et l’Espagne était de 106,7 millions de tonnes, dont 40,5 au passage A8-A63 (Biriatou), 52,4 au passage A7-A9/A10 (Le Perthus) et 13,8 aux autres passages. En 2006, il est passé à 110,2 millions de tonnes, dont 44,2 au passage A8-A63 (Biriatou), 55 au passage A7-A9/A10 (Perthus) et 11 millions aux autres passages (2).

Sur toute la période 2004 et 2008, le poids des marchandises a progressé de l’ordre de 1 % et le nombre des poids lourds est resté globalement stable, autour de 20 000 par jour. La hausse du trafic a encore été relativement forte à Biriatou (proche de 10 %), alors que Le Perthus a enregistré une baisse de l’ordre de 3 %, si bien que le nombre de poids lourds franchissant chacun de ces deux points de passages s’est rapproché.

EVOLUTION DU TRAFIC DES POIDS LOURDS DANS LES PYRÉNÉES

 

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre de véhicules franchissant quotidiennement les points de passage

               

Irun vers la N.1

R.D. 912 Hendaye

936

771

842

613

651

672

848

626

Irun N.1

R.N. 10 Béhobie

970

1 038

1 131

1 885

1 008

1 007

1 072

1 406

Irun A.8

A63 Biriatou pont frontalier

6 900

7 210

7 396

7 814

7 963

8 385

8 774

8 541

Roncevalles N.135

R.D. 933 Arnéguy

120

120

85

48

49

52

49

51

Somport N.330 (tunnel)

R.N. 134 tunnel de Somport

   

255

168

126

199

200

154

Somport N.330-a

R.N. 134 col du Somport

149

158

47

37

30

21

19

19

Bossost N.230

R.N. 125 Fos

189

270

377

280

360

351

287

323

Andorra La Seu d’Urgel N.145

R.N. 22 La Croisade

243

257

252

251

237

188

149

151

Puigcerda N.152

R.N. 20 Bourg-Madame

304

280

264

301

336

303

194

205

La Jonquera A.7

A9 Le Boulou (dit Le Perthus)

8 050

8 436

8 800

9 202

9 139

9 517

9 572

8 947

PL y/c les autocars

17 861

18 540

19 449

20 598

19 899

20 695

21 164

20 424

PL de marchandises

   

19 300

20 000

19 300

20 060

20 526

19 786

Tonnage de marchandises franchissant les Pyrénées par la route annuellement

91,1

97,3

101,0

106,7

105,4

110,2

112,1

107,8

NB : PL = poids lourds

Source : Observatoire franco-espagnol des trafics dans les Pyrénées.

Les deux points de passage – et en particulier celui de l’Ouest, qui enregistre la plus forte croissance du trafic – se trouvent ainsi de plus en plus empruntés, avec tous les inconvénients, à la fois pratiques, environnementaux et pour la sécurité routière, que cela induit.

2) Les autoroutes de la mer offrent une solution alternative respectueuse de l’environnement

L’existence de ces goulets d’étranglement et la part importante des marchandises qui ne font que transiter par la France ont logiquement conduit à envisager le développement de la voie maritime, déjà utilisée mais susceptible de l’être bien davantage si les infrastructures sont adaptées.

C’est pourquoi, en février 2004, les ministres espagnol et français chargés des transports se sont engagés dans une démarche en faveur du développement des autoroutes de la mer, laquelle s’est concrétisée par la signature, le 17 octobre 2005 à l’issue d’une rencontre franco-espagnole tenue à Barcelone, d’une « déclaration d’intentions sur les autoroutes de la mer ».

Les Etats ont fixé des objectifs de transfert à moyen terme de l’ordre de 100 000 poids lourds par an, soit un objectif de report de 3 % du trafic routier passant à l’Ouest des Pyrénées (par Biriatou) pour la façade Atlantique-Manche-mer du Nord.

Ce transfert devant permettre la décongestion et la désaturation des axes routiers, la contribution de ces projets à la performance environnementale du transport est difficilement mesurable ab initio. L’impact environnemental des projets est toutefois directement lié à deux facteurs : le taux de remplissage des navires, et donc l’économie de CO2 générée par les poids lourds enlevés à la route, d’une part, la qualité et la composition des carburants maritimes utilisés, d’autre part. Selon l’étude d’impact fournie par le Gouvernement, l’objectif de report modal à terme doit permettre un gain de 450 millions de tonnes kilomètre/an, correspondant à une économie de CO2 du parcours routier de l’ordre de 25 000 tonnes/an. Les réflexions en cours au niveau mondial sur l’amélioration des carburants et des performances énergétiques des navires devraient permettre d’améliorer le bilan environnemental du transport maritime.

Une fois l’objectif fixé, l’étape suivante a consisté en la conclusion d’un accord international sous forme d’échange de lettres relatif à la création d’une commission franco-espagnole chargée de proposer une sélection de projets d’autoroutes de la mer entre l’Espagne et la France. Cet accord, signé à Paris le 9 juin 2006 et à Madrid le 3 juillet suivant, est entré en vigueur le 18 janvier 2007. Il a servi de cadre au lancement d’une consultation internationale par l’intermédiaire d’un appel à projets publié le 17 avril 2007.

Les ports d’origine et de destination n’ont pas été désignés a priori. Il appartenait aux candidats de choisir les plus pertinents au regard de leur projet. A la demande des autorités espagnoles, a été ouverte la possibilité de desservir plusieurs ports. Les ports devaient toutefois être d’importance internationale au sens du réseau transeuropéen des transports, c’est-à-dire enregistrer un volume annuel de trafic total égal ou supérieur à 1,5 million de tonnes de marchandises ou 200 000 passagers, et être, sauf impossibilité, connectés avec des éléments terrestres du réseau transeuropéen des transports. Dans la pratique, la plupart des ports de commerce entre dans cette catégorie.

S’agissant du service maritime, il a été ouvert aux bateaux sous pavillon communautaire. Il pouvait inclure des tronçons de cabotage national et être prolongé vers d’autres ports de pays membres de l’Union européenne ou être connecté avec des ports de pays tiers, sans que ces prolongements ou connexions puissent faire l’objet des subventions des Etats.

Outre leurs enjeux environnementaux, ces projets auront un impact majeur pour les ports concernés, principalement celui de Nantes-Saint-Nazaire, côté français. Votre Rapporteur a eu l’occasion d’en discuter longuement avec notre collège Marie-Odile Bouillé, qui en est l’élue.

Elle lui a expliqué que le port de Nantes-Saint-Nazaire était fortement engagé depuis l’origine pour la mise en œuvre d’une autoroute de la mer entre le terminal de Montoir de Bretagne et les villes espagnoles de Vigo et Gijon. Retenu à l’issue de l’appel à projets lancé en 2007 par les gouvernements français et espagnol, le port de Nantes-Saint-Nazaire table sur une prévision de trois départs par semaine en direction de Gijon pour les quatre premières années, l’objectif à terme étant la mise en place d’un départ quotidien. L’objectif affiché à terme est de transporter 350 000 camions chaque année.

Afin de répondre aux exigences d’un tel projet, le port s’est engagé dans la structuration d’un pôle logistique et portuaire intermodal. A cet effet, un nouveau poste roulier a été inauguré à Montoir de Bretagne, capable de recevoir simultanément deux navires dans les meilleures conditions. Le nouvel équipement a vocation à permettre le développement de la logistique intermodale dont font partie les autoroutes de la mer.

Alternative indispensable à la route et complémentaire au trafic ferroviaire, répondant aux exigences du Grenelle de l’environnement, ce projet vise également à favoriser le développement de l’activité portuaire sur la façade atlantique. Ce développement aura un impact positif sur le territoire dans le domaine de la création d’emplois. Le bassin nazairien connaît aujourd’hui une des plus graves crises dans la filière de la construction navale. Cette industrie est un moteur essentiel de la dynamique économique et sociale de la région aux côtés d’Airbus. La mise en place d’une autoroute de la mer confortera l’activité économique de cette région, la place du port Nantes-Saint-Nazaire dans le trafic maritime européen, et les engagements du territoire dans une démarche de développement durable que les chantiers STX et Airbus ont aujourd’hui intégrée dans leur fabrication (navires plus propres, positionnement sur l’éolien, matériaux composites...).

II – UN NOUVEL ACCORD INDISPENSABLE À LA RÉALISATION DE DEUX AUTOROUTES DE LA MER FRANCO-ESPAGNOLES

Le présent accord, dont la conclusion était prévue à l’article 2 de l’accord de 2006, a été signé à Madrid les 28 avril et 10 novembre 2009 (3). Comme son intitulé l’indique, il porte sur la sélection, la mise en œuvre et le financement des projets d’autoroutes de la mer entre la France et l’Espagne. En application de l’article 10 de l’accord de 2006 précité, il a vocation à se substituer à celui-ci, son entrée en vigueur mettant un terme à l’application de l’accord de 2006.

Son entrée en vigueur est aussi, tout comme la décision de la Commission européenne approuvant les régimes des aides d’Etat, une condition à l’entrée en vigueur des conventions conclues entre les deux Etats parties et chacune des sociétés exploitantes, en application de l’article 4 de chacune de ces conventions et de l’article 3 de l’accord lui-même.

A– L’accord adapte certaines stipulations de l’accord de 2006 relatif à la création d’une commission franco-espagnole chargée de proposer une sélection de projets d’autoroutes de la mer entre l’Espagne et la France

Certaines des stipulations du présent accord sont directement issues de celles de l’accord de 2006.

Les deux accords comportent le même article 1er, qui définit le terme « autoroute de la mer » comme « une offre de transport intermodal de porte à porte permettant un transfert modal significatif par la concentration de flux de marchandises sur des itinéraires maritimes, sans distorsion de concurrence contraire à l’intérêt commun ».

En ce qui concerne la commission intergouvernementale dont la création était l’objet de l’accord de 2006, l’accord de 2009 la dote de nouvelles compétences, puisqu’elle a rempli les missions qui lui avaient été attribuées auparavant, mais reprend les stipulations antérieures en ce qui concerne sa composition, sa présidence et son règlement intérieur.

Jusqu’ici chargée de proposer une sélection de projets, la commission intergouvernementale aura dans l’avenir pour missions :

– de contrôler l’exécution des conventions conclues entre les Etats parties et les sociétés exploitantes des projets retenus, de superviser la mise en œuvre et l’exploitation des services correspondant ;

– de participer à l’élaboration de tout règlement relatif aux services d’autoroutes de la mer et d’en assurer la bonne application ;

– d’émettre, à titre consultatif, des avis ou recommandations relatifs à l’exécution des conventions.

Les Etats parties pourront néanmoins déléguer tout ou partie du contrôle de l’exécution des conventions à une autre autorité de contrôle que la commission intergouvernementale. Cette stipulation ne prive nullement cette dernière de sa mission générale de contrôle de l’exécution des conventions, mais elle permettra aux Etats, en cas de besoin, de charger une autorité de contrôle spécialisée (en matière de sécurité, par exemple) d’intervenir dans son domaine de compétence.

Les stipulations relatives à la possibilité pour la commission intergouvernementale d’établir des relations avec les instances communautaires et de collaborer avec des administrations de chaque partie, tout organisme ou expert de son choix, figurent dans les mêmes termes que dans l’accord de 2006. Sa présidence reste assurée alternativement, et pour une durée de six mois, par le chef de chacune des délégations ; elle établit son règlement et peut créer des groupes de travail.

La composition de la commission est identique à celle prévue en 2006, la seule différence étant de forme, pour tenir compte du changement dans la structure ministérielle française. La commission est composée de deux délégations composées chacun de six membres, nommés respectivement par chacune des parties. Chaque délégation compte un représentant du ministère des affaires étrangères et un représentant du ministère en charge des finances (ministère chargé du budget en France et ministère de l’économie en Espagne). Les quatre autres membres représentent, côté français, le ministère chargé de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, le chef de délégation étant l’un d’eux (l’accord de 2006 prévoyait trois représentants du ministère chargé des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, dont le chef de délégation, et un représentant du ministère chargé de l’environnement) ; côté espagnol, il s’agit de deux représentants de Puertos del Estado, dont le chef de la délégation, d’un représentant de la direction générale de la marine marchande et d’un représentant du ministère du Fomento (chargé de l’aménagement).

L’accord de 2006 comprenait un article relatif au règlement des différends entre Etats parties, qui devait emprunter la voie diplomatique. L’article 6 de l’accord de 2009 porte aussi sur la consultation des parties et la résolution des litiges entre elles, mais il est nettement plus développé. Il prévoit d’abord la consultation des parties sur toute question susceptible d’être soulevée sur la mise en œuvre de l’accord entendue au sens large. Il précise ensuite que les différends entre parties sont réglés par la voie diplomatique ou à l’amiable, avant de décrire la procédure à suivre devant un tribunal de résolution des conflits, dont il fixe le mode de désignation des membres, si les différends ne sont pas réglés dans un délai de trois mois. L’accord de 2006 ne régissant que la pré-sélection de projets, il était logique que le règlement des différends entre les parties soit assuré très simplement ; il en va autrement de l’accord de 2009 dont les enjeux, notamment financiers, de la mise en œuvre sont nettement plus importants.

Il est à noter que ces stipulations concernent les seuls différends entre les deux Etats parties, alors que les différends entre une société exploitante et les Etats parties, la commission intergouvernementale ou l’autorité de contrôle relèvent de l’application de l’article 7 de l’accord de 2009, qui établit la compétence du tribunal de résolution des conflits prévu, en des termes très proches, dans chacune des conventions, à l’article 31 de la convention conclue avec la société GLD Atlantique et à l’article 27 de la convention conclue avec la société Autopista del Mar Atlantica.

B – L’accord sélectionne deux projets d’autoroutes de la mer

L’accord officialise la sélection des projets opérée à la suite de la consultation internationale lancée en avril 2007.

La commission intergouvernementale avait alors reçu quatre réponses à l’appel d’offres. Sur ces quatre réponses, deux offres n’ont pas été admises. L’une d’elles n’avait pas été déposée en Espagne comme le prévoyait le règlement de la consultation et sa lettre d’accompagnement stipulait que la documentation, déposée en France, n’était pas une offre mais une étude. L’autre ne remplissait pas les conditions formelles et de documentation requises à la suite de la demande de complément formulée par la commission intergouvernementale. La commission intergouvernementale a sélectionné les deux autres offres, qu’elle a présentées aux Etats.

Il s’agissait d’un projet entre Nantes-Saint-Nazaire et Gijon, opéré par la société GLD Atlantique, et d’un projet entre Nantes-Saint-Nazaire et Vigo, avec des prolongements vers Algéciras et Le Havre, opéré par la société Autopista del Mar Atlantica, qui est constituée par la compagnie maritime Transmediterranea en partenariat avec les ports concernés. Les ministres français et espagnol chargés des transports ont retenu ces deux projets le 27 février 2009, à l’occasion d’une déclaration commune. Lors du sommet franco-espagnol du 28 avril 2009 à Madrid, les Etats ont signé à la fois le présent accord et une convention de mise en œuvre et d’exploitation des services d’autoroute de la mer avec chacune des sociétés exploitantes, GLD Atlantique et Autopista del Mar.

L’objectif initial des projets retenus est d’offrir huit départs hebdomadaires à partir des ports français, puis quatorze après montée en charge des services. Ils recourront à des navires rouliers, conçus pour embarquer et débarquer très rapidement entre 150 et 200 camions et remorques par rotation. Le projet de GLD Atlantique repose sur des navires ro-pax (4) sur lesquels peuvent voyager à la fois les remorques, les tracteurs et leurs chauffeurs, de manière à modifier le moins possible les pratiques actuelles des transporteurs ; le projet Autopista del Mar prévoit des navires ro-ro (5) qui ne transporteront que les remorques, le transporteur devant prévoir un tracteur et un chauffeur pour le trajet avant l’embarquement et d’autres pour le trajet suivant le débarquement. Les solutions retenues ne reposent pas sur l’utilisation de conteneurs ; il n’est donc pas à craindre que ces autoroutes de la mer entraînent une augmentation du nombre déjà considérable des conteneurs perdus chaque année – plusieurs milliers, dont 3 000 officiellement déclarés perdus –, avec les conséquences négatives que ces pertes ont sur la sécurité de la navigation et l’environnement marin.

L’article 2 du présent accord rappelle brièvement la procédure de sélection des projets, dont il souligne qu’elle respecte les principes du droit international et du droit communautaire, et présente brièvement les projets retenus (ports desservis, société exploitante). Elle mentionne l’obligation de signer une convention d’exploitation entre les Etats parties et chacune des sociétés exploitantes.

LE PROJET DE GLD ATLANTIQUE

GLD Atlantique est une société détenue, via leur partenariat GLD, par la société française Louis Dreyfus Armateurs et la société italienne Grimaldi, avec une participation minoritaire des ports de Gijon et de Saint-Nazaire. Son siège social est à Suresnes.

Le partenariat GLD est à l’origine de la première autoroute de la mer française entre Toulon et Rome, qui a été opérationnelle entre 2005 et 2010. Cette expérience a permis d’identifier les conditions du succès d’un service d’autoroute de la mer :

– fréquence et visibilité – car les transporteurs sont encore attentistes, notamment à cause des échecs passés ;

– un service capable de transporter les camions accompagnés de leur chauffeur – cette solution a représenté de l’ordre de 80 % des flux entre Toulon et Rome ;

– un trajet maritime combinant un temps de transit compétitif – l’idée est que le chauffeur passe la nuit à bord, afin d’éviter toute perte de temps – et un hinterland industriel ;

– une forte implication des pouvoirs publics – c’est faute de soutiens publics suffisants (seulement de l’ordre de 4 millions d’euros sur trois ans) que l’expérience entre Toulon et Rome a dû être interrompue, les pertes au démarrage ayant été trop importantes.

Le projet porté par GLD Atlantique répond à toutes ces conditions.

Moyennant une subvention d’exploitation de 34 millions d’Euros versée sur quatre années (30 millions d’euros au total versés par les deux Etats français et espagnol, 4 millions d’euros versés par l’Union européenne au titre du programme Marco Polo II), la société exploitante GLD Atlantique s’est engagée à opérer un service maritime entre les ports de Saint-Nazaire et de Gijon, avec un navire capable de transporter des poids lourds et des passagers, à raison d’un départ dans chaque sens tous les deux jours et avec l’objectif de porter cette fréquence à un départ quotidien – ce qui nécessitera de disposer alors de deux navires. La société vise une rentabilité au terme des quatre années d’aide, laquelle suppose un taux de remplissage compris entre 60 et 70 %.

GLD Atlantique s’est déjà préparée, depuis plusieurs mois, à l’ouverture de ce service maritime. Certaines embauches et certains essais de navires seront néanmoins nécessaires avant l’ouverture du service, ce qui implique un délai d’environ deux mois entre la date à laquelle l’accord sera ratifié par les deux Etats et la date du démarrage effectif de l’autoroute de la mer. Si, du fait d’un retard des ratifications française et/ou espagnole, GLD Atlantique ne pouvait démarrer le service avant l’été, elle serait contrainte de repousser ce démarrage au début de l’année 2011 pour des raisons opérationnelles.

Source : d’après une note transmise par GLD Atlantique à la demande de votre Rapporteur.

C – L’accord encadre le financement des projets et renvoie à des conventions d’exploitation pour leur mise en œuvre

Par l’article 3 de l’accord, relatif aux droits et obligations des parties, les deux Etats s’engagent à financer les projets sélectionnés dans les conditions définies dans chacune des conventions, à mettre en œuvre les mesures nécessaires à l’entrée en vigueur des conventions et à notifier aux autorités communautaires le régime d’aides aux sociétés exploitantes.

L’article 5 du présent accord fixe à 15 millions d’euros par Etat et par projet le montant maximal des subventions publiques accordées « directement ou indirectement ». Chaque projet recevra ainsi au plus un total de 30 millions d’euros de subventions en provenance, à parité, des deux Etats parties. Côté français, les deux projets seront financés sur le budget de l’Agence de financement des infrastructures.

Les conditions dans lesquelles ces subventions sont accordées et les conditions et modalités suivant lesquelles les sociétés exploitantes assurent la mise en œuvre et l’exploitation des services (6) sont aussi fixées par les conventions.

Ainsi, le régime financier de l’exploitation est l’objet du titre III de chacune des conventions. Un article est consacré à la subvention accordée par les Etats (l’article 20 de la convention avec la société GLD Atlantique et l’article 18 de celle conclue avec Autopista del Mar Atlantica). Le dispositif n’est pas identique dans les deux conventions.

Les subventions seront versées annuellement sur une période de quatre ans pour GLD Atlantique et de cinq ans pour Autopista del Mar Atlantica
– les règles communautaires interdisent le versement de telles subventions pendant plus de cinq années. Chaque convention définit précisément les modalités d’ajustement du montant de la subvention, en particulier pour faire respecter le plafond d’aides publiques de 35 % des coûts d’exploitation du service et pour intégrer les paramètres macro-économiques – notamment le trafic constaté. La convention avec GLD Atlantique tient aussi compte des trafics réalisés dans le cadre de dispositifs de retour à bonne fortune 
(7), qui permettra, dans le cas d’un développement de l’activité plus important que prévu, d’en partager les fruits entre l’opérateur et les Etats.

Ces aides d’Etat doivent être autorisées par la Commission européenne, leur autorisation étant une condition de l’entrée en vigueur des conventions. Par sa communication du 12 décembre 2008, la Commission européenne a assoupli les plafonds instaurés par les orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime à la condition que les projets d’autoroutes de la mer aient été préalablement retenus pour bénéficier de financements communautaires, notamment au titre du programme Marco Polo II.

Pour le projet de GLD Atlantique, sélectionné en 2009 pour bénéficier d’un financement communautaire au titre du programme Marco Polo II – à hauteur de 4,17 millions d’euros au total, versés sur trois ans –, la Commission européenne a approuvé, le 27 janvier dernier, les aides d’Etat sollicitées.

Le projet d’Autopista del Mar Atlantica devrait être l’objet d’une demande d’aide au titre du même programme en 2010. S’il est sélectionné, la Commission fera ensuite connaître – en principe rapidement – sa décision sur le dispositif d’aide. Compte tenu de la nature de ce projet, au vu des objectifs du programme Marco Polo II, et de la compatibilité des aides d’Etat sollicitées avec les règles déjà définies par la Commission, le ministère chargé des transports estime que les risques de refus sont faibles.

Si ce dispositif d’aides publiques semble répondre aux attentes des sociétés chargées de l’exploitation des autoroutes de la mer, il n’était pas la seule solution envisageable pour stimuler le développement des services de ce type, comme l’a indiqué à votre Rapporteur M. Joël Batteux, le maire de Saint-Nazaire, qui a ainsi souhaité attirer l’attention du gouvernement sur la nature des aides publiques à ce projet.

Pour lui, l’objectif de réduction de transfert modal sur un axe Nord-Sud vers l’Espagne ne peut être qu’approuvé, même si l’ambition affichée reste modeste au regard du trafic potentiel.

Il observe néanmoins que l’aide apportée par les Etats est considérée comme une aide au démarrage sur quatre ans pour le projet de GLD et sur cinq ans pour le projet espagnol, mais que, pour ce dernier, aucune information ne semble annoncer un démarrage rapide à partir du grand port maritime Nantes-Saint-Nazaire.

Pour ce qui concerne la pertinence du mécanisme d’aide, la subvention du projet est basée sur une aide aux poids lourds qui est considérable (60 millions d’euros au total). Ceci représente en moyenne 240 euros par poids lourd sur la base d’une montée en puissance permettant d’atteindre 100 000 poids lourds en quatre ans (25 000 la première année, 50 000 la deuxième, 75 000 la troisième et 100 000 la quatrième année).

Selon le maire de Saint-Nazaire, une autre approche du soutien financier des Etats au projet peut être envisagée. Elle pourrait consister en la création de deux structures :

– l’une dans laquelle l’Etat et les collectivités locales seraient au capital et qui aurait en charge l’acquisition et la fabrication des navires porteurs ;

– l’autre chargée de l’exploitation commerciale des lignes.

Ainsi en cas d’insuccès du projet, tout ou partie des financements publics serait récupérable par la revente des navires de charge.

Pour mémoire, 30 millions d’euros représentent les deux tiers du coût d’un navire roulier. 60 millions d’euros représentent 3 km de ligne à grande vitesse ou 6 km d’autoroute.

L’argent investi par l’Etat dans les navires serait autant de millions d’économies réalisées sur les infrastructures, et, à la différence des routes ou voies ferrées, un navire peut se revendre. On peut plaider que, pour les autoroutes de la mer, les navires sont à considérer comme des infrastructures et un capital valorisable.

Le maire de Saint-Nazaire estime donc qu’il faut encourager les projets d’autoroutes de la mer mais être vigilant sur le mode d’accompagnement, qui doit faire en sorte que le partage du risque soit équitable entre l’exploitant privé et la puissance publique qui investit lourdement.

CONCLUSION

La réalisation du projet de la société GLD Atlantique entre Nantes-Saint-Nazaire et Gijon, dont la Commission a déjà autorisé le régime des aides d’Etat, est la plus avancée : le lancement du service, initialement prévu au premier trimestre 2010, n’attend plus que l’entrée en vigueur du présent accord ; l’objectif actuel est qu’il puisse intervenir en juin, lorsque les conditions climatiques sont idéales. Le service entre Nantes-Saint-Nazaire et Vigo, avec prolongement vers Le Havre et Algéciras, devrait pour sa part être opérationnel avant la fin de cette année.

Dans la mesure où l’entrée en vigueur du présent accord conditionne celui des conventions de mise en œuvre et d’exploitation des autoroutes de la mer et bien que la partie espagnole n’ait pas encore mené à bien cette procédure, il est urgent que notre Assemblée vote le projet de loi autorisant sa ratification. Votre Rapporteur y est favorable.

Il souhaite néanmoins attirer l’attention du Gouvernement et des autorités communautaires sur la nécessité de rester attentif aux conditions du développement des autoroutes de la mer afin d’éviter qu’il ne conduise à un transfert des nuisances de la terre vers la mer. L’intensification du trafic maritime peut en effet avoir des conséquences environnementales, notamment sur les côtes françaises de l’Atlantique, « sous le vent » de ces autoroutes, et provoquer un accroissement du danger pour la navigation. Les mesures de prévention doivent donc être renforcées.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 31 mars 2010.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Lecoq. Comme député du Havre, je suis bien sûr intéressé par ce projet. Le rapporteur a en partie répondu à ma question. Sur le thème des aides, je plaiderais plutôt pour des prises de participation : la communauté d’agglomération du Havre a par exemple fait cadeau de 30 millions d’euros à Total ; il aurait mieux valu qu’elle les place dans le capital de la société, cela aurait été plus rentable en terme de retour sur investissement.

Le type d’aide que l’on donne doit aussi être conditionné. Pour garantir la compétitivité des autoroutes de la mer, il faut regarder la rapidité, l’efficacité, la souplesse par rapport à la route. Il faut prendre en compte le coût de l’immobilisation des camions et la quantité de navettes effectuées. Qu’est-il prévu ? Ne pourrait-on envisager que le Grenelle de l’environnement prévoie de qualifier les marchandises non périssables, qui n’ont pas besoin d’un transport rapide, pour les obliger à prendre ce type de transport ? De toute façon, le Grenelle de l’environnement va diriger l’économie et le fluvial, le fer ou la mer seront les axes d’une vraie politique de transport et il devra y avoir un aspect incitatif sur les marchandises.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est une question de béotien, puisqu’il n’y a pas de port en Auvergne ! Quel est le pourcentage de marchandises qui peut transiter par mer et quelle est la position des fédérations de transporteurs, car comme l’a souligné Jean-Paul Lecoq, l’immobilisation d’un camion représente une perte pour le transporteur. Les fédérations seront-elles actionnaires de ces autoroutes ?

M. Jean-Paul Dupré. Ce projet d’autoroute océanique est intéressant. Y a-t-il une perspective identique en ce qui concerne la Méditerranée : il y a un véritable mur de poids lourds de Toulouse à Marseille le long de la côte qui pose de graves problèmes en termes de sécurité routière.

M. Jean-Pierre Kucheida. Pourquoi n’a-t-on pas créé ce mode de transport plus tôt ? A-t-on pris en compte les risques de tempêtes ? Quant aux différents points d’arrêt envisagés pour les transports de ce type, qu’en est-il des perspectives pour le Pas-de-Calais, qui voit passer beaucoup de camions de tout le pays, qu’ils aillent du Sud vers le Nord ou vice-versa ? Il s’agit de ne pas gêner le développement des axes routiers du Sud-Ouest et, en ce qui concerne les aides, on devra sans doute aller plus loin : est-il prévu qu’elles durent jusqu’à l’amortissement des opérations ?

M. Hervé de Charrette. Je suis intéressé par ce projet comme élu des Pays de la Loire. Je suis heureux qu’il voie enfin le jour après avoir traîné trop longtemps. Quel est le calendrier prévisible de ratification de l’accord et de mise en route des projets ?

M. Jean Grenet. Elu de Bayonne, je suis aussi concerné. Nous sommes victimes d’une véritable chenille processionnaire de semi-remorques sur l’A 63. Le trajet de Hendaye à Bordeaux est une expédition à grands risques et le trafic augmente chaque année de 4 à 5 %. On s’est penché que le sujet en créant un centre européen de fret à Bouguères, pour les conteneurs, mais pas les camions, ce qui a un peu amélioré les choses depuis une quinzaine d’années autour de Bayonne. Au niveau de port de Bayonne, deux expériences d’autoroutes de la mer ont été tentées par la communauté de communes de Bayonne, depuis trois ans avec l’aide de la région, sur les équipements du port et la réception des semi-remorques. Sans aide financière de l’Etat ni de l’UE, ces expériences ont duré trois mois et cela a été un échec. Nous sommes aussi concernés par le projet d’autoroute ferroviaire qui est prévu pour mai 2011. On peut remarquer toutefois que tout cela reste très marginal et que si l’on réussit à absorber l’augmentation annuelle du trafic, ce sera déjà positif. Il ne faut donc pas se faire d’illusion sur l’ampleur d’un changement qui ne sera pas déterminant.

M. Jean-Pierre Dufau. Jean Grenet a dit ce que je voulais dire. L’intérêt de ce projet suffit à plaider pour lui. Comme il a été dit, cela permettra de désengorger un peu le trafic mais ce n’est pas une alternative à la route et cela ne résorbera que le surcroît de trafic prévu d’ici à 2020. Il s’agit surtout de transports internationaux. Quelle part pourrait concerner le transport national ?

M. Jacques Myard. L’étude d’impact parle de 100 000 camions par an, soit 3 % du trafic ; il s’agit donc du chiffre vertigineux de 3,3 millions de camions au total ! Quant aux aides, la prise de participation dans le capital des sociétés est préférable et je signale qu’elle est d’ores et déjà possible sans autorisation de Bruxelles. Il n’y a que des avantages à ce système, qui permet d’aider des sociétés qui ont des difficultés à se capitaliser.

M. Michel Vauzelle. Je voudrais demander un conseil au rapporteur. Le problème est terrifiant en ce qui concerne le trafic depuis l’Italie ou d’ailleurs sur l’autoroute du sud et la Côte d’Azur. Ce type de projet est pour nous essentiel. Il y a eu des tentatives qui ont échoué faute de rentabilité, malgré les aides de la région. Que nous conseilleriez-vous pour réussir ?

M. Robert Lecou. En ce qui concerne la Méditerranée, quels sont les projets ? Le port de Tanger Med est important sur la façade atlantique. Est-il concerné par ses projets ?

Mme Nicole Ameline. Il faut que ces projets marchent, il y a eu des échecs et nous devons être persévérants sur les financements et les conditions d’optimisation de cette voie pour prouver la viabilité de la nouvelle approche du transport maritime. C’est une nouvelle culture, autour des plateformes multimodales et d’une gestion optimisée. A-t-on cette détermination ? Je suis d’accord avec Jean-Paul Lecoq sur la question de l’estuaire de la Seine. La route de l’Arctique entraînera une augmentation du trafic par le nord de l’Europe et il faut s’y préparer.

M. Jean-Claude Guibal. Quant à la Méditerranée, le trafic entre l’Espagne et l’Europe centrale est facteur de nuisances très grandes. Il existe un axe marin entre Barcelone et La Spezia, géré par des Français avec des navires rouliers. Avez-vous des indications sur cette liaison et ses résultats ?

M. Jean Glavany, rapporteur. La nature des aides telles qu’elles sont prévues dans la convention n’en fait pas des avances remboursables ; il existe cependant une forme de clause d’intéressement, puisque si le système fonctionne bien, les États pourront adapter le niveau des aides à la baisse. Je maintiens cependant mon souhait d’une prise de participation directe des États dans les entreprises de transport maritime, en lieu et place d’aides non remboursables.

S’agissant de la durée du trajet prévisible via les autoroutes de la mer, entre Saint-Nazaire et Vigo il faut compter une vingtaine d’heures, ce qui est proche du trajet par la route. Mais un important avantage de la voie maritime est de prévoir que les chauffeurs dorment sur le bateau et puissent donc reprendre la route reposés, sitôt arrivés à bon port.

Les projets méditerranéens que vous évoquez les uns et les autres ne sont pas l’objet de l’accord mais ils sont tout à fait envisageables dans le cadre du réseau transeuropéen de transport. Une expérience a d’ailleurs déjà été tentée entre Toulon et Rome, mais a dû être interrompu car la rentabilité n’était pas au rendez-vous, faute d’aides d’État. Outre ces développements futurs envisageables en Méditerranée, rendus aujourd’hui possibles grâce au programme Marco Polo II et au nouveau mode de soutien financier public ainsi permis, je veux rappeler que des prolongements des voies atlantiques sont déjà prévus : vers le Sud jusqu’à Algéciras – ce qui n’est pas très loin de Tanger – et vers le Nord jusqu’au Havre. Le Pas-de-Calais pourra donc probablement à terme profiter du dispositif.

Je partage les critiques à l’encontre de l’autoroute A 10, véritable « autoroute de la mort » à cause de l’endormissement de chauffeurs de poids lourds et des drames qui s’ensuivent régulièrement. De ce point de vue, les autoroutes de la mer représentent un réel progrès pour la sécurité des transports en général.

La mise en service de la « ligne espagnole » est envisagée avant la fin de 2010 ; quant à la « ligne française » Saint-Nazaire-Vigo, elle pourrait être en service dès le mois de juin prochain. Les prévisions de trafic se montent à 100 000 camions à terme, ce qui constitue en effet un volume marginal rapporté au total de quelque 6 millions de franchissements par poids lourd des Pyrénées, chaque année.

La condition centrale du succès d’un tel projet est évidemment de convaincre les transporteurs d’y recourir. Les informations que j’ai réunies dans le cadre de l’examen du présent projet de loi me l’ont confirmé : leur raisonnement sera purement économique. À cet égard, le critère d’une distance suffisante entre les deux points reliés – Saint-Nazaire et Vigo, par exemple – est important.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 2299).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif à la sélection, à la mise en œuvre et au financement de deux projets d’autoroutes de la mer entre la France et l’Espagne sur la façade Atlantique-Manche-mer du Nord, signé à Madrid les 28 avril et 10 novembre 2009.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2299).

© Assemblée nationale

1 () Le titre de l’accord mentionne la façade Atlantique-Manche-mer du Nord, bien que le port le plus au Nord soit Le Havre, qui est situé sur la Manche.

2 () Le détail des tonnages par point de passage n’est disponible que pour 2004 et 2006.

3 () Pour des raisons techniques, la signature française est intervenue en avril mais la signature espagnole a été différée jusqu’en novembre.

4 () De l’acronyme anglais Roll-On-Roll-Off-Passenger-ship, le ro-pax est un navire roulier accueillant des passagers.

5 () De l’acronyme anglais Roll-On-Roll-Off, le ro-ro est un navire roulier équipé de sortes de pont levés permettant de faire entrer et ressortir des véhicules, voitures et camions ; il n’accueille qu’un nombre très limité de passagers (de l’ordre d’une douzaine ou d’une vingtaine).

6 () Un tarif maritime autour de 450 euros est envisagé par GLD Atlantique pour la liaison Nantes-Gijon.

7 () L’article 20.2 définit les modalités précises de ce mécanisme : à partir de la deuxième année d’exploitation et jusqu’à la quatrième année, si le trafic annuel dépasse un seuil fixé par la convention pour chacune des années concernées, le montant de subvention peut être réduit en application d’une formule déterminée. Celle-ci diffère chaque année pour réduire au fil du temps la plage au cours de laquelle la subvention n’est pas ajustée.